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Invalidation d'�lection l�gislative - 1878
 



Paul Michaut (29 juillet 1827, Lun�ville -  27 septembre 1895, Baccarat) est ing�nieur dipl�m� de l'�cole centrale, administrateur des cristalleries de Baccarat. Maire de Baccarat en 1871, conseiller g�n�ral, il est �galement administrateur de la Compagnie des chemins de fer de l'Est et pr�sident du conseil des directeurs de caisses d'�pargne.
Elu d�put� de Meurthe-et-Moselle le 14 octobre 1877, son �lection est invalid�e le 5 f�vrier 1878

Le Figaro - 18 f�vrier 1878

Lun�ville, 16 f�vrier. Apr�s avoir donn�, le 14 octobre, � l'honorable M. Paul Michaut, chevalier de la L�gion d'honneur, conseiller g�n�ral, directeur de la cristallerie de Baccarat, une majorit� de 1,500 voix sur son concurrent r�publicain, M. Cosson, les �lecteurs de l'arrondissement se voient appel�s, le 3 mars prochain, � ratifier leur premier jugement. La Chambre l'a voulu ainsi en annulant leur vote.
Les nouvelles de l'arrondissement sont favorables � la candidature de M. Paul Michaut, et il est probable qu'il conservera sa majorit� primitive contre son concurrent.

Paul Michaut sera effectivement r��lu le 3 mars 1878 :
- Paul Michaut : 11 936 voix
- Joseph Cosson : 10 357 voix ( si�geant au centre gauche, Joseph Cosson est l'un des 363 d�put�s qui refusent le 16 mai 1877 la confiance au gouvernement de Broglie).

La base des parlementaires de l'Assembl�e nationale indique sommairement : 14/10/1877 - 27/10/1881 : Meurthe-et-Moselle - Union des Droites (3 mars 1878), sans mentionner l'interruption du 5 f�vrier au 3 mars 1878, dont les documents ci-dessous donnent l'expos� complet.


Annales de la Chambre des d�put�s
25 f�vrier 1878

M. le pr�sident. La parole est � M. Masure.

M. Gustave Masure. Messieurs, j'ai l'honneur de vous rendre compte, au nom du 7e bureau, des op�rations �lectorales qui ont eu lieu, le 14 octobre dernier, dans la circonscription de Lun�ville, d�partement de Meurthe-et Moselle.
Le nombre des �lecteurs inscrits �tait de 26.643, dont le quart est de 6,661.
Le nombre des votants a �t� de 23,087. Il a �t� d�duit 206 bulletins n'entrant pas en compte dans le calcul de la majorit�.
Il reste donc pour le chiffre des suffrages exprim�s 22,881, ce qui donne pour la majorit� absolue 11,441.
M. Paul Michaut, candidat officiel, a obtenu 12,248 suffrages et a �t� proclam� d�put� par la commission de recensement.
Son concurrent M. Cosson, d�put� sortant, candidat r�publicain, avait obtenu 10,635 voix.
(Bruit g�n�ral de conversations.)

Plusieurs membres � droite, On n'entend pas !

M. le pr�sident. Faites silence, messieurs, et vous entendrez.

M. Haentjens. Il est n�cessaire qu'on entende des rapports d'invalidation.

M. le pr�sident. Vous n'avez pas la parole, monsieur Haentjens. A force d'interrompre, vous emp�chez qu'on entende.

M. Haentjens. Je dis que quand on fait des rapports concluant � l'invalidation, on a toujours le droit de demander au rapporteur de parler de mani�re � �tre entendu. (Approbation � droite.)

M. le pr�sident. Continuez, monsieur Masure.

M. le rapporteur. Deux protestations ont �t� adress�es � la Chambre contre l'�lection de M. Michaut : l'une �mane de M. Cosson, l'autre de quarante-quatre �lecteurs de l'arrondissement.
Les faits qu'elles signalent sont � peu pr�s identiques; ils sont confirm�s, pour la plupart, par un grand nombre d'attestations individuelles et de lettres qui sont jointes au dossier.
1. - Le premier grief articul� contre M. Michaut, c'est qu'il a �t� candidat officiel. Il n'y a � ce sujet aucun doute � avoir. Le journal conservateur de Lun�ville, comprenant combien il �tait malais� de pr�senter un prot�g� de l'ordre moral � l'une de ces circonscriptions de la r�gion de l'Est, acquises depuis longtemps aux id�es r�publicaines, a bien essay� de dissimuler autant que possible le caract�re v�ritable de la candidature de M. Michaut, auquel il donnait chaque jour, en t�te de ses colonnes, le titre de �� candidat r�publicain constitutionnel. �
Ce n'�tait l� qu'une pr�caution de langage, qui a pu impressionner un nombre plus ou moins grand d'�lecteurs, mais qui ne change rien au fond des choses. M. Michaut a �t�, selon la locution consacr�e, �� le candidat du gouvernement de M. le mar�chal de Mac Mahon � et, �-ce titre, il a eu les affiches blanches.
Les auteurs des protestations �tablissent que, dans un tr�s-grand nombre de communes, principalement dans celles des cantons de Cirey et de Baccarat, tandis que les affiches de M. Michaut �taient abrit�es, � la porte des mairies, sous le grillage r�serv� aux publications officielles, les placards de M. Cosson, affiches et professions de foi, �taient syst�matiquement arrach�es. Des maires, des gardes champ�tres, des gendarmes, m�me un cur�, sont d�sign�s comme ayant pris part � ces lac�rations.
Dans plusieurs communes, le garde champ�tre a distribu� des bulletins de vote portant le nom de M. Michaut en m�me temps que les cartes d'�lecteurs. Un maire a fait annoncer, � son de caisse, que les habitants devaient voter pour le candidat officiel. Dans d'autres localit�s, il y a eu des irr�gularit�s dans la tenue et le d�pouillement du scrutin.
Durant la p�riode �lectorale, des entraves ont �t� mises par les agents de l'administration, et particuli�rement par la gendarmerie, � la distribution des imprim�s �manant du candidat r�publicain. Plusieurs distributeurs ont �t� poursuivis et condamn�s � l'amende pour avoir mis en circulation des manifestes l�galement d�pos�s au parquet.
Dans les cabarets et les auberges o� ces �crits avaient �t� d�pos�s, des gendarmes en tourn�e exer�aient une surveillance incessante; ils interrogeaient les d�bitants, les intimidaient, les mena�aient et faisaient dispara�tre les circulaires et les journaux r�publicains.
A diverses reprises, l'Eclaireur, de Lun�ville, qui soutenait la candidature de M. Cosson, a �t� saisi sans �tre ensuite l'objet d'aucune poursuite r�guli�re. Le num�ro qui parut la veille de l'�lection, et qui fut arr�t� par la police dans les villes et par les gendarmes dans les campagnes, fut seul d�f�r�, un mois apr�s, � la cour d'assises.
Disons, en passant, que le g�rant fut acquitt� par le jury.
Pendant que, par des proc�d�s injustifiables, on entravait ainsi la propagande r�publicaine, les attaques injurieuses et diffamatoires contre les 363 en g�n�ral et contre M. Cosson en particulier �taient tol�r�es et r�pandues partout. Pour les uns, r�pression � outrance ; pour les autres, impunit� compl�te.
Le procureur g�n�ral de Nancy, si vigilant contre l'Eclaireur, avouait � l'audience qu'il ne lisait m�me pas les articles des feuilles r�actionnaires.
Le Journal de Lun�ville, d�fenseur de M. Michaut, pr�sentait l'honorable M. Cosson comme le candidat �� des mauvais sujets de village, des ivrognes, des banqueroutiers, en un mot, de tous les hommes tar�s. �
Un placard du �� comit� d'arrondissement �, sign� Edmond Gu�rin, d�clarait que la r��lection des 363 patronn�s, �� par les partisans de la guerre � outrance �, par �� les gens de l'Internationale �, par �� les socialistes �, serait un danger pour le maintien de la paix.
Toutes ces calomnies, sans parler du Bulletin des communes et de libelles inf�mes sortis des officines de l'ordre moral, �taient propag�es et comment�es dans les villages par des agents z�l�s, quelquefois par des maires, par des cur�s dont quelques-uns, dans leurs sermons, dans leurs visites, dans leurs exhortations aux abords des tables de vote, ne craignaient pas de se m�ler � la pol�mique �lectorale.
Des d�placements de fonctionnaires qui ne s'expliquent que par des raisons politiques sont �galement d�nonc�s. Le commissaire de police de Lun�ville et un des inspecteurs de police d'Avricourt ont �t� brusquement �loign�s. L'instituteur de Veho a �t� envoy� en disgr�ce � Pierre-Perc�e; injustice criante que la nouvelle administration s'est empress�e de r�parer.
Ajoutons que, d�s les premiers jours de septembre, l'inspecteur d'acad�mie, connu pour sa fermet� et son d�vouement aux int�r�ts de ses subordonn�s, avait �t� mis en cong� illimit�, avec obligation de s'�loigner du d�partement, sous peine de r�vocation.
Tous ces faits, messieurs, constituent un ensemble de manoeuvres r�pr�hensibles, dont le but appara�t clairement, dont vous appr�cierez la gravit� et dont il vous appartiendra de tenir compte. Nous les voyons se reproduire, sous des formes plus ou moins vari�es, dans toutes les luttes �lectorales o� l'administration intervient en faveur de l'un des combattants ; ils sont l'accompagnement habituel et par suite la condamnation n�cessaire de la candidature officielle. Si, dans le cas qui nous occupe, nous nous sommes born� � les mentionner sommairement sans y insister, si nous n'en parlons en quelque sorte que pour m�moire, c'est que d'autres faits, plus graves encore peut-�tre, concernant d'une fa�on sp�ciale l'arrondissement de Lun�ville et mettant compl�tement en lumi�re le r�le que l'administration de combat y a jou�, nous ont sembl� r�clamer plus particuli�rement votre attention.

II. - Quelques semaines avant l'ouverture de la p�riode �lectorale, M. Le Jouteux, le sous-pr�fet que le 16 mai avait plac� � Lun�ville, ayant quitt� son poste pour aller aux eaux, M. le pr�fet de Meurthe-et-Moselle eut � pourvoir au remplacement provisoire de ce fonctionnaire. Aux termes de l'article 7 de l'ordonnance du 29 mars 1821, il devait d�signer �� un fonctionnaire de l'ordre administratif pris dans l'arrondissement ou, � son d�faut, un conseiller de pr�fecture. � Pour se conformer � la loi, M. le pr�fet Achille Delorme n'avait que l'embarras du choix entre les nombreux fonctionnaires de l'arrondissement ou, s'ils �taient tous emp�ch�s, entre les quatre conseillers de pr�fecture de Nancy.
Aucun d'eux n'aura-t-il voulu accepter la responsabilit� de la mission qu'il s'agissait de remplir � Lun�ville ? Aucun d'eux n'aura-t-il �t� jug� digne de la confiance du pr�fet ? Nous n'avons pas � le rechercher; toujours est-il que M. le pr�fet ne trouva rien de mieux � faire que de confier l'int�rim de la sous-pr�fecture � M. Gabriel Michaut, conseiller g�n�ral et fr�re du candidat officiel, M. Paul Michaut. Voil� comment l'administration se conformait aux prescriptions de la loi et aux convenances. Pendant les quinze ou vingt jours que dura l'absence de M. le sous-pr�fet Le Jouteux, qui ne revint � son poste que le 17 ao�t, M. Gabriel Michaut administra l'arrondissement o� se pr�parait l'�lection de son fr�re. Il para�t m�me qu'il s'acquitta de sa t�che de fa�on � contenter M. le pr�fet de Meurthe-et-Moselle, car nous voyons que, quelques semaines plus tard, en pleine p�riode �lectorale, il est, pour la seconde fois, charg� de l'int�rim sous-pr�fectoral. Voici ce que l'Eclaireur de Lun�ville publiait, dans son num�ro du 3 octobre ;
�� M. le sous-pr�fet Le Jouteux, parcourant en ce moment l'arrondissement de Lun�ville pour patronner la candidature officielle de M. Paul Michaut, avec une activit� d�vorante qui rappelle les beaux jours du pl�biscite de 1870, se trouve, para�t-il, dans l'impossibilit� de s'occuper des affaires administratives.
�� L'int�rim de la sous-pr�fecture a �t�, en effet, de nouveau confi� au fr�re du candidat officiel, � M. Gabriel Michaut lui-m�me. �
On comprend, au surplus, que M. Le Jouteux n'aurait pu, � lui seul, suffire � toutes les charges de sa situation, � cette �poque de tourn�es �lectorales, dans un arrondissement qui ne compte pas moins de 163 communes.
M. le sous-pr�fet les a successivement visit�es, haranguant les conseils municipaux, encourageant les maires, faisant appel au z�le de tous en faveur de la candidature officielle.

III. - Nous arrivons maintenant � une cat�gorie de faits qui d�noncent de la mani�re la plus grave et la plus flagrante l'action directe et ill�gale de l'administration dans les op�rations �lectorales.
Le 12 octobre, dans la matin�e, la d�p�che suivante �tait exp�di�e de Nancy par le conservateur des for�ts � l'inspecteur de Lun�ville :
�� Conservateur des for�ts � inspecteur des for�ts, � Lun�ville : �� Faire pr�venir imm�diatement tous les pr�pos�s, par la voie de la correspondance des gardes, qu'ils auront � se mettre � la disposition des maires pour maintenir l'ordre dans les salles de vote, s'ils sont r�guli�rement requis par les maires ou les sous-pr�fets.
�� Ils seront en grande tenue, avec les couteaux de chasse. �
Nous ne prendrons pas la peine de faire ressortir devant vous ce qu'il y a d'insolite et de contraire � la loi dans ces instructions enjoignant � des agents, dont la plupart n'�taient m�me pas �lecteurs dans la commune o� ils �taient envoy�s, de p�n�trer et de s'installer avec leurs armes dans les salles de vote. On nous a assur�, et il est vraisemblable, qu'elles �taient la reproduction d'un ordre g�n�ral adress� de Paris � tous les fonctionnaires de l'administration foresti�re. S'il en est ainsi, c'est un chapitre de plus que la commission d'enqu�te devra ajouter au recueil des actes port�s � la charge de l'ancien ministre des finances. En ce qui nous concerne, nous n'avons � nous pr�occuper que de la mani�re dont cet ordre a �t� ex�cut� dans l'arrondissement de Lun�ville, o� le candidat officiel, avant d'�tre un des grands industriels de la r�gion, a appartenu lui-m�me, en qualit� de garde g�n�ral, � l'administration des for�ts.
Le 14 octobre, conform�ment aux instructions re�ues, les gardes de l'arrondissement, en uniforme et en armes, se sont pr�sent�s dans les salles de vote, � l'ouverture du scrutin. L'ordre leur en avait �t� transmis par leurs chefs qui �taient m�me all�s au del� des instructions g�n�rales. On va voir, en effet, que les gardes se sont mis en mouvement sans avoir �t� requis par les maires. Dans plusieurs communes, sur l'invitation du pr�sident du bureau leur d�clarant que leur pr�sence �tait ill�gale et que leur concours �tait inutile, ils se seraient retir�s. A Thiebaum�nil, o� les choses se sont ainsi pass�es, le maire constate que le garde, en se retirant, a d�clar� �� qu'il rendrait compte � ses sup�rieurs. � A Vitrimont, m�me constatation du maire, qui d�clare avoir refus� d'admettre le garde et ajoute : �� Les r�sultats de la commune de Vitrimont, compar�s � ceux des autres communes, o� pareille mesure n'a pas �t� prise par les maires, sont de nature � d�montrer l'influence qu'a d� op�rer sur l'�lection du 14 la manifestation des gardes forestiers. �
Dans un grand nombre d'autres communes, et nous en citerons sur les diff�rents points de l'arrondissement, notamment Xures, Bertichamps, Crion, Moncel-lez-Lun�vllle, Pierre-Perc�e, Parroy, Badonviller, Pexonne, Laronxe, Saint-Cl�ment, Hercineuil, les gardes, avec ou sans l'assentiment des maires, sont rest�s tour � tour dans la salle et aux abords de la salle, pendant toute la journ�e, jusqu'apr�s le d�pouillement du scrutin. On en cite un qui, � Crion, bien qu'�tant �tranger � la commune, a si�g� au bureau et a sign� le proc�s-verbal. On en cite plusieurs qui, malgr� le maire, ont persist� � rester dans la salle.
Voici, � ce sujet, une d�claration de M. Xoval, propri�taire et conseiller municipal � Moncel-lez-Lun�ville, habitant la commune depuis plus de trente ans :
�� Je soussign�, etc., certifie que, le 14 octobre 1877, � l'occasion du scrutin, se sont pr�sent�s le brigadier Thomas et le garde Menigoz, habitant les maisons foresti�res de Mondon, lesquels ont d�clar� au maire qu'ils venaient par ordre de leurs chefs pour lui pr�ter main-forte.
�� Le maire leur ayant d�clar� que leur pr�sence �tait inutile, sans toutefois leur donner l'ordre formel de se retirer, ils sont rest�s dans la salle une partie de la journ�e.
�� Or, jamais, � ma connaissance, pareille intervention ne s'�tait produite � aucune �lection dans cette commune. �
Une d�claration du maire d'H�rim�nil constate les m�mes faits.
Le maire de Laronxe s'exprime en ces termes :
�� Il est de mon devoir d'honn�te homme, dans l'int�r�t de la v�rit�, de porter � votre connaissance que l'agent forestier Raucelaut, domicili� en notre commune, a assist� en grand uniforme et en armes, toute la journ�e du 14 octobre dernier, dans la salle m�me o� votaient les �lecteurs. J'avais pr�venu cet agent que je n'avais pas besoin de sa pr�sence; que, si elle devenait n�cessaire, je le ferais appeler. Mais, en pr�sence des ordres qu'il m'a dit avoir re�us de ses sup�rieurs, il a jug� � propos de ne tenir aucun compte de mon dire. �
Et le maire de Laronxe ajoute :
�� Je certifie qu'il va y avoir trente-deux ans que j'exerce les fonctions de maire dans cette commune, et que je n'y ai jamais vu aucun agent de l'administration foresti�re ou de toute autre assister en uniforme et en armes dans la salle o� se trouve le scrutin.
�� Le fait qui s'est pass� lors de l'�lection du 14 octobre dernier est sans pr�c�dent dans notre d�partement, et tout homme impartial peut affirmer, sans crainte de se tromper, que, si les �lections s'�taient faites librement, le candidat r�publicain e�t obtenu une grande majorit� dans notre arrondissement. �
Vous le voyez, messieurs, l'intervention �lectorale des gardes forestiers �tait un fait absolument nouveau dans l'arrondissement de Lun�ville. Jamais, m�me sous l'empire, on n'avait mis en oeuvre un pareil moyen de pression.
Rien n'expliquait ce d�ploiement inusit� d'hommes arm�s dans une circonscription paisible o� aucun trouble n'�tait � craindre et o� l'ordre le plus complet accompagne toujours les op�rations du suffrage universel. L'effet qu'il a produit sur les populations des campagnes et l'influence qu'il a eue sur les r�solutions des �lecteurs sont d'autant plus grande que, dans ces pays bois�s, tous les habitants, b�cherons, cultivateurs, terrassiers, - depuis le plus pauvre pour le bois qu'il ramasse, jusqu'au plus ais�, g�n�ralement adjudicataire de coupes, - sont en relations journali�res avec les agents des for�ts et souvent dans leur d�pendance. On voit que l'administration, en donnant ses instructions aux gardes, avait bien calcul� les r�sultats qu'elle en pouvait attendre.

IV. - Pour compl�ter l'expos� des griefs articul�s dans les protestations, il nous resterait � signaler les tentatives de pression qui auraient �t� faites sur les ouvriers attach�s aux �tablissements industriels de Cirey, dirig�s par M. Chevandier de Valdr�me, ancien ministre de l'empire, et � la cristallerie de Baccarat, dont M. Michaut est l'administrateur. Plusieurs d�clarations tendent � faire croire que, par suite de certaines interventions se produisant jusque dans les salles de vote, les ouvriers employ�s dans les ateliers de Cirey et de Baccarat et les personnes qui vivent dans la d�pendance de ces grandes usines n'ont pas eu partout la libert� de leur vote. Intervention directe de plusieurs chefs des ateliers de Cirey aupr�s des ouvriers, pr�sence d'un des fils de M. Michaut au scrutin de Deneuvre, renvoi d'un contre-ma�tre des ateliers de Baccarat, telles font quelques-unes des indications que fournit le dossier et auxquelles il y aurait lieu de nous arr�ter, si les faits g�n�raux de pression administrative n'�taient pas d�j� suffisants pour fixer notre opinion sur le caract�re de l'�lection.
D'un autre c�t�, M. Michaut, entendu par la sous-commission du 7e bureau, proteste contre l'exactitude de ces indications, et d�clare que rien n'a entrav� la libert� de son personnel. En pr�sence de d�clarations contradictoires, une enqu�te minutieuse, faite sur les lieux, avec toutes les garanties d'impartialit� et d'ind�pendance, en dehors des influences int�ress�es, pourrait seule d�gager la v�rit� tout enti�re. Nous ne croyons donc pas devoir insister sur cette partie des protestations. Toutefois, nous avons � noter un d�tail pr�cis qui, s'il ne montre pas la pression pesant directement sur le scrutin, ne permet pas de mettre en doute les tentatives faites au cours de la p�riode �lectorale sur une partie des �lecteurs.
Vers la fin de septembre, une adresse portant la signature d'un grand nombre d'habitants de vingt-huit communes du canton de Baccarat fut distribu�e � profusion dans tout l'arrondissement. C'�tait, d�gag� de toute consid�ration politique, un appel pressant en faveur de M. Michaut, dont on louait l'intelligence, le d�vouement aux int�r�ts du pays, la sollicitude pour la classe ouvri�re. Les signataires, au nombre de 1,912, oubliant sans doute que la loi interdit la violation du secret des votes, annon�aient � l'avance qu'ils voteraient tous pour l'administrateur de Baccarat.
Une pareille d�claration, pour peu qu'elle f�t accept�e comme l'expression sinc�re et spontan�e de l'opinion du canton, �tait bien faite pour accro�tre au dehors le prestige du candidat officiel et lui conqu�rir des voix dans les autres parties de l'arrondissement. Il est incontestable que l'adresse exer�a une influence s�rieuse sur certains groupes d'�lecteurs. Or, que se passa-t-il apr�s le d�pouillement du scrutin ? On s'aper�ut, non sans surprise, que, parmi les communes qui avaient fourni des signatures, � c�t� de celles o� signataires et votants pour M. Michaut �taient en nombre absolument �gal ou � peu pr�s �gal, il y en avait six o� le nombre des voix obtenues par M. Michaut �tait inf�rieur � celui des signataires qui avaient recommand� sa candidature.
Que doit-on conclure, si ce n'est que, press�s et sollicit�s, peut-�tre m�me menac�s et intimid�s, oblig�s par leur situation de ne pas r�sister aux agents de M. Michaut, des �lecteurs ont �t� amen�s par faiblesse, par peur ou par int�r�t, � s'associer � une manifestation que leurs sentiments intimes r�pudiaient ?
En g�n�ral, les signatures de l'adresse ont �t� demand�es � domicile et recueillies dans des conditions qui en alt�rent singuli�rement la spontan�it�. On a vu intervenir des maires, des instituteurs, et m�me un capitaine des douanes. Ici, comme ailleurs, l'attitude des douaniers dans la lutte �lectorale n'a pas �t� correcte, et il appartiendra sans doute � la commission d'enqu�te de r�v�ler � cet �gard des irr�gularit�s laiss�es jusqu'� pr�sent dans l'ombre.
Vous connaissez maintenant les faits principaux qui ont marqu� l'�lection de Lun�ville, et vous �tes en mesure d'en appr�cier la gravit�. Il importe de vous faire remarquer que, dans une circonscription qui ne compte pas moins de 26,643 inscrits et dans laquelle 22,881 suffrages ont �t� exprim�s, le nombre des voix obtenues par M. Michaut ne d�passe que de 807 le chiffre de la majorit� absolue. D'un autre c�t�, en comparant le total des suffrages obtenus par les deux concurrents, on voit qu'un d�placement d'un m�me nombre de voix aurait suffi pour amener l'�chec du candidat officiel. Ce chiffre repr�sente 3 1/2 p. 100 du nombre des �lecteurs ayant pris part au vote.
Votre 7e bureau estime qu'on ne peut �valuer � moins l'influence ill�gitime que l'emploi des affiches blanches, aggrav� par les actes bl�mables de l'administration et surtout par l'intervention ill�gale des gardes forestiers, a exerc�e sur les r�sultats du scrutin. Il en conclut que la nomination de M. Michaut n'est pas l'expression v�ritable du suffrage universel dans l'arrondissement de Lun�ville.
Le 20 f�vrier 1876, alors qu'il n'y avait pas d'affiches blanches, cet arrondissement avait donne pr�s de 12,000 voix au candidat r�publicain. Trois semaines apr�s le 14 octobre, aux �lections pour le conseil g�n�ral et pour le conseil d'arrondissement, sur 19,104 votants, les r�publicains obtenaient, dans les huit cantons r�unis, une majorit� de 1,020 voix. Ne sommes-nous pas en droit de voir dans ce rapprochement de chiffres une preuve manifeste que les manoeuvres de la candidature officielle ont alt�r� et fauss� le scrutin du 14 octobre ? Au nom du 7e bureau, nous avons l'honneur de vous proposer :
1� L'invalidation de l'�lection de M. Michaut dans la circonscription de Lun�ville ;
2� Le renvoi du dossier � la commission d'enqu�te.

M. Gusman Serph. M. Michaut �tant absent, j'ai l'honneur de demander � la Chambre de vouloir bien renvoyer � mardi la discussion du rapport dont il vient d'�tre donn� lecture.

M. le pr�sident. Il n'y a pas d'opposition?.
La discussion du rapport sera mise � l'ordre du jour de mardi.


Annales de la Chambre des d�put�s
5 f�vrier 1878

M. le pr�sident. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport du 7e bureau, sur l'�lection de M. Michaut, dans l'arrondissement de Lun�ville (Meurthe-et-Moselle).
La parole est � M. Michaut.

M. Paul Michaut. Messieurs, je ne m'attendais pas au p�rilleux honneur d'avoir � d�fendre � cette tribune la l�gitimit� du scrutin qui, le 14 octobre, m'a donn� plus de 1,600 voix de majorit� dans l'arrondissement de Lun�ville. Je sais bien qu'avant m�me que le scrutin ait parl�, un mois d'avance, on annon�ait que si, contre toute attente, le nom de M. Michaut sortait de l'urne, on �tait bien s�r d'obtenir une invalidation.
A peine le suffrage universel avait-il parl� que le journal d�vou� � mon honorable comp�titeur contenait tr�s-r�guli�rement dans tous ses num�ros l'avis suivant :
�� Ceux de nos amis qui pourraient avoir quelques renseignements � nous fournir, quelques faits � nous signaler pour nous aider � poursuivre l'invalidation de M. Michaut, sont invit�s � adresser leurs renseignements � M. Cosson. �

A gauche. Eh bien?

Un membre � gauche. C'est tr�s-l�gal !

M. Paul Michaut. Je crois que c'est licite. Mais je crois que c'est la premi�re fois qu'on voit �lever � l'�tat de r�clame et d'annonce la poursuite d'une invalidation. (Tr�s-bien! tr�s-bien ! � droite.)
Aussi, qu'est-il arriv�, messieurs ? c'est qu'on a eu un tr�s-gros dossier, et comme si deux demi-v�rit�s faisaient une v�rit�, on pense arriver � vous persuader que les 1,600 voix de majorit� que j'ai obtenues sont le r�sultat de la fraude et de l'intimidation.
Messieurs, si vous voulez bien me pr�ter votre attention, je crois que vous reconna�trez que je suis envoy� ici parle suffrage absolument libre de mes concitoyens. (Tr�s-bien ! tr�s-bien ! � droite.) Ce gros dossier ainsi recueilli, il a �t� continu� par mon comp�titeur jusqu'au jour o� il a cru qu'enfin sa cause �tait gagn�e, et avant que j'eusse comparu dans la sous-commission, avant que j'eusse eu connaissance des pi�ces, il �crivait officiellement � M. le pr�fet de Meurthe-et-Moselle : �� Je me permettrai de vous faire observer que l'�lection de M. Michaut n'est pas valid�e et que j'ai le plus grand espoir qu'elle ne le sera pas.... �

M. de Baudry-d'Asson. C'est un v�ritable scandale !

M. Paul Michaut. Enfin je comparus le 3 d�cembre; j'eus le dossier pendant trente-six heures, et je crois que personne dans la sous-commission, amis ou adversaires, ne contestera qu'apr�s m'avoir entendu la sous-commission fut fort h�sitante. Elle refusa de se prononcer, et si, � cette heure-l�, elle e�t �t� dans l'obligation de rendre son verdict, ce verdict e�t �t� la validation.
Elle ajourna, et alors eut lieu la constitution d'un second dossier ; celui-l�, messieurs, il ne m'a pas �t� communiqu�, et je ne serai pas d�menti lorsque je dirai que je n'ai eu connaissance du dossier et que je n'ai �t� entendu par la sous-commission qu'apr�s la r�daction du rapport qui a �t� pr�sent� � la Chambre. (Interruptions diverses.)

Un membre � gauche. Pourquoi ne l'avez-vous pas demand� ?

M. Paul Michaut. On me dit : Pourquoi ne l'avez-vous pas demand� ? Je l'ai demand� avec insistance, et personne encore dans la sous-commission ne me d�mentira quand je dirai qu'il ne m'a pas �t� confi�.
J'ai dit au pr�sident du bureau : Vous ne me condamnerez pas sans m'entendre ! Je resterai � votre porte jusqu'� ce que vous m'ayez entendu ! Eh bien, messieurs, cela m'a �t� refus�. (Exclamations.)

M. de Baudry-d'Asson. C'est un fait sans pr�c�dent.

M. Paul Michaut. Voil�, messieurs, la v�rit�.
Je vous demande pardon de l'incorrection que pourra avoir ma parole ; je ne suis pas un homme de cabinet; je suis un homme d'affaires et d'atelier; mais enfin, si incorrect que soit mon discours, je demande que, quand il semblera que je m'�carte de la stricte v�rit�, on veuille bien m'interrompre : je serai pr�t a r�pondre. (Tr�s bien ! � droite.)
La premi�re question que nous examinerons, ce sont les faits g�n�raux de l'�lection. Je n'entrerai pas dans les d�tails minutieux des faits incrimin�s, attendu que je veux observer les indications du rapport.
Or, � cet �gard, le rapport s'exprime de la fa�on qui suit :
�� Si, dans le cas qui nous occupe, nous nous sommes born�s � mentionner les faits sommairement sans y insister, si nous n'en parlons en quelque sorte que pour m�moire, c'est que d'autres faits plus graves ont sembl� r�clamer plus particuli�rement votre attention. �
C'est donc plut�t une physionomie g�n�rale des faits que nous allons examiner que les d�tails eux-m�mes. Si, en me r�pondant, M. le rapporteur juge � propos d'apporter un fait sp�cial, eh bien, nous le discuterons.
Comment s'est faite l'�lection? Une �lection, quand elle n'est pas libre, subit la pression des autorit�s.
Quelles sont ces autorit�s? C'est l'autorit� pr�fectorale; ce sont les maires.
Quelles sont les mesures que l'on emploie et quels sont les moyens dont se servent ces autorit�s? Ce sont les �crits ou les mesures de rigueur.
Commen�ons par l'autorit� pr�fectorale.
M. Achille Delorme est arriv� dans le d�partement de Meurthe-et-Moselle au mois de mai 1877.

M. Le Provost de Launay fils. C'est un ancien pr�fet du 4 septembre !

M. Paul Michaut. M. Delorme a quitt� Nancy au mois de janvier, et il n'a jamais pass� la limite entre l'arrondissement de Nancy et celui de Lun�ville. Il ne conna�t pas la ville de Lun�ville. Il n'a donc pas fait de d�marches personnelles.
A-t-il fait des d�marches par la parole ? non. A-t-il fait venir chez lui des autorit�s ? non. A-t-il fait des circulaires, et a-t-il engag� � voter pour le candidat officiel ? non, pas une; on n'en cite pas : il n'y en a pas une dans le rapport.
Mais arrivons aux autres moyens dont il pouvait user ! A-t-il ferm� des d�bits de boisson ? pas un.
A-t-il frapp� des maires, des adjoints, des conseils municipaux ? pas un.
Des fonctionnaires ? pas un. (D�n�gations � gauche.) Ah ! je vois bien que le rapporteur parle de r�vocations et de changements de r�sidence ; je vais vous citer les trois faits qui sont signal�s par le rapport.
Un commissaire de police � Lun�ville a �t� chang�.
Je n'ai pas � r�pondre; le commissaire de police a �t� chang� au mois de juin ; je n'�tais pas alors candidat. Pourquoi est-il parti? Je n'en sais rien et je n'ai pas � m'en occuper.
Second fait : un commissaire de surveillance de la gare d'Avricourt a �t� r�voqu�, et, dit le rapport, ce ne peut �tre que pour des motifs politiques. Or, que s'est-il pass� ? Ce commissaire de surveillance est venu me trouver � Baccarat, ma r�sidence, et m'exposer les faits de discipline qui avaient motiv� sa r�vocation. Sur sa pri�re, j'ai �crit � M. le directeur de la s�ret� g�n�rale en le priant de faire une enqu�te.
Le troisi�me fait est celui d'un instituteur ; on n'en cite qu'un, on n'en cite pas d'autres. L'instituteur d'une petite commune, la commune de Veho, qui a 303 habitants, a �t� chang� de r�sidence � l'�poque des vacances. Le fait m'a tellement �mu que, d�s que j'en ai entendu parler, j'ai �t� dans cette commune, j'ai vu l'instituteur, j'ai vu le cur� et les notables du pays, et apr�s la r�union que j'ai eue dans cette petite commune, j'ai entretenu l'instituteur et je lui ai dit : Je ne connaissais pas votre situation ici; elle est intol�rable. Evidemment je ne vous bl�me pas, je ne vous donne pas tort ou raison ; je n'ai pas � entrer dans des consid�rations de clocher; mais il y a � Veho le parti du cur� et le parti de l'instituteur. 303 habitants partag�s ainsi, c'est l� une situation d'autant plus intol�rable, que la commune est plus petite. Le cur� est tr�s-�g�. Comment voulez-vous qu'on le change ? Eh bien, vous, on va vous renvoyer � 3 kilom�tres d'ici; vous reviendrez un peu plus tard.
L'instituteur me dit : Je vous remercie, je reconnais que tout cela est vrai; seulement je vous demande de m'aider, quand la situation le permettra, � me faire rentrer � Veho et de m'y faire rendre mon poste, parce que j'ai ici des int�r�ts de famille.
Et voil� tout, en fait de fonctionnaires. Est-ce de la pression administrative? Je d�clare que non; il n'y en a pas eu quoi que ce soit.
Maintenant arrivons aux maires. On a parl�, �a et l�, dans le rapport, de maires. Je vais vous dire ce qui s'est pass� � cet �gard.
Il n'y en a pas eu de chang�s ; je vous l'ai d�j� dit; je ne veux pas le r�p�ter. Mais voici une lettre d'un maire de canton qui vous servira de type sur l'attitude des maires et sur l'ind�pendance absolue dont ils ont us�, et tr�s-l�gitimement, suivant moi.
C'est une lettre de M. le maire de Blamont ; elle est au dossier. Je n'ai pas fait de contre-enqu�te, et j'ai pris mes renseignements dans le dossier; je n'en ai pas eu d'autres.
M. Brice, maire cantonal de la ville de Blamont, nomm� par le chef de l'Etat, �crit � M. Cosson, le 23 septembre :
�� Mon cher coll�gue, j'ai re�u, ce matin, dans le pli officiel, trois affiches Michaut; je voudrais bien savoir ce que je dois faire d'apr�s votre avis. �
Suit une lettre assez cavali�re au sous-pr�fet ; puis M. Brice termine ainsi :
�� J'ai fini par d�cider quelques amis � se r�unir chez moi aujourd'hui, et je pense former le noyau de notre comit�; car je crois que maintenant ils sont d�cid�s d'agir.
�� Tout � vous !
�� BRICE. �
Par cons�quent, M. le maire de Blamont s'est fait l'organisateur du comit� �lectoral de M. Cosson ; il pr�sidait les r�unions �lectorales organis�es en faveur de l'�lection de ce candidat. Assur�ment, c'�tait l� de l'ind�pendance.
A Lun�ville, il y a eu deux r�unions pour M. Cosson: l'une pr�sid�e par son adjoint, c'�tait la r�union des citadins, et l'autre par M. Suisse, maire de Moncel, membre fort �minent du comit� agricole. C'�tait la r�union des ruraux.
A Badonviller, � Blainvillle, etc., les maires ont agi dans le m�me sens.
Je d�clare, en ce qui me concerne, que je ne fais entendre aucune plainte. Quand on a assum� les charges municipales, on n'a pas renonc� pour cela � faire pr�valoir ses id�es politiques, � condition d'y mettre de la tenue et de ne pas afficher l'�charpe municipale.
Mais ne retournez pas l'arme contre moi. A Blamont, comme je l'ai dit, la r�union en faveur de M. Cosson, est pr�sid�e par M. Brice ; la mienne l'a �t� par un ancien conseiller g�n�ral ; � Lun�ville, par un habitant notable et pas du tout par un fonctionnaire.
Voil� la situation g�n�rale. O� sont les faits de pression ? A-t-on emp�ch� la circulation des journaux ? Non. A-t-on refus� une seule autorisation de colportage ? Pas une.
Ah ! je sais bien que le rapport va me dira ceci : Il y a eu trois saisies du journal de M. Cosson, dont deux venues de Paris, parce que les deux num�ros saisis et non poursuivis contenaient un pamphlet qu'on appelle : le P�re G�rard � ses �lecteurs.

M. Viette. Ce n'est pas un pamphlet, c'est une excellente brochure, tr�s-bien, faite !

M. Paul Michaut. C'est tr�s-possible. Je ne l'ai pas lue.
J'ai demand� pourquoi la saisie avait eu lieu. On m'a r�pondu que c'�tait sur un ordre de Paris.
A gauche. Toujours !

M. Paul Michaut. Une saisie, �galement bien tardive, puisqu'elle s'est exerc�e sur quarante num�ros seulement, a eu lieu, le 14 octobre, par ordre du procureur g�n�ral de la cour de Nancy, et le journal a �t� traduit devant la cour d'assises.
Il y a eu acquittement, mais, sans critiquer le moins du monde le verdict du jury, je puis dire qu'on comprend, dans une certaine limite, que l'administration se soit �mue, puisque cet article repr�sentait le gouvernement du mar�chal de Mac Mahon comme pr�parant une troisi�me invasion, etc.
On m'a dit, dans le bureau : La presse conservatrice a eu certaines vivacit�s. La presse oppos�e s'est-elle permis les m�mes �carts ? Messieurs, je n'�tais nullement pr�par� � r�pondre � cette question, je n'avais que des extraits � produire et je n'ai pu justifier la violence des journaux qui me combattaient. Ce n'est pas l'heure de discuter la question de savoir si la libert� de la presse est une bonne ou une mauvaise chose, mais, enfin, quand on se fait homme politique, quand on pose sa candidature, il faut s'attendre � certaines attaques. Il serait insens� de soutenir que tous nos amis sont des anges et tous nos adversaires des diables; les passions humaines se retrouvent partout. S'il y a eu dans les journaux conservateurs quelques violences, je les regrette, car je n'aime pas les exag�rations ; par temp�rament et par situation, je suis ami de la mod�ration.
Dans le bureau, on m'a demand� si j'avais �t� pris � partie personnellement; j'�tais, je le r�p�te, si peu pr�par� � cette question que j'ai r�pondu que je ne le croyais pas. C'�tait une erreur, comme je vais vous en donner la preuve.
Voici ce que je lis dans un journal :
�� Que voulez-vous ? Sachez-le et dites-le ! Voulez-vous une troisi�me �dition de l'empire, c'est-�-dire une troisi�me invasion, un troisi�me d�membrement, une nouvelle ran�on, le budget doubl�, l'imp�t du propri�taire �gal � son revenu, l'imp�t de l'ouvrier �gal � son b�n�fice, l'imp�t de l'artisan �gal � son salaire ? Alors, votez pour M. Michaut ! �

M. Plant�. C'�tait comme cela partout !

M. Paul Michaut. On faisait des plaisanteries de mauvais go�t sur mon nom, dans le genre de celle-ci : �� Le michautisme est la plaie de l'arrondissement... Arri�re les Michaut ! � On est remont� jusqu'� mon pauvre p�re, qui avait fait partie de l'Assembl�e l�gislative et dont la carri�re politique a fini apr�s le coup d'Etat et ses cons�quences. (Marques d'approbation a droite.)
Je ne veux pas insister sur ce point; je crois que la Chambre comprend et partage mon sentiment � cet �gard... (Oui ! oui ! - Tr�s-bien ! � droite) qu'il faut laisser de c�t� toutes ces pol�miques, � moins qu'elles ne pr�sentent quelque chose d'exceptionnellement grave, parce que les ardeurs de la p�riode �lectorale excusent, si elles ne les justifient pas toujours, certaines exag�rations. (Tr�s-bien! tr�s-bien !)
Voil� la premi�re partie du rapport. Celle-l�, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, se conclut ainsi : �� Nous ne parlerons pas des faits de d�tail, parce que nous allons arriver � des faits si graves, que cela vous suffira pour vous montrer que le candidat est entr� ici par une fausse porte. �
Le premier de ces faits si graves est celui-ci.
Quand le sous-pr�fet de Lun�ville, M. de la Rigaudie, a �t� nomm� pr�fet, apr�s le 16 mai, il y a eu une vacance assez longue, et l'int�rim a �t� confi� au maire de Lun�ville. Le maire de Lun�ville �tant absent et retenu � la Chambre, les signatures ont �t� donn�es par un de ses adjoints. Quand le sous-pr�fet nomm� par le minist�re du 16 mai eut pris possession de son poste, il arriva � Lun�ville dans un �tat de sant� assez f�cheux ; si bien que, � peine install�, il sollicita et obtint du ministre de l'int�rieur un cong� pour aller prendre les eaux � Vittel ; il demanda au pr�fet de d�signer l'int�rimaire.
Quel int�rimaire �tait possible? Le maire de Lun�ville �tait M. Cosson, mon concurrent: le conseiller g�n�ral du canton nord, c'�tait encore M. Cosson ; il n'y avait pas de conseiller d'arrondissement en r�sidence � Lun�ville. Le conseiller g�n�ral du canton sud �tait M. Gabriel Michaut, mon fr�re. M. le sous-pr�fet demanda � mon fr�re de faire l'int�rim. Il s'y refusa, et dit � M. Lejouteux : �� Il me semble qu'il serait bien plus naturel de prier la pr�fecture d'envoyer un conseiller de pr�fecture. � Cela fut d�clar� impossible, et le sous-pr�fet se trouvait dans cette situation d'arriver � l'�poque o� la saison ne lui permettrait plus d'aller aux eaux faute d'un int�rimaire.
Mon fr�re insista sur cette disposition de la loi qui porte que l'int�rimaire sera un fonctionnaire de l'ordre administratif : �� Par cons�quent, disait-il, monsieur le sous-pr�fet, vous pourriez prier M. le pr�fet de d�signer comme int�rimaire, un contr�leur des contributions directes, ou un agent des finances, ou l'inspecteur des for�ts, ou telle autre personne appartenant � l'administration proprement dite. � Cela fut d�clar� absolument contraire � tous les usages.
Mon fr�re alors vint me trouver, et vous allez voir que je suis bien plus coupable encore que le rapport ne me fait. (Rires � droite.)
Il me posa la question, et je lui r�pondis : �� De quoi s'agit-il ? Est-il entendu qu'il ne se fera aucune affaire et que ton r�le se bornera � donner des l�galisations de signatures et � signer des permis de chasse, de m�me que moi, maire de ma commune, et M. Cosson, maire de sa ville, nous l�galisons tous les jours des signatures ? Cela me para�t absolument inoffensif de remplir les fonctions d'int�rimaire dans ces conditions restreintes. �
Et c'est ce qui fut fait.
Je d�fie qu'on me cite un seul fonctionnaire, un seul maire ayant eu avec l'int�rimaire des rapports d'affaires quelconques. (Tr�s-bien ! tr�s bien ! � droite.)
Je sais bien qu'on dit : Mais si � ce moment ce n'�tait pas criminel, comment se fait-il que cela se soit reproduit pendant la p�riode �lectorale ?
Messieurs, je vais vous dire comment cela est arriv�. Le 25 septembre, mon fr�re re�oit un mot du sous-pr�fet qui lui disait : �� Je pars pour quarante-huit heures, ayez l'obligeance de donner pour moi les signatures urgentes.� Cette fois, il n'y a pas eu d'int�rim; il n'y a pas eu de d�l�gation. Le sous-pr�fet est revenu le surlendemain, il y avait eu des signatures donn�es, et pas autre chose.
Mon fr�re alors dit au sous-pr�fet : �� Je regrette que vous me laissiez ainsi la signature, m�me pour des l�galisations ; dor�navant, vous ferez comme vous voudrez, mais je ne signerai plus rien ! �
Voil� le fait, messieurs, j'ai tout dit, j'ai tout avou� ! (Applaudissements � droite.)
J'arrive maintenant au second grief. Je suis peut-�tre trop long, messieurs... (Non ! non,! - Parlez !) Si je suis coupable dans le premier cas, dans celui-ci je suis compl�tement innocent, comme vous l'allez voir.
Le 12 octobre, c'est-�-dire le vendredi � deux heures de l'apr�s-midi, l'inspecteur des for�ts � la r�sidence de Lun�ville, re�ut une d�p�che t�l�graphique ainsi con�ue : �� Pour Lun�ville de Nancy. - N� 540, mots 66, d�p�t le 12 octobre � 11 heures 25 minutes du matin.
�� Conservateur des for�ts � inspecteur des for�ts � Lun�ville. Vis�e.
�� Faire pr�venir imm�diatement tous les pr�pos�s par la voie de la correspondance des gardes qu'ils auront � se mettre � la disposition des maires pour maintenir l'ordre dans les salles de vote, s'ils sont r�guli�rement requis par les maires ou les sous-pr�fets.
�� Ils seront en grande tenue avec le couteau de chasse. �
Ceci a eu lieu dans toute la France, messieurs, ce n'est pas une exception pour l'arrondissement de Lun�ville; mais ailleurs on n'y a pas attach� d'importance, parce qu'on a trouva probablement des griefs assez int�ressants, tandis que, � Lun�ville... (C'est cela ! - Tr�s-bien! � droite), vous allez voir comment on a exploit� le fait.
Qu'est-ce qui s'est pass�, en somme ? L'inspecteur apr�s avoir re�u cet ordre t�l�graphique, en a envoy� copie, par la correspondance des gardes, � tous les pr�pos�s forestiers. Quand je dis � tous, je me trompe, car il y aurait eu des doubles emplois. Mais sur les 163 communes de l'arrondissement, l'ordre a �t� envoy� � 56 gardes d'aller se mettre, le lendemain matin, � la disposition des maires.
On dit qu'ils auraient d� attendre que les maires les fissent demander. Mais beaucoup de gardes logent dans des maisons foresti�res, leur m�tier est d'aller dans les for�ts, et s'ils avaient attendu la r�quisition des maires, neuf fois sur dix, la r�quisition ne les aurait pas trouv�s chez eux. 56 gardes se sont donc mis en grande tenue et sont all�s dire aux maires : �� Monsieur le maire, j'ai re�u l'ordre de me mettre � votre disposition. � On a dit dans le rapport que ces gardes n'�taient pas �lecteurs dans ces communes : cela est vrai pour six et faux pour cinquante. Cinquante gardes �taient �lecteurs et avaient � aller voter; mais combien y en a-t-il qui soient rest�s dans les communes ? Il y en a eu environ quarante auxquels les maires ont r�pondu : �� Je n'ai pas besoin de vous, tout se passe tranquillement, vous pouvez vous retirer. �
Dans un certain nombre d'autres communes - quinze, seize ou dix-sept - les maires ont dit aux gardes : �� Je vous remercie, asseyez-vous! restez � ou bien : �� Je ne crois pas que j'aie besoin de vous. Restez, ou retournez chez vous, si vous le pr�f�rez; faites comme vous voudrez. � Alors un certain nombre de gardes sont repartis, d'autres sont rest�s. Mais il n'y a pas une seule commune, pas une seule ! - je sais bien qu'on dira le contraire, mais j'attends qu'on me cite un nom, - o� un garde soit rest� malgr� le maire.
On dit dans le rapport qu'il y en a plusieurs.
Si on veut m'en citer une seule, je r�pondrai imm�diatement et d'une mani�re p�remptoire.
Je sais qu'il y a pour ainsi dire des circulaires de maires, des lettres con�ues dans les m�mes termes, et qui affirment le contraire ; ces lettres ont �t� recueillies dans la seconde enqu�te, pour suppl�er � l'insuffisance des d�clarations produites dans la premi�re.
Il y a des maires qui ont refus� ce qu'on leur demandait ; alors on s'est adress� aux conseillers municipaux. (C'est cela ! tr�s-bien ! � droite.)

M. Laroche-Joubert. On n'avait jamais rien vu de semblable !

M. Masure, rapporteur. Nous avons cit� Xures, Laronxe et H�rim�nil.

M. Paul Michaut. Prenons Laronxe, si vous voulez, c'�tait le maire le plus terrible.
Or, voici ce que m'�crit ce m�me maire :
�� Nous, soussign�, maire de la commune de Laronxe, certifions que, le jour du vote du 14 octobre, M. Rancelaut, garde forestier, domicili� audit lieu, s'est pr�sent� dans la salle. Mon devoir n'�tait pas de lui dire de sortir, lorsque je savais qu'il �tait command�.
�� Laronxe, le 21 janvier 1878.
�� Le maire,
�� Sign� : GERB�, �
Cette lettre est dat�e du 21 janvier. Si j'avais eu le rapport plus t�t, cette rectification serait d'une date ant�rieure.
Comment en r�alit� les choses se sont-elles pass�es partout ? Le garde se pr�sente au maire et se met � sa disposition ; le maire l'accueille, le fait asseoir, lui offre � diner, l'emm�ne chez lui et accepte avec plaisir son concours �ventuel.
Voil� la v�rit�, messieurs, voil� comment s'exer�ait la pression pr�tendue.
Maintenant, dit-on que, dans une commune quelconque, il y ait eu un garde qui ait fait autre chose qu'office de gendarme ? Car enfin, le fait est l�gal; la question est de savoir s'il a �t� abusif. Eh bien, non ; il n'a pas �t� abusif, puisque, dans aucune commune, nulle part vous ne pouvez citer un fait quelconque attribuant aux gardes une d�marche qui n'�tait pas absolument dans l'ordre. (Vives marques d'approbation � adroite.)
Si cela s'�tait pass� ailleurs, dit le rapport, c'e�t �t� sans grande importance ; c'�tait scandaleux dans un arrondissement o� le candidat officiel, avant d'�tre un des grands industriels de la r�gion, a appartenu lui-m�me � l'administration foresti�re.
Me voila repr�sent� comme un pr�fet de la veille qui vient se poser en candidat dans son ancien d�partement. Eh bien, c'est encore vrai, c'est une de ces demi-v�rit�s qui sont des erreurs, pour me servir d'un mot obligeant. Je suis sorti de l'�cole foresti�re de Nancy en 1848, et j'ai �t� nomm� garde g�n�ral titulaire en 1849 dans le d�partement du Jura.
Pendant les quelques mois qui se sont �coul�s entre ma sortie de l'�cole et ma nomination dans le Jura, j'ai �t� envoy� en stage dans l'arrondissement de Lun�ville. Peut-on dire, apr�s cela, que mon ancienne position dans l'arrondissement de Lun�ville donnait � la mesure des gardes un caract�re exceptionnel de gravit� ? Il y a trente ans que le fait s'est pass�, et il y a vingt-cinq ans que je n'appartiens plus � l'administration foresti�re et que je fais de l'industrie ! Voil�, messieurs, les deux gros griefs.
Je m'arr�terais l� s'il n'y avait pas dans le rapport une autre partie � laquelle je veux r�pondre.
Le rapport dit : �� Il y a eu des faits de nature � montrer qu'une pression a �t� exerc�e sur la population ouvri�re, mais il faudrait une enqu�te pour �tablir ces faits. �
Il me semble que, quand on ne peut pas prouver des faits, il vaudrait mieux ne pas en parler; mais, puisqu'on y a fait allusion, je me trouve oblig� d'entrer dans certains d�tails, au risque de fatiguer peut-�tre l'attention de la Chambre. (Parlez ! parlez !)
Il y a eu, dit-on, dans les ateliers de Cirey, une pression exerc�e par M. Chevandier de Valdr�me, ancien ministre de l'empire, directeur de cette usine.
Pourquoi donc avoir maintenu cette phrase sonore, apr�s que j'avais d�clar� que M. Chevandier ne dirigeait plus depuis vingt ans les ateliers de Cirey ? Eh bien, je serai plus pr�cis aujourd'hui.
M. Chevandier de Valdr�me n'est plus directeur de Cirey depuis le 31 d�cembre 1859 ; il n'y a que dix-huit ans, je le reconnais, je me trompais de deux ans.
M. Chevandier de Valdr�me habite toujours Cirey ; il a achet� la maison de l'ancienne administration de l'usine, et il a tellement renonc� � l'industrie qu'il s'est mis � mettre en valeur des terrains vagues et s'est fait agronome. On ne peut contester le m�rite qu'il y a acquis, car au mois de juillet dernier il a obtenu la coupe d'honneur au concours r�gional de Nancy. Cela vous prouve qu'il a absolument abandonn� toute esp�ce d'action directe � Cirey. (Rumeurs � gauche.)
Mais enfin, messieurs, il y a des chiffres plus �loquents encore que tout ceci. L'ann�e derni�re, M. Cosson �tait candidat, et seul candidat. Je m'�tais d�rob� devant les instances des conservateurs. Eh bien, il est certain que M. Cosson a eu 376 voix; divers, Pierre, Paul, Jacques, en ont eu 477; 1,277 �lecteurs s'�taient abstenus.
Cette ann�e-ci, j'ai eu 1,442 voix; M. Cosson en a eu 243, et vous allez voir si c'est l� le r�sultat de la pression.
A l'�lection qui a suivi, au 4 novembre, M. Chevandier de Valdr�me, dont les pouvoirs �taient expir�s, obtenait 1,533 voix sur 1,580 votants.
Aux �lections du 6 janvier, � Cirey m�me, sur 529 votants, la liste conservatrice a pass� tout enti�re, le premier inscrit avec 511 voix; c'est toujours la m�me chose.
A Baccarat, - c'�tait l� que je voulais en arriver, - la question me tient bien plus au coeur, parce que je vous avoue que je ne m'attendais pas qu'il p�t arriver un jour, dans ma carri�re industrielle, o� je serais incrimin� du fait de pression, moi qui ai la pr�tention d'exercer � Baccarat l'administration la plus lib�rale qu'il y ait au monde. (Tr�s-bien ! tr�s-bien ! � droite.)
Je suis le conseiller g�n�ral du canton, sans aucun concurrent aujourd'hui; j'ai eu des comp�titeurs autrefois, mais ils se sont d�courag�s. L'ann�e derni�re, M. Cosson �tant seul candidat aux �lections l�gislatives, a obtenu dans mon canton 1,717 voix, et 2,292 �lecteurs ont vot� pour des noms divers, affirmant ainsi leur ferme volont� de ne pas l'accepter comme d�put�. Cette ann�e, j'ai obtenu 3,400 voix contre 1,579.
Le 4 novembre, il y a eu 3,310 votants pour le conseil d'arrondissement. L'un des candidats a obtenu 2,933 voix et l'autre 2,914.
Au dernier scrutin pour l'�lection du conseil municipal de Baccarat, on avait d�j� amplement racont� dans le pays et publi� dans les journaux que j'�tais � la veille d'�tre invalid�. Sous cette impression, Je courant de l'opinion s'est manifest� avec �nergie. J'avais eu aux �lections d'octobre les 5/6es des voix, j'obtins au nouveau scrutin plus des 9/10es des suffrages, et je sortis le premier sur la liste des conseillers municipaux.
Le rapport qui a �t� publi� sur mon �lection le 26 janvier a caus� � Baccarat une profonde �motion et j'�prouve un v�ritable embarras � vous le d�peindre ici, o� l'on ignore ce que c'est que cette grande famille industrielle, ce que c'est que ce faisceau de gens laborieux unis de la fa�on la plus �troite.
Rien n'a jamais pu �branler cette admirable organisation, et chacun de nous a conscience que, quand on attaque un ouvrier, on me trouve derri�re lui pour le couvrir, mais qu'aussi quand on touche au chef, toute la famille est l�. (Applaudissements � droite.)
On a fait les plus grands efforts ; on a fait des appels que je pourrais dire odieux, on a dit : Nous allons apprendre aux classes laborieuses comment on arrive � secouer le joug de la f�odalit� industrielle.
Devant des excitations de ce genre, le faisceau s'est toujours tenu plus serr�. (Tr�s-bien ! tr�s-bien ! � droite.)
Quand le rapport a paru, ces braves gens se sont procur� le Journal officiel, et en vingt-quatre heures, se cachant de tous leurs chefs, ils ont �crit la lettre que voici, et ils me donnent le mandat de venir les d�fendre.
Il faut donc bien que je la lise :
�� Monsieur Paul Michaut,
�� Nous sommes indign�s que dans le compte rendu de la s�ance du 26 janvier courant � la Chambre des d�put�s, vos adversaires osent d�clarer que, par suite de certaines interventions se produisant jusque dans la salle du vote, les ouvriers employ�s dans les ateliers de Baccarat et les personnes qui vivent dans la d�pendance de cette grande usine n'ont pas eu partout la libert� de leur vote.
�� Ils ne nous connaissent gu�re, ceux qui concluent que ce n'est que press�s et sollicit�s, peut-�tre m�me menac�s et intimid�s par notre situation � ne pas r�sister � vos agents, que nous avons vot�.
�� Nous l'avons fait tous sans aucune pression ni sollicitation, et nous d�fions qui que ce soit de prouver qu'il en a �t� autrement.
�� Les soussign�s vous prient, monsieur Paul Michaut, de vouloir bien �tre leur d�fenseur des injures qui sont dirig�es contre eux, m�me jusqu'� la tribune.
�� Vous avez �t�, monsieur, en butte � bien des attaques dans ces derniers temps ; nous vous connaissons assez pour savoir que vous les m�prisez, mais nous n'en tenons pas moins � venir vous affirmer notre indignation et notre respectueuse estime.
�� Baccarat, le 29 janvier 1878. �
Suivent 928 signatures d'ouvriers �lecteurs. (Tr�s-bien ! tr�s-bien ! � droite.)
Je voudrais vous raconter ce qu'il y a de coeur et de d�vouement chez ces braves gens. Pendant nos malheurs de 1870, j'eus le triste privil�ge d'�tre arrach� de chez moi et jet� dans les prisons allemandes; je n'en sortis, h�las ! que pour tomber dans les prisons r�volutionnaires de la France, et pendant ce temps-l� le souci d'alimenter nos ouvriers empoisonnait mon existence.
Savez-vous ce qu'ils ont fait ? Quelques-uns sont venus me dire: �� Ne me donnez pas d'argent, je puis aller quelque temps, j'ai une r�serve. � D'autres faisaient des collectes non-seulement chez eux, mais dans leurs familles et m'apportaient jusqu'� 3, 4, et 6,000 fr. J'ai v�cu comme cela avec le d�vouement de ces braves gens. Et vous croyez que j'ai besoin de les pousser au scrutin ! (Applaudissements � droite.)
Le jour de l'�lection, il y avait dans cette petite ville une �motion indescriptible, et jusqu'� deux heures du matin ils se promenaient pleins d'anxi�t� ; et lorsqu'arriva la d�p�che t�l�graphique faisant conna�tre le r�sultat de l'arrondissement, comment s'exhala leur joie et leur enthousiasme ? par deux cris de victoire. Le premier �tait : �� Vive la France ! � le second : �� Vivent les ouvriers de Baccarat ! � Ils n'acclamaient pas leur chef ; ils savaient bien qu'il n'y avait rien qui p�t lui aller plus au coeur que ce nom de Baccarat !
Pendant ce temps, comment accueillait-on le r�sultat � Lun�ville, o� l'on dit avec emphase qu'il n'y a pas eu de d�sordre et que toute pr�caution �tait superflue ? Quand on proclama le r�sultat � Lun�ville, on l'accueillit avec les cris : �� A bas le Mar�chal ! - Vive la Commune ! Vive le p�trole ! Michaut � la lanterne ! � Et il fallut faire des patrouilles dans la ville.
Et on vient dire que ce sont les ouvriers de Baccarat qui ont �t� comprim�s et opprim�s ! Enfin j'ai besoin de m'�pancher, parce qu'avant de tomber, je veux d�fendre mes ouvriers et mon drapeau ! (Bravos et applaudissements � droite.)
Je vous ai dit que nous �tions l'usine la plus libre du monde. Tandis qu'on s'agite � Lyon et que des gens inexp�riment�s traitent les questions de salaires, de travaux des femmes, de rapports entre les ouvriers et les patrons, de pr�voyance, d'association, que sais je ? tout cela est r�solu chez nous. Le suffrage universel nous le pratiquions d�s 1835, treize ans avant qu'on ne l'appliqu�t dans la nation !
J'esp�re maintenant avoir d�montr� qu'il ne doit rien rester des faits de pression sur nos ouvriers. Invalidez-moi pour avoir eu des gardes forestiers ; invalidez-moi parce que mon fr�re a sign� des permis de chasse; mais je vous d�fie de le faire parce que j'opprime les ouvriers de Baccarat. (Tr�s-bien ! tr�s-bien ! � droite.)
J'ai encore quelques mots � dire. (Parlez ! Parlez !)
Je suis oblig� d'�tre un peu �conomiste et je me trompe quelquefois, comme quelquefois aussi je vois juste. Quoi qu'il en soit, je suis de ceux qui pensent que, chez les hommes, le travail intensif et court est le bon travail.
Plusieurs voix. Vous avez raison

M. Paul Michaut. Eh bien, nos ouvriers du plus grand nombre des cat�gories avaient autrefois onze heures de travail effectif, et trois repos faisant ensemble deux heures; les ouvriers �taient donc absents de leur int�rieur pendant treize heures par jour. Je trouvai que c'�tait trop. Je les r�unis, ou plut�t je r�unis ceux d'une certaine cat�gorie. Ils �taient environ 600 et je leur dis : �� Je voudrais modifier vos heures de travail ; je voudrais r�duire le travail effectif � dix heures, avec un seul repos d'une heure. Vous n'auriez plus ainsi que onze heures d'absence; la femme, les enfants, la sant�, l'hygi�ne, la morale, tout y gagnerait. �
Seulement, il y avait une objection s�rieuse. Tous nos ouvriers travaillent � la pi�ce, et la question �tait de savoir si on produirait en dix heures autant qu'en onze.
Je suis de ceux qui croient qu'il ne faut pas que le travail se prolonge au del� d'un certain temps, et j'�tais convaincu que la production ne faiblirait pas.

M. Martin Nadaud. Tr�s-bien ! tr�s-bien !

M. Laroche-Joubert. C'est tr�s-vrai! j'en ai fait l'exp�rience, moi aussi !

M. Paul Michaut. J'�tais convaincu qu'ils gagneraient tout autant, mais il fallait les persuader.
Je leur dis : �� Mes amis, voil� mon projet. Je vous r�unirai d'aujourd'hui en huit et nous irons aux voix. �
Huit jours apr�s, ils se r�unirent, et vous allez voir, messieurs, que les choses se passent tr�s-d�mocratiquement. Comme la question int�ressait les femmes, les femmes ont vot�.
Il se produisit un fait bizarre : il y eut 300 oui et 300 non ; les voix s'�taient �galement partag�es.
Je dis alors : �� Moi aussi, j'ai mon petit mot � dire, et je vais d�partager vos avis, non pas en vous imposant le travail comme je l'ai entendu, mais en vous en imposant l'essai
r�unirai de nouveau et je vous consulterai. �
Je ne les ai jamais r�unis, attendu que toutes les autres cat�gories sont venues me demander comme une faveur ce qui avait �t� ainsi accord�.
Voil� la pression comme nous l'entendons ! A droite. Bravo ! bravo !

M. Laroche Joubert. J'ai fait la m�me chose et j'ai eu le m�me r�sultat !

M. Paul Michaut. Cela ne m'�tonne pas.
Enfin, messieurs, j'arrive � la conclusion.
Le rapport dit: Il faut qu'il y ait eu pression, car, aux �lections du mois de f�vrier 1876, dans l'arrondissement de Lun�ville, M. Cosson n'avait pas de concurrent, et sur 27,000 inscrits, - je vous donne les chiffres ronds, je crois qu'on ne les contestera pas, - M. Cosson avait obtenu 12,000 voix, et 6,000 avaient vot� pour divers non candidats, et 9,000 �lecteurs n'avaient pas pris part au vote.
Et vous trouvez �tonnant que le jour o� un candidat sympathique et tr�s-lib�ral s'est pr�sent� dans l'arrondissement, les 6,000 �lecteurs qui avaient formellement d�clar� qu'ils ne voulaient pas M. Cosson, aient trouv� le terrain tout pr�par� pour le mettre en minorit� ! Avez-vous dans vos souvenirs beaucoup d'�lections semblables, o�, en pr�sence d'un candidat unique, le tiers des votants ait affirm� ainsi que le candidat n'avait pas leur con�ance ?
Je ne comprends pas, en v�rit�, comment M. le rapporteur a pu consid�rer comme un bon argument contre mon �lection les chiffres qu'il a cit�s et que je viens de reproduire.
Cela dit, j'ai fini ma t�che, messieurs, et vous appr�cierez. (Approbation � droite et sur quelques bancs au centre.)
J'ai 1,613 voix de majorit�. Je regrette, je ne veux pas �tre agressif, - mais je regrette que le rapport n'ait pas pr�cis� ce chiffre de majorit� et ne l'ait pas mis en �vidence.
M. le rapporteur me dit bien : �� Cela est implicitement indiqu� ; que chacun prenne un crayon et il trouvera, en op�rant une simple soustraction entre le nombre des voix obtenues par l'un ou l'autre candidat, le chiffre de votre majorit�. �
C'est vrai, mais, messieurs, �tait-il encore bon de le dire. C'est pour cela que je le rappelle, et vous appr�cierez. (Vifs applaudissements � droite.)

M. Edouard Lockroy. Messieurs, je r�pondrai tr�s-bri�vement au long discours que vous venez d'entendre.

Voix diverses � droite. Nous ne l'avons pas trouv� long ! - Nous l'avons trouv� tr�s-int�ressant !

M. Edouard Lockroy. Je r�pondrai bri�vement, dis-je, au discours que vous venez d'entendre. Je ne m'arr�terai qu'aux faits qui ont caract�ris� cette �lection, comme ils ont caract�ris� toutes les candidatures officielles.
Je ne vous dirai pas que les affiches du candidat r�publicain ont �t� lac�r�es par la gendarmerie, par les fonctionnaires, par les cur�s.
Je ne raconterai pas comment un maire avait fait tambouriner par un appariteur de la commune qu'il fallait voter pour le candidat officiel. Je ne vous dirai pas comment un cur�, � la porte d'une section, faisait de longs discours contre le candidat r�publicain. Je ne m'attacherai qu'aux trois grands faits auxquels s'est attach� lui-m�me M. Paul Michaut dans son plaidoyer : l'int�rim de la sous-pr�fecture fait par le fr�re de M. Paul Michaut ; l'intervention des gardes forestiers en armes dans une section ; enfin la pression exerc�e sur les ouvriers de Baccarat.
Mais auparavant permettez-moi, messieurs, de regretter que, dans l'�loquent plaidoyer que M. Michaut vient de prononcer, il ait commis deux l�g�res imprudences : celle de parler de la presse et celle de parler des r�vocations de fonctionnaires.
Il nous a dit : A part un commissaire de police qui a �t� chang� de r�sidence, � part un instituteur qui a �t� d�plac� � trois kilom�tres, il n'y a pas eu de r�vocations.
Non; mais il y a eu un fait bien grave, qu'il a pass� sous silence : c'est l'histoire de l'inspecteur d'acad�mie dans le d�partement de Meurthe-et-Moselle.
Le d�partement de Meurthe-et-Moselle avait un inspecteur d'acad�mie, qui est un des fonctionnaires les plus z�l�s, les plus intelligents et les plus au courant de nos besoins scolaires.
Cet inspecteur d'acad�mie fut appel� un jour dans le cabinet du pr�fet, M. Achille Delorme. Que se passa-t-il entre l'inspecteur d'acad�mie et le pr�fet ? On ne l'a pas su. Le pr�fet lui demanda-t-il des propositions de r�vocation ou de d�placement que l'inspecteur d'acad�mie ne voulait pas accorder ? Je ne sais. Tant il y a qu'au sortir de cet entretien, M. l'inspecteur d'acad�mie, je le r�p�te, un des fonctionnaires les plus intelligents que nous ayons, re�ut une mise en cong� illimit� avec ordre de quitter le d�partement dans les vingt-quatre heures et de n'y pas rentrer sous peine de r�vocation. (Exclamations � gauche.) Et pourquoi cela ? Quand, dans la sous-commission, nous demand�mes des explications sur ce fait � l'honorable M. Michaut, la seule r�ponse que nous p�mes obtenir fut celle-ci : c'est que cet inspecteur d'acad�mie avait �t� vu d�jeunant dans une auberge � l'heure o� les fid�les vont � la grand'messe. (Rumeurs et rires � droite.)

M. Paul Michaut. Je demande la parole.

M. Edouard Lockroy. Messieurs, le coup qui frappait cet inspecteur d'acad�mie �tait bien de nature � terrifier tout le corps enseignant.

A droite. Oh ! oh !

M. Edouard Lockroy. Cela suffisait, en effet, et cela valait mieux que toutes les r�vocations et tous les d�placements du monde.
L'honorable M. Paul Michaut a parl� ensuite de la presse et des exc�s de la presse r�publicaine. Par �gard pour lui, je ne lui citerai pas les articles de la presse r�actionnaire.
Mais je dirai, parce que cela est vrai, que, pendant tout le temps de la p�riode �lectorale, pendant qu'on poursuivait, qu'on saisissait presque quotidiennement le journal r�publicain, qu'on le faisait enlever de toutes les auberges par les gendarmes, la presse r�actionnaire faisait des articles o� elle disait : Qui est-ce qui votera ? qui est-ce qui conseille de voter pour M. Cosson? C'est M. de Bismarck. Et elle d�veloppait ces id�es dans tous les articles ; elle donnait des extraits de soi-disant lettres de M. de Bismarck, qui �crivait � de pr�tendus agents en France : Poussez les �lecteurs � voter pour les 363.
Cela �tait impuni, messieurs; et pendant que cela �tait impuni, on poursuivait le Journal de Lun�ville, qui �tait coupable... de quoi, messieurs ? D'avoir reproduit un article du journal de notre �minent coll�gue M. Emile de Girardin, la France. Il �tait poursuivi, mais on n'osait pas faire de poursuites l�gales : ce n'est qu'un mois apr�s.

M. Paul Michaut. Parce que les assises n'ouvraient qu'un mois apr�s !

M. Edouard Lockroy. Oui, mais le proc�s est venu juste au moment o� l'on partait de l'invalidation de l'honorable M. Michaut, et peut-�tre esp�rait-on influer sur la Chambre par une condamnation que l'on n'a pas obtenue. (Rumeurs � droite.)
Il est arriv�, pendant le cours des d�bats de cette affaire, un incident assez curieux.
L'avocat du journal r�publicain a dit ce qu'il �tait naturel de dire en pareille circonstance : Pourquoi ne poursuivez-vous pas les journaux r�actionnaires qui, tous les jours, pr�chent le coup d'Etat et commettent des d�lits visibles pour tout le monde ?
Savez-vous ce qu'a r�pondu l'organe du minist�re public ? il a dit : Je ne lis pas ces journaux-la !

M. Paul Michaut. Il s'agissait du Pays et du Figaro.

M. Edouard Lockroy. J'ai parl� de journaux r�actionnaires : je ne pense pas que le Pays et le Figaro d�savouent cette qualification.
Enfin l'avocat a lu un article du Journal de Lun�ville, o� l'on faisait parler M. de Bismarck, et le minist�re public a dit : Cet article, je le d�savoue. Il l'a bl�m�, mais il ne l'a pas poursuivi.
Je crois donc que l'honorable M. Paul Michaut a eu tort de parler de l'inspecteur d'acad�mie et de la presse.
J'arrive maintenant � l'int�rim de la sous-pr�fecture.
Eh bien, messieurs, je crois que le fait est un peu moins innocent qu'on ne nous le disait tout � l'heure.
En effet, l'honorable M. Paul Michaut, qui a la m�moire heureuse, ne se souvenait pas de l'ordonnance de mars 1821. Cette ordonnance dit ceci : En cas d'absence du sous-pr�fet, il doit �tre remplac�, ou par un fonctionnaire de l'ordre administratif, ou par un conseiller de pr�fecture. Voil� l'ordonnance, voil� la loi ! L'honorable M. Paul Michaut nous a dit : Il n'y avait dans tout le d�partement de possible, pour remplir ce poste et faire cet int�rim, que mon fr�re.
Mais alors, lui r�pondrai-je, il n'y avait donc pas de conseiller de pr�fecture � la pr�fecture de Meurthe-et-Moselle ? Il n'y avait donc pas de fonctionnaire administratif dans le d�partement ? Car, comment se fait-il donc que M. le pr�fet de Meurthe-et-Moselle n'ait trouv� personne autre que votre fr�re, dans des circonstances pareilles, pour lui confier l'int�rim de la sous-pr�fecture ? Et si encore il ne le lui avait confi� qu'une fois, ce ne serait rien ; mais il le lui a confi� deux fois, et la seconde fois pendant la p�riode �lectorale.
La premi�re fois, je le veux bien, M. le sous-pr�fet est gravement malade ; il va dans les Pyr�n�es pour se soigner, et il laisse, ill�galement, l'int�rim de la sous pr�fecture � M. Gabriel Michaut, fr�re de M. Paul Michaut, candidat officiel.
Mais la seconde fois, M. le sous-pr�fet est-il malade ? non !
M. le sous-pr�fet se porte tr�s-bien ; il se porte si bien m�me qu'il parcourt les 163 communes de l'arrondissement, faisant, dans chacune de ces communes, des discours en faveur de l'honorable M. Paul Michaut. (Rires � gauche.)
Ainsi, l'honorable M. Michaut �tait recommand� par son fr�re qui faisait l'int�rim de la sous-pr�fecture, et par le sous-pr�fet qui faisait des discours.
M. Paul Michaut nous dit : Mais, pendant que mon fr�re a rempli cet int�rim, il n'a fait que signer, je crois, que des permis de chasse, que des papiers insignifiants.
Je r�ponds que le fr�re de M. Paul Michaut a cependant fait une chose : il a interdit � M. Cosson de pr�sider la distribution des prix de Lun�ville.

Un membre � droite. Cette mesure n'�tait pas du ressort du sous-pr�fet ! Donnez la preuve de l'interdiction qu'aurait prononc�e le sous-pr�fet int�rimaire.

M. Edouard Lockroy. La preuve est au dossier, et je dis que c'est l� un acte administratif qui va un peu loin.

Un membre � droite. La preuve ! la preuve !

A gauche. N'interrompez pas ! - Laissez parler !

M. Edouard Lockroy Je r�p�te qu'il y a, dans le dossier, des pi�ces qui �tablissent ce que j'avance.

M. le comte de Maill�. Eh bien, lisez ces pi�ces ! Faites-les conna�tre !

A gauche : N'interrompez pas !

M. Edouard Lockroy. J'aurais pu souvent interrompre M. Michaut au cours de sa discussion, mais je m'en suis bien gard�. Veuillez donc, messieurs, me laisser aller jusqu'au bout, et, si je me trompe, M. Michaut voudra bien me rectifier.
Je passe maintenant � un autre point, � la pression sur les ouvriers de Baccarat.
Ce que l'honorable M. Michaut ne nous a pas dit, c'est que huit ou dix jours avant le scrutin, des agents, - et quelques protestations disent des douaniers, et m�me dans une commune, je crois, un gendarme, - all�rent de porte en porte chez tous les habitants demander de signer une adresse imprim�e, qui est au dossier, dans laquelle on invitait les �lecteurs � voter pour M. Paul Michaut. Or, sachez bien que cette usine de Baccarat qui compte non pas des centaines, mais des milliers d'ouvriers, - je ne crois pas me tromper, elle en compte deux � trois mille,- fait vivre toutes les communes qui l'environnent ; que par cons�quent tous les habitants de ces communes d�pendent plus ou moins de la cristallerie de Baccarat; que sur un signe de l'administrateur de Baccarat, qui est tout-puissant dans sa fabrique, telle ou telle industrie, tel ou tel �tablissement peut �tre mis � l'index, qu'il peut �tre interdit
aux ouvriers; de sorte que le fabricant, l'industriel, le commer�ant, en pr�sence d'un manifeste o� on lui dit huit jours avant le vote de voter et d'engager ses concitoyens � voter pour M. Paul Michaut, s'il refuse, se trouve dans une situation inqui�tante. Il risque son gagne-pain, la vie de sa famille et de ses enfants. Voil� ce qui lui arrive s'il refuse. Et �tonnez-vous donc apr�s cela qu'il mette son nom en bas du manifeste. Il l'y met, non pas par conviction, mais bien contraint et forc�. (Tr�s-bien ! tr�s-bien ! � gauche et au centre.) En voulez-vous la preuve, messieurs? Mais la preuve, la voici : c'est que dans six communes, le nombre des �lecteurs qui ont vot� pour l'honorable M. Michaut est inf�rieur quelquefois, dans une commune, de 43 voix au nombre de ceux qui se sont engag�s � faire voter pour lui. Il y a donc des �lecteurs qui ont dit aux autres : Votez pour M. Paul Michaut ! en se r�servant � eux, de ne pas voter ou de voter pour son concurrent.

Voix � droite. C'est qu'ils ont �t� libres !

M. Edouard Lockroy. Je dis, messieurs, que c'est l� la preuve �clatante et convaincante que leur vote n'�tait pas libre. (C'est le contraire ! � droite.)
Comment le serait-il ? Comment ! huit jours � l'avance, on apporte une adresse aux �lecteurs; on leur demande de voter pour M. Paul Michaut qui est tout-puissant dans le pays, et vous dites qu'ils sont libres ! Si M. Michaut �tait � l'avance si certain de leurs suffrages, si Baccarat formait, comme il le disait tout � l'heure, une grande famille, o� l'attachement de tous les enfants � leur p�re �tait enracin� dans les coeurs, qu'avait-il besoin de faire circuler cette adresse, huit jours � l'avance ? Il n'avait qu'� attendre tranquillement et paisiblement le verdict du suffrage universel. (Tr�s-bien ! tr�s-bien ! � gauche.)
Il nous a apport�, il est vrai, aujourd'hui un nouveau document, o� les ouvriers de Baccarat disent : Nous n'avons pas subi de pression !
C'est d'abord pendant un voyage qu'il a fait, je crois, � Baccarat, que ce document a �t� sign� et que M. Michaut l'a trouv�.

M. Paul Michaut. Cela est vrai. J'ai trouv� ce document � mon retour et j'en ai �t� tr�s-touch� !

M. Edouard Lockroy. J'en suis touch� aussi. dans un autre sens. Il me para�t que ce document ne prouve pas grand'chose; et, en effet, messieurs, l'honorable M. Paul Michaut se trouve au milieu de ses ouvriers et les rassemble pour leur demander, sans honte, s'ils ont �t� violent�s lors du scrutin.

M. Paul Michaut. Non, monsieur.

M. Edouard Lockroy. Il est assez naturel que ces ouvriers qui tremblent, je le r�p�te, et pour leur pain et pour la vie de leur famille, d�clarent qu'ils ont �t� absolument libres.
(Murmures � droite.)
Un membre � droite. Allons donc!

M. Edouard Lockroy. Le document apport� par l'honorable M. Michaut ne porte donc pas la conviction dans mon esprit.
Je viens maintenant � l'intervention des gardes forestiers.
Eh bien, il y a dans l'arrondissement de Lun�ville 60 communes foresti�res. Quelques jours avant le vote, un ordre, dont M. Paul Michaut a donn� lecture, qui �manait de M. le ministre des finances, - et je recommande � nos amis de la commission d'enqu�te de vouloir bien s'occuper des ordres de cette nature qui ont �t� donn�s par l'honorable M. Caillaux, - un ordre, dis-je, est arriv� � tous les gardes forestiers de se rendre, le couteau de chasse au c�t�. (Exclamations ironiques � droite) et en grand uniforme dans toutes les sections de vote.
On nous dit : Mais c'est tout naturel; ils venaient l� pour maintenir l'ordre.
Mais d'abord on ne craignait pas que l'ordre f�t troubl�, il ne l'a jamais �t� dans cet arrondissement. Jamais on n'avait pris une mesure semblable, jamais on n'avait vu quelque chose de pareil.
On nous dit : Quelle terreur voulez-vous que cela r�pande dans le pays ? Quelle terreur, messieurs ? je vais vous le dire. Rappelez-vous que les villages qui avoisinent les for�ts vivent de la for�t, exactement comme les ports de mer vivent de la mer.
A gauche. C'est cela !

M. Edouard Lockroy. Or, qu'est-ce que le garde forestier ? Eh! messieurs, c'est le grand dispensateur des richesses de la for�t. Il est ma�tre dans la commune, craint plus qu'aucun fonctionnaire, plus que ne peut l'�tre dans les communes rurales, ou l'autorit� du juge de paix, ou l'autorit� du maire, ou l'autorit� du garde champ�tre.
Les droits qu'a le garde forestier, ils sont tr�s nombreux. Je sais qu'ils varient suivant les localit�s ; mais, si vous le d�sirez, je vais les �num�rer en deux mots. Le garde forestier peut accorder le droit de pacage des bestiaux dans les bois...
A droite. Jamais !

M. Martin Nadaud. Et le droit de ramasser le bois mort ?

M. Edouard Lockroy. Oui, le droit de pacage dans des cas tr�s-fr�quents. Demandez plut�t � tous ceux de nos amis qui habitent des circonscriptions foresti�res, et notamment � celui de nos coll�gues qui repr�sente un des arrondissements voisins de Rambouillet.
Puis, c'est la permission de ramasser le bois mort, les feuilles mortes, de couper la foug�re, la bruy�re, de recueillir les fruits des bois, tels que les fa�nes du h�tre, les pommes de pin, etc.
Enfin, c'est le garde forestier qui distribue les travaux tr�s-nombreux qui se font dans les for�ts, comme l'�lagage des arbres le long des routes, la r�paration des chemins d�fonc�s, comme encore les permissions pour couper et semer des arbres. Leurs droits sont tr�s-nombreux, et c'est d'eux que d�pend le travail, la fortune de tous les habitants des communes foresti�res.
Eh bien, je dis que quand le garde forestier arrive dans la salle du scrutin, qu'il y arrive en uniforme et en armes sur l'ordre du ministre des finances, qu'il s'assied � c�t� du maire et quelquefois malgr� lui, qu'il surveille les �lecteurs, qu'il suit les votes qui sont d�pos�s dans l'urne, je dis qu'il exerce une pression �lectorale tout � fait ill�gale, tout � fait odieuse et que sa pr�sence seule, arm�, dans la salle du scrutin, au moment au vote et pendant le d�pouillement, constitue une v�ritable ill�galit�. (Tr�s-bien ! tr�s-bien ! - Rumeurs � droite.)
Ces faits me paraissent suffisants pour vous faire annuler cette �lection.
Je les r�sume. La pression tout � fait ill�gale, exerc�e par les gardes forestiers en armes dans toutes les sections de vote ; la pression exerc�e sur les ouvriers de Baccarat; l'int�rim de la pr�fecture fait par le fr�re du candidat officiel; la mise en cong� illimit� d'un inspecteur d'acad�mie, aim�, estim� de ses chefs et de tous ceux qui le connaissent; enfin la violence de langage des journaux r�actionnaires.
Vous trouverez, messieurs, je n'en doute pas, que ce qui caract�rise surtout cette �lection, c'est la pression, l'intimidation exerc�e par le fort sur le faible, par le puissant sur l'�tre sans d�fense.

A droite. Comment le prouvez-vous ?

M. Edouard Lockroy. Et en effet, ce qui se passe dans les cantons industriels se passe �galement dans les cantons forestiers.
Dans les cantons industriels, on dit � l'ouvrier : Tu voteras pour le candidat officiel ou on te supprimera ton travail !
Dans les cantons forestiers, on dit � l'�lecteur : Tu voteras pour le candidat officiel ou on t'interdira la for�t !
Voil�, messieurs, ce qui caract�rise cette �lection, c'est l'intimidation ; ce qui fait que vous qui avez � coeur de prot�ger les faibles, de prot�ger le suffrage universel, d'en assurer la sinc�rit�, vous ne pourrez faire autrement que d'invalider cette �lection, une des plus graves qui vous aient �t� soumises jusqu'� pr�sent.
(Tr�s-bien ! tr�s-bien ! et applaudissements � gauche.)

M. Paul Michaut. Messieurs, je serai court, je vois que l'heure est avanc�e. Cependant il est impossible de ne pas laisser sans r�ponse un contradicteur auquel je reconnais une telle sup�riorit� de parole que si je n'avais pour moi la v�rit�, je devrais m'incliner.
Le premier grief est celui-ci : Il y a eu des d�placements administratifs, M. Michaut en a expliqu� trois. Mais l'inspecteur d'acad�mie ? M. Michaut, appel� dans la sous-commission, n'a pu trouver d'autre r�ponse que de dire que l'inspecteur a �t� suspendu pour �tre entr� dans un cabaret, � l'heure de la messe, avec un instituteur.
Il faut que j'aie �t� bien impuissant � exprimer ma pens�e pour qu'on ait pu m'attribuer une telle chose. Il y a cinq d�put�s dans le d�partement de Meurthe-et-Moselle ; par cons�quent, je n'ai qu'un cinqui�me de responsabilit� de la mesure qui a �t� prise � l'�gard de cet inspecteur d'acad�mie. J'ai dit, quand on m'a demand� pourquoi on lui avait donn� un cong� : Je n'en sais rien ; mais j'ai entendu parler de son peu de tact. Un journal de Nancy lui reprochait, en revenant d'une excursion de plaisir faite un dimanche au Donon, de s'�tre install� avec un instituteur dans un cabaret vis-�-vis l'�glise, � l'heure o� l'on entrait � la grand'messe.

M. Bamberger, ironiquement. C'est affreux !

M. Paul Michaut. C'est un manque de tact.

Un membre. S'il avait faim ?

M. Paul Michaut. Je n'ai pas � apporter ici une appr�ciation personnelle ; je dis que c'est au moins un manque de tact.

Un membre � gauche. Ce n'est pas un motif de cong�.

M. Paul Michaut. Quels sont les motifs de sa mise en cong�? Je n'en sais rien du tout; et je n'ai pas entendu parler de l'incident qui pr�c�de comme d'un motif de cong�, ce qui e�t �t� absurde, mais comme d'un manque de tact et de tenue.
En ce qui concerne les journaux, il me para�t mutile que j'y revienne. Si on lisait les journaux de droite et les journaux de gauche, on n'en finirait pas, et cela ne convertirait personne.
J'en arrive � l'adresse imprim�e qui a circul� dans le canton.
C'est � mon retour de Vichy que j'ai trouv� les comit�s �lectoraux conservateurs organis�s. Le comit� de Baccarat s'�tait r�uni et avait pr�par� une adresse des �lecteurs de ce canton recommandant ma candidature aux �lecteurs des autres cantons. On m'en parla, et je dis :
�� Vous ferez ce que vous voudrez, � une condition : c'est que ce ne sera pas soumis aux ouvriers; vous la ferez signer par vos amis; mais je ne veux pas que la politique entre dans l'usine. �
Par cons�quent, cela n'a rien � faire avec la lettre que je vous ai lue tout � l'heure.
On dit : Mais M. Michaut est tout-puissant dans le pays et l'opprime par sa situation. Comment ! voil� un canton qui a 30 communes; il y a des ouvriers � Baccarat, � Deneuvre et � Bertrichamps; cela fait trois communes. Il n'y en a pas dans les 27 autres communes, qui sont agricoles.
Eh bien, mais que voulez-vous que l'influence de la cristallerie de Baccarat fasse dans ces 27 communes? Absolument rien du tout. J'ai une situation personnelle dans le canton, non pas � cause de la cristallerie, mais parce que je suis du pays, parce que j'ai �t� �lev� � Baccarat, parce que j'y ai mes propri�t�s, parce que j'y ai d'immenses affinit�s. L'action de la cristallerie de Baccarat ne comprend qu'un groupe de trois communes, pas davantage.
On me dit : Il faut qu'il y ait eu bien de la pression, puisqu'il y a six communes qui pr�sentent un total de 106 suffrages de moins que de signatures. Qu'est-ce que cela prouve? C'est que, dans ces six communes, il y a eu des gens absents, malades ou qui ont chang� d'avis. Et il y en a 1,597 qui ont vot� pour moi et qui n'ont pas sign�. Cela fait bien compensation.
Qu'en concluez-vous ? Qu'il y a eu pression ? On parle, dans le rapport, des agents de M. Michaut. J'affirme que je n'ai pas eu un seul agent. J'ai eu des amis, oui, mais des agents, non.
On a parl� des ouvriers trembleurs qui n'osaient pas me combattre. Ah ! messieurs, vous ne connaissez pas le gentilhomme verrier ! Lorsqu'il a commenc� � travailler, � douze ans, et qu'il est arriv� � trente ans. � s'asseoir sur son banc de verrier, en exer�ant le plus noble et le plus difficile des m�tiers, il a son ind�pendance et le sentiment de sa dignit�, je vous l'assure.
Ces populations sont �lev�es dans l'instruction et dans l'ind�pendance. Je les tiens dans ma main, par l'amour que j'ai pour elles, mais elles me tiennent dans la leur, car nos sentiments sont communs. (Tr�s-bien ! tr�s-bien ! � droite.) Si j'avais demain un successeur qui ne suivit pas la m�me r�gle de conduite lib�rale, soyez s�rs qu'elles ne se laisseraient pas opprimer.
Je n'ai pas invent� cette mani�re d'�tre, je n'ai fait que suivre une tradition qui �tait n�e avant moi. Si l'on avait avec ces populations des proc�d�s despotiques, on se heurterait � une dignit� invincible.
On a parl� des gardes forestiers et de la terreur qu'ils ont exerc�e ! En v�rit�, messieurs, je ne sais pas quel pays vous habitez, mais je vous assure que, chez moi, ils n'exercent aucune sorte d'intimidation.
J'ai dit qu'ils avaient �t� dans les salles de scrutin ou aux alentours des salles dans 15 ou 16 communes, je m'arr�te aux 11 communes d�sign�es dans le rapport, et je ne veux ni en ajouter ni en retrancher, pour qu'on ne m'accuse pas d'introduire des �l�ments discutables; eh bien, dans ces 11 communes j'ai eu 666 voix et M. Cosson 1,123. O� donc est le r�sultat de la terreur exerc�e par les gardes ? Et puis, les attributions des gardes sont-elles si importantes qu'on vous l'a dit ? L'administration vend sa coupe. Quelle autorit� a-t-il ? Il laisse ramasser du bois mort, mais des feuilles, pas, et j'esp�re bien qu'on n'en d�livrera jamais en France. Il d�livre des produits accessoires, mais seulement quand l'individu concessionnaire est all� s'inscrire chez le garde g�n�ral, et a pris l'engagement de fournir, soit une somme d'argent soit des journ�es de travail � raison de tant du cent de fagots ou de bruy�res ; mais le garde n'a aucune autorit� r�elle.
Je ne sais pas s'il y a d'autres parties de la France o� les gardes forestiers aient des droits diff�rents ; je ne le crois pas. J'ai �t� garde g�n�ral, et je vous d�clare que tout ce qu'on vous a dit � cet �gard, c'est pure fiction, c'est une erreur.
Enfin, mon honorable contradicteur a dit et r�p�t� que des gardes �taient entr�s et rest�s dans la salle de vote contre la volont� des maires. Je proteste de nouveau contre cette d�claration; nulle part un garde n'est rest� contre la volont� des maires. On a cit� tout � l'heure le village de La Ronxe ; j'ai l� une lettre du maire qui vous contredit. En voulez-vous d'autres ? Cela n'a eu lieu nulle part.
Et qui donc a pu �tre intimid� par un garde qui arrive avec son ceinturon et son couteau de chasse qu'il pose sur un banc de l'�cole et s'assied dans la salle ? Est-ce l� un objet de terreur, une menace s�rieuse ? Mais enfin vous-m�mes vous n'y croyez pas !

Un membre � gauche. Pourquoi ces gardes sont-ils venus ?

M. Paul Michaut. Parce qu'ils en ont re�u l'ordre !

A gauche. Ah ! ah !

M. Cl�menceau. Et pourquoi en ont-ils re�u l'ordre ?

M. Paul Michaut. Parce qu'ils avaient re�u l'ordre de se mettre � la disposition des maires.
Voulez-vous lire les lettres des maires ?
Un membre � droite. C'�tait une mesure g�n�rale !

M. Paul Michaut. J'ai lu une pi�ce pour une des communes incrimin�es. Je pourrai citer les autres.
En voici une :
�� Les soussign�s, membres du scrutin des �lections, le 14 octobre 1877, certifient par le pr�sent que le brigadier forestier Ehrmann, � Bossupr�, commune de Laneuveville-aux-Bois, s'est pr�sent� par l'ordre de M. l'inspecteur des for�ts � Lun�ville, � la salle de vote de Parroy, � onze heures et demie, en tenue de sergent fourrier des chasseurs forestiers, muni de son couteau de chasse, en d�clarant � M. le maire qu'il �tait envoy� de la part de M. l'inspecteur pour se mettre � sa disposition pour la police de la salle de vote en cas de tumulte. M. le maire l'accepta dans ces conditions.
�� Dans l'apr�s-midi, le brigadier Ehrmann s'adressa de nouveau � M. le maire en lui demandant si sa pr�sence �tait n�cessaire � la salle de vote jusqu'au d�pouillement du scrutin. M. le maire lui r�pondit : Je pr�f�re que vous restiez jusqu'apr�s le d�pouillement du scrutin... �

Un membre � gauche. C'est l� ce qui est grave.

M. le pr�sident. N'interrompez donc pas! Vous ne devez pas faire ces r�flexions � haute voix.

M. Paul Michaut.et enfin, au moment du d�pouillement, le brigadier fut oblig� d'imposer silence � plusieurs reprises.
�� Il en a �t� de m�me dans les autres communes. �
Je crois, messieurs, que l'opinion de la Chambre est faite. (Tr�s-bien ! tr�s-bien ! � droite. - Aux voix ! aux voix !)

M. Edouard Lockroy. Je ne veux r�pondre qu'un mot, messieurs, et j'y suis oblig� parce que l'honorable M. Michaut a dit, tout � l'heure, je crois, qu'il n'avait �t� exerc� aucune pression sur les ouvriers de la cristallerie de Baccarat alors qu'on leur a propos� de signer un manifeste qui avait �t� �crit d'avance et dont voici le texte :
�� Nous ouvriers de la cristallerie de Baccarat, nous n'avons pas oubli� au prix de quels sacrifices, etc. �
Et l'adresse est sign�e...
On dit qu'il n'y avait pas d'ouvriers sur cristaux parmi les signataires. Or, l'adresse est sign�e : Martin, surveillant aux cristalleries; Dufour.

M. Paul Michaut. Voulez-vous me permettre? Ce ne sera pas long.
Des ouvriers ont dit : Nous savons que M. Michaut tient � ce que nous ne signions pas comme ouvriers; mais nous sommes propri�taires � Baccarat et nous demandons � signer en tant que propri�taires. Et il y en a un tr�s-petit nombre qui ont sign�.

M. Edouard Lockroy. Ces ouvriers ont sign� en tant que propri�taires, je le veux bien ; mais enfin ils ont sign� aussi en tant qu'ouvriers. (Aux voix ! aux voix !)
Un fait encore.
L'honorable M. Paul Michaut a cit� tout � l'heure une lettre du maire de Laronxe. Eh
bien, j'ai entre les mains une lettre du maire de Laronxe.

M. Paul Michant. Il signera toutes celles que vous lui pr�senterez. (Ah ! ah ! � gauche.) Oui, c'est comme cela.

M. Edouard Lockroy. Eh bien, messieurs, je descends de cette tribune et je vous laisse juger le caract�re des pi�ces apport�es par l'honorable M. Michaut.

M. le pr�sident. Je consulte la Chambre sur les conclusions du bureau qui tendent � l'invalidation.

(Deux �preuves successives ont lieu : l'une par mains lev�es, l'autre par assis et lev�; elles sont d�clar�es douteuses par le bureau.) M. le pr�sident. Il va �tre proc�d� au scrutin.
(Le scrutin est ouvert et les votes sont recueillis.)

Pendant le d�pouillement, M. le pr�sident donne la parole pour des d�p�ts de rapports.
[...]
MM. les secr�taires qui viennent de d�pouiller le scrutin sont d'avis qu'il y a lieu � pointage. Il va y �tre proc�d�.
En attendant le r�sultat de cette op�ration, je soumets � la Chambre le projet d'ordre du jour pour jeudi.
[...]
(La s�ance reste suspendue jusqu'� sept heures vingt-cinq minutes.) A ce moment, MM. les secr�taires apportent � M. le pr�sident le r�sultat de la v�rification du vote sur l'�lection de M. Michaut.

M. le pr�sident. Voici les chiffres d�finitifs du scrutin :
Nombre des votants. 410
Majorit� absolue. 206
Pour l'adoption 217
Contre. 193
La Chambre a adopt� les conclusions du bureau et invalid� l'�lection de M. Michaut.
(La s�ance est lev�e � sept heures et demie.)


NDLR : on notera dans ces d�bats la lettre de soutien de Hubert Brice, maire de Bl�mont, au candidat de gauche Joseph Cosson, soutenu aussi par l'intervention du d�put� Jules Viette, lui aussi maire de Blamont, mais dans le Doubs.

 

R�daction : Thierry Meurant

 

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