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Le 19 septembre 1908, l'Est-R�publicain s'interroge sur une
�trange histoire arriv�e le 30 juillet 1908 � Dom�vre sur
Vezouze � un automobiliste am�ricain :
�� Une bizarre histoire
Le New-York Herald publie le r�cit du colonel Andrew Nutting, de
Brooklyn, qui aurait �t� arr�t� ces jours derniers pr�s de
Lun�ville en automobile par des ouvriers qui ne l'auraient
ensuite laiss� passer qu'en payant 190 mark, sous pr�texte de
d�g�ts qu'il aurait caus�s. Il aurait re�u de l'un d'eux un re�u
sign� : Auguste Marchal.
L'histoire est d'autant plus incompr�hensible que sur la demande
du colonel les agresseurs seraient all�s chercher un agent en
ville. De plus, ils auraient r�clam� un paiement en mark, ce qui
n'est pas l'usage � Lun�ville. D'autre part, le colonel Nutting
n'est pas un aventurier. Que penser de cette affaire dont la
gendarmerie et la police n'ont pas eu connaissance ? �
Mais si la gendarmerie n'a pas �t� imm�diatement inform�e, c'est que le Colonel Nutting se rendant
ce jour l� de Baden-Baden � Nancy, a continu� sa route apr�s
l'incident, et c'est par l'interm�diaire de l'ambassade des
Etats-Unis que l'affaire sera soumise au parquet de Lun�ville :
�� INGENIEUX ESCROCS. Sur une plainte d�pos�e par l'ambassade
des Etats-Unis en France, le parquet de Lun�ville a fait
proc�der � une enqu�te sur des violences dont avait �t� victime
le colonel Nutting, de l'arm�e am�ricaine.
Cet officier, passant en automobile pr�s de Dom�vre-sur-Vezouze,
le 30 juillet dernier, vers 6 heures du soir, se vit barrer la
route par des ouvriers terrassiers et dut verser 250 francs pour
pouvoir continuer sa route, les ouvriers ayant pr�tendu qu'un de
leurs camarades avait �t� renvers� par l'automobile. Un garde
champ�tre, coiff� de son k�pi, prit la somme et. fit livrer
passage aux excursionnistes. L'enqu�te �tablit que les ouvriers
en question avaient simul� un accident et toute la mise en sc�ne
qui suivit; l'un d'eux s'�tait muni d'un k�pi galonn�, dans le
but de faire �� chanter � les automobilistes. Deux des coupables
ont �t� retrouv�s et auront � r�pondre devant les tribunaux des
escroqueries auxquelles ils ont particip� � - Le Temps 1er
octobre 1908.
(Articles similaires dans le Radical, La Justice...)
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Les m�saventures du Colonel Nutting seront reproduites
dans de nombreux titres de la presse am�ricaine, pendant
plus de trois mois, comme
on le voit dans les exemples ci-dessous. |

The Brooklyn Daily Eagle,
16 ao�t 1908 |

The Washington Times,
25 octobre 1908 |
Quant au coupable, il n'�tait gu�re difficile d'identifier
Auguste Marchal, puisqu'il avait sign� le re�u de son vrai nom !
Mais son arrestation reste diff�r�e puisque l'Est-R�publicain du
2 octobre 1908 pr�cise qu'il a disparu :
�� L'Am�ricain exploit�
Nous avons cont� la m�saventure du colonel am�ricain Nutting,
dont la voiture automobile fut arr�t�e par plusieurs individus �
Dom�vre-sur-Vezouse ; les renseignements qu'il avait donn�s sont
� peu pr�s confirm�s ; le principal coupable serait Auguste
Marchal, alors occup� � Dom�vre, qui se coucha sur la route
comme bless� par l'automobile, et a disparu depuis. �
R�fugi� � Nancy, Auguste Marchal sera arr�t� par hasard :
Est-R�publicain : 5 novembre 1908 :
�� Malade dans la rue
Mercredi, vers dix heures du matin, un nomm� Marchal,
terrassier, fut pris d'une crise �pileptique, rue de la
Visitation, Il fut conduit au bureau central de police, o� il
fut reconnu pour �tre cet ouvrier terrassier qui s'�tait couch�
sur la route pr�s de Dom�vre-sur-Vezouze, au passage d'une
automobile, et qui se fit donner une indemnit� par le
propri�taire de l'auto, un richissime Am�ricain. Marchal �tait
v�tu de v�tements neufs qu'il avait achet�s avec l'argent qui
lui fut donn� � cette occasion. �
L'�pilogue n'interviendra qu'en mars 1909 avec une condamnation
� six mois de prison, mais r�tablira de plus la v�rit� :
l'escroquerie n'�tait apparemment qu'une id�e spontan�e
d'Auguste Marchal pour abuser d'un automobiliste qu'il croyait
allemand puisque venant de la fronti�re. Quant au pr�tendu complice d�guis� en garde-champ�tre,
il s'agit r�ellement de l'adjoint au maire de Dom�vre qui semble
avoir �t� dupe aussi d'Auguste Marchal.
Est-R�publicain - 19 mars 1909 :
�� Tribunal correctionnel de Lun�ville
Audience du 17 mars 1909
L'escroquerie � l'accident d'automobile
C'est une histoire peu banale ; Le 30 juillet, Auguste Marchal,
27 ans, terrassier � Badonviller, revenait du travail avec
d'autres ouvriers. Ils �taient sur la route nationale, non loin
de Dom�vre. Soudain, une automobile surgit derri�re eux. Les
ouvriers se gar�rent, sauf Marchal, qui vint se mettre devant la
voiture ; celle ci fit un brusque � droite. Marchal, tenace, la
suivit et se coucha en travers des deux roues de devant du
v�hicule. Il poussa alors des cris, se disant bless� et ayant au
moins la jambe cass�e. On s'empressa autour de lui ; les
voyageurs, qui �taient le colonel am�ricain Nutting et deux
dames, propos�rent au bless� de le conduire � Bl�mont, o� ils
lui feraient donner les soins que comporterait son �tat. Marchal
refusa et pour cause. Il exigea le paiement s�ance tenante de
200 mark. (Il croyait avoir affaire � des Allemands). Le colonel Nutting refusa de payer.
On alla alors chercher le maire de Dom�vre. Celui-ci, absent,
son adjoint arriva � sa place et apr�s quelques discussions,
obtint de l'automobiliste le versement d'une indemnit�. Afin de
mettre fin � cette sc�ne, l'Am�ricain s'ex�cuta et versa 190
francs � Marchal, que ses camarades transport�rent � Dom�vre, �
sa pension, o� il entra en dansant une gigue �chevel�e.
Une caisse de bouteilles de bi�re fut servie et on trinqua � la
sant� de ta bonne poire transatlantique. Mais celle-ci avait mal
dig�r� l'aventure ; aussi d�posa-t-elle une plainte contre
l'imposteur, qu'elle d�peignit dans un style imag�, comme un
v�ritable apache d'un r�cit de Fenimore Cooper, tout en
comparant la paisible campagne de Dom�vre � quelque Archansas du
nouveau continent.
Marchal, qui avait disparu, fut appr�hend� le 10 novembre �
Nancy.
Il a comparu � cette audience. De nombreux t�moins ont �t�
entendus, qui ne laissent aucun doute sur l'authenticit� des
faits. Le pr�venu, qui est un �pileptique, pr�tend qu'il a eu �
ce moment une crise et qu'il ne se souvient de rien. Il a d�j�
encouru sept condamnations ; de mauvais renseignements sont
donn�s sur son compte, par sa femme elle-m�me, qu'il a laiss�e
sans ressources avec quatre enfants.
Le tribunal condamne Marchal � six mois de prison. �
Figure
importante de la vie de Brooklyn pendant plus d'un
demi-si�cle, Andrew J. Nutting, apr�s une premi�re
exp�rience d'apprenti dans la presse locale, se lance
dans le commerce de v�tements.
Apr�s des premiers �tablissements � Broadway et Cortland,
if fonde � Brooklyn en 1880 le grand magasin de
v�tements "A.J. Nutting and Co", puis �tend ses magasins
� Pittsburg, Rochester et Chicago.
Grand amateur de chevaux, membre de tr�s nombreux clubs,
A.J. Nutting effectue dans la seconde moiti� de l'ann�e
1908 un grand tour d'Europe en automobile (avec
chauffeur), avec sa fille accompagn�e d'une amie. |

Colonel Andrew J. Nutting
-1834-1924 |
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