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Le docteur Putegnat a publi�
plusieurs articles sur la fi�vre typho�de dans le Lun�villois
(voir Gazette m�dicale de Paris 1638).
L'article ci-dessous date de 1845 : mais la fi�vre typho�de
continuera de s�vir tout au long du XIX�me (voir
Archives g�n�rales de m�decine Janvier
1880), et n'�pargnera pas population et troupes durant la
premi�re guerre mondiale.
Note : la fi�vre typho�de est une maladie infectieuse caus�e par une
bact�rie de la famille Ent�robact�rie, du genre des salmonelles.
La maladie s�vit toujours dans le monde (21 millions de malades
par an, avec 200 � 600 000 d�c�s annuels), transmise par l'eau
et la nourriture crue, mais a r�gress� en France et en Europe d�s la javellisation g�n�ralis�e de l'eau de
boisson.
On lit parfois que la vaccination obligatoire antitypho�dique
d�s 1914 a contribu� � �radiquer la maladie : certes, mais la
loi du 27 mars 1914
ne concernait que l'arm�e active, et seuls 125 000 soldats
avaient �t� vaccin�s avant l'entr�e en guerre. La vaccination
sera acc�l�r�e pendant la guerre, o� l'on d�nombre dans l'arm�e
45000 cas en 1914, 64000 en 1915, 12000 en 1916, 1600 en 1917 et
665 en 1918 (attention cependant � ces chiffres, car il semble
que les troupes
coloniales n'aient pas �t� syst�matiquement vaccin�es...)
Journal de m�decine, de
chirurgie et de pharmacologie.
D�cembre 1845
I. - M�MOIRES ET
OBSERVATIONS.
Recherches sur le g�nie �pid�mique de la fi�vre typho�de,
observ�e dans plusieurs communes de l'arrondissement de
Lun�ville; par PUTEGNAT, docteur en m�decine et en chirurgie,
membre de plusieurs soci�t�s savantes, etc.
Quomodocumque se res habeat, unusquisque abundat suo sensu.
(Baglivi, �dition de 1751, page 389.)
Si chaque praticien, libre de toute doctrine, nullius methodum
vituperant, sed abs omnibus discens (comme le dit Baglivi, l.
c.); �tudiant avec soin les affections qu'il rencontre, �tait
convaincu qu'il se doit non-seulement aux malades, mais encore �
la science, l'on verrait celle-ci se perfectionner avec une
rapidit� �tonnante.
Chose singuli�re ! � laquelle on ne peut r�fl�chir sans douleur
: parmi les corps scientifiques, le m�dical est celui o�
brillent du plus vif �clat ta science et l'�ducation, et il est
malheureusement celui dans lequel ont jet� de plus profondes
racines, la vanit� et les pr�jug�s. Ainsi: vous, m�decins de
campagne; vous, m�decins de petites villes ; vous tous enfin,
qui vivez avec vos clients, qui les observez avant, pendant et
apr�s la maladie, je vous le dis, vous tenterez souvent en vain
d'�lever la voix pour faire conna�tre le fruit de votre
exp�rience consciencieuse, car vous n'exercez pas sur un
th��tre, non point assez grand, mais assez �lev� !
Si, il y a quelques ann�es, on voyait para�tre de nombreux
�crits sur la fi�vre
typho�de, c'est que, dans ce moment, o� l'on discutait beaucoup
sur l'essentialit� des fi�vres, o� Broussais avait engag� sa
vive et rude pol�mique contre les doctrines m�dicales, cette
affection pr�sentait un heureux champ de bataille, sur lequel
les partis pouvaient se montrer pour vider leurs querelles
scientifiques.
Aujourd'hui, quoiqu'on ne discute plus sur l'individualisation
de cette fi�vre, parce que les sympt�mes anatomiques et
physiologiques en sont bien �tablis, l'on voit par les
recherches publi�es dans les journaux, que l'�tude de cette
affection est encore � l'ordre du jour, et que bien des points
de son histoire m�ritent d'�tre �claircis. La seule dissidence
qui r�gne entre les m�decins de Paris et ceux qui exercent en
province, est aussi une preuve que le dernier mot � dire sur
l'�tiologie de cette maladie est � trouver.
Aux m�decins donc, qui ont vu et observ� cette fi�vre � Paris et
dans de petites localit�s; qui savent, comme nous le dit Baglivi
(lib. 1,C. 1.), novos veteribus non opponere, sed quoad fieri
potest, perpetuo jungere foedere; � ceux-l� donc qui ne se sont
enr�l�s sous aucune banni�re, l'on doit accorder son attention
quand ils font conna�tre ce qu'ils ont appris.
Ayant �tudi� pendant cinq ann�es, la fi�vre typho�de dans les
h�pitaux de Paris, ayant pu soigner des centaines d'individus
atteints de cette affection, que j'ai vue r�gner �pid�miquement
dans neuf communes de l'arrondissement de Lun�ville, je viens
traiter un des points les plus obscurs de son �tiologie.
L'�tiologie constitue, sans contredit, l'une des parties
principales de l'histoire d'une maladie quelconque et en
particulier de la fi�vre typho�de. Cette v�rit�, que j'ai
d�velopp�e ailleurs (voir mon Trait� de Pathologie interne du
syst�me respiratoire, tome 1er, page 115), a �t� appr�ci�e de
tout temps : de l� vient que les Sydenham, les Huxam, les Stool,
les Pringle, les Roederer et lesWagler, se sont occup�s de
l'�tiologie de cette affection. Mais, il faut l'avouer, si,
depuis quelque temps les observateurs ont �tudi� avec une
patience et un soin tout particulier, le diagnostic des maladies
et toutes les alt�rations pathologiques saisissables, qui
repr�sentent les diverses p�riodes de celle-ci, c'est au
d�triment de l'�tiologie. Ce que je dis d'une maladie quelconque
s'applique surtout et en particulier � la fi�vre typho�de, sur
les causes de laquelle r�gne encore, dit M. Louis (tome II, page
457), la plus profonde obscurit�.
Si l'on consulte les derniers ouvrages publi�s sur cette
affection (voir ceux de Chomel, 2e �dition; de Louis, 2e �dition
; de Forget; de Piorry), l'on verra qu'il est impossible
d'attribuer � cette fi�vre ces mille et une causes que l'on
donne ordinairement � chaque maladie.
Bien que repouss�e par MM. Andral, Bouillaud, Broussais, Louis,
Petit, Rochoux, Serres, etc., la contagion de la fi�vre
typho�de, reconnue par Huxam (ch. VIII), aujourd'hui, est
irr�vocablement d�montr�e et admise (voir Forget, Ent�rite
folliculeuse, page 465; Piorry, Pathologie iatrique,
introduction, page XXIII). Ce fait est d� sp�cialement aux
travaux de M. Bretonneau (Archives g�n�rales de m�decine, tome
XXI, 1829), de M. Gendron (l. c., 1829, n� de juin et juillet),
de M. Leuret, et aux miens que j'ai adress�s � l'Acad�mie de
m�decine de Paris, et que j'ai publi�s en partie dans la Gazette
m�dicale de Paris, en 1838, pages 397 et 710 (voir Forget et Piorry, I. c).
Mon but, en composant ce travail bas� sur treize cents faits
environ, n'est pas de prouver de nouveau cette contagion ; mais
de d�montrer dans quelles circonstances elle a lieu, et pourquoi
elle n'existe point dans telles autres. II me sera facile,
d'apr�s mon exp�rience et les nombreuses observations que j'ai
recueillies, de faire voir que cette fi�vre est bien plus
souvent contagieuse que ne le pensent MM. Chomel et Genest(l.
c.), Gautier de Claubry (M�moires de l'Acad�mie de m�decine,
1838, t. VIII), et de pr�ciser avec justesse les circonstances,
assez rares et non encore d�termin�es (disent ces auteurs),
suivant lesquelles cette fi�vre se communique. Pourquoi � Paris
la contagion ne subsiste-t-elle pas ? Par quels motifs cette
contagion r�gne-t-elle dans certaines localit�s ? Ce m�moire
doit r�pondre � ces questions ; il donnera les raisons en vertu
desquelles la contagion n'a pas lieu et ne doit point r�gner
dans les h�pitaux, et d�montrera la v�rit� de cette phrase de M.
Andral (Clinique m�dicale, tome 1er, page 485) : Nous ne nions
point les faits cit�s par les auteurs (Bretonneau, Gendron,
Leuret, Putegnat, etc.) ; mais ce que nous avan�ons avec
assurance, c'est que jamais � Paris, soit dans les h�pitaux,
soit hors des h�pitaux, nous n'avons reconnu � cette maladie le
moindre caract�re contagieux. �
Quelles sont les principales circonstances qui favorisent la
contagion de la fi�vre typho�de dans certaines familles de
Lun�ville et dans plusieurs communes de l'arrondissement de
cette ville ?
Pour r�soudre ce probl�me complexe et d'une si haute port�e tant
hygi�nique que th�rapeutique, j'ai besoin de m'appuyer sur de
nombreuses consid�rations que je vais d'abord faire conna�tre en
r�pondant aux questions suivantes:
A. Sous quelle forme la fi�vre typho�de semble-t-elle surtout
contagieuse ?
B. a quelle �poque de la maladie la contagion est-elle le plus �
craindre ?
C. Quelles sont les. personnes les plus expos�es � ta contagion
?
D. Quelles sont les conditions topographiques les plus propres �
engendrer cette fi�vre et � la propager par la contagion ?
A. - Je ne sais sous quelle forme la fi�vre typho�de se pr�sente
le plus souvent � Paris ; mais j'ai pu et d� remarquer que, �
Lun�ville et dans les villages o� j'ai �t� appel� pour la
traiter, j'ai rencontr�, rarement la vari�t� ataxique ;
quelquefois la vari�t� inflammatoire, adynamique; et,
tr�s-fr�quemment, la forme muqueuse. Cela pos�, l'on ne sera pas
�tonn� de m'entendre dire : ta fi�vre typho�de, forme muqueuse,
est celle qui se transmet le plus souvent. Cependant, je dois
ajouter que, proportion gard�e, la vari�t� muqueuse est encore
celle qui se communique le plus facilement.
Ici se pr�sente la question suivante : Une vari�t� quelconque
produit-elle n�cessairement la m�me vari�t� ?
Non. J'ai vu la muqueuse engendrer l'ataxique, ou toute autre;
l'ataxique, telle ou telle autre ; l'adynamique donner le typhus
gangr�neux, et celui-ci les vari�t�s muqueuse et adynamique
(voir mon m�moire dans la Gazette m�dicale de Paris, 1838, page
711). Ainsi, telle vari�t� peut produire telle ou telle autre,
suivant des circonstances qui me sont rest�es inconnues ; et,
qui plus est : la forme transmise peut, suivant une cause cach�e
quelquefois et m�me souvent appr�ciable, �tre plus ou moins
dangereuse que celle qui l'a donn�e. La forme productrice n'est
donc point essentiellement li�e � la forme engendr�e. Tel est un
fait que j'ai observ� et v�rifi� tant � Lun�ville que dans les
environs.
B. - A quelle p�riode cette fi�vre est-elle surtout contagieuse
?
Cette question est, � mes yeux, aussi importante que celle qui
la pr�c�de imm�diatement. Il ne suffit pas, en effet, de savoir
que telle affection est contagieuse, mais � quelle p�riode elle
l'est surtout. L'on sait que certaine maladie est contagieuse
depuis sa naissance jusqu'� sa disparition (variole,
scarlatine); tandis que telle autre (la gale par exemple) ne
jouit plus du pouvoir de se transmettre au bout de quelques
jours qu'elle est soumise � un traitement rationnel, parce que
l'acarus est tu� bien que la v�sicule persiste encore. Or, voici
ce que j'ai cru remarquer au sujet de la fi�vre typho�de,
interrog�e sous ce point de vue.
Cette maladie, sous forme muqueuse, ou ataxique, ou bilieuse, ou
adynamique, etc., est contagieuse pendant ses trois p�riodes
principales. J'ai vu des individus �tre atteints de cette
affection, pour avoir soign�, et m�me visit� une seule fois, un
des leurs, convalescent, ou chez lequel tous les sympt�mes
connus faisaient diagnostiquer soit l'�tat gaufr�, soit
l'ulc�ration d'une ou de plusieurs plaques de Peyer. Tel est un
premier r�sultat auquel je suis parvenu. Je dis encore que c'est
pendant la p�riode des ulc�rations, qui, comme on le sait, va
jusque dans la convalescence, que j'ai vu la contagion �tre plus
facile et plus fr�quente. Mais est-ce l� un motif suffisant pour
d�terminer � croire que c'est alors que la contagion est
vraiment le plus � craindre ? Je ne le pense pas, et voici les
raisons sur lesquelles je m'appuie: il est bien �vident que,
puisque cette fi�vre est susceptible de se transmettre par la
contagion, pendant ses trois p�riodes, elle doit n�cessairement
se propager plus souvent et plus facilement pendant celle qui
est la plus longue. La p�riode des ulc�rations �tant la plus
longue des trois, il n'est donc pas �tonnant que ce soit pendant
son cours qu'ait surtout lieu la contagion. L'on, pourrait
encore trouver assez facilement des motifs qui prouveraient que
c'est v�ritablement, � cette �poque que la contagion soit
surtout � craindre. C'est pendant cette p�riode d'ulc�rations
que les malades offrent des p�t�chies, des sueurs, des
fuliginosit�s; c'est alors qu'ils ont, ou qu'ils peuvent avoir
des eschares ; c'est alors que les yeux sont chassieux, qu'il y
a absorption du pus des ulc�res ; que le lit et la chambre du
patient sont fr�quemment infect�s, au point que celui-ci demande
de l'air, � grands cris, c'est alors que son haleine a une odeur
particuli�re, sui generis, que j'ai d�j� signal�e dans la
Gazelle m�dicale de Paris (l. c.) ; c'est alors que le sang tir�
de la veine (ce que, du reste, nie � tort M. Forget, l. c., page
455) est tel qu'� sa vue seule, il est souvent possible de
reconna�tre que l'individu qui l'a fourni est frapp�
de fi�vre typho�de ; c'est alors enfin, que tout le corps du
malade est infect� au plus haut degr�, que les intestins et le
tr�pied vital re�oivent les plus cruelles atteintes.
C. - Quelles sont les personnes les plus expos�es � la contagion
?
Cette question est bien plus difficile � r�soudre qu'on ne
pourrait le croire de prime abord. Le grand int�r�t attach� � sa
solution, fait qu'elle m�rite d'�tre �tudi�e avec un soin
extr�me. Pour y r�pondre, je dois rechercher quels sont les
�ges, temp�raments, constitutions, etc., qui pr�disposent le
plus � cette maladie, et qui semblent favoriser le plus sa
propagation par contagion.
Age. C'est principalement chez les adultes que la fi�vre est
fr�quente � Lun�ville et dans les villages voisins. Les trois
quarts des nombreux malades que j'ai soign�s, avaient de 15 � 40
ans. J. Franck avait d�j� donn� ces chiffres dans son Trait� de
m�decine pratique. Et cependant les observateurs modernes disent
que la p�riode de la vie o� l'on trouve le plus de malades
atteints de cette affection, est celle de 20 � 30 ans (Forget,
l. c.).
Apr�s les adultes et les hommes faits, les enfants sont, d'apr�s
mon observation, les plus expos�s � la contagion, lorsque la
fi�vre r�gne �pid�miquement, soit quand la localit� o� elle
s�vit, offre les circonstances que j'indiquerai bient�t. Je
ferai remarquer ici que bien avant M. Constant, quia publi� ses
recherches en 1839, dans le Journal de� connaissances
m�dico-chirurgicales, j'avais d�montr� (voir Gazette m�dicale de
Paris, p. 307 et 712, en 1838) que la li�vre typho�de attaque
souvent les enfants.
Parmi les nombreux enfants que j'ai vus atteints de cette
fi�vre, tant � Lun�ville, que, et surtout, dans les communes de
Xermam�nil, de Bauzemont, de B�nam�nil, peu sont morts, et
beaucoup se sont sauv�s par les seuls efforts de la nature.
Grand et utile renseignement que le m�decin ne doit point perdre
de vue, et qui confirme ces sentences du p�re de la m�decine :
Natura morborum medicatrix (�pid. sect. 6, 8e l.); invertit
natura sibi ipsi vias non excogitatione (l. c. lib. vi, sect. 5,
N� 2). Ce fait a �t� de la derni�re �vidence, surtout dans le
village de Bauzemont, qui n'a eu � d�plorer la mort d'aucun des
enfants que j'y ai vus, et dont le plus jeune n'avait que treize
mois.
Je n'ai soign� que quatre vieillards atteints de l'affection
typho�de. Pourquoi seulement quatre vieillards sur un total de
1,300 malades environ ? Serait-ce parce qu'ils sont peu nombreux
?
Chez les quatre vieillards, la fi�vre pr�sentait la vari�t� dite
adynamique. Cette forme serait-elle, dans ce cas, une
cons�quence de l'�ge, comme le pensait Pinel ? Je suis assez
port� � le croire quand je r�fl�chis que, chez les individus
courb�s sous le poids des ans, bien des maladies (inflammation
soit du poumon soit des voies urinaires) peuvent entra�ner
l'adynamie. Mais, pourrait-on me dire, ces vieillards, que vous
avez soign�s, n'avaient peut-�tre que cette derni�re sorte
d'adynamie, c'est-�-dire, l'adynamie produite par une maladie
quelconque, et non pas la vari�t� adynamique de la fi�vre
typho�de. Il est bien vrai que, fort heureusement, je n'ai pu
confirmer mon diagnostic par l'examen cadav�rique, puisque ces
vieillards se sont r�tablis; mais ces faits me paraissant
curieux, je n'ai rien d� n�gliger pour me convaincre. Si j'avais
pu douter un instant, la consid�ration suivante aurait suffi
pour achever de m'�clairer : Dans la famille de plusieurs de ces
malades r�gnait la fi�vre typho�de : ainsi, le p�re Baille (de
la commune de B�nam�nil), sa fille et les deux enfants de
celle-ci avaient en m�me temps cette affection ; ainsi, pendant
que le vieillard P�rette (du m�me village) �tait gravement
atteint de cette affection, ses deux gendres succombaient � la
m�me maladie.
De ce que je viens de dire sur les �ges, il d�coule cette
cons�quence : A Lun�ville et dans les communes de son
arrondissement, aucun �ge n'est � l'abri de la fi�vre typho�de :
ni l'enfance, ni la jeunesse, ni l'homme d'un �ge m�r, ni le
vieillard. Seulement, dans certaine p�riode de la vie, elle est
plus commune que dans les autres. La raison de ce fait ne pourra
�tre comprise que quand j'aurai donn� les
autres causes qui favorisent la contagion.
Temp�rament, constitution. D'apr�s mes observations, tel
temp�rament n'est pas plut�t que tel autre une pr�disposition �
cette fi�vre ; de plus, je n'ai pas remarqu� que tel temp�rament
entra�n�t telle vari�t� de pr�f�rence � telle autre. Ainsi, le
temp�rament bilieux ne suffit point pour que cette maladie
affecte la femme bilieuse. A l'appui de ce que j'avance, je
citerai seulement quelques observations. Mlle R., de Lun�ville,
cheveux bruns, temp�rament sanguin; forme adynamique. Mlle B.,
de Lun�ville, temp�rament bilieux; forme muqueuse. M. A, de
B�nam�nil, temp�rament nerveux; forme muqueuse. Mlle S., de
Rehainviller, temp�rament sanguin; vari�t� inflammatoire. M. M.,
de Rinville, lymphatico-sanguin ; forme ataxique.
Ainsi, il est de toute �vidence que la fi�vre typho�de, soit �
Lun�ville, soit dans les villages environnants, qu'elle r�gne ou
non �pid�miquement, n'est point influenc�e dans ses vari�t�s et
dans sa propagation par ces diff�rents groupes de caract�res
physiques, que l'on est g�n�ralement convenu d'appeler
temp�raments.
Une chose certaine pour moi, c'est que la fi�vre typho�de suit
dans sa propagation, une marche oppos�e � celle qu'avaient
adopt�e le chol�ra et avant lui la grippe. Je vais m'expliquer:
Le chol�ra que j'ai �tudi� � Paris et dans plusieurs communes
des Vosges et de la Meurthe; la grippe que j'ai vue � Paris, �
Lun�ville et dans bien des villages, m'ont offert ceci de
particulier: Le chol�ra semblait attaquer, de pr�f�rence, les
individus atteints d'une maladie gastro-intestinale, soit aigu�,
soit chronique, ceux adonn�s � la d�bauche et sp�cialement �
l'ivrognerie ; la grippe frappait, de pr�dilection, les
poitrines faibles ou malades (voir mon Trait� de pathologie
interne du syst�me respiratoire, t. I, p. 320). La fi�vre
typho�de, au contraire, r�gne plut�t chez les gens sobres, chez
les individus robustes et chez ceux qui ne portent point une
l�sion intestinale. Donc la force, la sobri�t�, l'�tat de sant�
des intestins, favorisent le d�veloppement et la propagation de
la fi�vre typho�de (MM. Andral, Bouillaud, suivant M. Montrait,
ont fait cette remarque, mais seulement sous le point de vue du
d�veloppement) ; d'o� il suit que M. Louis a eu tort de dire :
que toutes les constitutions sont �galement sujettes � cette
maladie.
L'on voit donc que le g�nie �pid�mique de la fi�vre typho�de,
consid�r� sous un certain point de vue, est oppos� � celui de la
grippe et � celui du chol�ra-morbus. Ce n'est pas tout encore :
la grippe �tait grave chez un individu faible, maladif et
tr�s-nerveux; le chol�ra devenait excessivement dangereux chez
un individu faible, maladif, us� par la boisson ; la fi�vre
typho�de, au contraire, tant � Lun�ville que dans les environs,
ne m'a point sembl� devenir plus grave quand elle attaquait un
individu �puis� par une cause quelconque, et, au contraire, m'a
paru bien plus s�rieuse chez l'homme fort, sobre et jouissant
d'une belle sant�.
Je r�sume cet article et dis : L'homme robuste est tr�s-expos� �
la contagion de la fi�vre typho�de et en est toujours
s�rieusement frapp�. Ceci prouve que ce n'est pas par motif de
consolation que le professeur Fouquier �� a trac� avec talent le
tableau des avantages d'une faible constitution. � D'ailleurs
Hippocrate avait d�j� dit : Robustiores ubi in morbum incidunt,
agrius restituuntur (de alimento). Voir R�veill�-Parise, Hygi�ne
des hommes livr�s aux travaux de l'esprit, chap. XVI, t. I, page
316.)
Je dois dire ici que, lorsque j'ai observ� cette fi�vre chez des
personnes atteintes d'une ancienne maladie intestinale, elle
affectait presque toujours la forme muqueuse, et que, d'apr�s
les nombreux faits que j'ai recueillis, la variole n'est point
un pr�servatif de l'affection typho�dienne, ainsi que l'ont
avanc� des m�decins du Haut-Rhin.
Sexe. La fi�vre typho�de, dit-on, est plus fr�quente parmi les
hommes que parmi les femmes. Si cela est vrai � Paris, ce que
j'ai de la peine � croire, attendu que ceux qui ont avanc� cette
remarque n'ont pas eu �gard � la composition de la population de
cette ville; si, dis-je, cela est vrai � Paris, ce n'est pas une
raison pour qu'il en soit ainsi n�cessairement dans toutes les
localit�s. En effet, � Lun�ville et dans les communes
environnantes, je n'ai pas rencontr� plus d'hommes que de femmes
frapp�s de cette maladie. Si j'ai vu cette fi�vre dans telle
famille atteindre toutes les femmes et les enfants, et �pargner
les hommes (la famille Pierson du village de Bauzemont); en
revanche, je l'ai pu voir attaquer de pr�f�rence les hommes et
�pargner les femmes, comme dans la famille Voinot de B�nam�nil.
Ainsi M. Forget a eu raison de dire : quant au sexe il n'y a
rien de positif.
Le sexe, si j'en crois mes observations, n'influe pas non plus
sur la gravit� de la fi�vre. Si, dans tel village, j'ai perdu
beaucoup de femmes (� B�nam�nil, par exemple), dans la commune
de Bauzemont j'ai sauv� la vie � toutes. - Sans terminer ce qui
a trait � ce sujet, je dois dire que dans certains villages (Bauzemont,
Fraimbois) je n'ai perdu que des hommes ; que, dans d'autres (Einville,
Xennam�nil, Chenevi�res), j'ai vu les deux sexes payer un �gal
tribut � la mort.
Je n'ai point remarqu� que tel sexe fut plus dispos� � la
contagion que tel autre, ni que l'un f�t plus expos� � telle
forme de pr�f�rence aux autres.
J'ai reconnu que la m�norrhagie est bien plus fr�quente dans les
formes muqueuses et adynamiques que dans les autres. Les trois
femmes enceintes que j'ai soign�es pour cette fi�vre (vari�t�
ataxo-adynamique) ont gu�ri, mais ont avort�. Je ne sais si la
grossesse favorise la contagion.
Affections morales. Je n'en connais qu'une seule qui puisse
favoriser la contagion de la fi�vre typho�de : c'est la peur.
Maintes fois j'ai trouv� des faits � l'appui de cette opinion
(Journal de m�decine de Lyon, 1842). M. Forget a fait aussi la
m�me remarque. Ce que je dis ici de la fi�vre typho�de a aussi
�t� applicable au chol�ra-morbus.
Voyons, si en admettant cette cause pr�disposante de la
contagion, je confirme ce que j'ai avanc� ci-dessus, savoir :
que les hommes forts et robustes �taient plus dispos�s que les
autres � contracter la fi�vre typho�de.
De deux hommes, dont l'un est sain et robuste, dont l'autre est
d�bile et malingre : celui-l� est plus accessible � la peur, car
la force morale lui fait d�faut; celui-ci, au contraire, habitu�
qu'il est � souffrir, se r�signe assez facilement; il attend, il
esp�re et la b�nigne influence de cette disposition tarde
rarement � se faire sentir. Fernel a dit : A capite fluit omne
malum.
La force et la peur favorisent donc la propagation de la fi�vre
typho�de par la contagion, surtout quand elles sont r�unies dans
un m�me individu.
Cela pos� et prouv�, il est plus surprenant que cette maladie
s�visse avec une grande rigueur contre les personnes non
acclimat�es. En effet, celles-ci sont ordinairement des jeunes
gens (la jeunesse favorise la contagion), par cons�quent fortes
et en m�me temps manquant de force morale; car presque toutes
regrettent plus ou moins le pays natal et redoutent de tomber
malades loin du toit paternel. L'on sait
d'ailleurs que Larrey, Johnson et J. Franck, admettent le
d�couragement comme cause principale du typhus. Mais je
m'arr�te, car j'anticipe sur ce que j'ai � dire de
l'acclimatement.
Saisons. Anni quidem tempestatum earumdemque vicissitudinum
magna vis est ad condendum, fovendum, tel destruendum seminium
quoddam morbosum epidemicum (Raederer et Wagler, sect. I, cap.
I). C'est en automne et au printemps que j'ai vu la fi�vre
typho�de �pid�mique dans plusieurs villages de l'arrondissement
de Lun�ville.
Remarquons que c'est pendant ces deux saisons que les pluies
sont abondantes, que les ruisseaux s'enflent, que les rivi�res
sortent facilement de leur lit et inondent, plus ou moins loin,
les plaines sur lesquelles, en se retirant, les eaux
abandonnent des d�bris de plantes et d'animaux qui se
d�composent, et par cons�quent, infectent plus ou moins les
lieux voisins selon les vents. Remarquons aussi qu'� ces deux
�poques de l'ann�e le corps de l'homme est surtout en butte � la
maladie; car les fonctions du syst�me cutan� sont chang�es,
ph�nom�ne qui est repr�sent� chez l'animal par la mue.
Acclimatement. A Paris, o� l'on nie la contagion de cette
fi�vre, la plupart des observateurs consid�rent l'acclimatement
comme une cause fr�quente et puissante du d�veloppement de la
fi�vre typho�de ; ils soutiennent que le brusque changement
d'air, d'eau, de lieu, de nourriture et d'habitudes engendre
facilement cette maladie. A l'appui de cette mani�re de voir,
ces auteurs rapportent le fait suivant: cette affection fait de
grands ravages parmi les jeunes gens qui viennent habiter Paris.
En lui-m�me, ce fait est exact; mais l'induction que l'on en
tire est exag�r�e de beaucoup ; et en voici la preuve:
Sur 1,300 malades environ, j'en ai seulement rencontr� quinze
soumis � l'influence de l'acclimatement. Ainsi, � Lun�ville et
dans les petites localit�s environnantes, l'acclimatement ne
peut pas � lui tout seul engendrer la fi�vre typho�de; ainsi,
quand bien m�me cette cause se montrerait � Paris (ce qui, � mon
avis, est bien loin d'�tre prouv� d'une mani�re p�remptoire) ce
ne serait point une raison pour qu'elle exist�t dans d'autres
localit�s. Pour moi, ce n'est pas l'acclimatement, c'est-�-dire
le changement d'air, d'eau, de lieu, de nourriture,
d'habitudes, etc., qui engendre la maladie, mais un air humide
et vici�. Cependant, dira-t-on, comment se fait-il donc que la
fi�vre typho�de r�gne de pr�f�rence parmi les nouveaux arriv�s �
Paris ? Si la dothinent�rie parait s�vir de pr�f�rence contre
les jeunes gens nouvellement fix�s � Paris, il faut penser que
peu de personnes �g�es arrivent dans cette ville; que celles-ci,
logeant dans des chambr�es, sans amis, sans parents, sans
fortune, sont forc�s de se r�fugier dans les h�pitaux. L'on peut
donc comprendre maintenant pourquoi, dans les h�pitaux de la
capitale, l'on rencontre atteints de la fi�vre typho�de plus de
jeunes gens nouvellement arriv�s que de ceux acclimat�s.
Je me r�sume et dis : � Lun�ville et dans les communes
environnantes l'acclimatement n'est point une cause de fi�vre
typho�de. M. Forget, � Strasbourg, est arriv� au m�me r�sultat
que moi.
Encombrement. On a dit, et l'on a invoqu� les chiffres � l'appui
de cette opinion, que l'encombrement �tait une cause puissante
de d�veloppement et de la propagation de cette affection. Si ce
fait est vrai � Paris, comme l'a d�montr�, le premier, mon
ma�tre M. le professeur Piorry, voyons ce que j'ai d� observer
dans ma client�le.
A Lun�ville et dans les communes voisines, je n'ai jamais vu
na�tre la fi�vre par la seule cause de l'encombrement. Et, s'il
n'en �tait pas ainsi, pourquoi certains villages (Nehainviller,
Deuxville, H�rim�nil) o� l'encombrement est plus grand que dans
tels autres (B�nam�nil, Bauzemont), seraient pr�serv�s des
�pid�mies de cette fi�vre ? Pourquoi certaines parties de
quelques communes (comme � Einville, Bauzemont) seraient-elles
enti�rement ou presque enti�rement � l'abri de cette affection ?
Ainsi, l'encombrement seul ne suffit point pour causer le
d�veloppement et la propagation �pid�mique de la dothinent�rie ;
mais il aggrave le mal comme dans la variole, la scarlatine, la
coqueluche. Sur ce point, je me trouve d'accord avec Fernel,
Pringle (Maladies des arm�es, 3e partie, chap. VII) et Parent-Duch�telet.
Apr�s avoir parl� de l'acclimatement et de l'encombrement, il ne
me reste plus � traiter que de l'habitation pour avoir r�pondu �
cette quatri�me question : Quelles sont � Lun�ville et dans les
communes voisines les conditions les plus propres � favoriser le
d�veloppement et la propagation par contagion de la fi�vre
typho�de ?
Il est un fait qui m'a beaucoup frapp� et sur lequel je d�sire
vivement appeler l'attention de mes confr�res. Tous les villages
o� j'ai vu r�gner �pid�miquement cette fi�vre, sont plac�s sur
une rivi�re ou sur un ruisseau dont le lit est mar�cageux, et
qui, pendant les pluies m�me peu abondantes, ne suffit plus pour
contenir les eaux charg�es de beaucoup de limon. Voici les
preuves de ce que je viens de dire:
Les villages de Lamath,de Xennam�nil, sont pr�s de la Mortagne;
B�nam�nil est sur la Vesouze; Einville et Bauzemont sont arros�s
par le Sanon ; Fraimbois est travers� par le Rhu ; Og�ville et
R�clonville sont baign�s par la Blette ; Chenevi�res, pr�s de la
Meurthe, est travers� par des ruisseaux qui viennent des bois et
de fontaines.
Voici maintenant quelques d�tails topographiques qui m�ritent
toute l'attention de l'observateur.
Le village de Bauzemont, b�ti en amphith��tre sur le versant
d'une montagne, regarde le Midi. Il est compos� d'une rue
principale qui tourne autour d'un mamelon, sur lequel se
trouvent �lev�es l'�glise et quelques maisons. Le centre qui
domine toute la partie basse de la commune et en est s�par� par
un flanc coup� � pic, finit insensiblement par �tre de niveau
avec la partie nord de la rue qui le circonscrit. La partie
basse est la portion du midi du village. Elle se compose
sp�cialement d'un rang de maisons dont la face regarde le nord.
Cette ligne de maisons se dirige de l'est � l'ouest
parall�lement au cours du Sanon de la rive droite duquel elle
n'est �loign�e que de quelques m�tres. Eh bien, c'est dans cette
partie basse de Bauzemont, situ�e pr�s du Sanon, petite rivi�re
dont le lit mar�cageux est souvent � sec, et qui, apr�s une
faible pluie fr�quemment ne suffit plus: c'est dans cette
portion de la commune que la fi�vre typho�de a r�gn� plusieurs
fois �pid�miquement, o� la propagation par contagion a �t� si
palpable maintes fois. Mais comment dans ces �pid�mies la partie
nord ou �lev�e du village a-t-elle �t� presque exempte de la
dothinent�rie ? Le vent du nord passe au-dessus de Bauzemont,
abrit� qu'est ce village par un coteau tr�s-�lev� sur lequel on
voit le ch�teau et les nombreux arbres qui l'avoisinent. Le vent
du sud, au contraire, apr�s s'�tre charg� de tous les miasmes
v�g�taux et animaux qui se trouvent dans la prairie, o� ils ont
�t� abandonn�s par les d�bordements du Sanon, vient frapper en
plein sur le village, et ainsi le couvrir d'�manations
m�phytiques. Mais, dira-t-on, pourquoi donc dans la partie
sup�rieure de cette commune la fi�vre typho�de a-t-elle �t� si
rare ? A cela je r�pondrai deux choses: 1� dans certains endroits
de cette partie sup�rieure, le vent du sud, ne peut r�gner vu la
mani�re dont sont plac�es quelques maisons; 2� on sait que MM.
Rigaud et de Humbold ont prouv� que les �manations m�phytiques
qui se font � l'air libre ne s'�l�vent jamais au-dessus d'une
certaine hauteur.
Ainsi, l'on comprend pourquoi le village de H�nam�nil, situ� sur
le Sanon, si pr�s et presque en face de Bauzemont, n'a pas �t�
atteint de cette fi�vre �pid�mique. En effet, cette commune,
plac�e sur la rive gauche de la rivi�re, est � l'abri du vent du
nord qui pouvait lui envoyer les �manations m�phytiques, en m�me
temps que ce vent aurait pu, au contraire, pr�server Bauzemont
s'il avait pu balayer ce village.
La commune d'Einville, � 7 kilom�tres au nord de Lun�ville,
travers�e dans toute sa longueur par une route, est situ�e dans
un vallon sur la rive droite du Sanon. Ainsi cette rivi�re
mar�cageuse, sujette � manquer souvent d'eau et � de fr�quents
d�bordements, qui baigne la partie sud de Bauzemont, vient a
quatre kilom�tres plus bas que ce village arroser la partie sud
et basse d'Einville.
Ce bourg de 1,150 habitants, est compos� de plusieurs rues
principales: une � l'est qui, se dirigeant du haut en bas du
nord au sud, part de la route pour aboutir au Sanon ; trois
autres presque parall�les entre elles et � la rive droite du
Sanon, partent de la premi�re, se dirigeant de l'est � l'ouest,
de haut en bas, de telle sorte que les ruisseaux, les immondices
qui les encombrent en grande abondance, surtout la basse, ou
celle qui est le plus au sud et � quelques m�tres du Sanon,
viennent aboutir � un centre commun, lequel est constitu� par la
place o� se voit la fontaine et par une petite rue qui �tablit
communication entre cette place et la rue basse.
Si j'ai pu me faire comprendre, l'on voit que les immondices de
trois longues rues et d'une place boueuse tr�s-fr�quent�e,
viennent tomber dans un lieu o� se trouvent des maisons et qui
sont � quelques pas de la rivi�re que j'ai dit �tre mar�cageuse.
Ce n'est pas tout encore : cette portion du village est battue
par les vents du sud et de l'ouest qui balayent le vallon arros�
par le Sanon, tandis que l'autre en est � l'abri, prot�g�e
qu'elle se trouve par un c�teau et le village de Raville.
Pour que ces causes d'infection fussent combattues, il faudrait
que le vent du nord p�t souffler dans cette localit� : or c'est
une chose tout � fait impossible, vu la pr�sence d'un coteau
�lev� qui domine au nord tout Einville, et qui m�me, � l'ouest,
est couronn� par des for�ts.
La topographie m�dicale, sous le point de vue de la fi�vre
typho�de �pid�mique, est donc la m�me � Einville qu'� Bauzemont;
aussi, dans ces deux villages, j'ai pu observer les m�mes
ph�nom�nes.
Ce que je viens de dire prouve jusqu'� l'�vidence l'influence de
l'humidit� sur la production et la propagation de la fi�vre
typho�de �pid�mique (voir Hippocrate, aph. 16, 3. 110). Ne
pouvant tracer dans ce m�moire la topographie m�dicale,
consid�r�e sous le point de vue de la fi�vre typho�de �pid�mique
de chacune des communes que j'ai indiqu�es, je ne veux plus
m'arr�ter un instant que sur celle de B�nam�nil o� j'ai vu deux
fois cette affection r�gner �pid�miquement.
B�nam�nil, situ� � 14 kilom�tres � l'est de Lun�ville, est
compos� d'une rue principale, longue d'un kilom�tre environ,
dirig� de l'ouest � l'est. Ce village �tendu parall�lement � la
rive gauche de la Vesouze, dont il est s�par� par une prairie
fertilis�e par les d�bordements de la rivi�re, est travers� dans
toute sa longueur par une grande route. Une vaste et �paisse
for�t le prot�ge contre les vents du sud qui, par le m�me motif,
ne peuvent r�gner que faiblement dans les communes de
Manonvillers et de Domjevin. Par suite de cette disposition, les
miasmes m�phytiques qui s'�l�vent dans les vapeurs fournies par
plusieurs ruisseaux mar�cageux, et par les d�bris animaux et
v�g�taux abandonn�s sur la prairie par les d�bordements de la
Vesouze, ne sont point �cart�s par les vents.
Ainsi, pour que dans les environs de Lun�ville la fi�vre
typho�de soit contagieuse, ou puisse devenir �pid�mique, il faut
que certains vents chassent sur les habitations peupl�es de
personnes qui se trouvent dans les conditions ci-dessus
indiqu�es, l'air humide, charg� de miasmes putrides, produits
soit par un cours d'eau mar�cageuse, soit par des d�bordements
aussi mar�cageux.
Telle est la raison en vertu de laquelle les villages de
Domjevin, de Fr�menil, de Manonvillers, si pr�s de B�nam�nil,
ravag� par deux �pid�mies de fi�vre typho�de, n'ont point
souffert de cette �pid�mie; voil� pourquoi Ogevillers et
R�clonville, situ�s comme B�nam�nil, en ont �t� atteints;
pourquoi Xennam�nil, situ� sur la rive droite de la Mortagne, a
�t� frappe de l'�pid�mie plus tard que Lamath, plac� sur la rive
gauche; pourquoi H�natn�nil et Raville sur la rive droite du
Sanon n'ont point �prouv� l'�pid�mie qui r�gnait � Bauzemont et
� Einville, villages baign�s par la rive gauche du Sanon ;
pourquoi � Einville, � Bauzemont, l'�pid�mie n'a ravag� qu'une
portion donn�e de la commune ; pourquoi dans d'autres communes
o� j'ai vu quelques cas de fi�vre typho�de, comme � H�rim�nil,
R�hainviller, Mont, Blainville-sur l'Eau, Authelopt, Vitrimont,
Saint-Cl�ment, etc., cette affection n'est point devenue
�pid�mique.
Ne sait-on pas aussi que Fracastor, en 1505, attribua une
�pid�mie de fi�vre pestilentielle � un d�bordement du P�; que
Forestus, � Delft, fit la m�me observation ; que Chirac, en
1694, remarqua que la fi�vre �pid�mique de Rochefort provenait
de vapeurs de marais form�s par l'inondation de la mer, port�es
vers la ville par le vent qui soufflait de ce c�t�-l� !
L'on voit d'apr�s ce que je viens de dire, combien Hippocrate a
eu raison de conseiller au m�decin qui arrive dans une localit�
qu'il ne conna�t point, d'examiner avec soin son exposition par
rapport aux vents (Introduction au Trait� de l'air, des eaux et
des lieux).
Telle est la r�ponse � la question D.
Si maintenant l'on se repr�sente � la m�moire les r�ponses que
j'ai faites aux questions A, B, C,D, que j'ai d� poser pour
r�soudre celle-ci: Quelles sont les principales circonstances
qui favorisent la contagion de la fi�vre typho�de dans plusieurs
communes de l'arrondissement de Lun�ville ? l'on aura la
solution de cette derni�re.
Maintenant, � l'aide de ce que j'ai dit, j'avais recherch�
comment il se fait que, dans les h�pitaux de Paris (Andral,
Clinique m�dicale, t. I, p. 485) et d'Angleterre, la contagion
de la fi�vre typho�de ne se montre pas.
Les salles des h�pitaux sont propres, a�r�es, non humides ;
ainsi, d�j� par ces seuls motifs, dans ces lieux, la propagation
par contagion de la fi�vre typho�de doit �tre tr�s-difficile. Ce
n'est pas tout : j'ai prouv� ci-dessus que les individus forts
et bien portants, sont expos�s plus que les autres � la
contagion de cette fi�vre : or, dans une salle d'h�pital o� se
trouvent un, deux, cinq typho�diens, tous les autres habitants
ne sont ni forts ni bien portants; mais des individus soit en
convalescence, soit affaiblis par une maladie quelconque. Donc,
par ces motifs encore, la propagation par la contagion de la
fi�vre typho�de doit ou manquer ou �tre excessivement rare dans
un h�pital.
L'on voit aussi que Stoll a eu tort de nier la contagion en
s'expliquant comme il suit : �� Si l'on admet un virus contagieux
pour la fi�vre p�t�chiale, pour la miliaire et autres, comment
se fait-il que ceux qui sont jour et nuit dans les h�pitaux
demeurent exempts de cette maladie ? �
Je terminerai ce travail par les propositions suivantes:
1� La fi�vre typho�de est une maladie g�n�rale qui peut, dans
plusieurs villages de l'arrondissement de Lun�ville, et dans
certaines circonstances que j'ai reconnues le premier, se
d�velopper spontan�ment, devenir �pid�mique en se propageant par
la contagion. Celle-ci, ni�e par les m�decins de Paris, soutenue
par MM. Bretonneau, Gendron, Leuret, Putegnat, de Lun�ville, est
admise aujourd'hui par
MM. Chomel, Gautier de Claubry, Forget, Piorry.
2� Un individu, de 15 � 40 ans, de l'un ou de l'autre sexe,
sobre et robuste, ne portant point une maladie intestinale, et
qui craint beaucoup la fi�vre typho�de, est tr�s-expos�, dans
plusieurs communes des environs de Lun�ville, � gagner cette
maladie par la contagion, s'il est soumis � certaines influences
atmosph�riques. Ces influences atmosph�riques sont des miasmes
m�phitiques, provenant de la d�composition de d�bris v�g�taux et
animaux, abandonn�s au contact de l'air par un cours d'eau
roulant dans un lit mar�cageux, tant�t � sec, le plus souvent
insuffisant. Ces miasmes, qui ne sont point nuisibles ou qui ne
subsistent pas quand ils ne re�oivent pas l'influence de
l'humidit�, me paraissent transport�s et rendus actifs par l'eau
en vapeurs.
3� Les moyens les plus efficaces d'�viter cette affection
consistent : 1� � ne point la redouter avec frayeur; 2� � ne pas
s�journer dans une chambre dans laquelle est couche un
typho�dien, et � n'y entrer qu'autant que l'air y est
continuellement renouvel�; 3� � habiter un lieu �lev�, pas
expos� aux vents qui balayent une colline dans laquelle serpente
un cours d'eau mar�cageux, qui peut facilement �tre � sec ou se
r�pandre sur les lieux voisins.
4� Ce travail, fruit de ma propre exp�rience, tend � prouver
que la cause premi�re et le g�nie �pid�mique de la fi�vre
typho�de ne seront pas toujours inconnus. Puisse-t-il engager
les observateurs, �clair�s par les immortels ouvrages des Huxam,
des Pringle, des Sydenham, des Roederer et Wagler, etc., � fixer
leur attention sur ce point de pathologie et d'hygi�ne digne
d'un si haut int�r�t !
Notes :
Journal
Officiel - 28 mars 1914
LOI rendant obligatoire, dans l'arm�e, la vaccination
antitypho�dique.
Le S�nat et la Chambre des d�put�s ont adopt�,
Le Pr�sident de la R�publique promulgue la loi dont la teneur
suit :
Article unique - La vaccination antitypho�dique est obligatoire
� l'�gard des militaires de l'arm�e active.
Dans le cas o� les circonstances para�traient l'exiger, une
d�cision minist�rielle pourra en prescrire l'application aux
militaires des r�serves, convoqu�s pour une p�riode
d'instruction.
La pr�sente loi, d�lib�r�e et adopt�e par le S�nat et par la
Chambre des d�put�s, sera ex�cut�e comme loi de l'Etat.
Fait � Paris, le 27 mars 1914.
R. POINCAR�.
Par le Pr�sident de la R�publique :
Le ministre de la guerre, J. NOULENS.
Journal officiel du 31 mars 1918
- La vaccination antitypho�dique des contingents de race noire
n'avait pas �t� pratiqu�e jusqu'ici en raison de la raret� des
infections typho�des chez ces sujets � l'�ge adulte, et aussi
par crainte des r�actions vaccinales trop fortes.
MM. les docteurs Guy Laroche et Mazet ont pratiqu� l'an dernier
cette vaccination sur un contingent de Canaques, � l'occasion
d'une �pid�mie de fi�vre typho�de qui, dans le m�me bataillon,
laissa indemnes les blancs vaccin�s et ne frappa que les
Canaques non vaccin�s.
Deux piq�res de 1 et de 2 centim�tres cubes furent faites � huit
jours d'intervalle. Le vaccin employ� fut le vaccin chauff�
comprenant les bacilles typhiques et paratyphiques.
Les auteurs insistent sur le peu de r�actions qu'ils ont
observ�es bien que les Canaques r�unissent la plupart des causes
qui pourraient faire h�siter � appliquer la vaccination :
paludisme, dysenterie, filariose, etc. Non seulement il n'y eut
aucun incident, mais encore les injections furent mieux
support�es que chez les Europ�ens. Ce peu d'intensit� de
r�actions vaccinales tient probablement � ce que le syst�me
nerveux des races noires est beaucoup plus calme que celui de la
race blanche.
Cette exp�rience montre qu'en pr�sence de cas analogues chez des
hommes de couleur il y aurait lieu de ne pas h�siter � pratiquer
la vaccination antitypho-paratypho�dique. |