BLAMONT.INFO

Documents sur Bl�mont (54) et le Bl�montois

 Pr�sentation

 Documents

 Recherche

 Contact

 
 Plan du site
 Historique du site
Texte pr�c�dent (dans l'ordre de mise en ligne)

Retour � la liste des textes - Classement chronologique et th�matique

Texte suivant (dans l'ordre de mise en ligne)

Acc�s � la rubrique des textes concernant 1914-1918


1914-1918 - Les rats dans les tranch�es



La pr�sence des rats dans les tranch�es et cantonnements est un probl�me important. Prenons en exemple la 73�me division d'infanterie dans le secteur de B�nam�nil.
Le journal des marches et op�rations des services de sant� indique dans son organisation au 22 septembre 1916 :
�� Une �quipe de chiens ratiers est constitu�e pour la d�ratisation des cantonnements. Le m�decin-chef du G.B.D s'entend � ce sujet avec les commandants de cantonnement et les chefs de corps �.

Il faut alors se r�f�rer au JMO du Groupe de brancardiers de la 73eme division d'infanterie pour suivre les r�sultats dans les mois qui suivent :

  • 22 septembre 1916 : �� Durant la semaine �coul�e l'�quipe des chiens ratiers � d�truit 139 rats dans les cantonnements de Domjevin et de V�ho �

  • 3 octobre 1916 : �� Pendant la semaine �coul�e 124 rats ont �t� d�truits dans le cantonnement de Domjevin et de V�ho par l'�quipe des chiens ratiers �

  • 18 octobre 1916 : �� 192 rats ont �t� d�truits dans les cantonnements de Reillon, Marainviller, V�ho, Domjevin et Bl�merey pendant la p�riode du 10 au 17 octobre 16 �

  • 24 octobre : �� pendant la semaine du 17 au 24 octobre, 151 rats ont �t� d�truits dans les cantonnements de V�ho, Bl�merey, poste de commandement des sources, Domjevin, Og�villers, Manonvillers �

  • 31 octobre : �� Pendant la semaine du 25 au 31 octobre, 122 rats ont �t� d�truits dans les postes de commandement de Reillon, V�ho, Manonvillers, Domjevin et aux cuisines du 367e � V�ho �.

  • 7 novembre : Le service de d�ratisation a d�truit pendant la semaine du 1er au 7, 36 rats � V�ho, 36 � Reillon, 24 � Domjevin, 32 � Manonvillers �

  • 14 novembre : �� D�ratisation : pendant la semaine du 7 au 14 novembre 54 rats ont �t� d�truits au poste de V�ho ; 22 � l'abri de r�serve de V�ho ; 35 � Bl�merey ; 49 � Domjevin. �

  • 22 novembre : �� D�ratisation : Le service de d�ratisation a d�truit pendant la semaine du 14 au 21 novembre, 39 rats au poste de commandement de Blemeray, 28 rats � V�ho, 15 rats � Domjevin et 30 au poste de commandement de Reillon �.

  • 29 novembre : �� D�ratisation ; pendant la semaine du 23 au 29 novembre le service de d�ratisation a d�truit 25 rats � v�ho ; 22 � Bl�merey ; 17 au poste de V�ho ; 23 � Domjevin ; 5 � Fr�m�nil et 18 dans l'abri du 367e d'infanterie.

  • 12 d�cembre : �� D�ratisation : pendant la semaine du 5 au 11 d�cembre, 73 rats ont �t� d�truits per l'�quipe des chiens ratiers. De plus, l'extrait toxique a �t� employ� dans les cantonnements de Blemerey, Domjevin et Reillon �.

  • 11 janvier 1917 : �� Le service de d�ratisation a d�truit pendant la semaine du 1er au 8 janvier 17 : 52 rats � Domjevin ; 18 � V�ho ; et 7 � B�nam�nil �.


Pratique de l'hygi�ne en campagne
A. Tournade
1915

RATS ET D�RATISATION
(Circ. 1.161 C/7 du 8 mai 1915 ; 9.386/DA du 30 octobre 1915. - DANYSZ. Conf�rences sur la destruction des rats dans la r�gion occup�e par les arm�es. Maretheux, 1915).

Les rats, en dehors des d�g�ts mat�riels qu'ils causent, de la r�pulsion l�gitime qu'ils inspirent sont susceptibles de propager certaines maladies �pid�miques : ce sont l� autant de raisons d'entreprendre leur destruction.
A cet effet, divers moyens (virus, poisons, pi�ges, chiens ratiers), peuvent �tre mis en oeuvre : les meilleurs r�sultats ont �t� obtenus avec le virus contagieux de DANYSZ, l'extrait toxique, le sulfure de carbone, la p�te phosphor�e, l'acide ars�nieux. Chacun de ces proc�d�s � ses indications :
a) Le VIRUS CONTAGIFUX de DANYSZ (Bacillus lyphi murium) est une culture vivante d'un microbe appartenant au groupe salmonella, interm�diaire par ses caract�res au paratyphique B et au bacillus enteridis de Gaertner, et particuli�rement virulent � l'�gard des petits rongeurs.
Les aliments (lait, pain, viande), pollu�s par les d�jections et les urines des rats ou souris malades peuvent causer des accidents � l'homme. Aussi l'emploi du virus est-il absolument contre-indiqu� dans les endroits o� les rougeurs malades pourraient venir au contact des aliments. On peut l'utiliser par contre dans les magasins, les d�p�ts de mat�riel ou d'habillement, les hangars, etc.
La dur�e de conservation est limit�e et ne d�passe pas pratiquement quinze jours.
Pour pr�parer les app�ts, on m�lange le contenu du flacon avec deux fois son volume de lait bouilli, bien sucr� et on y fait tremper du pain rassis, coup� en petits cubes de un centim�tre environ de c�t�.
Tout flacon d�bouch� doit �tre utilis� le jour m�me.

b) L'EXTRAIT TOXIQUE est un glycoside, la scillitine, retir� des oignons frais de scille. Il tue les rats par ingestion, � la dose de 1/10e � 2/10e de milligramme. C'est � lui qu'il convient de donner la pr�f�rence. La scillitine est rapidement d�compos�e par la plupart des microbes qui font fermenter les sucres ; aussi ne peut elle �tre conserv�e que dans un milieu st�rile ; les app�ts � la scillitine, expos�s � l'air, perdent leur action raticide en trois ou quatre jours.
L'extrait que pr�pare l'Institut Pasteur, st�rilis� � 120�, conserve ses propri�t�s plus de deux mois. Il est dos� de fa�on que 1 cm3, correspondant � 5 ou 6 grammes d'app�t, suffise pour tuer � coup s�r un rat. Il n'est pas utile de le faire plus concentr� parce qu'alors son go�t amer serait trop prononc� et les rats refuseraient de le manger. Dans la pr�paration des app�ts l'addition de lait sucr� a pour but, pr�cis�ment, de masquer ce go�t amer.
Voici comme il convient de proc�der :
1� Verser dans un r�cipient quelconque le contenu des bouteilles et ajouter, par bouteille d'extrait toxique, deux litres de lait bouilli et sucr� (six morceaux de sucre par litre). Le lait peut �tre ajout� � chaud. On peut se servir de lait concentr�, convenablement dilu�. Dans le cas o� il serait impossible de se procurer du lait, on peut le remplacer par la m�me quantit� de bouillon de viande ou de d�chets de toutes sortes susceptibles d'attirer les rats.
2� Faire couper du pain rassis en petits cubes en comptant environ 1 kilogramme de pain par litre de liquide (soit 3 kilogrammes de pain par litre d'extrait). M�langer le pain avec le liquide et bien brasser le tout avec un b�ton de fa�on que le pain soit �galement impr�gn�.
La pr�paration des app�ts doit �tre faite dans la matin�e, la distribution dans l'apr�s-midi. Pour faire la distribution des app�ts, se servir de cuiller en bois ou en m�tal.
Toute bouteille ouverte doit �tre employ�e dans la m�me journ�e.

c) La PATE PHOSPHOR�E se pr�pare en d�layant dans une casserole 750 grammes de farine avec 750 grammes d'eau ; puis en ajoutant 8 grammes de phosphore blanc, coup� en petits morceaux. On chauffe le m�lange, tout en remuant, jusqu'� dissolution compl�te du phosphore. A cette p�te, on ajoute enfin 150 � 200 grammes de graisse fondue et 100 grammes de sucre en poudre.
Quand la pr�paration est refroidie on en fait des galettes de 1 centim�tre d'�paisseur environ qu'on d�coupe en petits cubes. La p�te conserve ses propri�t�s toxiques pendant plusieurs semaines.
Elle est tr�s toxique pour les chiens.

d) Le SULFURE DE CARBONE, dont les vapeurs tuent les rats en quelques minutes doit �tre r�serv� pour les emplacements o� les rongeurs se sont creus� des terriers facilement accessibles.
Le proc�d� est des plus simples : on verse quelques centim�tres cubes de sulfure de carbone sur un tampon de coton ou un chiffon quelconque ; on introduit ce tampon rapidement dans le terrier ; on le pousse aussi loin que possible avec une baguette flexible et on ferme l'orifice du trou avec de la terre.
Le sulfure de carbone est tr�s inflammable ; mais pour �viter dans son emploi tout accident, il suffit de le manipuler avec les m�mes pr�cautions que l'essence de p�trole.

e) Quant � l'ACIDE ARS�NIEUX, c'est �galement une substance de choix ; mais sa toxicit� exige la plus grande surveillance dans son emploi. Cette restriction faite, il est tr�s �conomique, d'une grande efficacit� ; de plus il s'oppose � la putr�faction des cadavres de rats empoisonn�s.
On l'utilisera de la mani�re suivante :
Faire d�tremper, dans du bouillon, d'�paisses tranches de pain qui seront copieusement saupoudr�es d'acide ars�nieux.
Avoir soin d'exposer cet app�t sur des assiettes peintes, en rouge par exemple, pour �viter leur utilisation ult�rieure.

Pr�liminaires d'une d�ratisation.
Pour obtenir, des proc�d�s plus haut d�crits, des r�sultats satisfaisants, il importe de faire pr�c�der leur mise en oeuvre de quelques mesures qui permettent d'attirer les rats d'une r�gion dans certains endroits d�termin�s, et d'en �valuer le nombre. On y parvient en disposant de la nourriture aux m�mes lieux pendant huit � dix jours : les rats y viennent prendre leur repas en nombre chaque jour plus grand.
Quand on les a ainsi rassembl�s, on juge, en faisant varier l'offre de nourriture, la quantit� maxima qu'ils en peuvent absorber : ce sera la quantit� n�cessaire et suffisante d'app�ts � pr�parer.
Comme les rats ne se laissent gu�re reprendre l� o� leurs cong�n�res ont trouv� ant�rieurement une fin pr�matur�e, il est tr�s important d'en d�truire le plus possible en une seule op�ration. De l�, les pr�cautions qui pr�c�dent.
La d�ratisation exige donc qu'on la poursuive avec m�thode, suivant une certaine technique, � l'aide d'un personnel exerc�. Aussi la circulaire 9.386/DA du 30 oct. 1915 pr�conise-t-elle la constitution d'�quipes sp�ciales (1 sous-officier et 10 hommes) recrut�es dans la section d'hygi�ne et de prophylaxie des G. B. C et, si besoin est, d'�quipes suppl�mentaires fournies par les G. B. D.

Mesures adjuvantes d'hygi�ne g�n�rale.
On peut faciliter dans une tr�s large mesure la lutte contre les rats en habituant les hommes � ne pas r�pandre autour d'eux les restes des repas et les d�chets de toutes sortes qui servent de nourriture aux rongeurs.
Tous ces r�sidus doivent �tre soigneusement recueillis, incin�r�s ou enfouis.

 

Recueil de m�decine v�t�rinaire
15 ao�t-15 septembre 1916
HYGI�NE

La destruction des rats sur le front,
Par CAYREL et LESBRE.

La pullulation des rats dans la zone des arm�es et surtout dans les tranch�es ou les organisations de d�fense, pr�sente des inconv�nients et des dangers nombreux pour les soldats (manque de sommeil, souillures des aliments, d�t�riorations des v�tements ou objets d'�quipement, danger possible de propagation de la peste si les circonstances s'y pr�taient, etc.).
Une campagne de d�ratisation a �t� entreprise sur tout le front � partir de d�cembre 1915.
Les auteurs rapportent les r�sultats obtenus dans leur secteur.
Le virus Danysz a �t� abandonn�.
Les pi�ges n'ont donn� que des r�sultats presque nuls. Seuls l'emploi des chiens ratiers et celui d'un toxique � base d'extrait de scille, furent satisfaisants. 46 000 rats furent d�truits dans le secteur en quatre mois.
La moyenne de destruction journali�re par chien ratier a �t� de 80 ; celle par toxique de 370.
Le toxique �tait pr�par� avec de l'eau sucr�e dans laquelle du pain �tait mis � tremper.
G. M.
(Soci�t� biologie, 6 mai 1916.)

 

Le Journal �� L'Ambulance � des Oeuvres de la Croix-verte publie dans son num�ro du 1er octobre 1917 cet article narquois :
 
�� UNE S�ANCE DE D�RATISATION
Les rats continuant de pulluler aux arm�es, l' autorit� les an�antit par une virulente circulaire. Reste � les supprimer en fait. Ce but pratique doit �tre atteint par le personnel d�ratiseur, groupe technique compos� d'un idoine, pharmacien auxiliaire, et de deux desabuseurs adjoints, innocents brancardiers. Noble figure, en v�rit�, que celle de M. Coussin, chef de la d�ratisation du corps d'arm�e : haut en couleur, buveur, brailleur, il fait luire sous une crini�re fauve des yeux de musaraigne, un blair de tapir, et, convoqu� par le directeur du Service de Sant�, lui d�duit, volubile, sa m�thode :
- L'app�t toxique, l'extrait de scille, bonnes choses �videmment.
Mais les rats empoisonn�s vont crever dans des coins noirs d'o� ils empestent le cantonnement. Et puis ce n'est pas joli, cette d�ratisation-l�, ce n'est pas sportif, monsieur le Directeur. Je vous recommande le furet.
- Le furet ?
- Oui. Nous poss�dons des chiens ratiers. Le chien tue son rat d'un coup de crocs, c'est entendu. Mais pour d�busquer le rat de son trou, il faut le furet. J'ai eu, au furet, des r�sultats splendides : trois cents rats � l'heure. C'est comme je vous le dis. Si l'on attachait par la queue tous mes rats tu�s au furet, ils formeraient un ruban allant de la terre � la lune. Ceci, pour fixer les id�es.
Le directeur, �merveill�, accorde les cr�dits n�cessaires � l'achat d'un furet. M. Coussin lui demande d'assister � la d�ratisation de la ferme Maricot : �� Ce sera, dit-il, inoubliable �.
...Le choix d'un furet n�cessite plusieurs voyages aux environs. M. Coussin revient illumin�, de ses courses, sans avoir trouv� le furet d'�lection. Comme on l'avise qu'il en sera achet� un d' office, il d�couvre subitement le meilleur furet du monde, renouvelle ses invitations, et, � l'heure, au lieu dits, la s�ance commence :
Le directeur au Service de Sant� a caus� de la chose � l'Etat-Major. Le g�n�ral, soucieux du bien �tre de ses troupes, a r�solu d'assister � cette nouvelle chasse au rat. C' est pourquoi d�bouchent dans la cour de la ferme une demi-douzaine d'autos d'o� sortent de nombreux officiers brassard�s, et le g�n�ral lui-m�me qu' accompagne respectueusement le directeur du Service de Sant�.
M. Coussin, conscient de son importance, pr�sente � l'assistance le furet Koko : il ouvre une caissette de bois d'o� �merge une t�te pointue, d'un roux blanc, aux yeux roses; le corps fluet � queue touffue s'�chappe, mais, d'une main rapide, le chef d�ratiseur saisit la bestiole par le cou :
- Tel que vous le voyez, explique-t-il, Koko je�ne depuis deux jours.
Il va donc courir au rat pour le saigner et boire son sang. Le rat malin se sauve, mais � la sortie du trou, est happ� par les chiens ratiers. J'ai l'honneur de vous pr�senter �galement deux fox et un basset, sp�cialement dress�s � cette chasse : Raoul, Marquise et Flambeau.
Les chiens sautillent et jappent, maintenus par MM. les adjoints techniques. Le cort�ge au complet, spectateurs et acteurs, se dirige vers un monticule cribl� de trous de rats.
- Il y a l� dedans, d�clare M. Coussin, d'innombrables galeries. Sophocle, faites entrer Koko.
Le brancardier Sophocle applique contre un des trous l'ouverture d'un sac dans lequel vient d'�tre introduit le furet. Koko, sortant du sac, balance la t�te puis se d�termine et p�n�tre dans le trou. Les chiens, cous tendus, queue vibrante, aboient au rat, furieusement.
- Ils vont effrayer le gibier. Faites-les donc taire ! rugit M. Coussin � coup de talons sur le museau, les adjoints inclinent leurs �l�ves au silence. M. Coussin reprend :
- Messieurs les officiers, regardez bien ce trou. Vous allez voir sortir les rats ! Vous allez voir !
Rien ne sort. Apr�s un quart d'heure d'attente, M. Coussin, interpell�, d�clare :
- Etrange, en v�rit�. Sans doute les galeries souterraines sont-elles fort enchev�tr�es.
- Le furet ne s' est-il pas perdu, demande le g�n�ral ?
- Non, mon g�n�ral. Il revient toujours par son trou d'entr�e. Il doit explorer les galeries. Ou bien il a peut-�tre attrap� un rat paralys� qu'il saigne. Sophocle, appelez-le voir?.
L'adjoint technique colle sa bouche au trou, et gutturalement, �met : �� Koko ! Koko ! � Le furet se garde de r�pondre. Et c'est, de nouveau l' attente. Les chiens bondissent, toujours tenus en laisse, en g�missant d'impatience.
Un nouveau quart d'heure passe. M. Coussin trouve r�ponse � tout :
- Koko n'a pas oubli� sa mission. Il est plus fort que deux rats m�les.
- Mais, s'il en a saign� un, il va s'endormir, saoul�, pendant trois heures...
- Dans ce cas, mieux vaut lever la s�ance, opine le g�n�ral.
A ce moment des cris, des aboiements jaillissent :
- Attrape, attrape ! hurlent les aides !
- Sus ! Sus au rat ! beugle Coussin.
Des chiens l�ch�s se ruent vers le trou d'o� s'�rige une t�te, et s'acharnent.
- Arr�te ! Arr�te ! crient maintenant les aides, et M. Coussin, plus fort qu'eux. L�chez ! L�chez ! C'est
Koko !
C'est en effet Koko, reparu � la lumi�re, que les chiens d�vorants se disputent entre eux.
Quand, � coups de cannes et de brodequins ferr�s on les arrache � leur proie, le furet g�t d�chiquet�.
Des injures, des jurons cr�vent l' air. Le g�n�ral f�licite le directeur entre deux tons :
- S�ance fort r�ussie...
Le Directeur tance M. Coussin qui punit ses aides qui fouettent les chiens. Tout s'arrange donc, sauf pour Koko, victime unique et impr�vue de cette belle s�ance de d�ratisation.
HENRI FALK.

 

La Technique sanitaire et municipale
Mai 1919

Rapports pr�sent�s � la Commission Sanitaire des pays alli�s dans la s�ance de la D�l�gation permanente du 6 novembre 1918

RATS.
Nous n'avons pas trouv�, au cours de notre �tude comparative dans les arm�es alli�es, de donn�es tr�s nouvelles sur la lutte contre les rats.
Le point important, c'est de ne pas se contenter d'une seule mesure, mais d'appliquer simultan�ment et sans rel�che toutes les mesures possibles.
II ne faut d'ailleurs pas esp�rer une extermination compl�te des rats, mais seulement une grande r�duction de leur nombre.
Le virus Danysz, pr�par� par l'Institut Pasteur de Paris, est actuellement reconnu inefficace dans l'arm�e fran�aise aussi bien que dans l'arm�e anglaise.
Les pi�ges de toute sorte, y compris les fosses � parois obliques, donnent des r�sultats variables. Il convient en tous cas de ne jamais employer le m�me plus de deux ou trois jours de suite.
Les poisons, p�te arsenicale, p�te phosphor�e, p�te � la scille, utilis�s partout, doivent l'�tre avec discernement et par un personnel instruit : ici encore il faut changer souvent de proc�d�.
On nous a signal�, � l'arm�e anglaise, un proc�d� consistant en un app�t plac� au centre d'une feuille enduite de glu assez puissante pour engluer les rats qui s'avancent sur sa surface.
Les chats, les chiens ratiers constituent une aide pr�cieuse, mais � rendement forc�ment limit�.
Le carbure de calcium, en fragments dans les trous, �loigne les rats.
La protection des aliments dans des garde-manger, la destruction et m�me le simple enfouissement des d�tritus alimentaires, comme le signale M. le m�decin principal Chavigny, repr�sentent un moyen primordial contre la pr�sence et la reproduction des rats. On ne saurait trop s'y conformer.
Enfin l'am�nagement: des tranch�es, des abris joue un r�le tr�s important. Ce soin est l'objet de mesures tr�s suivies � l'arm�e belge.
�� Le principal progr�s �, �crit le m�decin divisionnaire de la 1re division de l'arm�e belge, �� est l'�dification de baraquements � sol ciment� et dam�. �
Le m�decin divisionnaire de la 4e Division de l'arm�e belge �crit de son c�t� : �� Depuis qu'aux abris faits en terre et en planches mal jointes, on a substitu� les abris bien �tanches en bois, t�le, ma�onnerie, b�ton, les rats ont cess� d'incommoder les troupes. �

 

Lecture pour tous
F�vrier 1916


PI�GES, P�TES EMPOISONN�ES, B�TONS ET FUSILS, EAU ET FEU, CHATS ET CHIENS, NOS SOLDATS UTILISENT TOUS LES MOYENS POUR COMBATTRE LES RATS. ET TOUCHER LEUR PRIME.

LES RATS PLAIE DES TRANCH�ES

Ce n'est pas assez que nos soldats soient en butte � toutes les intemp�ries, au froid et � la boue ; un v�ritable fl�au, une nouvelle plaie d'Egypte s'ajoute � leurs souffrances ; une invasion de rats rend certaines de nos tranch�es inhabitables et risque d'y apporter les germes de toute sorte de maladies. Le lecteur verra facilement l'�tendue du danger et la n�cessit� imp�rieuse de le combattre par tous les moyens.

MINUIT, dans la tranch�e. Le duel des canons s'apaise. L'ennemi est calme et semble ne projeter contre nous aucune attaque nocturne. Nos poilus essaient de s'endormir, confiants dans leurs �� veilleurs � qui, l'oreille aux aguets et le regard scrutant l'ombre de la plaine, sont � leur poste.
Soudain, parmi les dormeurs, un cri - cri de col�re et de d�go�t � la fois : �� Oh ! la sale b�te ! Je l'avais sur le cou. � Les camarades, en leur demi-sommeil, ont compris tout de suite : encore un de ces rats !
Oui, des rats. Car nos braves des tranch�es n'ont pas seulement � y redouter les balles allemandes et les obus, � y mener leur dure vie sous la pluie, dans le froid et dans la boue. Un autre ennemi, inattendu, les y assaille, tenace, r�pugnant et dangereux : c'est l'horrible gent rati�re.
L'invasion est formidable. Elle atteint aussi bien les tranch�es ennemies que les n�tres : et nous savons que les Allemands s'efforcent, tout comme nous, de s'en prot�ger. N'a-t-on pas vu, en certains endroits de la ligne de combat en particulier dans les carri�res du Soissonnais - la pullulation des rats devenir telle que l'ardeur des op�rations parfois s'en ressentait et que Fran�ais et Allemands interrompaient litt�ralement la lutte pour se d�barrasser d'abord, les uns et les autres, de l'autre danger qui leur est commun. Pour- tant, bombardements et fum�es asphyxiantes font, si l'on peut dire, la vie dure aux rats dans les tranch�es de premi�re ligne.
L'explosion des grenades chasse les rongeurs de leurs trous, et, apr�s chaque vague de gaz asphyxiants, il n'est pas rare de trouver au fond des boyaux plusieurs centaines de cadavres de rats.
Mais dans les tranch�es de seconde ligne, dans les abris souterrains o� se tiennent, o� se reposent les hommes qui ont la charge de d�fendre un secteur, et surtout dans les cantonnements o� sont accumul�es les provisions de toute sorte, c'est bien autre chose. L� les rats sont rois. L�, l'existence nocturne de nos soldats, et parfois m�me leur vie diurne, est rendue insupportable par le pullulement prodigieux des rongeurs. Chacun s'ing�nie � se d�fendre contre leur audace et leur voracit�, mais chacun, t�t ou tard, en est victime.

NI TR�VE NI REPOS.
Voici dans un vaste abri, creus� en plein roc cependant, et assez semblable � un large caveau, les lits o� dorment les hommes de la section. Ces lits, on en conna�t la construction rudimentaire : quatre pieux en forment les pieds et les montants ; deux planches en constituent les flancs ; des branches flexibles crois�es d'un bord � l'autre font un sommier passable ; une bonne liti�re de paille sert de matelas. Il yen a deux en bas et deux en haut, comme dans les wagons-couchettes, et l'on y dort, assurent les poilus, fort bien. Du moins, on y dormirait parfaitement si les rats ne venaient en d�vorer la paille et trotter sans arr�t sur les couvertures et jusque sur les visages des occu-


LA JOURN�E D'UN CHIEN RATIER. LE VAILLANT ANIMAL, QUI PR�SIDE A L'EXPOSITION DE CE �� TABLEAU � DE CHASSE, PERMET AUX POILUS DE SA SECTION DE DORMIR � PEU PRES TRANQUILLES

pants. N�cessit� rend ing�nieux : certains ont invent� une moustiquaire m�tallique, faite avec du treillis de fil de fer semblable � celui dont se serve les paysans pour garnir les ouvertures des poulaillers. Ces moustiquaires � rats recouvrent le lit et l'homme � la mani�re d'un couvercle et les rats peuvent courir dessus tout � leur aise ; mais du moins le dormeur ne subit pas leur immonde contact et peut profiter en paix des quelques heures de sommeil qui lui sont accord�es.
Malheureusement il n'est pas facile de se procurer du treillis de fil de fer, et ceux qui ont la chance de pouvoir s'en procurer ou d'en recevoir de leur famille, font de nombreux envieux. Les soldats qui n'ont point de moustiquaire se bornent la plupart du temps � se couvrir le visage avec un morceau d'�toffe que d'ailleurs les rats viennent grignoter quand m�me. D'autres, exploitant la crainte que les d�testables rongeurs ont de toute lumi�re, dorment avec une petite lampe allum�e � c�t� de leur lit. A ce prix, ils peuvent jouir d'un repos relatif.
Mais si le rat est insupportable la nuit, il ne l'est gu�re moins le jour. Il oblige le soldat � une vigilance constante. Malheur au distrait qui laisse un instant un morceau de saucisson sur la banquette de sa tranch�e pour aller jeter un coup d'oeil au cr�neau o� guette le camarade : quand il revient, le saucisson a disparu. Le n�gligent qui laisse un chandail ou un cale�on dans son abri, sans avoir pris le soin de l'enfermer dans son sac ou son paquetage, n'en retrouve que des morceaux. Car il n'est point d'objet auquel le rat ne s'attaque et il s'en prend tout aussi bien au ceinturon de cuir, ou � la paire de chaussures de rechange, qu'� la �� boule de son �.
Il y a mieux encore. Assis dans le coin de son abri, un soldat profite de quelques minutes de tranquillit� pour �crire aux siens. Soudain le guetteur signale un mouvement dans les lignes ennemies. Il faut courir � la tranch�e, prendre sa place de combat. Dans sa h�te, le troupier a laiss� sur le sol lettre et crayon. Il reste dans la tranch�e une demi-heure, puis revient, car l'attaque -pressentie ne s'est pas produite.
Mais o� est sa lettre? O� est son crayon? Il les retrouve bient�t : la lettre est a demi d�vor�e ; le crayon bris� porte la marque des petites dents bien connues.

MULTIPLICATION � L'INFINI.
Ce ne sont l� que des exemples suffisant � prouver qu'� toutes les minutes de sa vie quotidienne le soldat est obs�d� par la pr�sence du rongeur et qu'il est contraint d'appliquer son attention � se d�fendre contre un ennemi rus�, audacieux et insaisissable. Les rats, suivant sa propre expression, �� empoisonnent son existence �, tant ils pullulent.
Cette pullulation est d'une rapidit� extraordinaire : la race des fauves rongeurs est si prolifique que, en cinq semaines, un seul couple de rats peut donner naissance � six, huit et m�me dix rats ! Calculez alors ce que cela repr�sente au bout d'un an : une op�ration math�matique bien connue, la �� progression �, va nous le dire. Si nous admettons qu'un couple de rats donne en cinq semaines six autres rats, c'est-�-dire trois nouveaux couples, lesquels en cinq semaines donneront � leur tour dix-huit rats ou neuf couples, et ainsi de suite, il est facile de se rendre compte que, au bout d'une ann�e (exactement en cinquante-cinq semaines), les rats issus du couple initial seront au nombre de 521 838.
Si ce premier couple avait produit dix rats au lieu de six et que la m�me �� progression � se poursuiv�t dans ses descendants durant le m�me laps de temps, nous arriverions alors au chiffre fantastique - et pourtant �� math�matiquement � exact - de 122 170 310 rats, issus d'un seul couple en un peu plus de douze mois !
On con�oit qu'une pareille plaie irrite nos soldats, non seulement par suite de cette r�pulsion instinctive qu'ont toujours inspir�e � l'homme les abominables rongeurs, mais parce que ceux-ci constituent pour notre arm�e un v�ritable p�ril.

DES MILLIONS D�VOR�S.
Ce ne serait presque rien, en effet, que le rat entr�t, dans les tranch�es pour y grignoter mille restes et sautiller sur les hommes endormis. Mais sa pr�sence est l'origine de maux bien plus graves. D'abord il �� d�vore � tout et cause ainsi des pertes �normes et, d'autre part, c'est l'un des plus dangereux propagateurs de maladies.
�� Ne m'envoyez plus de colis ! �crivait un officier du front � sa famille. A peine en ai-je entam� un que, dans l'espace d'une nuit, les rats de mon gourbi ont vol� tout le reste. Pour conserver quelque chose, il me faudrait ici un coffre-fort. �
Apr�s les vivres, les v�tements, le linge, les papiers, les musettes, les cuirs, les cigares m�me ont leur tour. Et le mal n'est pas limit� aux tranch�es : batteries, campements, ambulances, h�pitaux, docks de ravitaillement, d�p�ts, magasins, manutentions, tout est envahi et pill� par les rats. Bien mieux : dans plusieurs hangars d'a�rostation, il est arriv� que des avions et des ballons captifs furent rong�s par eux et rendus inutilisables.
Ce que co�tent de tels ravages on le devine sans peine, quand on pense aux quantit�s �normes .de produits de toute nature qu'il a fallu accumuler sur certains points de la zone des arm�es. En se basant sur les estimations faites il y a quelques ann�es, en Danemark et en Angleterre, et qui fixent la valeur du �� vol � � un centime et demi �� par rat et par jour �, il est facile de calculer qu'un million de rats, par exemple, mangent journellement pour 15 000 francs de produits, soit 450 000 francs par mois et 5 400 000 francs par an.
C'est donc bien � des millions de francs qu'il faut �valuer le pr�judice caus� � notre budget militaire par le vol incessant des affreux animaux.
Mais il y a pire encore.

COMMIS VOYAGEUR EN MALADIES.
Les pertes mat�rielles ne sont rien � c�t� de cet autre crime imputable aux rats : la transmission des maladies et en particulier de la peste.
La peste ! terme d'allure moyen�geuse, que nous croyions bien p�rim� et qui soudain, voil� quelques ann�es � peine, reprit toute sa terrifiante valeur. Qui ne se souvient de la Mandchourie d�cim�e, de Kharbine et Moukden d�vast�es, de ces monceaux de cadavres rest�s sans s�pulture, de ces villes et villages livr�s aux flammes ?
Or, aujourd'hui encore, il subsiste de par le monde bien des �� foyers de peste�, bien des contr�es o� l'affreuse maladie s�vit � l'�tat end�mique. D�s lors, dans cette guerre qui remue tant d'hommes, et venus de tous les points du globe, qui nous dit que l'un d'eux n'apportera pas sur le front le bacille de la peste ?
Qui nous garantit surtout que ce terrible germe d'une �pid�mie n'y arrivera point - soit dans la soute d'un navire, soit dans les colis de quelque wagon, soit de toute autre fa�on - v�hicul� par son h�te le plus habituel : le rat ?
Le rat, en effet - tous les hygi�nistes s'accordent sur ce point - est le v�ritable commis voyageur du bacille de la peste. Tr�s sensible � l'action de ce microbe, il est vite pestif�r�, et avec lui tous ses cong�n�res ; et comme la maladie est mortelle, ce serait en somme pour nous un �� bon d�barras � si les choses en restaient l�. Mais il n'en est rien, malheureusement. Car le rat, comme l'homme, a ses parasites ; et ce sont pr�cis�ment les m�mes : la mouche et la puce, lesquels vont du rat � l'homme, piquant celui-ci apr�s avoir piqu� celui-l�, introduisant dans notre sang le fatal germe qu'ils ont puis� dans le sang du rat pesteux : ainsi se propage l'horrible contagion.
Et ce n'est pas tout, h�las ! car chaque jour les savants tendent � charger le rat d'autres responsabilit�s : �rysip�le, charbon, t�tanos, favus, morve, et peut-�tre pneumonie, fi�vre typho�de, rage et cancer, telles sont les affections dont il faudrait, � leur avis, lui imputer trop souvent la transmission. Comprend-on le danger que courraient nos soldats, si l'on n'intervenait pas �nergiquement ?

DES BATTUES D'UN NOUVEAU GENRE.
Aussi, dans les tranch�es, dans les boyaux, dans les caves, nos poilus poursuivent, sans


LES GAZ ASPHYXIANTS ALLEMANDS SONT PLUS DANGEREUX POUR LES RATS QUE POUR NOS SOLDATS. VOICI UNE JOLIE COLLECTION DE CADAVRES DE CES RONGEURS RAMASSEE DANS UNE TRANCH�E QUI FUT ARROS�E D'OBUS ASPHYXIANTS.

rel�che, la chasse au rat. Ils assomment les horribles b�tes � coup de b�ton, ils les noient, ils les enfument, ils les tuent m�me � coups de fusil ! De v�ritables �� battues � s'organisent ; r�cemment, pr�s de Roye, une compagnie d'infanterie, s'�tant ainsi mise � la besogne, d�truisit dans sa journ�e 470 rats.
En maint endroit m�me, les chefs ont d�cid� d'affecter sp�cialement � ce travail de d�fense un ou plusieurs de leurs hommes : et c'est l'un des �� sp�cialistes � ainsi d�sign�s que l'objectif a surpris, au moment o� il inscrit � son �� tableau � le soixante-cinqui�me rat de sa matin�e !
Et que dites-vous de cet autre clich�? D'ing�nieux poilus ont cr��, sur le front m�me, une nouvelle industrie. Apr�s avoir vid� soigneusement les rats captur�s par eux, ils en �talent les peaux, en les clouant sur une planche, afin de les faire s�cher. Et leur intention est de vendre ces �� peaux de rats �, tout comme cela se faisait depuis quelques ann�es sur certains march�s - � Calcutta notamment - o� la Mode, �tonnante et capricieuse, allait chercher ces peaux, pour en faire des gants, des fourrures, des porte-monnaie, des reliures de livres, etc.
Ils les vendent m�me d�j�, assure-t-on, et l'on pr�tend qu'il ne faudrait pas chercher ailleurs la raison du d�veloppement actuel du commerce des petites fourrures � tr�s bon march�. Seulement, de la tranch�e au magasin de vente, la peau de rat change de nom...
Mais. est-il besoin de le dire ? le fl�au qui s�vit sur nos tranch�es demande, pour �tre ma�tris�, des mesures plus efficaces. Contre une esp�ce animale qui se multiplie si rapidement et dans des proportions si formidables, il est n�cessaire d'employer d'autres armes que le b�ton, voire que le fusil. Il faut recourir � tous les proc�d�s de �� d�ratisation � connus, les anciens comme les r�cents, les empiriques et les �� routiniers � comme les plus scientifiques.

L'ORGANISATION DE LA D�FENSE.
Ainsi la vieille �� mort aux rats � de nos �piciers est souvent inefficace, sa graisse trop rance, son phosphore trop dilu� ; n�anmoins, chaque fois que les soldats peuvent s'en procurer, ils ne manquent pas d'y avoir recours, et ils font bien. De m�me pour les p�tes chimiques � base d'acide ars�nieux, de carbonate de baryte ou de tout autre toxique. Notons pourtant une formule plus r�cente, due � l'un de nos �� biffins � et qui obtient, para�t-il, un gros succ�s dans les tranch�es. La voici : �� M�langez une partie de sulfate de cuivre avec deux parties de farine. Placez un peu d'eau � c�t� de l'app�t. D�s que le rat aura touch� � ce dernier, il sera alt�r�, ira boire et succombera en tr�s peu de temps. �
Les �� pi�ges � de diverses formes font �galement fureur ; et l'on devine que nos poilus y ont trouv� mati�re � d�ployer leur ing�niosit� de constructeurs. Mais comme la plupart de ces appareils sont vite �vent�s par les astucieux rongeurs, voici la m�thode que pr�conise le �� cuistot � d'une batterie, dans l'un de ces curieux �� journaux � qu'�ditent eux-m�mes nos amis du front : �� C'est une erreur de croire que la nasse (pi�ge en fil de fer) soit sans effet durable. Lorsque vous y trouvez le matin deux ou trois rats faits prisonniers, gardez-vous bien de les tuer tous. Mais laissez toujours dans la cage de fer l'un des rongeurs, que vous aurez m�me soin de continuer � nourrir jusqu'au soir. Puis, la nuit venue, remettez votre pi�ge en place, garni de son captif : et soyez s�rs que, le lendemain matin, vous apercevrez deux ou trois nouveaux h�tes, qui auront rejoint dans la nasse votre premier prisonnier. Seulement, retenez bien ceci : ce prisonnier �� amorceur � doit �tre chang� chaque jour. �
Pr�cieux pour la chasse au rat, les chats peuvent �tre, dans nos docks et magasins, pr�pos�s � la garde des vivres et des v�tements militaires. Mais leur emploi, sur les lignes de combat, ne peut-�tre - on le con�oit - que restreint et exceptionnel.
Au contraire, celui des chiens semble devoir y �tre de plus en plus r�pandu, et avec raison. A condition toutefois qu'on ait recours, non pas � n'importe quels chiens, mais aux deux ou trois races de �� bulls � et de �� fox-terriers �, qui fournissent sp�cialement les vrais ratiers. C'est ce que l'autorit� militaire a compris : apr�s quelques essais concluants, elle a d�cid� de poursuivre �nergiquement les efforts dans ce sens ; et tout prochainement 1 200 chiens, d�ment �� mobilis�s �, entra�n�s et sachant �� se taire �, vont �tre conduits sur le front, pour y travailler � la destruction de l'ignoble et envahissante esp�ce.

QUI VEUT GAGNER UN SOU?
La d�ratisation a d�j� utilis� et consacr� un tout autre proc�d� de lutte, qui, malgr� son apparente difficult� d'application sur un front de combat, ne pouvait manquer d'y �tre tout au moins essay� : c'est le syst�me des �� primes �.
En �valuant, ainsi que nous l'avons dit plus haut, le larcin journalier d'un rat � �� un centime et demi �, on avait calcul� en ces derni�res ann�es que le montant annuel et approximatif des d�g�ts caus�s par les rongeurs atteignait 220 millions de francs pour la France, 260 millions pour l'Allemagne, 325 millions pour l'Angleterre, etc.
C'est surtout pour att�nuer ces pertes que certains pays n'h�sit�rent pas .� recourir au syst�me des primes. Ainsi, en Danemark, une loi, vot�e en 1907, assura une prime de 8 ore (un peu plus de 13 centimes) � tout citoyen qui apporterait � l'autorit� la t�te d'un rat. Tr�s vite, cette mesure apparut comme l'un des rem�des les plus efficaces : en deux ans, 2 469 712 rats furent tu�s ; et si ce massacre porta le chiffre des crimes vers�es � 343 043 francs, par contre il �vitait au pays un d�g�t total (�. 1 centime et demi par jour et par rat) de plus de vingt-sept millions de francs !
Il n'est donc pas �tonnant que, voyant dans l'institution d'une prime un excellent moyen de stimuler le z�le de ses hommes, d'enrayer les pertes r�sultant du pillage continuel de ces animaux et de pr�venir en m�me temps les dangers de contagion, l'un de nos g�n�raux ait r�dig� l'ordre suivant, aujourd'hui affich� dans tous les cantonnements des secteurs plac�s sous ses ordres :
D�RATISATION.
�� Dans le but d'int�resser les hommes � la destruction des rongeurs, le g�n�ral commandant la .e arm�e a d�cid�, sur la proposition du g�n�ral commandant la ..e C. C., qu'une prime de 0 fr. 05 serait allou�e pour chaque rat d�truit. Les primes seront pay�es tous les dix jours sur �tats �marg�s. Le droit � la prime sera constat� par la pr�sentation de la queue du rat d�truit. Les commandants d'unit�s d�signeront un grad� qui, apr�s s'�tre fait pr�senter les queues des rats d�truits, �tablira au nom de l'int�ress� un certificat constatant ses droits � une ou plusieurs primes. Le grad� d�sign� fera incin�rer devant lui les queues ayant servi � la constatation. Les rats �tant porteurs de puces susceptibles de transmettre des maladies contagieuses, on doit �viter de les toucher. Les rats d�truits seront enterr�s aussit�t et les queues recueillies seront envelopp�es dans un chiffon ou dans un papier impr�gn� soit de goudron, soit de p�trole. �


LES CHIENS RATIERS, DE RACE V�RITABLE, N'�TANT PAS ASSEZ NOMBREUX POUR LES BESOINS DU FRONT, NOS �� POILUS � ONT IMAGIN� DE DRESSER DES CHIENS DE TOUTE ESP�CE � LA CHASSE AU RAT. AVEC UNE PLANCHE, QUATRE PIEDS ET UN GRILLAGE, ILS CONSTRUISENT D ING�NIEUX RATODROMES, O� LE GRIFFON LE PLUS PACIFIQUE DEVIENT VITE UN VIRTUOSE DANS L'ART DE TORDRE LE COU � MA�TRE RODILART.

Il n'est pas encore possible de conna�tre le montant des primes ainsi vers�es � nos poilus, ni par cons�quent le nombre de rats tu�s par eux et les �conomies r�alis�es ; mais ce qui semble acquis d�s maintenant, de l'aveu des officiers des secteurs int�ress�s, c'est que l'invasion rati�re- y est, sinon vaincue, du moins d�j� nettement enray�e. Pi�ges, p�tes empoisonn�es, b�tons et fusils, eau et feu, chats et chiens, nos soldats utilisent tous les moyens pour combattre les rats et, bien entendu. toucher leur prime.


UN PI�GE INATTENDU. CE RAT GOULU A CRU TROUVER QUELQUE METS SUCCULENT AU FOND DE L'ENCRIER D UN OFFICIER PAYEUR. IL A BIEN PASS� SA T�TE, MAIS N A PU LA RETIRER. ET IL EST MORT DE SA GLOUTONNERIE.

A leurs efforts, fatalement restreints et insuffisants, il �tait n�cessaire que l'autorit� elle-m�me ajout�t des moyens de lutte plus savants et plus m�thodiques encore.

CEUX QU'IL FAUDRAIT ASPHYXIER.
�� Quand, ayant repris l'attaque, �crivait cet �t� un officier d'une division de l'Artois, nous arriv�mes � nos anciennes tranch�es que la projection d'obus asphyxiants nous avait d'abord contraints d'�vacuer, ce ne fut pas sans surprise que nous y d�couvr�mes, par centaines, des cadavres de rats : eux aussi avaient �t� surpris par les gaz d�l�t�res r�dant sur le sol ; et la triste invention des Boches aura eu du moins cette utilit� d'enrayer une invasion chaque jour plus hardie, et aussi de nous donner l'id�e d'un nouveau proc�d� de d�ratisation. �
A dire vrai, le proc�d� n'est pas nouveau ; et il y a d�j� plusieurs ann�es que, dans nos ports de mer notamment, on peut voir, accol�e au flanc de tel ou tel navire, une barque sur laquelle fume et ronfle un appareil � vapeur : un tube parti de l'appareil p�n�tre dans le b�timent par un hublot ; et ainsi il envoie, dans les cales et les soutes, des jets de gaz asphyxiants : anhydride sulfureux, formol, oxyde ou sulfure de carbone, etc. Pendant quelques heures, le hublot reste ferm� ; puis bient�t l'on voit, par son ouverture, un matelot qui jette les rats ainsi d�truits en les ramassant � la pelle.
L'emploi de ces m�mes gaz contre les rats qui infestent la zone des arm�es pourrait �tre utilement �tendu. Sans doute, il demande certaines pr�cautions, le sulfure de carbone, par exemple, �tant tr�s inflammable. Mais c'est affaire d'organisation. Et le fait que voici prouve tout le parti que l'on peut tirer, dans la lutte entreprise, de l'utilisation de certains gaz dont plusieurs, comme le formol, sont d'ailleurs fort maniables. A Suippes, une ambulance s'�tait �tablie dans une maison inhabit�e : un matin, en inspectant ses paniers � pansements, le m�decin-chef s'aper�oit qu'ils sont envahis par une troupe de rats. Vite, il referme les paniers, en y emprisonnant les rongeurs. Le m�decin a son id�e : il se fait apporter deux ou trois de ces blocs de p�te au formol, que l'arm�e et la marine emploient couramment, sous le nom de �� fumigators Gonin�, pour la d�sinfection ; et il en allume la m�che ; puis il quitte la pi�ce, apr�s en avoir fait clore soigneusement toutes les ouvertures. Pendant plusieurs heures, les blocs s'y consument lentement, en d�gageant leurs vapeurs. Apr�s quoi, le m�decin p�n�tre � nouveau dans le local et ouvre ses paniers : tous les rats sont morts, asphyxi�s par les vapeurs de formol.
Il n'est donc pas douteux que la d�ratisation peut, dans cette voie encore, trouver des instruments pr�cieux.

TOUS EMPOISONN�S.
Mais, si utile que puisse �tre l'emploi des gaz asphyxiants, de m�me que celui des divers autres proc�d�s, il faut compter avec l'extraordinaire �� finesse � des rats, qui ont vite fait de tourner l'obstacle qu'on leur oppose et continuent de pulluler.
Il est donc heureux qu'on se soit enfin r�solu � faire aux malfaisants rongeurs une guerre offensive vigoureuse. Dans une r�union r�cemment organis�e � l'Institut Pasteur, � laquelle assistaient soixante-quinze m�decins d�l�gu�s par les corps d'arm�e, le docteur Danysz indiqua la m�thode � suivre : d'abord continuer de combattre le rat par tous les moyens d�j� connus ; mais surtout, utiliser d'une fa�on g�n�rale et intensive les deux proc�d�s suivants.
En premier lieu, employer le �� virus Danysz � qui, depuis une trentaine d'ann�es, a largement fait ses preuves. Ce virus a le pouvoir d'inoculer aux rats une sorte de �� typho�de � qu'ils se communiquent les uns aux autres et qui est rapidement mortelle Il suffit donc d'injecter le virus a quelques rats et de les l�cher ensuite parmi leurs cong�n�res : en peu de temps, la contagion s'�tendra parmi eux. En prenant soin que les rats ainsi inocul�s ne touchent pas aux vivres destin�s aux soldats, on peut attendre de cette m�thode les meilleurs r�sultats.
Et voici mieux encore : l'Institut Pasteur a r�alis� un produit qui semble bien �tre v�ritablement efficace. C'est l'�� extrait de scille �, tir� des bulbes de la scille ou oignon marin. Il constitue un toxique des plus actifs et en m�me temps des plus pratiques ; car, tandis qu'il est sans aucun danger pour l'homme et le chien, par contre, il en suffit d'un dixi�me de milligramme pour tuer un rat. Or cet animal en est, para�t-il, des plus friands... �� Avec un litre d'extrait, �crit un m�decin-major, j'ai pu d�truire en une seule nuit 420 rats dans la m�me tranch�e ! � Et la photographie de ce curieux �� tableau de chasse � accompagnait la lettre du major.
En pr�sence de pareils r�sultats, l'Institut Pasteur a d�cid� de fabriquer le toxique en grande quantit� ; et chaque jour, 1 200 litres de l'extrait de scille sont envoy�s au front.
D�sormais donc, la lutte contre les rats est devenue s�rieuse. Virus et extrait toxique, mani�s par des gens sp�cialement instruits pour ce travail, commencent � faire leur oeuvre. En vingt jours, une �quipe de quatre hommes peut traiter ainsi 50 kilom�tres de tranch�es et une cinquantaine de formations diverses (campements, magasins, ambulances, etc.). Nous avons donc le droit d'esp�rer que, cette fois, l'affreux peuple ratier va cesser d envahir nos lignes.
En attendant, redoublons de vigilance. N'oublions pas non plus de faire enlever et br�ler tous les d�chets qui s'amassent dans les tranch�es et y attirent les rats.
Par tous les moyens d�barrassons nos tranch�es de cette plaie. Nous avons le devoir strict d'�pargner � nos braves ce surcro�t de souffrance.


UNE V�RITABLE PETITE INDUSTRIE NOUVELLE EST N�E DE LA CHASSE AUX RATS DANS LES TRANCH�ES. LES PEAUX S�CH�ES SUR DES PLANCHES SONT EXP�DI�ES � L ARRI�RE ET VENDUES� DES MARCHANDS DE FOURRURES � BON MARCH�.
TRANSFORM�ES, TEINTES, TRAVAILL�ES, LES PEAUX DE RATS DEVIENNENT, SOUS DES NOMS POMPEUX, DES CRAVATES ET DES �TOLES QUE NE D�DAIGNENT PAS NOS CHARMANTES MIDINETTES.

 


1915

1916

 

Mentions l�gales

 blamont.info - H�bergement : Amen.fr

Partagez : Facebook Twitter Google+ LinkedIn tumblr Pinterest Email