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Les trois Avricourt

Voir aussi Les gares d'Avricourt - 1871-1930


L'Opinion
Samedi 22 ao�t 1914

Avricourt.

�� Igney-Avricourt ! Tout le monde descend ! �...
�� Deutsch-Ariicourt ! Alles aussteigen ! �...
Gares-fronti�res, - gares jumelles, gares ennemies, - par o� toute l'Europe a pass� c'est ici que le chemin de fer Paris-Strasbourg-Munich-Vienne franchit la fronti�re franco-allemande.
Il y avait l�, avant l'autre guerre, un petit village, aujourd'hui il y en a trois. Non point, pour �tre pr�cis, depuis le trait� de Francfort (10 mai 1871), mais depuis la Convention additionnelle du 12 octobre suivant. Le trait� de Francfort, en effet, avait laiss� � l'Allemagne la commune d'Avricourt, ainsi que deux kilom�tres au sud-est vers Blamont et Cirey, la commune d'Igney.
Mais ce trac� de la nouvelle fronti�re bouleversait toute la vie �conomique du pays : un chemin de fer d'int�r�t local, de construction toute r�cente alors, servait � amener jusqu'� la grande ligne, les exp�ditions de la manufacture de glaces de Cirey, ainsi que divers produits agricoles, industriels, forestiers de la r�gion ; or, le Trait� du 10 mai, donnait � l'Allemagne toute une partie du chemin de fer Avricourt-Cirey, et, sur les dix-huit kilom�tres qui s�paraient ces localit�s, aurait ainsi contraint voyageurs et marchandises � deux passages de douanes : d'o� pertes de temps, formalit�s co�teuses, ruine probable du chemin de fer, danger r�el pour la r�gion. Le gouvernement fran�ais finit par obtenir que le chemin de fer Avricourt-Cirey rest�t tout entier sur notre territoire ; la commune d'Igney et une partie de celle d'Avricourt avec la gare, furent r�troc�d�s � la France en m�me temps. et la douane fran�aise qui avait �t�, au lendemain du Trait� de Francfort, �tablie � Emberm�nil (� huit kilom�tres en-de�� d'Avricourt), fut report�e jusqu'� Avricourt, � la suite de la Convention additionnelle.
Aujourd'hui, donc, il y a trois Avricourt au lieu d'un. L'ancien village, travers� � son extr�mit� sud par les voies du chemins de fer, est �� annex� �. Avricourt-allemand, comme on l'appelle quelquefois, localit� �� allemande �, en effet, d'apr�s les conventions diplomatiques, mais parfait village fran�ais de langue et d'habitudes Ah ! ces intonations tra�nantes des bonnes gens que j'entends dans la rue, au soir tombant : �� Tu n'es pas rintr�e pour aller aux V�pres ?... �- Viens donc soupe� !... �, ou des enfants qui chantent : �� Mon p�re est cordonnier - Ma m�re est demoiselle - Elle me donn' de la bell' dentelle... � A c�t�, un dragon �� allemand � permissionnaire, et, plus loin, en remontant vers le chemin de fer, pr�s du passage � niveau - qui co�ncide presque exactement avec la fronti�re, - le douanier allemand, l'arme au bras.
En remontant : l'image est vulgaire, mais exacte. La route monte ici, �� d'Allemagne � en France. Quand les gens d'Avricourt-allemand traversent la voie - et la fronti�re - pour aller �� faire des commissions � au bout de leur village, ils disent qu'ils vont �� en haut �. Ou bien, qu'ils vont �� en France �. En haut, c'est, au-dessus de la porte de la premi�re maison, un bas-relief de na�ve sculpture : de chaque c�t� d'un drapeau fran�ais dont elles tiennent la hampe, l'Alsace et la Lorraine en pleurs, dans un encadrement de boulets et de cha�nes.
En haut, c'est la boucherie o� l'on vient �� du bas � pour acheter de la viande, qui y co�te �� quatre sous de moins la livre �. En haut, ce sont des champs qui appartiennent � des �� annex�s � de l'autre c�t�, des pr�s o� ils envoient leurs troupeaux. En haut, c'est le caf� o�, le dimanche soir, les jeunes filles vont danser avec les militaires qui attendent leur train. artilleurs, chasseurs, fantassins, de Lun�ville, de Nancy, de L�rouville : deux sous dans l'orchestre m�canique, et un tour de valse avant de regagner la garnison... Village nouveau, morceau d�tach� de l'ancien - il n'y avait de ce c�t� du chemin de fer, en 1871, que deux ou trois maisons, - qui s'est largement �tendu sur les deux bords de la route depuis 40 ans : 800 habitants maintenant, presque tous employ�s du chemin de fer ou douaniers; commune ind�pendante, avec sa mairie, son �cole, son �glise ; autre Avricourt, - qu'on appelle couramment Avricourt-Fran�ais, ou, improprement, Igney-Avricourt (du nom officiel de la gare, ainsi appel�e parce qu'�tablie � Avricourt elle dessert en m�me temps Igney)... Et pourtant, ces deux c�t�s de la voie, ces deux Avricourt, Avricourt-allemand, o� tout dort, parce qu'il est dix heures du soir, - tandis qu'on cause encore devant les portes � Avricourt-fran�ais, parce qu'il n'y est que neuf heures -, ces deux Avricourt, qui sont France et �� Allemagne �, continuent d'�tre, par la communaut� de l'origine, du parler, de la tradition, par les relations constantes entre ceux �� du haut � et ceux �� du bas �, un seul et m�me village lorrain.
L'Allemagne, les vrais Allemands, avec lesquels on ne fraye gu�re, d'Avricourt-allemand pas plus que d'Avricourt-fran�ais, les voici maintenant : dans un troisi�me Avricourt. A 1.371 m�tres de la gare d'Igney-Avrcourt, douane fran�aise, appara�t la douane allemande, la gare de Deutsch-Avricourt, construction majestueuse: nous pouvons lui faire des compliments, car c'est nous qui l'avons pay�e ; on sait que les Allemands, dans toutes les n�gociations diplomatiques qui ont abouti au Trait� de Francfort ou � ses clauses additionnelles, ne r�troc�d�rent que donnant, donnant, comme on dit, et, s'ils consentirent aux r�trocessions du 12 octobre, ce consentement leur fut pay� par la construction, aux frais de la France, de la gare allemande de Deutsch-Avricourt. Aussit�t, des fonctionnaires vinrent, d'Allemagne, et, derri�re la gare nouvelle, pour les loger, des b�timents sortirent de terre, r�guliers, align�s au cordeau, - cit� ouvri�re ou casernement. Apr�s la visite de vos bagages, avant de remonter dans le train, jetez un coup d'oeil hors de la gare, et vous verrez, en face de la porte, une grande all�e plant�e d'arbres : � gauche, les logements des employ�s du chemin de fer ; � droite, ceux des employ�s de la douane, puis, un peu plus loin, ceux des postiers. Au milieu de ce modeste village, une �glise protestante, et, � c�t� d'elle, l'�cole, o� j'aper�ois, au mur, une reproduction de cet irritant panneau qui s'�tale dans la gare allemande de Strasbourg : Das neue Reich, une r�ception solennelle de l'empereur Guillaume Ier par d'humbles Alsaciens dans leur costume traditionnel. Ce village factice, construit par ordre et par principes, on l'appelle, dans le pays, Deutsch tout court, ou bien - et les documents allemands le d�signent souvent ainsi : - la Colonie, nom symbolique � propos duquel on pourrait disserter longuement : Deutsch-Avricourt, avant-poste de fonctionnaires allemands � l'extr�me-fronti�re de l'Alsace-Lorraine, elle-m�me �� colonie � allemande...
...Aux premiers tours de roues, apr�s Igney-Avricourt, quand le train de Paris � Strasbourg s'�branle dans la direction de Deutsch, on peut voir, aujourd'hui encore, � gauche de la voie principale, une voie secondaire qui la suit d'abord parall�lement, puis, au moment de s'�carter, tout � coup s'arr�te coup�e par un buttoir. Voie de garage ? Oui, maintenant, en cas de besoin ; mais, dans le pass�... C'�tait autrefois l'amorce de la ligne d'Avricourt � Dieuze. 1871 survient, et les n�cessit�s du service des douanes : partant d'Avricourt-fran�ais, la ligne de Dieuze aurait �chapp� � la visite ou exig� pour elle seule une seconde station douani�re; la t�te de ligne fut report�e � Deutsch-Avricourt... Cette voie interrompue, ce tron�on de quelques m�tres, regardez-les bien : c'est tout le Trait� de Francfort.
Georges DELAHACHE

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