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Revue historique de Lorraine
1930
Nouvel essai d'Interpr�tation pour un ancien �� cri
h�raldique � de Lorraine
On sait la
strophe du vieil armorial picard remontant � la
premi�re moiti� du XVe si�cle (1).
Tout les croix crie en armes : Priny !
Tout les bandes crient : Couvent (alias : � Couvert
!)
Tout les aniaulx crient : Luppy !
Deux de ces cris de guerre, usit�s dans notre haut
moyen-�ge lorrain, n'offrent aucune obscurit� :
Pr�ny et Louppy sont deux ch�teaux c�l�bres. dont
les noms d�signaient dans la bataille ou dans le
tournoi. les seigneurs qui les poss�daient.
Le troisi�me, celui des familles, dites � la bande,
exprim� par Couvent ou par � couvert d�tonne
absolument et doit r�sulter d'une mauvaise lecture
ou d'une traduction d�fectueuse dans le langage
fran�ais : l'un ne rime � rien(couvent) ; l'autre (�
couvert) ne rentre pas pr�cis�ment dans la gamme des
notes chevaleresques.
La sym�trie semble exiger que ce nom soit aussi un
nom de ch�teau ou de famille seigneuriale.
M. Germain de Maidy l'a si bien compris que, dans
son �� Essai d'explication d'un ancien cri de guerre
� (2), il a propos� Harou�, dont les formes
anciennes : Erouel (1241), Harowel ou Hairowei
(1396) peuvent, � la rigueur, reproduire la
phon�tique de Couvent ou � Couvert.
Mais cette suggestion est loin d'avoir satisfait les
lecteurs,. et notre confr�re. M. Marot, n'a pas
cach�. dans une note de son r�cent travail, qu'il
restait sceptique � son endroit.
En effet, que Harowel, savamment tortur�, rende tant
bien que mal le son : � couvert, l'�tymologie s'en
arrange : mais l'histoire - et M. Germain de Maidy
l'a remarqu� - oppose que les armoiries primitives
de Harou� : �� d'argent au lion de gueules, � la
queue fourchue, arm� lampass� et couronn� d'or � ne
sont pas � la bande, suivant l'expression
consacr�e.. D'autre part, les armoiries
post�rieures : �� d'or � la bande de gueules accost�e
de neuf billettes de m�me � ont �t� apport�es par la
famille d'Og�viller-Neuviller-sur-Moselle. quand
celle-ci eut acquis la seigneurie d'Harou� en 1399
(3).
Pour traduire l'�nigmatique cri, dont se pr�valaient
les chevaliers � bande, ne faudrait-il pas songer
plut�t au mot : Couvay (anciennement Escouvez), nom
de la portion principale de la commune d'Ancerviller
? (4)
Sans doute, pareille assertion n'a pour elle aucun
document pr�cis et nous voulons nullement l'imposer
en l'indiquant ; cependant elle ne manque pas de
vraisemblance est c'est � ce titre que nous la
proposons.
D'abord, il y a concordance de son parfaite dans les
deux ou trois syllabes ici en jeu. Le cri de deux
syllabes : couvent, mal rendu sans doute, se
comprend mieux avec la finale ay comme dans : �
couvert : c'�tait donc le mot : couvay.
A son tour, le cri de trois syllabes : � couvert,
ressemble on ne peut mieux � Escouvaix, forme
ancienne de Couvay, tir�e du latin Scovagium, que le
patois pronon�ait : Escova par une transposition de
son fr�quente, comme dans Bairbas, qui s'�crivait
Barbaix.
Notons que l'un et l'autre : Escouvaix ou Escova
voisine singuli�rement, comme son, avec l'expression
populaire : accouv�, d�signant l'attitude peu noble,
que Barr�s a tr�s spirituellement pr�t�e aux
accroupis de Vend�me.
Pour peu qu'il en soit ainsi, la version du scribe
fran�ais : � couvert, est certes, une jolie
trouvaille, que la malice de nos p�res a d� plus
d'une fois souligner.
Reste � montrer - et c'est le point d�licat - qu'une
maison seigneuriale, de marque comparable � celle de
Pr�ny ou de Louppy, a eu son si�ge � Couvay, dans
l'�poque lointaine qui a vu na�tre notre cri
h�raldique. Notre conviction sur ce point est
formelle.
la seigneurie de Couvay a exist� sans doute. Son
r�le fut �ph�m�re, et jamais elle n'eut de
ch�teau-fort : cependant au XIIIe si�cle, elle
s'annon�ait pleine de promesses, et au XIVe, elle
eut un certain �clat. Son apanage fut en bordure
d'une voie ancienne, qui servait d'art�re au
Bl�montois. Trois fr�res en surgirent, vers 1233,
qui deviennent c�l�bres : l'un, Vildric, comme abb�
de Senones ; les deux autres, Jean et Geoffroy,
comme vou�s de V�zeval (5). Geofrroy surtout
appara�t m�l� aux luttes interminables de ce temps,
entre les trois champions habituels, qui sont : les
ducs de Lorraine, les �v�ques de Metz, les comtes de
Bar. La famille de Couvay a partie plut�t li�e avec
les �v�ques de Metz, � qui le sort des armes devient
funeste. Elle ressent le contrecoup de cette
infortune. Werry, le Vosgien, un descendant de cette
famille, se voit chass� de Cond� (6), puis de
Deneuvre, o� il remplit l'office de ch�telain pour
l'�v�que. Il se rabat sur ses terres de Couvay et
Ancerviller, et enfin se rattache � la fortune de
son voisin, le brillant comte Henri Ier de Bl�mont.
Ses enfants nombreux relev�rent heureusement le
prestige de la maison. Ils �tendirent leurs
cr�taions presque simultan�ment � Brouville,
Brouvelotte, Og�viller et Herb�viller-Lannoy. Toute
cette lign�e a le m�me �cu : d'azur � la bande
d'argent, accost�e de billettes d'or, en nombre
variable suivant l'�loignement de la souche commune.
Elle est florissante pendant un si�cle environ, puis
s'�teint � la fin du XV�me si�cle.
Cette esquisse est tr�s sommaire �videmment : du
moins la croyons-nous suffisante pour autoriser un
essai d'explication qui ne veut nullement s'imposer.
A. DEDENON
(1) Voir l'int�ressante notice de
Pierre Marot sur Les blasons lorrains de l'armorial
de Gilles le Bouvier dans M.SA.L. 1926-1927, p. 376.
(2) B.S.A.S 1926, p.46
(3) Voir H. Lepage ; Statistiques t. II. p. 241 et
Comm. t. I, p. 471
(4) Ancerviller, arr. Lun�ville, cant. Bl�mont
(5) Voir : SCHAUDEL. Les comtes de Salm et l'abbaye
de Senones, p. 139, d'apr�s un passage de Richeri
Gesta Senonensis ecclesiae, L. IV., cap. XXV.
V�zeval : ancienne d�pendance de l'abbaye de
Moyenmoutier depuis longtemps d�truite ; faisait
partie de St-Blaise, comm. Moyenmoutier, cant.
Senones (Vosges)
(6) Aujourd'hui Custines, arr. Nancy, cant.
Nancy-Est.
A propos d'un
groupe d'armoiries de la r�gion de l'Est.
L'ing�nieuse
interpr�tation du cri : Couvent ou � couvert, par M.
l'abb� Dedenon, nous paraitrait devoir �tre retenue
si la famille de Couvay, sur laquelle nous aimerions
avoir une documentation plus compl�te, avait joui au
moyen-�ge, en Lorraine, d'une v�ritable notori�t�.
Nous ne trouvons pas que notre digne confr�re, � la
sagacit� et � la prudence duquel nous rendons ici
hommage, ait �tabli l'existence � Couvay d'une
maison f�odale de marque, pour employer ses propres
termes. Aussi lui laissons-nous la responsabilit� de
son assertion tout en le f�licitant sinc�rement
d'avoir cherch� la solution de cette �nigme.
A titre de contribution � son �tude, nous allons
citer un certain nombre de familles f�odales portant
une bande cotoy�e de billettes ou brochent sur champ
billet�, group�es dans le Sud de la Lorraine et dans
les deux Bourgogne (comt� et duch�).
Nous laisserons de c�t� celles des autres parties de
la France et commencerons par celles de Lorraine,
celles qui criaient : Couvent ou � couvert, en
ayant soin de situer les localit�s dont ces maisons
portaient le nom :
Arches (Vosges ), arr. et cant. Epinal.
Brouvillle (M.-et-M.),. arr. et cant. Baccarat.
Einville (M.-et-M.), arr. et cant. Lun�ville.
Harou� (M.-et-M.), arr. Nancy, chef -lieu cant.
H�rb�viller (M.-et-M.), arr. Lun�ville, cant.
Bl�mont.
Lannoy (M.-et-M.), com. Herb�viller.
Mandres (Vosges). arr. Neufch�teau. cant. Bulgn�vile.
Og�viller (M.-et-M.). arr. Lun�ville, cant. Bl�mont.
Raon (Vosges), arr. Saint-Di�, chef-lieu cant.
S�r�court (Vosges), arr. Neufch�teau, cant.
Lamarche.
Valhey (M.-et-M.), arr. et cant. Lun�ville.
V audoncourt (Vosges) (1), arr. Neufch�teau, cant.
Bulgn�ville
Nous n'avons jamais rencontr�, au cours de nos
recherches, de sceaux de membres de la famille de
Couvay.
Au XIVe si�cle, Jean de Raon, �cuyer, qui portait :
� la bande cotoy�e de billettes (2) nous parait �tre
un descendant des vou�s de V�zenal : c'est pourquoi
nous le citons.
Nous ne retiendrons pas les Touppet, anoblis par le
duc Antoine dont le blason �tait d'un type analogue
aux pr�c�dents, mais qui ne pr�sentent aucun lien
avec la question �tudi�e ici.
Les maisons de Bourgogne (compt� et duch�) portant
bandes et billettes �taient :
Beauvoir.
Chastellux.
Chauvirey.
Citey.
Combes.
Cournot.
Dardenet.
Marbeuf.
Montot.
Moyria.
Varenne.
Vertamboz.
Il serait curieux d'apprendre par un h�raldiste de
Bourgogne ou de Franche-Comt� que certaines de ces
familles avaient elles-m�mes cri� : Couvent ou A
couvert : aussi nous a-t-il paru opportun de faire
suivre l'essai d'interpr�tation de ce cri des
pr�sentes remarques h�raldiques.
Edmond DES ROBERT.
(1) Par erreur, cette famille est
d�sign�e dans certains armoriaux, sous le nom de
Badoncourt.
(2) Archives de M.-et-M., B. 004 n� 48 |