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Histoire du Bl�montois dans les temps modernes (IV)
 

Abb� Alphonse Dedenon (1865-1940)
Impr. Vagner, 3, rue du Man�ge (Nancy) - 1930

I. Le Comt� de Bl�mont, annex� au Duch� de Lorraine.
II. La Pr�v�t� et le Bailliage.
III. Le District et les Cantons.
IV. Le Canton actuel de Bl�mont.

L'Histoire du Bl�montois dans les temps modernes est une source majeure d'information : tomb�e dans le domaine public en 2010, cette version num�rique int�grale permet de faciliter les recherches, y compris dans l'�dition papier publi�e en 1994 par Office d'�dition & de diffusion du livre d'histoire.
Le pr�sent texte est issu d'une correction apport�e apr�s reconnaissance optique de caract�res, et peut donc, malgr� le soin apport�, contenir encore des erreurs.
Par ailleurs, les notes de bas de page ont �t� ici renum�rot�es et plac�es en fin de ce document.

NDLR :
L'abb� Dedenon a laiss� dans ses carnets des notes manuscrites indiquant diverses corrections � apporter � ce texte.


QUATRI�ME PARTIE
Le Canton actuel de Bl�mont

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Clich� A. MUNIER.
RUINES DU VIEUX CH�TEAU DE BL�MONT

I - Circonscription civile et religieuse du Canton actuel

1� La Constitution de l'an VIII

La Constitution de l'an III eut beau vouer haine � l'anarchie, elle n'en triomphait pas, m�me apr�s cinq ann�es d'essai. Celle que publia Bonaparte, en l'an VIII, fut plus efficace, puisqu'elle dure encore, sans changements importants. Ajoutons que le talent de R�gnier contribua beaucoup � son �laboration. Les fonctions cess�rent d'�tre �lectives et le pouvoir central se r�serva les nominations, sur pr�sentation des assembl�es �lectorales. La division administrative, comportant le d�partement, Y arrondissement, le canton et la commune, fut ramen�e � ce qui existe encore aujourd'hui; point n'est besoin de la d�crire.
On aurait pu. faire du Bl�montois un arrondissement ; la petite ville le d�sirait et tenta des d�marches en ce sens. Mais les vues du gouvernement furent tout autres; son territoire fut attribu� moiti� � Lun�ville, moiti� � Sarrebourg. Le canton de Lorquin, o� l'on fit entrer, d�s le d�but, les environs de Cirey, jusqu'� Nonhigny et Parux, et les environs de R�chicourt, fut bient�t reconnu trop vaste. On le sectionna en 1814, pour former celui de R�chicourt, qui s'�tendit jusqu'� Igney, Moussey et Avricourt. On sait qu'en 1871, ces deux cantons furent annex�s � l'Allemagne, sauf Igney, qui fut rattach� � Bl�mont, et Cirey avec cinq communes, dont on forma le nouveau canton de Cirey.
Dans la partie donn�e � l'arrondissement de Lun�ville, il y eut deux cantons avec Bl�mont et Baccarat pour chefs-lieux. On en sait la composition, qui n'a pas vari�, sinon en 1874, quand Badonviller obtint une justice de paix propre. Les premi�res nominations eurent lieu en 1803. A Bl�mont, le juge fut Thouvenin; son suppl�ant, Fromental, et son greffier, Chanel. Dans les communes, maires et adjoints furent aussi nomm�s par le pr�fet; � Bl�mont, le maire fut Fromental, jusqu'en 1805.

2� Le Concordat

Le d�sarroi des paroisses fut plus long � dispara�tre. Le Concordat �tait promulgu�; n�anmoins la pers�cution continuait; les pr�tres asserment�s n'osaient reprendre les offices publics; quatre pr�tres non jureurs disaient la messe en cachette (182); la plupart des cures �taient vides; ceux qui les avaient occup�es �taient morts ou s'�taient �loign�s, pour ne pas succomber � la mis�re. Le premier souci des autorit�s religieuses et civiles fut de dresser la liste des succursales et des annexes. Bl�mont, chef-lieu du doyenn�, eut le titre de cure de deuxi�me classe. Les anciennes paroisses furent d�nomm�es suceur sales; les annexes ne devaient pas avoir de desservant r�sidant; toute chapelle non reconnue devait �tre ferm�e � tout exercice public du culte (183). Cette premi�re mesure souleva de vives r�clamations. Deux villages, Nonhigny et Chazelles, autrefois sans cur�, devenaient succursales, c'�tait bien; mais huit, qui avaient eu un cur�, retombaient au rang d'annex�, et l'on ne pouvait s'y r�signer. Les gens de Remoncourt firent valoir leurs trois �carts et suppli�rent l'�v�que de leur garder Rondeau ; le maire et le cur� de Xousse s'y oppos�rent, si bien que Rondeau dut aller � Kerprich.
V�ho r�ussit � devenir succursale, en 1804, � cause de sa population croissante. Reillon avait gard� son presbyt�re et y logeait un bon religieux, L'h�te, de V�ho, qui �tait tout d�sign� pour �tre succursalier; mais Reillon n'avait plus son titre de cure et aucune raison ne le lui fit rendre. Le petit village dut se voir rattach� � Chazelles, � V�ho, puis � Bl�merey. Chazelles fut succursale jusqu'en 1806 seulement, et ne recouvra ce titre qu'en 1847. Halloville fut annexe d'Ancerviller, en 1822; Vaucourt, annexe de Xures depuis 1806, devint cure en 1840; Repaix, d'abord annexe de Gogney, retrouva un cur�, en 1847, et eut Igney comme annexe.
Pourvoir toutes les paroisses de titulaires fut chose plus d�licate encore. L'Ev�que fut tr�s bienveillant et t�cha de laisser en place les cur�s asserment�s, en leur demandant un signe minime de soumission, avant de les r�concilier. Il aurait voulu aussi r�int�grer les �migr�s, mais les paroissiens ne le souffrirent pas. Ainsi Guillot s'�tant repr�sent� � Bl�mont sur l'ordre de l'Ev�que, la lettre suivante, �crite le 26 juillet, fit comprendre � l'autorit� dioc�saine que son minist�re n'y serait pas fructueux. ���La paix et l'union sont compromises par le retour de l'ancien cur�... il ne convient pas; la plus grande partie ne l'estime pas... � Le mieux, pour Guillot, �tait de ne pas insister et d'aller � Saulxures-les-Bulgn�ville, o� il mourut en 1818. Voinot comprit que Gillot �tait mieux qualifi� pour Bl�mont, et il se contenta de Fr�monville, mais Gillot ne fut pas le candidat de l'autorit� et il fut plac� � Gondrexange. C'est seulement en 1804 que fut nomm� le premier doyen, en la personne de Mathieu, ex-cur� de Chamagne, �migr� et z�l� missionnaire dans les Vosges.
Les cures totalement vacantes n'offraient pas moins de difficult�s. Rien n'y attirait. Les �glises �taient d�labr�es, les presbyt�res avaient �t� vendus pour la plupart, l'esprit public �tait lamentable. L'�v�ch� fit de nombreuses nominations, apr�s lesquelles on voit ajout�e cette courte note : ���N'y est pas all�. � On peut m�me lire cette r�flexion d�sol�e : ���Il faudrait des gendarmes pour mettre en mouvement cet ancien clerg�. � Jusqu'en 1820, le personnel eccl�siastique fut tr�s instable.
Comment s'en �tonner apr�s une telle secousse ? Il y a lieu plut�t d'admirer que les paroisses aient retrouv� d'assez bonnes dispositions pour garder dans la suite leurs pasteurs jusqu'� leur mort.

II Sous le Premier Empire

1� Quelques serviteurs de Napol�on

D�sormais le canton de Bl�mont est fondu dans la grande famille fran�aise et ne pr�sente plus d'histoire sp�ciale. Cependant, il garde une physionomie propre dont voici quelques traits principaux. La France triomphe, pendant que se d�roule l'�pop�e napol�onienne, de 1804 � 1809, et le pays de Bl�mont se rel�ve lentement. Le budget du chef-lieu n'atteint d'abord que 2.000 francs; les f�tes officielles n'ont qu'un programme restreint; la soci�t� de musique, dirig�e par l'organiste Debrun, ne re�oit que 214 francs, pour �gayer les f�tes nationales et d�cadaires; une somme de 855 francs est inscrite cependant, en 1810, pour doter une rosi�re qui consentira � �pouser un militaire r�form� pour des blessures. Les ressources augmentant, l'entrain finit par rena�tre.
Les anciens soldats sont � l'honneur et leurs exploits passent de bouche en bouche. Il en est beaucoup et plusieurs m�ritent d'�tre signal�s. Geoffroy, d'Amenoncourt, fut � Austerlitz, I�na, Friedland, Mosa�sk et suivit jusqu'au bout les campagnes de Prusse et d'Autriche. Arriv� devant Hall, en 1806, il lance ses hussards dans les rues, p�le-m�le avec un r�giment d'infanterie; les Allemands fuient; le capitaine les poursuit bien en avant de ses hommes; dans un carrefour quatre Prussiens le couchent en joue et il leur crie en allemand : ���Vous �tes morts, si vous faites feu �. Son geste est si r�solu que les ennemis abaissent leurs armes et se rendent. Dans une autre action, il affronte, avec vingt des siens, le feu de quatre pi�ces d'artillerie et de deux bataillons d'infanterie ; il franchit heureusement la zone de leur tir, tombe sur les artilleurs, et veut emmener son butin, quand surviennent 800 hussards d'Oussudun. Il les charge avec fureur, en traversant leurs rangs, puis tourne bride pour revenir encore � l'assaut; il attaque le colonel et s'�chappe sans blessure de ce stup�fiant corps � corps. On le retrouve en Espagne, � la veille d'Ocanna (juillet 1808). La bataille se pr�pare ; Geoffroy, charg� de faire une reconnaissance, s'approche assez pr�s du camp pour comprendre que l'ennemi attaquera le lendemain. En se retirant, il tombe au milieu d'un �tat-major espagnol. Engager le combat serait folie; il essaye alors de semer l'�pouvante; il crie de toutes ses forces : ���Escadron, en avant ! � et il charge avec fougue. Les Espagnols, le croyant en force, le laissent passer et vont donner l'alarme aux leurs. La nuit se passa, l'arme au pied, et la bataille fut perdue pour l'ennemi, peut-�tre � cause de cet incident. Une autre fois, � la Palma (1810), Geoffroy soutient, avec soixante-six des siens, le choc de six cents cavaliers. Il re�oit trois coups de sabre et ne quitte le terrain que le dernier. Gu�ri au bout de vingt jours, il est de nouveau sur la br�che � Puente del Canto, o� il enl�ve seul une pi�ce de canon. Apr�s la campagne d'Espagne, il se retrouve en Russie (1811). Devant les flots imp�tueux de la G�bora, l'arm�e se trouve arr�t�e. Comme personne n'ose s'aventurer dans le fleuve, Geoffroy se pr�cipite � la vue de tous, franchit heureusement le courant et s'�crie de l'autre rive : ���Camarades, les canons sont ici, il faut les enlever. � Alors plusieurs colonnes s'�branlent, traversent les flots et mettent en fuite l'adversaire.
La retraite de Russie fut fatale � la Grande Arm�e. Geoffroy, gri�vement bless� � Moscou, en novembre 1812, gu�rit difficilement. Pourtant il fit encore son devoir � Dresde, le 17 ao�t 1813. Mais, d�s ce jour, la fortune lui fut contraire. On croit qu'il fut alors emmen� en captivit� et qu'il mourut, sans pouvoir donner de ses nouvelles (184).
Le g�n�ral Klein, d�j� c�l�bre dans les Arm�es de la R�publique, vit grandir son r�le et sa gloire aux c�t�s de Napol�on. Promu g�n�ral et chef d'�tat-major, en 1799, il fit partie de l'Arm�e du Danube, sous les ordres de Jourdan et de Floche, et, � la t�te de ses hussards, ex�cuta des charges fougueuses contre la cavalerie de Barco, au nord de Coblentz. Apr�s avoir guerroy�, en Suisse, contre les Russes, et contribu� � la victoire de Zurich, il revint � l'Arm�e d'Allemagne et se battit � Stockach, � Schaffouse, � Flohenlinden, et il serait entr� � Vienne, si le trait� de Lun�ville n'avait arr�t� les op�rations (9 f�vrier 1801). La croix de la L�gion d'honneur r�compensa ses services, le 11 d�cembre 1803.
Dans la campagne de 1805, Klein reprit le chemin de l'Autriche, avec un r�giment de dragons, et r�it�ra, ses exploits � Wertingen, � Albeck, � Merschen. Sa conduite fut alors si glorieuse que. Napol�on daigna �crire dans son dixi�me bulletin de l'arm�e : ���Le prince Murat a �t� tr�s satisfait du g�n�ral-Klein. � Pareil �loge �quivalait � un titre de noblesse; il augmenta-l'ardeur de l'intr�pide cavalier, qui d�cid�ment se surpassa � Austerlitz. La paix qui suivit permit au g�n�ral de revenir � Paris et de contracter mariage avec Henriette-Marie-Th�r�se d'Arberg, apr�s avoir fait prononcer son divorce avec Marie-Agathe Pierron (1805). La guerre semblait n�cessaire � son bonheur. Il reprit du service dans la Grande Arm�e, en. 1806, et contribua grandement � la victoire d'I�na. Comme il parvenait � Vaisens�e, ses 1.200 dragons tombent sur une masse de fuyards, qui forment l'arm�e du Prussien Bl�cher; ils s'appr�tent � leur barrer la route, quand leur chef se pr�sente et certifie qu'un armistice a �t� conclu apr�s Auerstsedt. Klein ne suppose pas qu'un officier puisse mentir et il le laisse passer. Mais le lendemain, la supercherie est d�couverte. Napol�on s'en indigne, et Klein n'a d'autre moyen de racheter son exc�s de loyaut� qu'en infligeant, un peu plus tard, une d�faite horrible � celui qui l'a tromp�.
Ses hauts faits continuent en Pologne; mais son �toile va p�lir. Il sera bless� � Eylau (1807) et devra renoncer � la carri�re des armes. De retour � Paris, il sera combl� d'honneurs � la Cour imp�riale et nomm� s�nateur et comte, en 1808. Sa vie se prolongera jusqu'en 1845 (185).
Les deux fils de cet intr�pide g�n�ral se montr�rent dignes de leur p�re. Ils grandirent � Herb�viller, sous l'oeil d'une m�re g�n�reuse et vaillante, puis s'enr�l�rent dans l'arm�e, en 1800, �g�s respectivement de seize et quatorze ans. L'un, Ars�ne-Edouard, parvint au grade de chef d'escadron dans la Garde imp�riale, resta fid�le � Napol�on, m�me pendant les Cent Jours et se vit oblig� de quitter l'arm�e, en 1816; l'autre, Charles-Joseph, moins heureux, fut tu� au si�ge de Ma�stricht, en 1809.
D'autres soldats, moins c�l�bres, m�ritent n�anmoins d'avoir leur nom inscrit sur ce tableau d'honneur. Voici Joseph-Fran�ois Lafrogne, dont la famille avait fourni des chefs � la Garde nationale. Il conquit brillamment les galons de capitaine et la croix d'honneur. Se trouvant en retraite � Bl�mont, quand les Alli�s firent invasion, il fut charg� par le Pr�fet de la Meurthe de former un corps franc, pour essayer d'arr�ter l'ennemi. La petite troupe, organis�e � Lun�ville, allait se mettre en route, quand l'avalanche, arrivant plus t�t qu'on ne s'y attendait, vint la bloquer avant son d�part. De retour � Bl�mont, Lafrogne acheva sa carri�re en 1855. Il �tait fr�re de Fran�ois-Balthazar Laf rogne, qui fut notaire en 1813, d�put� de la Meurthe de 1816 � 1826, et conseiller g�n�ral jusqu'� sa mort, en 1846.
D'autres seraient aussi � mentionner, bien qu'ils soient moins c�l�bres, car il est peu de familles qui n'aient donn� quelqu'un de leurs fils � ces bataillons fameux. Quelques-uns revinrent, et le r�cit de leurs aventures sur les routes de l'Europe �merveillait encore notre enfance; mais combien d'autres rest�rent sur les champs de bataille ou dans les steppes de l'Est !

2� Passage de Marie-Louise � Bl�mont

Nous n'avons pas � raconter comment fut conclu le second mariage de l'Empereur avec l'archiduchesse Marie-Louise d'Autriche. Cette alliance, appel�e � r�concilier deux nations trop longtemps rivales, fut fix�e au 2 avril 1810. Pour venir en France, la Princesse prit le m�me chemin que Marie-Antoinette (186) ; Bl�mont la vit arriver le 24 mars. Toujours fid�le au souvenir des anciens ducs, la population se mit en frais pour la recevoir.
Un arc de triomphe formant portique fut �lev� � l'entr�e, du c�t� de Sarrebourg. Des guirlandes, des banderoles couraient de maison en maison jusqu'� l'h�tel de ville. L�, un autre portique de verdure, dress� par les jeunes filles, portait cette large inscription : ���Hommage de la ville de Bl�mont � l'�pouse ch�rie du grand Napol�on �. Trois fontaines jaillissantes projetaient, tout pr�s, leurs gerbes de perles, que' recueillaient des bassins bord�s de mousse. Jamais, sans doute, la parure de la coquette cit� n'avait �t� aussi riche. D�s l'aube, les cloches et le canon annonc�rent la f�te, et 10.000 personnes accoururent pour y assister. Les gardes nationaux de Bl�mont et de Badonviller devaient former la haie. A l'heure voulue, un cort�ge imposant se porta � la rencontre de la berline imp�riale.
La r�ception eut lieu sur la place. Quand la voiture s'ouvrit, Marie-Louise apparut, souriante, et r�pondit aux vivats de la foule. Vingt-cinq maires �taient l�, avec le clerg�, les juges et les fonctionnaires de Bl�mont, Badonviller, Cirey et R�chicourt. Le juge Thouvenin lut des vers ing�nus; une jeune fille v�tue de blanc, coiff�e en cheveux et ceintur�e de vert, s'avan�a pour dire d'une voix tremblante : ���Madame, la bont� dont toutes les actions de Votre Majest� sont accompagn�es nous rassure, au moment o� nous avons l'honneur d'approcher de Votre auguste personne. Cette bienveillance nous fait esp�rer qu'elle ne d�daignera pas le faible hommage que des jeunes filles viennent d�poser � ses pieds. Les filles des anciens sujets de votre illustre Maison ont un double droit de vous parler de leur d�vouement. Leur est-il permis de croire, Madame, que Votre Majest�, arriv�e sur le tr�ne le plus �clatant de l'univers, daignera conserver quelques souvenirs de cette simple offrande et des humbles voeux qu'ils osent m�ler aux acclamations g�n�rales excit�es par sa pr�sence ? �
Le maire fit ensuite un discours qui ne nous est pas parvenu. Alors, raconte Farquin, un villageois s'approcha et dit, en saluant : ���Madame, rendez bienheureux notre grand Empereur et surtout... donnez-lui beaucoup d'enfants �. Sur quoi, Marie-Louise, se tournant vers la reine de Naples, r�pliqua avec malice : ���Voil� un Fran�ais qui para�t bien impatient, qu'il attende au moins que je sois �pous�e �.
Ces instants furent trop courts. Les chevaux chang�s, le postillon claqua son fouet et la voiture partit vers Dom�vre, � une allure rapide ; elle arriva, le soir m�me, � Lun�ville. Pour finir la f�te, la musique vint, � 7 heures, rassembler le maire, les notables, les gardes nationaux, qui parcoururent les principales rues en criant : ���Vive Marie-Louise ! Vive la Lorraine ! � Puis le bal fut ouvert et la premi�re danse ex�cut�e par le maire. Les pauvres avaient re�u une aum�ne extraordinaire (187).
Quelques semaines apr�s, arrivait un cort�ge d'un autre genre ; il transportait, de Strasbourg � Paris, les restes du mar�chal Lannes et du g�n�ral de Saint-Hilaire. Bl�mont fit bon accueil � la d�pouille de ces braves; un service fun�bre fut c�l�br�, le 27 mai, et la Garde nationale rendit les honneurs. L'esprit public �tait attach� � l'Empereur.
A la naissance du roi de Rome, Bl�mont d�l�gua son maire, Batelot, pour porter � Paris ���l'hommage du d�vouement sans bornes de ses administr�s, avec leurs voeux pour le souverain et la sant� de son �pouse �. A cette occasion, le maire vit R�gnier et lui pr�senta une p�tition tendant � transf�rer � Bl�mont le tribunal de Sarrebourg, en souvenir de l'ancien bailliage. Mais l'heure �tait mal choisie : on avait, � Paris, d'autres soucis, et l'affaire fut oubli�e.

3� Le d�clin de l'Empire

La d�sastreuse campagne de Russie �branla l'�tonnant prestige de Napol�on. D'abord, on �tait las de ses lev�es d'hommes, qui d�voraient tous les forces vives de la Nation. Puis on s'�mut des souffrances qu'enduraient les survivants de la Grande Arm�e, quand ils furent rapatri�s, en 1812. L'h�pital de Bl�mont dut en recueillir un nombre consid�rable, pendant une longue ann�e, et il ne fut jamais indemnis�. A Lun�ville, il y en eut jusqu'� 2.000, qu'on fut oblig� de loger dans un camp retranch�. Enfin, le comble fut la nouvelle du d�sastre de Leipzig, bient�t suivi de l'invasion des vainqueurs (octobre 1813).
Le mar�chal Victor et le g�n�ral de S�gur, charg�s de retarder le flot envahisseur, pass�rent, l'un dans la vall�e de Celles, l'autre � Bl�mont, dans les premiers jours de janvier 1814 (188). Tout de suite apr�s, survinrent les Alli�s, qui p�n�tr�rent � Lun�ville, le 14. Un corps �tait pass� par Sarrebourg. sous les ordres de Vittgenstein ; trois arm�es arrivaient par la trou�e de Raon, sous la conduite de Schwarzenberg.
L'occupation se prolongea jusqu'au 8 juin. On vit alors d�filer � profusion les Bavarois, les Prussiens, les Saxons et les Russes. Leur discipline �tait passable, mais leurs exigences furent une ruine pour le pays. Les soldats �taient nourris par les habitants. Bl�mont dut payer au commandant de place 25 francs par jour, pendant deux mois, faire les frais de son chauffage, de ses convois, et fournir le n�cessaire � ces h�tes peu commodes; le pire fut la menace du typhus et d'autres maladies contagieuses (189). La mortalit� prit soudain, � Bl�mont, de telles proportions qu'on mit, d'urgence, � ex�cution le projet, depuis longtemps envisag�, de cr�er un nouveau cimeti�re, plus vaste que celui qui entourait l'�glise; Pour cela, un jardin, clos de murs, fut achet� sur la route de Barbas; il garde encore maintenant sa destination. Pour les militaires, qui d�c�d�rent en tr�s grand nombre, on choisit un champ, au lieudit : A l'Etang, non loin du chemin de Repaix. On l'appela cimeti�re Russe, mais, en consultant les registres, il appara�t que presque tous les morts furent des Bavarois ou des Prussiens.
Pour couvrir toutes ces d�penses, la ville emprunta 300.000 francs, qu'elle trouva sur place. D'autres villages subirent des calamit�s pareilles; Dom�vre, en particulier, perdit, par suite du typhus, des habitants en si grand nombre, qu'on dut les enterrer aux Hayes de Mign�ville. Partout l'invasion russe resta parmi les souvenirs les plus sombres du pass�.
Les s�vices contre les personnes furent plut�t rares. Le fait suivant, cependant, nous est conserv� par un registre de Bl�mont. Vers la fin de l'occupation, des paysans du voisinage s'organis�rent en bandes, pour tracasser l'ennemi. Rencontrant, un jour, aux abords de la ville, un convoi qui transportait divers effets d'un major russe, certains de ces partisans l'assaillirent et le d�valis�rent, sans toutefois blesser les conducteurs. Grande fut la col�re du major, quand il l'apprit. Apr�s avoir impos� une amende formidable, il mena�a de br�ler la ville, si on ne lui donnait pas satisfaction. Batelot, Lafrogne p�re et le docteur Lahalle coururent � Nancy, pour implorer le Pr�fet. Au lieu d'�tre �cout�s, ils furent emprisonn�s comme responsables et ne recouvr�rent la libert� qu'en versant la somme exig�e, apr�s l'avoir re�ue d'amis complaisants. Les vrais coupables, ajoute le document municipal, furent recherch�s; on soup�onna fortement un certain Michel Krick et un autre habitant de Bl�mont, mais on n'eut pas de preuves convaincantes.
Malgr� l'occupation, la nouvelle de l'�l�vation au tr�ne de Louis XVIII (3 mai) parvint assez vite � Bl�mont. Aussit�t fut affich�e la proclamation suivante, sous la signature de Fromental, Pierron, Lahalle et Vaultrin : ���Confiance ! vos peines sont finies, esp�rez � l'avenir d'�tre plus heureux ! Un prince, qui a des droits � votre amour, remonte sur le tr�ne de ses anc�tres. Comme tous les bons Fran�ais, ralliez-vous autour de ce tr�ne antique. Vive le Ro i! Vive Louis XVIII ! � Une telle explosion de royalisme �tonne � bon droit, de la part de Fromental ; il faut y voir surtout un effet de l'aversion qu'avait d�cha�n�e l'Empire.
Le 23 mars 1815, Napol�on �tant rentr� aux Tuileries, apr�s son �vasion de l'Ile d'Elbe, Bl�mont s'abstint de toute adresse � son �gard. L�s officiers municipaux pr�t�rent simplement le serment qui leur �tait demand� (4 mai), puis Batelot d�missionna, quelques jours apr�s; il fut remplac�, � la mairie, par Thomassin, du 30 mai au 20 juillet, puis par Balthazar Lafrogne.
A la fin des Cent jours, la d�ch�ance imp�riale causa moins d'inqui�tude que le retour des Bavarois. Ceux-ci, aussit�t entr�s � Lun�ville, le 26 juin, coururent arr�ter partout la formation des corps francs, d�vou�s � Napol�on. Ils savaient que Viriot, de Nancy, et Brice, de Lorquin, s'effor�aient d'en �quiper; ils leurs donn�rent la chasse (190). Brice fut cern� au milieu des Russes qui arrivaient par Sarrebourg, et dut se rendre � discr�tion au g�n�ral Orloff, � Fr�monville, le 8 juillet.
Chaque village revit les exigences de l'invasion pr�c�dente. A. Bl�mont, trois commissaires surveillaient la distribution des denr�es r�quisitionn�es. On vit passer, en juin, la mar�chale Barclay de Tolly, femme du grand chef de l'arm�e russe, et le Prince royal de Bavi�re, dont le d�ner fut pay� 11 ducats. Le 50e russe, cantonn� du 27 juillet au 29 ao�t, resta l�gendaire dans le pays, o� l'on se redit encore sa facilit� � user du knout et sa manie singuli�re de couper la queue des chevaux que le hasard lui faisait rencontrer. Cette occupation heureusement dura peu. Les Russes s'�coul�rent, d�s le 21 d�cembre; pour le 17 janvier 1816, les derniers Bavarois avaient disparu. Le trait� d'Aix-la-Chapelle, sign� le 9 octobre, avait r�tabli la paix pour de longues ann�es.

III Sous les trois derni�res Monarchies

1� Sentiments royalistes de la contr�e

C'est avec une joie sinc�re qu'on vit, chez nous, Louis XVIII remonter sur le tr�ne des Bourbons. Qu'on ne s'�tonne pas de ce brusque revirement de l'opinion : le peuple �tait las des r�gimes pr�c�dents et d�sirait la paix. A Bl�mont et dans les environs, la sympathie pour la monarchie fut plus marqu�e; dans la vall�e de la Vesouze, au contraire, elle fut empreinte d'une r�serve plus froide, probablement � cause de Lun�ville.
Docile aux instructions du sous-pr�fet, M. de Moulon, notre petite ville se mit, d�s les premiers jours, � supprimer ses aigles, cocardes et autres embl�mes imp�riaux; elle r�organisa sa Garde nationale (3 d�cembre) ; r�alisa une souscription pour les besoins de l'Etat, qui produisit 6.443 francs, et renouvela son conseil municipal (191). Batelot fut maire et Fromental, l'a�n�, juge de paix (8 janvier 1816). A l'anniversaire du 21 janvier, il y eut une �mouvante c�r�monie de r�paration, que relate le registre des d�lib�rations. Les dignitaires et la population y assist�rent sans exception. Le 25 f�vrier suivant, se pr�senta le sous-pr�fet pour apporter un drapeau � la Garde nationale. La f�te fut grandiose. Apr�s la revue du bataillon et la remise de son insigne, toute l'assistance se rendit � l'�glise. Le cur� Mathieu expliqua longuement le sens de la b�n�diction qu'il allait donner au drapeau blanc, et recommanda la fid�lit� � son �gard ; la foule r�pondit � sa harangue, en' chantant � pleine voix : Domine salvum fac regem. Toute la soir�e se passa ensuite en festins, en danses et en multiples r�jouissances
A la date du 2 mai, nous trouvons, dans le m�me registre des d�lib�rations, sous ce simple titre : D�saveu de l'attentat du 21 janvier 1793, plusieurs pages charg�es de signatures. A la suite de celle du chevalier G�rard de Vivier, officier de cavalerie, on lit : ���N� le 25 janvier 1793, je n'ai pu donner mon aveu � la mort imm�rit�e de Louis XVI, mais j'ai v�cu avec le regret de ne l'avoir pas connu, et particuli�rement de n'avoir pu le venger. � Aucun d�tail n'indique la raison, ni les circonstances de cette manifestation.
Les r�jouissances du 15 juin, motiv�es par le mariage du duc de Berry, le futur Charles X, furent vraiment populaires. A la messe solennelle, le chant du Domine salvum fac fut accompagn� d'une salve de p�tards, tir�s par les gardes nationaux, et le maire s'�cria : ���Jurons, mes amis, de lui �tre toujours fid�les, de le d�fendre jusqu'� la derni�re goutte de notre sang. � Dans la soir�e, un brillant cort�ge parcourut les rues; le maire portait le buste de Louis XVIII et faisait crier : ���Vive le Roi ! Vivent les Bourbons ! Vivent les Augustes Epoux! � La joie la plus pure et la concorde la plus parfaite n'ont cess� de r�gner pendant ce jour d'all�gresse, et la ville de Bl�mont semblait ne former qu'une seule famille, ajoute le m�me registre. A voir des sentiments si spontan�s, nous sommes loin, certes, de la Terreur blanche dont, au dire de certains auteurs, le spectre assombrit cette �poque.
Cependant des calamit�s attristaient encore la r�gion. Les r�coltes �taient loin d'�tre satisfaisantes; la disette de 1815 s'aggrava en 1816; le bl� se paya 120 francs le resal ; les pommes de terre, 40 francs; le pain, 5 francs la miche de huit livres. L'ann�e 1817 fut meilleure et le march� aux grains fut r�tabli. Une autre plaie consistait dans les rapines, commises par des vagabonds qui infestaient le pays. Pour les faire cesser, Bl�mont organisa un corps de veilleurs de nuit, qui, d'heure en heure, faisaient la ronde dans les rues et dans les jardins. Ce service de garde ne cessa qu'en 1825, quand il fut reconnu inutile. La suppression de la conscription avait enchant� le peuple; mais cette joie ne pouvait durer; l'�tat des peuples r�clamait une arm�e permanente. Une loi du 10 mars 1818 r�tablit la conscription, et une autre, du 9 juin 1824, porta le service militaire � huit ans. Comme cette dur�e parut trop longue, on l'abaissa � sept ans, en 1832, et c'est la r�gle qui fut observ�e jusqu'en 1873.

2� El�ments nouveaux de prosp�rit�

A partir-de 1820, l'essor fut rendu � toutes les activit�s. Les profits agricoles ramen�rent le bien-�tre dans les villages, et les b�n�fices du commerce r�tablirent la richesse dans la petite ville. Bl�mont, redevenu bourgade affair�e et industrieuse, se montra plus que jamais soucieuse de progr�s et de distinction, d�sireuse d'�galer les grandes villes par l'�l�gance de sa soci�t� bourgeoise. Partout reprirent les pratiques chr�tiennes, remises en honneur par les missions. On redressa, aux abords des chemins, les croix abattues. On rendit aux clochers leurs voix de bronze : trois cloches � Bl�mont, en 1829; autant � Verdenal et � Autrepierre, en 1821.
On fit aux �glises les am�nagements n�cessaires : un b�timent tout neuf � Nonhigny, en 1820; une nef et une tour � Fr�monville, en 1827; une nef � Verdenal et � Vaucourt, en 1832; un presbyt�re � Autrepierre en 1827, et une maison d'�cole au m�me lieu, en 1830.
A Bl�mont, les locaux de l'hospice devenaient insuffisants : ils furent agrandis, en 1827. Ceux de l'h�tel de ville surtout criaient mis�re : ils furent remplac�s par l'�difice actuel, dont le dessin est d� � l'architecte Jeandel.
Le budget, port� � 9.707 francs de recettes, en 1828, permit de r�organiser la compagnie des pompiers et de restaurer les fontaines, ainsi que les pav�s des rues. Tous les services communaux se virent ainsi redress�s l'un apr�s l'autre.
Cette bonne administration fut l'oeuvre de Christophe Batelot. A sa mort, en 1825, son fils, Charles-Marie-Jacques, lui succ�da comme maire (192), et fut aussi soucieux des int�r�ts de tous. Il fit placer le buste de Louis XVIII sur la fontaine de la place Royale, et celui de R�gnier, sur la fontaine appel�e Massa, situ�e en face de la rue de Dom�vre. Il fut enlev� par une mort pr�matur�e, en 1829. A ses qualit�s de magistrat, il joignait les talents d'un industriel ent�rite. Il avait �tabli, au Moulin-des-Champs, en 1826, une taillanderie ou Forge, qui porta-au loin le renom de Bl�mont par ses produits estim�s.
Cette �poque voyait �clore des initiatives industrielles, qui s'appuyaient sur des inventions toutes r�centes et qui eurent du succ�s. Les tanneries �taient en plein essor; elles seraient encore florissantes, si les proc�d�s modernes n'avaient tu� les entreprises restreintes.
Le tissage m�canique fut essay�, en 1825, par Martin et Horrer, tous deux cousins de Batelot. Ceux-ci avaient achet� les d�pendances du ch�teau et y avaient �tabli des m�tiers. La production avait ainsi doubl�, mais la mode devint d�favorable aux �toffes de droguet, et le march� ne demanda plus que les cotonnades colori�es. Il leur fallut abandonner l'entreprise, apr�s un demi-succ�s. Cependant la voie �tait ouverte, et les fr�res L�mant, isra�lites, y install�rent des am�nagements nouveaux, qui comprenaient � la fois filature et tissage. Leurs proc�d�s r�ussirent et progress�rent tellement que, vers 1850, ils transport�rent leur mat�riel � Val-et-Ch�tillon, et y cr��rent une vaste usine qui grandit de jour en jour. Leur exemple fut suivi par des industriels, dont les produits avaient moins de vogue, en particulier par les fa�enciers de Badonviller et de Dom�vre. Leurs �tablissements, transform�s en filatures, fournirent du travail pendant plusieurs ann�es, puis sombr�rent, vers 1850, pour des raisons diverses.
Loin de rester indiff�rente � ce r�veil �conomique, l'agriculture chercha aussi � perfectionner ses m�thodes et son outillage. Il n'�tait bruit alors que des progr�s r�alis�s par le savant agronome Mathieu de Dombasle, dans sa ferme mod�le de Roville. On alla voir sa charrue perfectionn�e et �tudier sur place sa m�thode de dressage pour les chevaux, question capitale en un temps o� les diligences jouaient un si grand r�le. L'id�e vint d'�tablir des concours, et Bl�mont fut choisi pour le lieu de la premi�re r�union, � la date du 22 ao�t 1824. Ce fut une f�te extraordinaire, dit l'Annuaire de 1825, par le nombre des concurrents, le choix des poulini�res et le brio des courses; douze prix de 1.000 francs furent distribu�s; parmi les gagnants figurent Spire, Helluy et Bella, de Bl�mont; tous les autres sont de la r�gion de Sarrebourg.
Les pouvoirs publics avaient soin d'encourager tous ces progr�s. On sait qu'en 1820, le sous-pr�fet de Lun�ville fonda une Soci�t� agricole, qui fut comme le pr�lude du Comice agricole r�organis�, le 26 novembre 1846, sur les bases actuelles (193). Les caisses d'assurances contre l'incendie, fond�es depuis peu, entr�rent dans les moeurs; Bl�mont paya sa premi�re prime pour les b�timents communaux en 1821. L'Etat songea enfin � multiplier les routes, pour faciliter les transports. Il en fit une, en 1826, entre Og�viller et Baccarat, par Hablainville. Une autre fut demand�e entre Dieuze et Baccarat, mais on h�sita, jusqu'en 1832 pour en fixer le trac�; finalement on en cr�a deux, vers 1834, l'une partant de Bourdonnay, par Vaucourt et V�ho, pour rejoindre, � Og�viller, la route de 1826,-.l'autre, passant par Moussey, Igney, Bl�mont, Dom�vre et Merviller. Le rapport, qui fut pr�sent� � ce sujet par le maire de Bl�mont, dresse un vrai bilan industriel de la r�gion, en �tablissant que cette route rendra service aux pl�treries de Maizi�res, aux for�ts de R�chicourt, aux scieries et verreries de Cirey, aux fa�enceries de Hablutz, Fr�monville, Badonviller, Dom�vre et Pexonne, aux fabriques d'al�nes de Badonviller, Petitmont et Saint-Sauveur, aux fabriques de drap de Gogney, � la blanchisserie de Sainte-Agathe, aux deux filatures de Dom�vre, aux forges et taillanderies de Bl�mont, aux moulins de la Vesouze, � la poterie de Tanconville, aux carri�res de gr�s de Cirey, du Val et de Parux. Deux ans plus tard (1836) fut cr��e la route de Bl�mont � Cirey et � Saint-Quirin ; en 1845, celle de Bl�mont � Badonviller; en 1848, la rectification de la route nationale par Saint-Georges, pour �viter la funeste descente de la Haye-des-Allemands, et, en 1860, la route d'Og�viller � Badonviller, qui �tait d�j� en projet pendant la R�volution. Ce fut la derni�re. D�sormais l'attention fut attir�e plut�t vers les canaux et les chemins de fer.
Le r�gne de Charles X, assez favorable en somme, sombra brusquement dans la journ�e du 30 juillet 1830. Pendant que la R�volution grondait � Nancy et qu'� Lun�ville s'affichaient des pr�f�rences non douteuses pour le nouveau r�gime, Bl�mont se tint calme et attendit.

3� La Soci�t� bourgeoise sous la monarchie de juillet

Louis-Philippe fut vivement approuv�, quand il r�tablit la Garde nationale, supprim�e en 1828 par Charles X. Aussit�t Bl�mont consacra 1.800 francs � l'achat de 150 fusils, de tambours et autres instruments de musique; les gardes pay�rent eux-m�mes leur uniforme. Un ordre, venu de Paris, en mai 1831, �tablit son r�glement. Le bataillon cantonal, comprenant 596 hommes, fut divis� en huit compagnies : trois de 100 hommes � Bl�mont, une de 96 � Fr�monville, une de 53 � Barbas et � Verdenal, une de 53 pour Autrepierre, Repaix et Gogneey r�unis.
Le bel enthousiasme du d�but fut de courte dur�e. En 1838, toutes les compagnies furent r�duites de moiti�, et encore, pour �viter double emploi, elles durent incorporer dans leurs rangs les sapeurs-pompiers. Voici les noms des officiers, �lus pour trois ans, en 1840 : chef de bataillon, Julien Lafrogne ; porte-drapeau, Louis Duchamp ; capitaines, M�zi�res et Rousselot, de Bl�mont, Hatton, de Fr�monville, Dedenon, d'Autrepierre, Hovasse, de Barbas, Cosson, de Verdenal. Ces milices, que les malicieux couplets de Nadaud ont rendues fameuses, servirent surtout � parader dans les banquets et � constituer un auditoire pour les discours officiels. Elles plaisaient n�anmoins � la bourgeoisie de ce temps, et c'est avec peine que le peuple les vit dispara�tre, quand le d�cret du 11 janvier 1852 restreignit leur nombre aux seules villes importantes, comme Lun�ville.
Louis-Philippe affectait des mani�res bourgeoises qui contribu�rent beaucoup � sa popularit� et lui valurent un chaleureux accueil dans toutes les visites qu'il fit en inaugurant son r�gne. Nos r�gions eurent le bonheur de le recevoir, en juin 1831. A Lun�ville, ce fut le 16. La principale c�r�monie fut une revue de toutes les troupes qui composaient son remarquable camp de cavalerie ; le d�fil� des cuirassiers fut particuli�rement impressionnant. Aux c�t�s du Roi figuraient les jeunes ducs d'Orl�ans et de Nemours, ses deux fils, le mar�chal Soult, ministre de la guerre, le mar�chal G�rard, le comte d'Argout, ministre du commerce, les g�n�raux Baudrand et Athalin, ses aides de camp.
En se rendant � Phalsbourg, le lendemain, la Cour traversa Bl�mont et s'y arr�ta. La r�ception que lui fit la petite ville est rest�e l�gendaire dans le pays, et les circonstances de cette journ�e m�morable ont fait l'objet de maints r�cits pittoresques, bien capables d'�merveiller nos jeunes oreilles. Une foule immense se massait sur la place; les villages atteignaient alors le chiffre maximum de leur population ; toutes les rues �taient encombr�es de cal�ches, de chars-�-bancs, des v�hicules les plus divers. La Garde nationale au grand complet et rev�tue de son imposant uniforme pr�sentait les armes. Quand le Roi fut descendu de son carrosse, le maire, Adrien Lafrogne, se pr�senta pour lire son compliment.
Les politesses du Roi � l'�gard de deux notables de Montreux, Aubert et Fromental, � qui Sa Majest� serra la main, furent tr�s remarqu�es. Ce dernier, en guise de salutation; avait r�cit� cette stance, qui n'a rien du lyrisme de Lamartine :
F�tons le passage
Du Roi juste et sage.
C'est l'ami des hommes.
Oui, tous, tant que nous sommes,
F�tons le passage
Du Roi juste et sage.
Un autre assistant, s'adressant � Mlle de Montauban, avait imagin� un quatrain non moins lyrique:
Vive Louis-Philippe et son auguste race !
Adoptons pour toujours le chemin qu'il nous trace;
Avec les sciences, la paix, les bons beaux-arts,
Nous aurons du commerce aussi les bonnes parts.
Le Roi entendit avec bonhomie et sans sourciller ces po�sies na�ves, pendant que son entourage se d�ridait franchement. Chaque jour, du reste, lui donnait l'occasion de savourer ces improvisations populaires. La f�te fut trop courte en sa sinc�re cordialit�. Le brillant cort�ge reprit aussit�t sa marche, au milieu des vivats enthousiastes. Pour caract�riser l'aisance de ce temps et l'administration d�bonnaire de ce r�gne, les anciens r�p�taient volontiers que ce fut l'�poque des pi�ces de cent sous.
Malgr� l'incontestable progr�s de l'agriculture et de l'industrie, nombre de personnes partaient alors vers l'Am�rique, pour y faire fortune. Etait-ce la cons�quence d'une population trop abondante, ou l'effet d'un courant d'�migration, comme il en souffle parfois ? Peu importe. Ce mouvement ne dura gu�re, et les d�ceptions furent fr�quentes. S'il y eut quelques colons heureux - les fameux oncles d'Am�rique - la plupart des �migrants revinrent bient�t, plus pauvres qu'avant leur d�part.
Dans la m�re-patrie, du reste, on �tait servi � souhait. Des �diles intelligents et probes dotaient la ville de Bl�mont de toutes les am�liorations d�sirables : r�verb�res � huile, pour l'�clairage des rues (1833), �coles de filles agrandies (1835); subventions pour l'h�pital et pour l'Association des Dames de Charit�; cr�ation d'une synagogue et d'un cimeti�re pour la communaut� isra�lite (194).
A cette �poque, on eut peu d'�preuves � subir. En 1833, apparurent des cas isol�s de chol�ra. Le 14 juillet 1846, une gr�le terrible ravagea le canton, surtout Gondrexon et Remoncourt. La nuit du 16 ao�t 1847 vit s'allumer � Bl�mont un violent incendie, qui d�vora sept maisons de la rue des Voileurs, et jeta sur le pav� dix-huit m�nages, compos�s de soixante-deux personnes.
A l'activit� d�j� fi�vreuse vinrent s'ouvrir des champs nouveaux, au grand profit de la richesse publique et du bien-�tre g�n�ral. La rumeur populaire annon�ait la cr�ation d'un canal destin� � unir la Marne au Rhin. O� passerait-il et qui en b�n�ficierait ? Le Bl�montois s'y crut un instant int�ress�, mais ce pays fut jug� trop accident� et la r�gion des �tangs lui fut pr�f�r�e. On d�cida qu'� partir de Dombasle le canal remonterait la vall�e du Sanon, passerait au large de R�chicourt et de l� gagnerait Sarrebourg. Les travaux commenc�rent en 1835. Les services d'une voie navigable peuvent s'�tendre au loin; ils semblent cependant avoir peu contribu� � la prosp�rit� de notre industrie locale.
Une invention plus merveilleuse ne tarda pas � captiver l'attention des esprits. Ne parlait-on pas de chars de feu, capables de tra�ner, sur des voies ferr�es, des charges �normes et � une vitesse inusit�e ? Des exp�riences, faites autour de la capitale, paraissaient concluantes.
En 1838, le Ministre saisit les Chambres d'un projet de ligne reliant Paris � Strasbourg. Trois ans se pass�rent sans qu'on p�t soup�onner la direction qu'elle prendrait, ou m�me si Nancy serait sur son parcours. Enfin, en 1841, ce dernier point fut d�cid�. Aussit�t Lun�ville offrit 1000.000 francs pour que la voie travers�t son territoire, au lieu de suivre le canal vers Einville, comme il en �tait question. Bl�mont, � son tour, s'empressa de faire savoir que, n'ayant pas d'argent, il donnerait volontiers une partie de ses for�ts, pour b�n�ficier de ce nouvel agent de progr�s.
En 1842, les Chambres approuv�rent le trajet par Nancy, en r�servant le mode � adopter pour la travers�e des Vosges, difficult� paraissant tr�s consid�rable � ce moment.
Trois projets furent alors pr�sent�s. Un premier songeait � emprunter la vall�e de la Moder, par V�c, Dieuze et Sarralbe; mais le voisinage de la Bavi�re parut au g�nie militaire un danger r�el, qu'il fallait �viter, et l'on n'en parla plus. Un second voulait gagner la Bruche, par Raon et Schirmeck; mais il r�clamait un tunnel de 13 kilom�tres sous le Donon, et ce travail parut alors impraticable. Un troisi�me projet proposait de rejoindre Saverne, en utilisant la trou�e de la Zorn. Il y avait encore l� nombre de difficult�s, cependant elles furent jug�es moins ardues. Restait � pr�ciser le trajet entre Lun�ville et Sarrebourg.
Dans sa s�ance du 29 ao�t 1843, le Conseil g�n�ral de la Meurthe estima qu'il convenait de remonter la Vesouze. La municipalit� de Bl�mont se h�ta d'appuyer cet avis, en indiquant deux moyens de gagner Sarrebourg, � savoir : passer par Saint-Georges, ou par La Frimbole et Lorquin. Ce parcours, pourtant rationnel, fut rejet� pour des raisons inavou�es. Des familles influentes de Cirey, Bl�mont et B�nam�nil, craignirent, dit-on, le rench�rissement du bois n�cessaire � leurs industries; les paysans, ajoute-t-on encore, redout�rent pour leurs r�coltes la noire fum�e des locomotives. Toujours est-il qu'� partir de Marainviller, le trac� s'engagea dans une r�gion maussade, pour atteindre Avricourt et H�ming. Une halte �tait pr�vue seulement � Avricourt. Une autre fut demand�e pour R�chicourt, en 1851. La station d'Emberm�nil fut conc�d�e plus tard, et celle de Laneuveville-aux-Bois, vers 1895.
Commenc�s en 1844, les travaux furent activement pouss�s. Lyautey, ing�nieur � Sarrebourg, fut charg� de la 4e subdivision, allant de Leintrey � Hommartin; du House, ing�nieur � Nancy, s'occupa de la 3e, allant de Dombasle � Leintrey. Les premiers trains circul�rent en 1850, et l'inauguration solennelle, par le prince Louis-Napol�on, alors pr�sident de la R�publique, eut lieu, le 18 juillet 1852. La pluie, ce jour-l� tombait � torrents. Le Prince se contenta d'aller de Lun�ville � Lutzelbourg et d'en revenir, sans m�me se montrer � la porti�re, puisque, par ce temps affreux, personne n'�tait venu pour le saluer.
Quand les progr�s r�cents eurent substitu� la houille au bois dans les puissants foyers des usines, Bl�mont, et plus encore Cirey, regrett�rent de n'avoir pas accept� la voie ferr�e. C'est pour r�parer la faute commise, que la famille Chevandier de Vadr�me voulut cr�er l'embranchement qui relie Cirey � la grande voie. Mais encore fallut-il ici d�cider si la nouvelle voie desservirait les importants villages de la Vesouze jusqu'� Marainviller, ou si elle rejoindrait Avricourt, point le plus rapproch�. De vives discussions s'engag�rent, qui ne sont pas encore oubli�es. Le s�nateur Varroy trancha le d�bat en imposant la ligne la plus courte, qui compte seulement dix-sept kilom�tres. Le trac� commen�a en 1866 et l'inauguration eut lieu, en mai 1870. La construction de la voie co�ta 1.624.000 francs. La guerre suspendit son trafic jusqu'en 1872.
Quel r�gime, en ce si�cle, a �t� capable de donner satisfaction compl�te ? Malgr� sa popularit�, le roi Louis-Philippe dut abdiquer et s'enfuit, le 26 f�vrier 1848, devant une r�volution provoqu�e par la r�forme �lectorale. D�s que cette nouvelle fut connue, la municipalit� de Bl�mont cessa ses fonctions; une commission provisoire fut nomm�e, le 11 mars, et Collesson rempla�a Lafrogne � la mairie. Son premier acte fut de protester contre la suspension du juge de paix Vaultrin, mais sa d�marche fut vaine, et Quintard fut envoy� pour rendre la justice jusqu'en 1851. Les �lections du 4 juin reconstitu�rent le corps municipal, avec Collesson pour maire et Spire et Cholet pour adjoints : le budget d�passait 25.000 francs.
Les arbres de Libert� furent de nouveau en faveur, et la plupart des communes s'empress�rent d'en planter. A Bl�mont, la c�r�monie eut lieu, le 9 avril, et passa inaper�ue. Il en fut de m�me dans les environs, sauf � Leintrey, o� se produisirent de graves d�sordres. Les partisans de Boiselle, maire suspendu, arrach�rent � deux reprises l'arbre de la Libert�, maltrait�rent Masson, le nouveau maire, et pill�rent la caisse communale. La justice intervint et, jugeant les gendarmes trop peu nombreux pour r�tablir l'ordre, fit appel � cinquante hussards de Lun�ville. Neuf des principaux coupables furent emprisonn�s (195).Les f�tes de la Fraternit� (28 avril) et de la Concorde (21 mai) n'eurent aucun succ�s et il n'en fut m�me plus question. Peu apr�s, la suppression des ateliers nationaux provoqua des bagarres sanglantes � Paris. On apprit avec �motion que plusieurs enfants du pays y �taient m�l�s. Boris, de Bl�mont, capitaine au 52e de ligne, se couvrit de gloire, en combattant pour l'ordre, et fut r�compens� par le grade de chef de bataillon. Marchal, de Merviller, sergent de grenadiers, fut promu sous-lieutenant, pour avoir pris un drapeau aux insurg�s et forc� une barricade. Par contre, Vigneron Jules, d'Og�viller, et Moniel, de Badonviller, se virent condamn�s � la d�portation, pour s'�tre trouv�s parmi les factieux.
L'opinion de Bl�mont ne se montra pas favorable � la R�publique : rien n'y fut modifi� � la suite du nouveau r�gime. Dans la plupart des communes, au contraire, les maires furent chang�s aux �lections de juillet. Lorsqu'il s'agit, le 10 d�cembre, de choisir entre Napol�on et Cavaignac, notre canton prouva son bon esprit, en donnant 2.566 voix au premier et 410 seulement au second; nul autre canton n'�mit un vote aussi sage. Le prince Napol�on ralliait les partisans de la Royaut� et ceux de l'Empire, et n'effarouchait pas outre mesure les r�publicains, tandis qu'� Lun�ville, ces derniers criaient sous les yeux souriants du sous-pr�fet : ���Vive la R�publique ! Vive Napol�on ! � (196).
L'ann�e 1849 fut marqu�e par la troublante apparition du chol�ra. Le fl�au, heureusement, resta limit� � trois foyers : Bertrambois, qui eut quelques victimes; Emberm�nil, qui eut 58 cas et 17 d�c�s; V�ho, qui eut 35 cas et 15 d�c�s. Le reste du canton en fut quitte pour la peur.
D�s 1850, on pouvait deviner le changement de constitution que devait r�aliser le coup d'Etat du 2 d�cembre 1851. L'autorit� du Prince-Pr�sident �tait si bien assise que le pouvoir lui fut offert, peut-on dire, par la faveur du peuple. Le pl�biscite recueillit dans notre canton 3.216 oui et 162 non. Apr�s la proclamation de l'Empire, le second pl�biscite de ratification fut plus unanime encore, puisque, sur 3.682 �lecteurs inscrits, 25 bulletins seulement furent r�serv�s, 63 n�gatifs, et les autres affirmatifs. Mieux que tout autre indice, ces chiffres font conna�tre le v�ritable esprit de la contr�e.

IV - Sous le Second Empire

1� Prosp�rit� persistante

L'aisance et le progr�s continu�rent sous le r�gne de Napol�on III, comme au temps de Louis-Philippe. Deux ann�es, cependant, 1853 et 1854, furent mauvaises : les r�coltes furent m�diocres et le chol�ra fit de nouvelles victimes. La date de 1854 reste toujours terrifiante, � cause des brusques effets de ce mal asiatique. Bl�mont compte trois d�c�s ; Ancerviller, quarante-huit; Nonhigny, deux; Remoncourt, quatre; Fr�monville, un. Les m�decins prodigu�rent leurs soins; les soeurs de l'hospice coururent � Neuviller, Fr�monville, Avricourt, partout o� les appelaient les familles. Le fl�au reparut deux ans plus tard, mais sans p�n�trer dans le Bl�montois. La guerre de Crim�e (1853) et la guerre d'Italie (1858) caus�rent aussi quelques angoisses, mais ce furent les seuls points noirs dans une p�riode de vingt ann�es.
Les statistiques de la population, publi�es par l'Annuaire du d�partement, accusent les chiffres les plus �lev�s, vers 1848 : Bl�mont, 2.521 habitants; Ancerviller, 789; Autrepierre, 333; Dom�vre, 1.116; Domjevin, 530; Harbouey, 622; Herb�viller, 619; Leintrey, 664; V�ho, 337. Depuis ce temps, le niveau ne cessa de s'abaisser.
Avec une population aussi florissante, le pays ne pouvait que pr�senter la plus vive animation. Aussi quelle all�gresse dans la bruyante affluence des f�tes patronales, des s�ances de conscription, des jours de vente ou de march�. Chaque vendredi, Bl�mont faisait l'effet d'une fourmili�re affair�e, se pr�cipitant vers les Halles. Au point du jour, c'�tait le vacarme du march� aux petits porcs; peu apr�s, le murmure confus de la vente du beurre, de la volaille, des oeufs; plus tard, le silence plus grave des op�rations froidement calcul�es sur le bl� et les autres c�r�ales. Les m�nag�res avaient vite fait leurs emplettes et n'encombraient pas la rue, mais les messieurs s'attardaient plus volontiers, sauf � rentrer avec la face enlumin�e. Il fallait cela, croyait-on, pour faire marcher le commerce. De fait, il se brassait une masse d'affaires o� le


Clich� PIERSON
EGLISE DE BL�MONT

juge de paix, les notaires, le banquier, m�me les h�teliers avaient � intervenir, au grand profit de leur consid�ration et le leur fortune.
La petite ville restait vraiment le centre de la r�gion et montrait ce -que peuvent l'intelligence, le bon esprit et l'entente r�unis. Elle eut,, du reste, la bonne fortune de poss�der alors plusieurs hommes de haute valeur. Son maire, Emile Mathis de Grandseille (197), nomm� en 1853, justifia pleinement la confiance de ses concitoyens et occupa son poste jusqu'en 1876. Chef indiscut� du parti royaliste, d�nomm� blanc, on peut dire qu'il personnifia l'esprit conservateur. Son nom a gard� toutes les sympathies. Le docteur Lahalle (198) fut non seulement un m�decin savant et d�vou� jusqu'� s'exposer � la mort au cours de l'�pid�mie de 1812, mais encore un agronome avis�, qui am�liora la pomme de terre et la luzerne, vulgarisa le sainfoin � deux coupes, �tudia la fermentation du. raisin, montra les avantages de l'irrigation pour les prairies et m�rita, pour ses essais multiples, le grand prix de la Soci�t� d'Agriculture. Sa bienfaisance l'avait plac� en si haute estime qu'aussit�t connue sa maladie, la foule courut � l'�glise pour demander sa gu�rison et lui fit, apr�s sa mort, des fun�railles triomphales. Le docteur Lesaint (199), son gendre, fut, comme lui, un praticien habile, un savant et un philanthrope. D'autres, d'une moindre renomm�e, tels que les Lafrogne, les Collesson, les Vaultrin, les Duchamp, les Rousselot, furent aussi des hommes bienfaisants et environn�s d'estime.
Bon nombre de personnes s'appliquaient � rendre plus florissante l'oeuvre charitable de l'h�pital. Les legs Chatton, de Sailly-Pindray et Fidry avaient un peu relev� les ressources de cet �tablissement, en partie ruin� sous la R�volution et l'Empire, mais c'�tait encore insuffisant. La ville dut lui venir en aide, sous forme de subventions annuelles, qui furent constamment renouvel�es depuis 1820. Un conseil d'administration, compos� de sept membres, qui avait comme pr�sident, le maire, et comme receveur, le percepteur, fut charg� de g�rer ses int�r�ts. Une Association de Dames de Charit� (200) lui fut annex�e, en 1838, pour distribuer des aum�nes, en dehors du Bureau de Bienfaisance, qui existait depuis 1826. Gr�ce � tous ces concours, l'h�pital disposait, en 1840, de quatorze lits fond�s, pouvait abriter gratuitement vingt orphelines et recevoir plusieurs malades ou infirmes payants.
Bient�t ses finances furent assez prosp�res pour permettre d'agrandir certains locaux insuffisants (1860) et de restaurer la chapelle actuelle, qui fut inaugur�e solennellement, en avril 1866.
Il est juste d'attribuer aux Soeurs de Saint-Charles une part importante dans ces succ�s. Elles n'�taient que trois, au sortir de la R�volution : Soeur Monique Petit, qui mourut du typhus en 1813, �g�e de 59 ans; Soeur Agn�s Comtois, morte en 1808, �g�e de 73 ans; Soeur Joseph Leclair, morte en 1828, �g�e de.76 ans.
Les sup�rieures suivantes furent : Soeur Ad�la�de Pant, dont la mort, en 1830, causa d'unanimes regrets; Soeur Odile Debord, morte en 1845; Soeur Denise Granier, qui obtint de porter � sept le chiffre de sa communaut�. Toutes ses religieuses montr�rent un d�vouement h�ro�que, en

1854, pendant l'�pid�mie de chol�ra. Elle mourut le 25 avril 1872. Lors de ses fun�railles, les habitants rendirent � sa m�moire un hommage inoubliable de reconnaissance; l'infirmit� cependant l'avait forc�e � c�der sa place � Soeur Philom�ne Nicolas, qui fut Sup�rieure jusqu'en 1878. Nous nommerons encore les religieuses qui reposent au cimeti�re, dans des tombes gracieusement conc�d�es par la ville : Soeur H�l�ne Najean, morte en 1889; Soeur Anastase Garr� (1892); Soeur Gabrielle Germain (1899) ; Soeur Eus�be Vermerot (1910). Point n'est besoin de vanter les �tablissements de ce genre, car les mis�reux ne sauraient trouver meilleur refuge que dans un asile situ� dans leur pays natal, au milieu d'horizons connus, sous la garde de la charit� religieuse.
Une autre entreprise eut aussi le don de susciter de magnifiques efforts et une entente unanime : c'est la construction de la nouvelle �glise. Depuis un si�cle, cette oeuvre s'imposait, mais on la retardait, en remaniant, vaille que vaille, l'ancien �difice, rest�, malgr� tout, trop exigu.
Vers 1850, les murailles pr�sentaient des l�zardes inqui�tantes, la toiture


Clich� A. MUNIER.
INT�RIEUR DE L'�GLISE DE BL�MONT

�tait vermoulue, et le clocher, si endommag� que la petite cloche, dite Fromental, s'en d�tacha, au risque d'�craser plusieurs personnes. L'Ev�que de Nancy, en apprenant le fait, se h�ta d'interdire la vieille �glise.
On d�cida de faire du neuf; mais en quel emplacement et dans quel style ? Ces questions passionn�rent l'opinion, sans h�ter l'ex�cution. Les professeurs du coll�ge donn�rent, un jour, � leurs plus grands �l�ves, ce sujet de dissertation : ���Indiquer les projets concernant la nouvelle �glise ; discuter le pour et le contre. � Jamais devoir de classe ne fut pris plus au s�rieux. Un �l�ve, plus tard l'abb� Melnotte, remporta le prix pour son plaidoyer en faveur de l'ancien emplacement. Sa th�se refl�tait les sentiments de la population et sauvegardait les souvenirs du pass�, mais elle ne pr�valut pas. Le conseil municipal et le judicieux cur� Mengin (201) d�cid�rent que la nouvelle �glise longerait la rue de Barbas, � une faible distance de l'ancienne et dans un milieu plus accessible. L'architecte Vautrin, tout �pris d'art gothique, dressa des plans, dans le genre de ceux qu'il ex�cutait alors � Baccarat, sauf qu'il mit deux tours au portail. L'�difice n'en fut que plus majestueux.
Chacun voulut contribuer aux frais ; une souscription fournit 36.000 francs. Une dame Marie Comte fit un legs de 10.000 francs. L'abb� Marsal offrit 35.000 francs, r�alis�s par l'habile gestion de son coll�ge. La ville prit le reste � sa charge en escomptant une subvention de l'Etat, qui fut seulement de 10.000 francs. Le tout co�ta 100.000 francs. C'est pour concourir � cette oeuvre que, dans l'hiver de 1852, on imagina une cavalcade historique qui repr�senta le duc Ren� II, venant prendre possession de sa bonne ville de Bl�mont. Toute la contr�e accourut pour la voir se d�rouler, le 17 f�vrier 1853. C'�tait le lundi gras.
H�raut d'armes, trompettes, duc de Lorraine avec quatre pages, gouverneur avec quatre pages, d'autres personnages, tous orn�s de costumes splendides, parcoururent les rues, au milieu d'une foule �merveill�e. La journ�e fut splendide : un gai soleil faisait �tinceler les frimas, et les trois capucins firent bonne recette en fermant la marche du cort�ge. En cette f�te de carnaval, la petite bourgade se retrouvait toute lorraine et, ce qui est aussi bien, tout aristocratique dans ses go�ts.
La premi�re pierre fut pos�e, le 20 octobre 1852, et l'�difice fut achev� quatre ans plus tard. Dans l'intervalle, les offices furent c�l�br�s dans la chapelle du coll�ge. La b�n�diction fut donn�e par Mgr Menjaud, le 6 septembre 1856. Le cur�-b�tisseur �tait rayonnant. Po�te � ses heures, il servit � ses convives une longue pi�ce de vers, renfermant des compliments d�licats pour toutes les personnes qui l'avaient second�. Il sentait le poids des ans. Il crut pouvoir chanter son Nunc Dimittis, et demanda que son cher abb� Marsal devint son bras droit, pendant qu'il jouirait d'un repos bien m�rit�. Ses voeux furent exauc�s et il resta cur� honoraire jusqu'� sa mort, en f�vrier 1868.

2� Les Ecoles et le Coll�ge

Apr�s la R�volution, le d�sir de s'instruire grandit de jour en jour dans toutes les classes de la r�gion. Toutes les communes eurent leur �cole primaire, parfois log�e mis�rablement, mais suivie tout au moins pendant l'hiver. Au milieu d'elles, Bl�mont fut un vrai foyer de lumi�re, gr�ce � des concours multiples habilement utilis�s. L'�cole primaire �tait encore mixte en 1807 ; Nicolas Charron, ma�tre v�n�r�, la dirigeait depuis vingt-deux ans. Un voeu unanime r�clama des classes s�par�es pour les filles. Le conseil, rappelant les traditions de bonnes mani�res, implant�es par les Religieuses de Notre-Dame, obtint, apr�s plusieurs d�marches pr�s du Pr�fet, qu'une soeur Vatelotine, avec l'aide d'une compagne, t�nt une �cole pour ���enseigner la lecture, l'�criture, le calcul et les travaux manuels propres aux filles �.
Les deux premi�res ma�tresses furent Soeur Apr�ne Robert et Soeur Louise Henry. D�s l'ouverture de leur classe, en 1808, elles eurent 130 �l�ves, dont 90 payantes. En 1812, une troisi�me Soeur fut appel�e pour diriger les travaux manuels. On en demanda une quatri�me, en 1827, et deux autres, en 1842. On songea � cr�er une salle d'asile, en 1845, et un cours sup�rieur, avec pensionnat, en 1849. La Congr�gation de la Doctrine-Chr�tienne se pr�ta volontiers � ces am�liorations, et la ville donna, sans marchander, sou appui et ses subsides (202). De 1845 � 1880, l'enseignement congr�ganiste eut, comme �mule, une institution libre, tenue par les dignes demoiselles Tanche (203). De ces deux maisons, qui d'ailleurs v�curent toujours en bonne harmonie, sortirent toutes les dames et demoiselles qui devinrent l'�lite de la r�gion.
L'enseignement des gar�ons fut aussi soign� que celui des filles et fut donn� par des ma�tres aussi recommandables. Ce furent Louis Tanche, de 1810 � 1832; Joseph Barth�l�my, de 1832 � 1842; Michel, de 1842 � 1854; Charles Barth�l�my, de 1854 � 1876. On crut utile, vers 1854, d'ouvrir aussi un cours sup�rieur, et les deux Fr�res Th�odore et Hippotyte, de la Doctrine-Chr�tienne, enseign�rent avec succ�s, dans des locaux ayant appartenu aux Capucins; mais la guerre de 1870 fit tomber leur entreprise. Le plus brillant effort pour d�velopper la science fut sans contredit l'institution du Coll�ge municipal, o�, pendant un demi-si�cle, la jeunesse de la r�gion re�ut l'instruction secondaire.
Cette initiative sembla aux �diles de Bl�mont une suite naturelle de la classe de Latinit�, qu'avait reprise l'Abb� Fidry (204), en 1802, et que continua l'abb� Lebon (205), jusqu'en 1819. Pour se conformer � la loi, la ville d�clara qu'elle voulait ouvrir une �cole normale ou coll�ge communal avec quatre ma�tres la�cs. Louis Tanche, instituteur, en �tait nomm� Principal. Mais, un an apr�s, il fallut revenir � l'abb� Lebon, que l'on pria de choisir ses aides. Il prit des eccl�siastiques et r�ussit


COLL�GE DE BL�MONT
(ancien couvent des Religieuses de Notre-Dame)

assez pour songer � cr�er un Internat. La ville, entrant dans ces vues, acquit et am�nagea progressivement les b�timents des Religieuses de Notre-Dame. En 1827, il y avait dix-huit internes et quantit� d'externes, dont les meilleurs enfants de l'�cole, admis comme boursiers de la ville. Les r�sultats furent tels que le conseil inscrivit sur son registre ce bel �loge du Principal : ���L'Abb� Lebon, pr�tre plein de z�le et de talent, a fait fleurir le coll�ge au plus haut degr�. � Cependant, � bout de forces, le digne eccl�siastique dut abandonner sa t�che, le 7 mai 1833, et la c�der � l'abb� George, puis � l'abb� Champion, neveu de Mgr Donnert, qui ne firent que passer. De 1837 a 1841, l'oeuvre p�riclita, au grand regret de la ville, qui voyait prosp�rer, au contraire, tous les coll�ges semblables au sien, � Vic, � F�n�trange et ailleurs.
Pour un supr�me essai, le conseil s'adressa au vicaire qui, depuis quatre ans, se faisait appr�cier aux c�t�s du cur� Mengin, l'abb� Marsal (206), et lui laissa toute initiative, en lui promettant tous les subsides n�cessaires. Sans plus tarder, l'actif Principal organisa salles d'�tude et de classe, dortoirs, cours de r�cr�ation et m�me potagers. Il r�va d'une institution capable de faire obtenir le baccalaur�at et chercha des ma�tres comp�tents. Plusieurs furent remarquables : les abb�s Guyot, Rolle, G�rard, Richard, Petitcolas. Le c�l�bre compositeur Marteaux y dirigea une fanfare, que l'on devine excellente. Le r�glement fut celui d'un s�minaire ; l'entrain � l'�tude fut merveilleux, l'�ducation soign�e. L'uniforme comprenait la tunique militaire en. drap bleu de roi, avec col bleu clair et boutons d'or, orn�s du chiffre B ; le pantalon de m�me avec bande bleu clair ; le ceinturon de cuir et le k�pi � la fran�aise avec galon d'or. On a dit que cette gent �coli�re fut parfois bruyante, voire m�me ind�pendante; la v�rit� est qu'elle n'eut point la crainte qui �loigne du ma�tre et qu'elle usa entre �l�ves d'une franche camaraderie. Les quatre plus sages avaient le titre et le r�le de sergents et r�pondaient de l'ordre. Cette surveillance �tait suffisante et bien accept�e. Pour les offices religieux, on am�nagea, en 1848, une magnifique chapelle, dont on peut encore admirer les nervures et les chapiteaux gothiques, malgr� les mutilations de la derni�re guerre.
Les plus beaux temps de cette institution sont compris entre 1840 et 1860; le nombre des internes s'�levait jusqu'� cent. Il en sortit un grand nombre de m�decins, d'officiers, de notaires et d'autres personnalit�s importantes ; il s'y pr�para une pl�iades d'eccl�siastiques, qui laiss�rent des noms v�n�r�s dans le pays.
L'abb� Marsal fut remplac�, en 1856, par le jeune abb� Voinot, qui resta seulement deux ans Principal, et par l'abb� Hauteville, qui prit le titre de Sup�rieur (1858). Les �tudes furent toujours bonnes, mais la discipline, dit-on, se mit � p�ricliter, pour avoir exc�d� de rigueur. Survint � Nancy Mgr Lavigerie, dont le d�sir d'innover est bien connu et qui voulut rendre dioc�sains tous les coll�ges communaux. La rentr�e de 1863 se fit avec un personnel tout nouveau : l'abb� Gondrexon, sup�rieur; l'abb� Georges, directeur; l'abb� Gascon, �conome, remplac� plus tard par l'abb� Blondot. Sans que le m�rite des ma�tres f�t en cause, le coll�ge alla en faiblissant jusqu'� la guerre; en 1869, il n'y avait plus que douze internes. A Vic et � F�n�trange, il en fut de m�me. La vogue �tait aux grands 1yc�es ; les chemins de fer facilitaient l'acc�s des grandes villes; les gens de la province voulaient avoir mieux que les �l�ments locaux, qui leur avaient suffi jusque l�.
Quand la guerre �clata, en juillet 1870, la date de la sortie fut avanc�e et il n'y eut plus de rentr�e, du moins pour les eccl�siastiques. Pourtant, apr�s l'occupation, en 1873, la ville voulut rouvrir un �tablissement qu'elle croyait toujours utile. Elle s'adressa � M. G�rardin, pr�c�demment directeur d'un petit pensionnat � Insming, et lui donna comme aides M. Labourel et deux r�p�titeurs. Les �tudes furent restreintes aux mati�res scolaires et aux rudiments des lettres. L'Internat fut peu fr�quent� et en hiver seulement. Vers 1880, il fallut se r�signer � fermer les portes d'une institution, qui n'avait pas manqu� de gloire.

3� La Guerre franco-allemande

Vers la fin de l'Empire, l'esprit du Bl�montois s'�tait grandement modifi�. Des r�ves de libert� l'avaient d�tach� de Napol�on III, de sorte qu'au pl�biscite du 8 mai 1870, il se trouva 107 bulletins nuls et 414 bulletins d'opposition, sur les 3630 inscrits et les 3.158 votants du canton. Non seulement les villages de la Vesouze se laissaient gagner � l'id�e r�publicaine, mais aussi les autres milieux, plus attach�s, jusque l�, au parti Conservateur.
Arriva bient�t un cruel lendemain : la guerre d�clar�e le 15 juillet, et les hostilit�s commenc�es de suite.
Sur l'initiative de son maire, Bl�mont vota, le 24 juillet, un secours de 1.000 francs pour les bless�s, pr�para cent lits dans le coll�ge et attendit. La compagnie de la Garde mobile fut organis�e par le capitaine M�zi�res et le lieutenant Genfeld.
On sait les p�nibles r�sultats des batailles engag�es, le 6 ao�t, pr�s de Haguenau, et la retraite pr�cipit�e du corps d'arm�e de Mac-Mahon. Le mardi 9, arriva, par la route de Sarrebourg, l'avant-garde, puis le gros des troupes vaincues. C'�tait une cohue lamentable de soldats de toutes armes, le visage h�ve, sans ordre, la plupart sans fusil ou sans sac. Ce spectacle est toujours l� dans nos yeux d'enfant. Les cavaliers, dont la mission �tait plut�t de prot�ger les fantassins, continu�rent leur route, et laiss�rent ceux-ci camper � Bl�mont pendant une nuit. Au petit jour, tous avaient repris leur marche, non sans avoir d�valis� auberges, boulangeries et �piceries.
Les fuyards �taient � peine partis qu'arrivaient d�j� les Allemands. Le soir m�me, ils s'�taient empar�s de tous les services municipaux et agissaient en ma�tres. Leur avance m�thodique fut si rapide que, le surlendemain, 12 ao�t, � midi, un escadron de uhlans mettait pied � terre au centre de Lun�ville.
Le dimanche 7, tous les conseils municipaux avaient d� �tre renouvel�s, mais il ne sortit du vote que des conseils incomplets. A Bl�mont, neuf membres �lus constitu�rent une commission provisoire, qui fut charg�e de parer � toutes les �ventualit�s. Chacun d'eux remplit son mandat avec tact et probit� : c'est le t�moignage qui se trouve annex� au proc�s-verbal de mai 1871, alors que finissait ce mandat.
Les troupes allemandes, passant en courant, durant tout le mois d'ao�t, impos�rent �a et l� des r�quisitions brutales. Le Prince royal avait mis � la charge des communes les rations � fournir; soit deux francs par homme et par jour, et quarante-cinq francs pour les officiers.
D�s le 8 septembre, les troupes d'occupation s'install�rent dans le pays et log�rent les bureaux de leurs services � l'h�tel de ville de Bl�mont. Le 15 septembre, le modeste bourg apprit avec stup�faction qu'il lui faudrait payer une contribution annuelle de 30.907 francs, sans compter les imp�ts fonciers, qui devaient se lever � part, et les droits indirects, dont un tiers devait �tre servi aux Prussiens. Pour satisfaire � ces exigences impr�vues, le maire, Mathis de Grandseille, obtint de ses amis un pr�t � la ville de 20.000 francs. Au 31 d�cembre, les d�penses pesant sur les habitants atteignirent le chiffre effrayant de 99.300 francs. Peu apr�s, il fallut payer la quote-part de la taxe impos�e au d�partement, puis celle de l'amende inflig�e � cause du pont de Fontenoy. Bient�t les charges de toutes sortes furent telles qu'elles d�pass�rent sept fois la valeur globale des revenus fonciers. Le maire, Mathis, crut devoir implorer la cl�mence de l'empereur Guillaume, en faisant valoir la dette flottante de la ville, qui se montait � 50.000 francs, mais il n'eut pas l'honneur d'une r�ponse, et il fallut de nouveau recourir � un emprunt de 30.000 francs. Ces embarras financiers s'arrang�rent peu � peu, dans la suite, gr�ce � l'habilet� de la commission municipale, gr�ce surtout au d�vouement de MM. Mathis et Cholet, maire et adjoint, dont le nom ne peut-�tre oubli�.
Les autres villages du canton eurent � r�soudre des difficult�s pareilles, bien que moindres. Mieux valaient ces plaies d'argent que la d�vastations, les incendies ou les massacres, qui souvent viennent les aggraver : c'�tait la guerre et la France �tait battue.
La r�gion, relativement pr�serv�e, fut prompte � se relever. En deux ann�es, notre g�n�reux pays sut se lib�rer de l'�norme dette des cinq milliards.
Bl�mont subit, jusqu'au dernier jour, la pr�sence des troupes allemandes d'occupation. Elles �taient log�es dans des baraquements, dress�s pr�s du pont du Xa, dans la prairie qui borde la Voise. C'est le 2 ao�t 1873 que les derniers de ces soldats repass�rent, dans la direction de Saint-Georges, une fronti�re non �loign�e alors, mais aujourd'hui glorieusement recul�e jusqu'au Rhin.


CONCLUSION

Nul ne s'�tonnera de nous voir clore ici notre �tude. Pour �tre incorpor�s � l'histoire, les faits ont besoin de lointain et il est toujours d�licat de mettre en sc�ne et de juger des personnalit�s qui peuvent encore exister.
De plus, notre r�gion se trouve � un tournant d�cisif, qui en a grandement modifi� l'aspect. Il est difficile, par exemple, d'�tablir un parall�le entre les temps que nous venons de d�crire et le demi-si�cle qui s'est �coul� apr�s la guerre de 1870, tellement les id�es, les moeurs et m�me les ressources mat�rielles ont chang�. Ne faudrait-il pas abandonner notre optimisme, en constatant la m�vente de la terre et de ses produits, la diminution de la population rurale par suite de l'abaissement de la natalit� et de l'exode vers les centres industriels ? Le malaise agricole, caus� par la raret� de la main-d'oeuvre, est particuli�rement sensible dans notre r�gion. La ville de Bl�mont, elle-m�me, priv�e de ses tanneries et de sa forge, amoindrie dans sa population et dans son commerce, n'est plus l'industrieuse capitale d'autrefois. Quelles causes ont amen� cette d�ch�ance relative ? Il serait peut-�tre d�licat de le rechercher. Mieux vaut, pour conserver l'union, qui est une source de force, exprimer le confiant espoir que Dieu ram�nera, dans un avenir prochain, les prosp�rit�s et les joies, qui nous ont souri dans le brillant pass� que nous venons d'�voquer.


(182) Hourdiaux � Foulcrey; Dedenon � Igney; Rondeau � Remoncourt, Saulnier � Harbouey.
(183) Archives de l'Ev�ch�.
(184) Michel : Biographies Lorraines.
(185) Voir Dedenon : Notice sur le g�n�ral Klein; Pays Lorrain, ao�t 1930.
(186) Voir Pays Lorrain, 1910, p. 236.
(187) Extrait du Registre des D�lib�rations de Bl�mont.
(188) Voir Benoit : Invasion de 1814 ; M�moires du g�n�ral comte de S�gur, III, p.103. - Bouvier : Les premiers Combats de 1814, p. 37. - Erckmann-Chatrian : L'Invasion ou le fou J�goff.
(189) Voir Journal de la Lorraine et du Barrois, 6 mai 1814.
(190) Brice Nicolas No�l, n� � Lorquin en 1781, �tait capitaine dans la Garde imp�riale en 1814. Il rentra dans l'arm�e en 1830, fut g�n�ral en 1848. Il mourut � Nancy en 1861, commandeur de la L�gion d'honneur. Voir Benoit ; Les Corps francs du Commandant Brice; Annuaire de 1852; Pays Lorrain, 1926.
(191) Il ne resta de l'ancien conseil que Lahalle, Pierron et Thomassin; furent �limin�s G�rard, Fromental, Vaultrin, Jacquot, Mercier et Lafrogne ; furent �lus � leur place Antoine, Batelot, Charron, Duchamp, Hertz et Matins.
(192) N� � Bl�mont, en 1785, il �pousa Louise Dufays et en eut deux filles : Catherine, mari�e, en 1840, � Emile Mathis, de Grandseille, et Mathilde, mari�e � Aymar le Harrivel de Gonneville, de Nancy. Son fr�re, Louis-Fran�ois-Marie, se fixa � Saint-Maurice, vers 1820, et y exploita la forge de ce lieu, jusqu'� sa mort, en 1835.
(193) Le premier concours de ce Comice � Bl�mont, eut lieu en 1847; il se renouvela chaque sept ans, puis chaque neuf ans apr�s 1870.
(194) Cette Communaut� comptait alors une centaine de membres; elle eut, pour ministres officiants : MM. L�vy, mort en 1870, et Marx, jusqu'� 1903. Herb�viller eut aussi des familles isra�lites jusque vers 1880; une cloche de l'�glise honorait le tr�pas de leurs membres, parce qu'elles avaient voulu participer aux frais de la sonnerie. D'autres �l�ments non catholiques sont aussi � signaler en divers lieux : � Bl�mont, une colonie de R�form�s de l'Eglise de Metz, au nombre de trente, amen�e � Bl�mont, vers 1841, par Gogelein, brasseur; une autre de la Confession d'Augsbourg, introduite vers 1848, toutes deux disparues bient�t apr�s; � Herb�viller et surtout � Repaix, une colonie d'Anabaptistes, originaires d'Alsace, perp�tu�e jusqu'� nos jours.
(195) Petites Affiches de Lun�ville, 8 avril 1848.
(196) Journal de Lun�ville, 13 janvier 1849
(197) Emile Mathis, fils de Louis, propri�taire de Grandseille depuis 1814, fut capitaine de Pontonniers et d'Artillerie, chevalier; de la L�gion d'honneur. Il se maria � Bl�mont avec Catherine Batelot, qui lui donna : Claire-Marie, mari�e � Charles Haldat du Lys; Ren�, n� en 1847, garde-g�n�ral des for�ts; Marie, mari�e � Fr�d�ric d'Hausen. Elu conseiller d'arrondissement apr�s son p�re, puis conseiller g�n�ral, de 1865 � 1874, il mourut � Bl�mont, en mars 1889, �g� de 85 ans.
(198) Jean-Baptiste Lahalle, n� � Vom�court (Vosges), en 1776, �tudiant � Strasbourg, �l�ve � Paris du c�l�bre chirurgien Bichat, conseiller d'arrondissement vers 1815, mort en 1843. Sa biographie a �t�-publi�e par le Docteur Lesaint, son gendre.
(199) Jules Lesaint, n� � Azerailles; �tabli � Bl�mont, vers 1825, apr�s son mariage ; mort vers 1895; auteur de plusieurs rapports sur la science zoologique, notamment sur l'H�lix personnata et sur le saurien, d�nomm� par Meyer : Simosaurus gaillardotii.
(200) Cette association re�ut, en 1869, un legs important de M. Vaultrin, pour l'habillement de vingt pauvres et pour l'achat de costumes devant servir aux premiers communiants.
(201) Joseph Mengin, n� � Domjevin, en 1797, cur� de Fr�monville (1825), de Bl�mont (1834) jusqu'� sa mort, tr�s appr�ci� pour son humeur toujours plaisante.
(202) Ne pouvant nommer toutes les religieuses qui pass�rent � Bl�mont, il nous faut citer au moins les deux Sup�rieures, dont le souvenir reste vivant parmi les anciennes �l�ves : Soeur Hyacinthe Bonissant, si d�vou�e � ses enfants terribles, et Soeur Eudoxie, professeur �m�rite, dont les succ�s ne se comptaient plus. Les Bl�montais ne nous pardonneraient pas de ne pas mentionner aussi Soeur Bernardine Grandadam, la l�gendaire ma�tresse d'asile, qui �merveilla et moralisa si bien leur premi�re enfance.
(203) Elles �taient filles de Louis Tanche, excellent instituteur, qui pr�conisa le syst�me dit : �cole mutuelle, consistant � faire r�p�ter les le�ons dans les cercles d'enfants de m�me force. Elles donn�rent � leur pensionnat le nom d'Ecole Mutuelle et Manuelle.
(204) Pierre Fidry, n� � Metz en 1745, chanoine r�gulier, mari� � Dom�vre en 1794, r�concili� et veuf, se fait professeur � Bl�mont et y meurt en 1826, �g� de 80 ans; a laiss� tous ses biens � l'Hospice.
(205) Louis Lebon, n� � Bezange-la-Petite, en 1790, vicaire de Bl�mont, cur� de Gogney de 1815 � 1841; mort � la Coll�giale de Bon-Secours en 1871.
(206) Jean-Fran�ois Marsal, n� � Saint-Maurice, en 1810, vicaire de Bl�mont en 1836, principal du coll�ge, auxiliaire, puis successeur du cur� Mengin, jusqu'� sa retraite, en 1877.

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