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Nous avons d�j� �voqu�
l'aspect politique de Ren� Mathis-de-Grandseille (1847-1931),
maire de Verdenal, fils de Emile Mathis-de-Grandseille et
Marie-Louise Batelot.
Rappelons que la famille Mathis avait acquis les restes du
marquisat de Grandseille en 1775, en la personne de Gustave
Adolphe, ancien officier au service du grand-duc de Toscane
(puis de son fr�re Louis Nicolas, conseiller au baillage de
Dieuze) ; ce n'est d'ailleurs que par d�cret royal du 1er
novembre 1816 que Louis-Nicolas Mathis avait obtenu
l'autorisation d'adjoindre �� de Grandseille � � son nom.
Un si�cle plus tard, la famille est grandement impliqu�e dans le
tissu �conomique, alli�e � la famille d'Hausen (Fr�d�ric d'Hausen
a �pous� Marie, soeur de Ren� Mathis-de-Grandseille) notamment
dans la continuation de la taillanderie Batelot, puis la fin des
forges de Bl�mont (voir 1896 - La
forge morte).
Le 4 octobre 1877, Ren� Gabriel Aymar Mathis de Grandseille
avait �pous� Jeanne Miller (1853-1936) : le couple aura trois
filles : Th�r�se, H�l�ne et Gabrielle.
Dans le curieux article ci-dessous (curieux tant par sa forme
alambiqu�e que par des conclusions disproportionn�es � sa faible
valeur informative) est �voqu�e la figure du p�re de Jeanne
Miller, le pal�ographe et hell�niste Emmanuel Cl�ment B�nigne
Miller (1812-1886) et son entourage d'intellectuels : l'abb�
Henri Lacordaire (1802-1861), le m�di�viste Gaston Paris
(1839-1903). l'arch�ologue Salomon Reinach (1858-1932). On note
aussi la visite en Lorraine de Sophie Littr� (1838-1927), fille
et collaboratrice d'Emile Littr�. Quant � Eug�nie de Gu�rin
(1805-1848) elle n'est cit�e que par allusion � son �� Journal �.
On voit ainsi s'entrem�ler dans la haute bourgeoisie de la
seconde moiti� du XIX�me
si�cle, des h�ritiers de l'ancienne noblesse lorraine, des
industriels, des politiciens et militaires conservateurs, des
membres du clerg� et nombre de repr�sentants des acad�mies
litt�raires.
Le Pays
Lorrain
1924
LE CHATEAU DES DAMES A BAYONVILLE
Ch�teau de l'Hoir mon Vau, du
c�t� de Mye-ville, et Ch�teau des Dames, � l'oppos�, du c�t� de
la rue Biard ou de Bias. Deux ch�teaux, sans parler des ruines
de la maison-forte qui valurent jadis � Bayonville son surnom de
BayonviIle-aux-Trois-Tours. sans parler enfin de la closerie, au
haut du Monc�, o� s�journaient les religieux de la puissante
abbaye d'Orval...
Le Ch�teau des Dames dont il va s'agir ici, encore qu'il soit
peu �loign� du gaulois lieudit : Le Trou des F�es, n'est point
hant�, comme les celtisants le pourraient croire, par les dames
blanches ou doubles aith�riques des d�funtes ch�telaines qui
errent encore autour des tourelles o� s'�coula, morne ou vive,
leur vie terrestre. Le Ch�teau des Dames fat ainsi nomm� par les
villageois, parce que longtemps, longtemps, y v�curent presque
toujours seules quatre ou cinq dames, dont l'existence � la
campagne nous fournit de pr�cieux renseignements sur les
occupations de ces ch�telaines, en l'absence du maitre parti
pour quelque conqu�te de la Toison d'Or, pour quelque
merveilleuse croisade de la science en terre d'Orient.
Les dames ? Ce sont Madame Julie Miller, jeune fille de Metz ;
Mademoiselle la toute jeunette Jeanne Miller, future Madame
Mathis de Grandseille ; Hortense, soeur de Madame Miller ; une
tante nomm�e Jos�phine ; enfin une a�eule qui s'�teignit au
d�but des temps qui nous occupent. Ceci se passe en 1863, et
1864 surtout.
Point donc de f�erie au Ch�teau des Dames. A peine de r�guliers
et quotidiens rendez-vous t�l�pathiques, si l'on peut parler
d�j� ce langage en 1864.
�� Ainsi, �crit de Panagia (dans l'�le de Thasos), l'Absent,
entre onze heures et midi, tous les jours, except� le dimanche,
j'entrerai dans ta chambre de travail et je te regarderai �crire
et jouer du piano. Pense que je suis l�, aupr�s de toi, et si tu
veux faire un grand plaisir � ton pauvre papa, accepte avec
patience, avec r�signation, les le�ons de piano. J'ai bien
autrement � souffrir ici, debout, toute la journ�e, en remuant
des marbres qui sont aussi lourds que la terrasse de Bayonville.
� (A Mademoiselle Jeanne Miller, 4 juillet 1864.)
Le 8 ao�t suivant, une lettre de Panagia reparle des invisibles
pr�sences :
�� J'ai beau �tre fid�le au rendez-vous donn� par Jeanne, entre
onze heures et midi, je n'en sais pas davantage, et si mon
imagination vous fait parler et agir, je n'en d�sire que plus
vivement savoir par vous-m�mes si j'ai devin� juste. �
Le 1er septembre : �� Je vais bien souvent au rendez-vous que tu
m'as donn�, mais je ne vois pas que tu occupes toujours bien ton
temps dans ce petit cabinet o� je serai si heureux de me
retrouver avec vous. �
Comme on comprend les souffrances de l'exil�, rien qu'� lire ces
sobres pr�occupations de communier en amour dans le sentiment de
famille ! Je vis toujours au milieu de vous par la pens�e c'est
le mot qu'�crit le savant en mission d'�tudes devers le
myst�rieux Orient.
Car ce grand savant se double d'un mari � l'in�puisable
tendresse et d'un p�re au large coeur. Sa foi ardente est pour
lui un saint viatique � travers ses p�r�grinations en Italie, en
Espagne, en Russie, � Constantinople, en Gr�ce. Et les d�tails
les plus futiles de la vie domestique prennent pour lui une
exceptionnelle importance, d�s qu'un peu de l'�me des siens s'y
attache. Aussi ces lettres du savant vont-elles nous aider �
recomposer la vie au Ch�teau des Dames, � cette �poque d'avant
la funeste guerre de 1870.
Alors qu'il visitait les nombreux monast�res du Mont-Athos,
l'orientaliste �crivait de sa fille ; �� Je compte toujours sur
ses bonnes pri�res pour m'obtenir quelque trouvaille heureuse �
la fin de mon voyage. Dites-lui que je lui pardonne de m'�crire
si peu, mais qu'il faut qu'� mon retour, elle me montre un beau
cahier bien soign�, contenant quelque composition de sa fa�on,
une histoire, des com�dies, ce qu'elle voudra qu'elle m'ex�cute
sur le piano beaucoup de morceaux que je n'aye point entendus
qu'elle me fasse des pi�ces de vers. � (1863).
De Panagia (Thasos) : �� Ici, je n'ai point de messe, le
dimanche. Mais je vous accompagne, par la pens�e, � l'�glise de
Bayonville. �(24 juillet 1864.)
�� Une chose me console, c'est que nous voici bient�t en
septembre, c'est-a-dire que le moment de vous revoir approche.
Vous me raconterez votre �t�, vos craintes, vos esp�rances, vos
jouissances morales, si l'annonce de mes d�couvertes vous en a
procur�, vos visites, vos repas, vos promenades, les canards et
les poules de Jeanne, ses mauvaises le�ons de piano, ses bons
moments, si rares qu'ils aient �t� vous me raconterez tante
Jos�phine et ses recommandations, enfin, tout Bayonville. �
Cette lettre, partie de Thasos le 17 ao�t 1864, pouvait faire
allusion peut-�tre au diff�rend qui mettait aux prises �
Bayonville un grand nombre de propri�taires avec la commune, �
laquelle ils demandaient 300 francs de dommages-int�r�ts pour la
chaude et fameuse affaire de propri�t� �� du tr�fond du Tr�ma �.
Cette vie au ch�teau, en l'absence du savant, �tait bien souvent
d'une indicible m�lancolie. �� Je n'ai pas besoin de vous dire
tout le plaisir que m'a fait votre lettre. �� Je vois que vous
�tes en distractions, et je me r�jouis � la pens�e que vous avez
moins de temps pour vous livrer � vos id�es noires.
�� Je vous fais compliment de la mani�re dont vous arrangez votre
voli�re; je serai bien heureux quand je m'y retrouverai avec
vous. Malheureusement, ce ne sera pas cette ann�e.... � (25 ao�t
1864.). C'est alors que bat la f�te patronale du village, suivie
des messes et anniversaires pour les morts. La pens�e du savant,
oiseau du coeur. s'�lance vers Bayonville. Elle jaillit des eaux
m�diterran�ennes de la Gr�ce, de la soleilleuse �le de Thasos :
�� Je regarde surtout � gauche, dans la direction de la France,
et je cherche � calculer quel arc de cercle je dois couper sur
l'horizon pour vous rejoindre � Bayonville. � Puis il ajoute : ��
Dans trois jours, je serai de coeur avec vous, j'entrerai tout
recueilli dans cette chambre que vous avez convertie en cabinet
d'�tudes, et je m'associerai � vos pri�res. Je n'ai point
d'�glise catholique ici, je le regrette vivement, dans cette
circonstance surtout. J'irai en id�e dans celle de Bayonville et
je me glisserai dans le petit banc aupr�s de vous. Beaucoup dans
le village vous accompagneront, parce qu'elle a laiss� apr�s
elle des souvenirs de bont� et de charit� qui feront toujours
b�nir sa m�moire.
�� Vous ne m'avez pas parl� de la F�te-Dieu. Est-ce que vous
n'avez pas fait de reposoir cette ann�e ? Est-ce que Jeanne n'a
pas eu cette agr�able distraction ? � (1er septembre 1864.).
Ce jour-l�, le savant destine � sa fille un mot particulier. ��
Je me r�jouis avec toi de l'arriv�e de Mademoiselle Littr�...
Tes pigeons et tes poulets m'int�ressent beaucoup moins, et
j'aimerais beaucoup mieux m'occuper de ta nouvelle compagne. Je
te f�licite de ton talent, et puisque tu joues si bien de
l'�crevisse, tu m'aideras � fournir le garde-manger les jours o�
les beaux messieurs et les belles dames de la ville viendront
nous voir... �
�� Tout cela, vois-tu, ne vaut pas Bayonville. Aussi j'aime mieux
aller te retrouver, le plus t�t possible. J'ai h�te de lire ton
journal, car je suppose que tu en fais un et qu'Eug�nie de
Gu�rin stimule ton �mulation, ainsi que ton recueil d'histoires,
celui que je dois faire imprimer...
�� Il existe un ouvrage allemand sur l'�le de Thasos. Tu me le
traduiras, ou du moins tu m'aideras � le comprendre. Les filles
des membres de l'Institut sont oblig�es d'�tre savantes et
d'aider leurs p�res dans leurs travaux. Nous verrons si tu feras
comme Mademoiselle Littr�. � (Ile de Thasos, 1er septembre
1864.)
Le projet de retour, contrari� par les trouvailles r�alis�es, et
les difficult�s de toutes sortes, est abandonn� par M. Miller.
��Je ne parle pas du plaisir que m'ont procur� vos lettres dans
la d�tresse morale o� je me trouve en ce moment. Je me
transporte aupr�s de vous et je prends part � vos petites
r�unions o� chacun apporte sa part de ga�t� et d'esprit. Je
voudrais bien aussi r�apprendre un peu de ce que c'est que de
s'asseoir � une vraie table, d'avoir devant soi un peu de
bouillon de boeuf, une tranche de gigot r�ti, et de boire un peu
de vin qui ne soit pas empest� de r�sine. Vous dites quelquefois
que votre vall�e est triste et qu'on s'y cr�tinise, venez donc
passer ici quelques mois, seules, et vous ferez apr�s la
comparaison. � (Thasos, 25 septembre 1864.)
�� Voil� pourtant la vie que je m�ne, et je ne suis pas encore
fou Tandis que je pourrais �tre si tranquillement � Bayonville
aupr�s de vous. Je nous vois, les jours de pluie, r�unis dans le
salon, vous et Hortense faisant marcher votre aiguille, les
autres leur langue, et moi ma plume. Tout cela, ce sont des
tableaux fantastiques, qui me passent devant les yeux. �(Thasos,
28 septembre.)
�� J'aimerais bien vous �gayer, vous int�resser, avoir du nouveau
� vous raconter. Mais, h�las je tourne toujours dans le m�me
cercle. Vous me parlez de la monotonie de votre existence, il me
semble au contraire qu'elle est tr�s accident�e, tr�s anim�e,
compar�e � celle que je m�ne depuis quinze jours. Je sens que
Bayonville m'inspirerait, et que si j'avais � y �crire des
lettres, je ne serais pas embarrass�. �(1er octobre.)
La joie du retour �clate � la fin du m�me mois, dans une lettre
d�bordante d'enthousiasme �� Je serai donc certainement aupr�s de
vous avant le premier janvier, car je tiens � commencer l'ann�e
avec vous. J'ai amass� des tr�sors in�puisables d'affection, de
d�vo�ment et d'adoration, que j'aurai tant de plaisir � d�penser
pour vous. Vous �tes le but de mes pens�es et de mes actions. �
Et Emmanuel Miller, membre de l'Acad�mie des Inscriptions et
Belles-Lettres, ne tardait pas apr�s son second voyage en Orient
� regagner son pays d'adoption, cette Lorraine qu'il aimait
tant, et ce d�licieux s�jour ombrag� de Bayonville, sur la rive
claire du Rupt-de-Mad o� Jeanne savait � merveille mener p�che
d'�crevisses.
Miller aurait pu dire de Bayonville ce que son grand et illustre
ami, Lacordaire, de Rome, � la date du 7 ao�t 1836, lui �crivait
sur son propre village :
�� Mon cher Emmanuel.... Mon imagination ne me transporte jamais
dans les sc�nes de la soci�t�, au th��tre, au bal, aux banquets,
aux conversations mais souvent encore elle me ram�ne aux sc�nes
de la nature. Je vois mon village, j'entends le bruit du vent
dans les bois, le parfum des fleurs me trouble doucement. �
Emmanuel Miller, se trouvant aux c�t�s du duc de Morny, lors du
couronnement du tsar Alexandre II. � Moscou (1856), s'esquiva et
se r�fugia dans sa petite chambre. �� Que voulez-vous ? Je ne
puis m'int�resser qu'� ce qui me fait penser � vous. Ce qui me
pr�occupe surtout, ce sont vos actions, vos paroles, vos
plaisirs, vos ennuis. Je voudrais �tre pr�s de vous, pour vivre
de votre vie, prendre part � vos promenades aussi je t�che de me
figurer que je ne suis pas � 700 lieues de vous. Qu'il s'agisse
d'un bois o� vous �tes all�e vous asseoir avec ma m�re, Hortense
et Jeanne, je l'aimerai. En un mot, qu'il soit question de vous
et de tous ces �tres que je ch�ris du fond du coeur, � cette
condition j'accepterai les descriptions quelles qu'elles soient.
J'�tais n� pour la vie. primitive, au milieu de la nature, �
condition toutefois d'y avoir pr�s de moi ce que j'aime le mieux
au monde. �
Le savant pal�ographe et �minent arch�ologue, apr�s avoir
p�r�grin� � Ravenne, Rome, Florence, Milan, Madrid, l'Escurial,
Moscou, le Mont-Athos, Constantinople, l'�le de Thasos, vint
retrouver ce cher Bayonville o� il aimait � se reposer tous les
ans de ses savants travaux. �� II aimait, nous dit le marquis de
Queux de Saint-Hilaire dans sa Notice sur la vie et les travaux
de M. Emm. Miller. la vie d'un v�ritable campagnard sous
pr�texte de passion pour la p�che � la ligne, il passait de
longues heures dans une petite barque qu'il affectionnait tout
particuli�rement, en compagnie d'�preuves � corriger ou de
quelque livre grec dans lequel il se livrait, avec plus de
succ�s que dans sa p�che aux poissons, � la chasse aux mots
inconnus. �
Prot�g� par le marquis de Fortia d'Urban, qui donna la premi�re
�dition compl�te des oeuvres de Vauvenargues, dont il d�tenait
tous les papiers, ami de Lacordaire, de Gaston Paris, de Salomon
Reinach et d'une foule d'�rudits et de savants, Miller v�cut
jusqu'en 1886. Ses pr�cieuses trouvailles artistiques et
�pigraphiques ont enrichi le Mus�e du Louvre. La liste compl�te
se trouve dans le Mont-Athos, que publia Ernest Leroux � Pans,
en 1889, avec la documentation donn�e par Mme Mathis de
Grandseille-Miller, et o� nous avons nous-m�me puis� largement.
Gaston Paris, parlant le 15 janvier 1886 � l'Acad�mie des
Belles-Lettres, � propos de la mort de l'h�te illustre de notre
village de Bayonville, disait � ses savants confr�res : �� M.
Miller �tait par excellence un esprit investigateur, et sa
curiosit� ne se bornait pas � l'antiquit� grecque, ni m�me �
cette litt�rature byzantine qu'il connut mieux que personne et �
laquelle sont consacr�es plusieurs de ses plus importantes
publications. Il s'int�ressait a l'histoire et � la litt�rature
de Rome et du moyen �ge. � l'histoire et � la litt�rature
fran�aise des derniers si�cles, et dans ces domaines, il a fait
de piquantes et profitables excursions. �
Et Salomon Reinach, qui a catalogu� les divers et multiples
travaux du savant, a �crit sur Emmanuel Miller : �� Miller a �t�
un pal�ographe et un hell�niste de l'esp�ce des grands �diteurs
de la Renaissance... Personne, peut-�tre, depuis Allatius et du
Cange, n'a �t� aussi familier que lui avec la litt�rature
grecque du moyen �ge. A cet �gard, il laisse en Europe un vide
difficile � combler, et bien des ann�es passeront sans doute
avant que ce byzantiniste �minent ait trouv� un successeur. �
Ainsi, comme on le voit, le Ch�teau des Dames ne fait point
songer aux promenades nocturnes, par les bleus clairs de lune.
des dames celtiques au corps fant�mal... Le corps astral des
ch�telaines mortes ne revient pas r�der aux entours des
boudoirs, o� mollement, elles balanc�rent jadis un �ventail
paillet� d'or, en �coutant le galant compliment du damoiseau
voisin.
Point de fait surnaturel ici. Le drame qui s'est jou� l� est
humain, et partant, plus poignant peut-�tre.
Une famille - et quelle famille ! un savant d'Europe - unie par
une incomparable puissance d'amour, est d�chir�e dans son �me
par la Science, cette souveraine au vidage s�v�re, au coeur de
roche, qui ne laisse arracher un peu de sa myst�rieuse Toison
d'or qu'aux Argonautes h�ro�ques, qui ont la fermet� de se
refuser aux douceurs du foyer pour braver les orages des
lointains exils. Ces d�chirements d'�me, ne les sentez-vous
point fr�mir encore dans cette appellation tendre et secr�tement
m�lancolique, que nos gens du village ont donn�e � la demeure
des Miller : le Ch�teau des Dames ?.... (1).
Gabriel GOBEON.
(1) Voir le Mont-Athos, par Emm. Miller (Ernest Leroux. Pans,
1889) et Notice sur la vie et les travaux de M. Emm. Miller, par
le marquis de Queux de Saint-Hilaire (Leroux, �diteur) oeuvres
diverses de Salomon Reinach, principalement sa Notice
n�crologique, etc.
M�moires de
l'Acad�mie de Stanislas
S�ance publique du 13 mai 1886
Compte rendu de l'ann�e 1884-1885 par M. l'abb� Mathieu
[...]
Permettez � votre secr�taire annuel de vous en donner la preuve
en r�sumant les travaux et les �v�nements acad�miques de
l'ann�e. Malheureusement il doit, comme tous ses pr�d�cesseurs,
d�buter par un n�crologe, car une acad�mie est une famille qui
ne meurt point, mais qui perd chaque ann�e plusieurs de ses
membres. La mort nous en a pris cette ann�e treize que je vais
citer par ordre chronologique, en rappelant bri�vement leurs
titres � vos regrets.
[...]
M. Miller �tait un des noms illustres de l'�rudition fran�aise.
Successivement attach� au d�partement des manuscrits grecs de la
Biblioth�que nationale, fondateur de la Revue de bibliographie
analytique, charg� d'importantes missions scientifiques en
Espagne, en Russie et en Orient, membre :de l'Acad�mie des
Inscriptions et Belles-lettres, etc., il passait en Europe pour
le ma�tre de la pal�ographie grecque. Sa r�putation datait de
l'ann�e 1851 o�, sous le titre de Origenis Philosophumena, il
publia � Oxford un manuscrit rapport� � Paris du mont Athos par
Nyno�de Nynas. C'est le texte grec le plus important qui ait �t�
d�couvert dans notre si�cle.
Concurremment avec ses doctes travaux, M. Miller menait de front
les fonctions de biblioth�caire au Corps l�gislatif. Pendant
plus de trente ans, il s'y concilia l'affectueuse estime de tous
les partis, car c'�tait un �rudit aimable, obligeant et
spirituel. M. Miller appartenait a notre r�gion par deux
alliances fort honorables son mariage avec une Messine et le
mariage de sa fille avec M. Mathis de Grandseille, de Bl�mont.
C'est � Bayonville et � Pont-�-Mousson que je l'ai entendu plus
d'une fois, dans le repos des vacances, charmer ses visiteurs
par ses r�cits de voyage et ses piquantes anecdotes.
L'Acad�mie de Stanislas avait devin� M. Miller avant qu'il f�t
c�l�bre, car elle lui avait ouvert ses portes d�s l'ann�e 1841,
sur le rapport de M. Theil. |