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Le 27 mai 1664, le pr�tre
jans�niste Charles le Maistre (1619-1688) quitte paris pour
accompagner le duc de Brissac en Hongrie. Sous couvert
d'anonymat (Charles �� Du Parc �, et �� M. Du Bois � pour le duc,
accompagn� de sa �� maison � comprenant gentilshommes et
domestiques), ils entrent en Lorraine en juin, et apr�s Toul,
Nancy, Saint-Nicolas et Lun�ville, arrivent � Bl�mont.
Il est dommage que la description ne soit pas plus �tendue, car
bien que 25 ann�es se soient �coul�es depuis les ravages de
Bl�mont par les auxiliaires su�dois de la France (7 et 8
novembre 1638), c'est un t�moignage unique sur la ville qui ne
semble ne pas s'�tre totalement relev�e des destructions.
Voyage en
Allemagne, Hongrie et Italie: 1664-1665
Charles Le Maistre
Reste d�plorable de guerre
Nous quittasmes Saint Nicolas pour venir � Bl�mont; mais
auparavant que d'y arriver, nous passasmes par Lun�ville, qui
est une petite ville � moiti� brusl�e. M. le duc de Brissac
receut, dans ce lieu, les respects du p�re et de la m�re de son
concierge, qui ne se sentoient pas de joie de l'honneur qu'ils
avoient de le voir passer dans leur ville. Ces bonnes gens
apport�rent des rafraischissemens conformes � leur port�e, dont
quelsques domestiques s'accommod�rent. Nous ne laissasmes pas de
marcher toujours, jusqu'� un si m�chant village, o� il falloit
disner, que nous ne trouvasmes pas mesme d'abry pour y prendre
ce repas, que nous fusmes obligez de manger dans le carosse.
Suite des mesmes d�sordres
Pendant la marche que nous fismes durant cette journ�e, nous ne
vismes partout qu'une d�solation g�n�ralle, et des marques du
feu et de la guerre qui avoient ruin� tout ce pauvre pa�s. La
petite ville de Bl�mont, o� nous vinsmes coucher, n'estoit,
aussi bien que tout le reste du pa�s, qu'un objet de compassion.
L'�glise principalement repr�sentoit encore la fureur des
Su�dois, qui avoient tout brusl� en passant dans ces
quartiers-l�. Le clocher de cette �glise estoit non seulement
sans cloches, mais mesme on y vo�oit des arbrisseaux de pr�s de
12 ou 14 ans qui avoient cru dans les murailles et dans le fond
de la terre. Nous trouvasmes dans ce lieu une maison de
religieuses de la Congr�gation et une de Capucins, toutes deux
extr�mement pauvres. Nous nous promenasmes assez longtemps dans
le jardin de ceux-cy, o� M. le Duc, pour �viter la queste,
voulut toujours passer pour mon valet de chambre.
Questeurs moines importuns.
La crainte qu'il eut que ces moines ne le vinssent tourmenter le
lendemain, fit qu'il partit de l� plus matin que de coutume.
Cela fut cause que nous arrivasmes de bonne heure � Salbourg, o�
nous disnasmes. Ce fut l� que nous commencasmes � entendre
parler la langue allemande, et que nous vismes les coeffeures
des femmes de cette nation.
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