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La R�publique des
travailleurs
25 avril 1915
Ce que disent les r�fugi�s. - M. Thoulouse,
maire de l'lsle-Jourdain, a interrog�, dimanche dernier, deux
des rapatri�s de Meurthe-et-Moselle, qui venaient d'arriver dans
la nuit.
Mme G�rard, d'Igney-Avricourt, canton de Blamont, arrondissement
de Lun�ville, m�re de treize enfants, lui a remis un billet que
donnaient � ceux qu'ils faisaient partir les soldats allemands,
au moment o� ils montaient dans le train ; il est ainsi con�u :
� Voici pourquoi l'Allemagne se voit oblig�e d'entreprendre le
transport en France d'une partie de la population civile
r�sidante au territoire fran�ais occup� : la France refuse
nettement d'envoyer des vivres � ses compatriotes �.
Comme le pr�texte est b�te ! On ne voit pas la France envoyant
des vivres aux Fran�ais se trouvant dans un pays occup� par les
Allemands, pour que ceux-ci s'en emparent et les consomment !
Mme Julia Bernard, d'Antrepierre (village qui se trouve � quatre
kilom�tres de la fronti�re), trente ans, deux filles, �g�es de
10 et de 5 ans, qui sont chez leur grand-m�re � Laronxe, canton
de Lun�ville, a fait les d�clarations suivantes :
� Ce n'est que le dimanche 9 ao�t que les Allemands ont fait
leur apparition dans notre village ; c'�tait de l'artillerie
wurtembergeoise.
Le 15 ao�t, les Fran�ais les chass�rent, pass�rent � Antrepierre
et arriv�rent jusqu'� Sarrebourg (Lorraine annex�e en 1871) ;
huit jours apr�s, ils repassaient � Antrepierre, poursuivis par
les Allemands qui n'�taient qu'� 300 m�tres, et qui les
poursuivirent jusqu'� Lun�ville. Les Allemands y rest�rent 3
semaines. Puis, les Fran�ais les repouss�rent de Lun�ville et
revinrent s'installer � St-Mart�n, un petit village qui est � 3
kilom�tres du n�tre.
� Quand les Alternants furent refoul�s de Lun�ville, vers la
derni�re quinzaine de septembre. ils repass�rent en h�te �
Antrepierre, frapp�rent � ma porte, ma maison est sur la route -
c'�tait vers minuit - et demand�rent qu'on leur indiqu�t la
route d'Amenoncourt, r�clamant un guide pour les conduire. Je
fis cacher mon mari et r�pondis que j'allais leur montrer le
chemin, mais qu'ils me donnassent le temps de m'habiller. Ils ne
voulurent rien savoir. Je passais � la h�te, une camisole, un
jupon, des sandales ; je les accompagnais un kilom�tre, puis je
revins au village, plein d'artillerie, et ne rentrai dans ma
maison que deux heures apr�s, quand tous les Allemands furent
partis.
� Quelques jours apr�s, ils revinrent � Antrepierre et n'ont
plus quitt� notre commune depuis cette �poque, fin septembre ;
ce sont des Saxons. Et depuis cette �poque �galement les
Fran�ais n'ont pas quitt� Saint-Martin, ce petit village tout
proche du n�tre. Allemands et Fran�ais se canonnent, tirent des
coups de fusil, mais restent sur leurs positions.
� Ce sont des Bavarois qui sont � Amenoncourt, petit village
tout proche du n�tre �galement, mais de l'autre c�t� de
Saint-Martin.
� Le 14 d�cembre, mon mari a �t� envoy� prisonnier en Allemagne,
� Dieuze, avec 20 hommes de la commune. Trois mois avant
environ, ils avaient emmen� neuf gar�ons. La plupart de ces
vingt-neuf personnes ont �t� renvoy�es en France. Mon mari est
de ce nombre. II est en ce moment � Lun�ville, chez mon oncle ;
il vient de me t�l�graphier qu'il faisait le n�cessaire pour me
faire rentrer aupr�s de lui �.
Sur demande, Mme Bernard d�clare que les Saxons ont toujours
respect� les femmes, qu'il faut ranger les Allemands en deux
classes, les Prussiens et les Bavarois qui ne valent rien, et
les autres qui valent quelque chose. Elle ajoute que les
prussiens sont d�test�s par les autres Allemands qui sont fiers
d'�tre appel�s Allemands, et qui se f�chent d'�tre trait�s de
Prussiens.
Pour les fournitures, ou bien ils payaient en bons qui n'�taient
pas valables, car ils ne portaient pas le timbre du r�giment, ou
bien ils ne donnaient pas de bons et disaient : � Allez vous
faire payer par Poincar� �.
Personnellement, les Allemands m'ont pris sans bon : 6 quintaux
de bl�, 5 hectolitres d'avoine, 2 chevaux, 3 charriots, 1
voiture � quatre roues ; ils ne m'ont donn� de bon que pour 6
autres quintaux de bl�.
En partant, j'ai remis au maire l'inventaire de ce que je
laissais chez moi : 2 chevaux, 1 poulain, 2 vaches, 1 boeuf, 2
g�nisses, 4 cochons, une truie et ses trois petits, 28 poules,
5.000 kilos de paille, 11.000 kilos de foin, 7 sacs de bl�, 6
sacs d'orge, 20 sacs d'avoine, 12 sacs de pomme de terre.
Les Allemands n'ont pas voulu que je laisse un inventaire des
meubles, ni des voitures que je poss�dais, automobile, une
voiture � quatre roues, etc.
Voici dans quelles conditions nous sommes partis : Le lundi 12
avril, les Allemands nous envoyaient acheter pour nos besoins
500 fr. d'�picerie � Deuch-Avricourt, commune de la Lorraine
annex�e. Le lendemain 13, � 4 heures, ils nous renvoyaient du
village et nous faisaient partir, � 11 heures du soir, du m�me
village de Deuch, qui est une station du chemin de fer ; de l�,
nous passions en Suisse, puis � Lyon, N�mes, Cette, Toulouse.
Inutile de dire que les Allemands ont gard� les 500 francs
d'�picerie.
Voil� ce que Mme Bernard a d�clar� au maire de l'lsle-Jourdain.
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