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Jacques Callot, sa vie, son oeuvre et ses continuateurs
Henri Bouchot
1889
[...]1625[...]
L'enthousiasme pour ces tableaux de la vie journali�re fut extr�me; les princes lorrains craignirent de voir quelque jour ce puissant g�nie leur �chapper, comme tant d'autres qui n'�taient point revenus. Le duc Henri II s'�tait �mu de
cette possibilit�, et pour y pourvoir de prompt rem�de, comme on disait alors, il comblait l'artiste de pr�sents, d'octrois gracieux. Une lettre de lui au receveur de Blamont laisse entrevoir ses craintes :
���L'estime singuli�re, �crit-il, que nostre cher et bien aim� Jacques Callot graveur en tailles-douces s'est acquise en cest art tant en Italie qu'es autres provinces, ou il s'est form� pendant plusieurs ann�es en la congnoissance plus exquise dudict art, et la preuve que nous en avons par divers ouvrages qu'il nous a fait voir de sa main, nous ont donn� sujet de l'aider � s'establir par de��, et lui donner quelques moyens de nous servir et au publicq. C'est pourquoi nous ayant fait entendre que s'il nous plaisait l'honorer de quelqu'effet de nostre gratitude il s'arresteroit volontiers � nous rendre ses tr�s humbles debvoirs et services et t�moigner l'affection qu'il doit � sa parie, sans adviser aux autres occasions qui le peuvent distraire de cette r�solution. �
Je le disais en commen�ant, les peintres ou les graveurs �taient des artisans d'une classe sup�rieure, mais des artisans, et comme tels se contentaient de peu. Henri de Lorraine offrait � Jacques Callot un cadeau en nature, neuf cents paires de r�seaux d� froment et d'avoine � pr�lever en trois ann�es successives sur la culture de Blamont. C'�tait un assez riche don, et le graveur s'en d�clare amplement satisfait. Il avait la vie assur�e, sinon par son travail, peu r�mun�rateur en soi, du moins par ses r�coltes de Bainville, la petite rente que lui servait son p�re et les avantages dont nous venons de parler. Il regrettait moins la Toscane, ses princes et la parte dans le palais; sa situation �tait �quivalente, il n'aurait plus le souci d'aller qu�rir la fortune ailleurs.
RECHERCHES sur LA VIE ET LES OUVRAGES de JACQUES CALLOT
par Edouard Meaume
Paris - 1860
[...]
Il ne faudrait pas toutefois conclure de ce fait que les ducs Henry II et Charles IV n'ont pas appr�ci�, comme il le m�ritait, le g�nie qui faisait la gloire de son pays. Les gratifications furent, au contraire, tr�s consid�rables; mais on ne voit pas qu'elles aient �t� accord�es d'une mani�re fixe et � titre de pension. Ainsi l'on trouve, dans les comptes du receveur de Bl�mont, pour l'ann�e 1624, deux mentions desquelles il r�sulte que Henry II avait assign� � Callot, sur la recette de Bl�mont,
���900 paires de r�saux (**), moiti� bl� et avoine, pour lui donner sujet de s'arr�ter au pays, en consid�ration de son art de graveur en taille douce.�
Guid� par la patiente sagacit� de M. Lepage, qui m'avait d�j� fourni ce document, j'ai eu le bonheur de trouver, dans les pi�ces comptables du receveur de Bl�mont, Une exp�dition authentique de l'ordonnance du duc Henry, et, ce qui n'est pas moins pr�cieux, la quittance de Callot, en date du 2 juillet 1625, qui est enti�rement de sa main (24). Ces pi�ces constatent que la d�livrance des neuf cents paires de r�saux, bl� et avoine, assign�s sur la recette de Bl�mont, eut lieu en trois ann�es, non pas � titre de pension annuelle (l'allocation e�t �t� �norme), mais � titre de gratification une fois pay�e. Toutefois Callot venait � peine de recevoir le dernier terme de cette magnifique lib�ralit� de Henry II, que Charles IV, son neveu et son successeur, lui faisait le don de 2,000 fr., dont nous avons parl�, sans doute pour l'engager � ne pas accepter les offres de l'Infante Claire-Eug�nie. Rien d'ailleurs n'emp�che d'admettre que des assignations analogues � celle qui avait �t� faite sur la recette de Bl�mont aient eu lieu dans d'autres localit�s dont les registres et pi�ces comptables n'ont pas �t� conserv�es.
(**) Environ 1080 hectolitres de bl� et 1575 hectolitres d'avoine.
(24) On lit dans les pi�ces justificatives des comptes du receveur de Blamont pour l'ann�e 1625 (Tr�sor des chartes de Lorraine).
���De par le duc de Lorraine, Marchis, duc de Calabre, Bar, Gueldres etc.
A nostre am� et f�al Marc Georges receveur de Blamont et � ses successeurs en ladite charge salut : - L'estime singuliere que nostre cher et bien aym� Jacques Callot, graveur en tailles douces, s'est acquise en cest art tant en Italie qu'es autres provinces ou il s'est form� pendant plusieurs ann�es en la cognoissance plus exquise dudit art, et la preuue que nous en avons par divers ouvrages qu'il nous a fait voire de sa main, nous ont donn� sujet de l'ayder � s'establire par de�a, et lui donner quelques moyens de nous y servire et au public; C'est pourquoy nous ayant fait entendre que s'il nous plaisait l'honorer de quelqu'effet de nostre gratitude il s'arresteroit volontiers a nous rendre ses tres humbles debuoirs et seruices, et temoigner l'affection qu'il doit a sa patrie, sans adviser aux autres occasions qui le peuvent distraire de ceste resolution, Nous pour ces causes auons bien voulu lui accorder la quantit� de neuf centz paires de resaulx moiti� bled froment, moiti� auoine, a prendre tant sur les grains de nostre moulin de Blamont que sure les autres de vostre charge pendant chascune des trois annees suiuantes comme cy apr�s, et partant nous vous mandons et ordonnons que des grains de votre charge provenant tant de nostre dit moulin que du surplus de ceux de vostre charge vous en bailliez et deliuriez audit Callot, aux premiers termes desdites trois ann�es prochaines ladite quantit� de neuf cent paires, savoire en l'ann�e prochaine et au premier terme (selon qui les receuez pour nostredit moulin), la quantit� de trois cents paires de resaulx par moiti� bled et auoine et de mesmes de la suiuante mil six cent vingt cinq, puis en la derniere desdites trois que l'on nommera mil six cent vingt six, Les autres trois cent paires restantes des neuf cent sus d�clar�es, dont nous lui auons fait don, gratification et octroy pour luy ses hoirs et ayans cause, en faueur des consid�rations susdites, et rapportant par vous pour la premi�re fois copie duement collationn�e du cestuy nostre mandement, et au dernier payement le present original auec quittance pour chacun dudit Callot ou de sesdits hoirs et ayans cause, ladite quantit� de neuf centz paires, vous sera pass�e et allou�e en despense de vos comptes par nostres chers et feaux sr surintendant de nos finances president et Gens des comptes de Lorraine, ausquels mandons n'en faire difficult�; carainsy nous plaist, donn� � Nancy le dix huitieme jour de may mil six centz ving trois ; sign� Henry et plus bas contresign� Janin.
���Je soubsign� Jacque Callot Graveur en Taille douce de S. A. confesse auoir receu du S. Marc George Receueur du Cont� de Blamont la quantit� de dix sept reseaux trois bichet de bled, mesure de Nancy, et quatre vingt douze reseaux ung bichetz dix potz daveine dicte mesure, et ce sur est eantant moins des neuf centz paires de reseaux moicty� bled et aveine qu'ille a pieu a feu de tresheureuse memoire S. A. que Dieu absolue luy assigner sur la recepte dudict Blamont par son tres noble mandement datt� du XVIII� may XVIe vingt trois, desquelles quantit�s de XVII res. III bz bled, et IIIIxx XI res. ung bz x potz aud. me je me tient pour content et promectz den faire descharger ledict sieur recebueur des premiers et prochains comptes qu'il rendra par devant Messieurs les President Conseillers et auditeurs des comptes de Lorraine, ou autres qu'il appartient.a, sinon les luy rendre a mes frais et despens; pourquoy joblige tous mes bien, pour foy de quoy jay signe ceste de ma main a Nancy ce 2 jour de juillet 1625.
JAQUE CALLOT. �
Note : les �l�ments fournis par
Edouard Meaume (texte de 1860 ci-dessus) sont surprenants. Car la quittance actuellement
dans les fonds de la Chambre des Comptes de Lorraine,
correspondant aux valeurs cit�es, est dat�e du 3 juillet 1634.
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