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Annales catholiques. Revue religieuse hebdomadaire de la France et de l'�glise
8 octobre 1904 - N�CROLOGIES �PISCOPALES de 1800 � 1900
Ev�ques fran�ais d�c�d�s dans le courant du dix-neuvi�me si�cle
Ann�e 1831
28 mai. - Henri GREGOIRE, �v�que constitutionnel de Loir- et-Cher, l'�me de son parti, �tait n� le 4 d�cembre 1750 � V�ho, canton de Blamont, arrondissement de Lun�ville, paroisse qui �tait alors du dioc�se de Metz. On sait peu de chose de ses premi�res ann�es. Ayant embrass� l'�tat eccl�siastique, il fut professeur au coll�ge d� Pont-�-Mousson, puis cur� d'Emberm�nil, au dioc�se de Nancy alors. D�s 1773, il avait remport� un prix � l'Acad�mie de Nancy pour un Eloge de la po�sie, et en 1789, l'Acad�mie de Metz couronna son Essai sur la r�g�n�ration physique, morale et politique des Juifs ; ces deux �crits ont �t� imprim�s. Le cur� d'Emberm�nil, paroisse de 400 et quelques habitants, fut d�put� du clerg� du bailliage de Nancy aux Etats-G�n�raux, et fut un des premiers de son ordre � se r�unir � la Chambre du Tiers-Etat. Depuis, il prit part aux discussions les plus importantes, et vota constamment avec la majorit�. Le 8 juillet 1789, il parla contre l'arriv�e des troupes; que le roi rassemblait autour de la capitale, et dit � ce sujet que si les Fran�ais consentaient � redevenir esclaves, ils seraient la lie des nations. Quelques jours apr�s, il se plaignit du renvoi de Necker, et d�non�a les: nouveaux ministres. Il prit en diverses circonstances la d�fense des Juifs, et demanda que le nom de Dieu f�t plac� en t�te de l'acte constitutionnel. Le 5 octobre, il d�non�a M. de Bouill� et le fameux repas des gardes du corps. Son avis sur les biens eccl�siastiques �tait que le clerg� n'en �tait que le d�positaire, que les d�mes devaient �tre rem plac�es par des biens en fonds de terre, et que les cures sp�cialement fussent dot�es en fonds. Le cur� d'Emberm�nil exer�a une influence consid�rable sur les eccl�siastiques asserment�s; de la Lorraine, et contribua pour une forte part � les retenir dans le schisme ou bien � les y replonger. La Biographie Lorraine, article Gr�goire, page 216, dit que lorsque la Constitution civile du clerg� eut �t� d�cr�t�e, M. Gr�goire fut le premier eccl�siastique � pr�ter le serment ; il pronon�a en cette circonstance, le 27 d�cembre, un discours au nom de plusieurs de ses confr�res, et publia un �crit intitul� : De la l�gitimit� du serment civique exig� des fonctionnaires eccl�siastiques (33 pages in-8�, Nancy, 1791), qu'il rendit public, et que le Conseil g�n�ral de la commune de Nancy fit r�imprimer pour en multiplier les exemplaires. Deux d�partements l'�lurent pour �v�que, la Sarthe et le Loir-et-Cher, il pr�f�ra le dernier qu'il
���refusa d'autant moins que J�sus-Christ lui-m�me, ainsi qu'il l'affirmait, lui ayant confi� l'auguste d�p�t du minist�re de la parole, il ne souhaitait rien tant que de le remplir avec fid�lit�, pour obtenir un jour avec ses v�n�rables coop�rateurs la palme du salut. � (Lettre pastorale de M. l'�v�que de Loir-et-Cher). Il fut sacr� le 13 mars 1791, dans l'�glise des P�res de l'Oratoire � Paris, par Saurine, �v�que intrus du d�partement des Landes, assist� d'Aubry, �v�que de la Meuse et de Massieux �v�que de l'Oise, en compagnie de quatre �lus constitutionnels, tandis que Gobel, de Paris, assist� de Lindet, de l'Eure et d'Expilly, du Finist�re en consacraient deux autres au m�me lieu. Une sorte d'�meute pr�c�da l'arriv�e � Blois de l'intrus qu'avaient nomm� les �lecteurs, ob�issant, aux influences mauvaises de l'�poque, et obligea le pasteur l�gitime, Mgr de Th�mines, dont nous ayons donn� la notice dans les Annales du 1er juin et 6 juillet 1901, d'abandonner pr�cipitamment son troupeau en p�ril, sa belle demeure, enfin ses chers livres. Les richesses litt�raires du Savant pr�lat, perdues d�s lors pour lui, ne le furent: pas pour le public, et devinrent le principal fonds de la biblioth�que d'�lite que la ville poss�de maintenant, 23.000 volumes que Mgr de Th�mines; avait r�unis, des abbayes de Saint-Laumer, de Bourg-Moyen et de Pont-Leroy.
(A suivre) M. C. D'AGRIGENTE
22 octobre 1904
Henri GREGOIRE, �v�que constitutionnel (suite)
Gr�goire �tait de la Soci�t� des Noirs et montra un z�le tr�s vif pour leur affranchissement. Apr�s le retour du roi de Varennes, il opina pour qu'on le m�t en jugement et pour que l'on convoqu�t une convention nationale; ce qui lui a fait dire depuis qu'il �tait du petit nombre des patriotes qui luttaient contre la masse des brigands de l'Assembl�e Constituante. Apr�s la session de l'Assembl�e, il alla r�sider � Blois, et il y pronon�a, en mars 1792, l'�loge fun�bre de Simonneau, maire d'Etampes, tu� dans une �meute en voulant y maintenir l'ordre. Ce discours, qui a �t� imprim� et qui fut prononc� dans la chaire de la cath�drale de Blois, o� Gr�goire fit c�l�brer un service fun�bre, nous l'avons sous les yeux, nous n'en citerons que deux phrases : ��... 0 Simonneau, il semble que l'avantage de te revoir dans le s�jour du bonheur doublera le n�tre... �
���Oh! ���avec quelle joie je porterais ma t�te sur le billot, si � c�t� devait tomber celle du dernier des tyrans ! �
Apr�s le 10 ao�t 1792, le d�partement d� Loir-et-Cher �lut M. Gr�goire � la Convention; d�s la premi�re s�ance, il fit la motion de d�cr�ter la R�publique, et s'opposa � ce que la chose f�t m�me discut�e, tant elle lui paraissait urgente. Le 15 novembre, il demanda que Louis XVI f�t mis en jugement ; son discours se trouve dans les journaux du temps (Voir Proc�s de Louis XVI, tome Ier, page 104). Nomm� � cette �poque pr�sident de la Convention, il insista fortement pour la r�union de la Savoie � la France, et on l'envoya dans ce pays pour y organiser le m�me r�gime que dans les autres d�partements. Ce fut pendant son absence qu'eut lieu le proc�s de Louis XVI; M. Gr�goire n'y prit point de part; Seulement la Convention ayant d�cid� que ses membres absents enverraient leurs votes, il �crivit avec ses coll�gues, H�rault, Simon et Jagot, en mission comme lui dans le Mont-Blanc, que son voeu �tait pour la condamnation de Louis Capet par la Convention, sans appel au peuple; ce sont les termes de la lettre o� le mot � mort ne se trouv� point. Ajoutons que les voix des absents ne furent pas compt�es dans le proc�s. Le 7 novembre 1793, Gobel, �v�que de Paris, et d'autres �v�ques constitutionnels abdiqu�rent ou abjur�rent leur caract�re. On pressait l'�v�que de Loir-et-Cher de s'expliquer. il monta � la tribune et pronon�a un discours qu'il appela un acte de courage et qu'il publia lui-m�me dans son Histoire des sectes religieuses, tome Ier, p. 72.
Pendant la Terreur, Gr�goire s'occupa surtout de l'instruction publique ; il �tait membre du Comit� de ce nom dans la Convention. Il publia un Essai historique et patriote sur les arbres de la Libert�, �crit rare et curieux. Il parla plus d'une fois apr�s la Terreur, en faveur de la libert� des cultes. Lors de l'insurrection du 20 mai 1795, il se pronon�a pour des mesures s�v�res, et dit qu'en r�volution frapper vite et frapper fort �tait un grand moyen de salut, hors de l'�tablissement de la constitution de l'an III, il passa au Conseil des Cinq-Cents, et y si�gea jusqu'� la fin.
Mais ce qui tient surtout une grande place dans la vie de Gr�goire, c'est le z�le qu'il montra pour soutenir
l'ordre de choses �tabli par l'Assembl�e Constituante sur les affaires de l'Eglise. Quoique la constitution civile du clerg� ne f�t plus loi de l'Eglise et que le gouvernement ne la reconn�t plus, Gr�goire entreprit, apr�s la Terreur, de relever et de soutenir un �difice qui croulait de toutes parts. Il forma � Paris, en 1795 une esp�ce de comit� dit des �v�ques r�unis et o� si�geaient avec lui trois de ses coll�gues, Saurine des Landes, Desbois de la Somme et Royer de l'Ain, transf�r� � Paris en 1798. Il fut l'�me de ce comit�, il sollicita ses confr�res de reprendre leurs fonctions, tint des synodes, publia d�s �crits, et �tablit un journal les Annales de la religion, dont le but �tait de soutenir l'�glise Constitutionnelle; ce journal commen�a en mai 1795 et dura jusqu'en 1803, M. Gr�goire fut celui qui lui fournit le plus d'articles. Ou ne peut douter qu'il n'ait eu grande part � la r�daction des deux encycliques adress�es en 1795 par les r�unis � leurs confr�res. L'ann�e suivante il fit la visite du d�partement de Loir-et-Cher et en publia la relation. En 1797 se tint par ses soins un comit� appel� national o� l'�v�que fit plusieurs rapports et lut un compte-rendu des travaux des R�unis.
Son z�le ne se refroidit pas sous le Directoire. Il entretint une correspondance au dehors et au dedans de la France. Sa Lettre � l'inquisiteur d'Espagne, ses Observations sur les r�serves prouvent que son activit� s'�tendait au loin. Il envoyait dans les pays �trangers des �crits contre la cour de Rome et en faveur de sa cause; il avait des adh�rents en Italie. En 1800, il fit tenir � Bourges un concile dont il dirigea toutes les op�rations. Le 29 juin 1801, jour de l'ouverture d'un second concile � Paris, il pronon�a un long discours qui est imprim� dans les actes de cette assembl�e; on y trouve du m�me un rapport sur la liturgie, son sentiment �tait que l'administration des sacrements devait se faire en fran�ais, innovation que la plupart de ses coll�gues repouss�rent. Au mois d'octobre suivant, il donna sa d�mission de son titre d'�v�que, et publia � ce sujet plusieurs �crits qui ont �t� ins�r�s dans les Annales, tome XIII. Il d�clarait y persister dans les m�mes principes. Il raconte lui-m�me dans son Essai historique sur les libert�s une conf�rence qu'il avait eue avec Bonaparte, et dans laquelle il avait essay� de le d�tourner de conclure un concordat avec le pape ; et il ne dissimula jamais le chagrin que lui causait ce trait�.
Par le Concordat la carri�re eccl�siastique de M. Gr�goire se trouvait termin�e, mais son existence politique devint alors tr�s brillante. Apr�s le 18 brumaire, il �tait entr� au nouveau corps l�gislatif, et, en f�vrier 1800, il en fut nomm� pr�sident. Sur la fin de 1801, il fut pr�sent� pour le S�nat par le corps l�gislatif, le tribunat et le S�nat. On assure que Bonaparte ne se d�cida qu'avec peine � le nommer; mais il ne put se refuser � des demandes r�it�r�es. Gr�goire devint donc s�nateur, comte de l'Empire, membre de l'Institut et de la L�gion d'honneur; mais ces titres ne le rendirent pas plus souple pour Bonaparte.
(A suivre) M. C. D'AGRIGENTE
29 novembre 1904
Henri GR�GOIRE, �v�que constitutionnel (suite)
Il �tait au S�nat du petit nombre des opposants au despotisme imp�rial. D'ailleurs cette opposition se bornait � des votes secrets; il n'e�t pas �t� prudent d'offenser un homme irritable et violent. La nouvelle �dition des Ruines de Port-Royal, que Gr�goire donna en 1809, d�plut � Bonaparte, qui d�fendit � l'auteur de para�tre aux Tuileries � la r�ception du premier de l'an. Le s�nateur fut oblig� d'�crire une lettre soumise, et conjura ainsi l'orage. Il aurait bien voulu para�tre au S�nat, et dans les c�r�monies, avec le costume d'�v�que, mais on ne le lui permit point, et il �tait forc� de se montrer avec le plumet, l'�p�e au c�t� et le reste du costume s�natorial. Il assista encore, dans ce costume,, au Te Deum pour l'entr�e de Louis XVIII � Notre-Dame, mais n'ayant pas �t� compris, dans la liste des pairs, il rentra dans la vie priv�e avec une pension de 24.000 francs. Dans les- Cent-Jours il fut le premier � s'inscrire contre l'acte additionnel de Bonaparte, et il �crivit � la Chambre des repr�sentants pour demander l'abolition de la traite des noirs. On l'�limina de l'Institut en 1816.
En 1819, les amis de M. Gr�goire l'engag�rent � se mettre sur les rangs pour entrer � la Chambre des D�put�s; il fut en effet �lu dans le d�partement de l'Is�re ; cette �lection occasionna une vive discussion � la Chambre le 6 d�cembre. Le rapporteur demandait que l'�lection f�t annul�e parle motif que le d�partement avait �lu un �tranger, quoiqu'il n'en eut pas le droit par la Charte ; mais M. Lain� fut d'avis d'annuler l'�lection pour cause d'indignit�, et cet avis fut adopt� apr�s une s�ance fort orageuse et de vains efforts du c�t� gauche en faveur de l'�lu. Gr�goire publia sur cette affaire deux lettres aux �lecteurs de l'Is�re, le 28 d�cembre et le 1er janvier. On y voit que des amis auraient voulu qu'il ne s'expos�t pas � un affront, et qu'il donn�t sa d�mission avant la r�union de la Chambre, mais il s'y refusa constamment.
A la m�me �poque, Gr�goire faisait para�tre sous le nom de Chronique religieuse un journal d'opposition et dans le -m�me esprit que les Annales. Ce journal parut de -1818 � 1821, et la collection en forme 6 volumes In-8�. Ceux qui y travaillaient avec Gr�goire �taient : Debertin, ancien �v�que de l'Aveyron, dont nous parlerons dans la n�crologie suivante ; le pr�sident Agier; le pair de France, comte Lanjuinais, de Rennes, auteur des Constitutions de la nation fran�aise, et d'une Appr�ciation des trois Concordats, mise � l'index ; l'abb� Tabaraud., oratorien, de Limoges, auteur des Principes sur la distinction du Contrat et du Sacrement de mariage, d'une Histoire de Pierre de B�rulle, fondateur de l'Oratoire, de la R�union des Communions chr�tiennes etc. ; M. l'abb� Orange, autrefois r�dacteur des Annales, etc.
En 1822, Gr�goire abdiqua, par une lettre imprim�e, le titre de commandant de la L�gion d'Honneur. On avait voulu l'astreindre � prendre un nouveau brevet, il aima mieux renoncer � son titre. Sa lettre est adress�e au mar�chal Macdonald, duc de Tarante, grand chancelier de la L�gion d'Honneur, et dat�e du 19 novembre 1822. L'auteur s'y plaint des traverses auxquelles il �tait en butte et parait sensible � la d�cision prise � son �gard par la Chambre.
(A suivre) M. C. D'AGRIGENTE
1904/11/12
Henri GREGOIRE, �v�que constitutionnel (suite)
Avant de parler de la fin de cet �v�que constitutionnel, relatons les principaux �crits qu'il a publi�s, outre ceux d�j� signal�s -.Correspondance sur les affaires du temps ou Lettres sur divers sujets, 1798, 2 vol. in-8� ; les Ruines du Port-Royal, 2 �ditions en 1801 et 1809; Apologie de Las Cases, 1802 ; une Epitre � Mgr d'Osmond, �v�que de Nancy, avant son installation, 18 prairial an X, 9 juin 1802; de la Litt�rature des N�gres, 1808, in-8�; de la Domesticit� chez les peuples anciens et modernes, 1814, in-8� ; Essai historique sur les libert�s de l'Eglise Gallicane et des autres Eglises, 1818, in-8� ; Histoire des sectes religieuses, saisie en 1810, rendue en 1814 � l'auteur qui la publia en 2 volumes, et en 1828 en 10 livraisons formant 5 volumes, ouvrage plein de recherches, mais sans m�thode. En 1825, Gr�goire se rendit �diteur avec son ami Lanjuinais, de la Vie et m�moires de Scipion Ricci, �v�que de Pistoia, condamn� par la bulle AUCTOREM FIDEI pour avoir favoris� et sanctionn� dans le synode de Pistoia, 1786, les r�formes religieuses du grand duc L�opold et de l'empereur Joseph II : Ricci fut emprisonn� en 1799 par le gouvernement toscan comme partisan de la r�volution fran�aise. En 1805, il r�tracta ses erreurs th�ologiques, adh�ra aux mesures du Saint-Si�ge contre le jans�nisme et se r�concilia avec le pape Pie VII. Sa Vie et ses M�moires publi�s � Bruxelles en 1824 et � Paris en 1825, 4 vol, in-8�, furent condamn�s � Rome. Gr�goire publia plusieurs autres brochures parmi lesquelles nous citerons Consid�rations sur la liste civile, et Observations critiques sur la Columbiade de Barlow, ou Vision de Colomb, imprim�e � Philadelphie en 1781 par ce po�te et diplomate am�ricain, ministre presbyt�rien et avocat (1755-1812) qui, dans sa premi�re jeunesse, avait pris part � la guerre de l'Ind�pendance, et avait �crit aussi en faveur de la r�volution fran�aise.
Il faut avouer que les �crits de Gr�goire, dont plusieurs ont pass� sous nos yeux, offrent en g�n�ral peu de go�t, de critique et de m�thode; l'exag�ration et le n�ologisme y dominent.. L'auteur y parle trop souvent de lui et de ses ennemis; il proteste de sa charit� � leur �gard, mais en m�me temps il les traite avec hauteur et amertume. Il se plaint souvent des pers�cutions qu'il �prouve, et il jouissait pourtant d'une brillante existence. Il en voulait beaucoup � la Restauration, qui lui avait laiss� 24,000 francs de pension, ce qui ne l'emp�chait pas de crier contre les sin�cures et les faveurs exorbitantes.
Gr�goire avait voyag� en Angleterre et en Allemagne, et avait form� une biblioth�que curieuse, surtout pour ce qui regarde l'histoire de l'Eglise, C'est lui qui avait le d�p�t des archiv�s constitutionnelles, et il- s'�tait propos� de publier l'histoire du clerg� pendant la R�volution ; il avait recueilli pour cela de nombreux mat�riaux.
On sait que dans tous ses �crits, Gr�goire prenait, depuis 1802, le titre d'ancien �v�que de Blois; il tenait singuli�rement � ce titre, qui cependant ne lui appartenait pas. La Constitution civile du clerg�, en vertu de laquelle il avait �t� fait �v�que, ne le d�signait que par le nom de son d�partement. Aussi, dans les premi�res ann�es, Gr�goire et ses coll�gues n� s'intitulaient pas autrement; mais, en 1795, ils se d�go�t�rent de leurs rivi�res et de leurs montagnes, et prirent le nom des villes afin sans doute qu'on les confond�t avec les �v�ques de l'ancien r�gime, dont pourtant ils disaient beaucoup de mal.
(A suivre) M. C. DAGRIGENTE
3 d�cembre 1904
Henri GREGOIRE, �v�que constitutionnel (suite)
Gr�goire avait fix� sa r�sidence � Paris sur la paroisse de l'Abbaye-aux-Bois, En 1831, il avait 81 ans, il tomba gravement malade, et son �tat donna de l'inqui�tude � ses amis, bien que, quoique souffrant, il jouissait de toutes ses facult�s, Mgr de Qu�len, archev�que de Paris, voulant ramener au bercail l'ancien �v�que constitutionnel, lui �crivait dans les termes les plus propres � faire impression, et lui donna les avis les plus sages auxquels, Gr�goire ne voulut pas d�f�rer, et comme les journaux d�natur�rent la conduite de l'archev�que en cette circonstance, le pr�lat adressa, le 13 mai 1831, une lettre � son clerg�, s'inscrivant contre la relation mensong�re faite ce m�me jour par le journal le Temps sur sa conduite vis-�-vis de l'intrus moribond, ayant rempli son devoir d'�v�que et de Fran�ais, en suivant les r�gles de l'Eglise, et attendant d� la mis�ricorde de Dieu qu'il implorait pour le malade une de ces gr�ces qui touchent, qui calment et qui consolent. Le cur� de l'Abbaye-aux-Bols, M. Gaidechen et son vicaire vinrent voir le malade qui se refusa � faire les r�tractations qu'ils lui demand�rent pour lui administrer les sacrements. Ils y retourn�rent une seconde fois et ne furent pas re�us. Un des grands vicaires de l'archev�que se rendit pr�s de Gr�goire qui persista dans ses refus pr�c�demment exprim�s. L'archev�que fit donc pour le malade tout ce que lui conseillaient la prudence et la charit�. A un autre d�sir qu'exprimait Mgr de Qu�len d'aller voir le malade, Gr�goire r�pondit que cette d�marche �tait inutile., vu la ferme
r�solution o� il �tait de ne se pr�ter � aucune satisfaction ou r�paration pour ses actes et �crits.
Apr�s une longue et douloureuse maladie, M. Gr�goire succomba le samedi 28 mai, � quatre heures du soir. Devant la non r�tractation de ses actes; l'archev�que de Paris n'avait pas autoris� � lui administrer les derniers sacrements qui cependant lui furent donn�s par M. Guillon, chanoine de Saint-Denis, plus tard �v�que titulaire du Maroc, encourag� en cela par M. Barad�re, chanoine de Tarbes, ami de Gr�goire, dont les fun�railles fix�es au lundi 30 mai donn�rent lieu � un scandale. La veille des obs�ques, le pr�fet de police avait �crit au cur� de l'Abbaye- aux-Bois pour l'inviter � passer � la pr�fecture. Le cur�, n'ayant pu s'y rendre, fut remplac� par M. Lacoste son vicaire auquel le pr�fet demanda s'il entendait se;refuser, comme on le disait, � la c�l�bration d'un service pour M, Gr�goire. Le vicaire r�pondit que M. Gr�goire s'�tant constamment refus� � toute r�tractation, il ne pouvait, d'apr�s les r�gles de l'Eglise et les ordres de l'archev�que, consentir � accorder la s�pulture eccl�siastique � l'�v�que constitutionnel. Le pr�fet engagea M. Lacoste � r�fl�chir sur la gravit�-de son refus, en lui d�clarant toutefois que son intention n'�tait point d'exiger de lui un acte contraire � la libert� de sa conscience-: M. Lacoste ayant d�clar� persister dans sa d�termination, le pr�fet annon�a l'intention d'user du d�cret du 23 prairial an XII, qui l'autorisait, dit-il, � faire porter, pr�senter et inhumer le corps.;.en cons�quence, il entendait disposer de l'�glise de l'Abbaye-aux-Bois comme �difice communal et y faire c�l�brer le service, et il requ�rait M. Lacoste de n'apporter aucun obstacle � cette c�r�monie, mettant sous sa responsabilit� les suites de son. opposition; � quoi le. vicaire r�pondit qu'il n'avait, pas plus, l'intention que le pouvoir de s'opposer mat�riellement � l'ex�cution du projet et qu'il se contentait, pour remplir son devoir, de protester contre l'application d'un d�cret qui lui paraissait �tre une violation de la libert� consacr�e par la Charte.
A l'occasion de la mort de M. Gr�goire, l'archev�que de Paris adressa, le 29 mai 1831, aux cur�s de son dioc�se, une autre lettre circulaire, dans laquelle il expliquait la triste n�cessit� o� il avait �t� de refuser les derniers sacrements � cet ancien �v�que constitutionnel, l'un des plus ardents d�fenseurs du schisme, apr�s avoir fait inutilement aupr�s du malade toutes les tentatives qu'exigeaient l'int�grit� de la foi et le salut d'une �me, et apr�s avoir �puis� aupr�s de lui, pour obtenir une r�tractation de ses erreurs, toutes les. inventions de la charit� dont il �tait capable, afin de lui porter en personne les paroles de la r�conciliation et le baiser de paix. Tout fut inutile. Loin de d�savouer sa conduite � l'�gard du schisme constitutionnel, M. Gr�goire confirma au contraire, de vive voix et par �crit, son adh�sion � ce m�me schisme, pr�tendant que les erreurs de la Constitution civile du clerg� n'avaient pas �t� condamn�es par l'Eglise, Les sacrements durent �tre refus�s, il se fit administrer la sainte Eucharistie, l'�xtr�me-Onction, par des pr�tres (les chanoines Barad�re et Guillon) qui, en cette circonstance, furent dispensateurs ou infid�les ou tromp�s, soit parce qu'ils avaient administr� ces sacrements sans pouvoirs ni mission, soit parce qu'ils les avaient donn�s sans prendre la s�ret� et sans exiger de la part du malade l�s conditions, requises en pareil cas, soit que ayant demand� une d�claration de croyance avec une intention catholique, elle leur fut donn�e dans un sens contraire.
(A suivre) : M. C. D'AGRIGENTE
17 d�cembre 1904
Henri GREGOIRE, �v�que constitutionnel (suite)
Cette lettre d Mgr de Qu�len suffisait pour �claircir d�s faits d�natur�s et peu exacts dont on voulait faire injustement peser sur le vieux pr�lat, d�fenseur de la foi, la responsabilit�. Le chanoine Barad�re essaya bien, dans un �crit sur les Derniers moments de M. Gr�goire, une relation des conf�rences de l'�v�que constitutionnel avec le cur� de l'Abbaye-aux-Bois et son vicaire, relation incompl�te, car quand on demanda � Gr�goire de r�tracter ses erreurs, il pr�tendit qu'il n'avait pas �t� dans l'erreur, qu'il n'avait pas enseign� l'erreur, qu'il n'avait aucune erreur � r�tracter. Or, tous ses �crits sont remplis d'erreurs; sur l'autorit� de l'Eglise, sur la juridiction, sur le mariage et sur une foule d'autres points de doctrine. La brochure de Barad�re, publi�e en 1831, cite quelques fragments d'un codicille de Gr�goire, �crit le 24 mai 1825, mais il ne parle pas de son testament qui est dat� du 1er messidor an 1804 de J�sus-Christ, an XII de la R�publique. Il y dit qu'il travaille � l'histoire de l'Eglise gallicane pendant la r�volution ; s'il n'a pas le temps de l'achever, il charge de ce soin son confr�re et ami, Moyse, ancien �v�que du Jura qui r�sidait alors aux Gras pr�s de Morteau ; en cons�quence il veut qu'on lui envoie ses manuscrits, extraits, notes, lettres, actes authentiques et autres pi�ces, parmi lesquelles son testament moral et les M�moires de sa vie eccl�siastique, politique et litt�raire que Mme Dubois lui a promis de faire imprimer ; il institue sa l�gataire universelle cette dame qui demeurait avec lui depuis quinze ans. Il d�clare qu'il vent �tre enterr� en �v�que. Il nomme pour ex�cuteurs testamentaires MM. Lanjuinais et Sylvestre de Sacy; mais le premier �tant mort le 13 janvier 1827, par un autre codicille du 10 mai 1831, Gr�goire le rempla�a par MM. Barad�re, DupI�s, greffier en chef de la cour royale, Dutrone, Rondeau, ancien oratorien, Debertier, ancien �v�que de l'Aveyron, dont nous parlerons ci-apr�s. Il les charg� de statuer sur l'emploi de ses papiers qu'il ne faut pas laisser passer en toutes sortes de mains. On trouvera dans ses collections une liasse d'imprim�s de la Soci�t� de la philosophie chr�tienne, les archives du clerg� asserment� dont il �tait d�positaire, entre autres les proc�s-verbaux des deux conciles dont le double a �t� d�pos� � la biblioth�que royale, le sceau du Concile, les adh�sions aux Encycliques, toute sa correspondance eccl�siastique.
(A suivre) M. C. D'AGRIGENTE
31 d�cembre 1904
Henri GREGOIRE, �v�que constitutionnel (suite)
Il laisse 6.000 fr. � une cousine, 4.000 fr. aux enfants d'une autre cousine, c'est tout ce qu'il laisse � sa famille. Il laisse � M. Jennal, pr�tre � Lun�ville, son condisciple et un peu son parent, sa montre � r�p�tition; un legs � M. Colin, cur� d'Embermesnil son successeur; ses ornements sacerdotaux �-son confesseur, M. Evrard, pr�tre de Saint-S�verin, mais l'argenterie de la chapelle restera � Mme Dubois qui aura encore l'usufruit de sa propri�t� de Grangeneuve, paroisse du Plessis-Saint- Jean, pr�s Sergine, d�partement de l'Yonne; apr�s elle, cette propri�t� sera partag�e entre les hospices de Sens et de Blois. Son ami, de All�gre, �v�que de Pavie de 1807 � 1821, lui avait donn� un reliquaire en argent contenant des reliques de saint Augustin et de saint Bon, il le donne � la cath�drale de Blois, ainsi que son rituel de Blois, ses br�viaires du m�me dioc�se, sa crosse �piscopale et ses mitres; et. les ex�cuteurs testamentaires ayant �crit � l'�v�que de Blois, Mgr de Sauzin, pour lui annoncer ce legs, le pr�lat leur fit la r�ponse la plus noble et la plus ferme pour refuser le legs.
M. Guillon, qui avait donn� l'Extr�me-Onction � M. Gr�goire, publia une brochure in-8� de 43 pages, Expos� de ma conduite aupr�s de M. Gr�goire, dont peu d'exemplaires circul�rent dans le public, par la volont� de l'auteur qui en arr�ta la publication, �crit si indigne de la r�putation de M. Guillon, si affligeant pour ses amis, et o� il n'y avait ni logique, ni th�ologie, ni sens, ni droiture. La vertu du sacrement, contrairement � ce qu'�crivit M. Guillon � Mgr de Qu��en, ne pouvait pas op�rer avec les mauvaises dispositions du malade ; en donnant
l'Extr�me-Onction � M. Gr�goire, M. Guillon agit dans cette occasion avec plus de pr�cipitation que de prudence, puisqu'il �tait instruit de l'opposition de l'archev�que et du cur�, et qu'il n'avait aucune juridiction sur le malade qui refusait depuis quarante ans de se soumettre � des d�cisions re�ues dans toute l'Eglise. Quoi qu'il en soit, le corps de Gr�goire passa par l'�glise de l'Abbaye-aux-Bois avant d'�tre port� au cimeti�re. La veille il avait �t� expos� dans sa chambre convertie en chapelle ardente ; on l'avait rev�tu d'habits pontificaux, on y laissa entrer tous ceux que la curiosit� y amenait. Le jour d�s fun�railles, 30 mai, le corps fut descendu sous le portail tendu de noir; le corbillard, pr�c�d� d'un d�tachement de troupes, et attel� de quatre chevaux, �tait suivi de deux hommes en manteau noir, portant les insignes de l'�piscopat. Les ex�cuteurs testamentaires, MM. Dupl�s, Dutr�ne, conseillers, et l'abb� Barad�re conduisaient le deuil. Le maire du Xe arrondissement et MM. Marchal, Garat et de Lasteyrie, tenaient les coins du drap mortuaire; suivaient d'anciens membres de la Convention, des d�put�s, les ducs de Bassano et de Valmy, d'autres lib�raux formaient un nombreux cort�ge auquel s'�taient joints des d�cor�s de juillet. C'est dans cet ordre qu'on se dirigea vers l'�glise d'o� le clerg� s'�tait retir� par ordre de l'archev�que et par des motifs
de conscience. La messe fut c�l�br�e par l'abb� Grieu, pr�tre interdit � Meaux, assist� comme diacre et sous-diacre par un pr�tre �tranger et un la�que. L'abb� Pacot, du dioc�se de Dijon, qui n'avait m�me pas la permission de dire la messe, en c�l�bra une basse pendant la grande; et quand le convoi quitta l'�glise, des jeunes gens d�tel�rent les chevaux et conduisirent le corbillard jusqu'au cimeti�re de Montparnasse o� six discours furent prononc�s sur la tombe de l'�v�que schismatique par MM, Dupl�s, le conventionnel Thibaudeau, son ami et complice; Isambert, Cr�mieux, Raspail et Laroche.
Nous nous sommes un peu �tendu sur l'�v�que Gr�goire qui fut l'�me des constitutionnels, et dont les actes et les �crits, comme homme politique et comme pr�tre, appartiennent �' l'histoire de la R�volution. La librairie Adrien Leclerc et Cie, alors quai des Augustins, n� 35, � Paris, publia vers cette �poque une brochure int�ressante et bonne � consulter : Eclaircissements sur une question importante relative � la mort de M. Gr�goire, ancien �v�que de Loir-et-Cher, avec les Pi�ces Justificatives.
M. C. D'AGRIGENTE
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