Gazette
anecdotique, litt�raire, artistique et bibliographique
N� 13 - 15 juillet 1888
Une Promenade d'ours. - Nous
avons parl� des difficult�s faites par les Allemands pour
laisser p�n�trer les �trangers en Alsace-Lorraine. Voici une
piquante historiette racont�e par le Progr�s de l'Est, et qui
nous fait admirer une fois de plus l'immuable beaut� des r�gles
et prescriptions administratives !
�� Le jeudi 5 juillet, une troupe de Boh�miens arrive � la gare
d'Igney, venant d'Allemagne par le train d'Avricourt. Ces
nomades amenaient avec eux un wagon de chevaux et un wagon
d'ours. Comme un arr�t� du pr�fet de Meurthe-et-Moselle interdit
aux gens de cette sorte l'entr�e sur le territoire du
d�partement, le commissaire sp�cial arr�te la bande au passage
et la r�exp�die avec ses h�tes incommodes par le premier train
se dirigeant vers le pays annex�.
Mais le commissaire sp�cial allemand, qui ne se soucie pas de
recevoir les Boh�miens, les fait remonter dans le train qui,
apr�s quelques minutes de station dans la gare de Deutsch-Avricourt,
rebrousse chemin vers la station fran�aise.
Le commissaire sp�cial fran�ais, par application de l'arr�t�
pr�fectoral, refuse de laisser p�n�trer les Boh�miens plus avant
sur le territoire fran�ais. Il les embarque dans un nouveau
train.
Mais le commissaire allemand, ne tenant pas plus � recevoir
cette s�quelle internationale, les Boh�miens sont refoul�s
derechef. Cette horde d'ambulants ne pouvait installer un
campement, � cheval sur la fronti�re, sans s'exposer � tomber
sous le coup de la police fran�aise et de la police allemande.
Elle ne pouvait pas non plus faire la navette avec ses ours,
d'une gare � l'autre, par-dessus la limite, jusqu'� la
consommation des si�cles.
Le commissaire fran�ais, jugeant � bon droit que cette com�die
devenait ridicule, a fini par trouver un exp�dient ing�nieux
dans cette affaire o� Salomon e�t �t� embarrass� de prononcer.
Il a gard� les Boh�miens, puis il les a exp�di�s en pays annex�
par voie de terre. De cette fa�on la solution de cet �pineux
probl�me ne lui incombe plus. Mais le probl�me n'est pas pour
cela r�solu. Les gendarmes allemands vont retomber sur les
Boh�miens, d'autant plus que ceux-ci n'ont pas la notion la plus
�l�mentaire des passeports, et le jeu recommencera sur un autre
point. �
| Gil Blas - 12 juillet 1888 |
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Autre probl�me :
Une troupe de boh�miens se trouve, depuis quelques jours, �
cheval sur notre fronti�re, ce qui me para�t �tre une position
des moins confortables; comment en sortira-t-elle ? - Voil� la
question.
Ces malheureux arrivaient le 5 juillet, � la gare d'Igney, par
le train d'Avricourt, venant d'Allemagne; ils amenaient avec eux
un wagon de chevaux et un wagon d'ours. Comme un arr�t� du
pr�fet de Meurthe-et-Moselle interdit � ces nomades l'acc�s du
d�partement, le commissaire sp�cial arr�ta la bande au passage
et la r�exp�dia en Alsace-Lorraine. Mais � la station de
Deutsch-Avricourt le commissaire allemand consid�ra � son tour
comme un devoir de les faire rebrousser.
Les deux commissaires sp�ciaux jou�rent ainsi au volant avec
cette troupe de boh�miens et d'ours pendant une partie de la
journ�e ; mais on se fatigue des jeux les plus attrayants; sur
le tard, le commissaire fran�ais abandonna la partie pour se
livrer � un autre exercice : il fit descendre de wagons les ours
et leurs compagnons, puis les exp�dia par route de terre � la
fronti�re des pays annex�s, o� ces pauvres diables sont
fatalement appel�s � devenir la proie des gendarmes allemands.
A l'heure o� nous �crivons ces lignes, il est impossible de
pr�voir quelle sera la solution de cet incident international ;
va-t-il falloir r�unir un congr�s europ�en ; il nous semble, en
tout cas, que la m�diation du gouvernement autrichien en faveur
de ces Tziganes est tout � fait indiqu�e. On compte aussi sur
celle de notre spirituel confr�re Emile Bergerat, � qui rien de
ce qui concerne les ours n'est indiff�rent.
Pauvres ours voil� des proc�d�s qui doivent leur donner une bien
pi�tre id�e de l'homme !

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