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Journal de la Soci�t� d'arch�ologie et du Comit� du Mus�e
lorrain
1888
Epitaphe de Marie Catherine
de Fl�ming femme de Ren�-Fran�ois, marquis du Chatelet et de
Grand-Seille.
L'�pitaphe suivante a d�j�
�t� mentionn�e dans ce journal (ann�e 1884, p. 143) mais d'une
mani�re inexacte et sans �tre accompagn�e des indications
n�cessaires. Elle est grav�e avec peu de soin, sur une pierre
blanche, tr�s �paisse d'un grain dur et in�gal, mesurant � peu
pr�s 0m 80 de longueur et 0,90 de hauteur; cette hauteur n'est
pas compl�te la partie sup�rieure, qui portait peut-�tre des
armoiries ou une d�dicace, telle que D.O.M., a �t� sci�e.
L'inscription est entour�e, sur les trois autres bords, d'un
simple filet ; des arcs concaves forment la jonction aux angles
inf�rieurs ; les lettres, en capitale romaine, sont toutes de
m�me hauteur ; il n'y a pas d'intervalle entre la plupart des
mots les Q ressemblent � des minuscules modernes; les N sont
barr�s � l'inverse de l'usage actuel malgr� l'emploi g�n�ral des
U voyelles la troisi�me lettre de VEVFVE est bien un V.
Voici le texte en question
CY GIST HAUTE
ET PUISSANTE DAME
MARIE CATHERINE DE
FLEMMING VEVFVE
DE MESSIRE RENE FRANCOIS
MARQUIS DU CHATELET
ET DE GRANDSEILLE
MORTE LE 13E DE MAY
1756 AGEE DE 77 ANS
REQUIESCAT IN PACE
Ce d�bris bien modeste du monument fun�raire d'une grande dame
provient, sans doute, de l'ancienne �glise de Cirey-sur-Vezouse
et se trouve aujourd'hui, non loin de l'�glise moderne de la
m�me localit� dans le jardin de M. E. Batho, propri�taire. Il y
a quelques ann�es encore, la pierre �tait retourn�e et faisait
partie d'un mur, �lev� au-dessus d'un petit canal ; c'est en
�tablissant un lavoir que M. E. Batho a pu reconnaitre
l'existence de l'inscription et ordonner que ce fragment de
tombe f�t r�tabli en position naturelle. On remarque, dans le
m�me mur, d'autres pierres de forme analogue � la pr�c�dente, o�
l'on retrouverait apparemment de nouvelles �pitaphes.
Dans l'Histoire g�n�alogique de la maison du Ch�telet, imprim�e
en 1741, du vivant des �poux cit�s dans l'inscription, Dom
Calmet (p. 100-101) qualifie Ren�- Fran�ois du Ch�telet ��
marquis du Ch�telet et de Grandseille (1), baron de Cirey en
Vosges, etc., chambellan, colonel des gardes et g�n�ral major
des troupes de S. A. R. de Toscane (2). �
L'abb� de Senones ajoute �� Il a �pous�, le 10 f�vrier 1710 (3),
Marie de Fleming, fille de Richard, de Fleming, seigneur d'Ardach,
capitaine dans le r�giment de mylord Galmois. Un certificat (4)
de Jacques III, roi de la Grande Bretagne justifie que Richard
de Fleming est de l'ancienne et illustre maison du milord de
Slaine, au royaume d'Irlande. - Marie de Fl�ming avoit pour m�re
H�lene d'Orelii, fille du baron de Klinky, d'une des plus
anciennes maisons du royaume d'Irlande, comme il se voit par
l'Histoire de ce pays. �
D'apr�s l'�pitaphe, Marie de Fleming, �tant morte en 1756, �g�e
de 77 ans, a du na�tre vers 1679 et se marier � 31 ans environ.
Une anecdote, sur laquelle il est permis de faire des r�serves
semble attester qu'elle �tait fort belle (5).
Dom Calmet mentionne trois enfants de cette dame (6) et d�crit
ainsi l'�cu des armoiries de sa famille : �� Vair� d'azur et
d'argent, au chef de gueules charg� de six billettes d'or, 1, 2
et 3. �
Ignorant que la qualit� de marquis du Ch�telet a �t� port�e
simultan�ment comme simple titre de courtoisie, par plusieurs
branches de la famille, quelques personnes ont pens� confondre
Marie de Fl�ming avec la c�l�bre marquise du Ch�telet, amie de
Voltaire, et ont cru voir, dans la tombe en question, une preuve
de l'habitation prolong�e du grand �crivain � Cirey-sur-Vezouse
mais la belle Gabrielle-Emilie de Breteuil demeurait bien
r�ellement � Cirey-sur-Blaise, et son mari, Florent-Claude du
Ch�telet, n'�tait cousin de Ren�-Fran�ois qu'au 8e degr�. Rien
d'ailleurs n'emp�che d'admettre que, dans l'un de ses voyages �
la cour de Lun�ville ou � l'abbaye de Senones, Voltaire ait �t�
faire visite aux parents de son amie � Cirey.
�� A l'entr�e de ce bourg, dit l'auteur du Dictionnaire
statistique (1888), on aper�oit l'ancien ch�teau des seigneurs
de Cirey il est � peine reconnaissable, parce qu'il sert de
demeure � plusieurs familles ; les magnifiques jardins qui
l'entouraient ont disparu. On montre encore, dans la maison
occup�e par l'instituteur, une chambre o� le philosophe de
Ferney aurait s�journ� quelque temps, et les propri�taires de la
fa�encerie conservent plusieurs de ses autographes (7). �
C'est Voltaire qui, d'apr�s la tradition, aurait signal�
l'existence du minerai de fer sur le territoire de cette
localit� et d�cid� Ren�-Fran�ois du Ch�telet � fonder les forges
(8) ; on lui attribue aussi l'id�e de la cr�ation d'un canal
industriel. �� En 1760 et 1769 deux arr�ts du Conseil d'�tat
autoris�rent l'�rection de forges et fonderies � Cirey (9). � On
voit que ces arr�ts sont post�rieurs � la mort de Ren�-Fan�ois.
Il ne parait point, d'ailleurs, que l'exploitation ait �t� bien
fructueuse, du moins dans les commencements.
Le nom de Ren�-Fran�ois du Ch�telet est rest� populaire � Cirey,
comme celui d'un bienfaiteur il est probable que, devenue veuve,
Marie de Fl�ming y demeura et passa ses derni�res ann�es dans
les exercices de la charit�. Son �pitaphe exempte d'�loges et
grav�e, non sur marbre, mais sur une pierre vulgaire qui �voque
l'id�e d'un monument tr�s simple, est l'indice d'une vie.
retir�e et chr�tienne.
La l�gende, qui veut retrouver partout le souvenir de Voltaire,
affirme que l'on voit ses armoiries sur la fa�ade de l'ancien
ch�teau, comme si c'�tait lui qui l'e�t fait construire. Pri�
par moi d'en examiner les vestiges, M. le comte Edmond de
Martimprey de Rom�court a bien voulu me dire ceci.
Le ch�teau subsiste encore, quoique d�figur� et morcel� entre
plusieurs propri�taires. C'est un grand b�timent, r�guli�rement
flanqu� de deux ailes et sans ornementation au-dessus de la
porte de la fa�ade principale sont sculpt�s deux �cussons
ovales, accol�s, pos�s sur un cartouche contourn� genre Louis
XV, que surmonte une couronne de marquis, martel�e pendant la
R�volution le premier offre un lion, � ce qu'il semble, sur
champ de gueules, et le second, les armes bien connues de la
maison du Ch�telet (10) : une bande charg�e de trois fleurs de
lys. Le tout est encore tr�s apparent, malgr� quelques
mutilations. Le ch�teau a �t� construit par le marquis de
Marmier.

En effet, si l'on �tudie la
g�n�alogie et les alliances de la famille du Ch�telet au XVIIIe
si�cle, on voit que les armoiries en question ne peuvent �tre
que celles de Fran�ois-Philippe, marquis de Marmier (par
cr�ation de 1740, et de sa troisi�me femme, Marie-Catherine du
Ch�telet, qui resta l'unique h�riti�re de ses parents,
Ren�-Fran�ois du Ch�telet et Marie-Catherine de Fl�ming.
Seulement, l'animal que l'on a pris pour un lion appartient �
une autre esp�ce c'est un animal parlant, que l'on n'a pas
coutume de rencontrer dans le blason et dont la figure
h�raldique se rapproche assez de celle du lion, ce qui fait
comprendre comment, � cause des d�t�riorations, la confusion a
pu se produire ; la maison de Marmier porte de gueules, � la.
marmotte d'argent.
Qu'on ne vienne donc plus parler des armoiries de Voltaire, qui
sont d'azur, � trois flammes d'or (Grand-maison).
Voici quelques renseignements compl�mentaires qui combleront
diff�rentes lacunes de l'Histoire g�n�alogique, et dont je dois
l'indication � l'obligeance de M. de Martirriprey.
On trouve, dans les registres paroissiaux de Bl�mont, les dates
mortuaires, non mentionn�es par Dom Calmet, des parents de
Ren�-Fran�ois :
1712, 3 mai. - D�c�s de Pierre marquis du Ch�telet, baron de
Cirey, seigneur de Chauvir�, inhum� dans l'�glise paroissiale.
1712, 5 mars. - D�c�s de Anne Richard (de Jaulny), sa femme,
inhum�e dans la m�me �glise.
Le fr�re ain� et la soeur du m�me seigneur figurent aussi dans
ces registres, savoir
�� Pierre du Ch�telet �, dit, en 1697, �� le fils, commandant un
bataillon pour le service du Roy. �
Marie-Catherine, qui �pousa, en 1719, Mr N. de Jalocourt,
seigneur dudit lieu.
Cette mention est importante, Dom Calmet ayant �crit Jalnoncourt,
nom tout � fait inconnu, tandis que Jallaucourt est un village
de la Seille; ce gentilhomme portait la qualification de comte
de Greische.
Les m�mes registres relatent, au 8 mars 1710, le mariage de
Ren�-Fran�ois du Ch�telet, avec Marie-Catherine de Fleming. Ils
nous font conna�tre avec ceux de Barbas, deux enfants, morts
jeunes, que l'Histoire g�n�alogique a n�glig�s, Voici la liste
des cinq enfants
1. Un fils n� � Lun�ville, mort en nourrice � Bl�mont la 12 mars
1712.
2. Luc-Ren�, marquis du Ch�telet, n� le 18 octobre 1716, �tait,
lors de la r�daction de l'Histoire g�n�alogique, capitaine dans
le r�giment des gardes et chambellan du grand-duc de Toscane.
3. Luc-Fran�ois-Ren�, mort � Barbas le 12 janvier 1719, �g�
d'environ trois mois.
4. Antoinette-Charlotte-Rose, morte � Bl�mant le 6 octobre 1730,
�tant fille d'honneur de S.A.R. Ma dame (11); elle fut inhum�e
dans l'�glise paroissiale.
5. �� Marie-Catherine-Fran�oise..., n�e le 20 janvier 1720, dit
Dom Calmet, est actuellement (1741) Dame de Cour de Madame la
Grande Duchesse de Toscane. � M. de Martimprey nous �crit : ��
Marie-Catherine �pousa, en l'�glise de Bl�mont, le 23 juillet
1748, �tant dame de la Clef d'or de l'Imp�ratrice,
Fran�ois-Philippe, marquis de Marmier, chevalier, seigneur d'Avranville,
etc., fils de Fran�ois -Philippe, comte de Marmier, chevalier,
seigneur d'Avranville, etc., et de Marguerite d'Hamilton.
Florent-Claude, marquis du Ch�telet Lomont, baron de Cirey en
Champagne, etc. lieutenant g�n�ral des arm�es du Roi, commandeur
de St Louis, gouverneur de Semur, etc., cousin de l'�pouse �tait
t�moin du mariage. �
Depuis cette �poque, les registres de Bl�mont ne renferment plus
de mentions de membres de la famille.
Ren�-Fran�ois et Marie de Fl�ming poss�daient une habitation �
Bl�mont, dite H�tel du Ch�lelet, qui n'existe plus.
Voici encore quelques actes qui se rapportent � ce seigneur :
1715, 16 novembre. - Acensement � Ren�-Fran�ois, comte du
Ch�telet des droits utiles et honorifiques et haute justice de
Fremonville, Remoncourt les breuils et Jambrot et Gondrexon,
moyennant 700 francs de cens. (Inv. des layettes, Bl�mont IV.)
1722, d�cembre. - Erection du marquisat de Grand- seille par le
duc L�opold, �� voulant, dit-il, donner au sieur Fran�ois du
Chastelet, l'un de nos chambellans et commandants des
chevaux-l�gers de notre garde et � la dame Catherine de Fleming
son �pouse, des marques de l'estime que nous faisons de leurs
personnes.. � etc. M. Lepage a publi� la partie principale du
texte des lettres patentes dans les Communes de la Meurthe.
Pr�c�demment, dans la Statistique, il avait indiqu�, comme date
de la m�me �rection, le 12 mars 1723; c'est, sans doute, celle
de l'ent�rinement. D'apr�s cet acte, Catherine serait le pr�nom
principal de la marquise, tandis que Dom Calmet l'appelle plus
volontiers Marie.
1726, 15 octobre. - �� Cession � Ren�-Fran�ois du Ch�telet, baron
de Cirey, chambellan du duc, des village, domaine, haute moyenne
et basse justice de Parux, avec la cense de Fl�ville sise
Harbouey, pour �tre unis � son marquisat de Granddseille contre
les p�ages et ch�mage qu'il pr�tend sur les flottes qui passent.
sur la rivi�re de Cirey et ce qu'il avait sur les salines de
Salonne. � (Lay. Bl�mont IV.)
Il n'est peut-�tre pas inutile de rappeler ici quelques travaux
de d�tail qui, depuis peu de temps, ont permis d'ajouter bon
nombre de renseignements � la g�n�alogie de la maison du
Ch�telet telle qu'elle a �t� imprim�e sous le nom illustre de
Dom Calmet.
En 1882 dans mon �tude sur les tombes de Lenoncourt, en faisant
conna�tre les monuments in�dits du coeur de Gr�goire du
Ch�telet, seigneur de Bonnet et de la s�pulture de sa derni�re
femme, Marie du Maret, femme inconnue de Dom Calmet, j'ai
apport� les �l�ments d'importantes rectificationset additions
� l'article de ce gentilhomme (12).
R�cemment MM. A. Benoit (13) et H. Dannreuther (14) ont, pour
ainsi dire, r�v�l� l'existence d'une branche protestante de la
m�me famille que l'on avait pris le parti de laisser � l'�cart.
Tout derni�rement enfin, Mgr X. Barbier de Montault communiquait
une �pitaphe napolitaine, qui se trouvait �tre celle de la fille
a�n�e de la divine Emilie, mari�e � Alphonse Carafa, duc de
Montenegro (15).
L�on GERMAIN.
(1) Nous
reviendrons, plus loin, sur l'�rection de ce marquisat.
(2) Fran�ois III, duc de Lorraine, puis en 1737, grand-duc de
Toscane.
(3) C'est la date du contrat; le mariage religieux: fut c�l�br�,
comme on le verra bient�t, le 8 mars.
(4) Imprim� aux Preuves.
(5) H. Lepage, Communes de la Meurthe, II, 739.
(6) Il ne rappelle pas deux enfants qui moururent jeunes, On
verra leurs noms plus loin.
(7) H. Lepage, ibid., II, 738.
(8) Ibidem.
(9) H. Lepage, Statistique, art. Cirey.
(10) J'en donne ici la figure, d'apr�s un clich� qui
m'appartient.
(11) Elisabeth-Charlotte d'Orl�ans, veuve du duc L�opold.
(12) M�moires de la Soci�t� d'Arch�ologie lorraine, 1882, p.
202-206 et 208-210.
(13) Note sur Antoine du Ch�telet dans le Journal de 1886, p.
97-98.
(14) Le protestantisme dans la maison du Ch�telet ibid., p.
135-141.
(15) Journal, mars 1887, p. 193. |