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Nous avions d�j� publi� ce curieux extrait du
journal Le Gaulois du 4 novembre 1911:
Hier, un wagon contenant 10,000 kilos de pommes d�raille en
gare d'Avricourt. Par suite de cet accident, les trains de la
direction de Cirvey et de Blamont n'ont pu quitter Avricourt.
Les voyageurs ont �t� dirig�s sur ces deux villes par des
automobiles. Service r�tabli � cinq heures du soir.
Le Matin du 4 novembre
1911 confirme l'information :
Avricourt. Par suite du d�raillement d'un wagon de dix mille
kilos de pommes, en gare, les trains de la direction de Cirey et
Blamont ne peuvent quitter Avricourt. Les voyageurs ont �t�
dirig�s sur ces villes par des automobiles.
En voici l'explication :
Journal des d�bats
- 19 octobre 1911
La �� crise des pommes � sur
l'Ouest-�tat
Nous avons indiqu� les dol�ances du Syndicat des n�gociants en
graine et en pommes de Bretagne, ainsi que celtes des n�gociants
et usiniers de Rouen.
Les uns et les autres se plaignent da manque de vagons.
L'Ouest-Etat ne peut leur en fournir selon leurs demandes et de
nombreuses exp�ditions sont en souffrance.
Nous nous sommes rendus � l'Ouest-Etat.o� l'on nous a d�clar� �
propos de cette crise
C'est la �� crise des pommes �, elle est annuelle sur notre
r�seau, o� nous la connaissons sous ce nom qui en indique
partiellement l'origine. Chaque automne, pendant un mois ou
deux, le trafic des marchandises subit une augmentation brusque.
Cette augmentation est due aux denr�es agricoles; c'est pour
cela qu'elle se produit aussit�t �pres la r�colte. Les
transports de pommes arrivent en premi�re ligne. Ceiles-ci �tant
exp�di�es � de grandes distances immobilisent plus longtemps les
vagons qui les contiennent. Mais d'autres vagons sont aussi
n�cessaires en nombre inhabituel pour les betteraves, pour les
autres exp�ditions, pour les charbons m�me que !es n�gociants
sp�ciaux font venir en plus grande quantit� � l'approche de
l'hiver.
Cet engorgement automnal se produit ordinairement un mois plus
tard, mais la r�colte a �t� en avance cette ann�e.
L'ann�e pass�e, son effet fut terrible, parce qu'il s'ajoutait �
la d�sorganisation r�sultant de la gr�ve et � cette forme de
sabotage baptis�e �� gr�ve perl�e � � la tribune de la Chambre.
Mats cette ann�e nous n'�prouvons pas les m�mes craintes.
Depuis deux ans d'ailleurs que l'Etat a acquis le r�seau de
l'Ouest, nous nous effor�ons de nous mieux outiller pour �viter
de telles crises. Nous avons 2,500 vagons de marchandises en
construction. Nous cherchons a accro�tre les voies de garage, �
am�liorer les gares de triage. L'encombrement de celles-ci aux
p�riodes de trafic intense occasionne des retards, immobilise
les vagons plus longtemps pour chaque exp�dition.
La direction de l'Ouest-Etat compl�te ces indications d'ordre
g�n�ral par les d�tails suivants
La r�colte des pommes en Bretagne a �t� exceptionnellement,
abondante. Or, il est a remarquer que la presque totalit� de
cotte r�colte a �t� cette ann�e achet�e par les Allemands. Les
pommes bretonnes son dirig�es vers Stuttgart, o� l'on en
fabrique parait-il du Champagne. Qu'arrive-t-il ? En premier
lieu, une partie de nos vagons de marchandises, une dizaine de
mille environ, ne remplissent pas les conditions de solidit� ou
autres exig�es par la convention de Berne pour franchir les
fronti�res. L'Ouest-Etat doit donc utiliser son meilleur
mat�riel pour le transport des pommes en Allemagne et les vagons
qu'il envoie ne lui reviennent qu'apr�s trois ou quatre
semaines,
Le mode d'acheminement des pommes bretonnes vers l'Allemagne se
fait selon cet itin�raire qui en explique les difficult�s
techniques : elles sont d'abord dirig�es sur le Mans o� les
vagons ne peuvent �tre tri�s que dans des conditions tr�s
difficiles ; elles sont ensuite exp�di�es sur Chartres, puis sur
la gare de Versailles-Matelots, o� se produit le m�me
encombrement qu'au Mans. De Versailles-Matelots, les. trains de
pommes sont dirig�s vers Argenteuil, puis vers Noisy-le-Soc, o�
ils sont livr�s � la Compagnie de l'Est.
Celle-ci a beau h�ter l'acheminement des vagons; le passage des
trains � la fronti�re d'Igny-Avricourt (o� il existe une sorte
de Bourse des pommes) ne se fait que lentement. C'est ainsi que
samedi l'Ouest-Etat avait 14 trains, comprenant 900 vagons de
pommes, immobilis�s sur l'Est, malgr� le bon vouloir de cette
Compagnie.
Si ces explications s'appliquent plus particuli�rement � la
p�nurie de vagons en Bretagne, elles motivent �galement cette
p�nurie en Seine-Inf�rieure et dans les ports, par une
r�percussion facile � comprendre.
Le Gaulois - 7
novembre 1911
Si nos voisins de l'Est
manifestent quelque mauvaise humeur contre l'arrangement
congolais, ils sont en train de prendre une �clatante revanche
sur un autre terrain : depuis un mois, ils ont d�valis� nos
provinces de l'Ouest de leurs r�coltes de pommes !
Cette ann�e, gr�ce � un exceptionnel �t�, la production y fut
des plus abondantes: aussi,
les commer�ants allemands crurent-ils r�aliser un beau b�n�fice
en achetant, sur pied, la presque totalit� de nos pommes
normandes et bretonnes. En sorte que, aujourd'hui, chose
nouvelle depuis vingt-cinq ans, plusieurs centaines de trains de
pommes circulent journellement entre Paris et la fronti�re. Les
lignes d'Alsace-Lorraine, de la Prusse rh�nane et de la Bavi�re
en sont engorg�es et, dans nos gares de l'Est, d'innombrables
convois attendent depuis huit jours l'instant de partir ; nous
en avons, hier, compt� trois � Toul, cinq � Emberm�nil, deux �
Bar-le-Duc, quatre � Epinal, etc. ; Avricourt, �� trois mille
cent quatre-vingt-seize � wagons de pommes sont pass�s du 20 au
30 octobre dernier.
Or, devinez quelle fin les compatriotes de M. de Kiderlen
entendent faire servir ces
fruits ? A fabriquer du... Champagne, tout simplement !
M�fions-nous du �� Champagne � allemand !
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