La statue la plus c�l�bre de l'abb� Gr�goire
est celle �rig�e de 1885 � 1943 sur la Place des Carmes �
Lun�ville :
En 1879, Rapha�l Job, membre du conseil
municipal de Lun�ville, lance l'id�e d'�riger un monument comm�moratif �
l'abb� Gr�goire. Un comit� est ainsi form� le 23 octobre 1881,
avec le d�put� Camille Viox comme pr�sident et Rapha�l Job comme
secr�taire. Une souscription est ouverte le 10 novembre 1881, et
un concours est lanc�. Le choix se porte sur le sculpteur
Charles Elie Bailly (1830-1895)

La Chronique des arts et de la curiosit� - 19
janvier 1884 - Il y a erreur sur le nom de Laurent en 1� : il
s'agit de Bailly.

La Lanterne - 5 juin 1885
| L'inauguration a lieu le 12 juillet 1885 en pr�sence
du ministre de l'Int�rieur Fran�ois Allain-Targ�, sous la
pr�sidence du d�put� Camille Viox et du secr�taire du comit�
d'�rection Rapha�l Job.
En 1914, si la Place des Carmes (et notamment la maison du
d�put� Viox) ont � subir d'importants d�g�ts (voir
1914 - La Vie en Lorraine) la
statue est �pargn�e. |
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Mais en mars 1943, le service sp�cial allemand charg� de
l'enl�vement de toutes les statues � fondre, r�quisitionne
l'entreprise de construction Cruchant pour le d�montage de la
statue de l'abb� Gr�goire. Fix�e le 5 mars sur un plateau et
conserv�e plusieurs jours dans la cour de l'entreprise, la
statue part pour les fonderies allemandes.
Le Figaro.
Suppl�ment litt�raire du dimanche
18 juillet 1885
TROIS STATUES
Dimanche, on inaugurait � Lun�ville la statue de l'abb�
Gr�goire, un des hommes les plus distingu�s de tous points, que
produisit le mouvement grandiose de 1789.
Lundi, remise a �t� faite aux pouvoirs publics de la statue de
l'illustre m�decin ali�niste Pinel, �lev�e devant la
Salp�tri�re.
Mercredi, enfin, au square du Temple, c'a �t� le tour du ��
Chansonnier populaire �, de B�ranger.
On lira certainement avec int�r�t, quelques passages tir�s des
m�moires du grand constituant, une page de Pinel, et � la suite
de quelques jugements litt�raires, une lettre de B�ranger.
L'ABB� GR�GOIRE
Il est peu de lectures plus attachantes que celle des M�moires
du c�l�bre �v�que constitutionnel de Blois. M. Hippolyte Carnot,
s�nateur inamovible, fils du grand Carnot, et p�re du ministre
des finances actuel, en a �crit la pr�face. Jeune encore, il fut
honor� de l'amiti� de Gr�goire qui le d�signa pour son ex�cuteur
testamentaire. Dans sa pr�face, il a parl� avec une tendresse
presque filiale du Constituant et du Conventionnel dont on
dressait la statue, dimanche dernier, � Lun�ville. Il a rendu
t�moignage de la puret� de sa vie et de son attachement au
christianisme-jans�niste, rest� in�branlable jusqu'� la fin.
Ce caract�re �trange de Gr�goire est peu compr�hensible pour
notre �poque. Que de disparates pour nous, qui nous enfermons
dans des cat�gories �troites d'opinions ! Adversaire implacable
de Louis XVI jusqu'�la peine de mort exclusivement, r�publicain
de la premi�re heure de la R�volution, et rest� r�publicain en
d�pit des horreurs de la Terreur, des hontes du Directoire, et
des glorieuses ann�es de Bonaparte ! Toujours catholique,
toujours pr�tre et �v�que, passant en revue l'arm�e de la
premi�re campagne d'Italie, et pr�sidant la Convention, en habit
violet !
Gr�goire avait une robuste ga�t�. Il �crivit ses m�moires en
1808, �tant s�nateur et comte de l'Empire Ils attestent la haute
s�r�nit� de son esprit. En voici quelques passages.
La Convention nationale ayant d�cr�t� la r�union
du comte de Nice et de la principaut� de Monaco, sous le nom de
d�partement des Alpes-Maritimes, je fus charg�, d� m'y rendre
pour l'organiser ; jje supprimai la petite Convention de Monaco,
compos�e de treize membres, dont les proc�s-verbaux imprim�s
seront un jour recherch�s ; elle a entre autres, rendu un d�cret
portant suppression du deuil, attendu que dans ce petit pays il
avait un caract�re f�odal et variable, suivant la qualit� des
individus.
J'avais paru un moment � l'arm�e des Alpes que commandait
Kellermann �tant � Nice, j'allai visiter celle d'Italie. Je suis
tent� de rire en me rappelant qu'au camp de Brau, au-dessus de
Sospello, j'ai, sous le canon pi�montais, parcouru � cheval, et
en habit violet, les rangs des divers bataillons, et que je les
ai tous harangu�s. Cette arm�e avait �t� command�e par deux
g�n�raux massacr�s judiciairement. Biron et Brunet. De sa
prison, le premier m'a �crit une longue lettre, par laquelle il
m'annon�ait que ses m�moires manuscrits, d�pos�s en main s�re,
para�traient apr�s sa mort, et cependant je n'ai rien vu.
Dans les extraits que nous faisons des r�cits de Gr�goire, nous
ne pouvons gu�re suivre d'ordre chronologique. Il en a peu mis
lui-m�me, et a laiss� aller, sa plume � peu pr�s la bride sur le
cou.
J'ignore o� Dubois-Cranc� et d'autres ont pris
que j'avais t�moign� un regret sur la suppression de la d�me,
qui m'avait toujours paru un fl�au; mais, comme Siey�s, comme
Morellet, j'aurais voulu que la suppression ne s'op�r�t qu'avec
stipulation d'indemnit�, dont le capital e�t form� la dotation
du clerg�.
A cette s�ance fameuse, je proposai et j'obtins bien vite
l'abrogation des annales, monument de simonie, contre lequel
avait d�j� statu� le concile de B�le. Un jour que je plaisantais
avec le nonce Dugnani, aujourd'hui cardinal, il me dit �� Cette
affaire est consomm�e mais pourquoi avez-vous propos� cette
suppression? - Parce que les cahiers de mon baillage m'en
imposaient le devoir; et mes cahiers contenaient cette demande,
parce que je l'y avais fait ins�rer �.
Les gouvernants du jour, gens d'une instruction m�diocre, comme
l'on sait, ignorent � coup s�r le portrait, ou les portraits que
Gr�goire a trac�s � plusieurs reprises de la Convention.
A mon retour (des Alpes-Maritimes) je ne
reconnaissais plus cette Assembl�e si majestueuse, lorsque, pour
ainsi dire, sous le feu des batteries prussiennes qui �taient en
Champagne, nous fond�mes la R�publique. Divis�e en factions qui,
tour � tour s'envoyaient � l'�chafaud et qui, suivant
l'expression de Danton, avaient mis l'Assembl�e en coupe r�gl�e,
la Convention n'avait pas de r�gulateur : t�moin le 31 mai 1793
et les jours suivants. Un brigand de mon pays-, nomm� Mallarm�,
�tait pr�sident ; soit affaires, soit maladies, dans plusieurs
s�ances, il se fit suppl�er par des ex-pr�sidents, entre autres,
H�rault de S�chelles. On a pr�tendu qu'� la procession ridicule
que Barri�re proposa pour fraterniser avec le peuple, H�rault
�tait complice des factieux, et que sa pr�sidence par int�rim,
�tait une affaire concert�e. C'est un mensonge, car il
n'occupait le fauteuil que sur mon refus, refus motiv� par des
douleurs de poitrine et une extinction de voix.
La post�rit�, arriv�e pour l'Assembl�e Constituante, lui �
d�cern� une place honorable dans les annales des nations ; il y
avait des brigands que j'ai trop maltrait�s dans mon discours
sur le jugement du roi, mais en petit nombre et inaper�us dans
cette r�union d'hommes chez qui l'�clat des vertus, des talents,
des lumi�res, s'embellissait encore par cette am�nit� de
caract�re, ce ton d'�ducation cultiv�e, alors aussi commun que
pr�sentement il est rare. Apr�s dix-neuf ans d'orages, les
membres survivants de cette Assembl�e se consid�rent comme une
famille; leurs liens se resserrent � mesure qu'ils voient la
mort moissonner au milieu d'eux, et, quelle qu'ait �t� la
disparit� de leurs opinions, les sentiments d'estime et
d'affection les identifient.
L'Assembl�e conventionnelle, � plusieurs �gards, pr�sentait
l'inverse de la Constituante; elle existait encore lorsque
moi-m�me j'imprimai qu'elle contenait �� deux ou trois cents
individus qu'il fallait bien n'appeler que sc�l�rats, puisque la
langue n'offre pas d'�pith�te plus �nergique �.
Les impi�t�s, les injustices, les assassinats d�risoirement
juridiques, commis sous son r�gne, sont la source de tous nos
maux; je ne connais rien de plus fou, de plus impolitique que
d'avoir voulu greffer le r�publicanisme sur l'impi�t�,
c'est-�-dire sur ce qui lui est le plus oppos�, au lieu de
montrer partout la sainte alliance du christianisme et de la
d�mocratie, comme l'a tr�s bien fait le Pape actuel Pie VII,
dans une hom�lie imprim�e, qu'il pronon�a le jour de No�l 1797,
dans sa cath�drale d'Imola.
Gr�goire raconte les divers incidents de la fameuse sc�ne
d'apostasie de Gobel, �v�que de Paris, et les dangers qu'il
courut lui-m�me pour avoir conserv� sa robe et sa croix
pastorale d'�v�que.
Dans un d�ner nombreux, � la Malmaison, o� se
trouvait Volney, d'apr�s les �loges de celui-ci, Bonaparte
exigea que je lui fisse le r�cit d�taill� de ce qui m'�tait
arriv� � la Convention sur cet article. Combien de fois lui
ai-je entendu dire (et il avait raison) que tout le mal
concernant la religion venait de la Convention nationale !
Gr�goire
La Muse de la
France - Ed. Agen, 1886
AUX ISRA�LITES DE LA
LORRAINE
A l'occasion de l'inauguration de la statue de l'abb�
Gr�goire, � Lun�ville le 12 juillet 1885
C'est peu qu'un monument �ternisant sa gloire,
A la post�rit� transmette sa m�moire.
C'est � vous de garder, au fond de votre coeur,
L'�ternel souvenir qu'on doit au bienfaiteur ;
A cet homme �minent dont la voix �loquente
A tonn� tant de fois � la Constituante,
A la L�gislative, � la Convention ;
Son discours fut toujours guid� par la raison.
Descendants d'Isra�l, c'est vous que l'on convie
D'assister les premiers � la c�r�monie,
A la solennit� qui nous rassemble ici :
Gr�goire fut pour vous un v�ritable ami.
L'illustre publiciste, enfant de la Lorraine,
Etait pour les Fran�ais un nouveau D�mosth�ne,
Avec plus de vertus que ce l�che Ath�nien,
Qui vendit ses talents au roi mac�donien.
Le z�l� d�fenseur voyait en vous des fr�res,
Des Fran�ais, des amis, et non des adversaires.
Les droits de citoyens vous �taient refus�s,
Vous viviez sans honneur et presque m�pris�s !
Ainsi que des proscrits, errant de ville en ville,
On vous voyait exclus de la faveur civile.
Au sein d'une Assembl�e, arbitre de nos lois,
Un modeste pr�lat faisait trembler les rois.
Saisissant de Th�mis le glaive et la balance,
Il vous fait d�clarer citoyens de la France.
D�s lors, vous e�tes part aux grandes dignit�s,
Les enfants de Mo�se �taient �mancip�s.
Ainsi qu'un juge int�gre, il sut porter la toge :
L'ami du genre humain n'a pas besoin d'�loge.
F. DAUPHIN. |