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Les vieux Ch�teaux de la Vesouze
Emile AMBROISE
Le Pays Lorrain -
1909
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Chapitre XVII
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L'�tude d'Emile AMBROISE a
�t� publi�e par "Le Pays Lorrain", r�partie
en 15 parties, sur les ann�es 1908 et 1909. Si les dix-huit chapitres du texte ne concernent pas uniquement
Bl�mont, nous
avons cependant choisi d'en reprendre ici l'int�gralit�.
Il n'existait pas � notre
connaissance de version en mode texte de ce document,
permettant recherche et manipulation ais�e : le pr�sent
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reconnaissance optique de caract�res, et peut donc,
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renum�rot�es et plac�es en fin de ce document.
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CHAPITRE XVII
LE TEMPOREL DE METZ - BACCARAT - LES CONTREMANDS
LE BAN DE LA RIVIERE - OGEVILLER
La ch�tellenie de Baccarat consiste en douze
���tant bourgs que villages �, au nombre desquels Vacqueville, Montigny, Brouville et Brouvelotte, Reherrey, Vaxainville, Merviller et Neufmaisons, sont dans la vall�e de la
Vesouze. ���Monseigneur est prince r�galien, sous sa majest� imp�riale, haut justicier... et � lui, en cette qualit�, appartiennent la cr�ation et destitution de tous officiers et ministres de justice, ensemble tous les fruits, profits, revenus et �moluments... � la r�serve seulement de ce qui est attribu� aux seigneurs vou�s. �
(1).
Tel est le protocole traditionnel qui se lisait aux plaids-annaux, affirmant � c�t� des droits r�galiens des �v�ques de Metz, la supr�matie, historique de l'Empire Germanique, en plein pays lorrain.
Mais sous cette fi�re apparence des textes officiels, on ne trouve, si l'on recherche qu'elle �tait d�s le XIIIe si�cle la vraie situation de cette ch�tellenie de Baccarat, que confusion et contradiction, r�sultat d'un �tonnant m�lange de territoires et de souverainet�s.
L'�v�que de Metz, propri�taire et seigneur de Baccarat depuis les temps carlovingiens, s'�tait vu dans l'impossibilit� de d�fendre seul ce lointain domaine. Il avait donc c�d� � la n�cessit� des temps en le confiant � un seigneur vou�.
Tout naturellement il avait choisi le plus puissant de ses voisins, c'�tait le sire de Bl�mont.
Celui-ci s'�tait comport� comme tous les. voues. Il avait exig�, sous pr�texte de protection, des droits �tendus dans le domaine confi� � sa garde.
C'est ainsi� que les seigneurs de Bl�mont, vou�s de l'Ev�ch�, s'�taient install�s � Deneuvre, ce vieux poste romain, �tabli au d�bouch�, dans la vall�e de la Meurthe, de la voie de Langres � l'Alsace par le Donon. - L'antique tour du Bacha avait��t� restaur�e, et la bourgade ceinte de murailles, �tait devenue une solide forteresse, d'o� les seigneurs vou�s, rayonnant dans le pays sous pr�texte de protection, s'�taient taill�s une opulente seigneurie, entre Meurthe et Mortagne, avec Magni�res comme poste avanc�, serrant de pr�s le ch�teau que l'�v�que avait � Moyen.
La. ville de Deneuvre devait suivre le sort de Bl�mont, c'est-�-dire qu'elle �tait destin�e a devenir lorraine � la mort du dernier comte, Olry, �v�que de Toul.
Cette cession, lorsqu'elle se r�alisa en 1506, eut les plus curieux r�sultats, en ce sens que, h�ritiers des comtes de Bl�mont, les ducs de Lorraine, �taient devenus les propres vassaux de leur �ternel ennemi, l'�v�que de Metz, en m�me temps que les seigneurs vou�s de sa ch�tellenie de Baccarat.
En r�alit�, soit en face des comtes de Bl�mont, retranch�s dans leurs ch�teaux de Deneuvre et de Magni�res, soit en face des puissants. ducs de Lorraine, les �v�ques de Metz n'�taient plus gu�re que des souverains nominaux dans les villages de leur ch�tellenie, d'autant plus que les abbayes, celle de Senones surtout, y exer�aient par le patronage de presque toutes les cures, une influence �gale � la leur.
Ces autorit�s toujours pr�sentes et agissantes � c�t� de l'�v�que �loign� et impuissant, �taient donc les v�ritables ma�tresses de la contr�e; et c' est � elles que les populations avaient recours.
Ainsi depuis le XIVe si�cle (1317) les habitants de Vacqueville, Brouville, Brouvelotte, Merviller, Reherrey et Hadomeix, avaient achet� la protection et sauvegarde du comte de Bl�mont moyennant une redevance de dix tournois par feu
(2).
Une autre institution f�odale, l'usage si curieux du contremand, avait encore puissamment contribu� � m�langer, au sein m�me de chaque village, les autorit�s et les souverainet�s. Se contremander ou tourner
la thuile sont des expressions �quivalentes. Voici par quelles c�r�monies bizarres et compliqu�es, les sujets de l'�v�ch� pouvaient parvenir � se soustraire � la juridiction �piscopale pour passer sous l'autorit� des seigneurs, vou�s
(3).
Lorsqu'un sujet de l'�v�que doit se contremander, il est n�cessaire, en premier lieu, qu'il aille trouver le doyen et lui donne d'abord, un gros
���pour son droit �. Ensuite il faut qu'il �teigne le feu par toute sa maison, qu'il d�tache et renverse par terre tout ce qui n'est pas clou�, et qu'ayant l�ch� son b�tail au dedans de la maison, il la tienne depuis le lever jusqu'au coucher du soleil ouverte de toutes parts; le b�tail libre et hors de tous liens, sans qu'il soit loisible au ma�tre, ni � la ma�tresse de rentrer chez eux jusqu'au lendemain.
Pendant ce temps, le doyen visite la maison aux fins de reconna�tre s'il y a eu quelque n�gligence ou omission dans l'accomplissement, de toutes ces solennit�s ; et s'il en trouve, le contremand est d�clar� mal fait, le sujet maladroit
���mulct� � d'une amende arbitraire, et le bien confisqu�.
Si le sujet a r�ussi � �chapper aux emb�ches de cette proc�dure insidieuse, le doyen le reconduit dans sa maison
���y fait feu et fum�e� et le reconna�t comme sujet de son nouveau seigneur.
Au contraire, un sujet du comte de Bl�mont passe � l'�v�que avec la plus grande, facilit�.
���Il n'est n�cessaire qu'il observe aucune desdites formalit�s ou c�r�monies � ; il lui suffit de signaler sa volont� au pr�v�t et de payer un gros.
Cet usage si bizarre n'est pas sp�cial � la ch�tellenie de Baccarat ; on le retrouve ailleurs, notamment dans une des possessions de l'abbaye de Saint-Sauveur, � Burthecourt-aux-Ch�nes, petit village du canton de Saint-Nicolas:
���Si l'abb� de Flavigny fait tort aux gens de Burthecourt, ils peuvent tourner la thuile. � Il leur suffit de
���venir devant le maire et de lui dire : Je fais contremand contre Monseigneur, et tourne la thuile, puis de s'en aller hors de la seigneurie de l'abb� �, sans quoi s'ils y sont trouv�s apr�s le coucher du soleil, tous leurs biens et corps sont � la volont� dudit seigneur (4).
La complication des formalit�s du contremand, quand il s'agissait de quitter la seigneurie de l'�v�que, oppos�e � la simplicit� des moyens propres � s'y soumettre, parait bien r�v�ler que les populations avaient une tendance � se d�saffectionner d'un ma�tre qu'elles ne voyaient jamais. Aussi, � plusieurs reprises, les �v�ques, notamment Henry Dauphin en 1322, s'efforc�rent-ils de supprimer cet entrecour, en
���obligeant les hommes et femmes de corps � retourner chacun dans les villages dont ils �talent sortis, pour y garder la foi qu'ils devaient � leur seigneur �.
Mais il ne semble pas que ces mesures aient pr�valu contre l'usage, puisque, lors de la r�union du comt� de Bl�mont au duch� de Lorraine, on voit que, dans les villages de Brouville, Reherrey et Merviller, et par l'effet, des contremands qui s'y pratiquaient, le duc a des sujets qui ressortissent � sa pr�v�t� de Deneuvre, �chappant ainsi aux tailles et contributions qui frappaient, dans ces m�mes villages, les habitants demeur�s sous la d�pendance du ch�telain de Baccarat.
C'�tait donc une confusion g�n�rale de droits et de juridictions, au milieu de lesquelles les droits historiques de l'�v�que, en d�pit des formules s�culaires, s'effa�aient de jour en jour devant la puissance effective et l'activit� des pr�v�ts lorrains. Peut-�tre ne faut-il pas chercher ailleurs la raison pour laquelle les habitants de Baccarat et des villages voisins ont tant de peine � comprendre qu'ils n'ont jamais �t� sujets lorrains.
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LES PLAIDS-ANNAUX
Les plaids-annaux se tiennent � Baccarat.
Ils d�butent ���le mardi apr�s les grands rois � par ceux du ban de Vacqueville (5). A la r�quisition du capitaine, tous les sujets sont tenus de se r�unir au ch�teau
���� cause qu' en icelui ils r�fugient leurs biens pour y �tre gard�s et conserv�s �. L� tous les officiers et ministres de la justice se d�mettent entre les mains du ch�telain, des fonctions qu'ils ont exerc�es l'ann�e pr�c�dente. Les
���vieux jur�s � c'est-�-dire les jur�s sortants dressent une liste de ceux qu'ils jugent
���les plus propres et les plus capables � � remplir ces diverses fonctions, ainsi que
���six hommes � propres � �tre eux-m�mes jur�s. - Le vendredi suivant, qui est le jour o� s'ouvrent les plaids-annaux du bourg de Baccarat. le ch�telain choisit et d�signe, sur la liste ainsi dress�e, les divers fonctionnaires et deux jur�s qui auront � remplir, l'ann�e suivante, les m�mes fonctions, et pour cela, seront affranchis de leurs rentes annuelles.
Ainsi sont nomm�s l'�chevin, trois forestiers, deux ���bannaux-bangards � le doyen de Vacqueville, celui de Brouville, appel� aussi Sajus, le grand doyen, dont les fonctions consistent � faire rentrer les rentes en grain et les amendes de justice.
Quelques-unes de ces fonctions sont gratuites, d'autres lucratives, d'autres obligent � certaines redevances. - De ce nombre, est l'office de maire,
qui
primitivement, �tait d�volu comme les autres sur l'avis des jur�s; mais le ch�telain avait fini par s'arroger la pr�rogative d'y pourvoir seul, et l'�lu devait payer 470 francs, plus 300 francs pour les vins. Il fallait donc �tre riche pour remplir cet emploi dont les profits d'ailleurs n'�taient point a d�daigner car
���ledit maire

La Tour des Vou�s � Baccarat.
demeure franc de toutes rentes et aides ordinaires, a droit � autant de chaufours que bon lui semble, l�ve deux resaux bl� froment et deux resaux d'avoine, prend une charr�e de foin au breuil des seigneurs et autres menus droits �.
La situation des sujets de l'�v�ch�, au point de vue des charges fiscales, appara�t comme assez lourde, et par cons�quent explique l'usage si r�pandu du contremande.
Tous laboureurs demeurant et domicili�s dans la ch�tellenie, et y faisant charrue enti�re doivent douze quarterons de bl� (6) ou seigle. et autant d'avoine,
et en outre pour chaque resal deux gros d'argent (7), � raison de chaque quarteron un blanc. Chaque conduit paie en outre trois poules le jour de la Saint-Martin ; ceux qui sont devenus veufs avant la Saint-Laurent n'en paient qu'une.
La justice est rendue � Baccarat le jour des plaids-annaux, par les divers fonctionnaires assembl�s, en pr�sence du ch�telain et d'un pr�v�t qui repr�sente les seigneurs vou�s ; les causes
���y sont vuid�es
promptement �, apr�s quoi Monseigneur offre � d�ner � tous le corps de justice, ch�telain, maire, clerc-jur� et doyen de chaque village.
Mais en r�alit� plusieurs de ces villages �chappaient presque totalement � l'autorit� des �v�ques de Metz. Senones a le patronage et les dames de Montigny et y poss�de en outre un alleu, qui comprend le moulin avec les terres cultes et incultes qui en d�pendaient.(8), et dans ce m�me village il y a des seigneurs particuliers dont les terres figurent dans l'�num�ration des fiefs de Bl�mont (9). La cure de Merviller, appartient � Haute-Seille ; celle de Vacqueville � Senones avec une seigneurie dont la constitution remontant au Xe si�cle, englobe neuf familles de, serfs. - Le domaine de l'�v�que dans ce village, qui porte pourtant
son nom (Episcopi-villa) se r�duit � un grand breuil qui se cultive par corv�e. Les habitants �taient tenus d'en entretenir les cl�tures sous la responsabilit� d'un, officier sp�cial qui payait pour cette on�reuse fonction deux resaux d'avoine et deux chapons,
ma�s �tait exempt des autres rentes. ���Le breuil se coupe et fane par les habitants du doyenn� de Brouville, et se charroye par ceux de Vacqueville jusqu'� Baccarat, en donnant � chacun des faucheurs une miche
de pain, pesant une livre 1/2, aux faneurs deux miches � (10).
Tout aupr�s de Brouville, se trouvait le ch�teau ou plut�t la maison-forte de Brouvelotte ou Brouillotte, poste important que les sires de Bl�mont n'ont eu garde de n�gliger et qu'ils se sont attach� par des alliances de famille.
On trouve m�l�s � tous les �v�nements locaux, des seigneurs Li�tard et Bernard de Brouville (11).
A Mign�ville la pr�pond�rance de Bl�mont s'affirme plus encore. Les sujets doivent venir en armes au ch�teau de Bl�mont, et l'�v�que n'y conserve que des droits nominaux ainsi qu'� Buriville (12).
Cette ch�tellenie de Baccarat nous retrace ainsi le tableau des empi�tements

LES TOURS d'OG�VILLER
successifs des seigneurs vou�s, sur les terres d'Eglise, et de la confusion que leur ing�rence y avait cr��e.
La r�gion voisine va nous fournir un exemple tr�s curieux et, croyons-nous, peu connu de l'extr�me complication qui r�gnait sur les fronti�res ind�cises des petits �tats f�odaux fond�s au hasard des coups d'�p�e, des alliances ou des combinaisons de l'int�r�t
LE BAN DE LA RIVI�RE
L'extr�mit� de la for�t de Mondon, au nord-est, porte le nom de bois du ban de la rivi�re (13).
La rivi�re dont il s'agit est la Verdurette, et le ban, un territoire dont la destin�e, au moyen �ge, a �t� d'�tre toujours indivis entre seigneurs d'origines diverses, au point qu'on ne savait plus au juste � quelle nationalit� on devait le rattacher.
Le ban de la rivi�re avait comme centre l'important village d'Hablainville, chef-lieu d'une immense paroisse englobant Reclonville, Petonville, Vaxainville et Buriville, et d'une seigneurie qui s'�tendait aussi sur Petonville,
et au-del� de la Vesouze sur Saint-Martin.
La paroisse, avec ses d�mes, faisait partie, comme tout le pays environnant, du domaine primitif de l'abbaye de Senones. Le village de Petonville est cit� dans l'un des plus anciens documents relatifs � cette abbaye, un dipl�me du roi Chilp�ric (661), et l'on a remarqu� que dans cet acte qui fixe les limites du domaine monastique, c'est le seul village qui soit nomm�
���tout le reste ne sont que des fontaines, des ruisseaux,
des montagnes, des chaumes, des chemins �.
La seigneurie appartenait indivis�ment aux �v�ques de Metz et aux seigneurs de Salm, et outre le cur�, qui habitait Hablainville, un vicaire r�sident a Reclonville desservait cette �glise et celle de Vaxainville.
Mais � une �poque inconnue, au lieu d'Og�viller, situ� au d�bouch� de la rivi�re dans la vall�e de la Vesouze et sur le territoire de Reclonville, les seigneurs de Bl�mont �lev�rent un ch�teau-fort, dans lequel ils �tablirent un de leurs vassaux fid�les, Fran�ois d'Herb�viller chevalier, qui fit souche et se tailla un domaine aux d�pens des autres seigneurs du lieu (14).
Ce nouveau venu fit si bien qu'il devint seigneur foncier pour un tiers dans le village m�me de Hablainville, d�j� indivis entre Metz et les comtes de Salm ; puis il s'�tendit aux alentours, et obligea les populations voisines � monter la garde dans son ch�teau ; Petonville et� Saint:Martin durent fournir un corps d'arquebusiers (15). Chaque conduit de Hablainville dut fournir un homme pour raire le guet, ou payer un droit de garde ou watherie, qui variait de un � deux gros. Les femmes payaient trois poules, m�me si elles �taient veuves.
Ces redevances �taient l�gitimes; le ch�teau prot�geait le pays et servait de refuge. Mais les anciens seigneurs n'ayant rien abdiqu� de leurs droits, elles constituaient une aggravation des charges d�j� �tablies, et une complication ajout�e aux autres
A Vaxainville c'est l'�v�que de Metz, par son ch�telain de Baccarat, qui fait le maire. Celui-ci, � son tour, �lit un �chevin et un doyen, lequel recueille les redevances qui sont de dix gros par conduit et dix gros par charrue, l'un plus, l'autre moins, selon la port�e de leurs moyens (16). Au contraire, � Saint-Martin, le maire est nomm� par les officiers de Bl�mont et ceux d'Og�viller, et ses fonctions se continuent pendant trois ans, contrairement � l'usage g�n�ral. Il y a deux �chevins dont le premier est exempt de moiti� des rentes, et le second
���n'a nulle franchise �. Mais cette municipalit�, � laquelle se joint le doyen, constitue (particularit� remarquable) un corps de justice autonome qui, apr�s avoir pr�t� serment, statue sur les causes ordinaires (17); tandis que dans tout le comt� de Bl�mont, le pr�v�t seul avait des pouvoirs judiciaires.
De m�me � Og�viller les privil�ges de justice restent partag�s entre l'�v�que et les comtes de Salm. Il en r�sulte deux seigneuries qui, plus tard, se subdivisent pour en former quatre, et comme cons�quence, les tailles et redevances se cumulent; six livres � chacun des quatre seigneurs, un resal et demi de bl� et autant d'avoine � chacun d'eux ; trois poules par conduit, deux journ�es de corv�e � la fenaison, autant � la moisson, et des charrois pour conduire au ch�teau trois voitures de bois (18).
Il reste de ce ch�teau d'Og�viller deux tours debout au fond de la vall�e. On peut y p�n�trer et, par la br�che, voir au rez-de-chauss�e de l'une d'elles, une sorte de cellier vo�t�, au premier une salle �galement vo�t�e, �clair�e par d'�troites fen�tres perc�es dans un mur de deux m�tres. La chemin�e, une pierre d'�vier, l'emplacement de l'escalier qui donnait acc�s aux �tages sup�rieurs sont
encore parfaitement visibles. On n'acc�dait � cette salle que par les galeries, aujourd'hui d�molies; qui reliaient les tours entre elles.
La tradition dit, qu'il y en avait sept.
De ce donjon redoutable, le seigneur d'Og�viller, sans trop de souci du droit de ses voisins, avait �tendu sa puissance autour de lui; d'abord � Manonviller sur le moulin et une partie du. village, puis sur Buriville (19), puis � Emberm�nil. (20).
A Manonviller (21), il superpose des droits nouveaux a ceux que les habitants paient d�j� � leurs seigneurs primitifs, qui sont notamment les chanoines de Lun�ville. Dans ce village, on paie d�j� par chaque conduit douze deniers forts (faisant un gros et cinq deniers de Lorraine], six quarterons d'avoine et quatre poules, plus un sou par b�te tirante, la vache six deniers, et enfin la rente annuelle de la Saint-Remy, � un taux arbitraire car elle
���se taxe suivant le r�le
des laboureurs, plus ou moins fort �.
A ces imp�ts viennent s'ajouter au profit des seigneurs d'Og�viller seuls (22) un droit qui est tel
���qu'une personne mourant et d�laissant maison ou autre h�ritage censable auxdits seigneurs, les hoirs ou h�ritiers sont oblig�s de relever dans la quarantaine � peine de la r�union des dits h�ritages au domaine de la seigneurie, c'est-�-dire, de payer quatre pots de vin d'Allemagne et quatre de vin de pays, au prix qu'il se vend lors du rel�vement �. Nous trouvons ici un exemple, de la transformation en une taxe frappant l'h�ritier et non l'h�ritage, de l'ancienne servitude de main-morte, et qui a bien le caract�re d'un rappel de la servitude plut�t que d'un imp�t, puisque ces huit pots de vin repr�sentent moins de vingt litres (23). Il n'est pas moins curieux de constater que cet usage dura jusqu'aux derniers jours de l'ancien r�gime, et fut encore publi� aux derniers plaids-annaux qui se tinrent le 6 octobre 1789 (24).
La seigneurerie d'Og�viller entra dans le domaine des sires de F�n�trange, puis dans celui de Salm, par le mariage de B�atrix qui s'en trouva l'h�riti�re � la fin du XVe si�cle (25). Mais elle ne tarda pas � tomber dans l'indivision, et d�s lors perdit toute importance en tant que forteresse. C'�tait le sort de Parroy et de tant d'autres ch�teaux qui furent vou�s � l'abandon et � la ruine, du jour o� ils eurent plusieurs ma�tres; aucun de ceux-ci n'ayant int�r�t � entretenir un poste militaire au profit de parents qui pouvaient devenir des comp�titeurs.
Il n'opposa aucune r�sistance aux soldats de Richelieu qui le fit raser en 1636, comme tous les ch�teaux de la r�gion.
C'est dans la seigneurie du ban de la rivi�re plus qu'en toute autre contr�e, que s'exer�ait, en raison m�me de l'indivision qui y r�gnait, cet usage du contremand dont nous avons parl�. L'�v�que de Metz a contremand � Hablainville contre les seigneurs de Badonviller (Salm) et ceux d'Og�viller, qui y jouissent de la souverainet� indivis�ment et
���indiff�remment sur tous les sujets � ; et ceux-ci ont les m�mes droits � Brouville, Reherrey et Merviller o� c'est l'�v�que qui est souverain (26).
En d�finitive, lorsque le morcellement f�odal fit place aux �tats modernes, lorsque le comt� de Bl�mont fut devenu lorrain, que la France se fut annex� l'�v�ch� de Metz et son temporel, alors que le comt�. de Salm aux mains des Rhingraves conservait son autonomie de principaut� allemande, il devint impossible d'assigner une nationalit� d�finie aux habitants du ban de la rivi�re, et d'y tracer une fronti�re. Bien plus, lors des �lections des d�put�s � l'assembl�e constituante, on discuta longtemps pour savoir qui pourrait voter - la qualit� de Fran�ais �tant indispensable, - et o� l'on voterait, � Vic
�v�ch� ou � Bl�mont Lorraine. Dans la plupart des documents. Vaxainville et Buriville sont mentionn�s comme terre d'�v�ch�, mais pour les autres, il r�gne une confusion compl�te qui nous appara�t comme une synth�se des complications possibles et des abus du syst�me f�odal, �voquant, par un tableau pris sur le vif, les souffrances qu'un tel r�gime, se survivant � lui-m�me, pendant de longs si�cles, a fait peser sur les g�n�rations qui l'ont subi.
(La fin au prochain num�ro)
Emile AMBROISE.
(1) Lepage. Comm. de la Meurthe Vo Baccarat, I. 72, 73.
(2) Lepage. Comm., II. 66.
(3) Lepage. Comm., I. 73.
(4) Hist. de l'abbaye de Dom�vre. M. Arch. lorr. 18, p. 115
(5) Comm. de la Meurthe. I. 73
(6) Environ 175 litres, il y a 8 quartes dans le resal, qui (� Lun�ville) vaut 117 litres.
(7) Il faut 12 gros pour un franc barrois, et chaque gros vaut 30 deniers.
(8) Comm. de la Meurthe, II. 60, 1. 474.
(9) Ibidem, I. 30.
(10) Comm.. de la Meurthe. II. 599.
(11) Ibidem, I. 70, 72, 202.
(12) Ibidem, I. 207 II. 40
(13) Voir la carte de l'�tat-major.
(14) Comm. de la Meurthe. I, 326-456. II. 230-250
(15) Ibidem, II. 474.
(16) Ibidem, II. Vo. Vaxainville.
(17) Comm. de la Meurthe II. 474.
(18) Ibidem, II. 250.
(19) Comm. de la Meurthe. II. 207
(20) I. 32. Idem.
(21) I. 726. Idem.
(22) Ibidem, I. 727.
(23) Le pot valait 2 litres 45.
(24) Comm. de la Meurthe, I. 729.
(25) J. Arch. lorr., 1860. p. 92 et Comm. de la Meurthe, Il. 256 I.
256.
(26) Comm. de la Meurthe, I. 72
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