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[M�moires de l'Acad�mie Stanislas
- 1913-1914 - CLXIV� ann�e - 6�me s�rie tome 11]
LES DERNIERS SEIGNEURS DU DISTRICT DE BLAMONT
ETUDE LORRAINE
Par M E. AMBROISE
Membre titulaire
La petite ville de Bl�mont fut, d�s les premiers temps d� Moyen Age, le centre et le chef-lieu des communes qui l'entourent. D'abord capitale d'un comt� ind�pendant puis pr�v�t� lorraine au commencement du seizi�me si�cle, elle �tait devenue, lors de la r�organisation administrative de 1751, le si�ge, d'un petit bailliage compos� de vingt-trois localit�s, isol�es du reste de la Lorraine par les enclaves de la province des Trois �v�ch�s, complication s�culaire que la France, m�me lorsqu'elle devint d�finitivement ma�tresse de la Lorraine, en 1766, ne s'�tait jamais souci�e de simplifier (1).
Bl�mont n'avait rien gagn� � cette annexion. Elle restait une petite ville, close de vieux murs, au pied de son ch�teau en ruine, comptant quatre cent cinquante bourgeois, y compris les privil�gi�s, et vivant d'un budget de 11.000 francs, lorsque, en 1790, elle eut la bonne fortune d'�tre choisie par l'Assembl�e constituante pour si�ge de l'un des neuf districts du nouveau d�partement de la Meurthe, et de voir ainsi plus que doubl�e l'�tendue de son ressort (2).
En effet, � la circonscription de l'ancien bailliage �taient r�unies quarante et une communes tir�es tout d'abord du comt� de Salm, dont la capitale, Badonviller, se voyait d�choir au rang de simple canton; de douze communes prises � la ch�tellenie messine de Baccarat, avec Og�viller et le ban de la Rivi�re; de la baronnie de Ch�tillon; du comt� de R�chicourt qui, depuis 1764 appartenait au c�l�bre mar�chal de Richelieu ; enfin des baronnies de Saint-Georges et de Cirey, nagu�re propri�t�s priv�es des ducs de Lorraine en terre fran�aise, et o� les familles de Beauvau et du Chatelet, combl�es des faveurs de L�opold, avaient pu, presque jusqu'en 1789, faire figure de seigneurs ind�pendants.
Les grands seigneurs que nous venons de nommer, MM. de Beauvau et de Richelieu, n'habitaient pas la contr�e; ils faisaient administrer leurs vastes domaines par des intendants, des juges-gardes, des forestiers qui, presque tous, habitaient Bl�mont.
D'autre part, la partie la plus fertile du nouveau district, la vall�e de la Vezouse, avait toujours �t� terre d'�glise, occup�e par les vastes possessions des abbayes de Dom�vre, Saint-Remy de Lun�ville, Haute-Seille, Belchamp, Senones, et des coll�giales de Bl�mont et Deneuvre. Il ne restait donc que fort peu de place pour la noblesse terrienne, et nous ne la trouvons repr�sent�e en effet que par neuf ou dix familles, qu'unissait entre elles, outre de nombreuses alliances anciennes ou r�centes, la permanence des int�r�ts communs (3).
Dans leurs maisons de Bl�mont, qu'on reconna�t encore � leurs lambris confortables, � leurs portes sculpt�es, elles faisaient leur r�sidence d'hiver. L'�t� les dispersait dans les vieux manoirs plus ou moins r�par�s depuis les guerres, si�ges des souvenirs plut�t que des r�alit�s de l'ancienne puissance seigneuriale, mais o� se maintenait le respect des s�pultures et des traditions familiales.
PREMI�RE PARTIE
LA R�VOLUTION
� 1. - Les domaines seigneuriaux.
Quelques-uns de ces domaines sont tr�s anciens. Le fief de BARBAS, contemporain de la fondation du comt� de Bl�mont, et uni depuis le treizi�me si�cle � la seigneurie de Montreux (4), en a �t� s�par� en 1752. La famille de Barbas, illustre au Moyen Age, mais �teinte � l'�poque des guerres, avait laiss� � la famille Mauljean des possessions amoindries d'abord, par l'effet des �dits de R�union en 1729, puis dispers�es � la suite de revers et de poursuites judiciaires. C'est ainsi que MONTREUX appartenait, en 1789, � M. Billard-Salins, dit de Ch�ville, chevalier de Saint-Louis, lieutenant-colonel de cavalerie; tandis qu'un jeune officier, Michel-Nicolas de Mirbeek, dont le p�re servait comme capitaine aux Gardes de Monsieur, fr�re du Roi, habitait le manoir de BARBAS avec sa grand'm�re, Mme Ervet, qui l'avait achet� en 1752.
A HERB�VILLER, la vieille seigneurie de Lannoy et son int�ressant ch�teau, appartiennent � Nicolas Hyacinthe de La Garde-de-Fage, gentilhomme de la noblesse messine.
C'est un vieillard que son grand �ge et ses infirmit�s, d�ment constat�es par les autorit�s du district, pr�serveront, mais non sans peine, des rancunes d�magogiques.
M. Charles-Gabriel Regneault, baron de CHATILLON, est un vieux soldat qui porte au front une cicatrice double. Il vit retir�
���dans sa maison isol�e au milieu des bois �, aupr�s des ruines du ch�teau que sa famille poss�de depuis un si�cle.
M.de Mitry, seigneur de REPAIX et de GOGNEY, uni aux Regneault par plusieurs alliances, repr�sente, lui aussi, une vieille souche lorraine d'ancienne chevalerie. L'�lection populaire de 1790 le fera maire de Bl�mont.
M. Arnould, seigneur de Pr�mont, au bailliage de V�zelise, vient d'acqu�rir en 1784 la baronnie et le vieux manoir de CIREY, d�laiss�s par les du Ch�telet, marquis de Grandseille, qui, apr�s les d'Haussonville, l'ont habit� deux cents ans (5).
Il reste encore dans la contr�e d'autres repr�sentants de cette antique maison des comtes d'Haussonville, barons de Turquestein, d�s le quinzi�me si�cle. Une de leurs branches, celle de Nettancourt-Ch�tillon, n'a jamais quitt� le pays. Mais depuis la mort toute r�cente (1786) de Marie-Madeleine de Nettancourt, derni�re de ce nom, elle est repr�sent�e par ses fils : Antoine-Joseph de Sailly, capitaine au r�giment de La F�re; Mathieu, son fr�re, ancien capitaine au service d'Empire, et Mme de Hochemur, comtesse de Pindray, dame de FR�MONVILLE.
Un parlementaire, M. Harmand de B�nam�nil, seigneur de CHAZELLES (6), Mme Marguerite Conigliano, veuve de Barail de Buss�ne, enfin la famille du baron de Laugier, seigneur censitaire du fief de Belcourt (pr�s REMONCOURT) compl�tent ce cercle tr�s restreint de privil�gi�s, soci�t� polie, plus riche en g�n�ral d'honneur que d'argent, et � laquelle ne manque m�me pas l'abb�, aimable et indulgente parure de toute r�union mondaine, en cette fin du dix-huiti�me si�cle.
L'abb� Louis-Gabriel de Laugier, n� le 5 septembre 1732, fr�re du seigneur de Belcourt, �tait comme lui le fils d'un gentilhomme autrefois page du duc L�opold, et qui avait conserv�, avec le grand-duc de Toscane devenu empereur, des relations profitables. L'abb� jouissait, ind�pendamment de quatre pr�bendes en Lorraine, d'un important canonicat de la m�tropole de Florence. A Bl�mont, il �tait de toutes les f�tes de famille:
t�moin en 1772 au mariage de Mlle de Nettancourt, en 1786 � celui de M. Antoine de Sailly, etc. Mais si nous savons de lui quelque chose, ce n'est pas par le babil des m�moires du temps, c'est par la brutale indiscr�tion de l'inventaire qui fut dress� en 1792, lorsque, priv� de ses b�n�fices lorrains par la constitution civile du clerg�, l'abb� s'en fut vivre � Florence des revenus de sa pr�bende italienne, r�solution funeste qui devait attirer sur sa famille et sur lui les pires catastrophes.
Par ce pittoresque constat, nous savons que l'abb� de Laugier avait une modeste biblioth�que de 237 volumes reli�s et 156 brochures, dont plusieurs rong�es des souris, un lit recouvert d'une housse de camelot, � deux boudins, dont l'un garni de plume, mais l'autre rempli de paille; une table de sculpterie demi-ronde, avec son dessus de marbre surmont� d'un trumeau en deux morceaux de glace, et un bonheur du jour. Nous retrouvons les chandeliers, l'�teignoir et les indispensables mouchettes que notre si�cle e�t �rig�s en bibelots de mus�e, si la nation de les e�t fait fondre; enfin les gands de chamois, la soutane de dauphine et les porte-perruques, qui seraient les �difiants t�moignages d'une existence tr�s calme, bien ordonn�e, et tr�s orthodoxe, si le protocole impitoyable n'enregistrait pour finir... un tablier de franc-ma�on.
Rien ne nous autorise � suspecter le loyalisme de ces derniers repr�sentants de l'ancien r�gime. Au d�but de la R�volution, ils t�moignent en g�n�ral de tendances sympathiques au nouvel ordre de choses, puis de soumission r�sign�e aux coups qu'il leur porte. M. de Pr�mont �tait encore, en 1790, l'un des administrateurs du nouveau district. Lors du sac de l'abbaye de Haute-Seille, il avait contenu de son mieux et sans violence les paysans exasp�r�s. M. de Mitry, maire �lu de la Ville de Bl�mont, exer�a ses fonctions jusqu'en 1791; le baron de Ch�tillon �tait membre de l'Administration d�partementale.
Il faut ajouter cependant que quelques-uns se montraient moins attach�s � la France qu'� la famille ducale qu'ils avaient servie, et dont cinquante ans de r�gime fran�ais n'avaient pas aboli le souvenir. MM. de Ch�ville, de Mirbeck, de Rochemur ont servi dans l'arm�e royale, mais M. de Sailly, ancien capitaine, re�oit une pension de l'Empire, le baron de Laugier est entr� par mariage dans une famille dont plusieurs membres ont fait leur carri�re au service de la reine de Hongrie; lui-m�me a servi l'Empire et ses deux fils sont en Allemagne.
Si l'on a pu dire qu'en 1789 la Lorraine a compl�tement oubli� son pass� ducal, c'est en ce sens que les int�r�ts et les sentiments qui pouvaient l'y relier encore, furent d�sormais sans influence sur les actes politiques et les faits sociaux. Mais nous allons voir que, dans le domaine des int�r�ts priv�s, la persistance de ces souvenirs pourra d�terminer de graves et parfois funestes r�solutions.
� 2. - Les officiers du bailliage.
A la t�te de l'ancien bailliage, �tait M. le baron de Lubert (7), bailli d'�p�e, personnage absolument inconnu dans sa circonscription, o� ne l'avaient attir� ni les r�formes de 1787, ni les �lections de 1788, ni l'�norme �motion caus�e dans le pays par la convocation des �tats g�n�raux.
Les fonctionnaires effectifs �taient le lieutenant g�n�ral civil et criminel, le lieutenant particulier, les juges au bailliage.
A la noblesse, plus ou moins ancienne, qui poss�de les terres seigneuriales, confine de tr�s pr�s la classe la plus �lev�e de la soci�t� bourgeoise, celle qui d�tient, � titre � peu pr�s h�r�ditaire, les charges de judicature au bailliage et � la municipalit�.
Les fonctions publiques, dans cette petite ville de Bl�mont, n'ajoutaient par elles-m�mes, aux conditions d'une existence modeste, que le relief flatteur d'un peu d'autorit� et de consid�ration. Mais en fait, elles se rehaussaient toujours du cumul lucratif et nullement interdit de la g�rance des grands domaines seigneuriaux et des justices priv�es, profits appr�ciables qui menaient assez vite � l'aisance, puis � l'acquisition tr�s convoit�e et relativement facile du titre d'anobli.
De l� des relations �troites d'int�r�ts et de politesse, auxquelles la noblesse de race elle-m�me ne cherche pas � se soustraire, parce que sur tous ses domaines, dans toutes ses affaires, elle rencontre l'homme de loi, avec son exp�rience, son influence avis�e et agissante, qui, d�s les premiers jours de la R�volution, va inspirer, dominer m�me pendant quelque temps, toutes les manifestations de l'esprit public.
Un personnage avait incarn� � Bl�mont cette magistrature d'ancien r�gime. C'�tait Jean-Baptiste Jacques Fromental (8), d'abord avocat conseiller du Roi et lieutenant en la ma�trise des Eaux et For�ts de Lun�ville. Il �tait devenu � la fois lieutenant g�n�ral au bailliage de Bl�mont, subd�l�gu� de l'intendant et, par surcro�t, pr�v�t et gruyer du prince de Beauvau dans ses terres de Lorquin et d'Harbouey. Il �tait mort � cinquante-huit ans en 1787, mais ses deux fils s'�taient partag� ses multiples fonctions. L'a�n�, Th�odore (9), d�j� procureur du Roi en la ville de Bl�mont, o� il avait �pous� la fille de l'un des �chevins, �tait devenu, apr�s son p�re, subd�l�gu� de l'intendant, tandis que son fr�re Louis (10) h�ritait des fonctions de lieutenant g�n�ral civil et criminel au bailliage, o� leur cousin Christophe Bathelot (11) cumulait d�j� les fonctions de lieutenant particulier avec celles de haut officier de la baronnie de Cirey.
Au nombre de leurs amis et comme t�moins dans leurs actes de famille, on rencontre Louis Laurent, haut officier pour le duc de Richelieu du comt� de R�chicourt, et son fr�re C�sar, procureur fiscal du marquisat de Grandseille.
Tant d'influences combin�es et ramifi�es appellent les �gards. Le comte et la comtesse de Lign�ville, seigneur et dame d'Herb�viller en 1761, ont tenu Louis Fromental sur les fonts baptismaux; puis en 1788, la marquise de Lurnbertye, au bras du m�me Louis Fromental, devenu grand, a accept� d'�tre marraine de la fille de son fr�re Th�odore (12). Enfin, lorsque, en pleine Terreur, le baron de Ch�tillon devra prendre une r�solution d'o� peut d�pendre sa libert�, il priera Th�odore Fromental de le conseiller
���en ami (12) �.
Telle �tait la petite soci�t�, diverse d'origine, mais group�e par le lien commun du privil�ge, sur laquelle allait s'abattre la temp�te r�volutionnaire.
Avant les nobles, les magistrats furent menac�s et atteints.
La suppression radicale de tout le syst�me judiciaire et administratif, la division nouvelle de la France en d�partements et districts, les pla�ait brusquement dans l'alternative de perdre sans retour l'influence et les avantages attach�s � leurs fonctions abolies, ou de briguer les faveurs du nouveau souverain, dispensateur de tous les emplois : le suffrage populaire.
Louis Fromental se fit �lire juge de paix du canton de Cirey; Th�odore trouva dans ses fonctions nouvelles de procureur-syndic du district beaucoup plus que l'�quivalent de son ancien titre de subd�l�gu� de l'intendant, car ce mandat lui conf�rait sur un territoire doubl�, des pouvoirs d'autant plus redoutables qu'ils �taient moins d�finis.
Il eut l'habilet� de s'y maintenir jusqu'� la fin de la p�riode r�volutionnaire, changeant son titre de procureur-syndic sous la Constitution de 1790, en celui d'agent national, sous le gouvernement d�mocratique, jusqu'en 1795, puis de commissaire du Gouvernement aupr�s de la municipalit� cantonale, jusqu'� la fusion en 1800, de ces petites circonscriptions administratives dans l'arrondissement. Il demeura ainsi le personnage le plus important de la r�gion, disposant d'une influence �norme, parfois d'une puissance �redoutable; et nous allons voir que, comme ex�cuteur des mesures r�volutionnaires, il l'exer�a contre ses anciens amis. N'essayons pas de rechercher dans quelle mesure ont pu le d�terminer successivement le patriotisme, le z�le d�mocratique, l'int�r�t personnel, la n�cessit� d'ob�ir, la peur. C'est un probl�me bien redoutable que de pr�tendre fixer et expliquer le caract�re des hommes qui ont travers� cette tragique �poque. Nous nous contenterons de d�gager sans parti pris le r�le qu'a jou� Fromental au cours des �v�nements.
� 3. - Premi�res mesures contre les absents.
Les premi�res lois inspir�es � l'Assembl�e l�gislative par le fait de l'�migration sont celles des 9 f�vrier et 8 avril 1792.
Elles ne sont encore que des menaces; elles suffisent n�anmoins � aiguiser les convoitises d�cha�n�es, mais non satisfaites par la mise en vente des biens d'Eglise, et par cons�quent � jeter l'alarme dans les familles menac�es.
Les biens des �migr�s sont mis sous la main de la nation et sous la surveillance des corps �lus. Ils constituent la garantie de l'indemnit� que la nation exige pour le tort que lui cause la fuite d'une partie des citoyens. En cons�quence, chaque municipalit� enverra au district l'�tat des biens situ�s sur son territoire, appartenant � des personnes
���qu'elle ne conna�trait pas pour �tre actuellement domicili�es dans le d�partement �. Les directoires de district, les administrations d�partementales, enfin le pouvoir central v�rifieront, contr�leront, amenderont, compl�teront ces premi�res donn�es, et de ce travail en apparence s�rieux et r�fl�chi, sortiront les listes provisoires d'abord, puis d�finitives d'�migr�s.
Mais, tandis que les municipalit�s, guid�es par les instructions de Fromental, se mettent en devoir de dresser les listes d'absents, les unes avec z�le, les autres avec quelque appr�hension de l'abus qu'on pourra faire de leurs d�clarations, les passions s'agitent autour d'elles, s'impatientent de leur lenteur, et �l�vent contre les administrateurs que le peuple a r�cemment �lus pour ex�cuter ses volont�s, des soup�ons qui rendent leur t�che singuli�rement d�licate et compliqu�e.
On ne saurait s'�tonner que Th�odore Fromental, devenu procureur-syndic dans la ville m�me o� il avait occup� la premi�re place de judicature du r�gime monarchique, d�t rencontrer quelques difficult�s au d�but de sa nouvelle carri�re de fonctionnaire r�publicain.
En travers de sa route, se dresse en effet un de ces personnages que la R�volution a vus surgir par centaines, ignorants, ambitieux, sans scrupules, agitateurs et d�nonciateurs incorrigibles, jouets de tous les �v�nements et surtout de cette fi�vre de la domination et du pouvoir qui a fix� depuis lors le type c�l�bre du Jacobin. Malgr� la vulgarit� du personnage, il doit nous retenir un instant, puisqu'il a eu son heure d'influence et, en quelques mois de popularit�, a pu faire beaucoup de mal.
Ce personnage, qui ne savait pas l'orthographe de son nom (14), �tait Jean Claudon, cultivateur et propri�taire de l'auberge du Grand-Cerf.
Depuis l'�poque des premi�res �lections populaires (15), o� il avait convoit� sans succ�s les fonctions de maire, sa jalousie n'avait d�sarm� ni contre son concurrent heureux, M. de Mitry, ni contre ceux qui, avec Fromental, entendaient r�aliser au seul profit de l'ancienne bourgeoisie, les esp�rances du r�gime nouveau (16).
Ils avaient commis la faute de faire rayer ce g�neur de la liste �lectorale. En se posant en victime, Claudon put s'assurer pour un jour les faveurs populaires, se faire �lire le 4 septembre 1791, et imposer � ses adversaires et � la ville enti�re toute l'intol�rance de sa tyrannie d�magogique.
M. de Mitry supplant�, insult� et menac�, s'est bient�t �loign�, ou, pour employer l'expression de Claudon, il a �migr� de ses fonctions, qu'il avait cependant remplies avec conscience et d�sint�ressement, car il n'avait pas h�sit� � contracter personnellement un emprunt, pour procurer du bl� � la commune (17). Claudon saisit le moment propice, et, par un de ces abus auxquels se pr�tait trop facilement la loi du 8 f�vrier 1792, fit inscrire M. de Mitry sur la liste des citoyens non pr�sents.
Les meubles de la maison qu'il poss�de � Bl�mont sont inventori�s, les caves visit�es, et Claudon veut entrer de force dans le manoir de Repaix. En vain les autorit�s et la population indign�e pr�tent main-forte aux domestiques qui r�sistent; il am�ne de Sarrebourg des hommes arm�s, qui l'aident � saisir la laine de quatre � cinq cents moutons, et neuf petits canons, objets de mus�e, qu'il rapporte comme un troph�e.
Il se fait gloire aupr�s du directoire d�partemental d'avoir provoqu� le s�questre de tous les biens de M. de Mitry, et d'avoir, en trois jours, consomm� le partage des biens communaux, en d�pouillant Fromental de 14 arpents de jardin qu'il se serait arbitrairement attribu�s; abus moins criminel d'ailleurs que celui qu'aurait commis l'ancien subd�l�gu�, de concert avec ses coll�gues du district, en d�pensant les fonds destin�s � l'entretien des routes, sur le seul chemin de Fr�rnonville, afin de se rendre plus commod�ment au
d�ner hebdomadaire que leur offre la ci-devant comtesse de Pindray
(18).
On sait ce que peut � certains moments la perfidie de pareilles attaques. R�pandant partout le trouble et l'alarme, elles atteignaient l'autorit� de Fromental, et l'obligeaient, en jetant le soup�on sur le civisme de son attitude et la probit� de sa gestion, � donner sans cesse des gages nouveaux de son loyalisme d�mocratique. Son z�le d'agent du pouvoir ex�cutif dut, pour conserver son prestige, se montrer de jour en jour plus ardent.
M. de Mitry, menac� et violent�, d�s l'av�nement de Claudon comme maire, passera � l'�tranger en mai 1792, � la nouvelle du s�questre jet� sur ses biens. M. de Pr�mont se retirera � Strasbourg avec un domestique, pr�textant les soins qu'exige sa sant�.
M. de Rochemur, qui s�journe depuis quelques ann�es en Alsace, se tiendra � proximit� de la fronti�re; l'abb� de Laugier se retirera � Florence, puisque la constitution civile du clerg� l'a priv� de ses b�n�fices lorrains.
Mme de Pindray, le baron de Laugier, Mme Ervet, M. de La Garde de Fage et le baron de Ch�tillon tiennent bon devant la tourmente. Mais le jeune de Mirbeck rejoint � l'arm�e de Cond� son p�re, officier des gardes du corps de Monsieur, croyant faire ce que lui commandent l'honneur militaire et la fid�lit� � son prince. Enfin M. de Ch�ville, qui avait annonc� en 1791 son intention de revenir, comme tous les ans, habiter au printemps sa propri�t� de Montreux, n'y para�t plus en 1792.
Nous ne pouvons savoir dans quelle mesure les �v�nements g�n�raux, la fuite du Roi, l'�migration des princes, ont pu d�terminer ces graves r�solutions. Mais l'administration de Claudon et d'autres d�sordres qui �clat�rent dans la r�gion suffiraient � les expliquer. Il ne faut pas oublier en effet que, de toutes les abbayes lorraines, seule Haute-Seille, � 2 lieues de Bl�mont, avait �t� saccag�e par les paysans d'alentour le 1er ao�t 1789 (19), et qu'un peu plus tard (20), la garde nationale de Bl�mont avait accompli l'investissement burlesque des ruines du ch�teau de Turquestein, o� l'imagination populaire voulait voir un d�p�t d'armes et de munitions. Les violences de Claudon � Repaix et � Bl�mont n'�taient pas faites pour dissiper le malaise qui pesait sur toute la r�gion.
� 4. - �tablissement de la liste des �migr�s.
Voici donc comment, sous la pression de tous ces �v�nements, les municipalit�s, puis le directoire du district de Bl�mont ont proc�d�, en ex�cution de la loi du 9 f�vrier 1792, au recensement des biens des citoyens non pr�sents.
Le plus grand propri�taire du pays est sans contredit l'illustre mar�chal de Beauvau. Il �tait encore ministre de la Guerre en 1790. Il a soixante-douze ans. Il poss�de l'important domaine appel� les Baronnies qui s'�tend sur dix-huit villages. Il n'y r�side pas, mais c'est Fromental qui est son homme d'affaires.
La commune de Harbouey dit qu'elle n'a pas connaissance que le mar�chal soit domicili� dans le d�partement; puis, se conformant � la loi, donne l'�num�ration des terres qu'il poss�de sur le territoire communal (21). Merviller fait de m�me, mais Hattigny, visiblement pr�occup� de l'abus qui pourrait �tre fait de ses d�clarations, manifeste ses scrupules. Il ne se trouve, dit la municipalit� de cette commune, le 9 mars 1792, aucun bien �tranger, sinon celui qui appartient � M. le mar�chal de Beauvau ; mais comme ledit sieur n'a point d�guerpi son poste, selon la voix commune, son dit bien se trouve exant de la d�claration (22). Le district en d�lib�re le 14 mai, et, sans trop de peine, Fromental, qui ne peut ignorer la situation de son ma�tre, fait d�cider que M. de Beauvau
���est consid�r� dans le moment pr�sent comme mar�chal de France, et n'a aucun soup�on d'�migration � (23).
La situation du duc de Richelieu, possesseur du comt� de R�chicourt, �tait moins nette. Le trop c�l�bre mar�chal de Richelieu, petit-neveu du cardinal, �tait mort en 1788 � l'�ge de
quatre-vingt-douze ans, laissant un fils, Louis-Sophie-Antoine, et un petit-fils Armand-Emmanuel du Plessis de Richelieu Fronsac, comte de Chinon (24), auquel paraissait destin�e la possession du domaine de R�chicourt. Il avait pris la pr�caution de d�poser et de faire enregistrer � Bl�mont un passeport qu'il avait obtenu de l'Assembl�e nationale, le 1er ao�t 1791, pour aller, disait-il, acqu�rir en Russie
���des connaissances militaires �.
On interrogea les fermiers) on nomma un commissaire qui n'h�sita pas � d�clarer que
���suivant la r�ponse que les agant lui ont tait, il est cro�able que Chinon est �migr�, et qu'il ne faudrait rien n�glig� pour le faire d�nonc� �. Cependant Fromental et ses coll�gues, Pacotte et Dumont, �ludant la grave cons�quence que commandent ces conclusions p�remptoires, d�clarent, le 10 octobre 1792, que l'�migration ne parait pas certaine, mais renvoient l'affaire au d�partement (25).
Le comte de Chinon se d�fendit, fit valoir le passeport d�pos� � Bl�mont et obtint, le 8 novembre, qu'il f�t sursis � son inscription sur la liste.
Toutefois, le s�questre �tant maintenu, le comt� continuait � �tre
r�gi par la nation, et, pendant ce temps, M. de Chinon, abusant
de son passeport, allait rejoindre l'arm�e des princes...
Tout autre fut l'attitude des autorit�s � l'�gard de ceux qui ne disposaient pas du prestige de ces grands seigneurs, ni surtout de l'appui des r�gisseurs de leurs biens devenus magistrats du district. Leur sort se r�gla sommairement.
Comme l'avait fait la commune de Hattigny � l'�gard des biens du mar�chal de Beauvau, celle de Montreux, apr�s avoir lib�r� sa conscience en �non�ant que M. Billard de Ch�ville est venu dans le village en 1791, et qu'il a annonc� qu'il reviendrait en mai 1792, donne la d�claration de ses terres. Mais le Directoire, trahissant l'�vident scrupule des gens de Montreux, d�cide le 7 mai qu'
���il y a lieu de pr�sumer que la municipalit� a regard� le sieur J.Louis Billard comme n'�tant pas actuellement domicili� dans le d�partement, puisqu'elle a fourni le d�tail de tous les biens qui lui appartenaient' : d�cision j�suitique, inconciliable d'ailleurs avec celle qui allait �tre prise huit jours apr�s en faveur du mar�chal de Beauvau, et qui, malheureusement, n'est pas un fait isol�, car une sentence pareille devait atteindre M. de Pr�mont qui n'avait quitt� Cirey que pour aller se faire soigner � Strasbourg.
Il n'est donc pas permis de douter que le Directoire, de parti pris, maintient sur la liste des gens dont les municipalit�s avaient signal� la pr�sence toute r�cente.
Un pr�tre, Christophe Barbier, a pass� � Br�m�nil, vers le 16 avril 1792; son fr�re J. -B. y �tait venu en d�cembre 1791 et avait obtenu, pour voyager, un certificat de la municipalit�, qui en conclut que l'un et l'autre ne peuvent �tre que soup�onn�s. Le Directoire fait, de ce soup�on, une certitude qui suffira pour faire vendre tout ce que poss�daient les deux fr�res
(26).
Colvis Nicolas, pr�tre � Buissoncourt, �tait encore � Ancerviller le 30 juillet 1792. S'il a fait une d�claration de r�sidence � Nancy d'o� d�pend sa paroisse, il ne peut passer pour �migr�. Mais le district de Bl�mont, consid�rant que l'�migration de Colvis
���para�t certaine �, puis surchargeant son proc�s-verbal pour �crire qu'elle
���est certaine �, le couche sur la fatale liste (20 octobre 1792). Colvis avait fait sa d�claration � Nancy (27).
Tandis que s'�tablit cette liste toute provisoire, que les municipalit�s h�sitantes dressent d'apr�s de simples suppositions, les �v�nements se pr�cipitent.
Du s�questre � la confiscation il n'y avait qu'un pas. L'Assembl�e l�gislative l'a franchi le 27 juillet 1792, et, le 5 septembre (28), le Conseil ex�cutif proclamait que l'obstination des mauvais citoyens dans une d�sertion coupable, depuis surtout le danger d�clar� de la patrie, et les pertes incalculables qu'elle lui a fait �prouver, ne permettent pas d'user plus longtemps de m�nagements � leur �gard�; et le lendemain, l'Assembl�e d�cr�te la vente de tous les biens saisis, assimilant m�me � l'�migration l'absence du territoire fran�ais
���par maladie ou n�cessit� de traitement � (28).
Tous ces biens jet�s sur le march� doivent aider � enrayer la baisse de l'assignat qui a d�j� perdu 31 % de sa valeur. Le ministre Rolland le dit sans ambages dans une circulaire du 30 octobre o� il exalte les avantages
���inappr�ciables que la R�publique attend de la vente prompte des biens d'�migr�s, et de l'influence que cette op�ration doit avoir pour rehausser le cr�dit national, et pour subvenir aux d�penses de la guerre �. Il termine par une menace:
���Vous devez vous attendre � trouver en moi le d�nonciateur le plus s�v�re, si j'ai de la n�gligence ou des fautes � vous reprocher. �
Naturellement les agents locaux rench�rissent sur les s�v�rit�s minist�rielles. Fromental n'y manque pas. Il �crit, le 27 avril 1793, � la municipalit� de Foulcrey (29) :
���J'apprends que ...,
Fleurence, pr�tre, a du bien dans votre commune et que nous ne l'avez pas d�clar�... je vous requiert (sic), au nom de la loi, de me d�clarer, dans les trois jours, le bien de cet homme qui est soup�onn� �tre �migr�, et je vous requiert de donner connaissance de ma lettre � tous les citoyens. � Fleurence avait en effet un mobilier qui fut vendu... 40 francs (30).
La liste provisoire des �migr�s du district de Bl�mont, dress�e sous l'empire des suggestions que nous venons de d�crire, �tait affich�e � Nancy d�s le 19 juillet 1792. D�finitive, elle fut sign�e par Fromental le 14 novembre de l'ann�e suivante : 24 frimaire an II.
Elle comprit d'abord vingt-huit noms (31), dix nobles : M. Arnould de Pr�mont, ci-devant baron de Cirey; Billard de Ch�ville, ci-devant seigneur de Montreux; Jean-Thomas de Mitry et Rose de Bault, sa femme, seigneur et dame de Repaix; Mathieu de Sailly; le duc de Richelieu, comte de R�chicourt; de Fage de Rochemur, seigneur en partie de Fr�rnonville; l'abb� Louis de Laugier; Julie de Laugier, sa soeur; Marguerite Conigliano, femme Barail de Buss�ne.
A ces noms s'ajoutaient ceux de neuf pr�tres ou religieux et de dix autres personnes presque toutes attach�es au service des nobles dont elles avaient suivi la fortune. Plus tard la liste s'allongea, on y porta : le chevalier de Sailly, Mme de Pindray, dame de Fr�monville, M. de Mirbeck, seigneur du fief de Barbas.
Ainsi la d�claration toute provisoire des municipalit�s �tait devenue la base d'une liste de proscription ignor�e de beaucoup de ceux qui y furent port�s, et qui demeura d�finitive en d�pit des r�clamations qui s'�lev�rent tardivement.
� 5. - Ventes du mobilier des absents.
La loi du 5 septembre et les d�crets du 31 octobre 1792, qui ordonnaient cette vente imm�diate du mobilier des �migr�s notoires, et dans le mois celle des absents simplement soup�onn�s, furent ex�cut�s avec une h�te f�brile. Pour �viter le d�sastre de la mise aux ench�res, il fallait se pr�senter au moment de la rente et produire soit des certificats de r�sidence et de civisme certifi�s par huit citoyens, soit une d�cision du district appuy� d'un avis conforme de la municipalit�.
En fait, les r�clamations se produisirent tr�s nombreuses; mais instruites avec lenteur, rendues tr�s hasardeuses par la difficult� des preuves, elles n'aboutirent, sauf de rares exceptions, que quand tout �tait vendu depuis longtemps. Bien plus, si finalement la r�clamation �tait accueillie, elle ne donnait droit qu'� la remise de ce qui pouvait rester du prix de la vente, apr�s d�duction de tout ce qui avait �t� pr�lev� pour les besoins de la nation.
Que restait-il d�s lors (32)? Les mati�res d'or et d'argent sont envoy�es � la tr�sorerie g�n�rale; les statues et objets d'art sont r�serv�s; les objets en fer, cuivre, �tain, sont fondus et l'on devra les rechercher, dit une circulaire du 3 novembre 1793 (13 brumaire an Il) jusque dans les b�tisses et sur la couverture des principaux �difices (33). Le linge et la literie vont aux h�pitaux, la bijouterie � la Monnaie, la toile et la laine aux magasins de pansement ou aux manufactures nationales (34). Bl�mont envoyait, le 15 avril 1795, 542 livres d'argenterie pr�lev�es sur les ventes.
On peut juger ainsi de la valeur de ce qui fut jet� p�le-m�le � l'encan de ces march�s tumultueux, mais qui n'en furent pas moins d�laiss�s, quand le public sp�cial des m�g�res et des brocanteurs se fut repu de ces d�pouilles. On cite un mobilier estim� 5.081 francs, qui fut vendu 25.300 francs, payables en assignats, dont la valeur r�elle, � l'�poque de la vente (prairial an IV), ne d�passait pas 380 francs.
Toutes les convoitises, toutes les fraudes se donnaient carri�re, au point que, d�s avril 1793 (35), il fallut un d�cret pour d�fendre aux municipalit�s d'acheter pour leur propre compte, aux officiers municipaux de se rendre acqu�reurs sous des noms suppos�s, aux gardiens de trafiquer des objets d�pos�s entre leurs mains.
Il arriva que les scell�s rest�rent pos�s pendant huit mois sur du lard, de la graisse, des jambons (36), qu'on vendit les portes, les chemin�es, les grilles, boiseries et balcons des maisons, qui eussent �t� pr�tes � recevoir leurs acqu�reurs et
���qui, comme le d�clara le ministre Rolland, ne pr�sentaient plus que des masures inhabitables � (37).
Enfin, lorsque la Terreur eut pris fin, une circulaire minist�rielle du 7 septembre 1794 (21 fructidor an II) constata que les corps administratifs avaient provoqu� des ventes pour lesquelles ils n'�taient pas autoris�s, et alors que les lois ordonnant le s�questre n'avaient encore rien prononc� sur le fond.
Bl�mont dut avouer, le 3 brumaire an III (24 oct. 1794), que toutes les ventes mobili�res du district �taient termin�es d�s avant le 13 avril 1793, c'est-�-dire bien avant la publication de la liste des �migr�s (38).
Comment, au milieu de cette h�te d�sordonn�e, stimul�e d'ailleurs par les injonctions des Directoires (39), les r�clamations pouvaient-elles aboutir? Tous ceux qui, devant les menaces et les violences, avaient quitt� leurs r�sidences, m�me sans passer � l'�tranger, s'efforc�rent d'y rentrer et protest�rent contre leur inscription sur les listes.
Mme de Mitry accourait � Bl�mont d�s la fin de 1792, et demandait sa radiation, protestant qu'une femme, contrainte de suivre son mari, ne pouvait �tre assimil�e � une �migr�e. Beaucoup ne connurent que plus tard les mesures qui s'ex�cutaient contre eux. Ceux qu'on jeta en prison ne purent r�clamer: et, quand ils furent rel�ch�s, ils se trouv�rent dans un complet d�nuement.
Un vieillard de soixante-six ans, Jean-Jacques Pierre, mis en libert� apr�s une d�tention de vingt mois, expose, le 20 frimaire an III (10 nov. 1794),
���qu'il n'a m�me plus une paillasse pour se coucher et que, d�nu� de ressources, il est hors d'�tat de se procurer le moindre meuble, mais m�me de subsister �. Il demande qu'on lui remette au moins le prix de ce qu'on a vendu; mais le Directoire a repouss� sa requ�te (le 11 germinal an II) en chicanant sur la validit� des serments qu'il avait pr�t�s.
Ces rigueurs inutiles ont d'ailleurs �t� g�n�rales, mais on ne songea � les trouver odieuses qu'apr�s la chute de Robespierre. Il semble que Dubois-Cranc� ait connu le cas du malheureux Pierre, lorsque, le 11 novembre 1794 (21 brumaire an III), il appela la piti� de la Convention sur ceux qui,
���ayant �t� jet�s en prison puis rel�ch�s, parce qu'on n'avait pu �tablir aucun fait � leur charge, ne trouvaient plus, en rentrant chez eux, une paillasse pour se coucher �.
Nicolas Colvis, que nous avons vu maintenir sur la liste, par la supercherie d'une surcharge, n'est nullement un �migr�. C'est un pr�tre, et il a �t� d�port� pour refus de serment. Il r�clame le 8 avril 1793 et le Directoire du d�partement prononce sa radiation. Mais cette d�cision semble ignor�e � Bl�mont, et tout son bien y est vendu le 16 d�cembre (26 frimaire an II).
M. de Buss�ne a quitt� Bl�mont (40) en 1789 pour aller exploiter une mini�re en Dauphin�, o� sa femme l'a suivi. Le directoire de Bl�mont la porte sur la liste des �migr�s. Mais quand, devenue veuve, elle r�clame contre cette iniquit�, toute la partie utilisable de son mobilier a disparu, et ce qui reste, c'est-�-dire un crible et un cadre, a �t� vendu 10 livres (41).
Bref, � la fin de 1794 (25 brumaire an III), les rapports officiels constatent que tout ce que M. de Ch�ville poss�dait dans sa maison de Montreux est vendu pour 3.189 livres; que le mobilier de l'abb� Laugier, celui de sa belle-soeur et de son fr�re sont vendus; qu'il ne reste rien de ce que poss�daient M. et Mme de Mitry, ni de M. de Sailly. Il n'y a pas eu de vente du mobilier du ch�teau de Fr�monville, parce qu'il appartient non � M. de Rochemur, mais � sa femme, Charlotte de Pindray qui, bien qu'un instant inqui�t�e, n'a pas �migr�; mais � sa mort, la nation aura � reprendre 2.000 livres de rente viag�re dont le capital ne sera disponible qu'� cette �poque. Enfin, on n'a rien pu prendre � M. de Mirbeck parce que le mobilier du ch�teau de Barbas est la propri�t� de sa grand'm�re, Mme Ervet.
Une mention prise au hasard, dans ce rapport officiel, montre jusqu'o� le z�le patriotique des agents avait pouss� l'ardeur des s�questres et des ventes. A Saint-Maurice, il ne restait plus que les effets du nomm� Martin, qui a abandonn� dans une baraque sa femme et ses cinq enfants, dont un est volontaire et les quatre autres tr�s petits (42).
DEUXI�ME PARTIE
VENTE ET DISPERSION DES DOMAINES SEIGNEURIAUX
� 1. - La famille d'ancien r�gime.
Les lois r�volutionnaires ont frapp� la famille de l'�migr� plus durement que l'�migr� lui-m�me. Elles ont pr�tendu disloquer l'organisation familiale telle que la comprenaient les traditions nobiliaires.
Le d�cret du 7 mars 1793, qui abolit le droit de tester en ligne directe, visait surtout les grands fortunes
���toujours dangereuses, disait Cambac�r�s, dans une R�publique �. Les lois qui suivirent se propos�rent de ruiner l'autorit� paternelle dans la famille, ainsi, que l'esprit de tradition sur lequel reposait tout l'ancien r�gime (43).
Le droit successoral variait selon les provinces; mais partout, la coutume �crite et les moeurs s'accordaient pour assurer, avec un soin jaloux, la conservation du bien patrimonial, alors m�me qu'elles excluaient ou limitaient le privil�ge de l'a�n�.
C'�tait le cas de la coutume de Lorraine et de celle de l'�v�ch� de Metz, dont l'application simultan�e s'imposait aux nouveaux magistrats du district de Bl�mont, form� de localit�s emprunt�es � ces deux provinces.
���En directe, dit la coutume de l'�v�ch� (44), fils ou filles sans distinction succ�dent �galement et sans que l'un puisse pr�tendre avantage sur l'autre. � De m�me en Lorraine (45),
���entre annoblis et roturiers, les fr�res et soeurs, fils ou filles, sans distinction, succ�dent �galement aux biens meubles et immeubles, fiefs et de roture �,
Seul le statut particulier de l'ancienne chevalerie admet le privil�ge de l'a�n�; mais il le soumet � de telles restrictions qu'il n'appara�t plus gu�re que comme un vestige de l'ind�pendance de ce corps politique et militaire, auquel la suppression des Assises a port� le coup mortel.
���Entre gentilshommes (46), tant qu'il y a fils ou descendants d'eux, ils excluent les filles. Le fr�re a�n� ou son repr�sentant ... prend par pr�ciput et sans obligation d'aucune r�compense, le ch�teau ou maison forte avec ses d�pendances imm�diates (47). � Mais l� s'arr�te le droit d'a�nesse, et m�me si, dans l'enceinte du ch�teau, il y a
���moulins, pressoirs et fours banaux �, ils ne sont attribu�s au chef de la famille qu'� charge de r�compense.
Les filles seules sont maintenues en �tat d'inf�riorit�. Elles re�oivent indistinctement
���sommes de deniers selon l'ordonnance du p�re �. A d�faut de testament, elles sont pourvues
���selon les qualit�s, moyens et facult�s de leur maison, outre et par-dessus les habillements convenables � la d�cence de leurs �tats, et frais de festin de noces �.
La plupart du temps, soit que la m�diocrit� des fortunes lorraines rende trop difficile, sans un d�membrement ruineux, la s�paration des int�r�ts, soit que, d'un commun accord, et pour conserver l'int�grit� du domaine patrimonial, on prolonge de g�n�ration en g�n�ration la jouissance commune, la majeure partie du bien reste en la possession de l'a�n�. Seulement, et par cela m�me, les cadets, les filles, les oncles et tantes non mari�s conservent comme un droit leur place au foyer. Ils y sont toujours accueillis, ils y gardent souvent, nous allons le voir, un appartement, et ces obligations du chef envers les pu�n�s et les collat�raux se traduisent en pratique par des conventions multiples, compliqu�es, qui toutes ont pour effet de constituer l'a�n� d�biteur, sous des formes diverses, des autres membres de la famille et de perp�tuer entre eux un �tat d'indivision que le temps aggrave de jour en jour.
Toutes ces circonstances rendaient tr�s difficiles la mise sous s�questre et la vente d'un bien d'�migr�. Elles offraient tout au moins de nombreux moyens dilatoires pour en retarder la consommation.
Pour renverser tous ces obstacles et r�aliser la conception qui pr�sidait � toutes les lois d'exception, c'est-�-dire l'id�e de vengeance et de r�paration p�cuniaire du tort caus� � la nation, le Gouvernement r�volutionnaire fut conduit aux mesures terribles de la mort civile, aggrav�es encore par le syst�me draconien et cruel de la pr�succession. Les parents durent, du vivant m�me de leur fils �migr�, subir le partage anticip� ou la vente de tous leurs biens, dans lesquels la R�publique s'attribuait la part de l'absent qu'elle consid�rait comme mort, pour prendre sa place dans le partage qu'elle imposait � ses parents encore vivants (48).
Mais les difficult�s du partage n'en demeuraient pas moins tr�s ardues. Press�s de donner une satisfaction imm�diate aux convoitises qu'�veillait toujours la perspective d'une vente, harcel�s par la Commission des biens nationaux qui voulait, pour masquer l'�tat des finances, jeter sans cesse de nouveaux domaines sur le march�, les agents nationaux ne sortirent, le plus souvent, de ces graves embarras, qu'au m�pris des quelques r�gles et des formalit�s pourtant bien sommaires que les d�crets de la Convention tentaient d'imposer � l'arbitraire des directoires et des municipalit�s.
C'est dans le trouble et la confusion de ce conflit entre les lois r�volutionnaires et le r�gime s�culaire de la propri�t� familiale que s'est accomplie l'oeuvre de dislocation et de dispersion dont nous voudrions suivre les p�rip�ties.
Le d�membrement de la seigneurie de Repaix, propri�t� de M. de Mitry, nous en fournit un premier tableau.
� 2. - La seigneurie de Repaix, Le comte de Mitry.
La famille de Mitry, d'ancienne chevalerie, avait ses domaines � Vigneulles, � Charmois et au M�nil-Mitry (cantons d'Harou� et de Bayon). Un mariage l'avait unie, en 1699, � la maison de Ch�tillon, puis, en 1787, son repr�sentant d'alors, Jean Thomas (49), chevalier de Saint-Louis, avait achet� � M. de Buss�ne la seigneurie de Repaix et le domaine de Gogney. Fix� dans le pays, il avait pr�sid� en personne en 1788, l'Assembl�e de paroisse, premier �chelon des r�formes �bauch�es par l'Assembl�e des notables. Il avait m�me �t� �lu maire de Bl�mont aux �lections de 1790.
M. de Mitry poss�dait une maison � Gogney, trois autres � Repaix, chef-lieu de sa seigneurie, plusieurs fermes auxquelles on attribua une valeur de 47.000 livres, et un mobilier estim� 4.000 livres. Mais il devait 1.500 francs � l'une de ses soeurs, Louise Fran�oise (50), 34.000 livres � une autre soeur) Jeanne Charlotte, chanoinesse de Poussay, qui les lui avait pr�t�es pour permettre l'acquisition du domaine de Gogney (51), une rente de 400 francs � Marie-Charlotte, n�e en 1756, dont c'�tait l'unique ressource, 6.000 livres � Mme de Pindray. De plus, comme, dans la constitution traditionnelle de la famille d'ancien r�gime, les serviteurs attach�s � la maison ont coutume de laisser leurs gages entre les mains de leur ma�tre, M. de Mitry doit 2.273 livres � ses domestiques.
Tels sont les d�tails que livrait � la malignit� du vulgaire, le registre ouvert � la municipalit�, le 10 octobre 1792, sur lequel quiconque avait eu des l'apports avec l'�migr� ou soi-disant tel, devait d�clarer tout ce qu'il connaissait de ses affaires (52). A nous, qui n'y puiserons qu'avec le respect qui convient, il r�v�le l'extr�me complication des int�r�ts qui s'agitaient autour de ce centre familial, o� les mesures r�volutionnaires et les rancunes locales venaient jeter le trouble d'abord, la ruine ensuite.
Il faut ajouter encore, comme �l�ment de cette situation complexe, l'effet des douaires et des dispositions entre �poux, qui m�laient et confondaient souvent les int�r�ts de deux familles alli�es par mariage.
Dans les biens de M. de Mitry, mis sous s�questre, sa femme, Catherine de Bault, a droit, par suite de conventions matrimoniales, � un sixi�me. Ils ont un fils de douze ans, �l�ve � l'�cole de Brienne (53), auquel les lois r�volutionnaires, malgr� leur rigueur, r�servent un quart de sa part h�r�ditaire. Mais quelle sera cette part ? Elle variera selon que la m�re de l'enfant, femme d'�migr�, sera elle-m�me consid�r�e comme �migr�e. Aussi, d�s qu'elle apprend la vente qui se pr�pare (54), Mme de Mitry accourt-elle � Bl�mont. Elle n'a quitt�, s'�crie-t-elle, le territoire que contrainte et forc�e. Peut-on consid�rer comme �migr�e la femme qui n'a fait que suivre son mari?
Fromental, et les membres du district, en face de l'avidit� pressante des sp�culateurs, trouvent une solution qui ne les compromet pas. Ils renvoient la question au ministre (55); mais en attendant, Mme de Mitry reste intern�e � Nancy � la Maison du Refuge (56); les cr�anciers attendent la d�cision minist�rielle, et cette soeur de l'�migr�, qui n'a pour vivre que la rente de 400 francs que doit lui servir son fr�re, demeurera dans le d�nuement. Elle exhale sa plainte en une requ�te touchante qui n'a gu�re d'autre effet que d'attirer sur elle l'attention et la d�fiance; car si on lui accorde, en l'obligeant � donner caution, un faible subside, nous la retrouvons en 1794 arr�t�e comme ex-noble et suspecte, et intern�e aux Tiercelins du 4 juin au 27 septembre, c'est-�-dire jusqu'apr�s la chute de Robespierre (57).
L'�tat des biens de M. de Mitry, dress� imm�diatement apr�s son d�part, porte leur valeur � 46.855 livres. Fromental l'ayant sign� le 4 novembre 1793, la vente commen�ait le 17, pour se poursuivre jusqu'en mai 1794, puis, apr�s une interruption, en juin 1795 (58). Tout ce bien, d�pec� en 157 lots, atteignit le prix de 130.446 livres. Seulement, si l'on consid�re que l'assignat, pendant cette p�riode, perdit plus des deux tiers de sa valeur nominale, on est ramen� au chiffre de 43.000 livres, inf�rieur � l'estimation.
Il s'en fallut de peu que M. de Mitry ne f�t d�clar� en faillite, et il semble bien que, sans une protestation des autorit�s de Bl�mont, c'est-�-dire de Fromental, il n'e�t point �chapp� � cette nouvelle catastrophe.
Il restait encore des lambeaux de ses terres que l'on vendit en 1796, alors que l'assignat de 100 livres n'en valait plus que 3. Il en restait encore en 1803, que racheta M. de Mitry lui-m�me rentr� en France, o� nous le retrouvons en 1823, vivant � Nancy avec Mme de Mitry, et en possession de la charge de pr�v�t de la Cour pr�v�tale. Mais il avait quitt� Bl�mont sans esprit de retour.
Il nous faut revenir cependant au ch�teau de Repaix, o� l'on avait pos� les scell�s sur une chambre r�serv�e � un fr�re de Mme de Mitry, Antoine de Bault, n� en 1758 (59), ancien garde du corps, qui, habitant Nancy lors du d�part de son beau-fr�re, n'a pu s'opposer � l'inventaire de ce mobilier, et a �t�, comme cons�quence, port� sur la liste des citoyens absents. Malgr� ses r�clamations, le Directoire de Bl�mont s'appr�tait � proc�der � la vente (8 avril 1793), pr�tendant que M. de Bault n'avait pas demand� sa radiation en temps utile. A force d'insistance, il avait enfin obtenu un sursis, mais ses d�marches m�me avaient attir� les soup�ons, et le 13 avril 1794 (24 germinal an II) une d�nonciation �tait adress�e � Fromental, alors agent national, par le Directoire de Nancy.
���Je te pr�viens que Dieudonn� Henry, Fran�ois de Salle Antoine de Bault, domicili� � Bl�mont, actuellement r�sidant dans cette commune, pr�venu d'�migration, te serait d�nonc� comme suspect pour avoir �t� garde du tyran et s'�tre trouv� � Paris � la journ�e du 10 ao�t 1792; il passe m�me pour un �tre ... incivique. Il est cons�quemment dangereux qu'il communique ses principes gangr�n�s. Ta haine contre les ennemis de la patrie m'est un s�r garant ... que tu t'empresseras de le r�unir � ceux de son esp�ce � (60).
Imm�diatement de Bault est arr�t� � Lun�ville (61) et envoy� � Nancy. Il reste en d�tention cent quatre vingts jours et n'est rel�ch� que le 20 septembre (4e sans-culottide an II) sur la d�claration du Directoire de Bl�mont qui reconna�t enfin
���que Bault est en instance pour se faire tirer de la liste des �migr�s, et que, d'apr�s les certificats qu'il produit, il a �t� av�r� qu'il n'�tait pas dans le cas d'�migration �.
Il avait suffi des quelques meubles laiss�s � Repaix, dans l'appartement r�serv� � son beau-fr�re par
M. de Mitry, pour attirer sur lui tous ces dangers (62).
� 3. - Comt� de R�chicourt. Le duc de Richelieu.
La vente du comt� de R�chicourt (63) nous pr�sente les m�mes complications, mais sous un aspect diff�rent auquel le rang et la c�l�brit� des personnages qu'elles mirent en sc�ne pr�tent un certain int�r�t.
Ce comt�, possession ancienne de la famille de Linange-Dabo, comprenait des terres et des for�ts que les actes administratifs, en d�pit de leur s�cheresse ordinaire, qualifient d'immenses. Il s'�tendait sur sept villages, et sa valeur approchait de 800.000 livres, non compris le ch�teau estim� 12.000 livres et son mobilier 10.000 livres. Il �tait entr� dans la famille de Richelieu en 1751, du chef de la seconde femme du mar�chal, Marie-Elisabeth-Sophie de Guise morte en 1740, et par l'effet des partages de sa succession confondue dans la masse des biens de cette famille.
Il �tait lou� 20.300 Iivres, r�duites � 10.465 depuis la suppression des dimes et droits f�odaux (64). Un ami de Fromental, Louis Laurent, en �tait r�gisseur et haut officier.
Le mar�chal �tant mort en 1788, � l'�ge de quatre-vingt-douze ans, le comt� �tait pass� aux mains de son fils, Louis-Sophie-Antoine, p�re de trois enfants, deux filles (65) et un fils pu�n�, le jeune comte de Chinon qui, nous le savons d�j�, �tait pass� en Russie, d�s les d�buts de la R�volution, au moyen d'un passeport qui n'avait pas emp�ch� le Directoire de Bl�mont de s�questrer provisoirement son bien.
Depuis lors, le soup�on d'�migration qui pesait sur lui �tait devenu une certitude, le comte de Chinon ayant rejoint l'arm�e de Cond�. Aussi, d�s que son p�re mourut, en 1794, on le consid�ra comme seul propri�taire de tout ce comt�, sur lequel la R�publique avait h�te de jeter un arr�t� d�finitif de confiscation (66). Elle n'y parvint pas sans difficult�s. La haute situation de la famille de Richelieu ne se soutenait en effet que gr�ce � une s�rie de substitutions, qui frappaient la majeure partie de ses biens entre les mains de l'a�n� des fils et en assuraient la conservation en d�pit des prodigalit�s et des gestions les plus d�sordonn�es. La plus importante de ces substitutions remontait aux dispositions testamentaires du cardinal (1642) et voici ce qu'en dit le cynique et pr�somptueux mar�chal dans ses M�moires (67) :
���Le chagrin que j'eus de la mort de mon p�re fut si faible, qu'il n'eut pas de peine � �tre effac� par le plaisir que je ressentis d'�tre plus riche ... Je succ�dais � une substitution tr�s avantageuse, et j'admirai la prudence du cardinal mon grand-oncle, qui faisait passer dans mes mains les duch�s de Richelieu et de Fronsac, la terre de La Fert�-Bernard, etc ... Sans cette sage pr�voyance du cardinal, j'�tais perdu ... Mon p�re ... s'�tait ruin� sans se faire honneur. Si j'ai h�rit� de lui le go�t des femmes, du moins j'ai su l'anoblir un peu. Il s'y livrait presque toujours crapuleusement... Je ne puis assez b�nir l'usage des substitutions. C'est sans doute ce qu'on a pu faire de mieux pour le soutien des grandes familles; sans cela, il n'en subsisterait pas la moiti�... Ce serait la faute la plus grossi�re en politique de les �teindre, et je suis bien persuad� qu'aucun roi ne le souffrira (68). �
Une autre substitution avait �t� cr��e en 1728 par la m�re du mar�chal sur des biens provenant de la famille de Guise. La troisi�me �tait d'origine galante.
���Une dame, lisons-nous dans les m�moires d�j� cit�s (69), qui se ressouvenait avec plaisir de quelques moments qui lui avaient �t� anciennement donn�s, Mme Gayac, crut probablement s'honorer en l�guant � peu pr�s 100.000 livres, sans compter le mobilier, � un grand seigneur qui n'avait pas besoin de cette augmentation de fortune, et en d�sh�rita un neveu sans ressources, qui �tait en apprentissage chez un ouvrier. La bonne dame avait substitu� une partie de son bien en faveur de Fronsac; les plaintes du pauvre neveu furent inutiles. La loi �tait contre lui et le cri de la justice et de l'humanit� ne fut point entendu. �
Il fallait ces abus de l'ancien r�gime pour soutenir l'opulence apparente de certains grands seigneurs, car la succession de Guise, fort ob�r�e, n'avait �t� accept�e que sous b�n�fice d'inventaire. Le duc de Richelieu avait emprunt� 16.000 livres � son propre fermier de Bl�mont, et il redevait, en outre, 19.583 livres au r�gisseur de ses for�ts, qui fit de son chef une coupe extraordinaire pour se payer (70).
Le directoire du district de Bl�mont h�tait les expertises et tous les pr�paratifs de la vente, lorsque la Commission des biens nationaux, plus prudente, se demanda si, en d�finitive, la nation, en se substituant � l'�migr�, ne risquait pas de payer ses dettes sans en trouver l'�quivalent dans le patrimoine confisqu�. Il faut, �crit-elle le 26 prairial an III (71), donner les ordres les plus pr�cis et les plus prompts au district de Bl�mont pour qu'il suspende la vente du lot en question jusqu'� ce que les op�rations servant � constater l'�tat actif et passif de cette succession et � d�terminer le parti qu'il convient de prendre, soient termin�es.
En d�pit des esp�rances d��ues il fallut ob�ir et surseoir. De longs d�bats furent engag�s devant la Commission des biens nationaux (72). Les soeurs du comte de Chinon, nouveau duc de Richelieu, oblig�rent l'�tat � rechercher l'origine et la port�e de ces substitutions, dont il pr�tendait s'attribuer tout le profit comme repr�sentant de l'�migr�; et l'on dut reconna�tre en d�finitive qu'elles ne pouvaient frapper le ch�teau de R�chicourt. C'�tait un bien libre qu'il fallait partager �galement entre les trois enfants du duc d�funt, et dans lequel le comte de Chinon n'avait droit qu'� un tiers. La R�publique, n'en pouvant prendre davantage, fit op�rer un lotissement; l'agent national, usant du privil�ge que la coutume de Lorraine r�servait en pareil cas au plus jeune des h�ritiers, choisit, comme substitu� au comte mort civilement, le lot le plus avantageux pour la nation. Il put enfin faire vendre le ch�teau de R�chicourt le 6 juillet 1796. Mais il n'emp�cha pas M. de Richelieu de poursuivre en Russie, apr�s ses �tudes militaires, sa carri�re diplomatique. Le duc rentrait en France avec les alli�s en 1814, signait avec eux, pour le roi Louis XVIII, le trait� qui repla�ait les Bourbons sur le tr�ne de France, et devenait ministre en 1815 et 1821, apr�s avoir particip� au proc�s du mar�chal Ney.
� 4. - Les Baronnies. Le mar�chal de Beauvau.
Nous avons dit qu'un autre grand domaine, la baronnie de Saint-Georges, �tait entr� dans la composition territoriale du district de Bl�mont.
Il appartenait, comme R�chicourt, � un grand seigneur dont la m�moire cependant nous est plus ch�re que celle du mar�chal de Richelieu : le prince de Beauvau-Craon, n� � Lun�ville en 1720, fils de l'ancien gouverneur pour le duc Fran�ois III du grand-duch� de Toscane, mar�chal de France et ministre de la Guerre en 1790. Nous savons d�j� que, sur l'avis de Fromental, son homme d'affaires, le Directoire de Bl�mont avait renonc� � le consid�rer comme suspect d'�migration.
Le mar�chal mourut � Paris en 1793 sans avoir �t� inqui�t�. Mais sa fille, la princesse de Poix, bien que n'ayant jamais quitt� la France, n'en eut pas moins � se d�fendre, pour d'autres raisons, contre les pr�tentions du fisc, sous la R�publique, sous l'Empire, et m�me, circonstance plus singuli�re, sous la Restauration. Nous avons recueilli ailleurs les p�rip�ties de ce proc�s des Baronnies qui ne prit fin qu'en 1835, par la reconnaissance d�finitive des droits de la Princesse (73).
Mais le sort de ces grands domaines nous int�resse moins que celui des familles plus humbles qui constituaient la noblesse terrienne du district, car les lois r�volutionnaires devaient les atteindre plus directement, plus injustement et souvent plus cruellement.
� 5. - La Tour de Fr�monville. La famille de Pindray.
La seigneurie de la Tour de Fr�monville �tait, d�s la fin du seizi�me si�cle, aux mains d'un conseiller d'etat, M. de Lampugnan, dont une descendante, Anne-Fran�oise, l'apporta par mariage � George-Louis de Pindray. C'�tait une famille originaire du P�rigord, fix�e en Lorraine depuis 1641 par une alliance avec la maison d'Anglure.
D�s le premier tiers du dix-huiti�me si�cle, la famille de Pindray �tait entr�e dans celle de Nettancourt-Ch�tillon, par le mariage d'Anne de Pindray avec Nicolas-Adrian de Nettancourt (13 janvier 1739), puis dans celle de Sailly, par l'union de Marie-Madeleine de Nettancourt, derni�re de ce nom, avec Fran�ois de Sailly. Mais, en 1790, elle n'�tait plus repr�sent�e que par quatre filles, issues de Fran�ois de Pindray, toutes n�es � Fremonville, et dont deux au moins habitaient la Tour.
Fromental, nous l'avons vu, �tait re�u chez elles, et Claudon, dans ses d�nonciations, avait pr�tendu que, pour rendre ses relations plus commodes, le procureur syndic avait d�pens� tous les fonds affect�s � l'entretien des routes sur le seul chemin de Bl�mont � Fremonville.
Il �tait difficile cependant de faire passer ce ch�teau des dames de Pindray pour un repaire de la r�action, car Marie-Catherine �pousait, en 1793, le cur� constitutionnel de la paroisse et les sentiments que professait ou qu'affectait Charlotte, nous sont connus par un curieux document. Elle avait �pous� M. Xavier de Fage de Rochemur, plus jeune qu'elle de dix-sept ans, et qui, au moment de l'�tablissement de la liste des citoyens non pr�sents, se trouvait � Colmar. Mais comme il ne poss�dait rien � Bl�mont, son avoir se bornant � une rente de 10.000 livres que sa femme lui avait reconnue par contrat (74), le s�questre ne put la frapper. Cependant une lettre sans signature venant de Colmar et adress�e � Mme de Rochemur tomba, le 18 avril 1793, sous les yeux du comit� r�volutionnaire, dont la fonction quotidienne �tait de d�cacheter les lettres � la poste. Sa lecture, dit le proc�s-verbal des s�ances, a fait penser qu'elle pourrait �tre de X. de Rochemur, son mari �migr�, ce que la tournure myst�rieuse de la lettre donne lieu de pr�sumer (75). De ce jour, Mme de Rochemur devenait suspecte; elle fut arr�t�e un peu plus tard, le 10 novembre (28 brumaire an Il) et ne put qu'avec peine obtenir un certificat de civisme (76).
Voici en quels termes elle protesta deux jours apr�s:
���Aux citoyens composant le Comit� de surveillance r�volutionnaire.
���Expose Charlotte Pindray que, victime d'une alliance malheureuse, elle g�mit dans les liens d'un mandat d'arr�t... quoiqu'elle ait obtenu un certificat de civisme... Elle a pr�cis�ment fait conna�tre... combien elle �tait d�tach�e de son mari, qui cause dans le moment ses chagrins, et qui la compromet aux yeux de ses concitoyens, en la rendant suspecte... L'exposante a prouv� dans toutes les circonstances tout le civisme dont une femme est capable; elle a toujours regrett� de ne pouvoir contribuer davantage � l'affermissement de la R�publique... Elle ose esp�rer que ses concitoyens ne la confondront pas avec les aristocrates impudents qui causent tous nos maux. L'exposante se pr�sente au Comit�, d�tach�e des liens qui l'unissaient � un ennemi de la patrie, et si elle n'a fait plus t�t des d�marches pour y parvenir, c'est qu'elle n'avait pue (sic) se persuader qu'il l'e�t abandonn�e ou qu'il f�t �migr�. Mais son absolu silence depuis plus d'un an l�ve tous les obstacles et son coeur a prononc� le divorce m�me avant son arrestation. �
Peu de jours apr�s, le 3e nonidi de brumaire, cette supplique �tait lue � la r�union pl�ni�re des corps administratifs et judiciaires, pr�sid�e par Fromental, et paraissait si touchante et si vraie, que l'Assembl�e, s'en appropriant les id�es et les termes, comme si quelqu'un de ses membres les e�t inspir�s, d�clarait:
���que la citoyenne Pindray- Rochemur est la victime d'un mariage malheureux; qu'elle a toujours �t� dans le sens de la R�volution; qu'elle a manifest� dans toutes les circonstances les intentions les plus favorables, que la calomnie m�me n'a pu trouver moyen de lui nuire (allusion aux d�nonciations de Claudon) et qu'on ne peut rien lui reprocher �. Mme de Rochemur fut mise en libert� sans surveillance (77).
Elle r�alisa ses projets de divorce le 16 f�vrier 1794 (28 pluvi�se an II), affirmant ainsi la sinc�rit� momentan�e de ses griefs contre son mari, et l'ardeur de ses sentiments r�volutionnaires. La fin de la Terreur et l'�tablissement de l'Empire calm�rent toutefois les uns et les autres, car, en 1806, Mme de Rochemur vivait avec son mari � Bl�mont m�me, o� elle mourut l'ann�e suivante (78). La R�volution a �branl� les consciences non moins profond�ment que les institutions.
La quatri�me des ch�telaines de Fr�monville, Th�r�se de Pindray, darne de Gu�blange, avait �pous� Antoine-Joseph de Sailly, capitaine au r�giment de La F�re, qui ne fut port� sur la liste des �migr�s qu'� la suite de son fr�re Mathieu, et probablement � cause de la confusion de leurs biens (79). Ils poss�daient, en effet, une maison � Bl�mont avec deux jardins et une vigne, qui furent vendus, d�s le 17 d�cembre 1793, pour 10.155 livres.
Cependant M. Mathieu de Sailly n'acceptait pas la qualification d'�migr�. D�s le 4 mars 1793, il accourait � Nancy pour se faire rayer de la liste encore provisoire. Il expliquait qu'il ne s'�tait retir� � Luxembourg que pour ne pas se voir priver de sa pension d'officier ayant servi l'Empire. On lui r�pondit qu'il avait eu tort de laisser expirer le d�lai d'un mois imparti par la loi (80), et il ne r�ussit qu'� sauver son mobilier, estim� 3.000 livres, en d�montrant qu'il appartenait � la citoyenne Martimprey, sa soeur (81).
Quant � Antoine-Joseph de Sailly, il semble bien qu'il ait r�ellement �migr�. Sa femme, Th�r�se de Pindray, ne l'avait pas suivi. Elle demeura � Gu�blange, assez paisible pour obtenir un passeport le 10 juillet 1794 (22 messidor an II) (82), puis v�cut � Bl�mont jusqu'en 1816, donna � l'hospice la plus grande partie de sa fortune et, par sa bienfaisance, m�rita la reconnaissance publique. La municipalit� fit �lever � sa m�moire, en 1844, un petit monument qu'on voit encore au cimeti�re de Bl�mont (83).
Mais, avec elle, le nom des trois familles de Nettancourt, de Pindray, de Sailly, habitu�es dans la contr�e depuis deux cents ans, dispara�t. La temp�te r�volutionnaire avait rompu les liens d'int�r�t et de sentiment qui les y avaient si longtemps fix�es.
� 6. - Le fief de Barbas. M. de Mirbeek.
Fromental para�t avoir us� de plus de rigueur envers la famille de Mirbeck qu'envers les ch�telaines de Fr�monville.
Au ch�teau de Barbas habitait avec sa grand'm�re, Mme Ervet, un tout jeune homme, M. de Mirbeck, lieutenant de cavalerie (84), qui, par suite du d�c�s pr�matur� de sa m�re, poss�dait du chef de celle-ci un quart du fief de Barbas, et, du chef de M. Ervet, son grand-p�re, un dixi�me de la m�me seigneurie.
Le 24 ao�t 1792 (85), la municipalit� de Bl�mont avertissait le district que ce jeune homme avait quitt� Barbas depuis un an (ce qui n'avait rien d'�tonnant puisqu'il �tait officier), en ajoutant:
���Nous le soup�onnons avoir pass� aux �migr�s � Comblenzt (sic). J) Cinq jours apr�s, et sans plus ample inform�, M. de Mirbeck �tait d�clar� suspect, et ses biens �taient mis sous s�questre pour �tre �ventuellement affect�s � l'indemnit� due � la nation. Mais ces biens, confondus avec ceux de la famille Ervet, n'�taient pas liquid�s, il fallait attendre une occasion de les saisir.
Le 20 ao�t 1793 (86), Mme Ervet est d�nonc�e comme donnant refuge � des �migr�s. La garde nationale accourt, fouille sa demeure et, dans un r�duit derri�re une tapisserie, trouve 20 r�seaux de bl�, 3 sacs de farine, 2 bichets de pois. Mme Ervet n'avait d�clar� que 6 r�seaux (87). Elle a donc commis une fraude. Le bl� sera confisqu� au profit des pauvres, et livr� � un boulanger bon patriote. Le Comit� de surveillance laisse cependant Mme Ervet en libert�.
Mais deux jours apr�s, Fromental, au retour d'une absence, s'�meut � la lecture du proc�s-verbal de la s�ance, � laquelle il n'a pas assist�. Il demande la r�vision de la d�lib�ration et exige l'arrestation de Mme Ervet, � cause dit-il,
���de la suspicion publique (qui p�se) sur cette maison, de l'asile qu'elle a donn� aux pr�tres inserment�s, des correspondances qu'elle a entretenues avec eux, et des violents soup�ons que le public a, qu'elle cache et a cach� des �migr�s �. L'arrestation, � laquelle nul n'avait song� l'avant- veille, est vot�e � l'unanimit�.
La pauvre femme comparait le lendemain devant le Comit�, o� elle obtient de se faire assister du citoyen Mengin, homme de loi � Lun�ville (88). Elle se d�fend de receler du bl� appartenant � autrui. On n'a trouv� chez elle que sa r�colte de deux ann�es, qu'elle conserve pour les pauvres et pour elle-m�me. Les sacs seuls lui ont �t� pr�t�s. Elle croit avoir ob�i � la loi en d�clarant ce qui provient de la r�colte de 1791, et non des pr�c�dentes. Elle a cach� ce bl� parce qu'elle craint les voleurs et brigands qui plusieurs fois l'ont insult�e et menac�e, dans sa maison, o� elle vit seule, � l'�cart du village. Enfin, c'est elle-m�me qui spontan�ment a montr� la cachette.
L'arrestation n'en est pas moins maintenue. Fromental se charge de partager les grains saisis. Il donne double part aux volontaires qui, pendant plus d'un mois, ont occup� militairement la maison, et fait vendre le reste pour en distribuer le prix aux pauvres (89).
Mme Ervet, enferm�e d'abord � Bl�mont, fut ensuite transf�r�e � Nancy et livr�e au jur� criminel. Nous n'avons pas trouv� la solution de son proc�s (90), nous savons seulement qu'elle y surv�cut.
Le cas de Mme Ervet n'entra�nait pas confiscation de son bien personnel, et, gr�ce � l'indivision compliqu�e qui liait sa situation � celle de M. de Mirbeck du chef de sa femme, et du jeune de Mirbeck du chef de son grand-p�re, la vente n'en eut lieu qu'en juin 1796, sous l'empire d'une l�gislation d�j� adoucie, qui permit � Mme Ervet de racheter le bien de son petit-fils. Mais la poursuite des biens de la famille de Mirbeck continuait encore en 1800, et l'on vendait, le 25 messidor an VIII, le tiers dans la moiti� de huit domaines, formant la part de l'un des membres de la famille, port� sur la liste des �migr�s.
� 7. - Seigneurie de Montreux, M. de Ch�ville
Nous avons vu comment M. Billard de Salins, dit de Cheville, seigneur de Montreux, fut port� sur la liste des �migr�s, bien qu'en se retirant � Nancy pour l'hiver, il e�t annonc� son intention de revenir � la campagne au printemps de 1792, comme il le faisait tous les ans. Cette injustice fut peut-�tre pour quelque chose dans la r�solution qu'il prit; mais il para�t certain qu'il �migra et se joignit m�me � l'arm�e des princes (91). Une lettre, dans laquelle il �tait question de Dumouriez qui, nouveau Monck, pourrait bien pr�parer la reddition de toute son arm�e, fut intercept�e en Belgique. Elle �tait adress�e � M. de Cheville, lieutenant-colonel de cavalerie en France,
���Volontaire dans la compagnie des gentilshommes de la province de Champagne en cantonnement � ... pr�s Namur, arm�e de S. A. S. M. le duc de Bourbon (92). La vente de tous ses biens, s�questr�s d�s 1792, fut d�s lors poursuivie avec un z�le probablement int�ress�, car on n'y eut souci, ni des erreurs mat�rielles, ni de la loi. On mit en vente, le 24 janvier 1794, comme contenant 309 jours, une ferme qui n'en contenait que 209 (93). La loi du 6 ao�t 1790 d�fendait de vendre les bois particuliers attenant aux for�ts domaniales ou communales; on mit aux ench�res un petit bois appel� les Boulottes, contigu � la for�t de Montreux. Le domaine qui constituait cette seigneurie fut �galement adjug� en bloc, alors qu'il e�t �t� avantageux de le diviser, et le nom des acqu�reurs ne permet gu�re de douter des complaisances qui favoris�rent leur convoitise (94).
Le scandale fut assez �vident pour qu'une r�clamation s'�lev�t et parv�nt jusqu'� la Commission des biens nationaux, qui demanda des explications. Le Directoire de Bl�mont r�pondit que la vente s'�tait faite en gros � cause des mauvaises terres dont les habitants n'auraient pas voulu; et que, quant au petit bois, il �tait par sa position expos� � des d�lits qu'
���il est toujours d�sagr�able de faire r�primer par les agents de la patrie contre ses propres enfants� (95). Cette phras�ologie parut pitoyable, et la vente fut provisoirement annul�e. Mais on acheva de ruiner M. de Ch�ville en l'emp�chant de recouvrer ses fermages, sous pr�texte qu'un Fran�ais �migr� n'avait plus qualit� pour exercer les droits de propri�t�, sentence
���qui fait �clater, d�clara le tribunal du d�partement, le patriotisme d�j� connu des magistrats qui y ont concouru � (10 ao�t 1792) (96). Ils avaient en effet d�couvert et appliqu� les cons�quences de la mort civile, plus de six mois avant qu'elle ne f�t d�cr�t�e (28 mars 1793).
Les ventes furent reprises le 18 mars 1795, en 25 lots, Les pi�ces d�tach�es fournirent environ 28.000 livres, la ferme principale et la maison 66.200, mais l'assignat ne valait plus alors que 15 % (97). M. de Cheville, coupable, mais ruin� par des agissements contraires � tout droit, ne reparut jamais � Montreux.
� 8. - Baronnie de Cirey. M. de Pr�mont.
M. de Pr�mont (98), acqu�reur, vers 1784, de la baronnie de Cirey, dernier d�membrement de la seigneurie de Turquestein, demeur�e jusque-l� entre les mains de la famille du Ch�telet, �tait, de ce chef, un des grands propri�taires du pays. Sa baronnie comprenait une ferme de 80 hectares et 1.360 hectares de for�ts, feuillus, sapini�res et chaumes,
S�par�e de corps d�s avant la R�volution, Mme de Pr�mont s'�tait h�t�e de divorcer, d�s que les lois nouvelles le lui avaient permis, et se pr�tendait propri�taire de la moiti� du domaine de Cirey. Un proc�s �tait depuis longtemps engag� sur cette question.
M. de Pr�mont qui, comme tant d'autres, avait en 1789 manifest� des sentiments lib�raux, avait �t� �lu administrateur du district, en 1790; mais, en 1792 il s'�tait retir� � Strasbourg, pour raison de sant�.
Il n'en fallut pas plus pour que ses biens, objets de vives convoitises, fussent port�s dans la d�claration impos�e aux municipalit�s, par la loi du 8 avril 1792, en d�pit des explications courageusement donn�es par Christophe Bathelot, juge et gruyer de sa baronnie, qui dut se d�fendre comme d'une action incivique d'avoir accept� de se charger de ses affaires.
���Il ne croyait pas mieux faire, dit-il, qu'en se rendant utile � un individu qui s'�tait montr� dans le sens de la R�volution. � (99)
Ici encore, la simple d�claration des biens de l'absent suffit � le faire consid�rer comme �migr�, et Fromental en arr�tait la liste le 4 d�cembre 1793 (14 frimaire an II). La ferme fut estim�e 18.000 livres, les for�ts 240.000 (100).
Tout d'abord, dans la h�te de jeter sur le march� une proie si tentante, on ne tint pas compte des pr�tentions de Mme de Pr�mont, et d�s la fin de 1793 on proc�dait � une vente qui fut plus tard annul�e comme ill�gale.
Mais l'adjudication du moulin de Cirey souleva une protestation d'un autre genre, et qui r�v�le la mentalit� cr��e dans certains milieux par l'�tablissement de la dictature d�mocratique.
La fi�vre du patriotisme exasp�r� qu'exalta jusqu'au d�lire la menace de l'invasion �trang�re, est l'excuse des proc�d�s que ce r�gime mit en oeuvre pour sauver la R�publique et la libert�; mais en province, l'esprit jacobin, ne s'exer�ant gu�re que dans le cercle restreint des int�r�ts locaux, confondit simplement et presque na�vement les convoitises du sans-culotte avec l'int�r�t public. De cette mentalit� proc�de l'�trange protestation qui s'�leva contre la vente du moulin de Cirey (101) :
���Le soussign�, depuis deux mois et demi, d�sire se maitre en possession de l'ancien battant et enclos de Cirey... A cet effet, j'ai entr� en composition avec les diff�rents acqu�reurs... J'ai eu beau leurs appr�cier que c'est pour y �tablir une fabrique de limes et visse, objets de la premi�re n�cessit� pour la R�publique, puisque ce sont les objets desquels nous manquons le plus, et qu'il fallut envoyer des sommes �normes � l'�tranger... pour se procurer ces objets. J'ai en cons�quence recours � vous, Citoyens administrateurs, pour l'optenire. Le bien g�n�ral vous y oblige de donner des ordres � ce sujet... la nation y gagnera par une fabrique des plus essentielles, surtout dans les vues du Comit� de Salut public... Je vous demande � qui je dois m'adresser pour pouvoir solidement m'y �tablir en vertu d'une fabrique aussi n�cessaire � tous �gards.
���Je suis le citoyen Aurne demeurant ordinairement � Strasbourg, rue de la philosophie 25, et propri�taire � Turquestein (102). �
Le Directoire prit la peine de r�pondre au p�titionnaire que le droit de propri�t� �tait sacr�, et qu'il ne pouvait obliger les acqu�reurs � se dessaisir d'un bien que la nation leur avait vendu.
Mais il fallut tenir compte des difficult�s soulev�es par Mme de Pr�mont, reconnue cr�anci�re de son mari de 77.841 livres (103). On dut, en d�finitive, lui c�der une part des for�ts qu'elle fit imm�diatement d�fricher, et ce n'est qu'apr�s le 10 octobre 1795 (18 vend�miaire an IV) que furent vendues, � Cirey, deux maisons, l'une avec voli�re et potager, l'autre � plusieurs logements, serre, charmilles, verger, attenant au parterre, avec clos de 53 jours, d�pouilles de M. de Pr�mont, et restes d�figur�s ou transform�s du vieux manoir des du Ch�telet.
� 9. - Baronnie de Ch�tillon. M. Regneault de Ch�tillon.
Le baron de Ch�tillon, Charles-Gabriel Regneault (104), dont les anc�tres habitaient ce ch�teau depuis plus de cent ans, n'�migra pas. Mais il fut, malgr� sa soumission aux lois et les bons rapports qu'il entretint avec Fromental, plus d'une fois inqui�t�. Son fr�re cadet, Joseph-Romain, qui habitait Rosi�res, ayant �migr�, Charles-Gabriel dut faire la d�claration des sommes que ce fr�re pouvait lui devoir. Il la souscrivit en ces termes (105) le 26 octobre 1792 :
���Moi, Charles-Gabriel-Regneault, citoyen, d�clare par la pr�sente devoir une somme de 24.000 livres cours de France � Joseph-Romain Regneault mon fr�re cadet, par contrat de vente de son quart dans la terre de Ch�tillon; de laquelle somme je dois lui payer les rentes jusqu'� parfait paiement. Donn� � Ch�tillon le 26 octobre 1792, l'an IV de la libert� et la premi�re de l'�galit�. - Regneault-Ch�tillon citoyen. �
Ce pacte de famille sauva le ch�teau de Ch�tillon du s�questre, et de la vente � laquelle il n'e�t pas �chapp�, si la cession � l'a�n� par le cadet de sa part du domaine n'e�t fait cesser l'indivision.
Mais l'�migration de Joseph-Romain n'en porta pas moins un trouble profond dans les int�r�ts de cette famille, car, jusqu'en 1800, l'Etat s'immis�a dans ses affaires. Le 25 messidor an VII, il faisait vendre cent neuf cinq cent quatri�mes (109/504) d'une cense rest�e indivise entre M. de Ch�tillon et cinq autres copartageants, depuis une longue suite de g�n�rations.
M. de Ch�tillon crut prudent de d�clarer aussi ce qu'il devait � chacune de ses soeurs, l'une habitant Nancy, l'autre, Mme de Bast, fix�e � Gross-Hermestrof pr�s Saint-Avold, et qui �tait peut-�tre �migr�e. Il confiait ses doutes � Fromental, le 13 frimaire an II (106) et lui demandait
���en ami � ce qu'il devait faire. Cette prudence n'�tait que trop command�e par les circonstances, car, le 12 novembre 1793, le Comit� de surveillance de Bl�mont recevait de celui de Rosi�res
���l'invitation de surveiller la maison de Regneault, ci-devant Ch�tillon et les environs, crainte qu'il ne s'y rassemble des �migr�s � (107). Fromental avait r�pondu qu'une surveillance active allait �tre imm�diatement exerc�e
���sur cette partie de la montagne �.
La tradition rapporte que M. de Ch�tillon dut se tenir cach� pendant plusieurs jours sous les roches qui portent son ch�teau, pour �chapper � ces menaces, contre lesquelles le d�fendait mal l'amiti� de Fromental; et d�s lors il fut oblig� de se pr�senter tous les deux mois devant la municipalit� de Cirey, pour prouver sa pr�sence et solliciter un certificat de civisme (108).
� 10. - Fief de Belcourt. Le baron de Laugier.
De toutes les catastrophes caus�es par l'�migration, la disparition de la famille de Laugier est la plus poignante et la plus tragique.
Cette famille, nous l'avons dit, �tait surtout attach�e � la maison ducale. Originaire de Provence, elle �tait ancienne, et en Lorraine deux de ses membres, Jean-Fran�ois en 1754, Fran�ois de PallIe en 1769, avaient fait partie de la Soci�t� royale des Sciences et Belles-Lettres.
Louis, baron de Laugier, n� en 1725, �tait seigneur d'un domaine situ� sur le territoire de Remoncourt, � 2 lieues de Bl�mont, vieille m�tairie appel�e les Rappes que son p�re avait acquise du domaine � titre d'acensement, et dont il avait obtenu en 1736 l'�rection en fief sous le nom de Belcourt.
Le p�re et le fils avaient servi l'Empire comme officiers; le premier en recevait encore une pension (109). Trois autres de ses fils servaient � l'�tranger. La famille Dumesnil, � laquelle appartenait Mme de Laugier, avait conserv� avec la cour d'Autriche des rapports non moins �troits. Son p�re, seigneur de Ho�ville (110), avait �t� capitaine au service de la reine de Hongrie; un fr�re de celui-ci avait en Toscane le grade de g�n�ral. On ne saurait s'�tonner d�s lors que les deux fils du baron de Laugier, dont l'un avait �tudi� � l'�cole du g�nie � Metz, fussent pass�s en Allemagne d�s avant les d�buts de l'�migration.
Deux soeurs du baron, Julie et Fran�oise-Charlotte, celle-ci n�e en 1733, vivaient d'une rente que leur servait le chef de la famille. Enfin, son fr�re cadet, Louis-Gabriel, titulaire de quatre canonicats en Lorraine et d'une pr�bende du chapitre m�tropolitain de Florence, habitait l'une des maisons que sa famille poss�dait � Bl�mont.
Atteint par la suppression de ses b�n�fices lorrains, l'abb� eut la fatale id�e de se r�fugier � Florence. Il laissait � Fran�ois Balthasar Lafrogne, homme de loi, devenu secr�taire adjoint de Fromental, le soin d'obtenir les indemnit�s promises par la constitution civile du clerg� (111), confiait son mobilier et celui de sa soeur Julie � Louis Fromental, locataire dans sa maison de Bl�mont, et lui empruntait 600 livres pour faire le voyage d'Italie.
De son c�t�, Mme de Laugier, � l'annonce d'un accident grave qui mettait en danger la vie de l'un de ses fils, �tait partie pr�cipitamment pour l'Allemagne, o� l'avait surprise la promulgation de la loi frappant les �migr�s de mort civile. Tandis qu'elle implorait de la Convention une autorisation de rentrer en France, on avait profit� de son absence pour s�questrer non seulement son bien personnel, mais celui de son mari (112).
Celui-ci, demeur� � Belcourt, protestait. Il soutenait que l'�migration de la femme ne justifiait pas le s�questre des biens du mari; tandis que, pour gagner du temps, son avocat, M. Chippel, exasp�rait par de savantes proc�dures dilatoires la convoitise des sp�culateurs.
Le malheur voulut que, en avril 1793, M. de Laugier confi�t � un sieur Braun �de Sarrebourg, qui se chargeait de faire passer des correspondances en Allemagne, une lettre non sign�e pour son ami M. d'Olonne et probablement aussi un peu d'argent pour sa femme, rest�e dans le d�nuement, et qui n'osait repasser la fronti�re.
Le Comit� de surveillance de Sarrebourg intercepte cette correspondance, il y voit tous les �l�ments d'un complot. Laugier est arr�t� le 21 avril, et un expr�s court � Bl�mont � la recherche d'un corps d'�criture permettant de prouver que la lettre saisie est de sa main.
Le soir m�me les scell�s sont appos�s � Belcourt par le juge de paix de Leintrey, et Marquis, lieutenant de gendarmerie, fouille la maison de Bl�mont o� il ne d�couvre que de vieux papiers. Le lendemain, d�s 4 heures du matin, il est � Belcourt, force un bureau, et trouve enfin, au milieu de papiers intimes qu'il saisit, un livre de comptes. Il rapporte ce troph�e qu'on exp�die � Sarrebourg, non sans avoir f�licit� le lieutenant de son z�le, et l'avoir admis, � titre de r�compense civique, aux honneurs de toutes les s�ances du Comit� r�volutionnaire.
Les patriotes de Sarrebourg remercient leurs fr�res de Bl�mont, protestent qu'ils
���ach�veront de purger la terre de la libert� de tous les tra�tres �, et envoient Laugier � la maison de justice criminelle de Nancy (25 avril).
Celui-ci ne cesse cependant de r�p�ter qu'il n'est ni cr�ancier ni d�biteur de son ami, qu'il n'a charg� personne de lui envoyer de l'argent. Il n'en est pas moins maintenu en �tat d'arrestation. Peut-�tre le tribunal criminel e�t-il, apr�s un examen moins sommaire, renvoy� Laugier faute de preuves. Malheureusement, l'affaire lui fut retir�e pour �tre d�f�r�e au tribunal r�volutionnaire.
L'existence � Nancy de cette juridiction exceptionnelle et heureusement �ph�m�re est peu connue. Voici les souvenirs qu'en gardent les archives.
C'est le 22 novembre 1793 (3 frimaire an II) que le repr�sentant du peuple en mission, Balthasar Faure, institue ce tribunal, auquel il donne le nom et qui partage les attributions du trop c�l�bre tribunal r�volutionnaire de Paris.
A la t�te de ce terrible instrument de terreur, il a mis le citoyen Marc, dont le pr�nom de Tricolor qu'il s'est donn�, r�v�le suffisamment le z�le et l'ardeur (113). Il l'a charg� de juger
���toutes les personnes soup�onn�es d'aristocratie, f�d�ralisme, royalisme, projets, actions et propos contre-r�volutionnaires � (114).
Dans son audience d'ouverture, le tribunal d�lib�re qu'il ne recevra aucun solliciteur. Ceux qui feraient cette d�marche seraient d�nonc�s comme suspects,
���attendu que l'innocent doit �tre fort de sa conscience et que le coupable perdrait son temps �.
Durant les quarante-trois jours qu'il a v�cu, le tribunal r�volutionnaire (115) semble avoir �t� saisi de vingt-neuf affaires d'incivisme, propos tendant � r�tablir la royaut�, infractions � la loi du maximum, faux passeports, actions fanatiques. Une dame du Plessis lui fut d�f�r�e pour correspondance avec les ennemis, au moyen d'un b�ton creux, MM. de Nic�ville et de Mahuet pour aristocratie, Mme de Lign�ville pour action incivique. Mais presque toutes ces plaintes rest�rent sans suite, ou furent renvoy�es aux tribunaux r�guliers; et je ne trouve la trace que de quatre jugements dont l'un, celui du 23 frimaire (13 d�cembre), maintient la d�tention jusqu'� la paix du trop fameux Claudon, ancien maire de Bl�mont, et un autre, malheureusement plus d�plorable, qui est la condamnation � mort du malheureux baron de Laugier.
Le 18 frimaire an II (8 d�cembre 1793) le greffier du tribunal criminel d�posait au greffe du tribunal r�volutionnaire la proc�dure suivie contre lui � Sarrebourg pour avoir entretenu une correspondance avec les ennemis de la R�publique et avoir fait passer des fonds aux �migr�s. En marge est �crit:
���Jug� le 19 frimaire. � (116).
Presque aussit�t on proc�dait � la vente des biens du condamn� et de ceux de ses parents �migr�s.
La modeste maison de Bl�mont, estim�e 3.000 livres, lou�e pour 96 livres � Fromental, n'atteignit que le prix de 1.391 livres (117). Le 16 fructidor an II (2 septembre 1794), on vendait de m�me une
���belle grosse maison, dont la face prend jour sur la rue des �migr�s �. Estim�e 1.000 livres, elle fut adjug�e 8.120. Un membre du district et un sp�culateur se la disput�rent; une autre encore, place de la Libert� et rue des
�rnigr�s, estim�e 13.500 livres, fut vendue 31.000 livres � un sp�culateur. Enfin, le 25 juin (7 messidor an II), on d�pe�a le domaine de Belcourt : 440 jours de terres enclav�es en partie dans les bois, 4 jours de jardin, 100 jours de friches, 80 jours de pr�, maison de ferme et bergerie. On en fit deux lots qui atteignirent 172.800 livres (118). L'assignat de 100 livres valant � cette �poque 34 %, le d�sastre fut complet; et les paperasses de cette triste affaire conservent un t�moignage de la d�tresse o� resta plong�e la seule personne de la famille Laugier qui f�t rest�e en Lorraine, Fran�oise-Charlotte, l'une des soeurs du condamn�. Dans une supplique adress�e aux Pouvoirs publics le 14 ao�t 1797 (27 thermidor an III), elle expose
���qu'il d�pendait de la succession de son p�re la terre de Belcourt... Cette seigneurie a �t� d�volue � son fr�re, et l'exposante, comme fille de gentilhomme, a �t� r�tribu�e d'une somme modique. Ce fr�re, baron de Laugier, a �t� une des victimes du r�gime assassin de Robespierre, et est p�ri sur l'�chaffaud, pour avoir voulu faire passer � son �pouse �migr�e une somme modique de dix pi�ces d'or. Il avait deux fils qui, � cette fatale �poque, �taient au service de l'Empire. En cons�quence, la succession de leur p�re a �t� d�volue � la nation qui les a consid�r�s comme �migr�s �. Ne s'�tant pas soustraite aux lois de la R�publique, elle demande sa part de ces successions pr�matur�ment ouvertes, puisque le droit d'a�nesse n'existe plus.
Cet appel � l'�quit� se heurtait � la rigueur des lois, il ne fut pas entendu; et ni Charlotte de Laugier ni aucun membre de sa famille ne reparurent dans le pays de Bl�mont. La nation ne rendit m�me pas les correspondances intimes saisies � Belcourt, elles restent confi�es � la discr�tion des habitu�s de nos archives.
Ainsi, � la fin de 1796 (an IV) les ventes �taient � peu pr�s termin�es, la dislocation, la dispersion des anciens domaines seigneuriaux accomplies. Il ne restait gu�re que des terres sur lesquelles les pr�tentions de la nation �taient contest�es; et, comme la faillite d�finitive de l'assignat, tomb� � moins de 4 livres en mai 1796 (prairial an IV), rendait d�sormais l'op�ration aussi ruineuse pour l'Etat que pour les particuliers d�poss�d�s, les ventes furent suspendues. Le but d'ailleurs est atteint. A l'exception de trois, toutes les anciennes seigneuries du district sont d�membr�es ; les familles, m�me celles que les ventes n'ont pas totalement ruin�es, ont quitt�, sans esprit de retour, une contr�e o� elles n'eussent retrouv� que l'amertume de leur d�ch�ance et le souvenir de ce qu'elles avaient souffert. Celles que la R�volution a �pargn�es demeurent meurtries et diminu�es. Apr�s Mme de Sailly, morte � Bl�mont en 1816, les maisons de Nettancourt, de Pindray, de Sailly, deviennent �trang�res � ce pays o� leur influence s'est exerc�e pendant pr�s de deux cents ans. Si M. de La Garde de Fage, prot�g� par son grand �ge et ses infirmit�s, conserve et transmet � sa post�rit� le ch�teau d'Herb�viller-Lannoy, sa petite-fille, Mme de Brunet, cessera de l'habiter en 1873. Seule la maison de Ch�tillon, alli�e en 1835 � celle de Klopstein, conservera jusqu'� nos jours le ch�teau et le domaine qu'elle n'a pas quitt�s depuis deux cent trente-sept ans.
Mais tandis que disparaissait le r�gime foncier de la propri�t� nobiliaire, entra�nant la d�ch�ance et, l'exode des familles privil�gi�es, les magistrats de
l'ancien r�gime, devenus pour la plupart fonctionnaires r�publicains, traversaient plus facilement la tourmente. Fromental, plus habile et plus heureux que tous les autres, demeurait, nous l'avons vu, le ma�tre incontest� de la contr�e tant que dura la division du d�partement en districts, c'est-�-dire jusqu'en 1795. Il survivait encore � cette organisation avec le titre d'agent national, commissaire du Directoire ex�cutif, lorsqu'il n'y eut plus que des cantons reli�s directement au chef-lieu de d�partement. Seule la division nouvelle du d�partement en cinq arrondissements, en supprimant au chef-lieu de canton tout rouage administratif, mit fin sans compensation � sa carri�re politique. Son coll�gue Lafrogne �tait devenu notaire; Bathelot, juge de paix (119). Pour refaire sa carri�re bris�e pour la seconde fois, Fromental dut de nouveau briguer les emplois. En 1801 (an X) il entrait au Conseil d'arrondissement de Lun�ville; en 1803 (an XII) il devenait suppl�ant du juge de paix et maire de Bl�mont. Mais en 1804 (an XIII) son nom ne figure plus sur la liste des membres du coll�ge �lectoral et Bathelot lui est pr�f�r� comme maire. Enfin l'Empire met fin � ses vicissitudes; en 1806 il obtient la charge de juge de paix � Bl�mont. C'est dans ce poste tr�s modeste, qu'il a termin� sa carri�re � soixante-six ans, le 26 novembre 1821, ayant servi, apr�s la Monarchie et la R�publique, l'Empire et la Restauration.
Probablement sceptique, �go�ste, mais �tonnamment laborieux, comme le�furent en g�n�ral les fonctionnaires de ce temps, rarement sinon jamais violent, mais savamment �nergique ou r�sign�, souple ou imp�rieux suivant les circonstances, Th�odore Fromental avait r�alis� pendant trente ans, au milieu de bouleversements sans pr�c�dents, le type int�ressant du fonctionnaire avis� et fid�le sous tous les r�gimes.
(1) Le bailliage de Bl�mont comprenait, outre la, ville ; Amenoncourt, Avricourt, Autrepierre, Barbas,
Bl�rnerey, Chazelles, Dom�vre, Foulcrey, Fr�monville, Gogney,
Halloville, Igney, Leintrey, Saint-Martin, Montreux, Raon-l�s-Leau, Reillon, Remoncourt avec le fief de Belcourt, Repaix, Saint-Sauveur, Xousse, Barville, village isol� des autres, non Ioin de Lorquin, Hermam�nil, territoire sans maisons, aujourd'hui reli� � Emberm�nil, qui �tait alors terre d'�v�ch�, Grandseille, si�ge d'un marquisat cr�� pour M. du Chatelet, hameau pr�s de Verdenal, enfin le fief de la Grand'haye, commune de Nonhigny.
(2) Arch. M.�et�M., Suppl. E. Bl�mont, 1626-1656
(3) Les familles de Mitry et Regneault de Ch�tillon sont alli�es depuis 1699. Cette derni�re l'est depuis 1706 � la famille de Mortal, � laquelle appartient Mme de Pr�mont, etc., etc.
(4) Renaud de Bar, �v�que de Metz en 1308, promit au duc Thi�baut de reb�tir ce ch�teau, d�truit au cours d'une guerre.
(5) La premi�re maison d' Haussonville, qui s'�teignit au commencement du dix-septi�me si�cle, poss�dait Ch�tillon et Turquestein depuis le quinzi�me. Lors du partage de ces seigneuries, en 1567, le lot dit de Ch�tillon �chut aux deux filles de Gaspard d'Haussonville : Anne, femme de Georges de Nettancourt, et Marguerite, femme de Jean II du Ch�telet. Apr�s un sous-partage, en 1611, Ch�tillon fut vendu, puis rachet� en 1676 par Nicolas Regneault.
Cirey, �rig� en baronnie, demeura � la famille du Ch�telet jusqu'en 1769, et la branche des Nettancourt-Ch�tillon se fixa � Fr�monville. Antoine-Joseph �pousait en 1786 MarieTh�r�se-Marguerite de Pindray, sa cousine, soeur de Charlotte, �pouse de Xavier de Fage de Rochemur, et toutes deux habitaient Fremonville en 1789.
(6) La justice de B�nam�nil (Lun�ville-sud) avait �t� acens�e pour partie, en 1771, � Nicolas-Joseph Harmand, conseiller au Parlement, d�j� seigneur censitaire de Chazelles (Bl�mont-Lun�ville) par contrat du 26 avril 1714:, confirm� par arr�t du bureau de r�union du 18 f�vrier 1730.
(7) Louis-Pierre de Lubert, ancien major des gardes du corps de Stanislas, �tait fils de Louis de Lubert, pr�sident au Parlement de Paris; il s'�tait mari� � Lun�ville le 28 juillet 1766.
(8) N� en 1729, avait �pous� en 1754 �lisabeth Zimmermann; mort en 1787 (Arch. M.-et-M., Suppl. E. Bl�mont).
(9) N� en 1756, avait �pous� en 1779 Catherine Voinot.
(10) Louis Fromental, n� en 1761.
(11) Originaire de Saint-Georges, chef-lieu d'une des baronnies du prince de Beauvau (Arch. M.-et-M., Suppl. F, 1766).
(12) Emmanuel-Fran�ois, marquis de Lambertye, mar�chal de camp, et Louise Antoinette de Lambertye, sa femme (Arch. M-et-M, Suppl. E, 1766).
(13) Lettre du baron Charles-Gabriel Regneault de Ch�tillon, � Fromental, du 13 frimaire an II (3 d�c. 1793) (Arch. M.-et-M, Suppl. Q, 1036).
(14) Il l'�crivait Glodont.
(15) Elles avaient eu lieu le 8 f�vrier 1790.
(16) M. Thomas de Mitry, maire le 25 juillet 1790, en suite de la d�mission du titulaire, conserva ses fonctions jusqu'au 4 septembre 1791 (Voir, sur ces incidents, Biblioth�que publique F L, 1236, un factum n� 35)
(17) Emprunt de 4 louis � la soeur de l'abb� de Laugier. Le Directoire contesta cette Cr�ance, sous pr�texte qu'elle n'avait pas date certaine (Arch. M.-et-M., Q, 1038).
(18) Arch. M.-et-M., L, 662, et Biblioth�que publique, F L. 1236, 35).
(19) J. S. A. L., 1894, p. 172.
(20) 14 sept. 1791, 111. S. A. L., 1886, p. 166.
(21) Arch. M.-et-M., Q, 1034.
(22) Arch. M.-et�M., Q, 1031.
(23) Arch. M.-et�M., Q, 1034.
(24) N� le 25 septembre 1766, mort le 16 mai 1821.
(25) 26 octobre 1792 (Arch. M.-et-M., Q, 1038).
(26) Arch. M.-et-M., Q, 1034:.
(27) Arch. M.-et-M., Q, 1038.
(28) Proclamation du 5 juillet; lois des 27 juillet et 6 septembre 1792.
(29) Arch. M.-et-M., Q, 1033.
(30) Arch. M.-et-M., Q, 1033.
(31) Arch. M.-et-M., Q, 431.
(32) D�crets des 1er mars, 31 ao�t, 16 septembre, 17 octobre 1792, 13 brumaire, 2 vent�se, 9 messidor an II.
(33) L'ex�cution de cette d�cision provoqua de vives r�clamations, L'agent national de Lun�ville, Haillecourt, �crit, le 12 janvier 1195 (3 pluvi�se an III), qu'il ne trouve pas de cuivre, sauf quelques chanlattes en rosette au ch�teau et � la com�die, mais que leur remplacement en fer-blanc, qui est d'une raret� et d'un prix extraordinaire dans ce moment, serait singuli�rement contraire aux int�r�ts de la R�publique. Il en envoie cependant 2.365 livres (Arch. M.-et-M., Q, 62).
(34) Peu apr�s, le 14 ao�t 1794 (27 thermidor an II), le Comit� de Salut public revenait sur cette d�cision, et reconnaissait que les couvertures fines de coton et toutes celles r�put�es de luxe, �taient inutilisables dans les h�pitaux (MARION, Vente des biens nationaux, chap. IX, p. 239).
(35) D�cret du 24 avril 1793.
(36) MARION, loc. cil, p. 236.
(37) Lettre du ministre Rolland, du 7 septembre 1794 (21 fructidor an II) (Arch. M.-et-M., Q, 1034).
(38) Arch. M.-et-M., Q, 1036.
(39) Articles 6, 7, 9 de la loi des 1er�2 f�vrier 1793.
(40) Arch. M.-et-M., Q, 1038. - Marguerite Conigliano, veuve de Marie-Joseph de Buss�ne, originaire de Franche-Comt�, anobli le 22 septembre 1760
����tant venu � Lun�ville il y a environ vingt-cinq ans, apr�s avoir �pous� la fille de Marie-Joseph Conigliano, attach� au service du roi de Pologne pour la fourniture des marchandises n�cessaires � la d�pense de sa maison �. M. de Buss�ne avait successivement achet� la seigneurie de Bathl�mont (1749), puis les droits utiles de la seigneurie d'Igney et la terre de Gogney (1778). Il avait ensuite c�d� Igney � l'ing�nieur Lecreulx, et Gogney � M. de Mitry.
(41) Arch. M.-et-M., Q, 1033. - On pourrait multiplier facilement ces exemples. La m�re du cur� de Montreux, Barbiche, s'est retir�e avec ses meubles chez une voisine. Elle y est morte. Le district de Bl�mont revendique les meubles comme appartenant � un �migr� (Arch. M.-et-M., Q, 1038). Blaise, pr�tre � Rambervillers, est parti, donnant � sa domestique son mobilier, qu'elle ram�ne dans son village, � Hablainville. La municipalit� s'empare de tout et fait enfermer � Bl�mont cette femme et sa fille. Elles ont pu s'�vader. Marianne Lhomm�e est la soeur d'un pr�tre chass� pour refus de serment. Elle vivait avec lui et demande qu'on lui laisse au moins le mobilier qu'elle a re�u de ses parents. Le Directoire qualifie cette r�clamation de ridicule, et la pauvre femme est d�pouill�e de tout (avril 1793).
(42) Arch. M.-et-M., Q, 431 et 1033.
(43) Charles DE RIBBES, Les Familles et la Soci�t� avant la R�volution, t. Il, 289�292.
(44) T. XI, art. II.
(45) T. XI, art. II.
(46) Coutumes nouvelles du titre XI, article IV.
(47) Ces d�pendances sont: basse-cour, parc ferm� de murailles, jardins et pourpris contigus, avec le droit de guet, etc.
Suivant la coutume de Paris, l'a�n� prend, outre le ch�teau, soit les deux tiers soit la moiti� des fiefs.
(48) Loi du 17 frimaire an II (7 d�c. 1793) : ���Les biens des p�res et m�res dont les enfants majeurs ont �migr� sont s�questr�s et mis sous la main de la nation. � Loi du 9 flor�al an III (28 avril 1795) :
���Tout ascendant d'�migr� doit faire la d�claration d�taill�e de ses biens. Le Directoire proc�de � la liquidation de tout patrimoine sup�rieur � 20.000 livres. Il fera autant de parts �gales qu'il y aura de t�tes ou de souches, l'ascendant comptant pour une. Les parts revenant aux �migr�s sont acquises � la nation. Les parents peuvent racheter � certaines conditions. � L'application de cette loi, suspendue comme inique le 25 juin 1795 (11 messidor an III), fut r�tablie � titre facultatif le 31 mars 1796 (11 germinal an IV).
(49) Fils de Jean-Hyacinthe et de Jeanne de Franquemont, �pouse le 6 avril 1777 Marie-Charlotte (ou Catherine) de Bault, n�e le 11 novembre 1759 de Dieudonn�-Henry-Antoine-Fran�ois de Bault, gentilhomme du roi de Pologne, habitant Bl�mont, et de Rose-�lisabeth Abram (Arch. M.-et-M., E, Suppl. n� 1765).
Ant�rieurement, le 20 f�vrier 1699, Charles-Joseph de Mitry avait �pous� Anne-Nicole, fille de Nicolas Regneault et de Marie-Catherine Haxaire, acqu�reurs en 1676 du ch�teau de Ch�tillon (Dom PELLETIER).
(50) Arch. M.-et-M., Q, 1033-1035.
(51) Le district contesta cette cr�ance, en all�guant qu'il y avait eu concert entre l'�migr� et sa soeur, pour
����ter � la nation la juste indemnit� que lui doivent les ennemis du bien public � (Arch. M.-et-M., Q, 1038).
(52) Arch, M.-et-M., Q, -103.5.
(53) Arch. M.-et-M., Q. 1041.
(54) 24 d�cembre 1792 (Arch. M.-et-M., Q, 1041).
(55) Arch. M.-et-M, Q, 638. - Le district se compose, � cette �poque, de Hanus, Ducret, Fromental l'a�n�, Marchal. Pacotte, Hertz et Lafrogne.
(56) 8 septembre 1792 (Arch. M.-et-M., Q, 1041).
(57) Arch. M.-et-M., L, 1525 et 3294; Q, 1038.
(58) Arch. M.-et-M., Q, 1033 et 431
(59) M. de Bault et Catherine (ou Charlotte) de Bault, sa soeur, n�e le 11 novembre 1759, devenue �pouse de Jean-Thomas, comte de Mitry, �taient les enfants de Dieudonn�-Henry-Antoine-Fran�ois de Bault, n� en 1712, mort le 14 mai 1762, gentilhomme du roi de Pologne, qui avait �pous� en premi�res noces Catherine Massu de Fleury, morte le 4 juin 1756, et en secondes noces Rose-�lisabeth Abram, qui, en 1781, se remariait � M. de Villaucourt (t�moin Jean-Thomas de Mitry, son gendre). (Arch. M.-et�M., E, Suppl., Bl�mont, nos 1765-1766, et Q., 1038).
(60) La d�nonciation est sign�e : Sonnini, administrateur; Brandon, secr�taire g�n�ral (Arch. M.�et-M., L, 1524).
(61) Arch. M.-et-.M., Q, 3300. - Proc�s-verbal sign� Laurent, Placiard, Georgeot, Bourguignon le jeune, Delorme, Petit et Castara.
(62) Arch. M.-et-M, Q, 1041.
(63) R�chicourt-le-Ch�teau, �ancienne Meurthe, canton de l'arrondissement de Sarrebourg. Le comt� s'�tendait sur Avricourt, Foulcrey, Gondrexange, Ibigny, Moussey, Richeval (Arch. M.-et-M., Q, 1033-1040).
(64) Cette ventilation avait �t� faite le 12 janvier 1792 (Arch. M.-et-M., Q, 1095).
(65) Armande-Marie-Antoinette et Simplicie-Gabrielle-Armande.
(66) Louis-Fran�ois-Armand de Vignerod du Plessis, duc de Richelieu, mar�chal de France, petit-neveu du cardinal, �tait n� en 1696. Il mourut en 1788. De sa seconde femme, Marie-�lisabeth-Sophie de Guise, morte en 1740, il avait deux enfants : Louis-Sophie-Antoine, duc de Fronsac, et, apr�s son p�re, duc de Richelieu, mort en 1794, et une fille, qui fut la comtesse d'Egmont.
Le duc de Fronsac avait �pous� successivement Mlle de Haute fort et Mlle de Galifet. Il eut trois enfants: deux filles et un fils pu�n�, Armand-Emmanuel, comte de Chinon, n� en 1766, mort en 1821 sans enfant de son �pouse, Mlle de Rochechouart. Louis XVIII a substitu� sa pairie au fils de sa soeur, comtesse de Pumillac.
(67) M�moires du mar�chal de Richelieu, dans M�moires relatifs � l'histoire de France, t. II, p. 414.
(68) Loi du 25 octobre 1792, art. 1 ���Toutes les substitutions sont interdites et prohib�es � l'avenir. �
(69) T. II, p. 316.
(70) Arch. M.-et-M., Q, 1035.
(71) Arch. M.-et-M., Q, 59.
(72) 24 thermidor an II (Arch. M.-et-M. Q. 1034)
(73) ���Le proc�s des baronnies � (M.A.S. 1912).
(74) Contrat de mariage du 5 juillet 1791 (Arch. M.-et-M. Q, 1033, et L. 638).
(75) Arch. M.-et-M., L, 3157.
(76) Arch. M.-et-M., L, 3162.
(77) Arch. M.-et-M., L. 3160.
(78) M. GERMAIN DE MAIDY, Notice sur Fr�monville, dans B. S. A. L., 1912, p. 186.
(79) Mathieu de Sailly dit l'ain�, capitaine au service d'Empire, et son fr�re Antoine-Joseph, �taient fils de Fran�ois de Sailly, seigneur de Montigny et d'Igney, et de Marie-Madeleine de Nettancourt, fille de Gabriel-Laurent de Nettancourt (mort le 7 d�cembre 1735) et de Jeanne Cossu (morte le 27 ao�t 1739). Antoine avait �pous�, le 30 janvier 1786, Marie-Th�r�se-Marguerite, comtesse de Pindray, dame de Gu�blange. De ce mariage �tait n�e, le 29 janvier 1787, Charlotte-MarieTh�r�se de Sailly (Arch. M.-et-M., L, 3162).
(80) Arch. M.-et-M., Q, 1038-1041, L, 638 - Loi du 8 avril 1792 : ���Ceux qui rentreront avant le 9 mai seront r�int�gr�s...,
mais ils paieront les frais du s�questre, toutes leurs contributions arri�r�es, et, a titre d'indemnit�, une somme double de leurs impositions. � Le 23 octobre, la Convention d�cr�tait que tous les �migr�s sont bannis � perp�tuit�, et seront punis de mort s'ils rentrent.
(81) Catherine, baronne de Sailly, �pouse de Georges-Constant-Alexandre de Martimprey (Arch. M.et-M., Q, 1033, et E, suppl., n� 1766, � la date du 27 janvier 1777).
(82) Arch. M.�et�M., L, 639.
(83) Notice pr�cit�e, B. S. A. L, 1912, p. 187.
(84) Arch. M.-et-M., L, 454. - Michel-Nicolas de Mirbeck, n� � Barbas en 1769 de Nicolas de Mirbeck, chevalier de Saint-Louis, officier aux gardes du corps de Monsieur, lequel vivait encore en 1791, et de Marie Ervet, morte � vingt et un ans, peu apr�s la naissance de son fils, le 15 novembre 1769. Elle �tait
fille de Jean Ervet, ancien chirurgien militaire, et de Fran�oise Valier qui, en 1791, habitait le ch�teau
de Barbas avec son petit-fils.
(85) Arch. M.-et-M., Q, 1034.
(86) Arch. M.-et-M., L, 3157.
(87) Loi du 4 mai 1793.
(88) Arch. M.-et-M., L, 3160.
(89) Arch. M.-et-M., L, 3157.
(90) Les actes du tribunal criminel ne sont pas d�pos�s aux Archives d�partementales, mais sans doute � celles de la Cour, qui ne sont pas compl�tement class�es.
(91)� Arch. M.-et-M., Q, 1034, 1038. - Jean-Louis de Billard de Salins, dit de Cheville, chevalier, lieutenant-colonel de cavalerie, seigneur de Montreux qu'il avait achet� en 1784, avait �t� maintenu dans les droits accord�s � ses anc�tres de se qualifier gentilshommes (Compl�ment au nobiliaire, LEPAGE et GERMAIN, p. 2233). II �tait c�libataire, du moins en 1787.
(92) Arch. M.-et-M., L, 3375.
(93) Arch. M.-et-M., Q, 4340.
(94) La plupart des domaines seigneuriaux ont �t� acquis par des sp�culateurs, toujours les m�mes, agissant individuellement ou en soci�t�. Leurs noms, tr�s r�pandus dans le pays, sont port�s actuellement encore par d'honorables familles dont plusieurs, malgr� cette co�ncidence, n'ont peut-�tre rien de commun avec eux. C'est pour ne pr�ter � aucun rapprochernent que nous ne les citons pas.
(95) Arch. M.-et-M., Q, 59 et 434
(96) Arch. M.-et-M., Q, 1034.
(97) Arch. M.-et-M., Q, 434.
(98) Joseph-Sigisbert-Arnould de Premont descendait du sieur Arnould, gentilhomme ordinaire du duc L�opold (1709), seigneur de Parey-Saint-C�saire et du fief de Pr�mont, ban de Thelod (canton de V�zelise) (LEPAGE, Communes, II, 267-727). Il avait �pous� Marie-Th�r�se-Marguerite Mortal, n�e le 7 octobre 1750.
(99) Arch. M.-et-M., Q, 1036.
(100) Ce s�questre arr�ta la construction d'un ch�teau que M. de Pr�mont avait commenc� et au sujet de laquelle il devait 600 livres � son architecte, Piroux, de Lun�ville, qui venait tous les quinze jours visiter les travaux (Arch. M.-et-M., Q. 1034 et 1035).
(101) Arch. M.-et-M., Q, 1041, 12 mai 1794.
(102) C'est chez ce citoyen, et dans les ruines de Turquestein qu'il habitait en �t�, et o� il venait d'�difier une chapelle approuv�e par l'�v�que constitutionnel, que la garde nationale de Bl�mont avait fait une perquisition le 11 septembre 1791, pour rechercher les armes qu'on y disait cach�es (.M. S. A. L., 1886, p. 166).
(103.) Arch. M.-et-M., Q, 1034.
(104) N� en 1742, mort le 1er septembre 1817.
(105) Arch. M.�et-M., Q, 1035.
(106) Arch. M.-et-M., Q, 1036.
(107) Arch. M.-et-M., L, 3158.
(108) Arch. municipales de Cirey, D, I, 1793, 1.
(109) Arch. M.-et-M, B, 11386.
(110) Ho�ville, arrondissement et canton nord de Lun�ville.
(111) Arch, M.-et-M., Q, 1034-1035. Les pr�bendes dont jouissait l'abb� de Laugier �taient celles de chanoine �
Dom�vre, Deneuvre, Saint-Jean-de-Briey et Saint-Amand-de-Metz.
(112) Arch. M.-et-M., E, 190.
(113) Tricolor Marc ou Marque est connu par deux factums conserv�s � la Biblioth�que, F L, 1574-1575.
(114) Le pr�sident du tribunal touche 300 livres par mois, les juges 250.
(115) Arch. M.-et-M., L, liasse et registre 3291-3292.
(116) Arch. M.-et-M., L, 3292.
(117) Arch. M.-et-M., Q, 431.
(118) Arch. M.-et-M., Q, 59 et 434
(119) Annuaires de l'an VIII, IX, X et suivants.
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