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L'ouragan de 1902 dans les Vosges
Bulletin de la Soci�t� philomatique vosgienne - 1904
L'ouragan de 1902 dans les Vosges
L'ann�e 1902 restera marqu�e dans les annales des Vosges
par un cataclysme que, fort heureusement, elles
n'avaient jamais eu � enregistrer.
Dans la nuit du 30 au 31 Janvier, une temp�te du
Nord-Est s'abattit sur toute la r�gion et ne prit fin
que dans la journ�e du 2 F�vrier. A certains moments.
notamment dans les matin�es du 31 Janvier et du 1er
F�vrier, elle atteignit une violence inou�e et en
quelques minutes causa des d�g�ts consid�rables dans
toute la r�gion montagneuse, du Donon au Ballon
d'Alsace.
Les magnifiques for�ts de sapins qui couvrent les
montagnes furent d�vast�es par l'ouragan. Sur les
versants expos�s au Nord-Est, des peuplements en pleine
vigueur furent en quelques minutes couch�s sur le sol,
et du fond des vall�es ou put assister � cette lutte
grandiose de la temp�te et des g�ants de la for�t qui,
vaincus apr�s une r�sistance de quelques instants,
�taient renvers�s ou bris�s comme des f�tus de paille.
Les deux vues ci-jointes sont dues � un des membres les
plus d�vou�s de la Soci�t� philomatique, M. Victor
Franck, dont les nombreuses productions artistiques sont
si justement appr�ci�es.
La premi�re repr�sente une parcelle d�vast�e au Col du
Haut-Jacques.
La seconde �voque le souvenir du �� Sapin Algan �.
Cet arbre remarquable, situ� dans une des for�ts
domaniales des environs de Saint-Di�, n'a pas r�sist� �
l'ouragan.
Il mesurait 3m70 de circonf�rence � hauteur d'homme; son
volume �tait �valu� � 22 m�tres cubes et son �ge � 400
ans environ.
Dans sa chute, il s'est bris� en quatre morceaux.
Le volume des bois renvers�s par l'ouragan de 1902, des
�� chablis �, a d�pass� un million de m�tres cubes sur le
versant fran�ais de la cha�ne des Vosges, soit un cube
de bois plein de plus de cent m�tres de c�t�.
Ces bois ont �t� vendus, avec perte naturellement, par
les diff�rents propri�taires des for�ts, et une
v�ritable arm�e de b�cherons, de schlitteurs et de
voituriers a �t� occup�e � leur mise en oeuvre, qui est
aujourd'hui � peine termin�e.
Pour le d�bit d'une quantit� de marchandises trois fois
environ plus consid�rable que celle livr�e
habituellement chaque ann�e au commerce, les scieries se
sont trouv�es insuffisantes ; aussi des usines
temporaires mues par la vapeur et utilisant pour le
chauffage la sciure et les d�bris, ont-elles �t�
install�es sur diff�rents points aussi rapproch�s que
possible des parties les plus ravag�es des for�ts,
tandis que dans les grands centres commerciaux d'autres
ont �t� soit cr��es, soit am�lior�es avec les derniers
perfectionnements offerts par l'industrie.
Une des plus remarquables de ces derni�res est
certainement celle qui a �t� install�e � Saint-Di� par M. Frientz. Les machines dont elle est pourvue sont de
fabrication am�ricaine.
Elles peuvent d�biter ensemble en 11 heures de travail
100 m�tres cubes de bois .
L'avenir semble �tre � ces usines perfectionn�es et
plac�es au centre des affaires, et il est � pr�voir que
leur d�veloppement, qui marche de pair avec celui des
chemins de vidange et des voies ferr�es, entrainera un
jour ou l'autre la disparition des vieilles scieries
hydrauliques, ces travailleurs plus modestes mais
infatigables, leurs soeurs ain�es de plus d'un si�cle;
mais ces derni�res rendent encore et � peu de frais des
services importants :aussi l'heure de leur disparition
ne semble-t-elle pas pr�s de sonner, et tous ceux qui
aiment la montagne se plaisent � esp�rer que longtemps
encore elle profileront au fond des vall�es sur les
sombres sapins leurs silhouettes pittoresques, que la
fum�e de leurs maisonnettes de bois continuera �
s'�lever avec les vapeurs de la for�t, et que les �chos
de la montagne ne cesseront pas de retentir du bruit de
leur travail et du grincement de leur scie sous lame du
sagard. |