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Prise
de contact
Le 14, d�part � 4 heures.
Cette fois nous allons � l'ennemi, signal� �
quelques kilom�tres au nord-est. D�s que
nous atteignons le plateau au sortir de
Baccarat, nous entendons le canon.
C'est donc bien vrai, nous y arrivons enfin.
Le r�giment, en r�serve de D. I. prend
d'abord position dans les bois de la Grande
Voivre, puis progresse par Xermamont, et
vers 19 heures, atteint les abords sud de
Saint-Maurice o� il bivouaque dans les
champs au sud-ouest, vers la cote 286.
Devant nous, une compagnie (10e) et des
cavaliers occupent le village en
avant-postes.
Quelques bless�s passent dans des autos
particuli�res r�quisitionn�es. Ce sont les
premi�res douleurs rencontr�es ; elles nous
montrent une des r�alit�s de la guerre. Les
feux sont allum�s un peu partout ; les
corv�es vont au bois et � l'eau.
Tout � coup, vers 21 heures, on crie �� aux
armes � et de tous c�t�s on se pr�cipite ;
mais ce n'est qu'une fausse alerte.
Une sentinelle, � Saint-Maurice, a tir� sur
des groupes qui revenaient de la corv�e
d'eau et qui n'avaient pas le mot.
Le calme revient vite, le repas continue ;
puis, dans la nuit noire, sous un brouillard
�pais, dans une humidit� qui p�n�tre, le
silence s'�tablit partout ; on entend des
ronflements, le repos a commenc�.
Nuit calme, ponctu�e de ci, de l�, par
quelque coups de feu lointains de
sentinelles s�rement plus �mues que
menac�es.
Au jour naissant, le canon se fait entendre
au milieu d'une fusillade nourrie. On prend
les armes et on attend les ordres qui n'ont
pas encore �t� communiqu�s.
Le 15, vers 7 heures, le r�giment se met en
marche dans la direction de
Cirey-sur-Vezouze. Entre Neuviller et
Br�m�nil, la route sem�e d'effets de toute
sorte, nous dit la h�te avec laquelle nos
ennemis ont d� battre en retraite. Des
bo�tes de conserves vides, des liti�res de
paille, des fragments de tables prises dans
les fermes marquent les emplacements occup�s
la nuit pr�c�dente par les petits postes
allemands. A Br�m�nil, nous croisons des
bless�s du 121e, qui s'est battu la veille
aux portes de Cirey. Les chars des paysans,
dans lesquels on a plac� un peu de paille,
emportent des grappes de petits bless�s ou
quelques grands bless�s couch�s. Ils rient
sous leurs pansements tout rouges ; nous les
interrogeons pour nous tremper dans leur �me
qui conna�t d�j� la souffrance. Apr�s un
arr�t de plusieurs heures au sud-ouest du
bois de Quaumont, vers la cote 407, nous
traversons le village de Parux incendi�.
Dans les d�combres on voit le cadavre d'une
femme calcin�e et tenant encore un enfant
dans les bras. Au dehors, les traces
multiples de tueries inutiles, de
d�vastations que rien ne semble avoir
motiv�es. Tout r�v�le d�j� la sauvagerie du
syst�me de guerre dont nos ennemis ont fait
leur r�gle. Le d�sir de combattre cro�t dans
l'�me de chaque soldat avide de pouvoir
enfin se mesurer avec un adversaire qui n'a
encore donn� que des preuves de sa barbarie.
Pr�s de Nonhigny, �galement d�vast� par le
feu, un uhlan mort g�t dans uni foss� ;
c'est le premier cadavre d'ennemi que nous
rencontrons ; pr�s de lui, un va et vient
continu s'�tablit ; les yeux de nos soldats
semblent vouloir puiser dans ce spectacle le
calme pour frapper sans piti�.
Cirey.
Avant d'atteindre Cirey,
nous traversons, vers le bois de la
Haie-de-Tracy, les champs o� le 121� a
beaucoup souffert la veille des feux de
mitrailleuses ennemies post�es aux abords
sud de la localit�. Des habitants cherchent
les cadavres � travers champs et les
groupent sur le chemin o� des voitures
viendront les prendre. La quantit� d'armes
d�j� ramass�e t�moigne de l'importance des
pertes de nos camarades.
Le 3e bataillon envoy� en avant-garde entre
� Cirey aux derni�res lueurs du jour.
L'accueil joyeux des habitants nous ait
plaisir ; les vieux nous serrent les mains
en criant �� Vive la France �. Les Boches
sont partis il y a deux heures � peine apr�s
avoir cribl� les murs de la ville de balles
de fusil. Ont-ils voulu terroriser la
population ? Est-ce une manifestation
brutale de leur rage impuissante ou
simplement l'effet d'une ivresse puis�e aux
caves des habitants ? Deux compagnies sont
install�es aux issues nord et est pour en
assurer la garde. Un flot incessant de
troupes nouvelles envahit la localit� ; la
place centrale se garnit de plus en plus de
batteries d'artillerie, puis de coloniaux.
La pluie fait rage, et malgr� tout c'est un
va-et-vient continu de corv�es de
ravitaillement, d'isol�s qui parcourent les
rues et visitent les �piceries pour se
procurer quelques suppl�ments, de cavaliers
qui portent des ordres. Une bonne humeur
�vidente pr�side � tout cela et dit
clairement que la fatigue, les privations,
le temps n'ont encore eu aucune prise sur le
moral des combattants.
Au cours de la nuit du 15, les 1er et 2�
bataillons qui avaient �t� arr�t�s dans les
bois de la Haie-de-Tracy, traversent la
localit� pour gagner Tanconville o� ils
devront cantonner ; mais, quand ils y
arrivent, ce village regorge d�j� de troupes
et force est de passer le restant de la nuit
sur les bords de la route.
Le 16, le r�giment revient � Cirey, o� il
est maintenu toute la journ�e � la lisi�re
ouest, en r�serve de C. A. Les trains nous
rejoignent dans la matin�e et permettent de
ravitailler les troupes. Heureusement le
soleil a reparu et l'on drogue ainsi sans
trop d'impatience.
Au loin, aucun bruit d'artillerie, pas un
coup de fusil. Nous savons que nos
avant-gardes poursuivent l'ennemi qui
n'oppose aucune r�sistance appr�ciable. D�j�
elles ont p�n�tr� en Lorraine annex�e, et ce
fait nouveau vient gonfler nos coeurs d'une
douce joie qui contribue pour beaucoup �
faire oublier les mis�res physiques des
jours pass�s.
La fronti�re franchie.
Apr�s une bonne nuit �
Cirey, nous repartons le 17, dans la
direction de Bertrambois. C'est la derni�re
localit� fran�aise avant la fronti�re
franchie � midi sous la pluie qui tombe dru.
Apr�s le long d�fil� des colonnes
d'artillerie qui nous ont pr�c�d�s, la route
forme une nappe d'eau et de boue ; nous
devons constamment l'abandonner pour passer
� travers bois. Un soldat emporte le
poteau-fronti�re : �� Je le planterai � la
nouvelle fronti�re �, dit-il. Des batteries
d'artillerie lourde, enlis�es dans la boue,
ne peuvent plus avancer. Vers 14 heures,
nous atteignons la lisi�re nord et le
r�giment prend une formation de
rassemblement sur la croupe sud-ouest de
Niderhoff, face au nord-est.
Devant nous de larges ondulations
d�couvertes, avec, dans le lointain, de
grands bois sombres. Sans �tonnement et
comme si l'ennemi n'existait plus, on
s'�tablit en dehors des bois.
Mouill�s jusqu'aux os, nous allumons des
feux de bivouac.
Enfin, apr�s plusieurs heures ainsi pass�es,
nous nous remettons en marche et nous
traversons bient�t Niderhoff, premier
village lorrain annex�. Les habitants
regardent ; leurs figures ne disent ni
l'�tonnement ni la satisfaction. Que
pensent-ils ? Comme nous aimerions le savoir
! Mais la marche nous entra�ne, et � 18
heures nous arrivons aux m�tairies de Saint-Quirin
o� nous cantonnons.
Un vieillard � la figure bien fran�aise, qui
s'est d'abord tenu � l'�cart, se laisse peu
� peu aller � la confiance ; il causerait
volontiers, mais il redoute les repr�sailles
possibles apr�s notre d�part. Ses l�vres ne
peuvent contenir les mots d'amour qui disent
toutes ses esp�rances; il! parle de son
jeune temps; il prononce �� France � avec une
v�n�ration qui le soulage, mais aussi d'un
ton de crainte qui dit ce qu'il aurait �
redouter s'il �tait trahi.
Des reconnaissances d'officiers mont�s sont
envoy�es dans les bois en vue de la marche
du lendemain ; l'�paisseur des fourr�s et la
boue ne leur permettent pas d'avancer.
Le 18, vers 10 heures, nous arrivons �
Nitting. Nos avant-gardes ont atteint Hesse
et Schneckenbusch. Le r�giment �tant en
r�serve de D. I, re�oit l'ordre d'organiser
la sortie nord de Nitting et d'y creuser des
tranch�es. Le commandant Gaube convoque le
maire et lui prescrit de mettre � sa
disposition des travailleurs munis de leurs
outils. �� Que ceux qui sont contents de voir
la France revenue avec nous, se mettent au
travail et nous aident. � Tous ob�issent et,
se m�lant � nos hommes, creusent les
tranch�es.
Vers 14 heures, la progression est rapide et
la plaine qui s�pare Nitting de Hesse est
travers�e en colonnes doubles largement
ouvertes. A quelques centaines de m�tres au
sud de Hesse, le r�giment est arr�t� ; on
reste sur place dans la m�me formation et on
attend. Comme la fatigue et la faim nous
font trouver de plus en plus lourds ces
arr�ts inexpliqu�s, la belle humeur nous
quitte et on entend quelques plaintes. Enfin
quand la nuit, est faite bien noire,
l'ordre est donn� de cantonner � Hesse.
Nous sommes pr�venus cependant que les
troupes y �tant d�j� tr�s nombreuses, la
place affect�e au 98� sera tr�s r�duite. Les
fourriers vont n�anmoins � la Mairie pendant
que les bataillons s'�tablissent au bivouac
contre le village.
D'immenses feux sont vite allum�s et bient�t
on entend � travers les cris multiples
�chang�s, le grincement caract�ristique des
moulins � caf�. Brouhaha d'un champ de foire
illumin� des feux de la Saint-Jean ;
roulement des lourdes voitures de artillerie
qui �tablit le parc au sud-est de Hesse ;
cris de conducteurs encourageant leurs
montures ; v�hicules qui, ayant pris dans
l'obscurit� le tournant trop court, ont
vers� dans le foss� et que des dizaines
d'hommes essayent de redresser au milieu
d'appels qui s'entrechoquent ; tel est le
tableau bruyant de ce coin de terre o� de
toutes les pens�es semble �cart�e la moindre
pr�occupation de l'ennemi.
Nous passons la journ�e du 19 en position
d'attente dans les champs, � la lisi�re
sud-ouest du bois de Yungford, au nord de la
voie ferr�e, en r�serve de D.I., et, la nuit
venue, nous cantonnons � Hermelange.
Sarrebourg.
20 ao�t. - Le soleil se
l�ve radieux. C'est le premier jour de
combat du r�giment.
Le bataillon Besson (2�) se porte au bois de
Yungford en soutien au 16� r�giment engag� �
Schneckenbusch ; le bataillon Fabregues
(1er) � gauche, marche de Hesse sur la ferme
Mouchenhoff; le bataillon Gaube (3�) demeure
momentan�ment en r�serve de D. I., au
sud-est de Hesse. Une section de ce
bataillon est envoy�e � Hesse pour faire
abriter les habitants dans l'�glise et
veiller � ce qu'aucun signal ne soit fait
aux Allemands du haut du clocher. On a en
effet acquis la certitude que des tirs
d'artillerie ont �t� provoqu�s de cette
mani�re sur quelques-unes de nos formations.
Vers 8 heures, le bataillon Besson se porte
� gauche du 16e fortement contre-attaqu�
vers Schneckenbusch par d'importantes forces
ennemies. Le bataillon Gaube se porte au
bois de Yungford. La compagnie de Beno�t, du
bataillon Gaube, appuie bient�t le mouvement
du bataillon Besson; mais insuffisamment
soutenus par l'artillerie, 16� et 98�
doivent se replier sur le bois de Yungford.
Les Allemands ne poursuivent pas.
A 17 heures, l'ordre d'attaque g�n�rale est
donn� � toute la division. Au 98e, le
bataillon Besson conservant la droite, doit
se porter sur Schneckenbusch, o� il
franchira le canal de la Marne au Rhin pour
marcher sur Buhl, � l'est du ruisseau ; le
bataillon Gaube au centre doit passer le
canal � Neuhoff puis se porter sur Buhl et
Neumuhl. Le bataillon de Fabr�gues � gauche,
progresse plus � l'ouest du canal.
En voyant d�boucher notre attaque des bois
au sud de Schneckenbusch, le tir de
l'artillerie allemande prend une grande
violence. Tout le front de bataille s'allume
d'incendies provoqu�s par le feu dans les
villages et dans les fermes. Mais partout la
r�solution de marcher s'affirme par
l'attitude superbe des troupes au milieu des
flammes et des toitures qui s'�croulent.
�� Les braves gens �, ces mots reviennent
constamment � la pens�e de ceux qui les
voient � l'oeuvre.
A notre droite, dans Schneckenbusch, la
lutte est terrible et le bataillon Besson ne
peut pas franchir le canal.
Au centre, le bataillon Gaube et le 62�
bataillon de chasseurs � pied franchissent
le canal malgr� le feu intense que
l'artillerie allemande dirige sur le pont de
Neuhoff. Le d�ploiement se fait rapidement
sur la rive nord et la marche sur Buhl est
reprise; le bataillon de Fabr�gues � gauche,
les chasseurs au centre, le bataillon Gaube
� droite.
Malgr� la fusillade tr�s violente, nos
tirailleurs gagnent du terrain, mais il se
fait d�j� tard et bient�t le cr�puscule
envahit tout. On ne distingue plus tr�s bien
ce qu'on aper�oit ; une ligne sombre et
impr�cise pr�s du sol indique seulement la
position des fantassins allemands sur
lesquels nous dirigeons nos feux.
La nuit est venue ; des lueurs d'incendie
nous r�v�lent des mouvements de repli chez
l'ennemi, et tout � coup, le silence
s'�tablit. On n'entend plus que la voix des
bless�s r�clamant du secours: Gri�vement
atteint, le porte-drapeau a disparu. En le
recherchant, on trouve le drapeau � terre ;
on le remet au commandant Gaube.
La nuit profonde et silencieuse nous
enveloppe ; les bless�s appellent ; des
falots rouges commencent � sillonner la
plaine ; des sonneries de trompettes dont
nous ne connaissons pas la signification
sont entendues du c�t� de l'ennemi ; tout
devient myst�re, douleur et inqui�tude !
Il est impossible de continuer la marche
sans savoir o� en sont nos voisins ; des
patrouilles sont envoy�es dans toutes les
directions. Pourrons-nous encore avancer ?
Allons-nous �tre contre-attaqu�s ? le doute
nous tiraille. Quoiqu'il en soit, apr�s
cette dure journ�e d'attaques, qui, malgr�
les lourdes pertes subies, nous ont permis
de faire reculer l'ennemi, il ne saurait
�tre question de se reporter en arri�re.
Les recherches des patrouilles n'ayant donn�
aucun r�sultat, aucune liaison avec le chef
de corps ne fonctionnant plus, le commandant
Gaube se d�cide � aller en personne � la
recherche du colonel, afin d'�tre fix� sur
la situation du r�giment et sur les
d�cisions � prendre. Au pont du canal, il
trouve le lieutenant Marenda qui lui apprend
que le colonel a �t� l�g�rement bless�, que
les attaques du bataillon Besson n'ont pas
pu d�boucher, que le r�giment a beaucoup
souffert et que les d�bris des unit�s
�puis�es attendent tapies contre les berges
du canal, les ordres du commandement.
Repli sur Hesse.
Enfin, au milieu de la
nuit, parvient l'ordre de se replier sur
Hesse o� l'on attendra des instructions
nouvelles pour reprendre l'attaque, le
lendemain. Il pleut, la fatigue est extr�me,
car c'est la troisi�me nuit sans sommeil ;
depuis plusieurs jours, on vit Dieu sait
comment !
Rieni � faire dans cette nuit noire pour
essayer de se regrouper ; on s'empile dans
les maisons, on s'installe sous les toits
que l'artillerie a respect�s et, dans ce
d�sarroi, s'il est impossible de savoir ce
qui se passe dans les coeurs, aucune plainte,
aucun murmure n'en r�v�le le trouble
profond.
Retraite sur Nitting.
Au cours de la nuit,
l'ordre arrive de se replier sur Nitting et
de se regrouper. Les vides que la bataille a
creus�s dans nos rangs commencent alors �
�tre d�nombr�s. Nos pertes en officiers et
en soldats ont �t� cruelles. Le commandant
de Fabr�gues passe pour avoir �t� tu� de
plusieurs coups de ba�onnette ; le
sous-lieutenant Renaudin a �t� tu� ; les
sous-lieutenants de Morgues, Brunet, Cognet,
Lenouvel ont disparu. Le sous-lieutenant
Labroqu�res a �t� tu� d'une balle � la t�te
au cours d'une reconnaissance sur le pont de
Schneckenbusch, en cherchant � rep�rer une
section de mitrailleuses qui g�nait sa
marche. Le capitaine Garnier, gravement
bless� au ventre et le capitaine Migat qu'on
avait d�pos�s dans une maison de Hesse n'ont
pas pu �tre emport�s. Le lieutenant
Descombat, porte-drapeau, a �t� emmen� ainsi
que les lieutenants B�n�detti, Hahn, Treuvey.
Malgr� les efforts multipli�s de toute la
nuit, beaucoup d'autres bless�s ont d� �tre
laiss�s sur place, faute de moyens de
transport.
A 4 heures du matin, le r�giment regroup�
tant bien que mal, effectue son repli sur
Nitting, et prend position aux lisi�res du
village, dans les tranch�es creus�es
quelques jours auparavant.
Retraite sur les bois de
la Mini�re.
Vers midi, l'ordre est
donn� de franchir la Sarre sur les
passerelles install�es par le g�nie au
sud-ouest de Nitting et de se replier sur
les bois de la Mini�re. L'artillerie lourde
allemande qui voit commencer le mouvement,
tire sur Nitting. Le bataillon Besson prend
position sur les premi�res pentes, au sud de
Lorquin, pour servir de soutien �
l'artillerie, pendant que les deux autres
s'�tablissent � la lisi�re m�me des bois,
face au nord. Les hommes ext�nu�s de fatigue
s'endorment aussit�t arr�t�s.
A 17 heures, aucun �v�nement nouveau n'est
survenu ; le feu de l'artillerie allemande
s'est calm� ; aucune infanterie ne s'est
encore montr�e. Nous attendons las et
pr�occup�s, quand un cavalier arrive au
galop ; il faut se replier imm�diatement sur
Hattigny, mais l'artillerie allemande en
batterie vers Aspach nous interdisant la
route au sud des bois, le r�giment doit
suivre un itin�raire d�tourn� par
Fraquelfing et gagner Bertrambois.
Quelques �l�ments passent cependant par
Hattigny. A Bertrambois les difficult�s
deviennent s�rieuses, car nous nous trouvons
m�l�s � des troupes d'artillerie,
d'infanterie et de cavalerie qui battent en
retraite et arrivent de toutes les
directions.
Il faut reformer une seule colonne sur la
route de Cirey, tandis que des unit�s qui se
trouvaient d�j� � Cirey sont port�es sur
Bertrambois pour couvrir la retraite. Alors
commence une marche p�nible, excessivement
lente, constamment g�n�e par l'encombrement
de la route et par le croisement des unit�s.
Et cela dure des heures enti�res !
Enfin, vers 23 heures, nous arrivons � Cirey.
Pendant qu'on attend les ordres pour le
stationnement, les hommes s'assoient au bord
de la route et s'endorment. Le canon ennemi
tonne toujours au loin, vers le nord. Sa
voix qui nous poursuit dans la nuit,
souligne davantage encore la situation et
fend l'�me. Enfin, apr�s une heure
d'attente, l'ordre arrive de cantonner �
Fr�monville que d'autres troupes occupent
d�j�. Nous y arrivons vers une heure et on
se tasse comme on peut dans les locaux
encore disponibles.
Pendant cette marche en retraite, le
commandant Besson a soudain disparu du c�t�
d'Hattigny. Pr�c�dant son bataillon et parti
� cheval dans la direction d'Hattigny pour
faire une reconnaissance de terrain, il n'a
pas reparu. Le colonel est � bout de forces
; le commandant Gaube, qui reste seul
officier sup�rieur, assure l'ex�cution des
ordres du commandement. La nuit n'est pas
longue et d�s le lever du jour, il faut
reprendre le mouvement de repli, en
direction d'Harbouey.
Retraite sur la Mortagne.
A Harbouey, le r�giment
est rassembl� dans un champ et les
commandants d'unit�s regroupent leurs
hommes. La fatigue est immense, mais chacun
r�agit sur lui-m�me. Nos hommes sont
affam�s. Les arbres fruitiers sont mis au
pillage.
La troupe ne paraissant plus capable de
soutenir un nouveau combat avant d'avoir pu
prendre un peu de repos, le g�n�ral de
division ordonne un repli par �chelons
successifs pour prot�ger la retraite. Nous
traversons Ancervillers et vers 12 heures
nous arrivons � Montigny. Les convois de
ravitaillement qu'on pensait y trouver,
n'ont malheureusement pas pu nous rejoindre
; on ramasse alors les pommes de terre des
champs, on d�valise les arbres, on allume
des feux et chacun s'alimente un peu. Ayant
mis sac � terre, tout � leur pr�occupation
de cuisine, reprenant quelque repos d'esprit
par ce seul fait que, prot�g�s par une
arri�re-garde ils n'ont plus la hantise de
l'ennemi, les nommes se sont vite ressaisis,
les conversations se font plus bruyantes.
A 14 heures, sous une pluie torrentielle,
nous reprenons la marche par Reherrey,
Brouville, Azerailles, et � la nuit, nous
atteignons le cantonnement de Glonville.
Le 23, la marche en retraite recommence et
vers 10 heures nous arrivons � Fontenoy.
Nous sommes d�j� brouill�s avec le
calendrier et la vue des gens en habit de
f�te et se rendant � l'�glise nous dit que
c'est aujourd'hui dimanche. Nous faisons Une
grande halte dans les vergers et chacun va
de maison en maison en qu�te d'aliments. Les
habitants sont d'ailleurs tr�s accueillants
et beaucoup se privent de la messe pour
pr�parer � manger � ceux qui le demandent. ��
Prenez nos mirabelles, dit un paysan, il
vaut mieux que ce soit vous qui en
profitiez, que les Allemands. �
L'aum�nier de la division, l'abb� Lestrade,
dit une messe � la m�moire de nos morts. A
13 heures nous repartons ; nous traversons
Domptail, Xaff�villers, puis
Saint-Maurice-sur-Mortagne et nous arrivons
� Hardancourt o� nous devons cantonner. Le
commandant Gaube fait d�ployer le drapeau et
tout le r�giment d�file en lui rendant les
honneurs. Aucun des anciens n'a perdu le
souvenir de cette manifestation. |