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12 ao�t 1914 - Badonviller - L. Schaudel (1/3)
 

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12 ao�t 1914
BADONVILLER
... une ville sans histoire est un corps sans �me...

Louis SCHAUDEL



BADONVILLER
�� Une ville sans histoire est un corps sans �me. �

PREMI�RE PARTIE
Aper�u g�ographique

BADONVILLER, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Lun�ville (Meurthe-et-Moselle) est situ� � l'extr�mit� occidentale des derniers contreforts des Vosges moyennes, sous 53�89' de latitude et 330 m�tres d'altitude. Les �difices de la partie ancienne de la ville s'�tagent, depuis l'�glise dominante jusqu'au bas du vallon d'�rosion fluvio-glaciaire, par o� la Blette - l'antique Albuletta - �coule les eaux limpides de deux combes d'in�gales longueurs, qui se joignent � l'entr�e de l'ancien faubourg d'Alsace. Autour de ce noyau central se sont d�velopp�s, � diff�rentes �poques, � l'est, les habitations construites le long de l'avenue de la Chapelotte; au sud-est, l'important faubourg d'Alsace; � l'ouest, le faubourg de France, avec le quartier de la gare, et une cit� ouvri�re enti�rement reconstruite et agrandie aupr�s de la Fa�encerie d'�douard-Th�ophile FENAL; enfin, au sud, les maisons de la route de Lun�ville et un autre groupe d'habitations ouvri�res en formation dans le quartier du Souhait.
La population de la ville, en 1926, s'�levait � 2.152 habitants.
Une route bien entretenue traverse la ville du N.-0. au S.-E. et, par le col de la Chapelotte, se dirige sur Allarmont - Bionville, dans la vall�e de la Plaine .. Un embranchement, se d�tachant � droite, avant la sortie de la ville, traverse l'ancien faubourg d'Alsace et, par Nabeine et le carrefour de la Vierge-Clarisse, conduit � Pierre-Perc�e pour aboutir � Celles-sur-Plaine.
A l'ouest, pr�s de la gare, une route se dirige sur Br�m�nil, reli� � Angomont par un chemin vicinal; sur Petitmont, reli� au Val-et-Ch�tillon, et sur Cirey. A 500 m�tres de la gare, prend naissance, sur cette route, un chemin de grande communication, qui est le prolongement d'une voie antique, dite chemin de Bl�mont, venant de Pexonne et de Fenneviller et traversant la grande rue du faubourg de France, pour continuer vers le nord, sous forme de chemin creux, dit la Creuse, aujourd'hui en partie combl� et abandonn�. La partie septentrionale, qui subsiste, met Badonviller en communication directe avec Bl�mont et les villages interm�diaires de Montreux, Nonhigny, Harbouey et Barbas. Un embranchement, apr�s 700 m�tres de parcours sur cette voie, conduit � Neuviller, Saint-Maurice et Sainte-P�le.
Au sud-ouest, la route, apr�s bifurcation au Souhait du chemin de Fenneviller, Pexonne, Neufmaisons et Raon-l'�tape, se dirige en ligne droite sur Sainte-P�le, Montigny et Og�viller, o� elle aboutit sur la route nationale reliant Nancy et Lun�ville � l'Alsace, par Bl�mont et Sarrebourg.
Deux voies ferr�es, l'une exploit�e par la Compagnie de l'Est, et l'autre par le D�partement, relient Badonviller, la premi�re � Baccarat, par Pexonne, Vacqueville, Merviller, et la seconde, par Saint-Maurice, Sainte-P�le, Montigny, Mign�ville, � Herb�viller, point de jonction avec la ligne de Lun�ville � Bl�mont.
Anciennement la ville, avec son mur d'enceinte et ses foss�s, formait un ovale allong�, dont le grand axe
N .-S. mesurait 250 m�tres et le petit axe E.-O. 190 m�tres. Deux portes seulement donnaient acc�s � l'int�rieur; elles �taient � pont-levis, surmont�es de tours � cr�neaux et m�chicoulis, et servaient de prisons. Celle de l'Est �tait connue sous la d�nomination de Porte d'en bas ou d'Allemagne, et celle de l'Ouest sous le nom de Porte d'en haut ou de France. A c�t� de cette derni�re se dressait une grande tour, avec sa chambre de guet. A l'ext�rieur de chacune des deux portes, � droite et � gauche, deux ouvrages, dits moineaux, renfor�aient la d�fense.
L'�glise romane s'�levait sur l'emplacement actuel de l'H�tel de Ville; elle �tait d�di�e � Saint-Martin, patron de la paroisse, Comme elle tombait en ruine, elle fut remplac�e, en 1786, par l'�glise de style Empire, qui fut m�thodiquement d�truite, le 12 Ao�t 1914, par les incendiaires des premiers envahisseurs ennemis. Class�e depuis comme monument historique, elle a �t� enti�rement restaur�e, gr�ce � l'indemnit� de guerre allou�e � la Commune et mise � la disposition de la Coop�rative de reconstruction autoris�e de Badonviller.
A l'extr�mit� m�ridionale de la ville, un groupe de vieilles maisons, quelques-unes adoss�es contre l'ancien mur d'enceinte, porte le nom �nigmatique de Ch�teau de Famine. C'est �videmment l'ancien ch�teau de Badonviller, que sa situation au fond du vallon de la Blette, permettait d'entourer d'eau sur tout le pourtour, constituant ainsi le r�duit de la place, dont les foss�s en pente, naturellement � sec, �taient, d�j� au commencement du 16e si�cle, convertis en jardins. La d�nomination Ch�teau de Famine, se rapporte probablement � un si�ge prolong�. Dans une partie du mur d'enceinte d�molie en 1921, on a d�couvert, dans une cavit� m�nag�e dans l'int�rieur du mur, un oeuf dess�ch� � c�t� d'un objet en pierre, aussi r�gulier que s'il eut �t� fa�onn� au tour, affectant une forme ovo�de un peu allong�e, aux deux extr�mit�s tronqu�es, mesurant 33 centim�tres de hauteur. L'incorporation de ces deux objets dans le mur d'enceinte r�pond �videmment � la m�me id�e superstitieuse, que la coutume barbare, souvent constat�e, d'emmurer un �tre vivant, quelquefois un chat, dans la croyance de renforcer et de rendre invuln�rable la construction.
Au moment du partage du comt� de Salm, en 1598, Badonviller comptait 133 maisons dans l'int�rieur de la ville, 13 au faubourg d'Alsace, y compris la maison au-dessus de l'�tang Le Borgne; et 13 maisons au faubourg de France, y compris la ferme du Chamois.
Les comtes y poss�daient alors en commun, la Halle, avec l' Auditoire et ses dix chambres, greniers et caves. Ils poss�daient, en outre, deux maisons d�sign�es en 1570 sous les noms : 1� �� de Grande maison, avec �curies et grange r�serv�es au comte de Sa lm pour ses trains et suite, et pour y loger quand il lui plait�. - 2� la maison, �� dite de Bl�mont, avec son �table, ses granges, beufveries, et jardin �,
Ces maisons �taient situ�es pr�s de la Porte d'en bas, de part et d'autre du chemin, et reli�es par une galerie ainsi d�crite par Jean Lours, ma�on tailleur: �� Galerie en pierre de taille entre les deux corps de logis du comte de Salm � Badonviller pos�e sur 6 arches soutenues d'un gros pilier au milieu et contenant 6 jumelles et les plats fonds de taille�, Une autre maison seigneuriale existait � gauche de l'�glise actuelle, sans doute sur l'emplacement du presbyt�re; on y battait monnaie au 17e si�cle.
Un temple protestant, construit vers 1612, s'�levait sur la petite place, � l'entr�e de la rue Notre-Dame. Sa fermeture ayant �t� prononc�e en 1625, il fut consacr� au culte catholique sous le titre de Notre-Dame, le 25 mai 1625.
Signalons encore un monast�re d' Annonciades, fond� en 1633, au faubourg d'Alsace et supprim� en 1791. Ses b�timents abritent aujourd'hui une fabrique de velours.
Au commencement de 1636, la petite forteresse de Badonviller subit le sort que la politique de Richelieu r�serva � la plupart des ch�teaux et villes fortifi�es de la Lorraine; elle fut d�mantel�e et livr�e ainsi sans d�fense aux incursions fr�quentes lors de la guerre dite des Su�dois.
Les deux portes subsistaient encore au 19e si�cle; mais un incendie, survenu en 1826 pendant la nuit, d�truisit 15 maisons avec la porte de France. Un autre incendie, plus terrible encore, qui se produisit en 1830, en plein jour cette fois, renversa de fond en comble 80 maisons, avec l'H�tel de ville, qui avait �t� b�ti en 1811, et la porte d'en bas; 18 maisons furent en outre tr�s endommag�es. Il y eut malheureusement � d�plorer, de plus, la mort de deux hommes, �cras�s par la chute d'un mur, et de deux femmes asphyxi�es dans leur cave.
L'H�tel de ville fut promptement restaur�; mais les deux portes, plut�t g�nantes pour la circulation, disparurent d�finitivement.
La fr�quence et les effroyables effets de ces incendies s'expliquent par ce fait, que les toitures �taient presque toutes couvertes en bois par des esseins (essentes) ou bardeaux heureusement remplac�s depuis par des tuiles.

HISTOIRE
Origine - Moyen �ge
�poque moderne jusqu'en 1914.

L'origine de Badonviller semble remonter aux derniers si�cles de l'�poque gallo-romaine, � en juger notamment par son nom qui, sous la forme latine primitive: Badovillare a pour racine la d�nomination franque Bald, Baldi ou Baldo et pour suffixe le terme latin vilare, qui habituellement d�signe un hameau. Dans la langue romane d�riv�e du latin, Baldovillare a pris la forme Baudonviller, qu'elle a conserv�e jusqu'au 17e si�cle. Il est permis de croire que Baldi ou Baldo transform� en Baudon (1), puis en Badon, d�signait un de ces chefs de corps auxiliaires francs entr�s au service de l'Empire et recevant, en guise de solde, des terres � cultiver. �tablis � demeure dans un pays, avec leurs femmes et leurs enfants, ils formaient � la fois un groupe militaire et un village avec son chef choisi par le gouvernement romain. Les noms analogues de Fenneviller, d'Ancerviller, de Herb�viller, d'Og�viller, comme aussi celui d'Angomont, t�moignent que d'autres groupes d'auxiliaires francs �taient �tablis � demeure dans la r�gion, sans doute pour fortifier la d�fense de cette partie subvosgienne contre les invasions des barbares d'Outre-Rhin.

(1) Cette racine du nom de Badonviller n'a aucun rapport avec celui de saint Bodon, fondateur de l'abbaye de Bonmoutier (Bodonis monasterium) transf�r� au Xle si�cle du Val � Saint-Sauveur.

Comme pour la presque totalit� des villes et villages lorrains, l'existence et les manifestations de l'activit� humaine, � Badonviller, restent dans les t�n�bres pendant toute la p�riode qui pr�c�de le 12e si�cle.
La premi�re mention certaine, qui nous soit parvenue, se trouve dans l'Histoire de l'abbaye de Moyenmoutiers, ouvrage tr�s document� de M. l'abb� J�r�me. Nous apprenons ainsi, que sous l'abbatiat de Bertrice (1077-1115), Roland de Badonviller, fit donation � l'abbaye, pour sa s�pulture, de sa part de franc-alleu, qu'il poss�dait pr�s de Pexonne, compos�e de pr�s, champs, for�ts et manses. Jean de Bayon, dans sa Chronique de Moyenmoutiers, nous apprend qu'Otton de Badonviller, fr�re de Roland, �tait venu � Moyenmoutiers accompagn� d'une suite nombreuse pour s'entendre avec les religieux sur les conditions de la donation, ou plut�t de la vente. En �change des biens conc�d�s, les religieux pay�rent 28 livres � Otton de Badonviller. Quant � Roland, il obtint les revenus de l'�glise Saint-Pierre de Pexonne sa vie durant.
Un acte du 22 juin 1124, relatif � la d�dicace de l'�glise de l'abbaye de Senones, cite parmi les t�moins pr�sents Rainero de Baldovillare. Ce Rainero de Badonviller �tait �videmment un seigneur noble d'importance; car il figure dans l'acte � c�t� de Herman II, comte de Salm, du comte Conrad de Langenstein. de Bencelin de Turquestein, les personnages les plus puissants de la r�gion � cette �poque.
Enfin, un document dat� de l'octave de P�ques 1243, nous apprend que Rudolphe et Rembold, fr�res, seigneurs de Fraquelfaing, village du canton de Lorquin, avaient donn� � l'abbaye de Notre-Dame de Saint-Sauveur, 4 quartes de seigle et 18 sols toulois sur leur alleu de Badonviller; que cet alleu ayant �t� acquis par le comte de Salm, celui-ci d�clare que ladite redevance annuelle sera pr�lev�e sur le gerbage des seigles et sur les cens que le villicus, c'est-�-dire le maire ou le receveur du comte l�ve � Badonviller.
A partir de ce moment, il semblait que Badonviller n'e�t plus d'autres seigneurs que les comtes de Salm, quand une charte du mois de mai 1257, jusqu'ici in�dite ou du moins inaper�ue, me r�v�la un fait rest� inconnu, � savoir que Badonviller appartenait alors, pour les trois quarts seulement au comte de Salm, et pour un quart aux Templiers. Ce document, l'un des premiers �crits en langue romane dans la r�gion, est d'une importance capitale pour l'histoire de Badonviller, ainsi qu'en t�moignera l'analyse suivante:
Henri (IV) comte de Salm fait conna�tre, qu'avec l'approbation et la volont� de dame Lorette sa femme, il a fait communaut�, avec le ma�tre et ses fr�res de la Chevalerie du Temple, de tout ce qu'il poss�de � Badonviller et son ban, en tous profits et us, � savoir en hommes, femmes, terres, pr�s, bois, eaux, d�mes, gerbages, moulins, pacages, rentes et toutes seigneuries, � l'exception des hommes d'Alencombe, qui demeurent au comte et � ses h�ritiers, en telle forme et en telle justice qu'auparavant, sauf que la d�me et le gerbage resteront � la communaut� de Badonviller. Le comte se r�serve aussi l'�tang de Badonviller et la p�che. Le moulin de cet �tang est en la communaut� octroy�e aux fr�res du Temple.
Le ma�tre et les fr�res de la Chevalerie du Temple, de leur c�t� font savoir qu'ils ont fait communaut� avec le comte de Salm et dame Lorette sa femme et leurs hoirs, de tout ce qu'ils ont en ladite ville de Badonviller, son ban et ses alentours, ainsi qu'� Fenneviller, son ban et tout ce qu'ils y auraient en tous us et profits, en bois, en eaux, moulins, rentes, d�mes gerbage, en droitures, en p�turages, en toutes seigneuries, en tout profit et valeur, � l'exception des dons de l'�glise de Badonviller, qui demeurent aux ma�tre et fr�res du Temple sans partage. - Les deux parties se r�servent le droit d'amener ou envoyer des porcs au pacage dans la for�t appartenant � la ville de Badonviller et aux dits fr�res, en payant le m�me prix que les autres porcs �trangers.
Dans la communaut� ainsi form�e, le comte de Salm d�clare avoir trois parts et les fr�res du Temple une quatri�me part seulement, en toute valeur et profit. Le comte de Salm d�clare, que lui et ses h�ritiers ne peuvent s'accro�tre en cette communaut� sans le ma�tre et les fr�res du Temple et r�ciproquement, et qu'ils ne peuvent, l'un sans l'autre, avoir service de la ville, ni mener en ost et chevauch�e les hommes de la communaut�.
Le comte et ses h�ritiers doivent, par leur serment, tenir les assises et les franchises, qu'ils ont mis en ladite ville de Badonviller; ils ne peuvent les reprendre, l'un sans l'autre, ni les renouveler ou les changer sans le consentement r�ciproque des deux parties.
Les comparsonniers devaient �tablir chaque ann�e un maire commun, qui devait jurer et faire serment de garder loyalement les droits du comte et ceux des Templiers : ce maire, le comte de Salm et les fr�res du Temple peuvent le changer chaque ann�e, sous consentement r�ciproque. Ils doivent �galement nommer les autres administrateurs de la ville. Si par aventure, il advenait d�saccord entre le comte et les Templiers sur la nomination du maire, les �chevins en �liraient un ou les aideraient � �tablir un homme sage et probe pour l'une comme pour l'autre partie. Ils d�clarent, que ni le comte, ni le Temple ne peuvent retenir les hommes du comte venant de ses autres seigneuries.
Le comte de Salm fit serment, pour lui et ses hoirs, de tenir bien et loyalement cette communaut� et il ajoute que s'ils allaient � l'encontre, ils devaient r�paration, � la requ�te des ma�tre et fr�res du Temple, dans la quinzaine de la requ�te ou commandement, et s'ils ne le faisaient, le comte et ses hoirs avec lui s'obligent � demander � Mgr l'�v�que de Toul de les excommunier partout dans son �v�ch�, tant qu'ils n'auraient renonc� � leurs entreprises et rendu les dommages qui en seraient r�sult�s.
Le ma�tre et les fr�res du Temple devaient tenir fermement les stipulations de l'accord, et s'ils contrevenaient aux conventions de la communaut� et n'en faisaient r�paration dans la quinzaine qu'ils en seraient requis, le comte de Salm et ses hoirs reprendraient tous leurs engagements, tant que les contrevenants n'auraient renonc� � l'entreprise et rendu les dommages.
Il est convenu, en outre, que les ma�tres et les fr�res du Temple ne pouvaient mettre en d'autres mains les biens de la communaut�, ni par �change, ni par vente, ni par donation (1).

(1) L'acte fut rev�tu des sceaux du comte Henri et de dame Lorette, sa femme, encore pendants � l'original en parchemin, copi� et collationn� par Nicolas Remy, notaire apostolique.

Nous savons maintenant que, d�s le 13e si�cle, Badonviller formait une communaut� sous la seigneurie des comtes de Salm pour les trois quarts, et des Chevaliers du Temple pour un quart; que d�j� auparavant, les habitants avaient obtenu des franchises et une organisation judiciaire et administrative comprenant des �chevins. C'est l� un fait tr�s remarquable pour l'�poque.
A partir de ce moment, l'histoire de Badonviller se confond avec celle du comt� de Salm, dont elle devint le chef-lieu administratif et militaire.
Le comt� de Salm, confin� � son origine, dans la partie de l'Ardenne situ�e entre le pays de Li�ge et celui de Luxembourg, devint au XIe si�cle l'apanage d'un cadet de l'illustre maison de Luxembourg, Herman I, �lu roi d'Allemagne en 1080, contre l'empereur Henri IV. Son fils Herman Il, fort de l'appui des comtes-�v�ques de Metz, de sa parent�, �tendit ses possessions vers le sud, et, gr�ce � son mariage avec Agn�s, fille de Thierry I comte de Montb�liard et de Bar, et veuve d'un comte de Langenstein, le comt� de Salm finit par s'�tendre � travers le Saulnois et le Bl�montois jusque sur les domaines de l'abbaye �piscopale de Senones o� Herman Il exer�a les droits de vou� sous la suzerainet� de l'�v�que de Metz. Dans ce vaste ensemble �taient compris le ch�teau de Pierre-Perc�e et Badonviller.
Henri I, fils et successeur de Herman li, fut ainsi l'un des plus puissants seigneurs de la Lorraine et comme son p�re et son a�eul, il joua un r�le consid�rable dans les �v�nements enregistr�s par l'histoire du 12e si�cle. A sa mort, le comt� fut amput� des possessions ardennaises qui, par suite du mariage d'une fille de Henri I, pass�rent � son mari Fr�d�ric de Vianden, lequel devint ainsi la tige des comtes de Salm-en-Ardenne.
Les domaines revenant � Henri Il, fils unique de Henri I, constituaient encore un comt� d'une imposante �tendue, et son prestige fut encore accru par son mariage avec Judith, de la maison ducale de Lorraine. Pour justifier le titre de comte de Salm-en-Vosge, oppos� � celui de Salm-en-Ardenne, Henri II fit construire le ch�teau de Salm, aux confins de l'Alsace, au milieu des grandes for�ts du bassin sup�rieur de la Bruche, sur un plateau d'o� la vue pouvait planer au loin et plonger dans les vall�es profondes avoisinantes. Le choix de cet emplacement indique clairement les vis�es politiques, poursuivies par la maison de Salm de la premi�re dynastie, tendant � cr�er un grand �tat ind�pendant dans cette partie des Vosges. Un tel projet avait d'autant plus de chance de succ�s, que Henri pouvait y mettre le temps, �tant mort presque centenaire; il fut inhum� aux c�t�s de sa femme Judith de Lorraine dans un tombeau de l'�glise abbatiale de Senones, dont le moine chroniqueur Richer sculpta lui-m�me les ornements. Malheureusement pour la r�ussite du r�ve ambitieux de la maison de Salm-en-Vosge de graves dissensions s'�lev�rent entre Henri II et les deux fils issus de son union avec Judith, dont la conduite scandaleuse. d'apr�s Richer, amena de violents conflits. Les comtes de Salm trouv�rent d'ailleurs dans l'�v�que de Metz, Jacques de Lorraine, un formidable adversaire.
Le fils a�n�, Henri III �tant mort pr�matur�ment en 1228, laissant un fils en bas �ge, le pu�n� Ferry, d�j� du vivant de son p�re s'empara de tout l'h�ritage au m�pris des droits de son neveu. Gr�ce � sa m�re, Marguerite de Bar, le fils de Henri III eut heureusement pour lui l'appui du puissant comte de Bar pour soutenir ses l�gitimes revendications. Voici ce que nous apprend � ce sujet le moine Richer, dans sa chronique latine contemporaine: �� Finalement Dieu suscita � Ferry un fort adversaire dans la personne de Henri, son neveu, fils de son fr�re Henri, qui r�clamait la moiti� du comt� de Bl�mont. Il chercha d'abord � le leurrer par de belles promesses; mais enfin r�duit par la force des armes, il dut lui abandonner sa part, � savoir Morhanges et Viviers, les ch�teaux de Pierre-Perc�e et de Salm. Ferry retint pour lui Bl�mont et le haut ch�teau de Deneuvre �.
Il y eut donc, apr�s la mort de Henri II une nouvelle amputation du comt� de Salm, au d�triment duquel se
forma le comt� de Bl�mont. - Ferry est ainsi la tige des sires de Bl�mont. - Ce qui restait du comt� de Salm-en-Vosge revint au fils unique de Henri III et de Marguerite de Bar. Il fut, vers la fin de 1247, mis en possession des ch�teaux de Morhanges, de Salm, de Pierre-Perc�e et d�pendances, par cons�quent de Badonviller, et r�gna sous le nom de Henri IV. C'est donc lui qui est l'auteur de la charte de mai 1257.
Comment les Templiers devinrent-ils � cette �poque co-seigneurs de Badonviller pour un quart ? Ce ne peut �tre que par donation, soit de la part du comte de Salm, soit de la part d'autres seigneurs tels que ceux dont il a �t� question au d�but du 12e si�cle. On sait que l'Ordre du Temple fut fond� en Palestine vers 1119; les chevaliers de cet ordre militaire furent ainsi d�sign�s parce que le roi Baudoin II les avait �tablis dans les d�pendances de son propre palais de J�rusalem, tout pr�s de l'emplacement qu'occupait jadis le temple Salomon.
De la Champagne, qui fut le berceau de la chevalerie du Temple en Occident, l'Ordre se r�pandit en Lorraine, sans aucun doute � la suite de divers voyages de saint Bernard, qui s'�tait fait l'ardent ap�tre de la milice. Chevalier de race et moine de vocation, nul mieux que l'illustre abb� de Clairvaux n'�tait � m�me de faire revivre avec intensit� l'id�al religieux du Temple. Son �� �loge de la nouvelle chevalerie � s'en fait encore l'�cho. Or, saint Bernard, au cours de l'un de ses voyages, est venu � l'abbaye voisine de Haute-Seille, fondation de la famille des comtes de Salm. Rien d'�tonnant que sa parole enflamm�e ait suscit� des vocations. Jusqu'ici, nous ne connaissions dans notre r�gion que le Temple de Saint-Georges de Lun�ville et, d'une mani�re bien imparfaite, les �tablissements de Domjevin, Mign�ville, Xousse, Foulcrey, Autrepierre, Hattigny. Il faut y ajouter maintenant celui de Badonviller.
Les seigneurs nobles ne furent pas seuls � demander leur entr�e dans l'ordre du Temple, les bourgeois, roturiers ou vilains vinrent aussi s'offrir; car on faisait cordialement accueil � chacun. Ceux que leur condition premi�re n'avait pas pr�par� au m�tier des armes, et eussent �t� en Terre-Sainte de m�diocres auxiliaires, utilis�rent leur connaissance de l'agriculture et leur aptitude au commerce et devinrent de pr�cieux instruments pour l'exploitation des propri�t�s de l'Ordre.
Le personnel du Temple comprenait ainsi deux classes de religieux: les fr�res du couvent et les fr�res de m�tier. La premi�re classe admettait, outre les chapelains, les chevaliers proprement dits et les sergents en �tat de porter les armes; la seconde confondait les sergents attach�s au service int�rieur de la maison ou � l'exploitation du domaine. Ces derniers, d'un rang inf�rieur, constituaient le personnel domestique et agricole des commanderies; eux seuls �taient affect�s aux travaux manuels, s'aidant � l'ordinaire de gens � gages qu'ils surveillaient. L'Ordre, dans les premiers temps, n'�tait pas domin� par le d�sir immod�r� des richesses. Tant qu'ils guerroy�rent contre l'infid�le, les moines-chevaliers n'�taient pas ce que nous appellerions des hommes d'argent. S'ils recherchaient l'argent, c'�tait beaucoup moins pour lui-m�me que parce qu'il est par excellence le nerf de la guerre.
On sait comment l'Ordre du Temple fut aboli sous le roi Philippe-le-Bel. Apr�s la suppression de l'Ordre
par le Concile de Vienne, en 1312, la plus grande partie des biens qu'il poss�dait en France et aussi en Lorraine, fut d�volue aux Hospitaliers de Saint-Jean de J�rusalem. Ce fut une d�ception pour Philippe-le-Bel, dont le z�le d�ploy� contre les Templiers ne couvrait pas autre chose que la confiscation � son profit de richesses immenses. On sait avec quelle cruaut�, on agit contre les chevaliers du Temple. Sur un ordre royal, les Templiers de France furent arr�t�s, presque le m�me jour, au mois d'octobre 1307. Les crimes de l'accusation �taient �normes, extravagants. Ceux qui refusaient d'avouer �taient tortur�s, tenaill�s: plusieurs succomb�rent � leurs blessures; les innocents n'avaient d'autre ressource que le mensonge: � ce prix on leur assurait la vie sauve. Ainsi s'explique le grand nombre d'aveux que recueillirent les inquisiteurs. Aujourd'hui un fait est d�finitivement acquis, le Temple en tant qu'Ordre est innocent des crimes dont on l'a si longtemps accus�. Les fr�res du Temple �taient des hommes avec leurs qualit�s et leurs d�fauts; en amassant des richesses, ils devaient forc�ment s'attirer l'envie, la haine et la pers�cution.
Les Templiers de Lorraine subirent-ils le sort de leurs fr�res d'autres pays ? Digot, qui leur a consacr� une �tude dans les M�moires de fa Soci�t� d'arch�ologie lorraine en 1868, dit, qu'il ne para�t pas qu'au moment o� �clata l'orage, ils aient �t� poursuivis avec autant de s�v�rit� qu'en France, et qu'en Allemagne on ne les arr�ta nulle part. Mais, apr�s le d�cret du pape Cl�ment V au Concile de Vienne, les Templiers de Metz furent dispers�s. Il en fut certainement de m�me � Badonviller, et nous trouvons le quart des dimes grosses et menues pass� en la possession de la commanderie des Hospitaliers de Saint-Georges de Lun�ville jusqu'en 1570, �poque � laquelle ceux-ci les c�d�rent aux religieux de l'abbaye voisine de Saint-Sauveur.
Il serait int�ressant de savoir o� se trouvait l'�tablissement des fr�res du Temple. Est-ce � Badonviller m�me ? L'emplacement d'une exploitation agricole au Chamois, (alt�ration �vidente de Chanoy, forme ancienne de Ch�nois) a longtemps retenu mon attention, mais il y a un nom, caract�ristique celui-l�, qui, s'il est reconnu authentiquement ancien, pourrait r�soudre la question. C'est le nom de J�rusalem attach� � une petite exploitation rurale, sur le versant occidental de la c�te au sommet de laquelle se dressait le ch�teau de Pierre-Perc�e. Toute cette c�te, autrefois en culture et aujourd'hui en voie de reboisement, offrait des terres cultivables et d'excellents p�turages. Les comptes du 16e si�cle, donnant une description assez d�taill�e du ch�teau, mentionnent comme annexes : �� des �tables, granges, basses-cours .. �, et celui de 1579 signale la restauration �� d'un coin de mur de la beufverie des vaches�. La tradition attribue le nom de J�rusalem du petit b�timent de ferme situ� � quelques centaines de m�tres seulement en contre-bas du ch�teau, � un comte de Salm, en souvenir de sa participation � une croisade. Cela para�t d'autant plus invraisemblable, que les comtes Henri I et Henri Il, qui pourraient �tre mis en cause, n'habitaient ni l'un ni l'autre le ch�teau de Pierre-Perc�e. On peut, beaucoup plus logiquement semble-t-il, supposer, que les Templiers, seigneurs comparsonniers du comte de Salm pour un quart du territoire de Badonviller, occupaient l'ancien ch�teau de Langenstein. Les terres voisines du versant oriental de la Grande Combe offrirent, aux fr�res de m�tier, un vaste champ d'exploitation agricole sur toute leur partie m�ridionale. La partie septentrionale de cette combe �tait couverte, du fond � la cime, de magnifiques for�ts de sapins pr�sentant, maintenant, h�las ! de sinistres clairi�res, hier encore h�riss�es de troncs dess�ch�s, d�capit�s, d�chiquet�s par les milliers d'obus tir�s des hauteurs du col de la Chapelotte et o� d�j�, heureusement, la nature a repris et poursuit son oeuvre de r�g�n�ration.
En dehors de la charte de 1257, d'un int�r�t capital pour Badonviller, il existe une autre source pr�cieuse de renseignements sur les �v�nements int�ressant �gaiement notre ville. C'est la chronique en latin du moine Richer de l'abbaye de Senones, �crite de 1254 � 1264 et contenant de nombreux et tr�s curieux d�tails sur les relations de cette abbaye avec les comtes de Salm, ses vou�s relevant directement de l'�v�que de Metz. En cette qualit�, Henri IV trouva en Jacques de Lorraine, l'�v�que suzerain, un adversaire redoutable, nettement hostile d�s le d�but et qui finit par obtenir la cession du haut domaine des ch�teaux allodiaux de Salm et Pierre-Perc�e.
La premi�re manifestation de ce plan d'extension dont il a �t� question, se fit jour lors du partage du comt� de Salm entre Ferry de Bl�mont et son neveu, partage favorable � Jacques de Lorraine, qui obtint la transformation de la seigneurie de Bl�mont en fief de l'�v�ch� de Metz.
Un premier conflit s'�leva � l'occasion de la construction de b�timents destin�s � l'exploitation de l'eau sal�e d'un puits creus�, sur l'ordre du comte Henri IV, pr�s de son ch�teau de Morhange. L'�v�que voyant sans doute dans cet �tablissement une concurrence � ses propres salines du voisinage, s'empressa d'y mettre opposition et, bien que les constructions y fussent d�j� tr�s avanc�es, il les fit d�molir, causant ainsi de s�rieux dommages au comte de Salm. Celui-ci r�solut alors de vendre cet alleu au duc de Lorraine et le re�ut de lui en fief le 21 juillet 1255.
De nouvelles contestations ne tard�rent pas � surgir entre l'�v�que Jacques de Lorraine et le vou� de l'abbaye de Senones. Une mine de fer ayant �t� d�couverte pr�s de Grande Fontaine - canton de Schirmeck - le comte de Salm y fit construire des fours et y �tablit des ouvriers charg�s, les uns d'extraire le minerai et les autres de travailler le fer. L'abb� et les religieux de l'abbaye de Senones, pr�tendant alors que les forges avaient �t� construites sur leur domaine, all�rent trouver Jacques de Lorraine, qui r�solut aussit�t de charger son pr�v�t de d�truire les b�timents. Le pr�v�t ne se contenta pas de ruiner les forges; il emporta, en outre, tous les outils el marteaux qui s'y trouvaient. Les pertes �normes, ainsi successivement inflig�es au comte Henri IV. l'oblig�rent finalement � consentir � la vente de ses ch�teaux allodiaux de Salm et de Pierre-Perc�e.
Le moine Richer nous apprend � ce sujet une coutume, qui m�rite d'�tre retenue. Voici la traduction du passage la concernant: �� L'�v�que, assist� d'hommes experts, se transporta � l'un et � l'autre ch�teaux et y coucha[; il y �tablit les gardes des tours et les concierges des maisons, et, apr�s constatation de cette prise de possession par des actes, il les rapporta � son �v�ch�. Et d�s lors, l'�v�que se montra plus conciliant envers le comte de Salm �.
Ce r�cit ne mentionne pas la reprise en fief des deux ch�teaux vendus; mais le fait est �tabli par un acte authentique, dat� du 9 d�cembre 1258, rev�tu des sceaux du comte Henri et de Lorette, sa femme, ainsi que des sceaux de la communaut� de Metz et de l'�v�que Jacques de Lorraine.
Malgr� ses offres d'arrangement avec l'abbaye de Senones, le comte Henri IV ne put r�tablir les forges du vivant de l'�v�que Jacques. Mais la situation changea de face � la mort de ce pr�lat, survenue en 1260. Cette situation est expos�e en toute franchise par le moine Richer qui, apr�s avoir consign� dans sa chronique la mort de Jacques de Lorraine, ajoute: �� Maudit est celui qui se repose sur la force de ses bras; car en moins de rien le secours de l'�v�que Jacques nous f�t �t�. Et, comme nous comptions beaucoup sur l'aide et la faveur de cet �v�que, nous �prouv�mes qu'il valait mieux s'arr�ter aux promesses du Seigneur, qu'� celles des princes. En effet, au moment m�me o� nous esp�rions que, gr�ce � lui, nous serions mis hors des mains du seigneur de Salm, l'�v�que Jacques, frapp� de maladie, mourut. Et par cette fin, nous f�mes d��us de notre attente �.
Richer continue en disant, que le comte de Salm commen�a aussit�t � agir contre l'ind�pendance du couvent. Son bailli Renaud, avec quelques hommes, se pr�senta au monast�re et demanda aux religieux, r�unis en l'absence de leur abb�, de donner leur avis sur la proposition du comte Henri de les prendre sous sa sauvegarde. Apr�s d�lib�ration, la majorit� des fr�res pr�sents d�cida de ne pas accepter l'offre et, �� par ce moyen, ajoute m�lancoliquement le chroniqueur, nous refus�mes notre bonheur; car des gens d'armes, en pr�sence de ce refus, saisirent toute l'abbaye et ses granges�.
Renaud, dont il est question et que Richer qualifie de �� satellite du diable� �tait un fr�re naturel du comte Henri IV, qui l'avait fait son bailli, avec r�sidence, semble-t-ll, � Badonviller.
Apr�s ce premier acte d'une autorit�, tenue longtemps en �chec par le suzerain d�funt et d�sormais r�tablie, le comte de Salm fit reb�tir et restaurer les forges, exploiter les for�ts pour fournir le charbon et r�installer les mineurs et les forgerons. Les religieux de l'abbaye de Senones r�pondirent � cette reprise de possession par une sentence d'excommunication contre le comte Henri IV et ses adh�rents, ce qui provoqua une nouvelle intervention du bailli Renaud, qui, usant des repr�sailles si fort en honneur � l'�poque, retourna au monast�re pour vendre � l'encan et enlever les meubles, chevaux, boeufs, vaches, brebis, pourceaux. Il proc�da de m�me au d�pouillement des prieur�s de La Brocque et d'Ancerviller.
A partir de ce moment, les religieux de Senones proclamaient chaque jour l'excommunication du comte de Salm et de ses adh�rents.
C'est durant cette phase de la lutte qu'eut lieu, en signe supr�me de protestation, la c�r�monie d'exposition des statues et ch�sses de saints sur des lits de branchages d'�pines pos�es � terre, c�r�monie, d'ailleurs d�fendue par les conciles et notamment en 1274 par le pape Gr�goire X. Le moine Richer a d�crit, comme suit, cette singuli�re forme de protestation : �� Apr�s avoir pris l'avis et le conseil du v�n�rable Gillon, �v�que de Toul et d'autres prudents personnages, nous m�mes bas les images sacr�es de notre R�demption, de saint Sim�on, septi�me successeur de saint Cl�ment �v�que de Metz; les ayant pos�es � terre, nous commen��mes avec de grands pleurs et d'�pres soupirs � nous �crier: Nous avons soutenu la paix et elle n'est pas venue; nous avons cherch� le bien et voici le trouble. O Seigneur ! nous connaissons assez nos fautes, ne sois pas courrouc� contre nous � jamais �.
En l'absence de l'abb� Baudoin, qui semble s'�tre tenu �loign� de Senones, le prieur Mathieu - jeune homme de bonne conversation, dit Richer - et tous les autres fr�res sortirent du monast�re en procession pr�c�d�s de la croix et se rendirent � Moyenmoutier, o� ils pass�rent la nuit. A partir de l�, sur l'ordre de l'abb�, ils se retir�rent en divers lieux. Il demeura cependant dans le clo�tre � Senones, le moine Richer et un autre religieux du nom de Bertrand, gravement malade.
Ne pouvant obtenir du nouvel �v�que de Metz, Philippe de Florenges, que des promesses verbales rest�es sans effet, les religieux se rendirent aupr�s de Gillon, �v�que de Toul qui, apr�s avoir entendu leurs dol�ances, fit �crire par un notaire, � Alexandre, abb� de Moyenmoutier, une lettre en l'invitant � se rendre sans d�lai aupr�s du comte de Salm �� Pour le mettre en demeure de renoncer � son iniquit�, de rendre tout ce qu'il avait enlev� et de ne pas diff�rer � donner satisfaction � Dieu et � l'�qlise. �
Aussit�t qu'il re�ut ce commandement, poursuit Richer dans sa chronique latine, l'abb� de Moyenmoutier se mit en route pour s'acquitter de sa mission. �tant venu � Badonviller, il y trouva �� cet ange de Satan� Renaud, bailli du seigneur de Salm, surexcit� dans sa malice. Interrog� sur le but de son voyage, l'abb� fit connaitre l'objet de sa mission. Renaud, aussit�t transport� de col�re, fit arr�ter l'abb� Alexandre et le mit dans un local sous la garde de ses satellites. Ceux-ci, pensant que l'abb� supporterait les frais, firent de grandes d�penses au point qu'en deux jours elles s'�lev�rent � huit sols toulois.
Les fr�res de Moyenmoutier ayant appris que leur abb� �tait d�tenu captif, se rendirent en toute h�te aupr�s de Godefroy, pr�v�t du duc de Lorraine, pour l'en informer. Le pr�v�t r�unit aussit�t quelques hommes d'armes avec lesquels il se dirigea sur Badonviller, lieu de d�tention de l'abb�; mais, arriv� � mi-chemin, on lui conseilla de ne pas s'avancer davantage sans avoir demand� auparavant la mise en libert� de l'abb� de son seigneur, et qu'en cas de refus seulement, il pourrait avec raison agir � sa volont�. Le pr�v�t envoya promptement deux hommes d'armes, qui demand�rent l'�largissement de l'abb� captif. En pr�sence de cette intervention du pr�v�t du duc de Lorraine, le bailli fit rel�cher son prisonnier. L'abb� notifia alors solennellement le mandement qu'il avait re�u de l'�v�que, d�clarant le bailli et le comte de Salm excommuni�s, la terre de ce dernier mise sous d�fense et interdiction, except� le viatique aux mourants et le bapt�me des enfants.
Ce r�cit, extr�mement int�ressant pour l'histoire de Badonviller, r�soud, � mon avis, la question bien souvent pos�e, mais non r�solue, de la date de construction de son ancien mur d'enceinte, presque toujours attribu� au 16e si�cle, alors cependant que les comptes de la ch�tellenie de cette �poque mentionnent des r�parations de br�ches de ce mur �� tombant de v�tust� �. Or, l'�pisode racont� plus haut par le chroniqueur Richer nous apprend, qu'au milieu du 13e si�cle, Badonviller �tait d�j� le si�ge d'un bailli et poss�dait une prison, indices certains de lieu fortifi�.
Le comte de Salm, par contre, habitait le ch�teau de Salm, et, connaissant la mani�re habituelle de Richer, de dramatiser et d'exag�rer les incidents survenus entre l'abbaye de Senones et son vou� �piscopal, je ne crois pas me tromper beaucoup en attribuant � Henri IV lui-m�me, sans attendre l'intervention du pr�v�t du duc de Lorraine, l'ordre d'�largissement de l'abb� de Moyenmoutier. Les choses ont d� se passer ainsi: l'Abb� Alexandre vint � Badonviller pour notifier la sentence d'excommunication. Le bailli, principal auteur des m�faits commis, retint en prison l'envoy� de l'�v�que de Toul, en attendant les ordres du comte de Salm. Or, il fallait bien les deux jours, que dura le s�jour de l'abb� Alexandre, pour aller au ch�teau de Salm et revenir � Badonviller porteur de l'ordre de remise en libert�. L'intervention du pr�v�t lorrain, qui d'ailleurs demandait plus de temps, n'�tait donc pas n�cessaire. La pr�caution, recommand�e au pr�v�t de ne pas s'avancer en troupe, et de se faire pr�c�der de deux hommes d'armes seulement, indique, sans nul doute, l'existence d'une forteresse qui, si elle laissait p�n�trer deux hommes d'armes, e�t �t� �videmment mise en �tat de d�fense � l'approche d'une troupe arm�e. Nous pouvons donc sans crainte, attribuer � la premi�re moiti� du 13e si�cle, la construction du mur d'enceinte et des deux portes fortifi�es de l'ancien village de Badonviller, transform� alors en ville ferm�e.
Il serait trop long de suivre le moine Richer dans l'expos� des autres p�rip�ties de la lutte acharn�e entre le couvent de Senones et son vou�. Disons seulement, que le nouvel �v�que de Metz, Philippe de Florenges, ordonna le r�tablissement de la paix, mena�ant les religieux du monast�re de Senones de se tourner contre eux, s'ils allaient � l'encontre de cette ordonnance. Un trait�, dat� du mois de novembre 1261, fut alors conclu entre le comte Henri IV et l'abb� Baudouin. Il fut convenu, que les mines de la montagne de Froide-Plaine et de Framont appartiendraient par moiti� au comte et au couvent; que les forges seraient communes ; que les bois pour leur usage se prendraient dans les quatre bans de Senones, de Celle, de Vipucelle et de Plaine. Les b�n�fices devaient �tre partag�s par moiti�. Et ainsi tout rentra dans l'ordre.
Bien qu'absorb� durant de longues ann�es par la prise de possession et l'administration des domaines que lui apportait sa femme Lorette de Castres, et situ�s dans la r�gion de Tr�ves, Henri IV r�sidait habituellement dans son ch�teau de Salm-en-Vosge. C'est l� qu'alla le trouver Jacques Br�tex, l'auteur du po�me bien connu: Les Tournois de Chauvenci, qui d�bute par le r�cit d'un voyage o� il re�ut l'hospitalit� du comte Henri. Le portrait moral, qu'il nous en a laiss�, contraste singuli�rement avec les faits, manifestement exag�r�s, mis � sa charge par l'auteur de la chronique de l'abbaye de Senones. Br�tex d�clare, en effet; que le comte Henri d�passe les autres en courtoisie, lib�ralit�, franchise et noblesse, et il vante sa bont� et sa sagesse.
L'emploi du temps de ce trouv�re, le jour de la f�te de Notre-Dame, c'est-�-dire le 15 Ao�t 1284, offre un tableau pittoresque et vivant de l'existence des Ch�telains de l'�poque, que nous sommes heureux de saisir ici au vif. Au point du jour, annonc� au son de la corne par le guetteur du donjon, Jacques Br�tex sortit du ch�teau de Salm pour faire une promenade dans la for�t voisine. Tout en chevauchant silencieusement sous bois, il fit la rencontre d'un chevalier tenant en main le tron�on d'une grosse lance, bris�e sans doute dans l'attaque de quelque gros gibier. Il reconnut Conrad Werner de Rastatt, landvogt ou comte provincial de la Haute-Alsace. La conversation s'engagea et le po�te en profita pour inviter le noble seigneur alsacien et son fils Conradin � se rendre, pour la saint Remy prochaine, � Chauvency o� ils trouveraient une grande assembl�e de barons et de nobles dames pour �prouver leur vaillance dans les joutes et les tournois, pour danser et se divertir. L�-dessus, ils se s�parent et Jacques Br�tex retourna au ch�teau de Salm, o� la table �tant d�j� mise et occup�e, on s'empressa d'en disposer une � c�t� pour son service. Il apprit au comte Henri sa rencontre avec Conrad Werner et il provoqua le rire de l'assistance en imitant le langage roman incorrect et les d�fauts de prononciation du chevalier alsacien.
Apr�s le d�ner, Jacques Br�tex prit cong� du comte de Salm, qui lui fit cadeau d'une cotte d'armes, d'un corselet, d'une housse verte �� de mouffles et d'un chaperon fourr� de bon fin vair �. Il le fit en outre accompagner par l'un de ses valets. En se dirigeant sur le Saunois et Metz. le po�te passa s�rement par Badonviller, et il d�signe sous le nom cl' Ariviller le lieu de sa premi�re �tape. J'ai suppos� qu'il s'ag�t de la contraction du nom d'Ancerviller. Mais on pourrait �galement croire � une mauvaise lecture de Badonviller ou � une distraction du po�te. Quoi qu'il en soit, Jacques Br�tex, en quittant le ch�teau de Salm, a d� gagner la vall�e de la Plaine, par le chemin passant au col de Pray�, suivre ensuite cette vall�e jusqu'aupr�s de Celles, pour s'engager dans la combe et l'antique voie de Chararupt et passer, soit � Pierre-Perc�e en prenant � gauche, soit, en continuant directement vers le carrefour de la Vierge Clarisse, � Badonviller. Br�tex dit qu'� son arriv�e � la nuit, il fut re�u �� A qrant joie et � qrant desduit �, c'est-�-dire avec joie et grandes r�jouissances, gr�ce � la recommandation du comte de Salm ; et ceci est un argument de plus en faveur de Badonviller, comme lieu de la premi�re �tape.
Henri IV, dont les entreprises industrielles sont remarquables pour l'�poque, mourut en 1292 et fut inhum� dans l'abbaye de Salival, o� d�j� reposait Lorette de Castres, son �pouse. Henri, l'a�n� de leurs enfants, �tant mort en 1288, c'est le pu�n� qui continua la lign�e sous le nom de Jean 1er.
Les documents sur les successeurs du comte Henri IV pendant les XIVe et XVe si�cles ne contiennent que fort peu de renseignements se rapportant � Badonviller. La cr�ation du comt� voisin de Bl�mont, � la suite du partage de la succession du comte Henri II et de sa femme Judith de Lorraine, en faveur de leur pu�n� Ferry, ne pouvait manquer de susciter des conflits entre les cieux maisons d�sormais rivales. Cet antagonisme fatal s'aggravait encore d'une hi�rarchie f�odale compliqu�e amenant parfois les cieux comtes � se trouver dans des camps oppos�s, simplement parce qu'ils �taient vassaux de l'un ou de l'autre des suzerains bellig�rants.
C'est ainsi, qu'en 1301, Henri I, sire de Bl�mont, attaque le comte Jean I de Salm qui, dans une rencontre � Neuviller pr�s de Badonviller, fut vaincu et forc� de c�der � son cousin ce qu'il poss�dait � Sainte-P�le, et de lui donner six hommes en remplacement d'un pareil nombre de tu�s dans le combat.
Le 29 juin 1342, dans une guerre entre l'�v�que de Metz et le comte de Bar, le comte de Salm dut s'engager envers ce dernier � commencer, quatre jours avant la saint Barth�lemy (20 ao�t), une guerre ouverte � Henri III, sire de Bl�mont et � maintenir en campagne 40 hommes d'armes, et plus si le cas le requiert, � ses frais et d�pens.
En 1364 �clata, entre Thi�baut 1er, sire de Bl�mont et l'�v�que de Strasbourg, une guerre, � laquelle fut m�l� le comte de Salm Jean III et qui fut d�sastreuse pour notre r�gion. Thi�baut, ne se sentant pas suffisamment en force, appela � son aide les bandes d'aventuriers connus sous le nom de Bretons et command�s par un chef surnomm� l'Archipr�tre. Ces bandes jet�rent la terreur et la d�solation dans le comt� de Salm, dont ils ravag�rent les terres sans que personne n'os�t leur r�sister. Dom Calmet, qui rapporte cet �v�nement, estime au chiffre, sans doute exag�r�, de 40.000 hommes, le nombre de ces aventuriers envahisseurs.
En 1370, c'est le duc de Bar qui marche contre l'�v�que de Metz et le comte de Salm.
En 1391, par un trait� d'alliance conclu avec Jean de Vergy, les comtes de Deux-Ponts et de Sarrewerden, le comte de Salm s'engage � commencer la guerre contre le seigneur de Bl�mont dans les 15 jours apr�s la requ�te; les quatre alli�s s'engagent, en outre, � fournir 10 hommes d'armes chacun et � les envoyer � Badonviller ou � Pierre-Perc�e �� ou autre part que meilleur serait aussi pr�s des terres dudit seigneur de Bl�mont �, Un accord intervenu � temps emp�cha l'ouverture des hostilit�s projet�es.
Dans les premi�res ann�es du XVe si�cle, Jean, comte de Salm, se trouve m�l� � un conflit autrement grave, suscit� par la politique de Louis duc d'Orl�ans, fr�re du roi Charles VI, se manifestant par l'achat du duch� de Luxembourg. Le 2 janvier 1406, un trait� d'alliance ayant �t� conclu entre l'�v�que de Metz, la ville de Metz et Charles duc de Lorraine, contre Philippe de Nassau-Sarrebr�ck, Jean comte de Salm, Ferry de Moers et G�rard de Boulay, ceux-ci y r�pondirent en se liguant, avec le duc d'Orl�ans, contre la cit� messine, par un acte connu sous le nom de Trait� des quatre seigneurs, du 13 f�vrier 1406. Ils s'engageaient � mettre sur pied, � leurs frais, 150 hommes d'armes. Le duc d'Orl�ans, de son c�t�, devait fournir 150 hommes d'armes, 50 hommes de trait et une somme de 6.000 francs. Le duc de Bar entra le m�me jour dans la ligue, s'engageant � fournir 50 hommes d'armes. Toutes les conqu�tes, fut-il stipul�, devaient �tre partag�es en trois parts: l'une au duc d'Orl�ans, la seconde au duc de Bar et au marquis du Pont, et la troisi�me aux quatre seigneurs alli�s.
Mais, au lieu des conqu�tes pr�vues, ce fut, au premier choc contre les troupes du duc de Lorraine, pr�s de Champigneulles, une d�faite compl�te qui attendait les alli�s. Philippe de Nassau, Fr�d�ric de Sarrewerden et Jean, comte de Salrn, furent faits prisonniers et intern�s � Nancy. Le duc de Lorraine et ses partisans, parmi lesquels Henri IV de Bl�mont, en profit�rent pour ravager les territoires des vaincus.
Les prisonniers obtinrent leur libert� en 1407, chaque comte payant pour lui et ses gens 60.000 �cus. La paix fut conclue le 25 juillet 1408.
Nous ne serons donc pas surpris de trouver, � cette �poque, le quart des ch�teaux et ch�tellenies de Salm, Pierre-Perc�e et Badonviller en la possession de Philippe de Norroy, seigneur de Port-sur-Seille, qui les tenait en gage du comte de Salm. Ce quart fut achet� en 1416 par Henri IV de Bl�mont moyennant 900 vieux florins. En mariant l'ann�e suivante sa fille Henriette � Bernard, comte de Thierstein, avec une dot de 4.000 florins, il assigna 2.000 florins sur la partie des ch�tellenies de Salm, Pierre-Perc�e et Badonviller qu'il tenait ainsi en gage.
Apr�s la mort de Henriette de Bl�mont survenue avant 1434, l'engagement, qui formait une partie de sa dot, fut rachet� au comte de Thierstein par sa belle-soeur Marguerite de Lorraine, veuve de Thi�baut I de Bl�mont, qui, en 1438, acheta � Badonviller pour 240 florins une maison, que son cousin Simon, comte de Salm, d�chargea de l'hommage qui lui �tait d�.
Par son testament dat� du 6 avril 1469, Marguerite de Lorraine d�clare donner � son fils Olry tous les biens meubles qu'elle avait � Deneuvre et � �� Bauldonviller � en quelque mani�re que ce soit, en or, en argent monnay� ou non monnay�, ou autrement. Elle donne encore � son pu�n�, Oiry, avant tout partage, les gages qu'elle a sur tout le comt� de Salm, ainsi que les acquisitions faites par elle � �� Bauldonviller� et les bans voisins. -
Vers cette �poque, la maison de Salm-en-Vosge se divisa de nouveau en deux branches: celle de Jean VI, qui fut tu� aux c�t�s du duc Ren� � la c�l�bre bataille de Bulgn�ville, en 1431, et celle de Simon, son fr�re. Ce dernier, � sa mort en 1471, n'ayant laiss� qu'une fille, Jeannette de Salm, mari�e en 1469 � Jean V Rhingraf ou comte du Rhin, sa moiti� du comt� de Salm passa-� la branche des Rhingrafs de Dauhn et de Kirbourg, dont ledit Jean V fut ainsi la tige.
Nous ne suivrons pas les comtes de Salm et les Rhingrafs dans leurs exploits, qui se rattachent � l'histoire g�n�rale, les premiers comme grands dignitaires et chefs militaires du duch� de Lorraine, et les Rhingrafs comme colonels de re�tres allemands au service de la France.
En 1548, � la mort du comte de Salm Jean VIII, son fils a�n�, Jean IX, � l'exclusion de ses deux fr�res Paul et Claude, h�rita seul de la moiti� du comt� de Salm. Il eut pour comparsonnier, d'abord Philippe-Fran�ois, mort en 1561, puis son fils a�n�, Jean-Philippe, colonel de lansquenets et de 1500 chevaux Re�tres au service du roi de France. Bless� � mort � la bataille de Moncontour en 1569, Jean-Philippe fit son testament et institua pour son h�ritier l'enfant dont pourrait �tre enceinte Diane de Dommartin, sa femme, et � son d�faut ses h�ritiers naturels. Mais, d'apr�s le pacte de famille, le Rhingraf Fr�d�ric, son fr�re, devint comte de Salm pour la moiti�, et non la Rhingrafine Claude, fille posthume de Jean-Philippe et de Diane de Dommartin.
Le Rhingraf Fr�d�ric, �galement bless� � la bataille de Moncontour, �tait encore au service de la France en 1574, lors de la cinqui�me guerre de religion, ainsi qu'il ressort d'un titre concernant Badonviller dont allait prendre possession Diane de Dommartin, sa belle-soeur. Il y eut un accord entre Jean IX, comte de Salm et Fr�d�ric, comte sauvage du Rhin et de Salm, colonel de 1500 Re�tres pistoliers au service de France. Le mariage de Fr�d�ric avec Fran�oise de Salm, soeur de Jean IX, consacra encore pour la deuxi�me fois, l'alliance entre les deux maisons comtales.
De nombreux documents que j'ai consult�s aux archives de Nancy projettent une vive lumi�re sur l'existence � Badonviller pendant la seconde moiti� du 16me si�cle, sous le gouvernement en commun du comte Jean IX et du Rhingraf Fr�d�ric. Ces derniers r�sidaient habituellement, le premier � Nancy, � l'h�tel de Salm, qui occupait alors l'emplacement de la Cour d'appel, et le deuxi�me, au ch�teau de Neuviller-sur-Moselle. Pour leurs s�jours � Badonviller, ils disposaient de deux grandes maisons, reli�es par une galerie, et restaur�es, en 1570, par les soins de l'ing�nieur Claude Marjollet, venu de Nancy � Badonviller pour organiser et diriger les travaux; ceux-ci furent effectu�s par Me Jean Lours, ma�on tailleur, Adam Jean Colotte et Collardin, charpentiers, Me No�l Estienne, peintre et verrier, Jean de Barbas, mar�chal et Nicolas Claude, serrurier, tous demeurant � Badonviller; W Nicolas Wyriot, charpentier, et Georges Poirson, recouvreur, demeurant � Bl�mont.
Ch�telains. - Les deux comtes avaient, pour les repr�senter � Badonviller, chacun son ch�telain exer�ant en commun l'action souveraine sur tout le comt� de Salm rest� indivis jusqu'en 1598. Nous trouvons ainsi successivement en fonctions, en 1564 Bertrand Louvyot, en 1569 Jean Barnet, en 1597 Nicolas Jacob, en 1598 Dietreman, pour le comte de Salm Jean IX; Jean Saffrois, Jean Hanus, de Bilistein, Guillaume Gille pour le Rhingraf Fr�d�ric.
Parmi leurs collaborateurs vient au premier rang le Gruyer, officier charg� de la garde des bois et des rivi�res du comt�. En 1564, cet office est exerc� par Jean Saffrois, que nous trouvons comme ch�telain en 1570 et remplac� � cette date par Jean Liebault; en 1591 et 1598, fonctionne Demenge Rouyer.

Portiers. - Deux portiers, �tablis en commun par les deux seigneurs auxquels ils pr�taient serment, gardaient alternativement, de jour, et second�s par un bourgeois, les deux portes de la ville. Ils faisaient de m�me alternativement, la nuit, le guet � la Tour d'en haut. Quant au guet de nuit de la porte d'en bas, il �tait assur� par les p�tres. Portiers et p�tres devaient sonner, � chaque heure de la nuit, les cloches des tours, pour prouver leurs veilles.
Les portiers, apr�s la fermeture, portaient tous les soirs les clefs des portes aux deux comtes ou � leurs ch�telains. Les �moluments des portiers incombaient, pour les trois quarts aux comtes et, pour un quart, au Commandeur de Saint-Georges de Lun�ville.
En 1589, nous trouvons Mengin Magdeleine, porti�re et Nicolas Hanzo, portier; puis, Nicolas Barbier et Mengin Masson, en 1590.

Arquebusiers. - Pour la d�fense de la ville, une institution, dite la centaine de Badonviller, r�unissait dans la seconde moiti� du 16e si�cle, 68 arquebusiers, 2 sergents de bande, avec banneret, tambourin et fifre, ayant quelque analogie avec la soci�t� de tir ou notre corps de sapeurs-pompiers.
Les arquebusiers, comme les portiers et les messagers, �taient francs et exempts d'impositions. Ils s'exer�aient au maniement et au tir de l'arquebuse qui, primitivement, �tait une arme de rempart et ne devint une arme plus portative qu'apr�s divers perfectionnements, notamment la substitution du rouet � la batterie � m�che. Rev�tus d'une casaque aux couleurs de Salm, ils fournissaient des escortes aux seigneurs de passage, des �claireurs en temps de troubles ou de guerre, et formaient m�me parfois des petits corps d'exp�dition, comme en t�moigne une lettre de l'abb� de Haute-Seille se plaignant que les officiers de Badonviller, � la t�te de 24 ou 25 arquebusiers, �taient venus � Haute-Seille s'emparer de 26 t�tes de b�tail en gage, par suite du refus de payer les contributions dues aux comtes de Salm pour droit de sauvegarde.

Industries. - L'industrie, si renomm�e de la fabrication d'armes � Badonviller, �tait exerc�e par les arquebusiers, dont les ma�tres les plus souvent cit�s appartiennent � une famille Wirion. D�s 1509, appara�t un �� hacquebutier � du nom de Chrestien, qui fournit des �pieux de chasse au duc de Lorraine. De 1566 � 1577, ma�tre Didier Wirion envoie des canons d'arquebuse et des pistolets � Jean IX, comte de Salm et au duc de Lorraine. En 1579, Demengeon Galet, dit Wirion obtint le droit de construire, � ses frais, une meule �� � esmoudre et percer canons de harquebuses � sur le ruisseau de Br�m�nil, et, en 1606, le comte de Salm �� laissa et ascensa � perp�tuit� � Jean et Paul les Mathis, fr�res, ma�tres forgeurs de canons � Badonviller, la moiti� du cours de l'eau provenant du ruisseau qui vient de Br�m�nil, sur lequel ils tiennent une meulle � esmoudre et fourrer canons, au-dessus de celle que tient Jean Virion, mar�chal demeurant � Neufviller ... �.
En 1618, Samuel Lucas, marchand d'armes � Badonviller, obtint, de son c�t�, la permission d'�riger �� une muelle � esmoudre des canons d'arquebuses en un pr� du finage de Badonviller, lieu dit � Herpey, parmi lequel y passe un petit ruisseau �.
Trois autres meules se trouvaient, sur la Blette, dans la prairie dessous la ville de Badonviller, sans compter la Forge situ�e sur l'�tang dit de la Pile.
Vers 1619, un R�glement, �dict� par le comte de Salm, �rigea en corporation distincte les �� ma�tres et compagnons arquebusiers et forgeurs de canons, et autres gens de la forge -
et de la lime, de Badonviller et son faubourg �.
Une autre industrie ne tarda pas � prosp�rer: c'est celle des tanneries, � laquelle se rapporte l'ascensement, en 1620, par les officiers du comte de Salm, � Jacob Brazy, du cours de l'eau passant sous sa maison, �n vue de faire b�tir un moulin ou battant � piler les �corces. A en croire une requ�te que, vers le commencement du 18e si�cle, les habitants adress�rent au comte de Salm, les tanneries de Badonviller �taient �� les plus belles de la province et peut-�tre de l'Europe, par rapport � leur situation et � la bont� des cuirs que l'on y fa�onne �. Elles �taient b�ties en forme de maisons et pavillons dans le faubourg. Surcharg�s d'imp�ts, ajoute la requ�te, �� les tanneurs sont ruin�s, et ne travaillent plus pour eux, mais seulement � l'oeuvre et au profit d'un marchand de Strasbourg, nomm� Ch�ron, qui leur donne des cuirs � fa�onner et qui en fait un grand commerce dans tout le pays �.
Une industrie, dont le d�veloppement prit tout de suite une grande activit�, apparut � Badonviller en 1583, date de la construction d'une tuilerie � l'angle des bois Champels. B�tie sur l'ordre du comte Jean IX et du Rhingraf Fr�d�ric, elle fut remise, pour neuf ann�es, � Cugny Jean Roy, r�sidant � la tuilerie de Beaupr�, Thomas et Jean Roy, ses fils; puis � Jean Roy seul, � charge de fournir chaque ann�e quatre milliers de tuiles plates aux deux comtes de Salm.
Rappelons enfin, que par lettres patentes du 10 mai 1724, �� le duc L�opold, voulant contribuer � l'augmentation du commerce dans ses �tats, permit � un nomm� Daniel d'Heguerty de faire �riger � Badonviller, une manufacture de fa�ence et de porcelaine, sans pr�tendre exclure toutes autres personnes d'en faire construire de semblables �. C'est donc � cette date que remonte l'industrie de la fa�ence et porcelaine, qui a pris un si magnifique d�veloppement sous l'action f�conde de feu Th�ophile Fenal et que son fils �douard-Th�ophile dirige aujourd'hui, en m�me temps que les importantes et c�l�bres fa�enceries de Lun�ville et de Saint-Cl�ment.

La R�forme � Badonviller. - C'est le Rhingraf Philippe-Fran�ois qui, le premier, d�s 1518, adopta la r�forme et finit par propager les id�es nouvelles dans le comt� de Salm. Ses fils, Jean-Philippe et Fr�d�ric, pour lesquels les champs de bataille paraissent avoir eu plus d'attraits que les controverses religieuses, professaient les m�mes opinions. Quant au comte Jean IX de Salm, il para�t s'�tre d'abord oppos� aux innovations des Rhingrafs, mais finit par se r�soudre � tenir la balance �gale entre les partisans des deux cultes.
La premi�re mention d'un �� ministre de la parole de Dieu de l'�glise r�form�e de Badonviller � se trouve dans le compte des d�penses de l'ann�e 1564, pour une somme de 25 francs pay�e � Jean Figon; en 1570, l'allocation pay�e au m�me, qualifi� ministre des �vangiles, est port�e � 100 francs, soit 50 francs pour le comte de Salm et autant pour le Rhingraf.
Jean Figon avait �t� envoy� de Metz, en 1561, � Echery, dans le val de Vill�, o� nous le trouvons acharn� � la destruction des images et des statues religieuses. Accus� de calvinisme, il fut oblig� de s'�loigner et de se r�fugier � Gen�ve; il y s�journa quelque temps aupr�s de Calvin et fut envoy� de l� � Badonviller, o� il exer�a son minist�re de 1564 � 1577.
En 1580, appara�t Claude des Mazures, l'un des chefs des r�form�s de Badonviller, fils de Louis des Mazures, originaire de Tournai, qui pr�cha la R�forme � Saint-Nicolas-du-Port en 1562 et mourut � Echery en 1574. On signale, en 1590, Jean de la Chasse; en 1591, Denis de Baulne; puis Mathieu Barthol. Ce dernier, d'abord ma�tre d'�cole � Sainte-Marie-aux-Mines jusque vers 1590, fit ses �tudes th�ologiques au comt� de Montb�liard et fut ministre � Badonviller vers le d�but du 17e si�cle.
Parmi les pr�dicants de passage, on a la surprise de trouver Mathieu de Laulnoy, dont le r�le politique sous la Ligue ne saurait �tre trop s�v�rement jug�. Il s'agit du �� Petit Launoy, boute-cul de Sorbonne � de la M�nipp�e, enr�l� cl' abord dans les rangs du clerg� catholique.
Le Rhingraf, Philippe-Othon, fils de Fr�d�ric, ayant accompagn� � Rome, en 1591, le jeune cardinal de Lorraine, revint au catholicisme et, � son retour, travailla � la conversion de ses sujets. Il lan�a m�me un �dit de proscription contre ceux qui refuseraient de se convertir; mais, cette mesure n'eut pas de succ�s. Apr�s la mort du comte Jean IX de Salm, Fran�ois de Vaud�mont ayant pris possession de la part du comt� dont h�ritait Christine de Salm, sa femme, joignit ses efforts � ceux du Rhingraf Philippe-Othon; il fit intervenir le Pape pour mettre ordre aux abus qui r�gnaient dans le clerg�, et des missionnaires vinrent �vang�liser les populations. Le succ�s ne r�pondit pas � tant de z�le, et les d�sordres, qui tous les dimanches se produisaient dans l'�glise commune aux deux cultes, s'aggrav�rent au point que les catholiques se d�cid�rent � contribuer, vers 1612, � la construction d'un temple.
Ce modus vivendi se prolongea jusque vers 1625. Le 12 mars de cette ann�e, en vertu d'un ordre imp�rial du 28 novembre 1624, de Ferdinand II, le comte de Salm et le Rhingraf firent publier et afficher un �dit, qui prohibait l'exercice du calvinisme dans le comt� et la principaut�, pronon�ait la fermeture des temples, ordonnait aux pasteurs et aux ma�tres d'�cole de partir imm�diatement et aux habitants de se faire instruire dans le d�lai d'une ann�e, sous peine de bannissement. Pour att�nuer la rigueur de cette mesure, des missionnaires savants et z�l�s, charg�s de soutenir la controverse avec les ministres, furent envoy�s pour ramener le peuple par la conviction plut�t que par contrainte. L'un de ces missionnaires, le P. Nicolas Fagot, tomb� gravement malade, ayant attribu� sa gu�rison aux pri�res de Pierre Fourier, entreprit de le faire nommer � la cure de Badonviller. Mais, malgr� l'insistance faite aupr�s de lui par le comte de Vaud�mont, le Bon P�re demeura ferme � protester, que jamais pour rien au monde, il n'abandonnerait ses paroissiens de Mattaincourt. On lui demanda alors de se charger de Badonviller, au moins jusqu'� ce que l'on pourrait y mettre un titulaire. Craignant un pi�ge, il n'accepta qu'apr�s de nouvelles instances, et se rendit � Badonviller pour le dimanche avant l' Assomption de 1625.
D�s son arriv�e, le Bon P�re fut frapp� du d�nuement de l'�glise et de l'�tat mis�rable de la cure. Les missionnaires, g�n�ralisant sans cloute quelques cas particuliers, lui d�peignirent le peuple comme grossier, pr�venu, ent�t�, trois d�fauts dont le dernier seul �tait peut-�tre quelque peu m�rit�. Ils ajout�rent que les catholiques, g�n�ralement pauvres, croupissaient dans une profonde ignorance, et que les h�r�tiques, appartenant pour la plupart � la bourgeoisie, �taient tr�s difficiles � ramener. Mais ces d�clarations, dit son biographe, au lieu de l'effrayer, ne firent qu'enflammer son z�le, et il se mit imm�diatement � l'oeuvre. Il commen�a par visiter les malades et les pauvres, les encourageant, les exhortant et les aidant au besoin.
Dix jours s'�taient � peine �coul�s, que d�j� on le rappelait d'urgence � Nancy, et il repartit le jour de l'octave de l' Assomption. Il revint � Badonviller le 9 octobre, avec l'intention d'abord de rester seulement jusqu'� la Toussaint; mais, sur de nouvelles instances du comte de Vaud�mont, il prolongea son s�jour jusque huit jours avant No�l.
Pendant ce deuxi�me s�jour, le d�vouement du Bon P�re demeurait in�puisable; mais, les journ�es �taient trop courtes et ne lui suffisaient plus pour pr�cher dans l'�glise, sur les places, sous la halle, pour recevoir les abjurations, les confessions et pour r�pondre sans cesse � toutes sortes de personnes.
Quand, vers la fin de l'ann�e 1625, il repartit pour Mattaincourt, la paroisse catholique put �tre reconstitu�e et les revenus, r�alis�s par le retour � l'unit�, permirent la reconstruction du presbyt�re.
L'exemple donn� par le chef-lieu fut bient�t suivi aux alentours et, avant la fin de l'ann�e fix�e par l'�dit du 12 mars 1625, les rares obstin�s s'�tant retir�s, les uns � Metz, les autres � B�le, � Sainte-Marie-aux-Mines ou ailleurs, l'h�r�sie de Calvin disparut enti�rement du pays. L'�loignement de ces familles, bien que d�sirable dans l'int�r�t de la paix religieuse, ne fut pas sans causer un bouleversement dans la situation �conomique de la r�gion: les proscrits transf�r�rent dans leurs lieux de refuge leur commerce ou leur industrie, au grand dommage de la prosp�rit� de l'ancien comt� de Salm. C'est ainsi, que les Willaum� ou Guillaume, les de Lassus, en �migrant vers Echery, y transport�rent leurs ateliers de passementerie, qui avaient fait la richesse de Badonviller.
Ce n'est, que devant de nouveaux refus du Bon P�re que, le 17 janvier 1626, le comte de Vaud�mont agr�a le nomination d'un cur� titulaire, auquel le Saint-Si�ge conf�ra le titre et le pouvoir de vicaire apostolique dans toute la province de Salm.
Comment le Bon P�re Pierre Fourier parvint-il � r�ussir l� o� les plus savants missionnaires j�suites avaient �chou� ? Tout simplement par la pratique des vertus, qui caract�risent les saints. P�n�tr�, comme il le d�clarait constamment, dit un t�moin de sa vie, de son insuffisance; intimement persuad� surtout, que le z�le et les talents d'un ap�tre demeureraient absolument insuffisants, s'ils n'�taient second�s de la gr�ce divine, il la demandait avec instance dans la pri�re et l'oraison; il s'effor�ait de l'obtenir par ses aust�rit�s et ses larmes. Il s'informait des mis�res et de la pauvret� des particuliers; il allait les consoler et leur distribuait des aum�nes; il visitait les malades, prenant un soin tout sp�cial des plus abandonn�s. Tout cela �tait accompagn� d'une bont� et d'une cordialit� sympathique, qui lui gagnaient l'affection de tous, m�me des h�r�tiques; car il ne les excluait pas de ses bienfaits. Il inspirait � tous l'estime et le respect. Ses instructions simples r�pandaient la lumi�re dans les esprits et touchaient les coeurs. Il exhortait � la r�forme des moeurs, � la pratique de la charit� fraternelle; il commandait aux catholiques une vie exemplaire, capable de rappeler � la v�ritable religion ceux qui en �taient �loign�s. Il �vitait de se faire des ennemis. Il se gardait de toute expression blessante et n'employait jamais les noms d'h�r�tiques ou de calvinistes; il pr�f�rait le nom d'�trangers, par opposition � celui de familiers de la foi que saint Paul donnait aux fid�les. Il endurait avec la m�me patience les mauvais traitements dirig�s contre sa personne en plusieurs rencontres rest�es dans le souvenir local, notamment une poursuite d'un groupe de femmes, irrit�es, sur le chemin de Fenneviller, o� il dut se blottir dans une touffe de verdure aupr�s d'un gros ch�ne remplac� plus tard par un petit oratoire. L'opinion, qui s'�tablit, se r�sume par le mot d'une femme interrog�e � son sujet: �� Cest un des Justes dont parle l'�criture �,
Le souvenir du Bon P�re, aujourd'hui saint Pierre Fourier, se perp�tue � Badonviller par une confr�rie d'hommes, qui s'honorerait en r�alisant l'id�e, d�j� �mise, de placer sa statue dans l'une des deux niches lat�rales de la fa�ade de l'�glise, niches rest�es vides en attendant les statues de saint Pierre Fourier et de saint Bernard.

Partage du Comt� de Salm.- Un �v�nement, d'une importance capitale pour la destin�e nationale de Badonviller, marque d'une mani�re heureuse la fin du 16e si�cle. Le comte Jean IX, grand dignitaire � la cour de Lorraine, �tant rest� c�libataire, fit, par contrat de mariage du 12 mars 1597, donation � sa ni�ce, Christine de Salm, de la totalit� de ses biens, en toute propri�t�. Ce mariage avec le comte Fran�ois de Vaud�mont, qui pour la seconde fois unissait les saumons de Salm aux al�rions de Lorraine, eut lieu le 15 avril 1597.
Des dispositions furent aussit�t prises pour dresser l'inventaire des biens du comt�, encore indivis avec ceux du Ringraf comparsonnier. On proc�da ensuite au partage, en formant deux lots A et B, et le sort attribua B au comte de Salm. L'acte de partage fut sign� � Badonviller le dernier jour d' Ao�t 1598, puis d�finitivement � Nancy et � Neufviller-sur-Moselle, les 8 et 9 septembre 1598. Ce document, qui a �t� publi� en son entier par le baron F. Seilli�re dans le Bulletin de la Soci�t� philomatique vosgienne 1893-94. donne de pr�cieux renseignements sur Badonviller � la fin du 16e si�cle. Il mentionne les noms des propri�taires des 133 maisons de la ville, et des 26 maisons des deux faubourgs; il pr�sente �galement un grand int�r�t pour toutes les autres localit�s du comt� de Salm.
Ce partage, qui laissait d'ailleurs subsister la communaut� de certains droits et revenus, �tablit sur toute l'�tendue de l'ancien comt�, une infinit� de terres contigu�s de nationalit� diff�rente, dont l'administration plus difficile ne pouvait manquer de soulever de fr�quents conflits. Aussi, les Ringrafs, dont les possessions furent �rig�es, par l'empire, en principaut� le 8 Janvier 1623, cherch�rent-ils � mettre un terme � un �tat de choses, qui cependant ne prit fin qu'en 1753.
Le comte Jean IX �tant mort en 1600, le comte Fran�ois de Vaud�mont, prit possession de la partie du comt� l�gu�e � sa femme, Christine de Salm. On sait, qu'apr�s la mort du duc Henri Il, Fran�ois de Vaud�mont, son fr�re, fut reconnu, en novembre 1625, duc de Lorraine et de Bar, et que quelques jours apr�s, il c�da ses droits de souverainet�, sauf ceux relatifs au comt� de Salm, � son fils Charles IV, �poux de sa cousine germaine Nicole, fille de Henri Il. Il conserva d'ailleurs le titre de duc sa vie durant.
Dom Calmet rapporte que, surtout apr�s cette cession, il continua � r�sider � Badonviller, jusqu'� sa mort survenue le 15 octobre 1632. La duchesse Christine de Salm l'avait pr�c�d� dans la tombe en 1628. Le comt� de Salm, h�rit� par leur fils Charles IV, entra ainsi d�finitivement dans le duch� de Lorraine.
Le duc Fran�ois et la duchesse Christine, fond�rent le couvent des Annonciacles qui, occup� vers 1633, fut supprim� en 1791.

Atelier mon�taire. - Par un dipl�me de 1357, l'empereur Charles IV conf�ra au comte de Salm Jean III, le droit de frapper, dans son comt�, des monnaies d'or et d'argent, de m�me esp�ce que celles de l'�v�que de Metz et du duc de Lorraine. C'est en vertu de ce dipl�me, que les comtes de Salm-en-Vosge et les Ringrafs eurent le droit r�galien de battre monnaie et qu'ils poss�daient un atelier indivis � Badonviller. On ne sait rien sur cet atelier avant le 17e si�cle. Il fonctionna, de 1626 � 1632, sous Fran�ois de Vaud�mont.
L'admodiateur de la monnaie en 1627 �tait le sieur Rhodt. - En 1632, avant la mort du duc Fran�ois, �� Abraham Bellart, maire de Badonviller et qualifi� contr�leur de la monnaie de Badonviller, ach�te, pour 2 20 francs 3 gros, la maison Didier Tirion, entre la veuve Barbote et Didier Tiriville, pour servir � la dite monnaie; plus 140 francs, � Guillaume parementier chapelier, pour l'achat de la petite maison qui est proche de celle destin�e � la monnaie�, Ces b�timents se trouvaient pr�s de l'�glise actuelle.
Apr�s la mort de Fran�ois de Vaud�mont, on cessa de frapper monnaie pendant quelques ann�es. L'atelier recommen�a � fonctionner en 1639. Le 2 octobre de cette ann�e, Christine de Croy, veuve du Ringraf prince de Salm, emprunta � la monnaie de Nancy �� les outils n�cessaires � faire monnaie �.
En novembre 1639, Nicolas M�ry �� essayeur des monnaies de Lorraine et de Badonviller, employant les outils emprunt�s, frappa quelques rixdales, aussit�t refondus � cause de la maladresse du fondeur � composer l'alliage, et quelques testons �. Ces derni�res pi�ces, essay�es le 12 d�cembre 1639 par Nicolas Crocx, graveur, furent trouv�es bonnes de poids et de titre. - En 1640, une ordonnance de M. de Villarceaux, intendant de la justice, police et finances en Lorraine et Barrois, enjoignit aux receveurs des Salines et Recettes de Lorraine et autres, de recevoir comme bonnes les pi�ces d'or et d'argent fabriqu�es � Badonviller.
M. J. Florange a publi�, sur l'atelier mon�taire des comtes et princes de Salm, une excellente notice avec reproduction et description de plusieurs belles pi�ces sorties de la monnaie de Badonviller.

S�paration d�finitive du comt� et de la principaut� de Salm. - L'�tat de choses r�sultant du partage de 1598, avec ses multiples inconv�nients, subsistait encore le 18 novembre 1738, date de la conclusion du trait� de Vienne. Ce trait� de paix, qui attribuait le duch� de Lorraine et de Bar au roi Stanislas Leczinski et apr�s lui � la France, c�dait en fait � la France le comt� de Salm, c'est-�-dire la moiti� du territoire poss�d�, par indivis, entre le duc de Lorraine et le prince de Salm Louis-Othon, h�ritier du Ringraf Fr�d�ric. Il stipulait que les limites de l'Empire et et de la Lorraine seraient r�gl�es par des Commissaires respectifs du roi et de l'empereur. Une convention de partage fut ainsi arr�t�e, � Paris, le 21 d�cembre 1751 ; mais, l'acte ne fut sign� que le 31 d�cembre 1752. Les lettres patentes d�livr�es d�butent par la d�claration, que pour couper cours aux diff�rends r�ciproques, qui se sont �lev�s d'anciennet� � plusieurs reprises et qui pourraient encore na�tre � cause des indivis, terres m�l�es et communes des principaut� et comt� de Salm, il fut convenu: que le roi de France et le roi de Pologne, duc de Lorraine et de Bar, c�dent au prince de Salm-Salm toutes les terres et lieux, qui leur appartiennent nuement ou par indivis ou en commun comme comtes de Salm, au-del� et � gauche de la rivi�re de Plaine. En �change, le prince de Salm a c�d� au roi de France et au roi de Pologne, les terres, lieux et maisons avec leurs appartenances et d�pendances, qui lui appartiennent de m�me nuement, ou par indivis, ou en commun avec le comte de Salm en de�� et � la droite de la Plaine, laquelle sera commune, et le milieu de la dite rivi�re de la Plaine fera aussi la s�paration de la principaut� avec la Lorraine et le comt� de Salm. Le flottage de la rivi�re est d�clar� commun, depuis la source jusqu'� la sortie du comt�.
Enfin, par l'article 14, les officiers, forestiers et sergents du prince de Salm-Salm, �tablis � Badonviller, �taient libres de se retirer de la dite ville et d'en transf�rer leur domicile dans la principaut� avec tous leurs meubles; un d�lai de deux ans leur �tait laiss� � cet effet. Senones devint alors la capitale d'une principaut� allemande autonome, enclav�e dans le territoire fran�ais, et constitu�e en faveur du feld-mar�chal Nicolas-L�opold, prince de Salm-Salm. Tous les fonctionnaires publics, vis�s par l'article 14, se retir�rent dans cette ville, o� ils continu�rent � exercer les fonctions qu'ils remplissaient � Badonviller comme repr�sentants des h�ritiers des anciens Rhingrafs. - C'est ainsi que se fixa � Senones, en 1751, Hyacinthe Messier, receveur g�n�ral des finances des princes de Salm depuis 1744. Hyacinthe �tait le fr�re de Charles Messier, le c�l�bre astronome de la Marine, et sa fille Marie-Agn�s Messier �pousa le chancelier de la principaut�, M. No�l. - Parmi les �migr�s, citons encore Claude Relogne, m�decin, fix� � Senones, en 1753, comme premier chirurgien jur� de la principaut�, dont le fils, Antoine Relogne, exer�ait apr�s lui la m�me fonction.
Cette s�paration, si d�sirable au point de vue politique, eut des cons�quences d�sastreuses pour Badonviller. L'ancienne capitale resta le chef-lieu d'une pr�v�t�, dont le titulaire cumulait les Finances et la Justice du comt� de Salm, encaissant les imp�ts, soldant les d�penses et jugeant les proc�s tant au criminel qu'au civil; il pr�sidait en outre aux plaids annaux, � la saint Georges et � la saint Martin. Cette nouvelle organisation dura jusqu'� la r�volution de 1789, qui fit table rase des anciennes institutions et fit entrer, la Principaut� s�par�e de Salm-Salm elle-m�me, dans le cadre de l'unit� fran�aise.

(� suivre)

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