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12 ao�t 1914
BADONVILLER
... une ville sans histoire est un corps sans �me...
Louis SCHAUDEL


BADONVILLER
�� Une ville sans histoire est un corps sans �me. �
PREMI�RE PARTIE
Aper�u g�ographique
BADONVILLER, chef-lieu de
canton de l'arrondissement de Lun�ville
(Meurthe-et-Moselle) est situ� � l'extr�mit�
occidentale des derniers contreforts des Vosges
moyennes, sous 53�89' de latitude et 330 m�tres
d'altitude. Les �difices de la partie ancienne de la
ville s'�tagent, depuis l'�glise dominante jusqu'au
bas du vallon d'�rosion fluvio-glaciaire, par o� la
Blette - l'antique Albuletta - �coule les eaux
limpides de deux combes d'in�gales longueurs, qui se
joignent � l'entr�e de l'ancien faubourg d'Alsace.
Autour de ce noyau central se sont d�velopp�s, �
diff�rentes �poques, � l'est, les habitations
construites le long de l'avenue de la Chapelotte; au
sud-est, l'important faubourg d'Alsace; � l'ouest,
le faubourg de France, avec le quartier de la gare,
et une cit� ouvri�re enti�rement reconstruite et
agrandie aupr�s de la Fa�encerie d'�douard-Th�ophile
FENAL; enfin, au sud, les maisons de la route de
Lun�ville et un autre groupe d'habitations ouvri�res
en formation dans le quartier du Souhait.
La population de la ville, en 1926, s'�levait �
2.152 habitants.
Une route bien entretenue traverse la ville du N.-0.
au S.-E. et, par le col de la Chapelotte, se dirige
sur Allarmont - Bionville, dans la vall�e de la
Plaine .. Un embranchement, se d�tachant � droite,
avant la sortie de la ville, traverse l'ancien
faubourg d'Alsace et, par Nabeine et le carrefour de
la Vierge-Clarisse, conduit � Pierre-Perc�e pour
aboutir � Celles-sur-Plaine.
A l'ouest, pr�s de la gare, une route se dirige sur
Br�m�nil, reli� � Angomont par un chemin vicinal;
sur Petitmont, reli� au Val-et-Ch�tillon, et sur
Cirey. A 500 m�tres de la gare, prend naissance, sur
cette route, un chemin de grande communication, qui
est le prolongement d'une voie antique, dite chemin
de Bl�mont, venant de Pexonne et de Fenneviller et
traversant la grande rue du faubourg de France, pour
continuer vers le nord, sous forme de chemin creux,
dit la Creuse, aujourd'hui en partie combl� et
abandonn�. La partie septentrionale, qui subsiste,
met Badonviller en communication directe avec
Bl�mont et les villages interm�diaires de Montreux,
Nonhigny, Harbouey et Barbas. Un embranchement,
apr�s 700 m�tres de parcours sur cette voie, conduit
� Neuviller, Saint-Maurice et Sainte-P�le.
Au sud-ouest, la route, apr�s bifurcation au Souhait
du chemin de Fenneviller, Pexonne, Neufmaisons et
Raon-l'�tape, se dirige en ligne droite sur
Sainte-P�le, Montigny et Og�viller, o� elle aboutit
sur la route nationale reliant Nancy et Lun�ville �
l'Alsace, par Bl�mont et Sarrebourg.
Deux voies ferr�es, l'une exploit�e par la Compagnie
de l'Est, et l'autre par le D�partement, relient
Badonviller, la premi�re � Baccarat, par Pexonne,
Vacqueville, Merviller, et la seconde, par
Saint-Maurice, Sainte-P�le, Montigny, Mign�ville, �
Herb�viller, point de jonction avec la ligne de
Lun�ville � Bl�mont.
Anciennement la ville, avec son mur d'enceinte et
ses foss�s, formait un ovale allong�, dont le grand
axe
N .-S. mesurait 250 m�tres et le petit axe E.-O. 190
m�tres. Deux portes seulement donnaient acc�s �
l'int�rieur; elles �taient � pont-levis, surmont�es
de tours � cr�neaux et m�chicoulis, et servaient de
prisons. Celle de l'Est �tait connue sous la
d�nomination de Porte d'en bas ou d'Allemagne, et
celle de l'Ouest sous le nom de Porte d'en haut ou
de France. A c�t� de cette derni�re se dressait une
grande tour, avec sa chambre de guet. A l'ext�rieur
de chacune des deux portes, � droite et � gauche,
deux ouvrages, dits moineaux, renfor�aient la
d�fense.
L'�glise romane s'�levait sur l'emplacement actuel
de l'H�tel de Ville; elle �tait d�di�e �
Saint-Martin, patron de la paroisse, Comme elle
tombait en ruine, elle fut remplac�e, en 1786, par
l'�glise de style Empire, qui fut m�thodiquement
d�truite, le 12 Ao�t 1914, par les incendiaires des
premiers envahisseurs ennemis. Class�e depuis comme
monument historique, elle a �t� enti�rement
restaur�e, gr�ce � l'indemnit� de guerre allou�e �
la Commune et mise � la disposition de la
Coop�rative de reconstruction autoris�e de
Badonviller.
A l'extr�mit� m�ridionale de la ville, un groupe de
vieilles maisons, quelques-unes adoss�es contre
l'ancien mur d'enceinte, porte le nom �nigmatique de
Ch�teau de Famine. C'est �videmment l'ancien ch�teau
de Badonviller, que sa situation au fond du vallon
de la Blette, permettait d'entourer d'eau sur tout
le pourtour, constituant ainsi le r�duit de la
place, dont les foss�s en pente, naturellement �
sec, �taient, d�j� au commencement du 16e si�cle,
convertis en jardins. La d�nomination Ch�teau de
Famine, se rapporte probablement � un si�ge
prolong�. Dans une partie du mur d'enceinte d�molie
en 1921, on a d�couvert, dans une cavit� m�nag�e
dans l'int�rieur du mur, un oeuf dess�ch� � c�t� d'un
objet en pierre, aussi r�gulier que s'il eut �t�
fa�onn� au tour, affectant une forme ovo�de un peu
allong�e, aux deux extr�mit�s tronqu�es, mesurant 33
centim�tres de hauteur. L'incorporation de ces deux
objets dans le mur d'enceinte r�pond �videmment � la
m�me id�e superstitieuse, que la coutume barbare,
souvent constat�e, d'emmurer un �tre vivant,
quelquefois un chat, dans la croyance de renforcer
et de rendre invuln�rable la
construction.
Au moment du partage du comt� de Salm, en 1598,
Badonviller comptait 133 maisons dans l'int�rieur de
la ville, 13 au faubourg d'Alsace, y compris la
maison au-dessus de l'�tang Le Borgne; et 13
maisons au faubourg de France, y compris la ferme du
Chamois.
Les comtes y poss�daient alors en commun, la Halle,
avec l' Auditoire et ses dix chambres, greniers et
caves. Ils poss�daient, en outre, deux maisons
d�sign�es en 1570 sous les noms : 1� �� de Grande
maison, avec �curies et grange r�serv�es au comte de
Sa lm pour ses trains et suite, et pour y loger
quand il lui plait�. - 2� la maison, �� dite de
Bl�mont, avec son �table, ses granges, beufveries,
et jardin �,
Ces maisons �taient situ�es pr�s de la Porte d'en
bas, de part et d'autre du chemin, et reli�es par
une galerie ainsi d�crite par Jean Lours, ma�on
tailleur: �� Galerie en pierre de taille entre les
deux corps de logis du comte de Salm � Badonviller
pos�e sur 6 arches soutenues d'un gros pilier au
milieu et contenant 6 jumelles et les plats fonds de
taille�, Une autre maison seigneuriale existait �
gauche de l'�glise actuelle, sans doute sur
l'emplacement du presbyt�re; on y battait monnaie au
17e si�cle.
Un temple protestant, construit vers 1612, s'�levait
sur la petite place, � l'entr�e de la rue
Notre-Dame. Sa fermeture ayant �t� prononc�e en
1625, il fut consacr� au culte catholique sous le
titre de Notre-Dame, le 25 mai 1625.
Signalons encore un monast�re d' Annonciades, fond�
en 1633, au faubourg d'Alsace et supprim� en 1791.
Ses b�timents abritent aujourd'hui une fabrique de
velours.
Au commencement de 1636, la petite forteresse de
Badonviller subit le sort que la politique de
Richelieu r�serva � la plupart des ch�teaux et
villes fortifi�es de la Lorraine; elle fut
d�mantel�e et livr�e ainsi sans d�fense aux
incursions fr�quentes lors de la guerre dite des
Su�dois.
Les deux portes subsistaient encore au 19e si�cle;
mais un incendie, survenu en 1826 pendant la nuit,
d�truisit 15 maisons avec la porte de France. Un
autre incendie, plus terrible encore, qui se
produisit en 1830, en plein jour cette fois,
renversa de fond en comble 80 maisons, avec l'H�tel
de ville, qui avait �t� b�ti en 1811, et la porte
d'en bas; 18 maisons furent en outre tr�s
endommag�es. Il y eut malheureusement � d�plorer, de
plus, la mort de deux hommes, �cras�s par la chute
d'un mur, et de deux femmes asphyxi�es dans leur
cave.
L'H�tel de ville fut promptement restaur�; mais les
deux portes, plut�t g�nantes pour la circulation,
disparurent d�finitivement.
La fr�quence et les effroyables effets de ces
incendies s'expliquent par ce fait, que les toitures
�taient presque toutes couvertes en bois par des
esseins (essentes) ou bardeaux heureusement
remplac�s depuis par des tuiles.

HISTOIRE
Origine - Moyen �ge
�poque moderne jusqu'en 1914.
L'origine de Badonviller
semble remonter aux derniers si�cles de l'�poque
gallo-romaine, � en juger notamment par son nom qui,
sous la forme latine primitive: Badovillare a pour
racine la d�nomination franque Bald, Baldi ou Baldo
et pour suffixe le terme latin vilare, qui
habituellement d�signe un hameau. Dans la langue
romane d�riv�e du latin, Baldovillare a pris la
forme Baudonviller, qu'elle a conserv�e jusqu'au 17e
si�cle. Il est permis de croire que Baldi ou Baldo
transform� en Baudon (1), puis en Badon, d�signait
un de ces chefs de corps auxiliaires francs entr�s
au service de l'Empire et recevant, en guise de
solde, des terres � cultiver. �tablis � demeure dans
un pays, avec leurs femmes et leurs enfants, ils
formaient � la fois un groupe militaire et un
village avec son chef choisi par le gouvernement
romain. Les noms analogues de Fenneviller, d'Ancerviller,
de Herb�viller, d'Og�viller, comme aussi celui d'Angomont,
t�moignent que d'autres groupes d'auxiliaires francs
�taient �tablis � demeure dans la r�gion, sans doute
pour fortifier la d�fense de cette partie
subvosgienne contre les invasions des barbares
d'Outre-Rhin.
(1) Cette racine du
nom de Badonviller n'a aucun rapport avec celui de
saint Bodon, fondateur de l'abbaye de Bonmoutier (Bodonis
monasterium) transf�r� au Xle si�cle du Val �
Saint-Sauveur.
Comme pour la presque totalit�
des villes et villages lorrains, l'existence et les
manifestations de l'activit� humaine, � Badonviller,
restent dans les t�n�bres pendant toute la p�riode
qui pr�c�de le 12e si�cle.
La premi�re mention certaine, qui nous soit
parvenue, se trouve dans l'Histoire de l'abbaye de
Moyenmoutiers, ouvrage tr�s document� de M. l'abb�
J�r�me. Nous apprenons ainsi, que sous l'abbatiat de
Bertrice (1077-1115), Roland de Badonviller, fit
donation � l'abbaye, pour sa s�pulture, de sa part
de franc-alleu, qu'il poss�dait pr�s de Pexonne,
compos�e de pr�s, champs, for�ts et manses. Jean de
Bayon, dans sa Chronique de Moyenmoutiers, nous
apprend qu'Otton de Badonviller, fr�re de Roland,
�tait venu � Moyenmoutiers accompagn� d'une suite
nombreuse pour s'entendre avec les religieux sur les
conditions de la donation, ou plut�t de la vente. En
�change des biens conc�d�s, les religieux pay�rent
28 livres � Otton de Badonviller. Quant � Roland, il
obtint les revenus de l'�glise Saint-Pierre de
Pexonne sa vie durant.
Un acte du 22 juin 1124, relatif � la d�dicace de
l'�glise de l'abbaye de Senones, cite parmi les
t�moins pr�sents Rainero de Baldovillare. Ce Rainero
de Badonviller �tait �videmment un seigneur noble
d'importance; car il figure dans l'acte � c�t� de
Herman II, comte de Salm, du comte Conrad de
Langenstein. de Bencelin de Turquestein, les
personnages les plus puissants de la r�gion � cette
�poque.
Enfin, un document dat� de l'octave de P�ques 1243,
nous apprend que Rudolphe et Rembold, fr�res,
seigneurs de Fraquelfaing, village du canton de
Lorquin, avaient donn� � l'abbaye de Notre-Dame de
Saint-Sauveur, 4 quartes de seigle et 18 sols
toulois sur leur alleu de Badonviller; que cet alleu
ayant �t� acquis par le comte de Salm, celui-ci
d�clare que ladite redevance annuelle sera pr�lev�e
sur le gerbage des seigles et sur les cens que le
villicus, c'est-�-dire le maire ou le receveur du
comte l�ve � Badonviller.
A partir de ce moment, il semblait que Badonviller
n'e�t plus d'autres seigneurs que les comtes de
Salm, quand une charte du mois de mai 1257,
jusqu'ici in�dite ou du moins inaper�ue, me r�v�la
un fait rest� inconnu, � savoir que Badonviller
appartenait alors, pour les trois quarts seulement
au comte de Salm, et pour un quart aux Templiers. Ce
document, l'un des premiers �crits en langue romane
dans la r�gion, est d'une importance capitale pour
l'histoire de Badonviller, ainsi qu'en t�moignera
l'analyse suivante:
Henri (IV) comte de Salm fait conna�tre, qu'avec
l'approbation et la volont� de dame Lorette sa
femme, il a fait communaut�, avec le ma�tre et ses
fr�res de la Chevalerie du Temple, de tout ce qu'il
poss�de � Badonviller et son ban, en tous profits et
us, � savoir en hommes, femmes, terres, pr�s, bois,
eaux, d�mes, gerbages, moulins, pacages, rentes et
toutes seigneuries, � l'exception des hommes d'Alencombe,
qui demeurent au comte et � ses h�ritiers, en telle
forme et en telle justice qu'auparavant, sauf que la
d�me et le gerbage resteront � la communaut� de
Badonviller. Le comte se r�serve aussi l'�tang de
Badonviller et la p�che. Le moulin de cet �tang est
en la communaut� octroy�e aux fr�res du Temple.
Le ma�tre et les fr�res de la Chevalerie du Temple,
de leur c�t� font savoir qu'ils ont fait communaut�
avec le comte de Salm et dame Lorette sa femme et
leurs hoirs, de tout ce qu'ils ont en ladite ville
de Badonviller, son ban et ses alentours, ainsi qu'�
Fenneviller, son ban et tout ce qu'ils y auraient en
tous us et profits, en bois, en eaux, moulins,
rentes, d�mes gerbage, en droitures, en p�turages,
en toutes seigneuries, en tout profit et valeur, �
l'exception des dons de l'�glise de Badonviller, qui
demeurent aux ma�tre et fr�res du Temple sans
partage. - Les deux parties se r�servent le droit
d'amener ou envoyer des porcs au pacage dans la
for�t appartenant � la ville de Badonviller et aux
dits fr�res, en payant le m�me prix que les autres
porcs �trangers.
Dans la communaut� ainsi form�e, le comte de Salm
d�clare avoir trois parts et les fr�res du Temple
une quatri�me part seulement, en toute valeur et
profit. Le comte de Salm d�clare, que lui et ses
h�ritiers ne peuvent s'accro�tre en cette communaut�
sans le ma�tre et les fr�res du Temple et
r�ciproquement, et qu'ils ne peuvent, l'un sans
l'autre, avoir service de la ville, ni mener en ost
et chevauch�e les hommes de la communaut�.
Le comte et ses h�ritiers doivent, par leur serment,
tenir les assises et les franchises, qu'ils ont mis
en ladite ville de Badonviller; ils ne peuvent les
reprendre, l'un sans l'autre, ni les renouveler ou
les changer sans le consentement r�ciproque des deux
parties.
Les comparsonniers devaient �tablir chaque ann�e un
maire commun, qui devait jurer et faire serment de
garder loyalement les droits du comte et ceux des
Templiers : ce maire, le comte de Salm et les fr�res
du Temple peuvent le changer chaque ann�e, sous
consentement r�ciproque. Ils doivent �galement
nommer les autres administrateurs de la ville. Si
par aventure, il advenait d�saccord entre le comte
et les Templiers sur la nomination du maire, les
�chevins en �liraient un ou les aideraient � �tablir
un homme sage et probe pour l'une comme pour l'autre
partie. Ils d�clarent, que ni le comte, ni le Temple
ne peuvent retenir les hommes du comte venant de ses
autres seigneuries.
Le comte de Salm fit serment, pour lui et ses hoirs,
de tenir bien et loyalement cette communaut� et il
ajoute que s'ils allaient � l'encontre, ils devaient
r�paration, � la requ�te des ma�tre et fr�res du
Temple, dans la quinzaine de la requ�te ou
commandement, et s'ils ne le faisaient, le comte et
ses hoirs avec lui s'obligent � demander � Mgr
l'�v�que de Toul de les excommunier partout dans son
�v�ch�, tant qu'ils n'auraient renonc� � leurs
entreprises et rendu les dommages qui en seraient
r�sult�s.
Le ma�tre et les fr�res du Temple devaient tenir
fermement les stipulations de l'accord, et s'ils
contrevenaient aux conventions de la communaut� et
n'en faisaient r�paration dans la quinzaine qu'ils
en seraient requis, le comte de Salm et ses hoirs
reprendraient tous leurs engagements, tant que les
contrevenants n'auraient renonc� � l'entreprise et
rendu les dommages.
Il est convenu, en outre, que les ma�tres et les
fr�res du Temple ne pouvaient mettre en d'autres
mains les biens de la communaut�, ni par �change, ni
par vente, ni par donation (1).
(1) L'acte fut rev�tu
des sceaux du comte Henri et de dame Lorette, sa
femme, encore pendants � l'original en parchemin,
copi� et collationn� par Nicolas Remy, notaire
apostolique.
Nous savons maintenant que,
d�s le 13e si�cle, Badonviller formait une
communaut� sous la seigneurie des comtes de Salm
pour les trois quarts, et des Chevaliers du Temple
pour un quart; que d�j� auparavant, les habitants
avaient obtenu des franchises et une organisation
judiciaire et administrative comprenant des
�chevins. C'est l� un fait tr�s remarquable pour
l'�poque.
A partir de ce moment, l'histoire de Badonviller se
confond avec celle du comt� de Salm, dont elle
devint le chef-lieu administratif et militaire.
Le comt� de Salm, confin� � son origine, dans la
partie de l'Ardenne situ�e entre le pays de Li�ge et
celui de Luxembourg, devint au XIe si�cle l'apanage
d'un cadet de l'illustre maison de Luxembourg,
Herman I, �lu roi d'Allemagne en 1080, contre
l'empereur Henri IV. Son fils Herman Il, fort de
l'appui des comtes-�v�ques de Metz, de sa parent�,
�tendit ses possessions vers le sud, et, gr�ce � son
mariage avec Agn�s, fille de Thierry I comte de
Montb�liard et de Bar, et veuve d'un comte de
Langenstein, le comt� de Salm finit par s'�tendre �
travers le Saulnois et le Bl�montois jusque sur les
domaines de l'abbaye �piscopale de Senones o� Herman
Il exer�a les droits de vou� sous la suzerainet� de
l'�v�que de Metz. Dans ce vaste ensemble �taient
compris le ch�teau de Pierre-Perc�e et Badonviller.
Henri I, fils et successeur de Herman li, fut ainsi
l'un des plus puissants seigneurs de la Lorraine et
comme son p�re et son a�eul, il joua un r�le
consid�rable dans les �v�nements enregistr�s par
l'histoire du 12e si�cle. A sa mort, le comt� fut
amput� des possessions ardennaises qui, par suite du
mariage d'une fille de Henri I, pass�rent � son mari
Fr�d�ric de Vianden, lequel devint ainsi la tige des
comtes de Salm-en-Ardenne.
Les domaines revenant � Henri Il, fils unique de
Henri I, constituaient encore un comt� d'une
imposante �tendue, et son prestige fut encore accru
par son mariage avec Judith, de la maison ducale de
Lorraine. Pour justifier le titre de comte de
Salm-en-Vosge, oppos� � celui de Salm-en-Ardenne,
Henri II fit construire le ch�teau de Salm, aux
confins de l'Alsace, au milieu des grandes for�ts du
bassin sup�rieur de la Bruche, sur un plateau d'o�
la vue pouvait planer au loin et plonger dans les
vall�es profondes avoisinantes. Le choix de cet
emplacement indique clairement les vis�es
politiques, poursuivies par la maison de Salm de la
premi�re dynastie, tendant � cr�er un grand �tat
ind�pendant dans cette partie des Vosges. Un tel
projet avait d'autant plus de chance de succ�s, que
Henri pouvait y mettre le temps, �tant mort presque
centenaire; il fut inhum� aux c�t�s de sa femme
Judith de Lorraine dans un tombeau de l'�glise
abbatiale de Senones, dont le moine chroniqueur
Richer sculpta lui-m�me les ornements.
Malheureusement pour la r�ussite du r�ve ambitieux
de la maison de Salm-en-Vosge de graves dissensions
s'�lev�rent entre Henri II et les deux fils issus de
son union avec Judith, dont la conduite scandaleuse.
d'apr�s Richer, amena de violents conflits. Les
comtes de Salm trouv�rent d'ailleurs dans l'�v�que
de Metz, Jacques de Lorraine, un formidable
adversaire.
Le fils a�n�, Henri III �tant mort pr�matur�ment en
1228, laissant un fils en bas �ge, le pu�n� Ferry,
d�j� du vivant de son p�re s'empara de tout
l'h�ritage au m�pris des droits de son neveu. Gr�ce
� sa m�re, Marguerite de Bar, le fils de Henri III
eut heureusement pour lui l'appui du puissant comte
de Bar pour soutenir ses l�gitimes revendications.
Voici ce que nous apprend � ce sujet le moine
Richer, dans sa chronique latine contemporaine: ��
Finalement Dieu suscita � Ferry un fort adversaire
dans la personne de Henri, son neveu, fils de son
fr�re Henri, qui r�clamait la moiti� du comt� de
Bl�mont. Il chercha d'abord � le leurrer par de
belles promesses; mais enfin r�duit par la force des
armes, il dut lui abandonner sa part, � savoir
Morhanges et Viviers, les ch�teaux de Pierre-Perc�e
et de Salm. Ferry retint pour lui Bl�mont et le haut
ch�teau de Deneuvre �.
Il y eut donc, apr�s la mort de Henri II une
nouvelle amputation du comt� de Salm, au d�triment
duquel se
forma le comt� de Bl�mont. - Ferry est ainsi la tige
des sires de Bl�mont. - Ce qui restait du comt� de
Salm-en-Vosge revint au fils unique de Henri III et
de Marguerite de Bar. Il fut, vers la fin de 1247,
mis en possession des ch�teaux de Morhanges, de
Salm, de Pierre-Perc�e et d�pendances, par
cons�quent de Badonviller, et r�gna sous le nom de
Henri IV. C'est donc lui qui est l'auteur de la
charte de mai 1257.
Comment les Templiers devinrent-ils � cette �poque
co-seigneurs de Badonviller pour un quart ? Ce ne
peut �tre que par donation, soit de la part du comte
de Salm, soit de la part d'autres seigneurs tels que
ceux dont il a �t� question au d�but du 12e si�cle.
On sait que l'Ordre du Temple fut fond� en Palestine
vers 1119; les chevaliers de cet ordre militaire
furent ainsi d�sign�s parce que le roi Baudoin II
les avait �tablis dans les d�pendances de son propre
palais de J�rusalem, tout pr�s de l'emplacement
qu'occupait jadis le temple Salomon.
De la Champagne, qui fut le berceau de la chevalerie
du Temple en Occident, l'Ordre se r�pandit en
Lorraine, sans aucun doute � la suite de divers
voyages de saint Bernard, qui s'�tait fait l'ardent
ap�tre de la milice. Chevalier de race et moine de
vocation, nul mieux que l'illustre abb� de Clairvaux
n'�tait � m�me de faire revivre avec intensit�
l'id�al religieux du Temple. Son �� �loge de la
nouvelle chevalerie � s'en fait encore l'�cho. Or,
saint Bernard, au cours de l'un de ses voyages, est
venu � l'abbaye voisine de Haute-Seille, fondation
de la famille des comtes de Salm. Rien d'�tonnant
que sa parole enflamm�e ait suscit� des vocations.
Jusqu'ici, nous ne connaissions dans notre r�gion
que le Temple de Saint-Georges de Lun�ville et,
d'une mani�re bien imparfaite, les �tablissements de
Domjevin, Mign�ville, Xousse, Foulcrey, Autrepierre,
Hattigny. Il faut y ajouter maintenant celui de
Badonviller.
Les seigneurs nobles ne furent pas seuls � demander
leur entr�e dans l'ordre du Temple, les bourgeois,
roturiers ou vilains vinrent aussi s'offrir; car on
faisait cordialement accueil � chacun. Ceux que leur
condition premi�re n'avait pas pr�par� au m�tier des
armes, et eussent �t� en Terre-Sainte de m�diocres
auxiliaires, utilis�rent leur connaissance de
l'agriculture et leur aptitude au commerce et
devinrent de pr�cieux instruments pour
l'exploitation des propri�t�s de l'Ordre.
Le personnel du Temple comprenait ainsi deux classes
de religieux: les fr�res du couvent et les fr�res de
m�tier. La premi�re classe admettait, outre les
chapelains, les chevaliers proprement dits et les
sergents en �tat de porter les armes; la seconde
confondait les sergents attach�s au service
int�rieur de la maison ou � l'exploitation du
domaine. Ces derniers, d'un rang inf�rieur,
constituaient le personnel domestique et agricole
des commanderies; eux seuls �taient affect�s aux
travaux manuels, s'aidant � l'ordinaire de gens �
gages qu'ils surveillaient. L'Ordre, dans les
premiers temps, n'�tait pas domin� par le d�sir
immod�r� des richesses. Tant qu'ils guerroy�rent
contre l'infid�le, les moines-chevaliers n'�taient
pas ce que nous appellerions des hommes d'argent.
S'ils recherchaient l'argent, c'�tait beaucoup moins
pour lui-m�me que parce qu'il est par excellence le
nerf de la guerre.
On sait comment l'Ordre du Temple fut aboli sous le
roi Philippe-le-Bel. Apr�s la suppression de l'Ordre
par le Concile de Vienne, en 1312, la plus grande
partie des biens qu'il poss�dait en France et aussi
en Lorraine, fut d�volue aux Hospitaliers de
Saint-Jean de J�rusalem. Ce fut une d�ception pour
Philippe-le-Bel, dont le z�le d�ploy� contre les
Templiers ne couvrait pas autre chose que la
confiscation � son profit de richesses immenses. On
sait avec quelle cruaut�, on agit contre les
chevaliers du Temple. Sur un ordre royal, les
Templiers de France furent arr�t�s, presque le m�me
jour, au mois d'octobre 1307. Les crimes de
l'accusation �taient �normes, extravagants. Ceux qui
refusaient d'avouer �taient tortur�s, tenaill�s:
plusieurs succomb�rent � leurs blessures; les
innocents n'avaient d'autre ressource que le
mensonge: � ce prix on leur assurait la vie sauve.
Ainsi s'explique le grand nombre d'aveux que
recueillirent les inquisiteurs. Aujourd'hui un fait
est d�finitivement acquis, le Temple en tant
qu'Ordre est innocent des crimes dont on l'a si
longtemps accus�. Les fr�res du Temple �taient des
hommes avec leurs qualit�s et leurs d�fauts; en
amassant des richesses, ils devaient forc�ment
s'attirer l'envie, la haine et la pers�cution.
Les Templiers de Lorraine subirent-ils le sort de
leurs fr�res d'autres pays ? Digot, qui leur a
consacr� une �tude dans les M�moires de fa Soci�t�
d'arch�ologie lorraine en 1868, dit, qu'il ne para�t
pas qu'au moment o� �clata l'orage, ils aient �t�
poursuivis avec autant de s�v�rit� qu'en France, et
qu'en Allemagne on ne les arr�ta nulle part. Mais,
apr�s le d�cret du pape Cl�ment V au Concile de Vienne,
les Templiers de Metz furent dispers�s. Il en fut
certainement de m�me � Badonviller, et nous trouvons
le quart des dimes grosses et menues pass� en la
possession de la commanderie des Hospitaliers de
Saint-Georges de Lun�ville jusqu'en 1570, �poque �
laquelle ceux-ci les c�d�rent aux religieux de
l'abbaye voisine de Saint-Sauveur.
Il serait int�ressant de savoir o� se trouvait
l'�tablissement des fr�res du Temple. Est-ce �
Badonviller m�me ? L'emplacement d'une exploitation
agricole au Chamois, (alt�ration �vidente de Chanoy,
forme ancienne de Ch�nois) a longtemps retenu mon
attention, mais il y a un nom, caract�ristique
celui-l�, qui, s'il est reconnu authentiquement
ancien, pourrait r�soudre la question. C'est le nom
de J�rusalem attach� � une petite exploitation
rurale, sur le versant occidental de la c�te au
sommet de laquelle se dressait le ch�teau de
Pierre-Perc�e. Toute cette c�te, autrefois en
culture et aujourd'hui en voie de reboisement,
offrait des terres cultivables et d'excellents
p�turages. Les comptes du 16e si�cle, donnant une
description assez d�taill�e du ch�teau, mentionnent
comme annexes : �� des �tables, granges, basses-cours
.. �, et celui de 1579 signale la restauration ��
d'un coin de mur de la beufverie des vaches�. La
tradition attribue le nom de J�rusalem du petit
b�timent de ferme situ� � quelques centaines de
m�tres seulement en contre-bas du ch�teau, � un
comte de Salm, en souvenir de sa participation � une
croisade. Cela para�t d'autant plus invraisemblable,
que les comtes Henri I et Henri Il, qui pourraient
�tre mis en cause, n'habitaient ni l'un ni l'autre
le ch�teau de Pierre-Perc�e. On peut, beaucoup plus
logiquement semble-t-il, supposer, que les
Templiers, seigneurs comparsonniers du comte de Salm
pour un quart du territoire de Badonviller,
occupaient l'ancien ch�teau de Langenstein. Les
terres voisines du versant oriental de la Grande
Combe offrirent, aux fr�res de m�tier, un vaste
champ d'exploitation agricole sur toute leur partie
m�ridionale. La partie septentrionale de cette combe
�tait couverte, du fond � la cime, de magnifiques
for�ts de sapins pr�sentant, maintenant, h�las ! de
sinistres clairi�res, hier encore h�riss�es de
troncs dess�ch�s, d�capit�s, d�chiquet�s par les
milliers d'obus tir�s des hauteurs du col de la
Chapelotte et o� d�j�, heureusement, la nature a
repris et poursuit son oeuvre de r�g�n�ration.
En dehors de la charte de 1257, d'un int�r�t capital
pour Badonviller, il existe une autre source
pr�cieuse de renseignements sur les �v�nements
int�ressant �gaiement notre ville. C'est la
chronique en latin du moine Richer de l'abbaye de
Senones, �crite de 1254 � 1264 et contenant de
nombreux et tr�s curieux d�tails sur les relations
de cette abbaye avec les comtes de Salm, ses vou�s
relevant directement de l'�v�que de Metz. En cette
qualit�, Henri IV trouva en Jacques de Lorraine,
l'�v�que suzerain, un adversaire redoutable,
nettement hostile d�s le d�but et qui finit par
obtenir la cession du haut domaine des ch�teaux
allodiaux de Salm et Pierre-Perc�e.
La premi�re manifestation de ce plan d'extension
dont il a �t� question, se fit jour lors du partage
du comt� de Salm entre Ferry de Bl�mont et son
neveu, partage favorable � Jacques de Lorraine, qui
obtint la transformation de la seigneurie de Bl�mont
en fief de l'�v�ch� de Metz.
Un premier conflit s'�leva � l'occasion de la
construction de b�timents destin�s � l'exploitation
de l'eau sal�e d'un puits creus�, sur l'ordre du
comte Henri IV, pr�s de son ch�teau de Morhange.
L'�v�que voyant sans doute dans cet �tablissement
une concurrence � ses propres salines du voisinage,
s'empressa d'y mettre opposition et, bien que les
constructions y fussent d�j� tr�s avanc�es, il les
fit d�molir, causant ainsi de s�rieux dommages au
comte de Salm. Celui-ci r�solut alors de vendre cet
alleu au duc de Lorraine et le re�ut de lui en fief
le 21 juillet 1255.
De nouvelles contestations ne tard�rent pas � surgir
entre l'�v�que Jacques de Lorraine et le vou� de
l'abbaye de Senones. Une mine de fer ayant �t�
d�couverte pr�s de Grande Fontaine - canton de
Schirmeck - le comte de Salm y fit construire des
fours et y �tablit des ouvriers charg�s, les uns
d'extraire le minerai et les autres de travailler le
fer. L'abb� et les religieux de l'abbaye de Senones,
pr�tendant alors que les forges avaient �t�
construites sur leur domaine, all�rent trouver
Jacques de Lorraine, qui r�solut aussit�t de charger
son pr�v�t de d�truire les b�timents. Le pr�v�t ne
se contenta pas de ruiner les forges; il emporta, en
outre, tous les outils el marteaux qui s'y
trouvaient. Les pertes �normes, ainsi successivement
inflig�es au comte Henri IV. l'oblig�rent finalement
� consentir � la vente de ses ch�teaux allodiaux de
Salm et de Pierre-Perc�e.
Le moine Richer nous apprend � ce sujet une coutume,
qui m�rite d'�tre retenue. Voici la traduction du
passage la concernant: �� L'�v�que, assist� d'hommes
experts, se transporta � l'un et � l'autre ch�teaux
et y coucha[; il y �tablit les gardes des tours et
les concierges des maisons, et, apr�s constatation
de cette prise de possession par des actes, il les
rapporta � son �v�ch�. Et d�s lors, l'�v�que se
montra plus conciliant envers le comte de Salm �.
Ce r�cit ne mentionne pas la reprise en fief des
deux ch�teaux vendus; mais le fait est �tabli par un
acte authentique, dat� du 9 d�cembre 1258, rev�tu
des sceaux du comte Henri et de Lorette, sa femme,
ainsi que des sceaux de la communaut� de Metz et de
l'�v�que Jacques de Lorraine.
Malgr� ses offres d'arrangement avec l'abbaye de
Senones, le comte Henri IV ne put r�tablir les
forges du vivant de l'�v�que Jacques. Mais la
situation changea de face � la mort de ce pr�lat,
survenue en 1260. Cette situation est expos�e en
toute franchise par le moine Richer qui, apr�s avoir
consign� dans sa chronique la mort de Jacques de
Lorraine, ajoute: �� Maudit est celui qui se repose
sur la force de ses bras; car en moins de rien le
secours de l'�v�que Jacques nous f�t �t�. Et, comme
nous comptions beaucoup sur l'aide et la faveur de
cet �v�que, nous �prouv�mes qu'il valait mieux
s'arr�ter aux promesses du Seigneur, qu'� celles des
princes. En effet, au moment m�me o� nous esp�rions
que, gr�ce � lui, nous serions mis hors des mains du
seigneur de Salm, l'�v�que Jacques, frapp� de
maladie, mourut. Et par cette fin, nous f�mes d��us
de notre attente �.
Richer continue en disant, que le comte de Salm
commen�a aussit�t � agir contre l'ind�pendance du
couvent. Son bailli Renaud, avec quelques hommes, se
pr�senta au monast�re et demanda aux religieux,
r�unis en l'absence de leur abb�, de donner leur
avis sur la proposition du comte Henri de les
prendre sous sa sauvegarde. Apr�s d�lib�ration, la
majorit� des fr�res pr�sents d�cida de ne pas
accepter l'offre et, �� par ce moyen, ajoute
m�lancoliquement le chroniqueur, nous refus�mes
notre bonheur; car des gens d'armes, en pr�sence de
ce refus, saisirent toute l'abbaye et ses granges�.
Renaud, dont il est question et que Richer qualifie
de �� satellite du diable� �tait un fr�re naturel du
comte Henri IV, qui l'avait fait son bailli, avec
r�sidence, semble-t-ll, � Badonviller.
Apr�s ce premier acte d'une autorit�, tenue
longtemps en �chec par le suzerain d�funt et
d�sormais r�tablie, le comte de Salm fit reb�tir et
restaurer les forges, exploiter les for�ts pour
fournir le charbon et r�installer les mineurs et les
forgerons. Les religieux de l'abbaye de Senones
r�pondirent � cette reprise de possession par une
sentence d'excommunication contre le comte Henri IV
et ses adh�rents, ce qui provoqua une nouvelle
intervention du bailli Renaud, qui, usant des
repr�sailles si fort en honneur � l'�poque, retourna
au monast�re pour vendre � l'encan et enlever les
meubles, chevaux, boeufs, vaches, brebis, pourceaux.
Il proc�da de m�me au d�pouillement des prieur�s de
La Brocque et d'Ancerviller.
A partir de ce moment, les religieux de Senones
proclamaient chaque jour l'excommunication du comte
de Salm et de ses adh�rents.
C'est durant cette phase de la lutte qu'eut lieu, en
signe supr�me de protestation, la c�r�monie
d'exposition des statues et ch�sses de saints sur
des lits de branchages d'�pines pos�es � terre,
c�r�monie, d'ailleurs d�fendue par les conciles et
notamment en 1274 par le pape Gr�goire X. Le moine
Richer a d�crit, comme suit, cette singuli�re forme
de protestation : �� Apr�s avoir pris l'avis et le
conseil du v�n�rable Gillon, �v�que de Toul et
d'autres prudents personnages, nous m�mes bas les
images sacr�es de notre R�demption, de saint Sim�on,
septi�me successeur de saint Cl�ment �v�que de Metz;
les ayant pos�es � terre, nous commen��mes avec de
grands pleurs et d'�pres soupirs � nous �crier: Nous
avons soutenu la paix et elle n'est pas venue; nous
avons cherch� le bien et voici le trouble. O
Seigneur ! nous connaissons assez nos fautes, ne
sois pas courrouc� contre nous � jamais �.
En l'absence de l'abb� Baudoin, qui semble s'�tre
tenu �loign� de Senones, le prieur Mathieu - jeune
homme de bonne conversation, dit Richer - et tous
les autres fr�res sortirent du monast�re en
procession pr�c�d�s de la croix et se rendirent � Moyenmoutier, o� ils pass�rent la nuit. A partir de
l�, sur l'ordre de l'abb�, ils se retir�rent en
divers lieux. Il demeura cependant dans le clo�tre �
Senones, le moine Richer et un autre religieux du
nom de Bertrand, gravement malade.
Ne pouvant obtenir du nouvel �v�que de Metz,
Philippe de Florenges, que des promesses verbales
rest�es sans effet, les religieux se rendirent
aupr�s de Gillon, �v�que de Toul qui, apr�s avoir
entendu leurs dol�ances, fit �crire par un notaire,
� Alexandre, abb� de Moyenmoutier, une lettre en
l'invitant � se rendre sans d�lai aupr�s du comte de
Salm �� Pour le mettre en demeure de renoncer � son
iniquit�, de rendre tout ce qu'il avait enlev� et de
ne pas diff�rer � donner satisfaction � Dieu et �
l'�qlise. �
Aussit�t qu'il re�ut ce commandement, poursuit
Richer dans sa chronique latine, l'abb� de
Moyenmoutier se mit en route pour s'acquitter de sa
mission. �tant venu � Badonviller, il y trouva �� cet
ange de Satan� Renaud, bailli du seigneur de Salm,
surexcit� dans sa malice. Interrog� sur le but de
son voyage, l'abb� fit connaitre l'objet de sa
mission. Renaud, aussit�t transport� de col�re, fit
arr�ter l'abb� Alexandre et le mit dans un local
sous la garde de ses satellites. Ceux-ci, pensant
que l'abb� supporterait les frais, firent de grandes
d�penses au point qu'en deux jours elles s'�lev�rent
� huit sols toulois.
Les fr�res de Moyenmoutier ayant appris que leur
abb� �tait d�tenu captif, se rendirent en toute h�te
aupr�s de Godefroy, pr�v�t du duc de Lorraine, pour
l'en informer. Le pr�v�t r�unit aussit�t quelques
hommes d'armes avec lesquels il se dirigea sur
Badonviller, lieu de d�tention de l'abb�; mais,
arriv� � mi-chemin, on lui conseilla de ne pas
s'avancer davantage sans avoir demand� auparavant la
mise en libert� de l'abb� de son seigneur, et qu'en
cas de refus seulement, il pourrait avec raison agir
� sa volont�. Le pr�v�t envoya promptement deux
hommes d'armes, qui demand�rent l'�largissement de
l'abb� captif. En pr�sence de cette intervention du
pr�v�t du duc de Lorraine, le bailli fit rel�cher
son prisonnier. L'abb� notifia alors solennellement
le mandement qu'il avait re�u de l'�v�que, d�clarant
le bailli et le comte de Salm excommuni�s, la terre
de ce dernier mise sous d�fense et interdiction,
except� le viatique aux mourants et le bapt�me des
enfants.
Ce r�cit, extr�mement int�ressant pour l'histoire de
Badonviller, r�soud, � mon avis, la question bien
souvent pos�e, mais non r�solue, de la date de
construction de son ancien mur d'enceinte, presque
toujours attribu� au 16e si�cle, alors cependant que
les comptes de la ch�tellenie de cette �poque
mentionnent des r�parations de br�ches de ce mur ��
tombant de v�tust� �. Or, l'�pisode racont� plus
haut par le chroniqueur Richer nous apprend, qu'au
milieu du 13e si�cle, Badonviller �tait d�j� le
si�ge d'un bailli et poss�dait une prison, indices
certains de lieu fortifi�.
Le comte de Salm, par contre, habitait le ch�teau de
Salm, et, connaissant la mani�re habituelle de
Richer, de dramatiser et d'exag�rer les incidents
survenus entre l'abbaye de Senones et son vou�
�piscopal, je ne crois pas me tromper beaucoup en
attribuant � Henri IV lui-m�me, sans attendre
l'intervention du pr�v�t du duc de Lorraine, l'ordre
d'�largissement de l'abb� de Moyenmoutier. Les
choses ont d� se passer ainsi: l'Abb� Alexandre vint
� Badonviller pour notifier la sentence
d'excommunication. Le bailli, principal auteur des
m�faits commis, retint en prison l'envoy� de
l'�v�que de Toul, en attendant les ordres du comte
de Salm. Or, il fallait bien les deux jours, que
dura le s�jour de l'abb� Alexandre, pour aller au
ch�teau de Salm et revenir � Badonviller porteur de
l'ordre de remise en libert�. L'intervention du
pr�v�t lorrain, qui d'ailleurs demandait plus de
temps, n'�tait donc pas n�cessaire. La pr�caution,
recommand�e au pr�v�t de ne pas s'avancer en troupe,
et de se faire pr�c�der de deux hommes d'armes
seulement, indique, sans nul doute, l'existence
d'une forteresse qui, si elle laissait p�n�trer deux
hommes d'armes, e�t �t� �videmment mise en �tat de
d�fense � l'approche d'une troupe arm�e. Nous
pouvons donc sans crainte, attribuer � la premi�re
moiti� du 13e si�cle, la construction du mur
d'enceinte et des deux portes fortifi�es de l'ancien
village de Badonviller, transform� alors en ville
ferm�e.
Il serait trop long de suivre le moine Richer dans
l'expos� des autres p�rip�ties de la lutte acharn�e
entre le couvent de Senones et son vou�. Disons
seulement, que le nouvel �v�que de Metz, Philippe de
Florenges, ordonna le r�tablissement de la paix,
mena�ant les religieux du monast�re de Senones de se
tourner contre eux, s'ils allaient � l'encontre de
cette ordonnance. Un trait�, dat� du mois de
novembre 1261, fut alors conclu entre le comte Henri
IV et l'abb� Baudouin. Il fut convenu, que les mines
de la montagne de Froide-Plaine et de Framont
appartiendraient par moiti� au comte et au couvent;
que les forges seraient communes ; que les bois pour
leur usage se prendraient dans les quatre bans de
Senones, de Celle, de Vipucelle et de Plaine. Les
b�n�fices devaient �tre partag�s par moiti�. Et
ainsi tout rentra dans l'ordre.
Bien qu'absorb� durant de longues ann�es par la
prise de possession et l'administration des domaines
que lui apportait sa femme Lorette de Castres, et
situ�s dans la r�gion de Tr�ves, Henri IV r�sidait
habituellement dans son ch�teau de Salm-en-Vosge.
C'est l� qu'alla le trouver Jacques Br�tex, l'auteur
du po�me bien connu: Les Tournois de Chauvenci, qui
d�bute par le r�cit d'un voyage o� il re�ut
l'hospitalit� du comte Henri. Le portrait moral,
qu'il nous en a laiss�, contraste singuli�rement
avec les faits, manifestement exag�r�s, mis � sa
charge par l'auteur de la chronique de l'abbaye de
Senones. Br�tex d�clare, en effet; que le comte
Henri d�passe les autres en courtoisie, lib�ralit�,
franchise et noblesse, et il vante sa bont� et sa
sagesse.
L'emploi du temps de ce trouv�re, le jour de la f�te
de Notre-Dame, c'est-�-dire le 15 Ao�t 1284, offre
un tableau pittoresque et vivant de l'existence des
Ch�telains de l'�poque, que nous sommes heureux de
saisir ici au vif. Au point du jour, annonc� au son
de la corne par le guetteur du donjon, Jacques
Br�tex sortit du ch�teau de Salm pour faire une
promenade dans la for�t voisine. Tout en chevauchant
silencieusement sous bois, il fit la rencontre d'un
chevalier tenant en main le tron�on d'une grosse
lance, bris�e sans doute dans l'attaque de quelque
gros gibier. Il reconnut Conrad Werner de Rastatt,
landvogt ou comte provincial de la Haute-Alsace. La
conversation s'engagea et le po�te en profita pour
inviter le noble seigneur alsacien et son fils
Conradin � se rendre, pour la saint Remy prochaine,
� Chauvency o� ils trouveraient une grande assembl�e
de barons et de nobles dames pour �prouver leur
vaillance dans les joutes et les tournois, pour
danser et se divertir. L�-dessus, ils se s�parent et
Jacques Br�tex retourna au ch�teau de Salm, o� la
table �tant d�j� mise et occup�e, on s'empressa d'en
disposer une � c�t� pour son service. Il apprit au
comte Henri sa rencontre avec Conrad Werner et il
provoqua le rire de l'assistance en imitant le
langage roman incorrect et les d�fauts de
prononciation du chevalier alsacien.
Apr�s le d�ner, Jacques Br�tex prit cong� du comte
de Salm, qui lui fit cadeau d'une cotte d'armes,
d'un corselet, d'une housse verte �� de mouffles et
d'un chaperon fourr� de bon fin vair �. Il le fit en
outre accompagner par l'un de ses valets. En se
dirigeant sur le Saunois et Metz. le po�te passa
s�rement par Badonviller, et il d�signe sous le nom
cl' Ariviller le lieu de sa premi�re �tape. J'ai
suppos� qu'il s'ag�t de la contraction du nom d'Ancerviller.
Mais on pourrait �galement croire � une mauvaise
lecture de Badonviller ou � une distraction du
po�te. Quoi qu'il en soit, Jacques Br�tex, en
quittant le ch�teau de Salm, a d� gagner la vall�e
de la Plaine, par le chemin passant au col de Pray�,
suivre ensuite cette vall�e jusqu'aupr�s de Celles,
pour s'engager dans la combe et l'antique voie de
Chararupt et passer, soit � Pierre-Perc�e en prenant
� gauche, soit, en continuant directement vers le
carrefour de la Vierge Clarisse, � Badonviller.
Br�tex dit qu'� son arriv�e � la nuit, il fut re�u ��
A qrant joie et � qrant desduit �, c'est-�-dire avec
joie et grandes r�jouissances, gr�ce � la
recommandation du comte de Salm ; et ceci est un
argument de plus en faveur de Badonviller, comme
lieu de la premi�re �tape.
Henri IV, dont les entreprises industrielles sont
remarquables pour l'�poque, mourut en 1292 et fut
inhum� dans l'abbaye de Salival, o� d�j� reposait
Lorette de Castres, son �pouse. Henri, l'a�n� de
leurs enfants, �tant mort en 1288, c'est le pu�n�
qui continua la lign�e sous le nom de Jean 1er.
Les documents sur les successeurs du comte Henri IV
pendant les XIVe et XVe si�cles ne contiennent que
fort peu de renseignements se rapportant �
Badonviller. La cr�ation du comt� voisin de Bl�mont,
� la suite du partage de la succession du comte
Henri II et de sa femme Judith de Lorraine, en
faveur de leur pu�n� Ferry, ne pouvait manquer de
susciter des conflits entre les cieux maisons
d�sormais rivales. Cet antagonisme fatal s'aggravait
encore d'une hi�rarchie f�odale compliqu�e amenant
parfois les cieux comtes � se trouver dans des camps
oppos�s, simplement parce qu'ils �taient vassaux de
l'un ou de l'autre des suzerains bellig�rants.
C'est ainsi, qu'en 1301, Henri I, sire de Bl�mont,
attaque le comte Jean I de Salm qui, dans une
rencontre � Neuviller pr�s de Badonviller, fut
vaincu et forc� de c�der � son cousin ce qu'il
poss�dait � Sainte-P�le, et de lui donner six hommes
en remplacement d'un pareil nombre de tu�s dans le
combat.
Le 29 juin 1342, dans une guerre entre l'�v�que de
Metz et le comte de Bar, le comte de Salm dut
s'engager envers ce dernier � commencer, quatre
jours avant la saint Barth�lemy (20 ao�t), une
guerre ouverte � Henri III, sire de Bl�mont et �
maintenir en campagne 40 hommes d'armes, et plus si
le cas le requiert, � ses frais et d�pens.
En 1364 �clata, entre Thi�baut 1er, sire de Bl�mont
et l'�v�que de Strasbourg, une guerre, � laquelle
fut m�l� le comte de Salm Jean III et qui fut
d�sastreuse pour notre r�gion. Thi�baut, ne se
sentant pas suffisamment en force, appela � son aide
les bandes d'aventuriers connus sous le nom de
Bretons et command�s par un chef surnomm�
l'Archipr�tre. Ces bandes jet�rent la terreur et la
d�solation dans le comt� de Salm, dont ils
ravag�rent les terres sans que personne n'os�t leur
r�sister. Dom Calmet, qui rapporte cet �v�nement,
estime au chiffre, sans doute exag�r�, de 40.000
hommes, le nombre de ces aventuriers envahisseurs.
En 1370, c'est le duc de Bar qui marche contre
l'�v�que de Metz et le comte de Salm.
En 1391, par un trait� d'alliance conclu avec Jean
de Vergy, les comtes de Deux-Ponts et de Sarrewerden,
le comte de Salm s'engage � commencer la guerre
contre le seigneur de Bl�mont dans les 15 jours
apr�s la requ�te; les quatre alli�s s'engagent, en
outre, � fournir 10 hommes d'armes chacun et � les
envoyer � Badonviller ou � Pierre-Perc�e �� ou autre
part que meilleur serait aussi pr�s des terres dudit
seigneur de Bl�mont �, Un accord intervenu � temps
emp�cha l'ouverture des hostilit�s projet�es.
Dans les premi�res ann�es du XVe si�cle, Jean, comte
de Salm, se trouve m�l� � un conflit autrement
grave, suscit� par la politique de Louis duc
d'Orl�ans, fr�re du roi Charles VI, se manifestant
par l'achat du duch� de Luxembourg. Le 2 janvier
1406, un trait� d'alliance ayant �t� conclu entre
l'�v�que de Metz, la ville de Metz et Charles duc de
Lorraine, contre Philippe de Nassau-Sarrebr�ck, Jean
comte de Salm, Ferry de Moers et G�rard de Boulay,
ceux-ci y r�pondirent en se liguant, avec le duc
d'Orl�ans, contre la cit� messine, par un acte connu
sous le nom de Trait� des quatre seigneurs, du 13
f�vrier 1406. Ils s'engageaient � mettre sur pied, �
leurs frais, 150 hommes d'armes. Le duc d'Orl�ans,
de son c�t�, devait fournir 150 hommes d'armes, 50
hommes de trait et une somme de 6.000 francs. Le duc
de Bar entra le m�me jour dans la ligue, s'engageant
� fournir 50 hommes d'armes. Toutes les conqu�tes,
fut-il stipul�, devaient �tre partag�es en trois
parts: l'une au duc d'Orl�ans, la seconde au duc de
Bar et au marquis du Pont, et la troisi�me aux
quatre seigneurs alli�s.
Mais, au lieu des conqu�tes pr�vues, ce fut, au
premier choc contre les troupes du duc de Lorraine,
pr�s de Champigneulles, une d�faite compl�te qui
attendait les alli�s. Philippe de Nassau, Fr�d�ric
de Sarrewerden et Jean, comte de Salrn, furent faits
prisonniers et intern�s � Nancy. Le duc de Lorraine
et ses partisans, parmi lesquels Henri IV de
Bl�mont, en profit�rent pour ravager les territoires
des vaincus.
Les prisonniers obtinrent leur libert� en 1407,
chaque comte payant pour lui et ses gens 60.000
�cus. La paix fut conclue le 25 juillet 1408.
Nous ne serons donc pas surpris de trouver, � cette
�poque, le quart des ch�teaux et ch�tellenies de
Salm, Pierre-Perc�e et Badonviller en la possession
de Philippe de Norroy, seigneur de Port-sur-Seille,
qui les tenait en gage du comte de Salm. Ce quart
fut achet� en 1416 par Henri IV de Bl�mont moyennant
900 vieux florins. En mariant l'ann�e suivante sa
fille Henriette � Bernard, comte de Thierstein, avec
une dot de 4.000 florins, il assigna 2.000 florins
sur la partie des ch�tellenies de Salm,
Pierre-Perc�e et Badonviller qu'il tenait ainsi en
gage.
Apr�s la mort de Henriette de Bl�mont survenue avant
1434, l'engagement, qui formait une partie de sa
dot, fut rachet� au comte de Thierstein par sa
belle-soeur Marguerite de Lorraine, veuve de Thi�baut
I de Bl�mont, qui, en 1438, acheta � Badonviller
pour 240 florins une maison, que son cousin Simon,
comte de Salm, d�chargea de l'hommage qui lui �tait
d�.
Par son testament dat� du 6 avril 1469, Marguerite
de Lorraine d�clare donner � son fils Olry tous les
biens meubles qu'elle avait � Deneuvre et � ��
Bauldonviller � en quelque mani�re que ce soit, en
or, en argent monnay� ou non monnay�, ou autrement.
Elle donne encore � son pu�n�, Oiry, avant tout
partage, les gages qu'elle a sur tout le comt� de
Salm, ainsi que les acquisitions faites par elle � ��
Bauldonviller� et les bans voisins. -
Vers cette �poque, la maison de Salm-en-Vosge se
divisa de nouveau en deux branches: celle de Jean
VI, qui fut tu� aux c�t�s du duc Ren� � la c�l�bre
bataille de Bulgn�ville, en 1431, et celle de Simon,
son fr�re. Ce dernier, � sa mort en 1471, n'ayant
laiss� qu'une fille, Jeannette de Salm, mari�e en
1469 � Jean V Rhingraf ou comte du Rhin, sa moiti�
du comt� de Salm passa-� la branche des Rhingrafs de
Dauhn et de Kirbourg, dont ledit Jean V fut ainsi la
tige.
Nous ne suivrons pas les comtes de Salm et les
Rhingrafs dans leurs exploits, qui se rattachent �
l'histoire g�n�rale, les premiers comme grands
dignitaires et chefs militaires du duch� de
Lorraine, et les Rhingrafs comme colonels de re�tres
allemands au service de la France.
En 1548, � la mort du comte de Salm Jean VIII, son
fils a�n�, Jean IX, � l'exclusion de ses deux fr�res
Paul et Claude, h�rita seul de la moiti� du comt� de
Salm. Il eut pour comparsonnier, d'abord
Philippe-Fran�ois, mort en 1561, puis son fils a�n�,
Jean-Philippe, colonel de lansquenets et de 1500
chevaux Re�tres au service du roi de France. Bless�
� mort � la bataille de Moncontour en 1569,
Jean-Philippe fit son testament et institua pour son
h�ritier l'enfant dont pourrait �tre enceinte Diane
de Dommartin, sa femme, et � son d�faut ses
h�ritiers naturels. Mais, d'apr�s le pacte de
famille, le Rhingraf Fr�d�ric, son fr�re, devint
comte de Salm pour la moiti�, et non la Rhingrafine
Claude, fille posthume de Jean-Philippe et de Diane
de Dommartin.
Le Rhingraf Fr�d�ric, �galement bless� � la bataille
de Moncontour, �tait encore au service de la France
en 1574, lors de la cinqui�me guerre de religion,
ainsi qu'il ressort d'un titre concernant
Badonviller dont allait prendre possession Diane de
Dommartin, sa belle-soeur. Il y eut un accord entre
Jean IX, comte de Salm et Fr�d�ric, comte sauvage du
Rhin et de Salm, colonel de 1500 Re�tres pistoliers
au service de France. Le mariage de Fr�d�ric avec
Fran�oise de Salm, soeur de Jean IX, consacra encore
pour la deuxi�me fois, l'alliance entre les deux
maisons comtales.
De nombreux documents que j'ai consult�s aux
archives de Nancy projettent une vive lumi�re sur
l'existence � Badonviller pendant la seconde moiti�
du 16me si�cle, sous le gouvernement en commun du
comte Jean IX et du Rhingraf Fr�d�ric. Ces derniers
r�sidaient habituellement, le premier � Nancy, �
l'h�tel de Salm, qui occupait alors l'emplacement de
la Cour d'appel, et le deuxi�me, au ch�teau de
Neuviller-sur-Moselle. Pour leurs s�jours �
Badonviller, ils disposaient de deux grandes
maisons, reli�es par une galerie, et restaur�es, en
1570, par les soins de l'ing�nieur Claude Marjollet,
venu de Nancy � Badonviller pour organiser et
diriger les travaux; ceux-ci furent effectu�s par Me
Jean Lours, ma�on tailleur, Adam Jean Colotte et
Collardin, charpentiers, Me No�l Estienne, peintre
et verrier, Jean de Barbas, mar�chal et Nicolas
Claude, serrurier, tous demeurant � Badonviller; W
Nicolas Wyriot, charpentier, et Georges Poirson,
recouvreur, demeurant � Bl�mont.
Ch�telains. - Les deux comtes avaient, pour les
repr�senter � Badonviller, chacun son ch�telain
exer�ant en commun l'action souveraine sur tout le
comt� de Salm rest� indivis jusqu'en 1598. Nous
trouvons ainsi successivement en fonctions, en 1564
Bertrand Louvyot, en 1569 Jean Barnet, en 1597
Nicolas Jacob, en 1598 Dietreman, pour le comte de
Salm Jean IX; Jean Saffrois, Jean Hanus, de
Bilistein, Guillaume Gille pour le Rhingraf
Fr�d�ric.
Parmi leurs collaborateurs vient au premier rang le
Gruyer, officier charg� de la garde des bois et des
rivi�res du comt�. En 1564, cet office est exerc�
par Jean Saffrois, que nous trouvons comme ch�telain
en 1570 et remplac� � cette date par Jean Liebault;
en 1591 et 1598, fonctionne Demenge Rouyer.
Portiers. - Deux portiers, �tablis en commun par les
deux seigneurs auxquels ils pr�taient serment,
gardaient alternativement, de jour, et second�s par
un bourgeois, les deux portes de la ville. Ils
faisaient de m�me alternativement, la nuit, le guet
� la Tour d'en haut. Quant au guet de nuit de la
porte d'en bas, il �tait assur� par les p�tres.
Portiers et p�tres devaient sonner, � chaque heure
de la nuit, les cloches des tours, pour prouver
leurs veilles.
Les portiers, apr�s la fermeture, portaient tous les
soirs les clefs des portes aux deux comtes ou �
leurs ch�telains. Les �moluments des portiers
incombaient, pour les trois quarts aux comtes et,
pour un quart, au Commandeur de Saint-Georges de
Lun�ville.
En 1589, nous trouvons Mengin Magdeleine, porti�re
et Nicolas Hanzo, portier; puis, Nicolas Barbier et
Mengin Masson, en 1590.
Arquebusiers. - Pour la d�fense de la ville, une
institution, dite la centaine de Badonviller,
r�unissait dans la seconde moiti� du 16e si�cle, 68
arquebusiers, 2 sergents de bande, avec banneret,
tambourin et fifre, ayant quelque analogie avec la
soci�t� de tir ou notre corps de sapeurs-pompiers.
Les arquebusiers, comme les portiers et les
messagers, �taient francs et exempts d'impositions.
Ils s'exer�aient au maniement et au tir de
l'arquebuse qui, primitivement, �tait une arme de
rempart et ne devint une arme plus portative
qu'apr�s divers perfectionnements, notamment la
substitution du rouet � la batterie � m�che. Rev�tus
d'une casaque aux couleurs de Salm, ils
fournissaient des escortes aux seigneurs de passage,
des �claireurs en temps de troubles ou de guerre, et
formaient m�me parfois des petits corps
d'exp�dition, comme en t�moigne une lettre de l'abb�
de Haute-Seille se plaignant que les officiers de
Badonviller, � la t�te de 24 ou 25 arquebusiers,
�taient venus � Haute-Seille s'emparer de 26 t�tes
de b�tail en gage, par suite du refus de payer les
contributions dues aux comtes de Salm pour droit de
sauvegarde.
Industries. - L'industrie, si renomm�e de la
fabrication d'armes � Badonviller, �tait exerc�e par
les arquebusiers, dont les ma�tres les plus souvent
cit�s appartiennent � une famille Wirion. D�s 1509,
appara�t un �� hacquebutier � du nom de Chrestien,
qui fournit des �pieux de chasse au duc de Lorraine.
De 1566 � 1577, ma�tre Didier Wirion envoie des
canons d'arquebuse et des pistolets � Jean IX, comte
de Salm et au duc de Lorraine. En 1579, Demengeon
Galet, dit Wirion obtint le droit de construire, �
ses frais, une meule �� � esmoudre et percer canons
de harquebuses � sur le ruisseau de Br�m�nil, et, en
1606, le comte de Salm �� laissa et ascensa �
perp�tuit� � Jean et Paul les Mathis, fr�res,
ma�tres forgeurs de canons � Badonviller, la moiti�
du cours de l'eau provenant du ruisseau qui vient de
Br�m�nil, sur lequel ils tiennent une meulle �
esmoudre et fourrer canons, au-dessus de celle que
tient Jean Virion, mar�chal demeurant � Neufviller
... �.
En 1618, Samuel Lucas, marchand d'armes �
Badonviller, obtint, de son c�t�, la permission
d'�riger �� une muelle � esmoudre des canons
d'arquebuses en un pr� du finage de Badonviller,
lieu dit � Herpey, parmi lequel y passe un petit
ruisseau �.
Trois autres meules se trouvaient, sur la Blette,
dans la prairie dessous la ville de Badonviller,
sans compter la Forge situ�e sur l'�tang dit de la
Pile.
Vers 1619, un R�glement, �dict� par le comte de
Salm, �rigea en corporation distincte les �� ma�tres
et compagnons arquebusiers et forgeurs de canons, et
autres gens de la forge -
et de la lime, de
Badonviller et son faubourg �.
Une autre industrie ne tarda pas � prosp�rer: c'est
celle des tanneries, � laquelle se rapporte l'ascensement,
en 1620, par les officiers du comte de Salm, � Jacob
Brazy, du cours de l'eau passant sous sa maison, �n
vue de faire b�tir un moulin ou battant � piler les
�corces. A en croire une requ�te que, vers le
commencement du 18e si�cle, les habitants
adress�rent au comte de Salm, les tanneries de
Badonviller �taient �� les plus belles de la province
et peut-�tre de l'Europe, par rapport � leur
situation et � la bont� des cuirs que l'on y fa�onne
�. Elles �taient b�ties en forme de maisons et
pavillons dans le faubourg. Surcharg�s d'imp�ts,
ajoute la requ�te, �� les tanneurs sont ruin�s, et ne
travaillent plus pour eux, mais seulement � l'oeuvre
et au profit d'un marchand de Strasbourg, nomm�
Ch�ron, qui leur donne des cuirs � fa�onner et qui
en fait un grand commerce dans tout le pays �.
Une industrie, dont le d�veloppement prit tout de
suite une grande activit�, apparut � Badonviller en
1583, date de la construction d'une tuilerie �
l'angle des bois Champels. B�tie sur l'ordre du
comte Jean IX et du Rhingraf Fr�d�ric, elle fut
remise, pour neuf ann�es, � Cugny Jean Roy, r�sidant
� la tuilerie de Beaupr�, Thomas et Jean Roy, ses
fils; puis � Jean Roy seul, � charge de fournir
chaque ann�e quatre milliers de tuiles plates aux
deux comtes de Salm.
Rappelons enfin, que par lettres patentes du 10 mai
1724, �� le duc L�opold, voulant contribuer �
l'augmentation du commerce dans ses �tats, permit �
un nomm� Daniel d'Heguerty de faire �riger �
Badonviller, une manufacture de fa�ence et de
porcelaine, sans pr�tendre exclure toutes autres
personnes d'en faire construire de semblables �.
C'est donc � cette date que remonte l'industrie de
la fa�ence et porcelaine, qui a pris un si
magnifique d�veloppement sous l'action f�conde de
feu Th�ophile Fenal et que son fils
�douard-Th�ophile dirige aujourd'hui, en m�me temps
que les importantes et c�l�bres fa�enceries de
Lun�ville et de Saint-Cl�ment.
La R�forme � Badonviller. - C'est le Rhingraf
Philippe-Fran�ois qui, le premier, d�s 1518, adopta
la r�forme et finit par propager les id�es nouvelles
dans le comt� de Salm. Ses fils, Jean-Philippe et
Fr�d�ric, pour lesquels les champs de bataille
paraissent avoir eu plus d'attraits que les
controverses religieuses, professaient les m�mes
opinions. Quant au comte Jean IX de Salm, il para�t
s'�tre d'abord oppos� aux innovations des Rhingrafs,
mais finit par se r�soudre � tenir la balance �gale
entre les partisans des deux cultes.
La premi�re mention d'un �� ministre de la parole de
Dieu de l'�glise r�form�e de Badonviller � se trouve
dans le compte des d�penses de l'ann�e 1564, pour
une somme de 25 francs pay�e � Jean Figon; en 1570,
l'allocation pay�e au m�me, qualifi� ministre des
�vangiles, est port�e � 100 francs, soit 50 francs
pour le comte de Salm et autant pour le Rhingraf.
Jean Figon avait �t� envoy� de Metz, en 1561, �
Echery, dans le val de Vill�, o� nous le trouvons
acharn� � la destruction des images et des statues
religieuses. Accus� de calvinisme, il fut oblig� de
s'�loigner et de se r�fugier � Gen�ve; il y s�journa
quelque temps aupr�s de Calvin et fut envoy� de l� �
Badonviller, o� il exer�a son minist�re de 1564 �
1577.
En 1580, appara�t Claude des Mazures, l'un des chefs
des r�form�s de Badonviller, fils de Louis des
Mazures, originaire de Tournai, qui pr�cha la
R�forme � Saint-Nicolas-du-Port en 1562 et mourut � Echery en 1574. On signale, en 1590, Jean de la
Chasse; en 1591, Denis de Baulne; puis Mathieu
Barthol. Ce dernier, d'abord ma�tre d'�cole �
Sainte-Marie-aux-Mines jusque vers 1590, fit ses
�tudes th�ologiques au comt� de Montb�liard et fut
ministre � Badonviller vers le d�but du 17e si�cle.
Parmi les pr�dicants de passage, on a la surprise de
trouver Mathieu de Laulnoy, dont le r�le politique
sous la Ligue ne saurait �tre trop s�v�rement jug�.
Il s'agit du �� Petit Launoy, boute-cul de Sorbonne �
de la M�nipp�e, enr�l� cl' abord dans les rangs du
clerg� catholique.
Le Rhingraf, Philippe-Othon, fils de Fr�d�ric, ayant
accompagn� � Rome, en 1591, le jeune cardinal de
Lorraine, revint au catholicisme et, � son retour,
travailla � la conversion de ses sujets. Il lan�a
m�me un �dit de proscription contre ceux qui
refuseraient de se convertir; mais, cette mesure
n'eut pas de succ�s. Apr�s la mort du comte Jean IX
de Salm, Fran�ois de Vaud�mont ayant pris
possession de la part du comt� dont h�ritait
Christine de Salm, sa femme, joignit ses efforts �
ceux du Rhingraf Philippe-Othon; il fit intervenir
le Pape pour mettre ordre aux abus qui r�gnaient
dans le clerg�, et des missionnaires vinrent
�vang�liser les populations. Le succ�s ne r�pondit
pas � tant de z�le, et les d�sordres, qui tous les
dimanches se produisaient dans l'�glise commune aux
deux cultes, s'aggrav�rent au point que les
catholiques se d�cid�rent � contribuer, vers 1612, �
la construction d'un temple.
Ce modus vivendi se prolongea jusque vers 1625. Le
12 mars de cette ann�e, en vertu d'un ordre imp�rial
du 28 novembre 1624, de Ferdinand II, le comte de
Salm et le Rhingraf firent publier et afficher un
�dit, qui prohibait l'exercice du calvinisme dans le
comt� et la principaut�, pronon�ait la fermeture des
temples, ordonnait aux pasteurs et aux ma�tres
d'�cole de partir imm�diatement et aux habitants de
se faire instruire dans le d�lai d'une ann�e, sous
peine de bannissement. Pour att�nuer la rigueur de
cette mesure, des missionnaires savants et z�l�s,
charg�s de soutenir la controverse avec les
ministres, furent envoy�s pour ramener le peuple par
la conviction plut�t que par contrainte. L'un de ces
missionnaires, le P. Nicolas Fagot, tomb� gravement
malade, ayant attribu� sa gu�rison aux pri�res de
Pierre Fourier, entreprit de le faire nommer � la
cure de Badonviller. Mais, malgr� l'insistance faite
aupr�s de lui par le comte de Vaud�mont, le Bon P�re
demeura ferme � protester, que jamais pour rien au
monde, il n'abandonnerait ses paroissiens de
Mattaincourt. On lui demanda alors de se charger de
Badonviller, au moins jusqu'� ce que l'on pourrait y
mettre un titulaire. Craignant un pi�ge, il
n'accepta qu'apr�s de nouvelles instances, et se
rendit � Badonviller pour le dimanche avant l'
Assomption de 1625.
D�s son arriv�e, le Bon P�re fut frapp� du d�nuement
de l'�glise et de l'�tat mis�rable de la cure. Les
missionnaires, g�n�ralisant sans cloute quelques cas
particuliers, lui d�peignirent le peuple comme
grossier, pr�venu, ent�t�, trois d�fauts dont le
dernier seul �tait peut-�tre quelque peu m�rit�. Ils
ajout�rent que les catholiques, g�n�ralement
pauvres, croupissaient dans une profonde ignorance,
et que les h�r�tiques, appartenant pour la plupart �
la bourgeoisie, �taient tr�s difficiles � ramener.
Mais ces d�clarations, dit son biographe, au lieu de
l'effrayer, ne firent qu'enflammer son z�le, et il
se mit imm�diatement � l'oeuvre. Il commen�a par
visiter les malades et les pauvres, les
encourageant, les exhortant et les aidant au besoin.
Dix jours s'�taient � peine �coul�s, que d�j� on le
rappelait d'urgence � Nancy, et il repartit le jour
de l'octave de l' Assomption. Il revint �
Badonviller le 9 octobre, avec l'intention d'abord
de rester seulement jusqu'� la Toussaint; mais, sur
de nouvelles instances du comte de Vaud�mont, il
prolongea son s�jour jusque huit jours avant No�l.
Pendant ce deuxi�me s�jour, le d�vouement du Bon
P�re demeurait in�puisable; mais, les journ�es
�taient trop courtes et ne lui suffisaient plus pour
pr�cher dans l'�glise, sur les places, sous la
halle, pour recevoir les abjurations, les
confessions et pour r�pondre sans cesse � toutes
sortes de personnes.
Quand, vers la fin de l'ann�e 1625, il repartit pour
Mattaincourt, la paroisse catholique put �tre
reconstitu�e et les revenus, r�alis�s par le retour
� l'unit�, permirent la reconstruction du
presbyt�re.
L'exemple donn� par le chef-lieu fut bient�t suivi
aux alentours et, avant la fin de l'ann�e fix�e par
l'�dit du 12 mars 1625, les rares obstin�s s'�tant
retir�s, les uns � Metz, les autres � B�le, �
Sainte-Marie-aux-Mines ou ailleurs, l'h�r�sie de
Calvin disparut enti�rement du pays. L'�loignement
de ces familles, bien que d�sirable dans l'int�r�t
de la paix religieuse, ne fut pas sans causer un
bouleversement dans la situation �conomique de la
r�gion: les proscrits transf�r�rent dans leurs lieux
de refuge leur commerce ou leur industrie, au grand
dommage de la prosp�rit� de l'ancien comt� de Salm.
C'est ainsi, que les Willaum� ou Guillaume, les de
Lassus, en �migrant vers Echery, y transport�rent
leurs ateliers de passementerie, qui avaient fait la
richesse de Badonviller.
Ce n'est, que devant de nouveaux refus du Bon P�re
que, le 17 janvier 1626, le comte de Vaud�mont agr�a
le nomination d'un cur� titulaire, auquel le
Saint-Si�ge conf�ra le titre et le pouvoir de
vicaire apostolique dans toute la province de Salm.
Comment le Bon P�re Pierre Fourier parvint-il �
r�ussir l� o� les plus savants missionnaires
j�suites avaient �chou� ? Tout simplement par la
pratique des vertus, qui caract�risent les saints.
P�n�tr�, comme il le d�clarait constamment, dit un
t�moin de sa vie, de son insuffisance; intimement
persuad� surtout, que le z�le et les talents d'un
ap�tre demeureraient absolument insuffisants, s'ils
n'�taient second�s de la gr�ce divine, il la
demandait avec instance dans la pri�re et l'oraison;
il s'effor�ait de l'obtenir par ses aust�rit�s et
ses larmes. Il s'informait des mis�res et de la
pauvret� des particuliers; il allait les consoler et
leur distribuait des aum�nes; il visitait les
malades, prenant un soin tout sp�cial des plus
abandonn�s. Tout cela �tait accompagn� d'une bont�
et d'une cordialit� sympathique, qui lui gagnaient
l'affection de tous, m�me des h�r�tiques; car il ne
les excluait pas de ses bienfaits. Il inspirait �
tous l'estime et le respect. Ses instructions
simples r�pandaient la lumi�re dans les esprits et
touchaient les coeurs. Il exhortait � la r�forme des
moeurs, � la pratique de la charit� fraternelle; il
commandait aux catholiques une vie exemplaire,
capable de rappeler � la v�ritable religion ceux qui
en �taient �loign�s. Il �vitait de se faire des
ennemis. Il se gardait de toute expression blessante
et n'employait jamais les noms d'h�r�tiques ou de
calvinistes; il pr�f�rait le nom d'�trangers, par
opposition � celui de familiers de la foi que saint
Paul donnait aux fid�les. Il endurait avec la m�me
patience les mauvais traitements dirig�s contre sa
personne en plusieurs rencontres rest�es dans le
souvenir local, notamment une poursuite d'un groupe
de femmes, irrit�es, sur le chemin de Fenneviller,
o� il dut se blottir dans une touffe de verdure
aupr�s d'un gros ch�ne remplac� plus tard par un
petit oratoire. L'opinion, qui s'�tablit, se r�sume
par le mot d'une femme interrog�e � son sujet: ��
Cest un des Justes dont parle l'�criture �,
Le souvenir du Bon P�re, aujourd'hui saint Pierre
Fourier, se perp�tue � Badonviller par une confr�rie
d'hommes, qui s'honorerait en r�alisant l'id�e, d�j�
�mise, de placer sa statue dans l'une des deux
niches lat�rales de la fa�ade de l'�glise, niches
rest�es vides en attendant les statues de saint
Pierre Fourier et de saint Bernard.
Partage du Comt� de Salm.- Un �v�nement, d'une
importance capitale pour la destin�e nationale de
Badonviller, marque d'une mani�re heureuse la fin du
16e si�cle. Le comte Jean IX, grand dignitaire � la
cour de Lorraine, �tant rest� c�libataire, fit, par
contrat de mariage du 12 mars 1597, donation � sa
ni�ce, Christine de Salm, de la totalit� de ses
biens, en toute propri�t�. Ce mariage avec le comte
Fran�ois de Vaud�mont, qui pour la seconde fois
unissait les saumons de Salm aux al�rions de
Lorraine, eut lieu le 15
avril 1597.
Des dispositions furent aussit�t prises pour dresser
l'inventaire des biens du comt�, encore indivis avec
ceux du Ringraf comparsonnier. On proc�da ensuite au
partage, en formant deux lots A et B, et le sort
attribua B au comte de Salm. L'acte de partage fut
sign� � Badonviller le dernier jour d' Ao�t 1598,
puis d�finitivement � Nancy et � Neufviller-sur-Moselle,
les 8 et 9 septembre 1598. Ce document, qui a �t�
publi� en son entier par le baron F. Seilli�re dans
le Bulletin de la Soci�t� philomatique vosgienne
1893-94. donne de pr�cieux renseignements sur
Badonviller � la fin du 16e si�cle. Il mentionne les
noms des propri�taires des 133 maisons de la ville,
et des 26 maisons des deux faubourgs; il pr�sente
�galement un grand int�r�t pour toutes les autres
localit�s du comt� de Salm.
Ce partage, qui laissait d'ailleurs subsister la
communaut� de certains droits et revenus, �tablit
sur toute l'�tendue de l'ancien comt�, une infinit�
de terres contigu�s de nationalit� diff�rente, dont
l'administration plus difficile ne pouvait manquer
de soulever de fr�quents conflits. Aussi, les
Ringrafs, dont les possessions furent �rig�es, par
l'empire, en principaut� le 8 Janvier 1623,
cherch�rent-ils � mettre un terme � un �tat de
choses, qui cependant ne prit fin qu'en 1753.
Le comte Jean IX �tant mort en 1600, le comte
Fran�ois de Vaud�mont, prit possession de la partie
du comt� l�gu�e � sa femme, Christine de Salm. On
sait, qu'apr�s la mort du duc Henri Il, Fran�ois de
Vaud�mont, son fr�re, fut reconnu, en novembre 1625,
duc de Lorraine et de Bar, et que quelques jours
apr�s, il c�da ses droits de souverainet�, sauf ceux
relatifs au comt� de Salm, � son fils Charles IV,
�poux de sa cousine germaine Nicole, fille de Henri
Il. Il conserva d'ailleurs le titre de duc sa vie
durant.
Dom Calmet rapporte que, surtout apr�s cette
cession, il continua � r�sider � Badonviller,
jusqu'� sa mort survenue le 15 octobre 1632. La
duchesse Christine de Salm l'avait pr�c�d� dans la
tombe en 1628. Le
comt� de Salm, h�rit� par leur fils Charles IV,
entra ainsi d�finitivement dans le duch� de
Lorraine.
Le duc Fran�ois et la duchesse Christine, fond�rent
le couvent des Annonciacles qui, occup� vers 1633,
fut supprim� en 1791.
Atelier mon�taire. - Par un dipl�me de 1357,
l'empereur Charles IV conf�ra au comte de Salm Jean
III, le droit de frapper, dans son comt�, des
monnaies d'or et d'argent, de m�me esp�ce que celles
de l'�v�que de Metz et du duc de Lorraine. C'est en
vertu de ce dipl�me, que les comtes de Salm-en-Vosge
et les Ringrafs eurent le droit r�galien de battre
monnaie et qu'ils poss�daient un atelier indivis �
Badonviller. On ne sait rien sur cet atelier avant
le 17e si�cle. Il fonctionna, de 1626 � 1632, sous
Fran�ois de Vaud�mont.
L'admodiateur de la monnaie en 1627 �tait le sieur
Rhodt. - En 1632, avant la mort du duc Fran�ois, ��
Abraham Bellart, maire de Badonviller et qualifi�
contr�leur de la monnaie de Badonviller, ach�te,
pour 2 20 francs 3 gros, la maison Didier Tirion,
entre la veuve Barbote et Didier Tiriville, pour
servir � la dite monnaie; plus 140 francs, �
Guillaume parementier chapelier, pour l'achat de la
petite maison qui est proche de celle destin�e � la
monnaie�, Ces b�timents se trouvaient pr�s de
l'�glise actuelle.
Apr�s la mort de Fran�ois de Vaud�mont, on cessa de
frapper monnaie pendant quelques ann�es. L'atelier
recommen�a � fonctionner en 1639. Le 2 octobre de
cette ann�e, Christine de Croy, veuve du Ringraf
prince de Salm, emprunta � la monnaie de Nancy �� les
outils n�cessaires � faire monnaie �.
En novembre 1639, Nicolas M�ry �� essayeur des
monnaies de Lorraine et de Badonviller, employant
les outils emprunt�s, frappa quelques rixdales,
aussit�t refondus � cause de la maladresse du
fondeur � composer l'alliage, et quelques testons �.
Ces derni�res pi�ces, essay�es le 12 d�cembre 1639
par Nicolas Crocx, graveur, furent trouv�es bonnes
de poids et de titre. - En 1640, une ordonnance de
M. de Villarceaux, intendant de la justice, police
et finances en Lorraine et Barrois, enjoignit aux
receveurs des Salines et Recettes de Lorraine et
autres, de recevoir comme bonnes les pi�ces d'or et
d'argent fabriqu�es � Badonviller.
M. J. Florange a publi�, sur l'atelier mon�taire des
comtes et princes de Salm, une excellente notice
avec reproduction et description de plusieurs belles
pi�ces sorties de la monnaie de Badonviller.
S�paration d�finitive du comt� et de la principaut�
de Salm. - L'�tat de choses r�sultant du partage de
1598, avec ses multiples inconv�nients, subsistait
encore le 18 novembre 1738, date de la conclusion du
trait� de Vienne. Ce trait� de paix, qui attribuait
le duch� de Lorraine et de Bar au roi Stanislas
Leczinski et apr�s lui � la France, c�dait en fait �
la France le comt� de Salm, c'est-�-dire la moiti�
du territoire poss�d�, par indivis, entre le duc de
Lorraine et le prince de Salm Louis-Othon, h�ritier
du Ringraf Fr�d�ric. Il stipulait que les limites
de l'Empire et et de la Lorraine seraient r�gl�es
par des Commissaires respectifs du roi et de
l'empereur. Une convention de partage fut ainsi
arr�t�e, � Paris, le 21 d�cembre 1751 ; mais, l'acte
ne fut sign� que le 31 d�cembre 1752. Les lettres
patentes d�livr�es d�butent par la d�claration, que
pour couper cours aux diff�rends r�ciproques, qui se
sont �lev�s d'anciennet� � plusieurs reprises et qui
pourraient encore na�tre � cause des indivis, terres
m�l�es et communes des principaut� et comt� de Salm,
il fut convenu: que le roi de France et le roi de
Pologne, duc de Lorraine et de Bar, c�dent au prince
de Salm-Salm toutes les terres et lieux, qui leur
appartiennent nuement ou par indivis ou en commun
comme comtes de Salm, au-del� et � gauche de la
rivi�re de Plaine. En �change, le prince de Salm a
c�d� au roi de France et au roi de Pologne, les
terres, lieux et maisons avec leurs appartenances et
d�pendances, qui lui appartiennent de m�me nuement,
ou par indivis, ou en commun avec le comte de Salm
en de�� et � la droite de la Plaine, laquelle sera
commune, et le milieu de la dite rivi�re de la
Plaine fera aussi la s�paration de la principaut�
avec la Lorraine et le comt� de Salm. Le flottage de
la rivi�re est d�clar� commun, depuis la source
jusqu'� la sortie du comt�.
Enfin, par l'article 14, les officiers, forestiers
et sergents du prince de Salm-Salm, �tablis �
Badonviller, �taient libres de se retirer de la dite
ville et d'en transf�rer leur domicile dans la
principaut� avec tous leurs meubles; un d�lai de
deux ans leur �tait laiss� � cet effet. Senones
devint alors la capitale d'une principaut� allemande
autonome, enclav�e dans le territoire fran�ais, et
constitu�e en faveur du feld-mar�chal
Nicolas-L�opold, prince de Salm-Salm. Tous les
fonctionnaires publics, vis�s par l'article 14, se
retir�rent dans cette ville, o� ils continu�rent �
exercer les fonctions qu'ils remplissaient �
Badonviller comme repr�sentants des h�ritiers des
anciens Rhingrafs. - C'est ainsi que se fixa �
Senones, en 1751, Hyacinthe Messier, receveur
g�n�ral des finances des princes de Salm depuis
1744. Hyacinthe �tait le fr�re de Charles Messier,
le c�l�bre astronome de la Marine, et sa fille
Marie-Agn�s Messier �pousa le chancelier de la
principaut�, M. No�l. - Parmi les �migr�s, citons
encore Claude Relogne, m�decin, fix� � Senones, en
1753, comme premier chirurgien jur� de la
principaut�, dont le fils, Antoine Relogne, exer�ait
apr�s lui la m�me fonction.
Cette s�paration, si d�sirable au point de vue
politique, eut des cons�quences d�sastreuses pour
Badonviller. L'ancienne capitale resta le chef-lieu
d'une pr�v�t�, dont le titulaire cumulait les
Finances et la Justice du comt� de Salm, encaissant
les imp�ts, soldant les d�penses et jugeant les
proc�s tant au criminel qu'au civil; il pr�sidait en
outre aux plaids annaux, � la saint Georges et � la
saint Martin. Cette nouvelle organisation dura
jusqu'� la r�volution de 1789, qui fit table rase
des anciennes institutions et fit entrer, la
Principaut� s�par�e de Salm-Salm elle-m�me, dans le
cadre de l'unit� fran�aise.
(� suivre) |