Altice: 5 choses à savoir sur le milliardaire Armando Pereira, accusé de corruption et proche de Drahi

Alors que le groupe Altice est frappé d'un scandale de corruption au Portugal, son PDG Patrick Drahi a imputé la faute à un "petit groupe d'individus" qui l'aurait trahi. En premier lieu : Armando Pereira, vieil ami d’affaires de Drahi, arrêté mi-juillet.

Patrick Drahi et Armando Pereira. Le retour d’Armando Pereira au siège de l’opérateur français traduit une forme d’urgence.

Armando Pereira a su rester discret depuis qu’il a co-fondé, avec Patrick Drahi, le groupe de télécoms Altice il y a vingt ans. Mais en coulisses, le Portugais était considéré par les proches du milliardaire franco-israélien comme son bras droit. Son rôle au sein d’Altice, propriétaire de SFR, est désormais sous les feux des projecteurs depuis qu’il a été assigné à résidence au Portugal, où des procureurs enquêtent sur des allégations de fraude et de corruption.

  • 1 - Pereira est suspecté de fraude fiscale et de corruption

Arrêté à la mi-juillet, Armando Pereira est depuis le 24 juillet assigné à résidence dans l’attente de son jugement. Selon la presse portugaise, Armando Pereira aurait touché des rétrocommissions de la part de certains fournisseurs de Portugal Telecom, via une centrale d’achats qu’il contrôlait et qui facturait des surplus.

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Par ailleurs, la justice portugaise aurait découvert "une quarantaine d’entreprises offshore, réparties sur quatre continents, qui aurait permis la dissimulation de plus de 650 millions" d’euros, rapporte un quotidien local. Les pertes pour le fisc portugais sont estimées à 100 millions d’euros.

  • 2 - Malgré ses racines modestes, il est devenu la première fortune du Portugal

Armando Pereira est né dans le nord du Portugal il y a soixante ans et a grandi à Vieira do Minho, l’un des coins les plus pauvres d’Europe à l’époque, dans une nation écrasée par des décennies de dictature. Il décide seul de partir pour la France à 14 ans en 1970, avec comme seules affaires deux pantalons, deux chemises et 2.000 escudos d’économies — environ 600 euros — qui lui serviront à payer les services d’un passeur.

Quinze ans plus tard, après avoir été installateur téléphonique, il obtient 300.000 francs de sa banque pour lancer son entreprise, Sogetrel. Au bout d’un an, il dégage déjà 700.000 francs de bénéfices.

C’est en 1991 qu’il rencontre Patrick Drahi, avec lequel il fera fortune grâce à Altice. "Nous avons vendu au même moment nos parts dans nos entreprises respectives, nous avions un peu d’argent, nous étions jeunes, et Patrick me disait que nous pouvions gagner beaucoup d’argent. Je ne comprenais pas alors la dimension internationale du projet, mais au final, nous avons dépassé toutes ses prévisions."

En quelques années, à partir de 2002, les deux compères consolident les câblo-opérateurs en France puis ils s’attaquent à Israël, au Benelux ou aux États-Unis, s’étendent dans le mobile en mettant la main sur SFR et Portugal Telecom en 2014.

Armando Pereira est désormais à la tête d’une fortune de 1,6 milliard d’euros, soit la 71ème en France selon le classement 2023 de Challenges. C'est la plus importante du Portugal.

 Crédit : Challenges

Cliquez sur l'image pour accéder aux données de la fortune d'Armando Pereira.

  • 3 - Pereira a investi secrètement dans de nombreux projets de Patrick Drahi

Selon les informations du site d’investigation L’Informé, Armando Pereira a financé la plupart des projets de Patrick Drahi par l’intermédiaire de holdings afin de ne pas apparaître dans la liste des actionnaires.

C’est notamment le cas de la filiale américaine d’Altice, lancée en 2016, ou de la maison d’enchères Sotheby’s rachetée par Drahi et pour laquelle Armando Pereira possède un intérêt économique de 14 %. Ses investissements concernent également les sociétés immobilières de Patrick Drahi — propriétaire du siège social et de data centers d’Altice —, comme ses projets personnels, notamment son jet privé ou son yacht, poursuit L’Informé.

Mais surtout, Armando Peirera aurait été le propriétaire plus ou moins secret de plusieurs fournisseurs d’Altice, comme la société de déploiement de fibres ERT, avec des coûts imputés à Altice supérieurs à d’autres entreprises du secteur.

Si, selon Bloomberg, tous ces contrats de prestataires ont été suspendus, Altice a lancé un audit complet des fournisseurs à travers l’ensemble du groupe, dans le but de clarifier cette situation.

La grande question reste de savoir si Armando Pereira est encore actionnaire d’Altice, ce que dément le groupe depuis 2005… contrairement au principal intéressé. D’après les informations de Mediapart, il aurait indiqué aux enquêteurs en être encore propriétaire à 22 %.

  • 4 - Ses pratiques agressives avec les fournisseurs ont valu plusieurs condamnations à SFR

Toujours selon L’Informé, SFR a été condamné plusieurs fois pour des délais de paiement de ses factures trop tardifs. En cause : l’habitude développée par Armando Pereira, à la tête des achats, d’exiger aux fournisseurs une baisse de 30 % de leurs tarifs, sous peine de ne pas renouveler les commandes. Une pratique qui concernait au moins 500 des 2.000 prestataires de SFR.

Lors d’un contrôle en 2015, Bercy a relevé que plus de 60 % des factures étaient payées en retard par Altice, une proportion passée à 30 % deux ans plus tard, soit tout de même 445 millions d’euros.

Or exiger des baisses de prix de manière rétroactive et en cours de contrat est illégal, ce qui vaut au groupe une plainte de Bercy devant le tribunal de commerce de Paris, réclamant une amende de 2 millions d’euros, indique L’Informé.

  • 5 - Il a acquis, avec Patrick Drahi, la nationalité des îles Saint-Christophe-et-Niévès

Selon une enquête menée conjointement par Blast, StreetPress et Reflets, Patrick Drahi et Armando Pereira seraient propriétaires de villas voisines sur les îles Saint-Christophe-et-Niévès, un micro-État dans les Caraïbes. Ces investissements leur permettraient de bénéficier "d’avantages fiscaux conséquents".

Car c’est en échange de ces investissements que Saint-Christophe-et-Niévès leur a accordé un passeport, mais surtout une exemption d’impôt sur le revenu et d’impôts sur les sociétés qui y sont basées.

En 2014, Challenges révélait même que Patrick Drahi avait tenté d’abandonner la nationalité française, en vain.