LA VÉGÉTATION DU SPITZBERG COMPARÉE A CELLE DES ALPES ET DES PYRÉNÉES PAU CHARLES MARTINS PROFESSEUR D’HISTOIRE NATURELLE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE MONTPELLIER, DIRECTEUR DU JARDIN DES PLANTES DE LA MÊME VILLE, CORRESPONDANT DE L’INSTITUT. Elirait des Mémoires de l'Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, tom. VI, pag. 14a à IG8.— I8G"> MONTPELLIER BOEHM & FILS IMPRIMEURS DE L’ACADÉMIE PLACE DE L’OBSERVATOIRE 1865 LA VÉGÉTATION DU SPITZBERG COMPARÉE A CELLE DES ALPES ET DES PYRÉNÉES. Placé sons le méridien de l’Enrope centrale et de la presqu’île Scandinave, entre 76° 50' et 80° 50'de latitude, le Spitzberg est pour ainsi dire la sentinelle avancée de notre continent vers le Nord. C’est dans ces îles, où l’hiver règne pendant dix mois de Tannée, que la vie organique s’éteint faute de chaleur et de lumière; c’est là que le naturaliste recueille les dernières plantes et observe les derniers animaux; c’est la limite extrême de la Faune et de la Flore européennes. Au-delà tout est mort, et une banquise de glaces éternelles s’étend jusqu’au pôle boréal. Au Spitzberg lui-même, les neiges ne fondent que sur le bord de la mer, dans des localités privilégiées.; mais les montagnes restent toujours blanches, même pendant les trois mois de Tété. Toutes les vallées sont comblées par de puissants glaciers qui descendent jusqu’à la mer ; aussi ces îles sont-elles l’image fidèle de l’époque géologique qui a précédé immédiatement celle où nous vivons, l’époque glaciaire. Pendant cette période, un manteau de glace couvrait tout le nord de l’Europe jusqu’au 55 e degré de latitude; toutes les vallées des chaînes de montagnes, telles que les Vosges, le Jura, les Alpes, les Pyrénées, les Carpathes, le Caucase, THymalaya et même celles de la Nouvelle-Zélande, 1 (146) — 4 — étaient occupées par des glaciers qui s’étendaient plus ou moins loin dans les plaines voisines. Le Spitzberg réalise donc, à nos yeux, l’image d’une phase géologique dont les traces se rencontrent presque partout. Le petit nombre d’animaux et de végétaux qui habitent ces îles sont ceux qui résistent le mieux au froid et réclament le moins de cette chaleur solaire, source de la vie des êtres organisés. Sous ce double point de vue, la végétation de cette portion des terres arctiques tracée par un voyageur qui l’a vue à deux reprises différentes, et complétée par l’étude des explorations anciennes et modernes, mérite d’être connue des naturalistes qui s’intéressent à la géographie botanique. L’archipel du Spitzberg se compose d’une île principale qui a donné son nom à tout le groupe, et de deux autres grandes îles, l’une plus petite au sud, l’autre plus grande au nord, la terre des États et la terre du Nord-Est. L’île du Prince-Charles est située sur la côte occidentale, et une chaîne de petits îlots appelée les Sept-Iles s’avance directement vers le pôle. L’îlot de la Table est le dernier rocher qui surgisse au sein de la mer Glaciale. Climat du Spitzberg. Quand on songe qu’au Spitzberg la hauteur du soleil ne dépasse jamais 37 degrés, même dans les parties les plus méridionales ; que ses rayons obliques, traversant une épaisseur énorme d’atmosphère, n’arrivent à la terre qu’après avoir perdu presque toute leur chaleur, et rasent, pour ainsi dire, la surface du sol, au lieu de le frapper perpendiculairement, comme dans les pays chauds; si l’on ajoute que, du 26 octobre au 16 février, l’astre ne se montre plus, et qu’une nuit de quatre mois enveloppe cette terre glacée ; si l’on réfléchit que pendant la période de 128 jours, pendant laquelle la nuit alterne avec la clarté du soleil, celui-ci s’élève à peine au- dessus de l’horizon, on comprendra que le climat du Spitzberg soit des plus rigoureux. La présence continuelle de l’astre, pendant quatre mois de l’année, ne compense pas son absence pendant le même espace de temps, ni l’obliquité de ses rayons ; en outre, même aux mois de juillet et d’août, il est le plus souvent obscurci par des brumes qui s’élèvent de la mer. Jamais le ciel n’est serein pendant une journée entière. De plus, des vents violents, — 5 - (147) refroidis par les banquises ou par des glaciers, viennent à de courts intervalles abaisser la température de l’atmosphère. Néanmoins, le climat du Spitzberg est moins froid que celui des parties septentrionales de l’Amérique situées sous la même latitude, savoir l’extrémité de la baie de Baffin, connue sous le nom de Smith-Sound. C’est dans ces régions que les météorologistes ont placé le pôle du froid de l'hémisphère septentrional, qui ne coïncide nullement avec celui de la terre, mais se trouve, en Amérique, par 98 o de longitude occidentale et sous le 78 e degré de latitude. Si le climat du Spitzberg est moins rigoureux que celui de ces régions continentales, c’est aussi parce que le Spitzberg est un archipel dont les eaux sont réchauffées par le Gulfstream, grand courant d’eau tiède qui prend naissance dans le golfe du Mexique, traverse l’Atlantique, et vient expirer dans la mer Blanche et sur les côtes occidentales du Spitzberg. Aussi celles-ci sont-elles toujours libres en été, tandis que les côtes orientales, bloquées par des glaces flottantes, sont rarement accessibles aux pêcheurs de phoques et de morses, qui seuls fréquentent ces parages désolés. Je ne fatiguerai pas le lecteur des méthodes que j’ai employées et des calculs que j’ai faits pour exprimer en chiffres les températures moyennes du Spitzberg. J’ai utilisé les observations de Phipps, celles de Parry, de Scoresby, et celles de la commission scientifique du Nord au Spitzberg et en Laponie. Mes résultats étant sensiblement d’accord avec ceux que Scoresby a déduits de ses propres observations, les nombres obtenus méritent la confiance des savants. Comme lui, j’ai calculé les températures pour la partie moyenne de l’ile située sous le 78 e degré de latitude. Le tableau suivant présente les températures moyennes de chaque mois exprimées en degrés centigrades. Afin que le lecteur puissse se faire une juste idée de la rigueur de ce climat, je mets en regard les températures correspondantes pour Paris, calculées par M. Renou, et basées sur 45 ans d’observations (1816 à 1860), faites à l’Observatoire de Paris. — 6 — (148) i r. . f V- . ' î’ï- /* 9 Températures moyennes mensuelles au Spitzberg sous le 7 8 à degré de latitude et à Paris sous 48 n 58'. SPITZBERG. PARIS. SPITZBERG. PARIS. Janvier... O CO T 2°, 5 Juillet. CO O G* 18°,7 Février.... 5, 9 Août. .. 1,4 18, b Mars.... . 6, 3 Septembre.. ..- 2, 5 1b, b Avril. 10, 0 Octobre.. . . 11, 2 Mai. ...— 8, 3 13, 8 Novembre... ..—14, b 6, 6 Juin. . ..— 0, 5 17, 3 Décembre. . ..—15,0 3, 5 La moyenne de l’année est donc de — 8°,6 ; celle de Paris étant de + 10°,6 , la différence s’élève à 19 degrés. Les températures moyennes ne sont pas suffisantes pour bien caractériser un climat, car la même moyenne peut correspondre à des extrêmes très- différents. Voici quelques températures extrêmes observées au Spitzberg, du mois d’avril à celui d’août. En avril, Scoresby n’a pas vu le thermomètre en mer s’élever au-dessus de—■ 1°,1. En mai, la plus haute température fut de + 1°,1. Six fois seulement le thermomètre s’éleva au-dessus du point de congélation. Le mois de mai est donc encore un mois d’hiver. En juin, ■le mercure dépasse souvent le zéro de l’échelle thermométrique, et Scoresby la vu marquer 5«,6; mais en 1810 il est encore descendu à—9°,4. En juillet, je ne l’ai jamais vu s’élever au-dessus de 5°,7 ni s’abaisser au- dessous de 2°, 7: on voit que la température est d’une uniformité remarquable, puisqu’elle ne varie que de trois degrés. Même phénomène en août, où j’ai vu, sous le 78 e degré de latitude, le thermomètre en mer osciller entre 1°,2 et 3°,0. Pour donner une idée de l’absence de chaleur du Spitzberg, je dirai qu’en onze ans, de 1807 à 1818, Scoresby n’a vu qu’une seule fois, le 29 juillet 1815, le thermomètre à 14°,4; Parryà 12°,8 le 19 juillet 1827, et moi-même à 8°,2 en août 1858. La plus haute température, lfio,o, a été notée par l’expédition suédoise, le 15 juillet 1861. Quant au froid, nous n’avons pas de renseignements précis pour l’hiver, mais il est — 7 — (149) probable que le mercure y gèle quelquefois et que le thermomètre se tient souvent entre—20° et — 30°, car Scoresby a encore observé — 17°,8 le 18 avril 1810, et môme —18°, 9 le 13 mai 1814.11 tombe de la neige dans tous les mois de l’année. Au mouillage de la baie de la Madeleine, par 79°,34' de latitude, la corvette la Recherche en était couverte pendant les premiers jours d’août 1859. Dans le journal de Scoresby, il n’est pas de mois où elle ne soit indiquée. Le temps est d’une inconstance remarquable. A un calme plat succèdent de violents coups de vent. Le ciel, serein pendant quelques heures, se couvre de nuages ; les brumes sont presque continuelles et d’une épaisseur telle qu’on ne distingue pas les objets à quelques pas devant soi : ces brumes, humides, froides, pénétrantes, mouillent souvent comme la pluie. Les orages sont inconnus dans ces parages, même pendant l’été ; jamais le bruit du tonnerre ne trouble le silence de ces mers désertes. Aux approches de l’automne, les brumes augmentent, la pluie se change en neige; le soleil s’élevant de moins en moins au-dessus de l’horizon, sa clarté s’affaiblit encore. Le 25 août, l’astre se couche pour la première fois dans le Nord : cette première nuit n’est qu’un crépuscule prolongé ; mais à partir de ce moment la durée des jours diminue rapidement; enfin, le 26 octobre, le soleil descend dans la mer pour ne plus reparaître. Pendant quelque temps encore, le reflet d’une aurore qui n’annonce plus le lever du soleil illumine le ciel aux environs de midi, mais ce crépuscule devient de plus eu plus court et déplus en plus pâle, jusqu’à ce qu’il s’éteigne complètement. La lune est alors le seul astre qui éclaire la terre, et sa lumière blafarde, réfléchie par les neiges, révèle la sombre tristesse de cette terre ensevelie sous la neige et de cette mer figée par la glace. Presque toutes les nuits polaires sont éclairées par des aurores boréales plus ou moins brillantes ; mais à partir du milieu de janvier, le crépuscule de midi devient plus sensible ; l’aurore, annonçant le retour du soleil, s’élargit et monte vers le zénith; enfin le 16 février un segment du disque solaire, semblable à un point lumineux, brille un moment pour s’éteindre aussitôt ; mais à chaque midi le segment augmente jusqu’à ce que l’orbe tout entier s’élève au-dessus de la mer : c’est la fin de la longue nuit de l’hiver ; des alternatives de jour et de nuit se succèdent, pendant soixante-cinq jours, jusqu’au 21 avril, commencement d’un jour de quatre mois, pendant les- ; — 8 (150) quels le soleil tourne autour de l’horizon sans jamais disparaître au-dessous. Passons à la description physique du Spitzberg. Constitution physique et géologique du Spitzberg. Spitzbergen , montagnes pointues, tel est le nom que les navigateurs hollandais donnèrent à ces îles qu’ils venaient de découvrir, et en effet, de la mer on ne voit que des sommets aigus aussi loin que la vue peut porter : ces montagnes ne sont pas très-élevées, leur altitude varie entre 500 et 1200 mètres ; partout elles s’avancent jusqu’au bord de la mer, et il n’existe en général qu’une étroite bande de terre qui forme le rivage. Aux deux extrémités de l’île, au nord et au sud, le sol est moins accidenté, les vallées sont plus larges et le pays prend l’aspect d’un plateau. Trois de ces baies profondes et ramifiées, appelées fiords par les Norvégiens, découpent la côte occidentale du Spitzberg. Ce sont, du sud au nord, Hom-Sound, la baie de la Corne; Bell-Sound, la baie de la Cloche; Jce-Sound, la baie des Glaces ; Cross-Bay, la baie de la Croix ; Iüngs-Bay , la baie du Roi. La baie de Hambourg et celle de la Madeleine sont des golfes moins profonds et moins ramifiés. Toutes les vallées, dans le nord comme dans le sud du Spitzberg, sont comblées par des glaciers qui descendent jusqu’à la mer. Leur longueur est variable : le plus long que j’ai vu, celui de Bellsound, avait 18 kilomètres de long sur 6 kilomètres de large ; celui du fond de Magdalena-Bay 1840 mètres de long sur 1580 mètres de large au bord de la mer. Suivant Scoresby, les deux plus grands glaciers sont ceux du Cap sud et un autre au nord de Horn-Sound, qui tous deux ont 20 kilomètres de large au bord delà mer, et une longueur inconnue. Les sept glaciers qui bordent la côte au nord de l’île du Prince-Charles, ont chacun près de 4 kilomètres de large. Tous ces glaciers forment à leur extrémité inférieure de grands murs ou escarpements de glace qui s’élèvent verticalement au-dessus de l’eau à des hauteurs qui varient entre 30 et 120 mètres. Les premiers navigateurs hollandais et anglais, voyant ces murailles colossales de glace qui dépassaient la hauteur des mâts de leurs navires, les désignèrent sous le nom de montagnes de glace ( icebergs ), ne soupçonnant pas leur analogie avec les glaciers de l’intérieur 9 (151) du continent : le nom leur en est resté, et Phipps, Parry, Scoresby lui-même, ignoraient la nature de ces fleuves de glace qui s’écoulaient sous leurs yeux dans les flots. Quand j’abordai pour la première fois au Spitzberg, en 1858, je reconnus immédiatement les glaciers que j’avais si souvent admirés en Suisse. L’origine est la même, mais les différences tiennent au climat, au voisinage de la mer et à la faible élévation des montagnes du Spitzberg. Les glaciers descendant jusqu’à la mer, il n’y a ni fleuves ni rivières au Spitzberg. Quelques faibles ruisseaux s’échappent quelquefois des flancs du glacier, mais ils tarissent souvent. Le sol étant toujours gelé à quelques décimètres de profondeur, les sources sont inconnues dans ces îles. La géologie des côtes ocidentales du Spitzberg a été étudiée par Keilhau , les membres de la commission française, et, dans ces derniers temps, par MM. Nordenskiôld et Blomstrand. Sans entrer dans des détails peu intéressants pour le botaniste, je dirai que les montagnes du Spitzberg sont formées en général de roches cristallines. Les Sept-lles, au nord de l’archipel, sont entièrement granitiques. Le granité est donc la roche dont se composent les dernières terres dans le nord de l’Europe. Plus au sud apparaissent des calcaires quelquefois dolomiliques, appartenant probablement aux formations anciennes, et traversés par des filons de roches hyperslhéniques, espèce de porphyre fort rare qui ne se rencontre qu’en Scandinavie et au Labrador. Sur d’autres points, on a retrouvé les mêmes roches; mais dans le détroit de Hinlopen et près de Bell-Sound, on observe des calcaires fossilifères. D’après l’inspection de leurs fossiles, M. de Konninkles a rapportés au terrain permien , formation reposant sur le te rrain houiller, et qui tire son nom du gouvernement de Perm en Russie. Danslabaie dulïoi (. Kings-Baij ), M. Blomstrand a signalé ce terrain carbonifère avec des traces de combustible. On comprend toutes les difficultés que rencontre le géologue dans un pays couvert de neige et de glace. Néanmoins, d’après les indications que nous possédons, on peut dire que le Spitzberg appartient aux formations anciennes du globe, aux îles émergées dès l’origine du monde, et où man-' quent tous les terrains formés par les mers où se sont déposées les couches jurassiques, crétacées et tertiaires. —■ t ( 132 ) 10 — Flore du Spitzberg. Après le tableau que nous avons tracé du climat et de la constitution physique du Spitzberg, le titre de ce chapitre doit sembler invraisemblable. Quelle végétation peut-il y avoir dans un pays couvert de neige et de glace, où la température moyenne de l’été est de + 1 °,3, c’est-à-dire inférieure à celle du mois de janvier à Paris? Existe-t-il des plantes capables de vivre et de se propager dans de pareilles conditions de sol et de climat? Néanmoins, quand on aborde au Spitzberg, on aperçoit çà et là certaines places favorablement exposées, où la neigea disparu. Ces îles de terre éparses au milieu des champs de névé qui les entourent, semblent d’abord complètement nues ; mais en s’approchant on distingue de petites plantes microscopiques pressées contre le sol, cachées dans ses fissures, collées contre les talus tournés vers le midi, abritées par des pierres ou perdues dans les petites mousses et les lichens gris qui tapissent les rochers. Les dépressions humides, couvertes de grandes mousses du plus beau vert 1 , reposent l’œil attristé par la couleur noire des rochers et le blanc uniforme de la neige. Au pied des falaises habitées par des oiseaux marins, dont le guano active la végétation sur la terre qu’il échauffe, des renoncules, des Cochlearia, des graminées, atteignent quelquefois plusieurs décimètres, et au milieu des ébou- lements de pierres s’élève un pavot à fleur jaune ( Papaver nudicaule ), qui ne déparerait pas les corbeilles de nos jardins. Nulle part un arbuste ou un arbre : les derniers de tous, le bouleau blanc, le sorbier des oiseleurs et le pin Sylvestre, s’arrêtent en Norvège, sous le 70e degré de latitude. Néanmoins, quelques végétaux sont de consistance ligneuse : d’abord, deux petites espèces de saules appliqués contre la terre, dont l’un, le saule à feuilles réticulées, croit également dans les Alpes, et un arbrisseau s’élevant au-dessus des mousses humides, 1 ’Empetrum nigrum, qu’on trouve dans les marais tourbeux de l’Europe, jusqu’en Espagne et en Italie. Les autres plantes sont d’humbles herbes sans tige dont les fleurs s’épanouissent au i Eremodon Wormskioldii Brid. Polytrichum alpinumL. Bryitm juîaceum Schr., etc. — i I (153) raz du sol. La plupart sont si petites qu’elles échappent aux yeux du botaniste, qui ne les aperçoit qu’en regardant soigneusement à ses pieds. La preuve en est dans le lent accroissement de l’inventaire des plantes phanérogames du Spilzberg, qui n’a ôté complété que peu à peu parles recherches successives des voyageurs qui ont exploré ces îles. Ainsi, en 1G75, Frédéric Marlens de Hambourg décrit et figure seulement onze espèces terrestres; Phipps, en 1775, n’en rapporta que douze, qui furent nommées et décrites par Solander. Scoresby était presque toujours à la mer ; aussi le nombre total des espèces qu’il a recueillies dans ses voyages ne s’élève-t-il qu’à quinze, décrites, en 1820, par le célèbre Robert Brown. En 1823, le capitaine, actuellement général Sabine, en rassembla vingt-quatre, que sir W. Hookor prit le soin de déterminer. Le même botaniste a fait connaître les quarante espèces récoltées par Parry en 1827, pendant son séjour au nord du Spitz- berg. Sommerfelt a ensuite dénommé quarante-deux espèces rapportées la même année par Keilhau du Spilzberg méridional et de l’ile de l’Ours. . En 1858 et 1859, un botaniste danois, M. Vahl, et moi, avons recueilli à Bell-Sound, à Magdalena-Bay et à Smeerenberg, cinquante-sept espèces. Le voyage de MM. Torell, Nordenskiôld et Quennerstedt, en 1858, a en- ~j richi la Flore du Spilzberg de six espèces , et celui de la commission ' scientifique suédoise, en 1861, de vingt et une. M. Malmgrén, botaniste de l’expédition, en éliminant les doubles emplois et distinguant les espèces . confondues par ses prédécesseurs, porte à quatre-vingt-treize le nombre j total des plantes phanérogames du Spitzberg. Je ne parlerai pas des cryptogames, c’est-à-dire des mousses qui tapissent le fond des dépressions humides, et recouvrent les marais tourbeux. Je passe également sous silence les lichens qui croissent sur les pierres jusqu’au sommet des montagnes, et résistent aux froids les plus rigoureux ; car la plupart ne sont jamais recouverts par la neige. M. Lindblom portait déjà le nombre de ces cryptogames à cent cinquante-deux, avant les deux dernières expéditions suédoises. On voit que la loi émise par Linné sur la prédominance des cryptogames dans le Nord se vérifie pleinement, et en additionnant les phanérogames avec les cryptogames, la somme totale des végétaux connus du Spitzberg s’élèverait à deux cent quarante-cinq espèces. Le nombre des phanérogames du Spitzberg, qui ne monte qu’à 93, est 2 (134) — 12 — extrêmement restreint. En effet, l’Islande, située sous le 65 e degré de latitude , et dont la superficie est beaucoup plus petite, en renferme 402. En allant vers le sud , la proportion augmente rapidement, puisque l’Irlande, plus petite également que le Spitzberg, en nourrit 960. Les végétaux de cette île sont donc les enfants perdus de la Flore européenne, ceux de tous qui résistent le mieux au froid, ou plutôt, puisque la neige les recouvre en hiver, ceux qui peuvent vivre et fleurir avec la plus petite somme de chaleur. Des 93 phanérogames du Spitzberg, une seule espèce est alimentaire : c’estlei Cochlearia fenestrata, dont trois congénères, Cochlearia offici- nalis , C. danica et C. anglica , habitent les côtes de l’océan Atlantique. Ces plantes, renfermant un principe âcre et amer, sont employées en 1 médecine comme antiscorbuliques, mais ne servent pas d’aliment. Au Spitzberg, vu l’absence de chaleur atmosphérique, ces principes se développent si peu , que le cochléaria peut être mangé en salade ; précieuse ressource pour les navigateurs, car ses propriétés antiscorbuliques, quoique affaiblies, n’en subsistent pas moins, et préviennent une affection que le froid, l’humidité, l’usage de viand£s_salées et la privation de végétaux conspirent à développer-. Les graminées sont pendant l’été une précieuse ressource pour les rennes, le seul animal herbivore qui habile le Spitzberg. ]e crois devoir donner ici la liste complète des plantes du Spitzberg, disposées par familles naturelles. VÉGÉTAUX PHANÉROGAMES DU SPITZBERG. Nota.. Les espèces en i italiques existent en France. —Les espèces distinguées par un# astérisque sont exclusivement arctiques, et manquent en Scandinavie. Ranunculaceæ. Ranunculus glacialis L., R. hyperboreus. Roltb., R. pygmæus Wbg., R. nivalis L., R. sulfureus Sol., * R. arcticus Richards. Papaveraceæ. Papaver nudicaule L. Cruciferæ. Cardamine praiensis L., C. bellid ifolia L.; Arabis alpina L.; *Parrya arctiea Pu Br.;Eutrema Edwardsii R. Br.; *Braya purpurescens R. Br.; Draba alpina L., *Draba glacialis Adams, *D. paueiflora? R. Br., *D. micropetala ? Hook., 1). nivalis Liljebl., *D. arctica Fl. Dan., *D. corymbosa R. Br., D. rupestris R- Br., D. hirta L., I). Wahlenbergii Hartm. ; Cochlearia fenestrata R. Br. 15 (155) Caryophylleæ. Silene acaulis L.; Wahlbergella (Lychnis) apetala Fr.; W. affinis Fr.; *Stellaria Edwardsii R. Br.; *S. humifusaRoUb.; Ce Mstiuma lpinum L.; Arenariaciliata, *A Rossii R. Br., A. biflora L.; Ammadenia (Arenaria) peploides Gm.; Âlsine rubella Wbg.; Sagina nivalis Fr. Rosaceæ. DrijftfjDctopetala L.; *Potentilla pulchella R. Br., P. maculata Pourr., P.nivea L., *P. emarginala Pursh. Saxifrageæ. Saxifraga bieracifolia Waldst et Kit., S. nivalis L., S. foliosa, R. Br., S. opposilifoli a L., *S. flagellaris Sternb., S. hi rculyt s L., S. aizoides L., S. cernua L., S. rivularisL., S. cæspitosa L.; Chrysosplenimijdlerni folium, var. tetran drum. Th. Fr. Synantiiereæ. Arnica alpina Murray; Erigeron unifions L. ; Nardosmia (Tussi- lago) frigida Cass.; Taraxacum palustre Sm; *T. phymatocarpum Vahl. Boragineæ. Mertensia (Pulmonaria) mariliraa L. Polemoniaceæ . 'Poleraonium pulchellum Lebed. Scrofulariaceæ. Pedicularis hirsuta L. Ericaceæ. Andromeda tetragona L. Empetreæ. Empêtr ant nigrum L. Polygoneæ. Polygonum viviparum L.; Oxgriq digyna Campd. Salicineæ. Salix rclicu lgga L., S. polaris Wbg. Junceæ. Juncus biglumis L.; Luzula hyperborea R. Br., L. arctica Blytt. Cyperaceæ. Eriophorum capitatum Host.; Carex pulla Good., G. misandra R. Br., C. glareosa Wbg.", C. nardina Fr., C. ru peslris, Ail. Gramineæ. Alopecurus alpinus Sm., R. Br.; Aira alpina L.; Calamagrostis neglecta Ehrh.; Trisetum sub spicalum P. Beauv.; ‘Hierochloa pauciflora R. Br.; ‘Dupontia psilosantha Rupr., *D.Fischeri R. Br.; Poa pratensis, var. alpigena Fr., P. cenisia AU., P. stricta Lindeb., *P. abbreviata R. Br., P. Vahliana Liebm.; ‘Glyceria angustata Mgr.; Catabrosa algida Fr., *C. vilfoidea Anders.; Festuca hirsuta Fl. Dan., F. ovina L., *F. brevifolia R. Br. Les personnes auxquelles la Botanique n’est pas étrangère pourront retrouver un certain nombre de ces espèces dans divers pays. Ainsi, sur les 95 phanérogames du Spitzberg, 69 espèces existent en Scandinavie, et 28 même en France. Ces dernières sont imprimées en italiques. La carda- mine des prés, le pissenlit des marais et la fétuquedes brebis, se rencontrent dans nos plaines. La sabline à feuilles de pourpier (Arenaria peploides) croît sur les bords de la mer ; le Chrysosplenium alternifolium dans les bois humides des montagnes. L ’Empetrum nigrum et le Saxifraga liirculus sont des plantes des marais tourbeux. Les autres espèces habitent les parties les plus élevées des Alpes et des Pyrénées. (156) — 14 — Que le lecteur ne se hâte pas d’admettre des centres multiples de création, et de penser que ces vingt-huit espèces françaises n’ont point une origine commune avec leurs sœurs du Spitzberg, mais auraient paru simultanément ou à des époques différentes autour du pôle, dans les marais de la France ou sur les sommets neigeux des Alpes et des Pyrénées. Les progrès réoents de la géographie botanique ne permettent pas d’admettre une semblable conclusion. On a d’abord remarqué que la flore de toutes les contrées glacées qui entourent le pôle nord est d’une uniformité remarquable. M. Malmgrén nous apprend que sur les 95 plantes phanérogames du Spitzberg, 81 se retrouvent au Groenland. Plus à l’ouest, les îles qui bordent les détroits de Lancastre, de Barrow et de Melville , situés dans l’Amérique septentrionale, près du 75 e degré de latitude nord, ont 58 plantes communes avec la partie septentrionale du Spitzberg. Celles qui manquent en Amérique sont en général des espèces de la côte occidentale de l’île qui appartiennent plus spécialement à la flore continentale du nord de l’Europe. Vers l’est, dans la Sibérie asiatique, sur la presqu’île de Taymir, par 100 degrés de longitude est et 75 degrés de latitude , M. Middendorta recueilli 124 phanérogames dont 53 habitent également le Spitzberg. On le voit, la couronne des modestes fleurs qui entourent le pôle boréal n’est pas variée sous les différents méridiens, comme les autres ceintures végétales qui ceignent le globe terrestre ; ce sont partout les mêmes plantes ou des espèces appartenant aux mêmes genres et aux mêmes familles ; ce sont toujours les Graminées, les Crucifères, les Caryophyllées et les Saxifragées qui dominent ; et parmi les genres les Draba, les saxifrages, les renoncules, les Carex et les Poa. Toutes ces espèces sont vivaces ; c’est une condition de leur existence, car il en est bien peu qui puissent, chaque année, nouer leurs fruits et mûrir leurs graines ; or une plante annuelle disparaît d’un pays s’il arrive une seule fois que ses graines ne parviennent pas à maturité. Il existe donc une Flore arctique ; mais celle du Spitzberg est aussi le prolongement de la flore Scandinave qui se mêle dans cette île à la flore arctique proprement dite : en effet, ces deux régions ont 69 espèces communes ; restent 24 espèces propres au Spitzberg, mais qui toutes se retrouvent dans l’Amérique boréale, le nord de la Sibérie et à la Nouvelle-Zemble ; ce sont les plantes arctiques par excellence, celles qui caractérisent le mieux la flore — 15 (157) circumpolaire. Je les ai distinguées des autres par une astérisque. En résumé, la ilore du Spitzberg se compose du mélange de deux dores, l’une européenne dominante en raison du voisinage de la Scandinavie, l’autre arctique, c’est-à- dire américaine et asiatique. La végétation du Spitzberg et de la Laponie comparée à celle des Alpes. La dore polaire est circonscrite dans les hautes latitudes par une barrière infranchissable pour elle: la chaleur des étés; mais avant l’époque actuelle, la terre a traversé une période de froid ; les glaciers ont formé une calotte qui, rayonnant du pôle, s’est avancée jusqu’au milieu de l’Europe, de l’Amérique et de l’Asie, abaissant la température et transportant des blocsdepierres, des amas de sable et de gravier, et avec eux les plantes qui les habitaient : ces plantes se sont propagées de proche en proche vers le sud. Lorsqu’une température plus élevée a amené la fusion et le retrait des glaciers, ces plantes, surprises par la chaleur, ont disparu presque toutes des plaines de l’Europe, mais elles se sont maintenues dans les montagnes telles que les Sudètes qui comprennent toutes les chaînes de l’Allemagne septentrionale, dansleHarz, dans les Vosges et surtout dans les Alpes. Ainsi, suivant M. Heer, la Suisse compte actuellement 560 espèces alpines, dont 158 se retrouvent dans le nord de l’Europe. Il en énumère 42 qui habitent même les plaines du canton de Zurich. Quelques exemples spéciaux vont mettre ces vérités en évidence. La montagne du Faulhorn , dans le canton de Berne, se termine par un cône qui s’élève au-dessus d’un plateau sur lequel se trouve un petit glacier. Ce cône, en pente assez douce vers le midi, forme un abrupt du côté du nord : sa hauteur totale est de 65 mètres, sa superficie de 4 hectares et demi, et le sommet est à 2683 mètres au-dessus de la mer. Sur ce cône, couvert de neige huit mois de l’année, j’ai recueilli pendant plusieurs séjours en 1841, 1842, 1844 et 1846 , avec mon ami Auguste Bravais, 152- espèces phanérogames dont voici la liste, revue et corrigée par mon regrettable ami jean Gay, auquel la Botanique alpine a dû tant de lumières : 16 — ( 1 & 8 ) Végétaux phanérogames du sommet du Faulhorn. Nota. Les plantes munies d’une astérisque se retrouvent en Laponie. —Les espèces imprimées en italiques existent également au sommet du Pic du Midi de Bigorre, dans les Pyrénées. Ranunculaceæ. Ranunculus montanus Wild., * R. glacialis L.,R. alpestris L.; Aconitum napellus L. Cruciferæ. ‘Arabis alpina L., A. Gerardi Besser; *Cardamine bellidifolia Gaud.; Draba fladnizensis Wulf., D. frigida Suter, D. aizoides L.; Thlaspi rotundifolium Gaud.; *Capsella bursa-pastoris DC.; Lepïdium alpinum L. Violarieæ. Viola calcarata L. Cistineæ. Helianthemum alpestre DC. Caryopuylleæ. Silene inflata, Sm., *S. acaulis L.; Mœhringia polygonoides Mert. et Koch.; A/sine verna Bartl.; Spergula saginoides L.; Arenaria biflora L., A. ciliata L.; * Slellariamedia Sm., S. cerastoides L. ; Cerastium arvense L., * C. lalifolium L.; Gher- leria sedoides L. Papiuonaceæ. Trifolium pratense L., T. badium L.,T. cæspitosum Reyn.; * Astragalus alpinus L.; ‘Oxytropis laponica Gay, *0. campestris DG.; * Hedysarum obseurum L. Rosaceæ. * SibbaldiaprocumbensL.;X. Dryas octopetalaL.; GeumreptansL.,G.mon- tanum L.; Potentilla glacialis Hall., P. salisburgensis Hæncke, P. grandillora L., P.aurea L.; *Alchemillci vulgaris L., *A- alpina L., A. pentaphylla L., A. fîssa Schum. Onagrarieæ. *Epilobium alpinum L. Crassulaceæ. Sedum repens Schl., Sedum alratum L- Saxifrageæ. * Saxifraga stellaris L., S. aizoides L., S. bryoides L., S. muscoides Wulf, S. planifolia Lapeyr., S. aizoon Jacq., *S. oppositifolia L., S. androsacea L., S. Seguierii Spr. Umbelliferæ. Gaya simplex Gaud.; Ligusticum mutellina Cr.; *Carum cavi L. Rubiaceæ. Galium helveticum VVeig., G. sylvestre, yar. alpestre Koch. Dipsaceæ. Seabiosa lucida Vill. Synanthereæ. Tussilago alpina L.; * Erigeronuniflorus L., *E. alpinus L.; Aster alpinus L.; Arnica scorpioides L.; Artemisia spicata L.; *Chrysanthemum leucanthemum L.; Pgrethrum alpinum Wild; Achillæa atrata L.; *Omolotheca supina V. sub acaulis DG.; Cirsium spinosissimum Scop.; Leontodon aureum L., L. hispidus L.; "Taraxacum dens- leonis Desf. Campanulaceæ. Campanula linifolia Lam., C. pusilla Hæncke; Phyteuma hemisphe- ricum L. Primulaceæ. *Primula farinosa L.; Androsace helvetica Gaud., A. alpina Gaud., A. pennina Gaud., A. obtusifolia Ail., A. chamæjasme Wild; Soldanella alpina L. — 17 (l'S9) Gentianeæ. Gentiana acaulis L., G. bavarica L., G. verna L., G. campestris L., * G. nivalis L., G. glacialis A. Thom. Boragineæ. Myosotis sylvalica V. alpestris Koch. Scrofularuceæ. Linaria alpina DC.; Veronica aphylla L., * V. saxalilis Jacq., V. bellidioides L., * V. alpina L., * V. serpyllifolia L.; ‘Bartsia alpina L.; Euphrasia miniraa Jacq.; Pedicularis versicolor Wbg., P. verticillata L. Eabiatæ. Thymus serpyllum L. Plantagineæ. Plantago montana Lara., P. alpina L. Chenopodeæ. Blitum bonus-henricus C. A. M. Polygoneæ. * Polygonum viviparum L.; ’ Oxyria digyna Cambd. Saucineæ. *Salix herbacea L., S. retusa L. Liliaceæ. Lloydia serotina Salisb. (Phalangium serotinum Lam). Junceæ. Juncus Jacquini L.; Luzula spadicea DC., *L. spicata DC.; Elyna subspicata Schr. Cyperaceæ. Carex fœtida Ail., C. curvula Ail., C. nigra Ail., C. sempervirens Vill. Gramineæ. * Phleum alpinum L. ; Sesleria cœrulea L.; *Agrostis rupestris Ail., A. alpina Willd.; Avena versicolor Vill.; * Tricilum subspicatum Paliss.; *Poa annua, L:-, *P. alpina, var. vivipara P. alpina, II, brevifolia Gaud., *Poa laxaHæncke; Feslucavio- lacca Gaud., F. pumila Vill., F. Halleri Vill. Parmi ces plantes, j’en trouve huit qui font partie delà flore du Spitzberg, savoir: Ranunculus glacialis, Cardamine bellidifolia, Silene acaulis, Arenaria bi/lora, Dnjas octopetala , Erigeron uniflorus, Saxifraga oppo- sitifolia et Polygonum viviparum, et 40 marquées d’une astérisque que j’ai vues également en Laponie. Aucune de ces plantes n’appartient àla flore arctique proprement dite, mais toutes font partie de la flore Scandinave. Le petit nombre de plantes du Spitzberg sur le Faulhorn s’explique par deux circonstances. Quoique la moyenne annuelle soit de— 2°, 5, l’été est chaud relativement à celui du Spitzberg : on peut estimer sa moyenne à 5°, 5, et vers le milieu du jour le thermomètre oscille souvent autour de 10°. Le sol, en outre, s’échauffe considérablement, comme sur toutes les hautes montagnes', tandis qu’au Spitzberg il est toujours froid, humide et gelé à quelques décimètres de profondeur. Le sol du Faulhorn est donc trop chaud pour les plantes du Spitzberg, et il n’est pas assez humide. Le cône terminal formé de calcaire noir désa- 1 Voir mes observations correspondantes entre Bagnères-de-Bigorre et le Pic du Midi; ( Comptes-rendus de l’Académie des sciences de Paris, séance du 17 octobre 1864.) (160) — 18 — grégô tourné vers le midi et à forte pente, est sec et aride lorsque les neiges ont disparu ; tandis que le sol du Spitzberg est toujours humide et même spongieux, dans toutes les parties où la végétation se développe. Les autres plantes qui ornent le cône terminal du Faulhorn sont des plantes du nord de de l’Europe, des espèces alpines ou celles qui, de la plaine suisse ou de la région inférieure des montagnes, se sont élevées jusqu’au sommet. Étudions maintenant la Flore d’une autre localité bien circonscrite, mais qui se trouve dans des conditions fort différentes de celles du sommet du Faulhorn : c’est le Jardin de la mer de glace de Chamounix. Je ne connais pas dans les Alpes de localité qui rappelle mieux le Spitzberg que le grand cirque de névé, appendice de la mer de glace au milieu duquel se trouve la pelouse connue sous le nom de Courtil ou Jardin. L’aiguille du Moine et l’aiguille Yerte, la Tour des Courtes, les aiguilles de Triolet et de Léchaud, le dominent de tous côtés; le puissant glacier de Talèfre en remplit le fond. Si par l’imagination le voyageur, placé au Jardin, suppose que la mer baigne le pied de l’amphithéâtre dont il occupe le centre, il peut se dire qu’il a une idée des aspects du Spitzberg. L’ilol dépourvu de neige sur lequel il se trouve est une analogie de plus, et la comparaison de la végétation de cet îlot avec celle du Spitzberg, une des plus légitimes et des plus intéressantes qui puissent être faites. Piclet et J.-D. Forbes ont trouvé que le Jardin était à 2756 mètres au-dessus de la mer; sa longueur est de 800 mètres, sa largeur de 500 environ, sa distance aux rochers les plus voisins où croissent quelques plantes, de 800 mètresau moins. Le Jardin est un groupe de roches deprotogine polis et striés faisant saillie entre les deux affluents qui forment le glacier de Talèfre : le premier et le plus grand, descend de la portion du cirque comprise entre la Tour des Courtes et les aiguilles de Triolet et de Léchaud; le second, plus petit, provenant de l’aiguille Verte et de celle du Moine. Deux moraines flanquent ces rochers : celle de gauche est la plus puissante ; une source jaillit au milieu de la pelouse et forme un petit ruisseau. Les détritus de la moraine se sont peu à peu couverts de plantes et convertis en un tapis de verdure dont la couleur contraste singulièrement avec les blancs névés qui l’entourent. Mon ami, M. Alph. de Candolle, a réuni dans un herbier spécial les plantes provenant de cette localité, et recueillies par différents voyageurs qui l’ont visité aux époques suivantes, que je range par 19 — ( 161 ) ordre de date mensuelle : J’ai herborisé au Jardin le24juillet 1846; M. Percy (d’Édimbourg), le 26 juillet 1836 ; M Uo d’Angeville, le 5 août 1858; M. H. Melert (de Genève), le 8 août 1837 ; M. Alpb. de Candolle, le 12 août 1858; entinM. Venance Payot, naturaliste à Chamounix, y est allé plusieurs fois et a publié, en 1858, un catalogue de ces plantes. Je les ai vues presque toutes dans l’herbier de M. de Candolle, à Genève, et j’ai vérifié leur nom et leur synonymie en octobre 1854 , avec M. Muller, conservateur de l’herbier. On peut considérer cette Florale comme aussi complète que celle du Faulhorn, et je la donne ici en ajoutant que les espèces marquées d’une astérisque se retrouvent également dans la Laponie septentrionale, et celles imprimées en italiques au Faulhorn. VÉGÉTAUX PHANÉROGAMES DU JARDIN DE LA MER DE GLACE DE ClIAMÜUNIX. Nota. Les espèces munies d’une astérisque se retrouvent en Laponie; — celles imprimées en italiques, sur le sommet du Faulhorn. ' Ranunculaceæ. * liamincidus glacialis L., *R. monlnnns Willd., R. Villarsii DC. Crucifëræ. Dmba frigula Gaud.; * Cardamine bdUdifolia L., C. resedifolia L.; Si- symbrium pinnatifidum DC. Carvopiiylleæ. Silene rupestris var. sub-acaulis L., *S. acaulisL.; Spergula sagi- noides L.; Arenaria rubra L., A. serpyllifolia L., A. nivalis Godr., *A. biflora, L.; Cher- leria sedoides L.; S lellnria cerastoides L.; * Ceraslium lali/olium h., *C. alpinum DG. var. lanatum ; "Spergula saginoules L. Papilionaceæ. Trifolium alpinum L. 1 Rosaceæ. "Sibbaldia procumbensL.; Geurn monlanum L.; Potentilla aureah., P.gla- cialis Hall., P. grundiflora L.; Alchemilla penlaphylla L. Onagrarieæ. "Epilobium alpinum, L. Crassulaceæ. Sedum atratum L., S. repens Schl., *S. annuum L.; Sempervivum motitanum L., S. arachnoideum L. Saxifrageæ. "Saxifraga stellaris L., S. aspera L., S. bryoides L. Umbelliferæ. Meum mutellina Gaertn.; Gagasimplex Gaud.; Buplevrum stellatumL. Synanthereæ. Cacalia alpina Jacq., C. leucophylla Willd.; Tussilago alpina L.; *Erigeron unifions L., *E. alpinus L. ; Pgrelhrum alpinum Willd.; * Omolotheca supina Cass.; *Gnaphalium dioicum L., "G. alpinum Willd.; Arnica montana L.; Senecio incanusL.; Cirsium spinosissimum Scop.; Leontodon squammosum Lam., L. aureum L.; Taraxacum lævigatum DG.; *Hieraeium alpinum L., II. angustifolium Iloppe., II. glan- duliferum Hoppe., H. Halleri Vill, ' 3 — 20 — ( 162 ) Campanulaceæ. Phyteuma hemisphericum L.; Campanula barbata L. Primulaceæ. Primula viscosa Vill. Gentianeæ. Gentiana purpurea L., G. acaulis L., G. excisa Presl. Scrofularuceæ. Linaria alpina I)G.; * Veronica alpina L., F. bellidioides L.; Eu- phrasia minima Jacq. Plantagineæ. Plantago alpina L. Salicineæ. *Salix herbacea L. Junceæ. Juncus Jacquini L., * J. trifidus L.; Luzula luteaDC., L. spadicea DC., *L. spicala DG. Cyperaceæ. Carex curvula AU., C. fœtida Vill., C. sempervirens Vill., C. ferru- ginea Scop. Gramine M.*Phleum alpinumL.; Anthoxanthum odoratura L.; *Agroslis rupestris Ail., A. alpina Scop.; Avena versicolor Vill.; Poa taxa Haencke, P. laxa var flavescens Koch, 'P. alpina L., P. alpina var. vivipara L.; Fesluca Halleri Ail. Il existe donc 87 végétaux phanérogames au Jardin : il faut y ajouter 16 mousses, 2 hépatiques et 23 lichens, ce qui porte à 128 le nombre tota des plantes qui croissent dans cet îlot de terre végétale entouré de glaces éternelles. Sur les 87 phanérogames, il y en a 60 imprimés en italiques, c’est-à-dire plus de la moitié qui croissent également sur le Faulhorn. Or, celui-ci étant un sommet isolé en face des Alpes bernoises, l’autre un îlot de végétation dans un cirque faisant partie du Mont-Blanc, et par conséquent dans des conditions physiques bien différentes, nous pouvons en conclure que ces deux Florules représentent bien la végétation alpine à sa dernière limite au- dessous de ce que l’on appelle communément les neiges éternelles. Parmi ces 87 espèces, je n’en trouve que 6 qui fassent partie de la Flore du Spitz- berg ; ce sont : Ranunculus glacialis , Cardamine bellidifolia , Cerastium alpinum, Arenaria biflora et Erigeron uniflorus, la même proportion environ qu’au Faulhorn ; mais il y en a 24 qui se trouvent en Laponie. En résumé, le sommet du Faulhorn et le Jardin ont 60 plantes communes. La proportion des plantes laponnes est de trente pour cent au Faulhorn, et au Jardin de vingt-huit, du tiers environ dans les deux localités ; mais sur le sommet du Faulhorn et au Jardin, celles du Spitzberg ne forment que cinq pour cent du nombre total. Répétons encore qu’aucune de ces plantes n’appartient à la Flore arctique ou circumpolaire. La Flore subnivale des é * ~\ — 21 - (163) Alpes correspond donc à celle de la Laponie septentrionale, des environs de l’Altenfiord, par exemple', et pour trouver une végétation analogue à celle du Spitzberg, il faut nous élever plus haut dans les Alpes au-dessus de la limite des neiges éternelles. ^ Au haut des glaciers du revers septentrional du Mont-Blanc se trouve une petite chaîne de rochers isolés, formant une île au milieu de la mer de glace qui les environne. Ils séparent l’un de l’autre, àleurparlie supérieure, les glaciers des Bossons et de Taconnay, et sont éloignés de 800 mètres de la montagne de la Côte, et de deux kilomètres de la pierre de l’Échelle, les points les plus rapprochés où il y ait de la végétation. Leur direction est du nord- nord-est au sud-sud-ouest. Le point le plus déclive se trouve à 5050 mètres au- dessusde la mer ; le plus élevé, appelé par de Saussure Rocher de l’heureux Retour, esta 5470 mètres d’altitude. Ces rochers sont formés de feuillets verticaux de protogine schisteuse entre lesquels les plantes trouvent un abri et un sol formé par la décomposition de la roche. Les ascensions au Mont-Blanc de MM. Marckam Shervill, le 27 août 1825 , Auldjo, le 8 août 1827 , et Martin-Barry, le 17 septembre 1834, avaient porté à huit le nombre total des phanérogames de cet îlot glaciaire. Je le visitai trois fois, le 31 juillet, le 2 septembre 1844 et le 28 juillet 1846 , et j’explorai principalement, non sans péril, l’escarpement tourné vers le sud-est qui domine le chaos de séracs du glacier des Bossons. J’y récoltai 19 plantes phanérogames. M. Venance Payot, naturaliste à Chamounix, escalada de nouveau ces rochers le 30 août 1861, et y trouva 5 espèces que je n’y avais pas remarquées. Je donne ici la liste de ces 24 plantes, dont cinq , imprimées en italiques, appartiennent aussi à la Flore du Spitzberg. Aux Grands-Mulets, la proportion des espèces du Spitzberg est, comme on le voit, de vingt et un pour cent, et, sauf ŸAgroslis rupestris, il n’y a point de plante laponne. Cette Florule se compose donc exclusivement d’espèces très-alpines mêlées à un cinquième de plantes du Spitzberg. Les Grands-Mulets sont une des stations les plus élevées d’un rongeur, le Campagnol des neiges ( Arvicola nivalis, Mart. ), qui se nourrit spécialement des plantes dont nous donnons la liste. 1 Voy. mon Voyage botanique le long des côtes septentrionales de la Norvège, et Anderson: Conspectus vegetationis Lapponicœ. — 1846, i i (164) — 22 — M. Payot a , en outre, recueilli aux Grands-Mulets 26 mousses, 2 hépatiques et 28 lichens, ce qui donne quatre-vingts espèces pour le nombre total des végétaux vasculaires et cellulaires de ces rochers dépourvus en apparence de toute végétation. VÉGÉTAUX PHANÉROGAMES DES GrANDS-MuLETS. Draba fladnidensis Wulf., D. frigida Gaud. ; Cardamine bellidifolia L., C. resedifoiia Saut.; Silene acaulis L. ; Potentilla frigida Vill. ; Phyteuma hemisphericum L.; Pyre- thrum alpinum Willd.; Erigeron uniflorus L.; Saxifraga brvoides L., S. groenlandica L., S. muscoides Aut., S. oppositifolia L.; Androsace helvetica Gaud., A. pubescens DG. ; Genliana verna L. Luzula spicata DC. ; Festuca Halleri Vill. ; Poa laxa Haencke, P. cæsia Sm., P. al- pina var. vivipara L. ; Triselum subspicalum Pall. Beauv. ; * Agrostis rupestris AU.; Carex nigra Ail. Voyons si la loi se confirme dans le groupe du Mont-Rose. Pendant un séjour de quatorze jours, du 15 au 27 septembre 1851, à la cabane de Vincent, sur le versant méridional du Mont-Rose, et à une élévation de 5158 mètres au-dessus de la mer, MM. A. et H. Schlagintweit ont recueilli autour de cette station, sur le gneiss, quarante-sept plantes phanérogames , dont dix font partie de la Flore du Spilzberg ; elles sont imprimées en italiques dans la liste ci-jointe. Végétaux phanérogames des environs de la cabane de Vincent sur le Mont-Rose. I. Ranunculus glacialis L.; Hutschinsia petræa R. Br.; Thlaspi cepæfolium Koch, T. corymbosum Gaud., T. rotundifolium Gaud.; Cardamine bellidifolia L.; Silene acaulis L. ; * Cerastium latifolium L, ; Cherleria sedoides L. ; Potentilla alpestris Hall.; Saxifraga aizoides, S. bryoides, S. hiflora AU., S. exarata YiU., S. muscoides, S. oppositifolia, S. retusa Gouan, S. stellarisL.; Achillæa hybrida Gaud. ; Artemisia mutellina Vill., A. spicata Wulf.; Aster alpinus; Chrysanthemum alpinum, Erigeron uniflorus, Phyteuma pauciflorum L.; Myosotis nana; Linaria alpina; Veronica alpina; Gentiana verna, G. imbricata Froehl. ; Androsace glacialis Hoppe; Primula Dyniana Lgasca; Oxyria diggna; * Salix herbacea, S. reliculala. ‘Agrostis rupestris, AU.; Triselum subspicalum Pal. Beauv.; Festuca Halleri, AU., F. ovina, Poa alpina, P. laxa Haencke, P. minor Gaud.; Kœleria hirsuta , Gaud ; Elyna spicata, Schrad. ; * Luzula spicata DG. ; Carex nigra AU. A La proportion des plantes du Spitzberg est également d’un cinquième comme aux Grands-Mulets, et Cerastium latifolium , Salix herbacea , Luzula spicata et Agrostis rupestris , sont les seules plantes laponnes étrangères au Spitzberg. Les trente-trois autres espèces sont exclusivement alpines. Au point culminant du col Saint-Théodule, qui mène de la vallée de Zcrmatt, en Valais, dans le val Tornanche, en Piémont, se trouve encore un îlot dépourvu de neige, mais entouré de tous côtés d’immenses glaciers. C’est là que de Saussure séjourna en 1789. Ce point est situé à 5550 mètres au-dessus de la mer. Je le visitai avec MM. Q. Sella et B. Gastaldi, le 17 septembre 1852, et j’y recueillis sur les schistes serpentineux les plantes suivantes, dont M. Reuter a bien voulu vérifier les déterminations. Végétaux phanérogames du point culminant du col Saint-Théodule. Ranunculus glncialis L.; Thlaspirotundifolium Gaud.; Draba pyrenaica L., D. tomen- tosa Wahl. ; Geum reptans L.; Saxifraga planifolia Lap., S. muscoides Wulf., S. oppo- sitifolia L.; Pyrethrum alpinum Willd.; Erigeron uniflorus L.; Artemisia spicata L.; Androsace pennina Gaud.; Poa laxa Haencke. Cette liste est loin d’être complète , et cependant sur treize plantes il y en a trois, imprimées en italiques, qui se retrouvent au Spitzberg. Je désirerais vivement que quelque jeune botaniste, suisse ou italien, prît à tâche de faire la Florule de celte intéressante localité. Cela serait d’autant plus facile qu’il y existe depuis dix ans un petit hôtel dans lequel M. Dollfus- Ausset a séjourné en 1864 , du 22 août au 5 septembre : la température la plus élevée qu’il ait notée à l’ombre a été de 6°,2, et la plus basse — 16°,0. On voit que le climat est d’une rigueur qui ne le cède en rien à celui du Spitzberg, et il est très-probable que des herborisations attentives, faites dans les mois de juillet, d’août et de septembre, fourniraient une notable proportion d’espèces indigènes du Spitzberg et de la Laponie septentrionale. ( 166 ) 24 — La végétation du Spitzberg et de la Laponie comparée à celle des Pyrénées. Ce travail ne serait pas achevé si nous ne jetions pas un coup d’œil sur les Pyrénées, pour savoir si la Flore arctique y a laissé quelques représentants depuis le retrait des glaciers qui, dans cette chaîne comme dans les autres, descendaient jusque dans les plaines de la France et de l’Espagne. La végétation des Pyrénées ressemble beaucoup à celle des Alpes. M. Zetterstedt 1 compte en tout 68 plantes alpines communes aux Pyrénées, aux Alpes et aux montagnes de la Scandinavie, et une seule, le Menziezia (Phtjllodoce ) cœrvlœa, qui ne se trouve qu’en Scandinavie et dans les Pyrénées. Ramond, après trente-cinq ascensions faites au pic du Midi de Bagnères, en quinze années, et comprises entre le 20 juillet et le 7 octobre, s’est appliqué à recueillir toutes les plantes du cône terminal dont la hauteur est de 16 mètres, le sommet à 2877 mètres au-dessus de la mer, et la superficie de quelques ares seulement : il y a observé 71 plantes phanérogames. La liste est bien complète, car les recherches ultérieures des botanistes ne l’ont point accrue. M. Charles Desmoulins, qui fit l’ascension le 17 octobre 1840, ne cite que le Stellaria cerastoides qui avait échappé aux yeux perçants de Ramond. Je donne ici la liste de ces plantes, extraites du Mémoire, devenu fort rare, de Ramond, en conservant les noms de l’auteur 2 , auxquels j’ai ajouté seulement quelques synonymes pour mettre cette liste en rapport avec les précédentes. VÉGÉTAUX PHANÉROGAMES DU SOMMET DU PlC DU MlDI DE BtGORRE. Nota. Les plantes imprimées en italiques se retrouvent au Jardin de la Mer de Glace de Chamounix; celles marquées d’une astérisque existent également en Laponie. Papaveraceæ. Papaver pyrenaicum DC. Cruciferæ. Draba aizoides Willd., D. nivalis Willd., D. pyrenaica Willd. (Petrocallis pyrenaica DC.); Lepidium alpinum (Hutschinsia alpinaDC.); Iberis spathulata (Thlaspi rotundifolium Gaud.); Sisymbrium pinnatifidum DC. 1 Plantes vasculaires des Pyrénées principales, 1857. 2 État de la végétation au sommet du pic du Midi. (Mémoires de l’Académie des sciences de Paris t t om. VI. pag. 81; 1827.) — 25 — (167) Caryopiiylleæ. ‘Silene acaulis L.; ‘Lychnis alpina Willd.; Arenaria ciliata Willd., A. verna Willd. (Alsine verna Baril.); Cherleria sedoides Willd. Stellaria cerastoides L.; Cerastium squalidum Ram. (* Ceraslium lalifolium L.). Papilionaceæ. Lotus alpinus Schl.; Anthyllis vulneraria DC.; Astragalus campestris Willd. (Oxytropis campestris DC.), A. montanus Willd. (Oxytropis montana DC.). Rosaceæ. Sibbaldia procumbens L.; Potentilla nivalis Lapeyr., P. filiformis DC.; Alchemilla hybrida L. (*A. vulgaris Willd.). Crassulaceæ. Sempervivum montanum Willd., S. arachnoideum Willd.; Sedum repens Schleich., S. atratum Willd. Saxifrageæ. Saxifraga groenlandica DC. (S. cæspitosa j3 Retz), S. petræa Willd.; *S. oppositifolia L., S. bryoides Willd. Rubiaceæ. Galium cæspitosum Ram., G. pyrenaicum Gouan. Synantiiereæ. Bellis perennis Wild.; *Erigeron uniflorus L., *E. alpinus Willd., Pgrelhrum alpinum Willd.; Chrysanthemum montanum Willd. (C. leucanthemum DC.); *Gnaphalium norvegicum Retz. (G. sylvaticum Sm.), G. supinum Willd. (* Omolotheca supina Cass.); Arnica scorpioides DC. ; Artemisia spicata Willd. Leontodon lævigatus Willd. ( Taraxacnm lœvujatum DC.; Hieracium prunellæfolium Gouan) ; Apargia alpina Willd. ( Leontodon squammosum Lam., L. pyrenaicum Gouan). Campanulaceæ. Pbgleuma hcmisphericum Willd. Primülageæ. Primula integrifolia Willd; Androsace ciliata DC., A villosa Willd., A. carnea (3 Halleri Willd. Gentianeæ. Genliana verna var. a. Froecl., G. alpina, Willd. (G. acaulis y, DC.). RopAGiNÉÆ. Myosotis pyrenaica, Pourr. (M. alpestris, Sehm. M. perennis y, DC.). Scuopiiulariaceæ. Linaria alpina, DC.; Veronica numullaria Gouan, *V. saxatilis, Willd.; Pedicularis rostrata Willd. Labiatæ. Thymus serpyllum L. Plantagineæ. Plantago alpina L. Plumbagineæ. Statice armeria L. (Armeria alpina Willd.). Polygoneæ. Rumex digynus Willd. (‘Oxyria digyna Cambd.) Salicineæ. * Salix retusa Willd. Cyperaceæ. Carex curvula Ail., C. ovalis Good., C. nigra AU. Gramineæ. Agrostis alpina Willd.; Avena sempervirens Willd. (A. striata Lam.); ’ Poa cenisia Ail. X. P. alpina Willd.; Festuca eskia Ram., F. violacea Gaud.; Aira subspi- cataL. (’Trisetum subspicatum P. Beauv.) Sur ces soixante et douze plantes, végétant entre 2860 et 2877 mètres, il y en a trente-cinq qui existent également sur le Faulhorn ' ; quinze, imprimées en italiques, qui se retrouvent au Jardin de la mer de Glace de 1 Ce sont les espèces imprimées en italiques dans la liste des plantes du Faulhorn, p. 16. (168) — 26 — Chamounix. J'en compte treize qui existent simultanément dans les trois localités; ce sont: Stellaria cerastoides , Cerastium latifolium, Sibbaldia procumbens, Erigeron uniflorus, E. alpinus, Omolotheca supina, Poa alpina, Phyteuma hemisphericum , Gentiana acaulis, Linaria alpina, Plantago alpina, Carex curvula, Agrostis alpina. De ces treize plantes, les sept premières existent également dans le Nord, nouvelle preuve de l’origine commune des espèces alpines et pyrénéennes les plus répandues. Les six dernières sont des végétaux essentiellement alpins. Quatorze espèces laponnes, distinguées par une astérisque, font partie de la Florule du Pic du Midi ; c’est une proportion de vingt pour cent, moindre par conséquent que pour le Faulhorn et le Jardin de la mer de Glace. Mais sur ces treize espèces, quatre vivent aussi sur les côtes Spitzberg; ce sont : Oxijria di- gyna, Erigeron uniflorus, Silene acaulis et Saxifraga oppositifolia, et trois autres Poa cenisia, Draba nivalis et Arenaria- ciliala manquent en Laponie, mais se trouvent à la fois sur le pic du Midi par 43 degrés de latitude au-dessus de 2860 mètres, et au Spitzberg sous le soixante-dix- huitième degré au bord de La mer. Relativement au nombre total des espèces, la Flore du pic du Midi est plus riche en plantes arctiques que celles du Faulhorn et du Jardin, car leur proportion est de dix pour cent au lieu de cinq, comme sur le sommet alpin et dans l’ilot glaciaire. Faut-il attribuer ces différences à la plus- grande élévation du pic ou à d’autres circonstances liées à la distribution originaire des végétaux? c’est ce que personne ne saurait dire dans l’état actuel de nos connaissances ; mais cette ressemblance dans la végétation de trois points si éloignés les uns des autres, prouve une communauté d’origine, et par conséquent un fonds commun de végétation qui a été modifié ensuite par des circonstances dépendantes du climat, de la position géographique, du mélange avec des plantes de pays voisins ou môme des espèces dérivées de celles des dernières Flores géologiques dont nous retrouvons les restes dans les terrains les plus récents. llOOZZÇ 1/0900 juguiqgusnBjgq iqotu e^ig aiuvMHona s 3 'li n V liai pu»a n jaïuiunfs' 1 •iqv ï i £££18 8 f 00 fit - H y J F 1 f* *■* ar n « 0 * ï f ëti ■ i k*'” . 14 * 4 Ss-sa!