Theo Yameogo : Bienvenue et merci d’être avec nous. Merci de te joindre à moi!
Antoine Mindjimba : Merci beaucoup, Theo. J’ai hâte de discuter avec vous.
Theo Yameogo : Entrons dans le vif du sujet. Antoine, vous qui êtes notre expert en matière d’évolution de la culture du secteur des mines et métaux et de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) au Canada, pouvez‑vous nous expliquer quelles sont les tendances du secteur?
Antoine Mindjimba : C’est une excellente question. Je crois que c’est en 2019 que le Conseil des ressources humaines de l’industrie minière (Conseil RHiM) a mené un sondage auprès des organisations canadiennes du secteur des mines. Celui‑ci a révélé que les organisations placent la dimension ressources humaines de leurs activités en tête de leur liste de priorités. Et pourquoi? Parce que nous savons que près de 100 000 personnes partiront à la retraite au cours des 10 prochaines années.
Cela signifie que plusieurs personnes vont quitter le secteur, et que les organisations devront attirer des gens. Mais pour arriver à répondre à ce manque de main‑d’œuvre, les organisations du secteur des mines devront puiser dans un bassin de talents plus grand. Alors, quand on parle de DEI, il ne faut pas simplement en aborder l’aspect sociétal : les organisations devront réunir des gens d’horizons différents ou qui possèdent de nouveaux modes de pensée si elles veulent assurer leur survie.
Theo Yameogo : C’est un excellent aperçu du secteur. Si on pense à l’étude que nous avons publiée récemment sur les dix principaux risques et possibilités d’affaires du secteur des mines et métaux, nous avons relevé que les questions relatives aux talents, surtout celles qui concernent la planification de l’effectif, font partie des principales embûches qui guettent nos clients. Surtout en ce qui a trait aux départs à la retraite, aux démissions en raison de la COVID, et au simple fait d’avoir besoin de nouveaux talents. Quels sont les défis que vous portez à l’attention des clients?
Antoine Mindjimba : Je crois que le secteur lui‑même représente l’un des grands défis à surmonter. Ce que j’essaie de dire, c’est que le sondage de 2019 du Conseil RHiM nous a permis de découvrir que le secteur en tant que tel attire très peu les jeunes travailleurs. Historiquement, on ne perçoit pas le secteur comme contribuant au bien de la société, surtout en ce qui a trait à la pollution, par exemple.
Et je sais que ce ne sont que des stéréotypes, mais c’est ce que nous rapportent la nouvelle génération et les travailleurs plus jeunes. Alors, l’une des questions essentielles à se poser, c’est comment pouvons‑nous parvenir à rendre le secteur plus attrayant, afin d’aller puiser dans des bassins de talents plus grands? D’un autre côté, le secteur a été historiquement dominé par les hommes blancs. Sachant cela, il sera d’autant plus difficile de puiser dans de nouveaux bassins de talents et, ultimement, d’avoir une main‑d’œuvre diversifiée.
Alors je crois que cette difficulté se décline en deux volets. Premièrement, comment rendre cette organisation, ou ce secteur, plus attrayants pour une plus grande diversité de talents? Et deuxièmement, comment pouvons‑nous déconstruire ces idées préconçues, d’un point de vue environnemental, mais aussi d’un point de vue axé purement sur la DEI, afin de veiller à ce que les organisations et les candidats potentiels comprennent le travail qu’il reste à faire pour résoudre ces défis potentiels?
Theo Yameogo : Alors quand vient le temps de travailler avec les clients, quelles sont les solutions clés que vous envisagez, ou que vous mettez en place, pour arriver à un résultat satisfaisant?
Antoine Mindjimba : C’est une bonne question. Et je trouve cela amusant de parler d’inclusivité ou de DEI, quand en fait, les problèmes et les solutions sont bien plus vastes. Si on considère tous les défis que je viens d’énumérer, une des clés est d’arriver à définir, créer, développer et instaurer une culture organisationnelle qui sera à la fois inclusive et respectueuse des impératifs commerciaux de l’organisation et du secteur en général.
Alors, si on tient pour acquis que c’est ce que font les organisations qui réussissent, il faut d’abord s’assurer que la direction soutient véritablement la culture organisationnelle. Et quand je parle de la direction, je fais référence au conseil d’administration, à la haute direction et aux gestionnaires, qui doivent clarifier ce qu’est la culture inclusive et les deux objectifs qu’elle doit atteindre.
Le premier consiste à créer un environnement favorable à ce que les gens réalisent pleinement leur potentiel tout en atteignant les impératifs commerciaux et le deuxième, veiller à accorder une place centrale à l’innovation, sachant qu’elle est absolument essentielle au secteur. Donc, une fois que la direction, le conseil d’administration et les gestionnaires soutiennent ouvertement la culture organisationnelle, il faut prendre le temps de bien penser aux systèmes à mettre en place afin d’attirer et de retenir la main‑d’œuvre, tout en favorisant l’épanouissement individuel au sein de l’organisation.
Ensuite, n’oublions pas que l’innovation est absolument essentielle. Comment pouvons‑nous la favoriser au sein d’une organisation? Nous devons promouvoir une centralisation de la culture. Nous devons penser en termes d’innovation. Or, par définition, l’innovation demande de penser différemment. Et c’est là que la diversité et l’inclusivité entrent en scène – outre leur aspect sociétal, elles sont absolument essentielles. Mais ce qui est vraiment intéressant, surtout dans le secteur des mines, c’est qu’il faut faire preuve d’innovation pour arriver à réduire les coûts et réaliser les activités d’extraction à meilleur prix. Et de quoi avons‑nous besoin pour y parvenir? Nous avons besoin de gens qui pensent différemment, mais qui possèdent aussi un fort sentiment d’appartenance, afin qu’ils se sentent assez en confiance pour partager leurs idées excentriques qui, bien sûr, feront l’objet d’un tri et se traduiront par des produits ou des systèmes spécifiques.
Mais je crois que c’est ce que nous constatons chez les organisations qui réussissent : elles repensent la façon de définir leur culture, pas seulement du point de vue de l’inclusivité ou de la DEI, mais en réfléchissant aussi aux besoins. Quels comportements devons‑nous observer au sein de l’organisation pour accomplir ces deux objectifs? Tout d’abord, respecter les impératifs commerciaux, mais aussi être suffisamment axés sur l’innovation et la technologie pour arriver à créer un environnement où les gens se sentiront suffisamment à l’aise pour proposer des idées qui pourraient révolutionner le secteur.
Theo Yameogo : Certains parlent de quotas. Fonctionnent‑ils réellement?
Antoine Mindjimba : Voilà une excellente question. Alors, les quotas sont intéressants, mais il ne faut pas oublier de regarder les deux côtés de la médaille. Tout d’abord, il est toujours bon de se référer aux chiffres. Mais si vous abordez la question de l’inclusivité ou de la culture principalement par les chiffres, cela ne fonctionnera pas. Pourquoi? Parce qu’il est très facile d’embaucher plus de femmes, ou plus de membres des Premières Nations, ou plus de personnes noires. Par contre, pour revenir à mon premier point, la vraie question que l’on devrait poser est : avez‑vous un environnement qui aidera ces personnes à vraiment libérer tout leur potentiel? Ainsi, pour ce qui est de la DEI ou même de la culture inclusive en général, il est essentiel de bien comprendre les indicateurs en place, sans toutefois être à la merci des chiffres.
Elle doit être motivée par l’inclusion. Et de fil en aiguille, la diversité sera un sous-produit de cette volonté d’être plus inclusif.
Theo Yameogo : Parlons maintenant de la dynamique entre les générations. Nous savons que, dans ce secteur, plusieurs personnes prenant leur retraite emportent énormément de connaissances avec elles. Oui, ces connaissances appartiennent à un contexte différent, mais elles existent tout de même. Et maintenant, les nouveaux venus amènent des visions du monde différentes. Ils ne possèdent peut‑être pas toutes les connaissances nécessaires, mais ils sont animés par des motivations singulières.
Que dites‑vous aux clients pour les aider à planifier cette dynamique entre les générations, afin qu’elle s’avère avantageuse pour tout le monde?
Antoine Mindjimba : C’est une excellente question. Je crois que nous devons prendre quelques points en considération. Quand on parle de la DEI, on parle de la diversité au sens large. Il n’est pas question que de culture, de religion ou d’orientation sexuelle. Ça englobe tout : le milieu socioéconomique, l’âge, la génération, le mode de pensée et le concept d’intersectionnalité. Il est impossible de trouver une seule caractéristique qui résume qui vous êtes.
C’est la première fois de l’histoire de l’humanité que cinq générations travaillent ensemble. Et je crois que les organisations ne sont pas bien équipées en matière de culture organisationnelle pour promouvoir une mentalité de croissance à tous les niveaux. En même temps, nous sommes prêts à accueillir ce que les anciennes générations ont à nous apprendre, mais aussi ce que les nouvelles générations ont à nous offrir en ce qui a trait à l’innovation et à l’adaptation à un monde en constante évolution, en prenant soin d’écouter les gens d’expérience. Et je suis convaincu que c’est en fusionnant tous ces éléments qu’une organisation connaîtra du succès.
Alors, qu’est‑ce que cela signifie? Cela signifie que nous devons faire preuve d’une plus grande ouverture d’esprit, que nous devons adopter une manière de penser axée sur la croissance. Quel que soit votre âge ou votre milieu socioéconomique, vous devez absolument penser qu’il est possible de s’améliorer en restant ouvert aux nouvelles idées et en les écoutant, et ce, peu importe si elles viennent de gens d’expérience ou de personnes plus jeunes. Tout cela revient à se questionner sur les moyens dont les organisations doivent se doter pour arriver à mettre en place une culture qui tire parti des forces de l’organisation et des cinq générations qui la composent, qu’il s’agisse des gens de 65 ans qui partent à la retraite ou des jeunes de 21 et 22 ans qui viennent tout juste d’obtenir leur diplôme.
C’est toute une richesse pour une organisation. Si elle arrive à instaurer de bons réflexes – c’est‑à‑dire : oui je suis prêt à t’écouter Antoine, que tu aies 22 ans ou 55 ans – elle peut veiller à ce que tous ces éléments coïncident et favorisent le bien commun de l’entreprise et de la société dans son ensemble.
Theo Yameogo : Merci beaucoup de nous avoir consacré du temps aujourd’hui, Antoine! Cette discussion a été très intéressante.
Antoine Mindjimba : Merci beaucoup, Theo! Ce fut un réel plaisir.