Exposition au musée Carnavalet : «Les gens de Paris 1926-1936» : quand les recensements dévoilent la vie des Parisiens
Au Réveil Matin, Maison Bénazet, café restaurant, 113, avenue Jean-Jaurès, 19e arrondissement, vers 1935, carte postale photographique
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Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la France change de visage. En 1931, pour la première fois, on y compte plus d'ouvriers et d'employés que de paysans. Les campagnes se vident, les grandes villes attirent. Et Paris dans tout ça ?
Pour éclairer cette période charnière et comprendre comment la capitale se transforme, le musée Carnavalet présente Les gens de Paris 1926-1936, une exposition qui s'appuie sur les recherches de la démographe et historienne Sandra Brée.
Édith Gassion, future Édith Piaf, apparaît dans les registres en 1931. Elle vit au 115 rue de Belleville avec son père divorcé et sa nouvelle compagne.
Une capitale en pleine mutation
Grâce à un outil d'intelligence artificielle déchiffrant l'écriture manuscrite, elle a pu analyser les registres de recensement de 1926, 1931 et 1936 – les premiers à être nominatifs à Paris. Ces documents, désormais accessibles en ligne sur le site des Archives de Paris, permettent de suivre les trajectoires familiales, les flux migratoires et la géographie sociale d'une capitale en pleine mutation. Nom, âge, profession, origine, composition du foyer… tout y est. Et tout y parle.
En 1921, alors que Paris atteint son apogée démographique avec 2,89 millions d'habitants - un record jamais égalé - deux tiers de ses résidents ne sont pas nés sur place. «Les Parisiens viennent majoritairement de la moitié nord de la France, précise Sandra Brée, mais on trouve aussi des Bretons, des Bourguignons, des Auvergnats, des Limousins…»
S'y ajoutent les réfugiés russes, les familles juives d'Europe de l'Est, les travailleurs venus de l'Empire colonial. La ville lumière attire, absorbe, promet. Elle aimante aussi les jeunes célibataires et des femmes, dont plus de la moitié déclare un emploi. Peu d'enfants, peu de personnes âgées : Paris séduit celles et ceux qui cherchent du travail, de la liberté, une émancipation.
«Nous sommes tous un peu Parisiens»
Et puis, il y a les noms qui font basculer les statistiques dans le romanesque. En 1931, Édith Gassion, future Édith Piaf, apparaît dans les registres. Elle a 15 ans, est «artiste» et vit au 115 rue de Belleville avec son père divorcé, acrobate au chômage originaire du Calvados, et sa nouvelle compagne, née en Meurthe-et-Moselle. Cinq ans plus tard, on y croise Charles Aznavourian, fils d'exilés arméniens fuyant le génocide, accompagné de sa sœur chanteuse.
«Ces recensements permettent de tirer des fils comme dans une enquête policière, s'amuse Valérie Guillaume, la directrice du musée Carnavalet. Et surtout, il y a de l'émotion : chacun peut y retrouver un ancêtre, un proche. Finalement, nous sommes tous un peu Parisiens», conclut-elle, rappelant que chaque vie, même ordinaire, laisse une trace dans la mémoire de la cité.
Informations pratiques sur l'exposition
Les gens de Paris 1926-1936. Dans le miroir des recensements des populations.
Jusqu'au 8 février 2026 au musée Carnavalet.
Renseignements: www.carnavalet.paris.fr
Et le catalogue très riche, éd. Paris Musées, 224 p. ; 39 €.


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