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À tout juste vingt-cinq jours du scrutin, la présidentielle ivoirienne d'octobre continue de faire l'objet de vives critiques. Au premier rang des contestataires figurent les têtes de liste des principaux partis d'opposition : le PDCI-RDA de Tidjane Thiam et le PPA-CI de Laurent Gbagbo. Plus en retrait, des personnalités également invalidées par le Conseil constitutionnel fustigent un scrutin « non inclusif », à l'instar de Guillaume Soro, jadis Premier ministre d'Alassane Ouattara, ou de Charles Blé Goudé.
Mais, au cours des dernières semaines, un autre argumentaire a fleuri en marge de la contestation. En effet, à mesure que l'échéance approche, les appels dirigés vers la communauté internationale se multiplient. Les protagonistes à l'origine de ces injonctions sont parfois ceux qui avaient le plus durement critiqué son rôle lors de la crise postélectorale de 2010-2011. Objet d'espoir, parfois de fantasme, qu'en est-il vraiment ?
La figure centrale des Nations unies
Dès le mois de juin 2025, une action des Nations unies fut sollicitée par le camp de Tidjane Thiam, puis celui de Laurent Gbagbo en juillet. Les deux partis avaient chacun saisi le Comité des droits de l'homme (CDH), une instance onusienne chargée de veiller au respect des droits politiques à l'international. Mais ledit comité avait adressé, à quelques semaines d'intervalle, une réponse tiède aux grands absents de la liste électorale. Si le CDH a invité l'État de Côte d'Ivoire à « prendre toutes les mesures nécessaires pour que les auteurs puissent exercer leurs droits politiques », il n'a pas donné suite aux demandes visant une réintégration électorale le temps qu'une décision soit prise sur le fond.
À la faveur d'autres actualités, l'ONU est récemment revenue sur le devant de la scène politique ivoirienne. Du fait, d'abord, de l'absence remarquée d'Alassane Ouattara de la 80e assemblée générale de l'organisation. C'est Patrick Achi, ancien homme fort de la primature désormais conseiller spécial du dirigeant, qui a été dépêché à New York. Objectif : laisser au président sortant tout le loisir de se concentrer sur l'élection à venir. Mais, au même moment, le représentant spécial du secrétaire général auprès des Nations unies pour l'Afrique de l'Ouest et le Sahel, Leonardo Santos Simão, commençait sa mission en Côte d'Ivoire. La venue du diplomate a été inaugurée avec sa rencontre avec Alassane Ouattara dans l'enceinte du palais présidentiel. « Le président nous a confirmé que tous les efforts sont déployés pour que les élections se déroulent dans le calme et la sérénité », a-t-il affirmé au terme de leur échange.
Tout sourire aux côtés du chef de l'État, le représentant spécial a poursuivi son cycle de consultations en commençant par les quatre autres candidats en lice pour le 25 octobre. Parallèlement, ce dernier s'est entretenu avec plusieurs leaders absents de l'élection, parmi lesquels Laurent Gbagbo. L'ancien président a lui aussi adressé une lettre ouverte à l'ONU, la Cour pénale internationale et l'Union africaine pour exiger le respect de la Constitution ivoirienne. Quant à ses échanges avec Charles Blé Goudé, le diplomate décrivait un « homme de paix » qui « n'a pas gardé de haine ». Est-ce, toutefois, assez pour susciter l'espoir d'une partie de l'opposition ? Rien n'est plus incertain. Car les Nations unies demeurent alignées avec l'actuel calendrier électoral. « [Nous] continuerons d'accompagner le processus », affirmait Leonardo Santos Simão au sortir de la présidence ivoirienne.
Lobbying et observation internationale
Tidjane Thiam, autre leader au destin malheureux, entend lui aussi faire jouer ses connexions à l'international. Pour l'y aider, le président du PDCI-RDA s'est offert les services de deux cabinets de lobbying américains pour un montant de 290 000 dollars. Thiam a ainsi pu plaider sa cause auprès d'éminents officiels de Washington et égrainer son plaidoyer dans les colonnes de médias de renom, tel Bloomberg. Longuement détaillé par le magazine Jeune Afrique, le recours à de telles structures est loin d'être inédit en Côte d'Ivoire. L'État ivoirien porte une stratégie similaire pour resserrer ses liens avec les décideurs politiques américains.
Dans la droite ligne de ces actions, un récent sondage est venu conforter l'argumentaire de l'opposition. Publiée par la firme américaine The Messina Group, l'étude – réalisée du 13 août au 3 septembre 2025 – affirme que 66 % des électeurs d'Alassane Ouattara souhaiteraient voir Tidjane Thiam concourir lors de l'élection d'octobre, contre 55 % s'agissant de Laurent Gbagbo. Plus loin, le sondage donne même le leader du PDCI-RDA vainqueur au second tour. Une projection qui fait les bonnes affaires de l'opposant en mission outre-Atlantique. Mais, comme la plupart des études privées, celle-ci répond en premier lieu à une commande.
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D'une façon moins prospective, l'élection du 25 octobre fera l'objet d'observations internationales. Les demandes d'accréditation auprès de la Commission électorale indépendante (CEI) sont en cours d'enregistrement. Sur un financement de l'Union européenne, mille observateurs de la société civile devraient être répartis par zone géographique. Quatre cents d'entre eux seront en théorie rattachés au Conseil national des droits de l'homme ivoirien quand le reste sera affilié à diverses organisations de la société civile, à l'image du West Africa Network for Peacebuilding (Wanep). La plupart des chancelleries européennes devraient également accréditer quelques membres de leur personnel. Les États-Unis souhaitent, quant à eux, porter leur nombre d'observateurs à une soixantaine. De son côté, la France n'accréditera personne dans un souci de neutralité vis-à-vis du processus électoral. Cependant, aucune large campagne d'observation composée d'experts internationaux ne devrait prendre place.
C'est donc dans cet agenda tardif que le front commun entre le PDCI-RDA et le PPA-CI a formé un nouvel appel à manifester, prévu le samedi 4 octobre. Si « toutes les forces vives » de Côte d'Ivoire sont conviées, la marche, dont on ignore le lieu, doit encore être autorisée. Le même jour, des opposants de la diaspora comptent également protester devant les bureaux d'Amnesty International à Paris.
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Enzio 02-10-2025 • 09h15
On peut se poser une autre question - sans exclure que quatre mandats et surtout l'âge des prétendants de tous bords posent question : comment des gens comme Laurent Gbagbo, son épouse la "tendre" Simone, et des Charles Blé Goudé osent encore prétendre au pouvoir, tous encore engagés dans des poursuites judiciaires et promus à l'époque par le parti socialiste du moment... ? Mais c'est l'affaire des Ivoiriens, à eux de décider. De toute façon, notre avis n'est pas forcément le bien venu...
J'ai lu cet article et je me demande pourquoi un journal aussi sérieux que le point ne traite pas le fond du problème : l'illégalité du 4e mandat de Ouattara et son son règne autoritariste ?
l'Occident, notamment Sarkozy, l'avait installé à coup de bombardements à la tête de la CI en 2010. Entretemps il s'est mué en
dictateur qui ne tolère aucune opposition à son régime. Il exclu des candidtats majeus de la course en lieu et place du peuple. Il fait régner la terreur par des enlèvements récurrents, emprisonnement à tour dd bras, par l'oppression de toutes manifestations de l'opposition. Et vous faites un papier ci plat ?
Ces élections présidentielles en Côte d'Ivoire, c'est d'abord l'affaire des Ivoiriens.
Y a-t-il eu des manifestations massives pour protester contre l'exclusion de 3 des principaux candidats ?
Apparemment même pas.
Si les Ivoiriens qui sont les premiers concernés ne font pas entendre fort leurs voix, alors quoi d'étonnant que l'ONU non plus ne bouge pas ?