Temps de lecture : 4 min
-
Ajouter à mes favoris
L'article a été ajouté à vos favoris
- Google News
L'extrême droite préfère les défaites à la France, c'est l'explication de son insuccès. D'ailleurs, l'extrême droite existerait-elle sans les mauvaises passions de ses partisans ? Dans Technique du coup d'État, Curzio Malaparte disait de Hitler et de Mussolini qu'ils avaient un point commun : la jalousie. L'envie de tout ce qu'ils n'avaient pas et de tout ce qu'ils n'étaient pas. Une envie qu'aucune conquête ni aucun crime n'ont rassasiée, et qui explique en partie le nihilisme meurtrier dans lequel ils se sont réfugiés.
Baptiste Roger-Lacan a dirigé une Nouvelle Histoire de l'extrême droite* qui fera date. Accompagné par de jeunes chercheuses et chercheurs, il peint à fresque la postérité d'une idée qui se définit par sa plasticité, de la Révolution française à nos jours. L'extrême droite réinvente ses combats et convictions au gré de ses défaites et déceptions. Le décor et les personnages changent, la mise en scène reste. Quelle est-elle ? L'exclusion, la persécution. Et cela s'explique : personne ne veut de ses idées, tout simplement parce qu'elles sont inhumaines. Ne pouvant ni fédérer ni agréger, l'extrême droite élimine. Comme quoi l'histoire répond parfois à des règles mathématiques.
Le coup d'État des parlementaires en 1940
En France, elle n'a jamais eu le pouvoir, à deux exceptions près. En 1824, le roi le plus bête de l'histoire de France monte sur le trône : Charles X, dernier frère de Louis XVI. Il s'entoure d'ultraroyalistes convaincus, dépense une énergie considérable à restaurer le cléricalisme et l'aristocratie dans son prestige. Le tout dans une cacophonie politique, stratégique et morale. L'expérience dure moins de six ans et se termine par une abdication à l'image du règne : sans honneur ni panache.
Un peu plus d'un siècle plus tard, une alliance de brigands, de canailles et d'assassins s'empare de la France à la faveur de la défaite de 1940. Dans une contribution remarquable, Baptiste Roger-Lacan et Anne-Sophie Anglaret rétablissent les faits. Si des personnalités de gauche ont participé à l'avènement du maréchal Pétain, la droite n'a pas de quoi se vanter, puisque 95 % de ses parlementaires ont voté la délégation des pleins pouvoirs. Il n'est d'ailleurs pas inutile de rappeler que, d'un point de vue constitutionnel, cette assemblée n'avait pas le droit de voter les pleins pouvoirs, ni à Pétain ni à personne d'autre. En quoi cette équipée pathétique est aussi un coup d'État. On renvoie, sur ce point, à l'excellent livre de Bertrand Renouvin consacré à la question, Vichy, Londres et la France.
Le régime de Vichy, s'il ne fut pas formellement fasciste, fut ouvertement dégueulasse. Immédiatement dégueulasse. Avant même d'exister. La décadence n'attend pas. C'est le problème des gens mal élevés, ils mettent un point d'honneur à vous le faire savoir avant même de passer à table. Pétain est nommé président du Conseil le 16 juin 1940 ; le lendemain, il ordonne l'arrestation du député Georges Mandel, ancien ministre de l'Intérieur, sans raison, sans justification, sans formalisation, sans, bien sûr, en avoir le droit. Voilà comment un État de droit bascule dans la junte en vingt-quatre heures.
Cette anecdote résume à elle seule l'extrême droite, l'écart entre ses prétentions – l'honneur, le courage, la France – et ses actes – la méchanceté, la mesquinerie, l'abus –, toute chose qui renvoie à l'idée que l'on se fait de l'abaissement. La disparition totale et tragique de la noblesse, de l'élégance, de l'intelligence. Pour le triomphe de la cruauté. Et on comprend que des résistants aient préféré mourir au lieu d'assister à un pareil spectacle, donné chez eux, par des gens qui se prétendaient français quand ils ont en réalité été les maquignons de son histoire.
À LIRE AUSSI Vichy, la ville où l'Histoire ne passe pasCette Nouvelle Histoire de l'extrême droite n'a pas que des mérites scientifiques. Elle est aussi d'une rare ampleur intellectuelle. Elle dessine le paysage commun d'une idéologie antifrançaise depuis le XVIe siècle. Des aristocrates ligués contre la monarchie, prêts à toutes les bassesses pour satisfaire un orgueil de scélérat, ont joué leur comédie à plusieurs reprises. En s'alliant avec l'étranger pour faire tomber leur roi. Avant de faire semblant de le défendre quand Louis XVI avait véritablement besoin d'eux. Car, comme le rappelle Clément Weiss, le 10 août 1792, ils étaient quelques dizaines à protéger le palais des Tuileries aux côtés des Gardes suisses. Voilà tout ce qu'il restait du courage de la chevalerie française.
À Découvrir
Le Kangourou du jour
Répondre
Cette déroute de l'Ancien Régime sera le récit fondateur d'une martyrologie colportée aux XIXe et XXe siècles. Depuis, l'extrême droite chemine à l'arrière de la France, avec son contingent de traînards qui, au bout d'une ficelle, trimballent une quincaillerie invendable de défaites, de postures et d'humiliations.
* « Nouvelle Histoire de l'extrême droite », Baptiste Roger-Lacan (dir.), éd. Seuil, 2025.
Je ne sais pas si le bouquin évoqué a un intérêt scientifique, mais je peux garantir que cet article n'en a pas.
LibertéEgalitéFlashball 15-10-2025 • 13h44. Aucune comparaison n'est possible entre Pétain et de Gaulle. Tentons d'oublier l'inculture, les excès, les manipulations et les passions actuelles qui se permettent de juger Pétain sans savoir. Dans l'entre deux guerre, Pétain était un demi-dieu. C'était le vainqueur de Verdun (on n'oubliera pas d'y associer les "bouchers" Nivelle et Mangin) et il avait sauvé des milliers de vie au "Chemin des Dames" en remplacement de Nivelle, ce dont se souvenaient les poilus. Sa notoriété était telle que dans l'armée on le surnommait "l'imperator". Puis vint la 2ème guerre mondiale et l'Assemblée Nationale donna les pleins pouvoirs à ce Maréchal devenu vieillard sénile. A Londres, de Gaulle disait à Churchill qui résonnait encore sur Pétain : "Arrêtez avec Pétain. Pétain, c'est 2 heures par jour". Il est exact que le médecin de Pétain demandait que les visites lui soient réservées exclusivement le matin. Pétain aggrava de sa propre main le statut des Juifs, mais pour le reste c'est Laval qui était aux commandes, ce que l'on a tendance à oublier. Donc Pétain fut une immense gloire qu'il serait malhonnête d'oublier puis le déshonneur qu'il serait scandaleux de nier, ce qui n'est pas le cas de de Gaulle (qui a bien connu Pétain, mais c'est là une autre histoire... ).
@Aveltan
Merci de vous calmer et de lire "mouvements bretons pendant l'occupation" sur wikipédia qui montre bien ce qu'était le parti national socialiste breton a cette époque.
Par contre, d'autres mouvements bretons ont été des résistants.
Un de mes oncles était breton bretonnant (omnes) et vivait à Rennes : il était nationaliste sans être fasciste.
Sa mère parlait breton et pas un mot de français et j'avais droit à du chouchen au petit déjeuner.