Ne bâillonnons pas le débat sur l’écologie

TRIBUNE. Des députés et des journalistes s’alarment de la volonté de légiférer contre la « désinformation climatique ». Ils y voient une dangereuse tentative de museler le débat public et la liberté de la presse, au nom d’une vérité scientifique unique.

Collectif*

Pour les betteraviers, l'acétamipride était le moyen le plus efficace de lutter contre la jaunisse transmise par les pucerons.
Pour les betteraviers, l'acétamipride était le moyen le plus efficace de lutter contre la jaunisse transmise par les pucerons. © Alamy Stock Photo

Temps de lecture : 6 min

Quarante-quatre parlementaires ont récemment signé dans Ouest-France un appel à « légiférer contre la désinformation climatique », relayant les thèses de l'ONG QuotaClimat.

La newsletter débats et opinions

Tous les vendredis à 7h30

Recevez notre sélection d’articles tirée de notre rubrique Débats, pour comprendre les vrais enjeux du monde d’aujourd’hui et de notre société

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Sous le couvert de « protéger le droit à l'information », ce texte menace en réalité deux piliers de notre démocratie : la liberté de la presse et le pluralisme du débat public.

L'écologie est une question trop sérieuse pour être réduite à un dogme. Trop importante pour être confiée à une police de la pensée qui déciderait ce qu'il est « raisonnable » ou non d'écrire.

À LIRE AUSSI Qui est QuotaClimat, la petite association qui veut dicter l'information climatique ?Pour décrire ce qui est raisonnable, les signataires de la tribune reviennent sur le débat autour de l'acétamipride, un insecticide autorisé par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) dans toute l'Union européenne. La loi Duplomb, fortement débattue, proposait d'harmoniser la législation française sur celle des 26 autres pays membres de l'UE. D'autres institutions en France ont émis un avis différent, favorable au maintien de son interdiction. Il y a donc débat sur ce sujet. Mais selon les signataires, la « science » imposait aux journalistes qui informaient sur la loi Duplomb de privilégier les arguments de certains organismes à ceux de l'EFSA.

Atteinte à la liberté de penser et d'informer

Dans un raccourci aussi saisissant qu'effrayant, les opposants au texte ont affirmé, en prétendant s'appuyer sur la science, que ceux qui voteraient pour voteraient pour… le cancer ! Dans une sorte de « trumpisme vert », certains n'ont pas hésité à remettre en cause la validité des avis de l'EFSA, en laissant entendre que cette agence européenne publique n'était pas indépendante. Pourtant, des scientifiques ont dénoncé les biais dans les études sur l'acétamipride fournies par certaines ONG écologistes, d'autres ont mis en évidence que le lien entre acétamipride et cancer n'avait pas de fondement.

Faut-il désormais considérer que relayer ces analyses, issues de scientifiques chevronnés, constitue une « désinformation » ? Qui sera légitime pour imposer une « vérité scientifique » ?

Sous le couvert de lutter contre la désinformation, la tribune de Quota Climat et de 44 parlementaires entend contraindre la presse à trier les différentes études scientifiques : celles qui vont dans le sens d'une idéologie qui prône la décroissance et les autres, qui devraient être systématiquement écartées. Elle traduit une scandaleuse tentative d'atteinte à la liberté de penser et d'informer.

À LIRE AUSSI Ne confondons pas pétition de scientifiques et méthode scientifique !Récemment, un historien des sciences, abondamment relayé par des grands médias comme Le Monde ou France Inter, a remis en cause les rapports du Giec sur le climat au motif qu'ils intégreraient trop – selon lui – les solutions technologiques pour baisser les émissions de gaz à effet de serre. Quelle vision les médias devraient-ils privilégier ? Vont-ils devoir demain escamoter les avis du Giec, parce qu'ils ont le malheur de déplaire aux tenants de la décroissance ?

La réalité est simple : les études scientifiques ne sont pas toujours univoques. Une étude peut contredire une autre. L'état des connaissances évolue. C'est pourquoi le rôle du journalisme n'est pas de sacraliser une vérité unique, mais de rendre compte de la complexité, des incertitudes et des débats scientifiques.

Qualifier trop vite de « désinformation » ce qui contredit une thèse militante, c'est réduire au silence les journalistes, les chercheurs, les responsables publics qui s'écartent de la ligne idéologique dictée par quelques ONG ou partis politiques.

C'est aussi trahir la science, qui n'avance que par confrontation d'hypothèses et par débats ouverts.

À LIRE AUSSI Cancérologues, nous ne signerons pas les pétitions contre la loi Duplomb et l'interdiction de l'acétamipride
La crise climatique comme les enjeux de la pollution de l'eau, de l'air ou des sols, ou encore les pertes de biodiversité, invitent chaque jour davantage les décideurs politiques à prendre des décisions fortes. Mais elles ne peuvent reposer que sur une démocratie ouverte, où les citoyens sont éclairés par un débat contradictoire.

À Découvrir Le Kangourou du jour Répondre Ce n'est pas en instaurant une police médiatique, comme le propose Quota Climat, que l'on combattra les fausses informations, mais en renforçant l'expression scientifique pluraliste et le journalisme rigoureux.

Premiers signataires : François de Rugy, ancien ministre de l'Écologie ; Laurent Lesage, grand reporteur ; Géraldine Woessner, rédactrice en chef au Point ; Antoine Copra, directeur de la rédaction de Les Électrons Libres. Cosignataires : Olivier Becht, député du Haut-Rhin, ancien ministre (Ensemble pour la République) ; Anne-Laure Blin, députée du Maine-et-Loire (Droite républicaine) ; Éric Bothorel, député des Côtes-d'Armor (Ensemble pour la République) ; Ian Boucard, député du Territoire de Belfort (Droite républicaine) ; Yves Bourdillon, journaliste (Les Échos) ; Bertrand Bouyx, député du Calvados (Horizons) ; Lionel Causse, député des Landes (Ensemble pour la République) ; Élisabeth de Maistre, députée des Hauts-de-Seine (Droite républicaine) ; Anne Denis, ingénieure agronome, journaliste ; Julien Dive, député de l'Aisne (Droite républicaine) ; Emmanuelle Ducros, journaliste (L'Opinion) ; Jean-Sébastien Ferjou, journaliste (Atlantico) ; Nicolas Forissier, ministre délégué au Commerce extérieur, député de l'Indre (Droite républicaine) ; Anne Genetet, députée des Français établis hors de France, ancienne ministre (Ensemble pour la République) ; Justine Gruet, députée du Jura (Droite républicaine) ; Édouard Hesse, essayiste (Slate, Atlantico) ; Pierre Henriet, député de Vendée (Horizons) ; Patrick Hetzel, député du Bas-Rhin, ancien ministre (Droite républicaine) ; Sébastien Huyghe, député du Nord (Ensemble pour la République) ; Vincent Jeanbrun, ministre de la Ville et du Logement, député du Val-de-Marne (Droite républicaine) ; Guillaume Kasbarian, député d'Eure-et-Loir, ancien ministre (Ensemble pour la République) ; Yann Kerveno, journaliste (Le Parisien, La Tribune Montpellier) ; Nicole Le Peih, députée du Morbihan (Ensemble pour la République) ; Éric Liégeon, député du Doubs (Droite républicaine) ; Mac Lesggy, ingénieur agronome, journaliste (E = M6) ; Cécile Maisonneuve, éditorialiste (L'Express, Les Échos) ; Sandra Marsaud, députée de Charente (Ensemble pour la République) ; Laure Miller, députée de la Marne (Ensemble pour la République) ; Christelle Minard, députée d'Eure-et-Loir (Droite républicaine) ; Jérôme Nury, député de l'Orne (Droite républicaine) ; Karl Olive, député des Yvelines (Ensemble pour la République) ; Pascal Perri, journaliste (LCI) ; Jean Quatremer, journaliste (Libération) ; Anne-Sophie Ronceret, députée des Yvelines (Ensemble pour la République) ; Peggy Sastre, docteure en philosophie des sciences, journaliste ; Raphaël Schellenberger, député du Haut-Rhin (Non Inscrit) ; Benjamin Sire, rédacteur en chef de Les Électrons Libres ; Jean-Pierre Taite, député de la Loire (Droite républicaine) ; Liliana Tanguy, députée du Finistère (Ensemble pour la République) ; Jean-Louis Thiériot, député de Seine-et-Marne, ancien ministre (Droite républicaine) ; Stéphane Travert, député de la Manche, président de la commission des Affaires économiques, ancien ministre (Ensemble pour la République) ; Frédéric Valletoux, député de Seine-et-Marne, président de la commission des Affaires sociales, ancien ministre (Horizons) ; Stéphane Varaire, vulgarisateur scientifique (Terre à Terre).

À ne pas manquer

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaires (13)

  • yakfokon

    Dictature islamo gauchiste, c’est ça l’écologie.

    les punitions ça suffit, il faut renvoyer ces ayatollahs verts à ce qu’ils représentent, soit moins de 5% ! C’est comme les socialistes avec leur 1, 7% qui gouvernent… ! Il est grand temps de redonner le pouvoir au peuple. La tyrannie de la bien pensance bobo ecolo ça suffit.

  • gillmi44

    L’indépendance de la presse vue par Ouest France

  • hmrmon

    Bien beau, au nom du pluralisme, pilier de la démocratie, encore nier l'existence de ce mur climatique vers lequel nous fonçons ostensiblement. Une fois dedans, on pourra toujours se dire. Ouf ! Jusqu'au bout, le pluralisme a prévalu !