Et au final, Lollapalooza à Paris, ça donnait quoi ?

Le célèbre festival a posé ce week-end ses valises en France. Un événement taillé pour les stories Snapchat, loin de l'esprit underground des débuts.

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Illustration de la premiere edition parisienne du Festival Lollapalooza : Hippodrome de Longchamp, Paris//URMAN_URMAN1606005/Credit:LIONEL URMAN LIONEL/SIPA/1707231617
Illustration de la premiere edition parisienne du Festival Lollapalooza : Hippodrome de Longchamp, Paris//URMAN_URMAN1606005/Credit:LIONEL URMAN LIONEL/SIPA/1707231617 © LIONEL URMAN LIONEL/SIPA / SIPA

Temps de lecture : 7 min

Des paillettes au coin des yeux, de jeunes loubards musclés en débardeurs, une avalanche de crop tops et beaucoup, beaucoup d'anglophones… L'hippodrome de Longchamp, à Paris, avait un petit côté hollywoodien ce week-end pour la première édition du Lollapalooza français. Le festival a attiré foule d'étrangers : ils représentaient même plus de la moitié des tickets vendus selon Live Nation, l'organisateur de l'événement. Certains comme Ravi, un Indien, ont carrément intégré « Lolla » dans leur voyage organisé en Europe.

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Que l'événement attire une « clientèle » internationale est finalement plutôt logique. Devenu une véritable marque qui s'exporte partout dans le monde, le festival américain s'est installé en Argentine, au Chili, au Brésil et en Allemagne, avant de débarquer chez nous. On est loin du concept des origines, celui d'un festival itinérant créé dans les années 90 par Perry Farrell, qui avait voulu organiser une tournée événement autour de son groupe, Jane's Addiction, pour fédérer en quelques dates la scène underground. Depuis sa reprise en 2005 en partenariat avec C3 Presents, une grosse entreprise de divertissement, Lollapalooza a pris une autre ampleur. Des débuts, il ne reste plus grand-chose, sinon le fameux logo rouge et vert immédiatement reconnaissable, qui s'affiche à l'entrée sur des palissades colorées, et la scène électro du « Perry's Stage ». Pas sûr que ce pionnier de la scène underground apprécie d'être associé à la seule scène dédiée à l'electronic dance music (EDM) !

Côté artistes, promesses tenues

Avec son édition parisienne, l'organisateur Live Nation a fait profiter les Français (et beaucoup d'étrangers, donc) de son généreux carnet d'adresses en matière d'artistes. Sa programmation musclée mêle vedettes de l'EDM (Martin Solveig, Dj Snake...), mastodontes de la pop culture (The Weeknd, Lana Del Rey, Imagine Dragons), vieux dragons du rock anglophone (Pixies, Red Hot Chili Peppers) et même, posés comme un cheveu sur la soupe au milieu de la programmation, les rappeurs marseillais d'IAM. Un grand nombre d'artistes ne sont venus que très rarement en France et Lollapalooza n'a donc pas manqué de créer le buzz.

Force est de reconnaître que, de ce point de vue là, le festival a tenu ses promesses. Si The Weeknd a livré un spectacle minimal le samedi soir, les Red Hot Chili Peppers en ont mis plein la vue aux valeureux ayant osé braver la pluie du dimanche soir. Ceux dont les playlists sont restées bloquées dans les années 90 en ont eu pour leur argent avec un « Wonderwall » d'anthologie interprété par la moitié d'Oasis, Liam Gallagher, et l'incontournable « Where Is My Mind » en guise de final du concert des Pixies.

Dans les années 90, jouer à Lollapalooza signifiait percer dans l'industrie musicale. Ce n'est plus vraiment le cas aujourd'hui, mais le festival conserve une certaine aura - comme en a témoigné le concert survolté des Suédois de The Hives. « C'est le premier concert des Hives au Lollapalooza à Paris », s'extasiait samedi après-midi auprès de la foule le leader du groupe, Pelle Almqvist, vêtu comme ses acolytes de blanc et de noir.

50 groupes, 4 scènes et quelques ratés

Si l'affiche semble belle, importer le modèle des festivals à l'anglaise ne se fait pas sans difficulté. Ici, les concerts commencent à 12 h 30 et se terminent à 23 h 30, soit bien plus tôt que dans les autres gros festivals où les festivités s'achèvent en général vers 2 ou 3 heures du matin . Pour condenser plus de 50 artistes en deux jours, Lollapalooza a choisi d'installer quatre scènes : deux principales où se relayaient les têtes d'affiche, la fameuse « Perry's Stage » à l'autre bout de l'hippodrome, et une « alternative stage », postée au milieu du festival.

Sur cette scène de taille modeste, le son de faible ampleur parvenait difficilement à couvrir les basses des autres concerts du site se déroulant au même moment. Ce qui n'a pas été particulièrement dérangeant pendant IAM, fort en beats et en basses, l'a notamment été pendant le live de London Grammar. Censé être planant et aérien, le set du groupe anglais a malheureusement été pollué par des bruits parasites. D'ailleurs, dans tout le festival, il fallait se poster près de la scène pour entendre correctement les groupes. Un phénomène qui semble avoir passablement agacé Liam Gallagher, qui n'a pas hésité, hors micro, a réclamé plus de son au milieu de son set.

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Walk off the Earth au Festival Lollapalooza  © LIONEL URMAN/SIPA LIONEL URMAN/SIPA / SIPA

Pour tenir la cadence effrénée de la programmation, l'organisation a également fait le choix d'alterner les lives entre les deux grandes scènes sans une seconde de répit. Habituellement, les festivals laissent une dizaine de minutes de battement entre deux concerts pour permettre au public de reprendre ses esprits et garder un peu de marge pour les artistes au cas où. Résultat ? Des shows millimétrés la plupart du temps… ou des déceptions comme lors de ce concert du groupe folk Walk Off The Earth, qui voulait entamer une reprise des Champs-Élysées de Joe Dassin. « On nous dit qu'on a pas le temps », a lancé le chanteur dépité. Reste une (grande) satisfaction : la longue durée des sets des têtes d'affiche, 1 h 30 voire 1 h 45 pour les Red Hot Chili Peppers. Autant dire que le festivalier n'a pas l'impression de se faire voler !

Taillé pour les stories Snapchat

L'expérience du Lollapalooza ne saurait se résumer qu'aux simples concerts. Entre les stands promotionnels, la tente merchandising ou l'espace « Lolla Chef » dédié aux fins gourmets au porte-monnaie bien rempli, le festivalier se retrouve embarqué dans une « expérience » façonnée pour les photos Instagram et les stories Snapchat. D'où cette étrange impression que les concerts ne servent parfois qu'à exhiber ses pectoraux saillants ou ses couronnes de fleurs, le smartphone à portée de main. Le tout, devant des artistes taillés pour le buzz - mention spéciale pour Walk Off The Earth qui s'est payé le luxe de se fabriquer une bande-annonce pour sa tournée en plein live.

Pour faire encore plus joli sur les clichés, une tour Eiffel miniature d'une dizaine de mètres de hauteur a même étéinstallée au milieu du festival. Personne ne s'en plaindra : l'édifice a parfaitement rempli son rôle de point de rendez-vous ultime pour retrouver ses amis festivaliers. Le monument n'aura cependant pas résisté aux velléités de quelques petits malins ayant escaladé la réplique. Résultat : le dimanche, les mini-pieds de l'édifice étaient grillagés et bardés d'agent de sécurité… comme la vraie, en somme.

Si une attention particulière a été portée à la réplique de la tour Eiffel, il ne semble pas en avoir été de même pour les toilettes. Le temps d'attente monstrueux pour pouvoir profiter des cabines femmes, près d'une heure de queue parfois, en a fait jaser plus d'une. L'organisation du festival a même dû s'excuser sur Twitter en promettant de corriger le tir - ce qui fut effectivement le cas le dimanche où les files d'attente s'étaient raccourcies.

À Découvrir Le Kangourou du jour Répondre Mais à 80 euros la place par soirée - soit près de 40 % plus cher qu'un ticket de festival standard -, la pilule est unpeu dure à avaler. Sans subvention, mais avec des têtes d'affiche monstrueuses, le festival a fixé un prix élevé pour pouvoir rentrer dans ses frais. S'il a bien fonctionné (110 000 spectateurs en deux jours), difficile de savoir si Lollapalooza a phagocyté les autres manifestations françaises. C'est à la fin de la saison, en scrutant le succès de Rock en Seine, que l'on pourra véritablement évaluer l'impact de cette première édition sur les habitudes des amateurs de concerts.

L'organisation parfois décevante vient donc ternir cette première édition forte en groupes rares et chers. Au-delà de la musique, difficile également de se défaire de cette impression désagréable de participer malgré soi à l'entreprise d'invasion d'une pop culture mondialisée et impersonnelle. Pour apprécier pleinement Lollapalooza, sans doute faut-il accepter de s'immerger dans ce qui tient plus de la carte postale pour clientèle internationale que du festival de musique tel qu'on a l'habitude de les concevoir en France. Reste qu'en matière de programmation, Lollapalooza a fait le job. Et c'est peut-être ce qui compte ?

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Commentaires (4)

  • jzaffa

    On peut tergiverser sur l aspect commercial, le son, les wc... Personnellement je ne suis pas un habitué des festivals et j y étais et j ai passé un super moment. Le reste...

  • berdepas

    " Le célèbre festival a posé ce week-end ses valises en France. Un événement taillé pour les stories Snapchat, loin de l'esprit underground des débuts. "Pas possible de dire la même chose avec des mots français ?

  • TSF

    Avec le groupe la femme... Un desastre