Phoenix : “On s'est posé la question de la futilité de notre travail”

Thomas Mars et Deck D'Arcy, chanteur et bassiste du groupe, évoquent en profondeur leur album Ti Amo, composé non sans un certain sentiment de culpabilité.

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De gauche à droite, Christian Mazzalai, Laurent Brancowitz, Thomas Mars et Deck D'arcy, les membres de Phoenix.
De gauche à droite, Christian Mazzalai, Laurent Brancowitz, Thomas Mars et Deck D'arcy, les membres de Phoenix. © Neilson Barnard / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Temps de lecture : 6 min


Quatre ans après Bankrupt !, Phoenix rempile avec Ti Amo en vente le 9 juin, album aux accents italiens jusque dans les titres des chansons. Les amateurs ont eu un avant-goût de leur travail avec J-Boy, leur premier single dévoilé jeudi. Le Point Pop les a rencontrés à La Gaité Lyrique, à Paris, lieu d'enregistrement de ce septième disque. Détendus et souriants, les Versaillais sont à l'aube d'une tournée mondiale qui les emmènera aux quatre coins du monde et qui culminera le 29 septembre à l'Accorhotels Arena de Bercy à Paris. Désormais ambassadeurs de la french touch dans le monde entier, ces copains des Daft Punk sont pourtant restés très accessibles. Le quatuor aime composer au hasard un binôme différent pour chaque interview, signe d'une complicité toujours intacte même après 20 ans de vie commune. À la lotterie, nous sommes tombés sur Deck D'Arcy, le bassiste, et Thomas Mars, le chanteur.

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Le Point Pop : Du titre de l'album au nom de certaines chansons en passant par la pochette, on ressent une forte influence italienne sur ce dernier album…

Deck D'Arcy : On écoute de plus en plus de musique italienne, on a aussi deux frères un peu italiens dans le groupe… Nous exposons une vision fantasmée de l'Italie qui nous sert de support esthétique pour faire de la musique.

Thomas Mars : Quand on a commencé à réfléchir à l'album, nous avons pas mal cogité pendant trois mois sur la palette d'instruments que nous allions utiliser. La question de la langue est arrivée à ce moment-là, comme un jeu, un challenge. Sur chaque album, on essaie de trouver un langage qui nous soit propre et singulier.

Au moment de commencer l'écriture de cet album, vous dites avoir eu l'impression de voir le monde s'écrouler sous vos yeux, à cause d'un contexte géopolitique tendu. Qu'avez-vous voulu dire ?

Thomas Mars : Nous avons ressenti un léger sentiment de culpabilité. On s'est posé la question de la futilité de ce que nous faisions. On voyait bien que les morceaux qu'on privilégiait étaient légers, joyeux, en totale contradiction avec ce qui se passe à l'extérieur. Comment en est-on arrivés là ? Je pense qu'il nous a fallu assumer ce côté hédoniste, on ne voulait pas le rejeter.

La plupart des morceaux de l’album sont nos premières prises, qu’on a toilettées.

Comment votre manière de composer a-t-elle évolué ?

Deck D'Arcy : On a peut-être davantage passé de temps à l'enregistrement, avec toujours pour but d'essayer de garder l'idée première. Elle est fragile, il faut la recueillir, on peut vite la perdre. Sur nos premiers albums, on la perdait systématiquement. Et plus on avance, plus on arrive à garder notre idée originelle. D'ailleurs, la plupart des morceaux de l'album sont nos premières prises, qu'on a toilettées, nettoyées… Comme quand on cueille un fruit, on ne le mange pas tout de suite, on le rince. Là, c'est pareil.

Thomas Mars : Ce qui comptait, c'était le premier geste, la première émotion. C'est celle-là qu'on voulait garder et archiver dans le studio, dans notre dictaphone géant.

Deck D'Arcy : On avait vu un documentaire sur le chef d'un restaurant, El Bulli, et il travaille un peu comme nous : il fait des mini-recettes, il les classe, il les prend en photo, tout ça pour traiter la masse d'information accumulée.

Pour la première fois, vous avez aussi fait appel à un autre collaborateur, Dodi Al Sherbini…

Thomas Mars : C'est un artiste très underground, français, de notre âge, qui s'est mis tard à la musique.

Deck D'Arcy : On a découvert ses chansons pendant qu'on faisait l'album. On a adoré et on s'est dit que pour une fois, on allait demander à quelqu'un de nous aider, au lieu de prendre un producteur connu. On l'a impliqué et il a beaucoup apporté, surtout des arrangements.

Thomas Mars : On lui a un peu pourri ses vacances aussi ! Comme il allait souvent en Italie, on lui faisait filmer des villes un peu obscures… même si on ne sait pas encore ce qu'on va faire des vidéos.

Notre projet de tournée est ambitieux.

En écoutant Ti Amo, on a l'impression que vous tracez votre sillon, en étant imperméables à ce qui se fait aujourd'hui. Qu'est-ce que vous écoutez ?

Deck D'Arcy : Quand on fait un album, on n'écoute pas beaucoup de musique.

Thomas Mars : Dans les moments en studio, il est plus simple d'être inspiré par autre chose que de la musique. Ciné, bouquin, cuisine…

Vous avez quand même des influences musicales ?

Ti Amo, le nouveal album de Phoenix. ©  EMI
Ti Amo, le nouveal album de Phoenix. © EMI

Thomas Mars : Oui, d'ailleurs on les cite à l'intérieur des morceaux, comme sur la chanson Ti Amo où on parle des Buzzcocks et de Battiato (respectivement groupe anglais de punk/new wave et un compositeur italien, ndlr). Nos influences ce sont aussi d'autres morceaux construits de la même manière, des mises en abyme comme Ballad of Dorothy Parker de Prince ou New Age du Velvet Underground.

À quoi ressemblera votre tournée ?

Deck D'Arcy : On a un projet ambitieux qui sera révélé bientôt… On ne veut pas en parler tout de suite, mais on a la chance de pouvoir développer l'aspect visuel sur scène.

Vous allez mettre des hologrammes, comme Jean-Luc Mélenchon ?

(Rires)

Deck D'Arcy : Non, notre challenge c'est d'essayer de faire un truc pas trop ringard.

Thomas Mars : On éprouve une certaine frustration des tournées américaines ultra-segmentées, sectionnées, où il faut avoir des bracelets VIP pour être à tel rang, ou l'expérience dépend du prix… On veut mettre en avant sur scène le fait qu'on soit musiciens. Ce que l'on va jouer se verra différemment selon l'angle où l'on se trouve dans le public. Mais je n'en dis pas plus.

C'est vrai qu'aujourd'hui pas mal d'artistes appuient sur des boutons pour faire de la musique…

Thomas Mars : C'est ça, on est arrivés au bout de quelque chose. On avait fait une tournée assez traumatisante en Australie dans le monde de l'EDM (electronic dance music, ndlr).

À Découvrir Le Kangourou du jour Répondre Deck D'Arcy : C'était le cliché du DJ qui branche sa clé USB… Mais bon tout rentre dans l'ordre, j'ai l'impression que ça attire moins de gens.

Thomas Mars : Je me souviens d'un festival où on était les seuls à avoir des instruments de musique. Un artiste, que je ne citerai pas, était sur scène simplement avec sa clé USB sur son ordinateur. Il faisait son truc, autour il y avait d'énormes feux d'artifices… et son technicien, derrière, caché, jouait à Candy Crush pendant le concert ! C'est là qu'on s'est dit : plutôt que de créer de la distance avec un truc massif, on va insister sur la musique.

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