Une étudiante lisant et prenant des notes ©Getty - d3sign
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Les 18-25 ans appartiennent à la tranche d’âge où les troubles mentaux sont le plus majorés par rapport à la population générale. Des souffrances pouvant impacter la santé autant que la réussite de leurs études.

Avec
  • Marie Rose Moro, pédopsychiatre, Professeure de l’Université Paris Cité, Cheffe de service de la Maison de Solenn, Maison des adolescents de l’Hôpital Cochin (AP-HP)

Dans ce hors série "Santé mentale des jeunes : l'état d'urgence" de Carnets de santé, Marina Carrère d'Encausse reçoit Marie Rose Moro, qui dirige la Maison de Solenn de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris, pour se pencher sur la santé mentale de 0 à 25 ans à l’aide de témoignages de France Culture. Elles consacrent ce dernier épisode à la santé mentale des étudiants, les 18-25 ans étant de plus en plus affectés par les bouleversements liés à la transition à l’âge adulte, aux pressions scolaires et financières ou au sentiment de solitude.

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Selon une nouvelle étude, les jeunes appartenant à cette tranche d'âge sont de fait beaucoup plus confrontés à des problèmes de santé mentale que les autres groupes. 59% d’entre eux déclarent être souvent "épuisés, sans énergie", 58% "anxieux", et 48% se disent "souvent tristes, déprimés". Et les passages aux urgences pour "idées suicidaires" sont en augmentation constante. Des souffrances qui se voient nettement plus depuis la crise sanitaire.

Témoignage de Liv, étudiante qui parle de sa situation et de celle de ses amis étudiants : “moi, je suis privilégiée, je vois un psy. Mais je vois beaucoup d'amis qui ne vont pas bien. On ne les a jamais envoyés, il n'y a pas de phrase suivie. J'ai des parents qui habitent à Paris, je peux vivre chez eux.  (...) J'ai une amie qui essaie de gagner de la thune à côté, mais elle va à la fac et, en même temps, elle fait les cours Florent. On ne s'occupe pas assez de comment va la jeunesse, de pourquoi elle ne va pas bien pour certains cas et de comment l'aider.

Des jeunes adultes pas encore adultes ?

On l’oublie parfois, les jeunes adultes sont fragiles. Marie Rose Moro nous rappelle que la maturité du cerveau n’arrive pas avant 25 ans, et que plusieurs zones de celui-ci, qui permettent entre autres le contrôle des émotions profondes, ne le sont pas non plus.  C’est aussi une période où l’on “construit son identité et son identité sociale, qui est beaucoup plus longue dans notre société qu’elle ne l'était avant”, notamment à travers la séparation d'avec les parents.

Parmi les troubles qui peuvent se manifester à cet âge, la dépression, l'anxiété, des idées suicidaires, des pathologies telles que la schizophrénie et les troubles de personnalité, avec un développement des personnalités état limite.

À écouter

Des jeunes qui ne prennent pas soin d’eux ?

A cet âge-là, les filles sont une fois de plus surreprésentées, notamment dans les symptômes dépressifs. Parmi les éléments qui ressortent, un sentiment de culpabilité vis-à-vis de leur propre vulnérabilité, et une forte pression de la réussite.

De manière générale, les étudiants ne consultent pas, ayant sans doute le sentiment d’être privilégiés et l’idée que leurs études doivent passer avant leurs états d’âme. “On les néglige, mais ils se négligent aussi. Un adolescent qui va mal, en principe, la plupart des parents vont se mobiliser. Souvent, les étudiants qui vont mal sont censés être des adultes. On le sait, on ne le sait pas, les parents le savent, ne le savent pas… ll y a une plus grande solitude de ces jeunes adultes.

Marie Rose Moro insiste aussi sur la forte solitude et le sentiment de discrimination ressentis par les étudiants étrangers. “Heureusement, WhatsApp et les réseaux sociaux permettent d’avoir des relations avec les gens du pays qui parfois adoucissent un peu.

Des initiatives qui “font du bien à nos étudiants”

Marie Rose Moro souligne les bénéfices du Bureau d’aide psychologique universitaire (BAPU), lieu au sein de l'université ou près de celle-ci qui permet des soins en profondeur et gratuits, avec “de très bons professionnels qui connaissent en général très bien les problématiques de ces jeunes adultes”. Si ces lieux ne peuvent prendre tout le monde en charge, ils restent “un exemple des choses qui font du bien à nos étudiants.

Selon elle, l’éducation, le soin et le souci par les pairs constituent également une voie efficace. Elle est notamment assurée par des associations spécifiques comme Nightline, gérée par des étudiants bénévoles et destinée aux étudiants, avec l’appui de professionnels.

À écouter

Rompre la solitude des aidants

Le Grand Reportage

59 min

Archive sonore :

  • Extrait de La série documentaire “Jeunesse, le mal de vivre”, épisode 2, “Les jeunes ont la parole”, diffusé le 10 octobre 2023 sur France Culture

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