Illustration de deux gaulois armés et à cheval. ©Getty
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Les Gaulois, des barbares mal dégrossis et divisés ou de bons vivants rigolards ? Il faut remonter à l'Ancien Régime pour comprendre la construction du préjugé des Gaulois bagarreurs, irréductibles et coriaces...

Dans les aventures d’Astérix le Gaulois, René Goscinny et Albert Uderzo ont joué avec talent du préjugé tenace des Gaulois râleurs, bagarreurs et réfractaires. L’histoire de ce préjugé se construit par étapes, car il a d’abord fallu que les Gaulois deviennent "nos ancêtres".

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Sous l’Ancien Régime, dans un processus de légitimation et pour justifier leurs privilèges, les aristocrates ont développé l’idée qu’ils descendaient des Francs, tandis que le peuple, lui, descendait des Gaulois. Pour en ajouter une couche, en référence à l’Iliade d’Homère, est apparu dans cette narration le mythique Francion. Ce prince troyen, survivant de la destruction de Troie, serait à l’origine des rois de France. Les descriptions antiques des Gaulois ont alors été mobilisées, pour ne retenir que celles qui les présentaient comme des barbares, mal dégrossis et divisés, face aux Romains civilisés et bien organisés.

Cette manière d’opposer les Francs et les Gaulois, ancêtres des nobles et du Tiers-État, prend un sens tout particulier au moment de la Révolution française, quand le peuple, "issu" des Gaulois, place les aristocrates à la lanterne.

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Cette connotation court jusqu’à la Troisième République, à la fin du 19e siècle, quand le préjugé des Gaulois bagarreurs connaît une nouvelle étape de son existence et un regain de vitalité. Alors que la France est traumatisée par la défaite face à l’Allemagne lors de la guerre de 1870, l’idée que les Gaulois étaient nos ancêtres apparaît même dans les manuels scolaires. Ainsi, les Gaulois, bons vivants, rigolards, et sans doute un peu bagarreurs, n’étaient pas les terribles Germains, eux authentiquement barbares.

Dans le même temps, ces ancêtres Gaulois sont un argument en faveur de la colonisation. Dans un manuel scolaire de 1904, on apprenait que "nos ancêtres gaulois étaient des sauvages aussi peu avancés que l’étaient, à l'heure actuelle, beaucoup de nègres en Afrique." En outre, ces ancêtres fantasmés n’étaient pas si bagarreurs que cela… C’est ce que montrent les fouilles archéologiques qui "ont révélé une Gaule beaucoup plus déboisée qu’aujourd’hui (n’en déplaise à Obélix, les Gaulois ne mangeaient pas de sanglier), quadrillée par de grandes exploitations agricoles et jalonnée de villes fortifiées (les oppida), où se pratiquait le commerce à longue distance dans une économie monétaire", rappelle l’archéologue Jean-Paul Demoule. Les différents peuples gaulois ont toujours entretenu d’intenses liens commerciaux avec les Romains, à qui ils achetaient du vin, de l’huile, des poteries et à qui ils vendaient des métaux, de la laine et des esclaves. Les peuples gaulois se trouvaient donc en rivalité, à la recherche d’esclaves, "exactement comme les royaumes africains au temps de la traite atlantique", remarque Jean-Paul Demoule. Gaulois et Africains, même histoire ? Tout du moins victimes du même préjugé, celui de tribus tout le temps en guerre… par Toutatis !

Pour aller plus loin : Histoire des préjugés, sous la direction de Jeanne Guérout et Xavier Mauduit, Les Arènes, 2023

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