Le vote a été très rapide, hier, mardi 22 juillet : un projet de loi a été adopté pour supprimer l'indépendance des agences anticorruption. Une décision qui ne passe pas pour des milliers d'Ukrainiens descendus dans les rues.
Ce sont les premières manifestations depuis le début de la guerre, en 2022, et malgré la loi martiale qui interdit les mobilisations, souligne le Kyiv Post. Hier, des milliers d'Ukrainiens sont descendus dans les rues, à Kiev, la capitale, mais aussi Lviv, à l'ouest, Odessa, au sud, et Dnipro, dans l'est du pays, où les organisateurs prévoient des rassemblements quotidiens, rapporte Suspilne Dnipro, aux cris de "veto" ou encore "12414, le nombre de la trahison", en référence au numéro du projet de loi qui cristallise les tensions.
Le texte, voté en soirée par la Rada, le parlement ukrainien, à 263 voix (sur 450), supprime l'indépendance des instances anticorruption du pays. Officiellement, explique le Kyiv Post, il vise à améliorer le recherche des personnes disparues ; mais, par une série d'amendements, il confie toutes les enquêtes pour corruption à un procureur nommé par le pouvoir, qui aura donc la mainmise sur le NABU, le bureau national de lutte contre la corruption ukrainienne, et le SAPO, parquet spécialisé dans les affaires de corruption. Il pourra ainsi accéder à tous les dossiers, mettre fin aux enquêtes en cours ou les confier à d'autres agences, de quoi donner "au procureur général, fidèle à 100 % au président, le contrôle total de la justice en Ukraine" déplore auprès d'EuroMaiden Press Dariak Kaleniouk, directrice exécutive du Centre d'action anti-corruption.
Pour ajouter aux tensions et aux oppositions, le vote du texte a été très rapide : moins de 24 heures entre le dépôts des amendements, le vote, et la signature par le président de la Chambre puis Volodymyr Zelenski, "un rythme sans précédent" souligne Kyiv Independent, qui a aussi surpris les députés qui témoignent, pour les uns d'une "violation manifeste de procédure", pour les autres d'un "choc". "J'espère simplement que le président saut ce qu'il fait, je lui fais confiance pour ça" déclare au journal, sous couvert d'anonymat, un député de Serviteur du Peuple, le parti présidentiel.
"Vous venez de donner à Poutine son meilleur argument"
Le vote de ce projet de loi fait craindre aux Ukrainiens un retour aux pratiques de l'ancien président, Viktor Ianoukovitch, à la tête du pays jusqu'en 2014 et sa destitution, notamment pour corruption. Volodymyr Zelenski "a fait campagne dans « Serviteur du Peuple » contre les intouchables. Il a créé des intouchables dans son entourage. Il est ainsi devenu l'anti-héros contre lequel il menait campagne" explique Daria Kaleniouk. Depuis plusieurs jours, le gouvernement assure que des "taupes" se trouveraient au sein du NABU, affirmations relayées par Ukrainian News Agency, une agence de presse, mais niés par le bureau lui-même. Mais la vraie raison de ce vote, analyse dans un édito de la rédaction Kyiv Independent, ce sont les enquêtes du NABU sur le vice-président Oleksiy Tchernichov, ami de Zelenski.
Dans le contexte actuel de guerre contre la Russie, l'adoption de ce texte est un danger pour l'Ukraine, affirme Daria Kaleniouk. "Le Kremlin se frotte les mains. Ce sont les récits qu'il a tenté de diffuser par le biais de sa propagande : l’Ukraine est absolument corrompue, Zelensky est autocratique, opprime l’opposition et fait taire les critiques.. Il y a deux mois, je défendais Zelensky, je disais que c'était faux. Quand Trump affirmait que Zelensky était un dictateur, j'ai écrit des articles et donné des interviews affirmant qu'il existait un système de freins et contrepoids en Ukraine et que les institutions anticorruption fonctionnaient. Maintenant, je ne peux rien dire." La directrice exécutive du Centre d'action anti-corruption estime que si la loi est votée, elle pourrait éloigner l'Ukraine de l'Union Européenne.
Mais tout n'est pas perdu pour la démocratie, assure la rédaction de Kyiv Independent dans son édito, si l'Occident, et notamment l'UE, intervient. "Tout véritable partisan de l’Ukraine au sein des gouvernements occidentaux doit signaler aux dirigeants ukrainiens que ce recul est constaté et ne sera pas sans conséquences" écrit-elle. "La démocratie ukrainienne peut encore être sauvée. En temps de paix, cette responsabilité incomberait au peuple ukrainien.Mais aujourd’hui, les Ukrainiens se battent – et meurent – pour l’Europe et le monde libre tout entier.L’Occident tiendra-t-il le coup pour eux ?"
En Corée du Sud, une mesure économique dérive après seulement deux jours
Depuis lundi, les résidents du pays, y compris 80.000 étrangers, peuvent se procurer des "coupons de consommation" : 150.000 wons (108 dollars) minimum, jusqu'à 400.000 pour les ménages à faible revenu, détaille The Korea Times. Une initiative du gouvernement pour stimuler l'économie locale, et aider les petits commerces dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas les 3 milliards de wons. Ce qui veut dire que ces coupons ne peuvent être utilisés dans les grands magasins, les boutiques hors taxes ou encore les entreprises de jeux d'argent ; ils sont aussi conditionnés à une utilisation géographique, près du domicile des citoyens.
Et c'est bien l'argument que certains mettent en avant pour proposer de les revendre, relève le média anglophone sud-coréen : "Mon adresse enregistrée est à Séoul, mais je travaille et vis à Incheon, donc je n'ai pas le temps de l'utiliser" écrit par exemple un vendeur sur un site de seconde maire. Des annonces qui se multiplient depuis le début de la semaine, pour vendre ces coupons sous forme de cartes prépayées.
Mais la crainte du gouvernement, c'est que ces cartes soient converties en espèce, qui pourront être ensuite dépensées dans n'importe quelle enseigne, y compris celles de grosses entreprises.
Alors le Ministère de l'Intérieur prend des mesures pour empêcher ce qu'il qualifie de fraude. Les publications contenant les mots clés "bons de consommation" et "fonds de soutien aux moyens de subsistance" sont supprimés des sites de vente en ligne, et les collectivités locales sont incitées à mettre en place des lignes téléphoniques pour signaler des distribution illégales. Les revendeurs s'exposent à des amendes, et à des restrictions sur l'octroi de futures subventions, précise The Korea Times.
L'équipe
- Marie Dorcet