L'on sait que les plus grandes découvertes scientifiques sont le fruit d'une méthode rigoureuse. Mais le hasard n'a-t-il pas joué aussi un rôle dans les progrès de nos connaissances scientifiques ? "Le Pourquoi du comment : science" du 9 août 2023 se demande comment naissent les découvertes.
Quand on pense au rôle du hasard en science, l’exemple le plus connu qui vient à l'esprit est celui de Christophe Colomb. En octobre 1492, alors qu’il se croit au Japon, le navigateur gênois vient d'accoster sur une petite île qu’il baptisera ensuite San Salvador. Colomb ne sait pas qu’il vient de mettre le pied sur le continent américain et qu'il a face à lui des Amérindiens. Si l'on ne peut peut-être pas parler de "hasard", disons plutôt qu'il vient de découvrir quelque chose qu’il ne cherchait pas - et qui bien sûr, n'est une découverte pour les Européens de cette fin du XVe siècle. "Le Pourquoi du comment : science" de ce 9 août 2023 explore l'origine des découvertes scientifiques.
Les nouvelles découvertes, les avancées scientifiques, sont ainsi tout autant les fruits d’un travail acharné à la poursuite d’une hypothèse, d’une idée, que d’une part de hasard ouvrant une porte vers de l’inattendu. Mais attention, il ne faut pas croire que le hasard fasse tout. Il est indispensable d’y être réceptif, préparé à l’accueillir en quelque sorte.
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Alexander Fleming et les antibiotiques
Du côté de la médecine et de la biologie, Alexander Fleming, au début du XXe siècle, poursuivait dans son laboratoire de Londres des recherches sur un type particulier de bactéries, les staphylocoques. Pressé de partir en vacances, il laisse un jour son laboratoire en désordre, et à son retour, constate que ses boîtes de culture ont été contaminées par des champignons. Et que ces champignons ont bloqué le développement des bactéries. Il n'en reste plus aucune à proximité des champignons.
Nous sommes en 1928 et Fleming vient de découvrir par hasard la pénicilline, donc les antibiotiques. Certes, sans l’avoir voulu, mais en ayant le bagage scientifique pour interpréter et comprendre la portée de ses observations. Une découverte fortuite qui a sauvé des millions de vies humaines.
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Le Monde vivant
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Hans Peter Frey et la ciclosporine
En 1969, un ingénieur suisse, Hans Peter Frey, passe ses vacances en Norvège dans une région à 1 000 mètres d’altitude, parsemée de lacs et de zone humides. Il se promène et, par réflexe de chercheur curieux, collecte un échantillon de sol. De retour dans son laboratoire d'une grande firme pharmaceutique à Bâle, il laisse traîner son échantillon.
Deux ans plus tard, son collègue, le professeur Jean-François Borel se penche sur l’échantillon. Il y découvre un peu par hasard un champignon microscopique, Tolypocladium inflatum. Il en extrait une molécule de forme circulaire, baptisée ciclosporine. On teste la molécule comme antibiotique, classique pour un champignon. C’est raté. On la teste comme anticancéreux. Encore raté. Pas loin de tout abandonner en 1972, Borel découvre que ce champignon a un effet immunosuppresseur. En 1978, l’anglais Roy Calne traite des patients greffés du rein à la ciclosporine. C’est un succès. Depuis, tous les greffés du monde vivent grâce à la ciclosporine ; ils peuvent remercier Hans Peter Frey d’avoir passé ses vacances en Norvège.
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Yves Coppens et Lucy
Du côté de la paléontologie, le nom d’Yves Coppens est étroitement attaché à celui de Lucy, cette jeune femme australopithèque qui vivait il y a 3,2 millions d’années. Cette découverte est le fruit d’une quête longue et difficile, voire acharnée, à la recherche des hominidés qui peuplaient la vallée de l’Omo, en Éthiopie.
Après avoir entamé ses premiers chantiers archéologiques au Tchad au début des années 1960, alors qu'il a à peine 30 ans, Yves Coppens devient le collaborateur de Camille Arambourg, professeur au Muséum. Ensemble, ils fouillent dans cette vallée de l’Omo où ils découvrent des restes fossiles d’hominidés.
Le 30 novembre 1974, une équipe internationale associant Ethiopiens, Américains et Français met au jour un ensemble de 52 ossements appartenant à un même individu. C’est un moment de liesse : au sein de l’équipe des archéologues d’abord, avant que la presse du monde entier ne s’enflamme. Le plus cocasse est qu’Yves Coppens n'est pas sur place ce jour-là. Une découverte dans laquelle le célèbre paléontologue a pourtant une part de paternité, ayant codirigé toute l’expédition cette année-là. Et également pour avoir obtenu des autorités éthiopiennes des autorisations de fouilles dans des niveaux qu’il supposait prometteurs, grâce à son expérience et à sa ténacité.
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La morale de ces histoires est, qu’en science, il n’existe pas de chemin tout tracé. Les découvertes naissent tantôt d'un concours de circonstances, tantôt d’une robuste ténacité. Dans tous les cas, la curiosité en est l’ingrédient principal, celui qui donne l’énergie de l’obstination comme celui qui rend l’esprit réceptif à des observations inattendues.
L'équipe
- Naturaliste et paléontologue, a été président du Muséum national d'histoire naturelle de 2015 à 2023, producteur de l'émission "Le Pourquoi du comment : Science" sur France Culture
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