La dessinatrice américaine, auteure de romans graphiques, Emil Ferris - Paris, septembre 2018. ©AFP - Joel Saget
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L'illustratrice et auteure américaine, Emil Ferris, de passage à Paris, évoque sa fascination pour les monstres et les récits d'horreur, une passion qu'on retrouve dans ses œuvres.

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Emil Ferris, illustratrice et dessinatrice américaine est née à Chicago. Au micro de Mathilde Wagman, avec Marguerite Capelle, pour la traduction de l'anglais, elle évoque sa fascination dès son jeune âge pour les monstres et les récits d'horreur, son amour pour le dessin.
Son entrée sur la scène de la bande dessinée mondiale a été  fracassante. C'était en 2017, date de la parution aux Etats-Unis du premier tome de My Favorite Things is Monsters. traduit et paru en France en 2018, sous le titre de Moi, ce que j'aime, c'est les monstres. 400 pages constituées par la reproduction des carnets que noircis au stylo bille, une petite fille de dix ans qui s'appelle Karen Reyes. C'est sa vie telle qu'elle choisit de la représenter, que nous découvrons dans une histoire dont les fils narratifs se déploient un peu à la façon des serpents qui forment la chevelure de la méduse, c'est à dire sous une forme tentaculaire.

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Le dessin avant même l'usage de la parole

A l'âge de deux ans et des poussières, la petite Emil Ferris, se voit diagnostiquer une scoliose. A l'âge où on bouge, on marche, elle est immobilisée. "C'était assez terrible en fait, je n'ai pas pu marcher et ma mère était formidable qui me créait des petits ateliers dans le salon. J'avais des feuilles de papier, j'avais des stylos". Sa mère mettait un vase devant elle et des fleurs dans le vase pour lui servir de modèle. Ses parents, tous les deux artistes, la voyant dessiner, se disent "Mon Dieu, mais elle a vraiment dessiné le moindre pétale de ces fleurs, exactement telle qu'elles étaient dans ce vase".

Un handicap transformé en atout

Elle se souvient de cette époque de la toute petite enfance. "La plupart des enfants se promènent partout et ils peuvent atteindre les objets. Et moi je ne pouvais pas. La seule chose que je pouvais faire, c'était utiliser le stylo". Emil Ferris se rend compte que ce qui, au départ, était un handicap, est devenu un super pouvoir.

Cette passion précoce du goût pour le dessin, cette importance fondamentale qu'il a eue dans sa vie dès le plus jeune âge, elle a très tôt eu l'envie d'en faire aussi un métier. Elle évoque sa jeunesse, sa famille ; ses parents, son père designer qui concevait des jouets. Ils aimaient l'art, ils emmenaient leurs enfants au musée, "pour rêver de tableaux et de peintures. On en parlait".
Adulte, elle fait plein de métiers avant le succès ; les ménages chez des gens très riches, serveuse, standardiste dans un  cabinet d'avocats, "j'ai fait tout ce qui me permettait de gagner de l'argent. J'étais prête à faire n'importe quoi, je suis restée en vie". Elle a plus de 50 ans quand paraît son livre qui la révèle en tant qu'auteure à part entière.

"Moi ce que j'aime c'est les monstres"

Comment arrive t-on à l'écriture d'une  histoire ? "La structure de l'histoire, je ne l'ai pas planifiée". Pour Moi, ce que j'aime, c'est les monstres, elle explique qu'elle ne savait pas où elle allait, qu'elle ne savait pas ce que ça allait donner. "C'est ça qui était excitant et aussi un peu idiot et décalé. C'est vraiment très enthousiasmant, parce que l'histoire me racontait, parce que c'est Karen en fait, qui me racontait ce qui allait se passer".

Elle connaît Harry Potter, elle lit beaucoup depuis toujours et elle aime ces livres grimoire :" Il y a des dessins. Il y a des mots. Il y a des couleurs. Et parfois, il y a une bouffée de fumée qui peut en sortir au moment où il l'ouvre. Parfois, on entend le cri d'un animal entre les pages.

Les influences picturales

L'une des autres grandes singularités dans l'œuvre d'Emil Ferris, dans le premier et dans le deuxième volume, c'est la place qu'occupe la peinture. Toutes sortes de peintures en réalité, du peintre graveur contemporain Henri Fuss à Courbet, de Cranach à Hooper en passant par Goya… Elle est initiée à la peinture par son grand frère, et elle reproduit ce qu'elle aime dans les albums. Des tableaux parfois sont modifiés, comme si elle s'y projetait, comme si elle y était, et il y a un mouvement comme ça qui court tout au long des deux récits d'entrée, dans le tableau.

"Je passe énormément de temps à dessiner les tableaux, à les étudier. J'ai toujours l'impression que je ne les ai pas complètement saisis parce qu'évidemment j'utilise des Bics et en plus, je n'ai aucune formation et je n'avais pas d'apprenti pour m'aider". La barre est mise haute, elle parle de la difficulté de l'enjeu, de la gageure d'un tel objectif. "Parfois, je passe quatre cinq jours pour une reproduction comme ça dans un tableau ici, et j'essaie de trouver tout ce qu'il y a dedans. Et parfois je triche. Je ne peux pas vous dire comment".

Une Master classe enregistrée au Festival du Livre de Paris 2O25, sous la nef du Grand Palais.

Sources bibliographiques

  • Emil Ferris, Moi, ce que j'aime, c'est les monstres, vol. 1, éditions Monsieur Toussaint Louverture, 2018.
  • Moi, ce que j'aime, c'est les monstres, vol. 2. 2024.

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