Ce quatrième volet des "Grandes heures de la sorcellerie" s’appuie sur les écrits de Pierre de Lancre, juriste et magistrat, qui se lança en 1609 dans une grande chasse aux sorcières dans le Labourd, au Pays Basque. Il y mêle spéculations, témoignages invérifiables et obsessions personnelles.
- Guy Bechtel, historien
La chasse aux sorcières n’est pas un phénomène spontané, mené par une population qui répondrait ainsi à de trop nombreux actes de sorcellerie. Derrière ces persécutions, il y a des hommes qui jouissent du pouvoir qu’on leur confie et qui imposent aux autres leurs fantasmes et leurs obsessions, menant avec une mauvaise foi absolue une croisade contre un ennemi invisible et inexistant, taxé de toutes les débauches.
Pierre de Lancre (1553-1631) est de ceux-là ; juriste et magistrat, il est conseiller au Parlement de Bordeaux alors que Montaigne est le maire de la ville, et devient ensuite conseiller d’État. Il écrit en 1612 Le Tableau de l'inconstance des mauvais anges et démons, un ouvrage qui traite notamment des sorcières. Il y décrit la chasse qu’il a menée, à la demande du roi Henri IV, dans le pays de Labourd, au Pays Basque, prétendument "infecté de sorciers". Un texte totalement fantasmatique malgré ses prétentions scientifiques, qui devient l’œuvre de référence pour tous les chasseurs de sorcières, exerçant par la suite une influence culturelle importante et cristallisant nombre de mythes relatifs aux sorcières.
L’ouvrage de Pierre de Lancre fournit la matière à deux épisodes de la série "Les Grandes Heures de la Sorcellerie", signée Catherine Bourdet et Henri Soubeyrand. Dans celui-ci, le quatrième sur 25, c’est le fameux Sabbat des sorcières, à la véracité unanimement contestée de nos jours, qui est au centre du récit, interprété par une troupe de comédiens. À la fin de l’émission, Guy Bechtel, auteur d’un livre sur Paracelse et d’un autre sur la possession, apporte son avis éclairé sur le sujet. Une émission diffusée pour la première fois le 27 janvier 1974.
La mentalité des correspondances
Au 17e siècle, les savants, comme les gens, croient qu’il existe des liens entre choses se ressemblant, comme l’explique Guy Bechtel : "La correspondance, c’est de se dire, par exemple, que la bile est jaune, et que quand on est malade du foie, on a la jaunisse ; alors pour guérir le foie on va chercher des plantes jaunes. Du coup, Pierre de Lancre, lorsqu’il arrive au pays de Labourd, voit des hommes qui partent longtemps en mer, sont agiles pour pêcher, vont tête nue, les femmes ont des habits et des coiffures qui lui semblent impudiques et mangent des pommes : ce sont donc des suspects, puisque la pomme a une longue histoire dans le christianisme. Tous ces indices cumulés sont pour de Lancre une preuve d’appartenance à la sorcellerie."
À écouter
Surnaturel et naturel se côtoient
Dans son texte, Pierre de Lancre relate nombre de témoignages de femmes ayant assisté au Sabbat, expliquant comment elles s’y sont rendues dans des termes qui nous semblent invraisemblables aujourd’hui. Pourtant, à l’époque, ni les accusés ni les juges n’y trouvent à redire. Guy Bechtel décrypte : "De Lancre n’est pas fou, la théorie des correspondances possède une forme d’apparente rationalité. Il applique les choses qu’on lui a enseignées. C’est un monde où on distingue mal le possible de l’impossible, l’imaginaire du réel : c’est un monde de la totalité, où on ne fait pas de distinction entre le naturel et le surnaturel. On voit les choses comme un tout ; les diviser, par esprit d’analyse, ne viendra qu’avec Descartes."
À écouter
- Par Catherine Bourdet
- Réalisation Henri Soubeyran
- Avec Guy Bechtel - Interprétation Hubert de Lapparent, Inès Nazaris, Annick Korrigan, Ginette Piegeon, Françoise Caillaud, Yves Peneau et Christian Simon
- Les grandes heures de la sorcellerie 4/25 : La chasse aux sorcières dans le Labourd, 1 : Le transport du Sabbat (1ère diffusion : 27/01/1974)
- Edition web : Valérie Ernould, Documentation de Radio France
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