Le Centre de santé de Véron, près de Sens, accueille près de 4 500 patients. ©Radio France - Nicolas Balu
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Éloignement, temps d’attente, offre de soins incomplète, 30% de la population française vit dans un désert médical et 6 millions de Français n'ont pas de médecin traitant. Les maires tentent à leur niveau d'y remédier, en montant des maisons de santé et attirant des médecins. Exemple dans l'Yonne.

Véron, petit bourg du sénonais dans l'Yonne. 1 980 âmes mais 4 500 patients référencés dans le centre de santé . On y vient des 30 kilomètres alentours, comme Patricia, 74 ans, venue en voiture. Pour elle, ce centre est très important. Elle vient de Villeneuve-sur-Yonne, à une dizaine de kilomètres de Véron. "Il n'y a pas de médecin" dit-elle, "ou alors on nous envoie aux urgences, celles du centre hospitalier de Villeneuve". Pour son zona, même prendre un rendez-vous à Véron n'a pas été possible, alors elle a utilisé la télémédecine.

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L'Yonne est l'un des département les plus touchés par la désertification médicales. La densité moyenne de médecins en France est de 335, beaucoup moins pour les départements des déserts médicaux. Dans l'Yonne, cette densité était de 129 pour 100 00 habitants il y a dix ans. 106 aujourd'hui.  Et la proportion de médecin de plus de 70 ans, négligeable en 2015, a considérablement augmenté aujourd'hui. Ainsi, si l'on garde ce même indicateur, la densité de médecins entre 70 et 74 ans était de 2,3 en 2017. Elle est de 15,4 en 2025. La tendance n'est pas encore inversée.

À Véron, le centre communal de santé existe depuis dix ans. C'est le départ du généraliste de la commune qui met le projet en route mais pas seulement, selon Jean-Pierre Gouyon, le maire de Véron : "On voulait aussi monter un centre pour garder notre pharmacie et les 3-4 infirmières qu'on avait, nous voulions que l'offre de soins soit cohérente". Le projet est ficelé par le maire précédent avec l'ARS (l'agence régionale de santé) et le département. Aujourd'hui, deux médecins généralistes sont présents trois jours par semaine, deux autres se relaient les lundi et mardi matin. Un meccano qui permet qu'un médecin soit disponible chaque jour. Ils sont tous salariés. "On a démarré petit puis ça a vite monté." Aspect financier et administratif , la commune prend tout en charge, et perçoit le montant des consultations. Des paramédicaux sont également venus s'installer. Mais l'équilibre est précaire. Deux médecins manquent actuellement à l'appel, dont un en long arrêt maladie. "C'est problématique et pas seulement pour les patients, affirme le maire, car nous avons besoin des médecins pour garder la tête hors de l'eau financièrement et la commune a dû combler de sa poche un déficit cumulé sur les deux dernières années de 174 000 euros."

Et malgré les atouts de Véron, aujourd'hui, Jean-Pierre Gouyon, sa première adjointe Sylvie Bazus et Françoise Daumas, la conseillère chargée du centre, galèrent pour trouver un médecin. "On va à beaucoup de réunions de l'ARS, la CPAM, et on nous dit que c''est la problématique de tout le monde. On a envoyé des offres d'emploi, explique Françoise Daumas, il y a cinq mois dans toutes les fac de médecine. Un responsable de faculté nous a dit son étonnement que la commune se permette d'intervenir dans le recrutement de médecin en disant que ce n'était pas du tout notre domaine. "On a rencontré aussi des élèves d'internat mais qui nous ont bien fait comprendre que oui, on était gentils, mais c'était 'non' se désole-t-elle. Pour le maire, "la grande question est 'Une commune de 2 000 habitants doit-elle cela à ses habitants ?' Moi, je le pense. On essaie de le sauvegarder, de le faire évoluer. Les gens viennent aussi habiter à Véron. Cela rend attractif notre village aussi parce que quand on parle du centre de santé de Vernon par rapport à toutes les communes des alentours, c'est un atout. Maintenant, il faut le garder, il faut le faire vivre."

centre Médical de Véron (Yonne)
centre Médical de Véron (Yonne)
© Radio France - Nicolas Balu

Dans les communes de l'Yonne et d'ailleurs s'ajoutent une autre difficulté. Celle de la concurrence pour attirer les médecins. Dominique Chappuit, maire de Rosoy et présidente des maires ruraux de l'Yonne : "On est obligé de constater sur tout le département que des médecins vont d'une commune à l'autre, des communes proposent un petit avantage supplémentaire, un petit ceci, un petit cela. Et personne ne dit rien autour de cela. Et simplement on dit 'Bah, t'es pas sympa, tu m'as piqué mon toubib', c'est pas assez. C'est pas très cohérent. Dans une dans une organisation territoriale et dans l'intérêt général, il y a des élus qui ne sont pas corrects là-dessus. Il y a des médecins qui ne sont pas corrects."

Une partie de la solution n'est pas toujours le recrutement d'un médecin. Ainsi l'Agence régionale de santé (ARS) a proposé le recrutement d'une infirmière à pratique avancée qui pourra par exemple renouveler une ordonnance.

Soulager les médecins

Pour le géographe Emmanuel Vigneron, spécialiste de la santé et membre du Haut Conseil de  la santé publique, le maire est dans une position difficile : "La marge de manœuvre d'un élu est  faible s'agissant des médecins, puisqu'elle se heurte à la liberté totale d'installation. Mais elle est grande aussi car un élu compte dans la République. Il est en relation avec d'autres élus. On voit donc beaucoup d'élus qui ont plusieurs mandats à la fois et  se démènent, font tout ce qu'ils peuvent, donc leur pouvoir d'évocation est assez grand, tout comme leur pouvoir d'entraînement. Mais là, on tombe sur un vrai problème. Que les élus entrent forcément en concurrence avec les autres

Pour un autre géographe spécialiste de la santé, Guillaume Chevillard, maître de recherche à l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé, les élus peuvent agir à long terme : "Vous avez des initiatives qui visent à s'insérer. Par exemple dans le Lot, vous avez des lycées avec une option santé pour faire connaître des études médicales et susciter des vocations. Et puis, de plus en plus, vous avez aussi des facultés qui ouvrent des premières années décentralisées dans des petites villes pour justement faciliter les études des étudiants ruraux. C'est le cas par exemple cette année à Aubenas, une ville de 10 000 habitants dans l'Ardèche, où 40 étudiants vont commencer leur première année de médecine."

Et toujours selon Guillaume Chevillard, l'idée de la régulation des médecins progresse. Mais elle ne peut pas forcément être efficace à court terme. "Concrètement, l'offre de médecins généralistes diminue dans tous les territoires, y compris les mieux dotés. Et se pose la question de réguler, c'est-à-dire 'Faut-il réguler maintenant, avant que les effectifs ne progressent de nouveau, donc d'ici cinq ans ? Ou faut-il attendre de voir si des mesures supplémentaires complémentaires ont été déployées, vont aussi fournir leurs effets, ou si d'autres mesures pourraient être proposées et être efficaces ?"

Pour les deux géographes, les déserts médicaux ne vont pas se résorber avant longtemps, la pénurie de médecins va subsister et il faut un autre organisation. "On  peut se faire aider par des assistants médicaux, des infirmiers ou des infirmières de pratiques avancées (IPA), estime Emmanuel Vigneron. Il faudrait avoir dans les communes comme dans certains pays européens, ce que, ici ou là, on peut appeler des agents de prévention et de suivi les patients, quelqu'un puisse être en relation avec le secrétariat du médecin pour essayer de trouver  des rendez-vous , d'organiser le transport, et puis ensuite de s'assurer le retour du malade et puis d'aller le voir à son domicile seule. Et le maire peut faire quelque chose par le développement de ce métier."

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