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Ce massacre que l’Onu a empêché Kadhafi de commettre à Benghazi, Bachar al-Assad y procède, en ce moment même, en Syrie. Il fait encercler une ville rebelle après l’autre, d’abord Deraa, au Sud, coupée du monde depuis lundi, maintenant Douma, faubourg nord de Damas, et Banias, sur la côte, contre laquelle un assaut menace, et la suite glace le sang d’horreur. Toute résistance n’est, certes, pas brisée. Le cri de « liberté » se fait encore entendre dans les rues. Des soldats auraient mis crosse en l’air mais les maisons sont fouillées, les carrefours contrôlés et, pendant que les chars bloquent les grands axes, les rafles se multiplient. A défaut d’avoir pu freiner le développement de la contestation démocratique en faisant tirer sur les manifestants et annonçant la levée de l’état d’urgence en vigueur depuis 1963, le président syrien fait ce que son père, Hafez al-Assad, avait fait à Hama, en 1982 : il noie ses villes dans la terreur et le sang, méthodiquement, l’une après l’autre, dans l’espoir de sauver son régime en passant son pays au fil de l’épée. L’histoire se répète en Syrie mais la différence avec 1982 est que tout le monde arabe est en ébullition et que les nouveaux moyens de communication permettent, aujourd’hui, de savoir en temps réel ce qui ne s’était appris qu’avec beaucoup de retard dans le cas d’Hama, l’Oradour syrien où les morts s’étaient comptés par dizaines de milliers. Alors, forcément, un murmure de protestation s’élève des grandes capitales et du siège de l’Onu. On prononce même le mot de « sanctions » à Londres et Washington. Le Conseil de sécurité consulte ses membres depuis hier mais le monde ne s’émeut que lentement et timidement puisque la Syrie – c’est un fait – n’est pas la Libye. Ce n’est pas une complaisance, pas une question de « deux poids, deux mesures » qui brident les protestations mais la réalité des rapports de force car le régime syrien, contrairement au libyen, a les moyens de dissuader toute réelle offensive, même diplomatique, contre lui. A son signal, le Hezbollah libanais peut déstabiliser le Liban déjà en guerre civile rampante et aviver aussi la tension à la frontière nord d’Israël à coup de missiles dont la portée menace désormais Tel Aviv. Pour peu qu’il y voit une issue, ce régime peut rallumer la guerre au Proche-Orient et l’on comprend – le contraire serait même inquiétant – que cette perspective fasse réfléchir les diplomaties occidentales. Les « faut qu’on » et « y qu’à » ne sont pas de mise mais entre deux maux, il faut choisir le moindre. Si cette dictature l’emportait contre son peuple comme la théocratie iranienne l’a fait contre la révolution verte, c’est le bloc syro-iranien qui triompherait au Proche-Orient avec ses alliés du Hezbollah et du Hamas palestinien. Tel est désormais l’enjeu régional. Ce que l’on aurait voulu éviter par une prudence justifiée se produirait alors, immanquablement, et cette perspective commande non pas d’aller bombarder l’armée syrienne mais d’imposer au plus vite de dures sanctions contre ce pouvoir afin de donner des arguments à ses réformateurs, il en existe, et de l’amener à composer avec sa population, comme la Turquie l’en presse. Les clignotants s’allument au Proche-Orient mais ce n’est pas en faisant l’autruche qu’on parera les dangers.

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