Souvent perçue comme un obstacle dans la vie sociale ou professionnelle, la timidité suscite débats : simple trait de caractère ou véritable handicap au quotidien ? La timidité a également ses atouts.
- Antoine Pelissolo, médecin psychiatre, chef du service de psychiatrie à l'hôpital Henri-Mondor à Créteil
- Clara Degiovanni, journaliste
- Nicolas Rebbot, avocat au barreau de Paris
Quelle est la part d'innée dans la timidité, et celle façonnée par nos expériences ou nos peurs apprises ? Loin d'être seulement une entrave, la timidité peut aussi devenir une couleur rare dans la palette de nos personnalités, un signe de délicatesse, une capacité d'écoute, un sens particulier du détail et de la nuance. Une question se pose alors : peut-on se défaire de cette compagne un peu embarrassante quand elle nous empêche, et mieux encore, comment en faire éclore une force, quand, pendant longtemps, on n'y a vu que faiblesse ?
L'appréhension du regard de l'autre
Antoine Pelissolo livre une définition au sens psychologique : "l'appréhension du regard de l'autre dans les situations sociales, les situations relationnelles", à partir de là peuvent en découler plusieurs degrés, de la timidité réelle et acceptable par la personne, non pathologique, à celle qui empêche d'agir et perturber la relation aux autres. Il poursuit : "on parle d'un axe de l'anxiété sociale qui va du normal au pathologique avec tous les degrés entre les deux", un continuum qui peut ainsi concerne tout un chacun, avec des variantes. Ainsi dix à quinze pour cent des personnes déclarent de ne pas être timides, il y a ensuite le cas le plus commun de personnes qui déclarent l'être de temps à autre, avec le degré de la timidité du jeune âge qui se détache avec le temps, et ensuite la timidité intense, plus grave, et qui peut être gênante dans l'établissement des relations sociales.
La timidité est pour lui un trait de caractère, un trait de prudence sociale, de timidité classique qu'on voit apparaître chez les jeunes et qui peut évoluer dans un sens ou dans l'autre, pour l'espèce humaine ou la relation sociale est centrale, certains s'en accommodent plus ou moins. Il est par ailleurs à ses yeux plutôt bénéfique pour le groupe où faire attention à l'image de soi est une sorte de grade-fou.
Clara Degiovanni est journaliste à "Philosophie magazine", il y a pour elle une nuance qui fait toute la différence entre timidité et elle fat la différence entre timidité et introversion. "La timidité peut être un caractère ou un état qui fonctionne par pic, par crise, ça peut aussi être un stigmate qu'on nous colle sur le dos sans qu'on soit tout à fait d'accord avec cette définition nous-même, tandis que l'introversion a quelque chose pour moi de plus consenti, de beaucoup plus joyeux, d'être tourné vers soi-même, vers son propre monde intérieur. On peut vivre l'introversion parfois comme un aménagement de sa timidité. Ce sont des gens qui vivent très bien leur timidité, qui sont tournés vers eux-mêmes. Je dirais que la grande différence, c'est la question de la souffrance, on peut souffrir de sa timidité, de ses épisodes les plus marquants alors qu'on peut être tout à fiat à l'aise avec son caractère introverti."
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La timidité est-elle innée ?
Des études scientifiques ont montré qu'une part de cette appréhension est constitutionnelle, comme celle d'enfants qu'on peut observer en retrait dès leur plus jeune âge, on le voit déjà à partir des 18 mois. Ces études montrent également une génétique, mais relativement limitée qui expliquera seulement un tiers du caractère de timidité. On ne sera donc pas forcément timide parce que nos parents le sont, en revanche ceux-ci peuvent par la transmettre par l'éducation de l'enfant. "On a peut-être un tiers, au maximum 40 à 50% d'inné, et le reste, c'est acquis, ça veut dire que, en gros, on peut en faire ce qu'on veut. On a un tempérament de base et puis, après, on peut se forger sa manière d'être et des traits de caractère selon son développement."
Clara Degiovanni se décrit comme timide situationnelle, elle ajoute qu'il faut différencier le caractère de timidité de ce qui peut nous intimider, comme "la non maîtrise de certains codes sociaux", la journaliste pense ici aux transferts de classe qui peut développer une timidité circonstancielle. "Cette timidité-là est assez différente de sa timidité de caractère, on dit souvent que si on sort de sa zone de confort, on peut se croire timide alors que c'est simplement qu'on ne maitrise pas certains codes." Elle cite l'exemple décrit par Annie Ernaux dans son livre La Place, où elle évoque son père qui devenait timide et réservé devant des personnes qu'il jugeait, lui, importantes.
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Nicolas Rebbot est avocat au barreau de Paris, et grand timide. Cette timidité a été souvent situationnelle pour lui, et puis l'expérience avançant, il est devenu plus serein et rassuré sur ce qu'il traversait. Il se décrit avant cela comme grand timide, dernier des enfants la famille, il y avait en revanche assez d'amour pour lui dire l'inverse ; pourtant, en observant des situations de plus prêt, on pouvait tout de même, de son propre aveu, y déceler quelque chose, par exemple très sage en classe, mais en réalité parce que terrorisé par les autres. Plus tard, le fait de devoir téléphoner pour commander des pizzas à 17-18 ans le bloquait, lui passait alors son tour.
Doit-on alors inciter un enfant timide d'aller vers les autres, ou y aller à son propre rythme ? Réponse : premier choix, aller vers les autres, mais en l'accompagnant avec bienveillance et de manière non-jugeante, vers des nouvelles expériences.
Découvrez la suite, avec conseils supplémentaires et exercices pratiques pour vivre avec sa timidité, à l'écoute de cette émission
Nos invité.e.s :
- Antoine Pelissolo est médecin psychiatre, chef du service de psychiatrie à l'hôpital Henri-Mondor à Créteil, auteur de Ne plus rougir et accepter le regard de l'autre, et La nouvelle peur des autres - Trac, timidité et phobie sociale.
- Clara Degiovanni est journaliste à Philosophie Magazine.
- Nicolas Rebbot est avocat au barreau de Paris, spécialiste en droit de la culture.
L'équipe
- Yasmine Oughlis
- Réalisation
- Chargé(e) de programme
- Attaché(e) de production
- Attaché(e) de production

