Au même titre que la préparation physique, l'accompagnement psychologique des athlètes est devenu systématique au sein des fédérations françaises qui, à un peu plus de six mois des Jeux olympiques, redoutent que "l'avantage domicile" ne devienne un désavantage.
A peine rentré de la coupe du monde de fleuret au Japon, le staff de l’Equipe de France d’escrime - tout juste sacrée- commence un debrief.
"Je ne sais pas si on était plus sereins mais j'ai trouvé que c'était beaucoup plus fluide" se félicite Emeric Clos, qui n'est pas là pour revenir sur les performances sportives mais sur l’état psychologique des troupes.
"Il y en a, comme Julien (le fleurettiste Julien Mertine, NDLR), qui ont pris la parole avant la compétition, le matin de la compet' c'est Enzo (le fleurettiste Enzo Lefort, NDLR) qui a parlé ; il y a une bonne cohésion globale et cela passera par là si on veut réussir aux Jeux". Face à lui, Anaëlle Malherbe hoche la tête et prend des notes.
"Il y a des choses que je note et qui font écho aux entretiens individuels".
Anaëlle Malherbe est psychologue clinicienne et préparatrice mentale à l'INSEP, le temple de la haute performance au cœur du bois de Vincennes, près de Paris. Elle est en charge cette année d'une dizaine de sportifs olympiques.
"J'en vois qui sont en fragilité, je les sens plus fatigués et plus stressés confie-t-elle. Globalement il y a plus de tensions que sur une année normale et même que sur une année pré-olympique car le fait que les Jeux soient à la maison génère beaucoup plus d'attentes".
D’où l’importance d’un suivi très régulier des sportifs. La Fédération française de natation, par exemple, emmène désormais jusqu’en compétition son préparateur mental.
"La compétition c'est de l'incertitude, explique Julien Deville, et ce qui est important c'est de savoir comment je vais réagir à l'imprévisible en fonction de qui je suis, comment je vais développer des automatismes en mode dégradé, dans un univers sous pression".
Julien Deville n'a aucun doute : la préparation mentale fait partie de la performance.
Plus qu'un coaching, une introspection
Pourtant, le sujet reste tabou : aucun sportif n’a souhaité nous ouvrir les portes de sa préparation mentale. En fait, il ne s'agit pas d'un simple coaching mais parfois d'une véritable introspection.
"Il y a des athlètes qui, grâce à leur talent et leur travail, peuvent avoir de très bons résultats au niveau mondial" témoigne Makis Chamaldis, l’une des références dans la psychologie de la performance. Mais au moment d'atteindre la dernière marche, il peut y avoir un blocage à cause d'un sentiment de dette envers quelqu'un ; on passe alors du "je veux gagner au je dois gagner"".
Des conseils pratiques pour ne pas craquer mentalement
Cette année, Makis Chamaldis a été sollicité par de nouvelles fédérations pour accompagner les athlètes en vue des JO. L'un de ses premiers conseils : faire le tri .
"Est-ce que chacun dans l'entourage est à sa place ? Qui est le chef de projet ? S'il y en a plusieurs, cela peut créer la confusion" explique le psychologue.
"Vous pouvez avoir le meilleur entraîneur du monde, vous rentrez chez vous et si une personne se prend pour l'entraîneur, vous êtes tiraillé".
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L'importance de la préparation physique… et mentale
Une semaine dans leurs vies
3 min
Selon Makis Chamaldis il faut être ferme "Dire 'Papa je t'adore mais tu ne comprends rien', ce n'est pas facile à 15,20,30 ou 40 ans mais si on ne sait pas tracer sa route, on va vite être freiné dans son élan."
Autre conseil : avoir deux téléphones portables et le jour J ne garder que celui réservé aux quatre ou cinq proches fiables.
Mais se préparer mentalement pour les JO c'est aussi anticiper la confrontation avec un public parfois sévère. Jamais les Bleus d'aujourd'hui n'ont vécu des Jeux à la maison. L'exemple qui s'en rapproche le plus, ce sont les mondiaux d’athlétisme en 2003 au Stade de France. "Un "Allez les Bleus" est descendu du stade, j'en ai encore des frissons rien que d'en parler" se souvient Stéphane Diagana, aligné avec le relai français du 4x400 mètres, qui termine 2e et décrochera l'or à posteriori après déclassement des Américains.
"Je me souviens qu'à titre personnel, cela m'a complètement libéré dans un moment qui était un peu difficile pour moi".
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Mais le double champion du monde reconnaît que "pour certains, cela peut être vécu aussi comme une pression".
D’où le dispositif "carré bleu" lancé par le comité olympique et l’agence nationale du sport. "Ce sera un carré de supporters dédiés aux Bleus mais surtout éduqués à la discipline et à ses spécificités" explique Yann Cucherat, en charge du dispositif pour l'ANS. "L'idée c'est qu'ils sachent à quel moment il faut mettre l'ambiance, à quel moment il faut que ce soit plus calme, pour être au rythme des athlètes français". L'agence nationale du sport qui estime que l’été prochain, deux tiers des tribunes seront françaises.
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