Une femme s'injectant un traitement pour perdre du poids. ©Getty - Tatsiana Volkava
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Le GLP-1 est la molécule que l'on retrouve dans l'Ozempic. Ce médicament contre le diabète que des influenceurs ont détourné de sa fonction initiale en l’utilisant pour la perte de poids. Véritable raz-de marée aux États-Unis, le phénomène est désormais bien présent en France.

Avec
  • Judith Aron-Wisnewski, professeur de nutrition et chercheuse à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et présidente des CSO Centre Spécialisés de l’Obésité

Imaginez, un médicament dont tout le monde parle, des hôpitaux aux plateaux télé, en passant par TikTok, Un produit miracle qui fait fondre les kilos, cité par Elon Musk, soupçonné chez Kim Kardashian, le phénomène est tel qu’il provoque des pénuries mondiales et tant pis pour les véritables malades. Ces médicaments, ce sont les GLP-1. Une histoire qui commence dans le venin d’un lézard du désert. Ça se passe dans les années 1980, quand des chercheurs découvrent une hormone intestinale, le GLP-1. Cette hormone stimule l’insuline, ralentit la digestion et coupe l’appétit. Problème, elle est trop instable pour être utilisée comme traitement.

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Quant au fameux lézard du désert, Wikipédia le présente comme un lézard lent, d'aspect massif, pouvant atteindre 60 cm. Un animal moche, mais un animal utile. Car c’est dans son venin qu’on va découvrir une molécule voisine à cette GLP-1. Et c’est comme ça qu’en 2005, est lancé l’exénatide. Le premier d’une longue série à l’origine des médicaments destinés au diabète dont on découvre, qu’ils permettent aussi de perdre du poids très rapidement !

En 2023, la revue Science en parle comme la “découverte de l’année”. Forcément, tout bascule, sur TikTok, Instagram, des influenceurs s’en emparent, des stars s’y mettent pour perdre leurs kilos et les médecins y vont de leurs ordonnances de complaisance. Le business est juteux, Novo Nordisk, le laboratoire danois qui commercialise Ozempic et Wegovy, est devenu un temps l’entreprise la plus valorisée d’Europe.

Une hormone intestinale aux effets puissants

Comme l'explique Judith Aron-Wisniewsky, "Le GLP-1 est une hormone que l'on produit dans le tube digestif, mais qui, à l'état naturel, est dégradée assez vite par des enzymes que nous possédons tous". Les médicaments commercialisés ont, eux, une durée de vie prolongée et "vont aller ralentir la vidange gastrique, et par ce biais, envoyer un message cérébral de rassasiement plus rapide". L'effet est significatif : "on constate 30% de réduction des apports alimentaires grâce auxquels on peut perdre entre 8 et 22% de poids corporel selon les molécules."

Un traitement médical qui interroge sur le rapport au poids

Paradoxe de notre époque : alors qu'un mouvement comme le "body positive" semblait progresser vers l'acceptation de corps divers, le phénomène Ozempic marque un retour en arrière. Comme le regrette une personne interrogée dans le micro-trottoir : "Je voyais justement des filles laisser voir leur petit bidon, assumer ces masses graisseuses, tout allait bien, et là, on retourne en arrière, c'est quand même dommage !" La professeure insiste sur le fait que le poids en soi n'est pas nécessairement un problème de santé, "c'est le trop de poids qui retentit sur la santé", précise-t-elle. Quand un patient évoque son mal-être lié à son apparence, elle rappelle qu'"il y a d'autres manières d'améliorer son estime de soi qu'en perdant du poids".

L'effet yoyo : un danger sous-estimé

Judith Aron-Wisniewsky met en garde "Le danger, c'est de croire que c'est une cure one shot ou quelques mois", alerte-t-elle. Car "l'obésité est une maladie chronique" qui nécessite un traitement au long cours : "à l'arrêt, toutes les études le démontrent, on reprend du poids, et plutôt plus de masse grasse que de masse musculaire. Le patient va avoir plus de mal dans le futur à lutter contre le poids qu'il a à perdre".

La spécialiste met en garde contre les cycles répétés de perte et de reprise de poids : "Nous soignons dans le service des patients en obésité très sévères, des gens qui ont fait du yo-yo toute leur vie, qui ont pu perdre en tout dans leur vie, plus de 700 kilos". Elle explique que le tissu adipeux garde une "mémoire de l'obésité" qui facilite la reprise de poids après chaque régime. Une mémoire métabolique rend chaque tentative ultérieure de perte de poids encore plus difficile.

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Des effets secondaires à ne pas négliger

Si ces traitements montrent une réelle efficacité, ils ne sont pas sans risques. Judith Aron-Wisniewsky détaille les effets indésirables : "on peut avoir des nausées, voire des vomissements, environ 20% des patients". D'autres complications peuvent survenir : "Quand on perd du poids très vite, on peut faire des calculs dans la vésicule biliaire. Même si c'est vrai avec le médicament, mais aussi avec toutes les méthodes de perte de poids".

Plus graves mais plus rares, "il y a des choses bien plus graves, mais rares, très rares, c'est la pancréatite, ça c'est vraiment très grave". La professeure met également en garde contre les risques de dénutrition : "Vous mangez moins, vous pouvez aussi vous dénutrir, avec des effets délétères". Dans le micro-trottoir, un témoin mentionne des "problèmes de vue".

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Les enjeux de santé publique et d'accès aux soins

Au-delà de l'efficacité, se posent des questions d'éthique et d'accès aux soins. Le coût constitue un obstacle majeur : "ce médicament [...] coûte pour certaines des molécules : 180 euros pour les formes quotidiennes, 300 pour les formes hebdomadaires et certaines formes montent même jusqu'à 400 euros". La professeure souligne que "l'épidémiologie d'obésité est aussi associée à un gradient socio-économique et les personnes qui sont atteintes par cette maladie sont celles qui sont le plus socialement défavorisées".

Les achats sur Internet sans ordonnance représentent un danger supplémentaire. "La vraie crainte c'est qu'il y a-t-il à l'intérieur", alerte la spécialiste, évoquant des cas où des personnes se sont injectées de l'insuline par erreur, "on risque l'hypoglycémie, le malaise, voire même le coma".

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