“Le problème de Karajan, c’est que la musique ne lui a jamais suffi”, avait dit Zubin Mehta. Et pour cause, notre chef est à 65 ans toujours suractif malgré ses problèmes de santé. Il souffre énormément mais dissimule autant que possible. Ses dernières années furent aussi glorieuses que douloureuses
Karajan a beau être un intuitif, il a toujours désiré comprendre rationnellement, l’effet de la musique sur l’esprit. En 1969, il crée un Institut de recherche pour la psychologie expérimentale en musique. À l’occasion du festival de Pâques de Salzbourg, en 1975, il sert de cobaye pour une représentation de Siegfried qu’il dirige. Bardé d’électrodes, les machines suivent les moindres inflexions de sa tension. Il organise un symposium avec son médecin personnel, où l’on parle neurologie et philosophie de la musique, dans un étrange mélange de théories scientifiques.
Outre ces expériences, Karajan poursuit les enregistrements et les productions. Mai 1974, il enregistre avec Maurice André un album qui connaîtra un immense succès. À Salzbourg, en 1976, il donne un Don Carlo de Verdi faisant alterner les deux grands ténors du moment : Placido Domingo et José Carrera.
Entre douleurs et succès : un chef infatigable
En décembre, ses douleurs lombaires deviennent insupportables. Il en souffre depuis longtemps, séquelles probables d’une chute d’escalade dont il fut victime à l’âge de 12 ans. Son médecin l’oblige à se faire opérer. L’intervention est un succès, mais au lieu des six mois de repos exigés, il se remet à diriger après seulement quelques semaines de récupération à Saint-Moritz. Jusqu’à la fin, ses douleurs dorsales lui feront souffrir le martyr et donneront de lui l’image de ce corps raidi, traversé de douleurs fulgurantes.
La politique discographique avec le Philharmonique de Berlin et Deutsche Grammophon se poursuit à un rythme soutenu. Le chef réenregistre des œuvres déjà fixées sur disque au cours de la décennie précédente, ou plus tôt encore avec d’autres orchestres. Il opère toujours selon le même système : il travaille l’œuvre en studio avant de la donner en concert. Ainsi en 1975, il se lance dans une deuxième intégrale des symphonies de Beethoven, peut-être sa plus célèbre.
Le mentor de nouvelles générations
En 1976, il découvre à Lucerne une violoniste de 13 ans, Anne-Sophie Mutter. Très douée, c’est déjà une musicienne exceptionnelle. Karajan l’invite à Salzbourg puis à Berlin pour jouer Mozart. Il va rapidement devenir son mentor, l’aidant même à choisir son premier Stradivarius. Il lui fait enregistrer deux concertos de Mozart, petits miracles de maturité qui rencontreront un succès mondial. Ils se lanceront bientôt dans les grands concertos du répertoire – comme 10 ans plus tôt avec Christian Ferras. Anne-Sophie Mutter dira : “Faire de la musique avec lui était une merveilleuse façon de grandir. Il fallait juste accepter qu’il ait toujours raison.”

Archives sonores
- Entretien avec Maurice André au micro de Caroline Ostermann dans Musique Maestro (France Inter) diffusé le 30 août 2000
- Extrait d'un entretien avec Herbert von Karajan, mené par Jacques Chancel. Émission Radioscopie (France Inter), enregistrée le 28 janvier 1977 et diffusée le lundi 7 février 1977
- Extrait d'un micro-trottoir réalisé à la sortie d'un concert d'Herbert von Karajan le jeudi 6 octobre 1988. Émission Inter actualités de 13h (France Inter)
- Extrait du JT Inter soir de 19h00 du 16 juillet 1989, présenté par Fabrice Drouel, annonçant la mort d’Herbert von Karajan
Bibliographie
- Claire Alby, Alfred Caron, Karajan, l'homme qui ne rêvait jamais, Paris, Éditions Mille et une nuits, 1999.
- Sylvain Fort, Herbert von Karajan. Une autobiographie imaginaire, Paris, Actes Sud, coll. "Classica", 2016.
- Richard Osborne, Conversations with Karajan, New York, Harper & Row, 1989.
- Richard Osborne, Herbert von Karajan. A Life in Music, Pimlico, 1999.
- Pierre-Jean Rémy, Karajan. La biographie, Paris, Éditions Odile Jacob, 2008.
Le Siècle Karajan
Une série écrite et produite par Lionel Esparza
Réalisée par Françoise Cordey
Avec la collaboration d'Aline Bieth
Remerciements à Ingrid Lecointe (INA)
L'équipe
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