Le début d’une année, le rituel des vœux envoyés en salves créent la sensation réconfortante et stimulante que s’ouvre à nous un espace vierge : vont pouvoir s’y inscrire des réalisations, qui matérialiseront nos désirs de beauté, de paix, de justice et de bonheur. À titre individuel, j’adresse donc très confraternellement mes meilleurs vœux à chacune et à chacun d’entre vous. Que 2024 vous assure tout ce qui est nécessaire (santé, inspiration, quiétude matérielle) à l’accomplissement de vos œuvres !
Que pouvons-nous collectivement nous souhaiter pour 2024 ? Là il faut, je crois, abandonner l’idée d’espace vierge et de pages blanches, et réinscrire nos vœux, avec obstination, dans ce qui a été tracé les années précédentes. Je vois au moins trois sujets sur lesquels la SGDL est très mobilisée et qui devront encore nous mobiliser cette année.
Il y a, toujours au cœur de nos revendications, la question de notre rémunération en tant qu’auteurs. Elle est indissociable de la question de notre fragilisation économique. Deux questions auxquelles les responsables politiques n’ont toujours pas apporté de réponses crédibles. La directive européenne de 2019 sur le droit d’auteur – qui, à ce jour, n’a pas encore été transposée correctement en droit français – pose le principe d’une rémunération juste et « appropriée ». Un principe sur lequel la SGDL, en lien avec toutes les organisations composant le Conseil Permanent des Écrivains, travaille depuis longtemps. Nous devrons cette année encore rappeler que pour être « juste », « pertinente », « appropriée », la rémunération des auteurs doit tenir compte de la valeur du travail de création et de la valeur de la cession des droits, opérée dans le cadre d’un contrat d’édition et d’une relation contractuelle réellement équilibrée entre auteurs et éditeurs. C’est à nous de faire comprendre à nos élus, garants des lois, qu’une fois l’adjectif « appropriée » introduit en droit français, il leur appartient de lui donner un contenu précis pour que la loi soit applicable. Et surtout de leur rappeler que, sans volonté politique, aucune réponse économique durable ne pourra être apportée à la question économique de notre précarité.
Le deuxième sujet concerne nos droits sociaux. Depuis que l’URSSAF Limousin se charge – avec les problèmes que l’on sait – des cotisations et prélèvements qui assurent notre protection sociale, beaucoup d’entre nous comprennent encore mal l’articulation entre cet organisme de recouvrement et la 2S2A (Sécurité Sociale des Artistes Auteurs). La SGDL fait partie du Conseil d’administration et du Bureau de ce nouvel organisme chargé d’assurer le pilotage de notre régime. À nous de faire qu’en 2024 son existence et ses missions spécifiques soient plus clairement identifiées. Cela passe certainement par un accompagnement soutenu des auteurs dans des démarches administratives, souvent complexes, pour faire valoir tous les droits auxquels ils peuvent prétendre. Accompagnement avec pour maîtres-mots l’accueil, l’écoute, l’expertise mise au service des auteurs et une circulation des informations parfaitement fluide entre les différentes organismes sociaux.
Enfin, le 19 décembre dernier, la SGDL organisait au siège du Conseil économique, social et environnemental un forum important « Les Créateurs face à l’Intelligence artificielle ». C’était l’occasion pour tous les secteurs de la création artistique réunis au Palais d’Iéna, de faire entendre leurs inquiétudes et leurs revendications. Pour l’instant, le ministère de la Culture que l’on aurait souhaité voir plus actif sur la question de la défense du droit d’auteur, s’est tenu plutôt en retrait par rapport aux acteurs du monde économique et technologique. Pourtant il y a un enjeu très fort sur ce sujet de l’IA (et plus précisément sur l’IA générative – outil capable de produire à toute vitesse et dans des proportions gigantesques, des textes, des images et des sons plausibles) : nous devons faire admettre la pertinence du principe d’une IA respectueuse de nos droits. L’innovation et la performance technologiques ont beaucoup à gagner à concevoir des outils d’intelligence artificielle construits, développés, exploités en toute transparence. Sur cette question comme sur bien d’autres, notre regard d’auteurs se porte avec une égale vigilance vers le passé, vers ce que nous avons patiemment construit et que nous devons préserver, et vers les horizons neufs de l’année qui s’ouvre. Bienvenue donc à 2024 !
Christophe HARDY, Président de la SGDL