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La chronique des arts et de la curiosité — 1870

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Nr. 9 (27 Février)
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9° Année.

N° 9

Février ïfiyo.

DES

ARTS ET DE LA CURIOSITÉ

Paraissant tous les Dimanches
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Paris, un an. 15 fr.

— six mois. 8 fr.

UN NUMÉRO : 2 0 CENT.
RÉDACTION : Rue Vivienne. 5o\ Paris

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Paraissant tous les Dimanches

ABONNEMENTS :

DepartèmektS; un an. 13 fr.

— six mois. |Q fr.

Etranger, le porc en sus.

AD MINI S T RA T10 N : Rue Vivienne . ho. Paris

LA RÉFORME

DE L’ÉCOLE DES BEAUX-ARTS.

La situation de l’enseignement, du des-
sin devait tout d’abord préoccuper le mi-
nistère des beaux-arts , cette question
étant, sans conteste, celle qui pré-
sente l’intérêt le plus immédiat et le plus
grave. Personne n’a donc été surpris de
voir que le premier décret signé à la de-
mande de M. Maurice Richard était re-
latif à l’École des Beaux-Arts. On a cer-
tainement eu raison de remettre à trente
ans la limite d’âge fixée pour le concours
aux grands prix de Rome, puisque l’ex-
périence avait prouvé qu’à vingt-cinq
ans les élèves, n’étant plus soutenus
par l’espoir du prix, désertaient l’École,
et que, par suite, le niveau des études
avait baissé dans une proportion no-
table.

Mais nous espérons, avec tous ceux qui
voudraient une école des beaux-arts plus
en harmonie avec notre époque avide de
savoir, que cette première réforme n’est
que le prélude d’une réorganisation com-
plète et raisonnée. Peut-on donner la qua-
lification d’enseignement supérieur à une
école suivie par des jeunes gens auxquels
on ne demande, à leur entrée, aucune
preuve sérieuse d’études préparatoires,
auxquels on n’impose point l’obliga-
tion d’orner leur esprit par la con-
naissance des œuvres littéraires et des
événements historiques? Comment ad-
mettre également que des peintres et des
sculpteurs qui ont l’ambition de décorer
des monuments ne soient pas tenus d’é-
tudier les lois les plus élémentaires de
l’architecture, et que des architectes ne
soient pas obligés de pratiquer quelque
peu des arts auxquels ils feront si souvent
appel dans le cours de leur carrière? Un
enseignement aussi spécial , renfermé
dans un cercle restreint qui n’ouvre pas
un large champ à l’intelligence, ne peut
être que pernicieux en ce qu’il contri-
bue à consacrer et à développer ce mal
essentiellement moderne qu’on appelle
la spécialité. Il est temps de reconnaître
enfin qu’une école supérieure des beaux-
arts ne doit point se borner à former des
peintres, des sculpteurs et des archi-
tectes, mais qu’elle doit encore et surtout
se préoccuper de faire des artistes.

Émile Galichon.

RAPPORT A L’EMPEREUR.

Sire,

En créant le ministère des beaux-arts,
votre Majesté a voulu rendre hommage au
principe sur lequel tous les arts reposent,
et montrer avec plus d’évidence l’obligation
qu’a l’État de veiller de haut sur leur déve-
loppement.

Pénétré de cette pensée, j’ai porté tout
d’abord ma sollicitude sur le grand établis-
sement qui, depuis plus de deux siècles, a
donné Renseignement à plusieurs généra-
tions d’artistes dont s’honore le pays. L’É-
cole impériale des Beaux-Arts n’a pas cessé
de travailler à se rendre chaque jour plus
digne du grand intérêt qu’elle inspire aux
pouvoirs publics de notre pays; fidèle à sa
mission, elle se développe selon les besoins
du temps. Elle s’applique aujourd’hui avec
un redoublement de zèle à former et à
instruire des peintres, des sculpteurs, des
architectes, des graveurs ; son organisation
est calculée de manière à permettre à chacun
d'acquérir la plus grande somme possible
de savoir et de talent.

Mais, pour obtenir ce résultat à une épo-
que comme la nôtre, il ne faut pas à la
jeunesse moins de persévérance que par le
passé. Nous sommes obligés, au contraire,
de tenir plus que jamais compte des entraves
de toutes sortes que rencontrent les voca-
tions les plus déclarées.

Autrefois, on n’avait pas cru trop faire
que d’ouvrir l’École aux élèves jusqu’à l’âge
de trente ans. Depuis, on a essayé un mo-
ment de restreindre cette latitude, et on a
fixé la limite d’âge à 25 ans. On s’est vite
aperçu qu’on avait fait un mauvais calcul,
et, par le règlement du 27 novembre 1867,
on a sagement rétabli, pour le terme der-
nier des études à l’École des Beaux-Arts,
l’âge de trente ans. Si bien défini cependant
que soit l’objet de Renseignement, si grands
que soient le talent et le zèle des maîtres
qui le distribuent, il est difficile de retenir
longtemps de jeunes artistes, si l’on ne
donne un but à leur émulation.

Au nombre des récompenses qui ont tou-
jours paru particulièrement propres à exci-
ter et à entretenir chez eux l’ardeur du
travail, la plus haute comme la plus enviée
est, sans contredit, le prix de Rome. Or, il
se produit ceci de regrettable, c’est que,
tandis que le dernier terme des études à
l’École a été, comme je l’ai dit, fixé à trente
ans, l’article 15 du décret du 13 novembre
1863 a limité seulement à vingt-cinq ans la
possibilité de concourir aux grands prix.

La conséquence d’un pareil défaut d’har-
monie est devenue sensible. Qu’arrive-t-il,
en effet? Dès que les élèves ont perdu l’es-
poir de prendre part au grand concours, ils
quittent l’École, peu soucieux des ressources

qu’elle peut leur présenter encore pour leur
instruction et leur perfectionnement; les
études cessent de s’élever, la carrière s’en-
combre d’artistes mal préparés pour pro-
duire, et le niveau général de l’art risque de
s’abaisser.

Il me paraît indispensable, Sire, de con-
cilier, par une mesure libérale, ces deux ré-
glementations. Sur ce qu’il convenait de
faire pour y parvenir, j’ai voulu recueillir
les avis des hommes spéciaux et m’éclairer
des lumières de ceux qui peuvent être con-
sidérés comme les juges à la fois les plus
compétents et les plus désintéressés en une
telle manière. Les professeurs, les jurys, le
conseil supérieur de l’École des Beaux-Arts,
ont été consultés par moi. Tous, d’un accord
que l’on peut dire unanime, ont émis l’o-
pinion que dans l’intérêt des études comme
dans celui de l’art il était nécessaire de re-
porter à trente ans la limite d’âge pour les
concours aux grands prix de Rome. De leur
côté, les élèves me demandent la même ré-
forme dans des pétitions respectueuses où
ils ne montrent qu’une impatience assez rare,
celle de continuer leurs études aussi long-
temps qu’elles conserveront leur attrait.

Le bénéfice des fortes études ne doit ja-
mais être perdu. Je ne puis qu’appuyer des
vœux si sages et si légitimes, vœux justifiés
également par l’expérience et par la raison,
et dont la réalisation, sans imposer aucune
charge, prépare pour l’avenir tant d’avantages
certains.

Je viens, en conséquence, prier Votre Ma-
jesté de vouloir bien revêtir de sa signature
le projet de décret que j’ai l’honneur de lui
soumettre.

J’ai l’honneur d’être, Sire, avec le plus
profond respect, de Votre Majesté, le très-
humble et très-dévoué serviteur,

Maurice Richard.

ci Napoléon, etc.,

« Avons décrété et décrétons ce qui suit :

« Les dispositions prescrites par le para-
graphe 2 de l’article 15 du décret du 13 no-
vembre 1863 sont abrogées.

« Tous les artistes français ou naturalisés
français, âgés de quinze à trente ans, sont
admis à concourir pour les grands prix de
Rome.

« Fait au palais des Tuileries, le 19 fé-
vrier 1870.

« Napoléon. »
COROT b

M. Émile Vernier — un lithographe qui
est épris de la peinture et qui lui-même

Émile Vernier. Douze lithographies d'après Co-
rot. Notice par Philippe Burty. Paris, Librairie ar-
tistique. 1870. Dans un carton spécial.

fait, chaque été, d’après nature, de saines
études de paysage — vient de choisir douze
tableaux dans l’œuvre de M. Corot et de les
reproduire sur pierre. M. Émile Vernier
avait été placé à part dès ses débuts par la
légèreté colorée de son crayon et la verve
soutenue de son travail. Il n’a jamais été
mieux inspiré qu’en face de cette série de
compositions tendres et savantes, fraîches
< t fermes. M. Corot, s’il savait le métier de
lithographe, ne se serait guère mieux traduit
lui-même.

Ces douze compositions n’ont point été
peintes par M. Corot en vue de composer un
album. M. É. Vernier les a prises, de ci, de là,
dans l’atelier de l’artiste au sortir du che-
valet, ou dans des cabinets de complaisants
amateurs. Mais le talent de M. Corot est si
varié dans sa prétendue répétition, si défi-
nitif dans sa fantaisie, si raisonné dans son
trompeur abandon, que ces tableaux sem-
blent destinés à se faire valoir l’un par
l’autre, et l’on possède ainsi comme un pre-
mier volume des œuvres complètes du
maître.

On aurait pu intituler cette suite : « Al-
bum de douze mélodies, a Ces rivières pa-
resseuses que raye l’épervier d’un pêcheur
courbé dans sa barque, ces bouquets d’ormes
opaques qu’allège la frêle dentelle d’un
bouleau, ces toits rouges entrevus à travers
les aunes et les noisetiers de la berge, ces
fabriques italiennes s’enlevant en clarté sur
les fuites mourantes des horizons, ces ciels
nacrés où s’envolent des bouffées de nuages
blancs, éveillent par la cadence des lignes et
par le rapport des tons des impressions
d’harmonie toute musicale. Ces toiles cou-
vertes de peu de peinture, mais d’un dessin
si suave et d’un effet si bien déterminé, font
naître une sensation à la fois nette et con-
fuse, précise et générale, qui n’a d’analogue
que celle d’un prélude.

Il n’est pas jusqu’à ce doux effacement de
la couleur qui ne me rappel! i l’andante
d’une symphonie d’Haydn, qu’un soir, sur
les bords du lac de Bienne, j’entendis s’en-
voler de la fenêtre ouverte d’un chalet. Par-
fois quelques mesures m’arrivaient voilées
par l’espace, à peine plus distinctes que le
bruissement d’un vol d’insectes, et cepen-
dant jamais une pensée de maître ne m’ap-
parut plus compréhensible et plus sereine.

Aucun paysagiste, dans notre école, n’a
mis plus que Corot de distinction dans la
modernité. Ses études sur nature, nerveuses
et franches, le prouvent bien. Aucun encore
ne s’est tenu plus loin de l’académisme. Au-
cun n’est plus franchement imbu de la poé-
sie antique, telle au moins que nous la
traduisons aujourd’hui. Ses chaumières can-
dides sont peuplées de Baucis et de Philé-
mons. Ses lacs appellent le flanc des nymphes
énervées par la chaleur de midi. Dans le
lierre qui s’enroule au tronc de ses chênes
 
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