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La chronique des arts et de la curiosité — 1870

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Nr. 17 (24 Avril)
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9* Année.

N° 17 —

24 Avril 1870.

LA CHRONIQUE

TO LIT IQJJ E

DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ

Paraissant tous les Dimanches

ABONNEMENTS :

Paris , un an. 15 fr.

— six mois. 8 fr.

UN NUMÉRO : 2 0 CENT.
RÉDAC T10N : Rue Viviennej 55, Paris

Comptes rendus & annonces de ventes publiques de tableaux
dessins, estampesbronzes, ivoires, médailles, livres rares, autographes
émaux, porcelaines, armes, objets de curiosité; &c., &c.

Nouvelles des galeries publiques, des ateliers. — Correspondances étrangères
Bibliographie des livres, articles de revues & estampes
publiées en France & à l’Etranger. — Revue des arts industriels
Expositions de Province & de l’Etranger

Paraissant tous les DimancheY

ABONNEMENTS :

Départements^ un an. 18 fr.

— six mois. 10 fr.

Etranger, le port en sus.

ADMINISTRATION : Rue Vivienne} 55j Paris

SAINTE-CATHERINE D’HONFLEER.

Depuis bientôt un an nous n’avons rien
dit ici d’Honlleur. Pourquoi en aurions-
nous parlé, du reste? Nous n’avions au-
cun fait notable à enregistrer, et nous
étions parfaitement tranquille de ce côté
du Calvados. Nous savions le mouvement
qui s’est produit en faveur des arts dans
cette localité, et nous nous sommes em-
pressé de le signaler en son temps. Nous
savions que cette ville possède un musée,
qu’elle s’en glorifie ajuste titre, et que
Rouen a contribué, en voisine obligeante,
à cette institution en prêtant un certain
nombre de toiles de mérite. Nous savions
que le musée s’est développé si promp-
tement, que trois vastes salles de la mai-
son commune suffisent à peine aujour-
d’hui à en contenir les toiles et les des-
sins, grâce à un généreux amateur,
récemment enlevé à l’affection de ses
nombreux amis, M. Victor Delamare, qui
avait fait don de quatorze tableaux à la
ville d’Honfleur, grâce aussi au concours
intelligent et dévoué du conservateur
actuel, M. L.-A. Dubourg, qui en a ré-
digé le catalogue. Nous savions que ce
catalogue, publié en 1809, avait déjà
besoin d’un supplément, le musée, de-
puis l’impression du livret, s’étant enri-
chi de plusieurs toiles données, soit par
F administration des beaux-arts, soit par
des amateurs.

Nous savions tout cela, et d’autres
choses encore. Mais ce que nous ne sa-
vions pas, ce que nous venons d’appren-
dre, ce que nous ne pouvons croire en-
core, c’est que la ville d’Honfleur a l’in-
tention de démolir un intéressant et vé-
nérable édifice pour le remplacer, par
quoi? par une de ces bâtisses légères,
élevées avec des crédits insuffisants, ne
pouvant donner des gages sérieux de
durée, bâtisses sans caractère et sans
histoire , malheureusement trop nom-
breuses en province. Nous voulons parler
de la vieille église Sainte-Catherine.

L’église Sainte-Catherine a été con-
struite entièrement en bois, et ces sortes
d’édifices, personne ne l’ignore, sont
très-rares aujourd’hui en France. Cette
église, dont l’importance ne peut être
mise en doute et dont les proportions
sont considérables, comprend deux nefs
de même largeur, flanquées de bas côtés
au nord et au sud, et terminées vers l’est
par des absides polygonales. Elle couvre
une surface de onze cents mètres et peut

contenir une assistance de plus de deux
mille personnes. Nous avons donc eu
raison de dire que « ses proportions sont
considérables ». On le voit, ce n’est pas
à une chapelle que l’on a affaire ici, mais
bien à une véritable église paroissiale.
Ajoutons que tous les détails de la déco-
ration accusent l’art du xvie siècle, et que,
sans être un édifice de premier ordre,
c’est assurément une construction fort
intéressante au point de vue de l’histoire
du travail dans notre pays.

On se plaît à répéter à Honlleur que
l’œuvre est d’origine Scandinave, et que
cette église est due à des Suédois ou à
des Norvégiens appelés par le com-
merce dans le port d’Honfleur. C’est là
une étrange assertion qui ne repose sur
aucun fondement. 11 est certain que cette
construction a été élevée à l’époque de
la Renaissance par des charpentiers de la
localité. Il est vraiment singulier de vou-
loir toujours faire honneur à des artistes
étrangers de la plupart des charmants
édifices répandus à profusion dans les
départements. Ceux qui osent formuler
de semblables dires oublient qu’au moyen
âge la France possédait des artistes et
des ouvriers que lui enviaient les autres
États de l’Europe. Depuis cinq ou six
siècles, et maintenant encore, les char-
pentiers en constructions navales à Hon-
lleur sont renommés pour leur savoir et
leur habileté, et il est impossible d’ad-
mettre qu’au xvie siècle on ait eu recours
à des ouvriers du nord de l’Europe pour
bâtir une église sous le vocable de sainte
Catherine.

Et c’est cette église Sainte-Catherine,
qui a déjà été l’objet d’un rapport
adressé au ministre des travaux publics
par un architecte d’un rare mérite ,
M. Eugène Millet, rapport tendant à la
faire classer parmi les monuments histo-
riques, comme intéressant notre archi-
tecture nationale, c’est ce respectable et
presque unique spécimen pour la France
de constructions en bois que l’on songe à
faire disparaître !

Heureusement qu’à Honlleur il est
quelques amis des arts qui s’agitent et
qui plaident de toutes leurs forces pour
la conservation du monument. Espérons
que la voix de AI. Buon, inspecteur des
beaux-arts, ne demeurera pas sans écho,
que les généreux efforts de AI. Dubourg,
ce modeste et consciencieux conservateur
du musée de peinture, ne seront pas in-
fructueux, que l’avis de AI. Eugène Millet
changera les décisions de la municipalité

d’Honfleur, et que cette dernière reculera
devant l’accomplissement d’un pareil
acte de vandalisme.

Il nous reste encore beaucoup à dire
sur Honlleur. Nous voudrions parler de
l’église Saint-Étienne, sans destination
utile en ce moment, et qui, avec une dé-
pense insignifiante de 5 ou 6,000 fr.,
pourrait être consacrée aux tableaux que
les salles de l’hôtel de ville sont insuffi-
santes à recevoir; nous voudrions aussi
parler d’un musée de marine qui pour-
rait y être annexé, et dont le projet, fa-
cile à réaliser, est caressé par AI AI. Buon
et Dubourg, musée où l’on réunirait sans
.frais des modèles de navires et ces nom-
breux objets que les marins rapportent
de leurs voyages et qu’ils seraient heu-
reux d’offrir à leur ville natale; mais le
temps et l’espace nous manquent pour
traiter comme elles le méritent ces inté-
ressantes questions. Nous y reviendrons.

Aujourd’hui nous sommes tout à la
croisade que nous entreprenons en fa-
veur de l’église Sainte-Catherine. Nous
sommes ému, et nous ne pouvons que
crier à la municipalité honlleuroise :

Restaurez, conservez et ne détruisez
pas! Il en est temps encore, respectez un
monument que vos pères vous ont laissé,
et ne vous préparez pas pour demain des
regrets irréparables !

Louis Desprez.

LA VENTE SAINTE-BEUVE.

Le succès de la vente Sainte-Beuve ré-
concilie les lettrés avec d’autres ventes où l’en-
gouement s’est porté sur des séries d’objets
que ni l’art ni l’esprit n’ont marqué de
leur sceau. Dans le bilan de cette saison,
nous aurons donc à faire la part d’une pas-
sion généreuse pour le livre, pour l’auto-
graphe, pour l’édition choisie, pour le vo-
lume annoté par un critique supérieur ou
rendu plus précieux par l’envoi d’un auteur
illustre. S’il est une folie pardonnable, — en
dehors des œuvres non contestées des
grands maîtres, — c’est bien celle de la
bibliothèque d’élite ! Disons à l’honneur de
nos contemporains que le livre rare et beau
a reconquis, dans ces dernières années, une
valeur presque égale à celle du bibelot de
parade.

Sainte-Beuve, en désignant M. Jules Trou-
bat pour son légataire universel, lui léguait
naturellement sa bibliothèque, mais il lui im-
posait aussi des charges testamentaires qui
rendaient impossible à ce dévoué secrétaire
de conserver intact ce précieux dépôt. Une
première vente fut résolue, c’est celle qui

vient de s’achever. Une autre, le mois pro-
chain, dispersera tous les livres purement
contemporains et les documents relatifs à
Port-Royal.

Cette vente, brillamment conduite par
MM. Potier, expert, et Delbergue-Cormont,
commissaire-priseur, a produit A4,591 fr.,
dépassant les plus larges estimations et
toutes les offres faites à M. Troubat.

Le catalogue était précédé d’une très-
intéressante notice par M. Edmond Scherer,
du journal le Temps. M. Scherer avait relevé
sur son carnet les envois les plus caracté-
ristiques et les annotations les plus cu-
rieuses. 11 en a fait le plus intelligent usage.
Cet article est celui d’un disciple aussi fin
que respectueux.

Cette bibliothèque était avant tout un ar-
senal pour le travail. Mais le goût si délicat
de Sainte-Beuve n’avait pu se limiter à l’édi-
tion banale et — dans un temps, il est vrai,
où les livres étaient encore abordables — i!
avait recueilli et conservé des exemplaires,
en parfait état, d’éditions aujourd’hui in-
trouvables. La série des poètes français des
xvie et xviie siècles était surtout précieuse :
Un La Fresnaye-Vauquelin (Caen, Ch. Macé
1612), et presque unique, a été poussé
par des dilettanti jusqu’à 3,105 francs.

Je renonce pour aujourd’hui à citer les
prix de cette vente. L’été nous laissera
quelque place, et nous pourrons y revenir à
loisir.

Mais je dois signaler l’étourdissant succès
de toute la série qu’on appelle « biblio-
thèque romantique ». Ce sont les éditions
originales de Hugo, Musset, A. de Vigny,
Petrus Borel, George Sand, Balzac, Lamar-
tine, avec des titres en eau-forte ou sur bois
parCélestin Nanteuil, lesJohannot, les Devé-
ria, Boulanger, Gigoux, Roqueplan, etc.

Il y a là plus qu’un succès passager de
vente, mieux qu’une surprise, il y aune
réhabilitation d’une école qui n’a point eu
encore de remplaçant. M. Ch. Asselineau
est pour beaucoup dans l’augmentation
croissante des prix de ces livres générale-
ment aussi caractéristiques dans la forme
que dans le fond. Il nous doit une pro-
chaine édition, plus complète, de ses Mé-
langes tirés d’une petite bibliothèque roman-
tique. Il aura, s’il veut y ajouter des notes
piquantes, à signaler les principaux prix de
cette vente Sainte-Beuve : les Recueillements
poétiques de Lamartine, 135 fr. ; les Odes de
Victor Hugo, 96 fr. ; le Spectacle dans un
fauteuil, d’Alfred de Musset, 135 fr. ; les
ïambes, de Barbier, 35 fr. ; le Roi s'anjuse,
Cromwell et Marion de Lorme, 86, 75 et
125 fr. ; la Maréchale d’Ancre, d’Alfred de
Vigny, 66 francs.

Et notez que plusieurs de ces exem-
plaires étaient sans envoi et n’avaient donc
que leur valeur absolue de curiosité !

Pli. Bürty.
 
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