9e Année.
N° 20 —
15 Mai 1870.
- - '-rrr
LA CH RO NI QU
TOL1TIQJUE
DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ
Paraissant tous les Dimanches
ABONNEMENTS :
Paris , un an. 15 fr.
— six mois.. 8 fr.
UN NUMÉRO : 2 0 CENT.
RED AC T LO N : Rue Vivienne, 55 j Paris
Comptes rendus & annonces de ventes publiques de tableaux
dessins, estampes ; bronzes, ivoires, médailles, livres rares, autographes
émaux, porcelaines, armes, objets de curiosité; &c\, &c.
Nouvelles des galeries publiques, des ateliers. — Correspondances étrangères
Bibliographie des livres, articles de revues & estampes
publiées en France & à l’Etranger. — Revue des arts industriels
Expositions de Province & de l’Etranger-
Paraissant tous les Dimanches
ABONNEMENTS :
Départements^ un an. ...... 18 fr.
— six mois. 10 fr.
Etranger, le port en sus.
ADMINISTRATION : Rue Vivienne, 55, Paris
t
INGRES
ET SES RÉCENTS BIOGRAPHES 1.
Quand un grand artiste a tracé dans
les arts un large et lumineux sillon,
quand il tombe droit comme un chêne
au bout d’une longue et laborieuse car-
rière, sa mort, quelque prévue quelle
soit, cause une émotion douloureuse et
générale; puis, le premier moment de
stupeur passé, on se reprend à l’étudier
avec ardeur, à noter avec soin tous les
faits qui se rattachent à cette brillante
individualité artistique. Ainsi fut-il pour
Ingres, considéré, même pendant sa vie,
comme le chef de l’école française de
peinture au xixe siècle, et qui, comme
Delacroix, comme Paul Delaroche et
comme tant d’autres lutteurs convaincus,
après avoir été si longtemps livré aux
amertumes de la discussion, est entré
depuis trois ans à peine dans les régions
sereines et impartiales de l’histoire. Un
des collaborateurs justement remarqués
de la Gazette des Beaux-Arts, M. J. Gran-
gedor, faisait eu 1869, à la salle du bou-
levard des Capucines, une série de
conférences sur nos grands peintres con-
temporains. Eugène Delacroix et Ingres
notamment furent le thème de prédilec-
tion de ces causeries, et les auditeurs
privilégiés de ces réunions n’ont pas ou-
blié les paroles émues, les appréciations
aussi neuves que fécondes de l’aimable
conférencier qu’animaient les plus géné-
reuses doctrines. Ce souvenir nous a été
suggéré par deux importantes et récentes
études biographiques sur Ingres, qui se
sont succédé à quelques semaines d’inter-
valle seulement. L’une, l’aînée, car elle a
paru la première, est due à un membre
de l’Institut, à M. le vicomte Henri De-
laborde; la dernière en date a aussi été
écrite par un membre de l’Institut, par
M. Charles Blanc.
Nous voudrions bien examiner longue-
ment et minutieusement ces deux mono-
graphies qui se recommandent si puis-
samment du nom de leurs auteurs, mais
nous éprouvons l’embarras dont l’un de
nous parlait ici même la semaine der-
nière. La Chronique ne peut qu’enre-
gistrer l’apparition des travaux nouveaux ;
1. Ingres, sa vie, ses travaux, sa doctrine, d’après
les notes manuscrites et les lettres du maître, par-
le Yie Henri Dilaborde, membre de l’Institut, etc.
Paris, H. Plon, 1870. 1 vol. in-8.
Ingres, sa vie et ses ouvrages, par M. Charles Blanc,
membre de l’Institut. Paris, Vu Jules lienouard, 6,
rue de Tournon, 1870. 1 vol. gr. in-8.
quant au fond, elle est forcée d’en laisser
les surprises aux chercheurs et aux cu-
rieux. Donc, que MM. Henri Delaborde
et Charles Blanc nous pardonnent, eux
aussi, d’indiquer leur œuvre à la façon
d’une vigie signalant du haut d’un mât,
à l’équipage et aux passagers, la voile ou
la terre qui se profile à l’extrême horizon.
Après la notice biographique écrite par
M. Delaborde dans ce style sobre, lim-
pide et attachant qui lui est familier, la
partie la plus curieuse de l’œuvre con-
siste dans les notes et les pensées de
J.-A.-D. Ingres sur les beaux-arts. Écrits,
paroles, œuvres peintes ou dessinées,
— depuis le tableau le plus achevé
jusqu’au croquis le plus sommaire,
depuis la maxime didactique jusqu’au
propos familier, — tout ce qui vient
d’Ingres porte avec soi l’autorité d’un
grand nom et émane d’un cœur ir-
révocablement convaincu. Ces fragments
ont été empruntés : 1° aux cahiers mêmes
ou aux feuilles volantes sur lesquelles
Ingres se plaisait à inscrire tantôt des
préceptes théoriques, tantôt les réflexions
que lui avait suggérées la pratique per-
sonnelle ou l’étude des procédés em-
ployés par les anciens, tantôt enfin aux
notes ou aux explications relatives à ses
propres ouvrages ; 2° aux lettres succes-
sivement adressées par Ingres à ses plus
intimes amis; 3° aux notes prises, séance
tenante, dans l’atelier des élèves du
maître, par quelques-uns de ceux qu’il
venait d’encourager, de réprimander ou
d’avertir.
En se faisant l’éditeur de ces différen-
tes pièces, M. Delaborde a pris soin de
nous avertir qu’il a scrupuleusement res-
pecté les idées qu’Ingres entendait expri-
mer et les procédés de langage qu’il avait
choisis. C’est là ce qui donne à cette par-
tie du livre un intérêt tout spécial; car
elle reflète fidèlement la physionomie
morale, les habitudes intellectuelles de
l’homme qui écrivait un jour les lignes
suivantes à un ami qu’il honorait d’une
confiance particulière : « Ingres prie son
cher rédacteur de mettre au net'cet
écrit, dans le même style, mais dégagé
pourtant des fautes les plus essentielles.
Il n’y faudra rien ajouter, il suffira d’é-
viter les redites, les mots inutiles... Je
ne voudrais pas un style plus littéraire,
plus élégant, meilleur enfin; je veux le
mien à tous risques et périls, car il me
semble, comme on l’a bien dit, que « le
style, c’est l’homme. »
Nous pourrions citer ici quelques-unes
de ces pensées écrites, où la doctrine
esthétique d’Ingres est le plus directe-
ment en cause, et où sa personne même
est intéressée de plus près, mais nous
aimons mieux laisser au lecteur le soin
de les chercher et de s’y arrêter lui-
même, suivant ses propres aspirations et
ses propres instincts, car M. Delaborde,
nous le répétons, a suivi religieusement
les avis du maître et a laissé autant que
possible aux formes de ses méditations
l’accent et la vie propre qu’il avait voulu
leur donner. Aux maximes et aux pensées
originales et nerveuses d’Ingres sur lui-
même, sur l’art et le beau, le goût et la
critique, le dessin, la couleur et l’effet,
sur l’étude de l’antique et des maîtres,
succèdent des fragments sur quelques
œuvres'd’art et sur quelques artistes, sur
la musique et les musiciens. Puis vient
le catalogue complet et raisonné des
œuvres du maître, mentionnant ses pein-
tures religieuses, allégoriques ou histo-
riques, ses têtes d’études, ses portraits,
ses dessins, ses gravures, ses lithogra-
phies et ses sujets de tableaux projetés.
Le livre, que termine un appendice con-
tenant un certain nombre de lettres
d’Ingres à ses amis, MM. Marcotte et
Gatteaux, est orné d’un beau portrait du
peintre, gravé par Morse, et c’est faire
l’éloge de son exécution typographique
en disant qu’il sort des presses de
M. Henri Plon.
Eh bien ! quand on quitte l’étude de
M. Delaborde et qu’on ouvre le livre de
M. Charles Blanc, on voit se dérouler
toute une série de perspectives nouvelles,
et on se sent entraîné dès l’abord par ce
style imagé, clair et magistral que le
brillant rédacteur de la Gazette manie
avec une si rare aisance. Ici la partie bio-
graphique domine. Ingres est suivi pas
à pas, depuis ses plus tendres années
jusqu’à ses dernières heures, à Montau-
ban, à Borne, à Paris, au château de Dam-
pierre, partout où le chef de l’école fran-
çaise a laissé une pensée, un souvenir,
un dessin, un croquis, un tableau. C’est
tout un homme nouveau que raconte la
plume élégante de M. Charles Blanc. As-
pirations, luttes, angoisses, privations,
repos, gloire, apothéose, rien n’est né-
gligé, rien n’est laissé dans l’ombre; 011
embrasse l’artiste tout entier; et quand
on a lu ces études si différemment con-
çues et exécutées, on serait tenté de
croire que ces deux écrivains hors ligne
se sont concertés avant d’aborder leur
tâche et qu’ils-se sont dit : Je traiterai
ceci, vous cela ; puis ce point, et vous
cet autre. *
Il n’en est rien cependant, car le tra-
vail de M. Charles Blanc était terminé de-
puis plusieurs mois et aurait dû précéder
celui de M. H. Delaborde, si un voyage
en Égypte, lors de l’inauguration du ca-
nal de l’isthme de Suez, n’était venu en
retarder P impression. Ne nous en plai-
gnons pas néanmoins, M. Charles Blanc a
trouvé en Orient, et à travers ses péré-
grinations sur la vieille terre des Pha-
raons, des inspirations et des impressions
nouvelles qui se traduiront, nous en avons
l’espoir, par des récits imprévus et par
des aperçus curieux sur les arts et les
coutumes de ces contrées lointaines.
La monographie de M. Charles Blanc
sur Ingres est donc surtout biographique;
et, comme si la magie du style n’avait
pas suffi, les pages sont ornées de qua-
torze magnifiques gravures dues au burin
de MM. : L. Flameng, Portraits d’Ingres
et de Mma Devauçay, Angélique, la
Source, LouisXIVet Molière', E. Rosotte,
Romulusemportant les dépouilles opimes,
Jésus au milieu des docteurs ; L. Gaillard,
OEclipe ; Dieu, Petite fille au chevreau-,
Henriquel-Dupont, Portrait de M. Tar-
dieu-, H.-J. Dubouchet, Groupe central
de l’Apothéose d’Homère; Ilaussoullier,
Y Odalisque à l’Esclave; L. Gaucherel,
Lady Jane Montagne; L. Chapon, Por-
trait d’Ingres à 87 ans, etc...
On le voit, l’œuvre de M. Charles Blanc
est un monument élevé à la mémoire
du plus illustre des peintres contempo-
rains, et si jamais livre , — l’impres-
sion en est irréprochable, car elle a été
exécutée par la maison J. Claye, — doit
forcer l’entrée de la bibliothèque des
hommes de goût, assurément c’est bien
celui du séduisant et inépuisable auteur
de la Grammaire des arts du dessin.
Louis Desprez.
LES ARTS ET L’INDUSTRIE
DANS LE ROYAUME DE LAOS.
A la suite d’une étude sur les ruines
d’Angcor, que nous avons reproduite d’après
la Revue maritime et coloniale, M. Francis
Garnier a donné sur les industries et les arts
du royaume de Laos quelques précieux
renseignements qui intéresséront certaine-
ment nos lecteurs.
Il y a quelques ouvriers assez habiles dans l’art
de ciseler les métaux, et qui fabriquent les ob-
N° 20 —
15 Mai 1870.
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LA CH RO NI QU
TOL1TIQJUE
DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ
Paraissant tous les Dimanches
ABONNEMENTS :
Paris , un an. 15 fr.
— six mois.. 8 fr.
UN NUMÉRO : 2 0 CENT.
RED AC T LO N : Rue Vivienne, 55 j Paris
Comptes rendus & annonces de ventes publiques de tableaux
dessins, estampes ; bronzes, ivoires, médailles, livres rares, autographes
émaux, porcelaines, armes, objets de curiosité; &c\, &c.
Nouvelles des galeries publiques, des ateliers. — Correspondances étrangères
Bibliographie des livres, articles de revues & estampes
publiées en France & à l’Etranger. — Revue des arts industriels
Expositions de Province & de l’Etranger-
Paraissant tous les Dimanches
ABONNEMENTS :
Départements^ un an. ...... 18 fr.
— six mois. 10 fr.
Etranger, le port en sus.
ADMINISTRATION : Rue Vivienne, 55, Paris
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INGRES
ET SES RÉCENTS BIOGRAPHES 1.
Quand un grand artiste a tracé dans
les arts un large et lumineux sillon,
quand il tombe droit comme un chêne
au bout d’une longue et laborieuse car-
rière, sa mort, quelque prévue quelle
soit, cause une émotion douloureuse et
générale; puis, le premier moment de
stupeur passé, on se reprend à l’étudier
avec ardeur, à noter avec soin tous les
faits qui se rattachent à cette brillante
individualité artistique. Ainsi fut-il pour
Ingres, considéré, même pendant sa vie,
comme le chef de l’école française de
peinture au xixe siècle, et qui, comme
Delacroix, comme Paul Delaroche et
comme tant d’autres lutteurs convaincus,
après avoir été si longtemps livré aux
amertumes de la discussion, est entré
depuis trois ans à peine dans les régions
sereines et impartiales de l’histoire. Un
des collaborateurs justement remarqués
de la Gazette des Beaux-Arts, M. J. Gran-
gedor, faisait eu 1869, à la salle du bou-
levard des Capucines, une série de
conférences sur nos grands peintres con-
temporains. Eugène Delacroix et Ingres
notamment furent le thème de prédilec-
tion de ces causeries, et les auditeurs
privilégiés de ces réunions n’ont pas ou-
blié les paroles émues, les appréciations
aussi neuves que fécondes de l’aimable
conférencier qu’animaient les plus géné-
reuses doctrines. Ce souvenir nous a été
suggéré par deux importantes et récentes
études biographiques sur Ingres, qui se
sont succédé à quelques semaines d’inter-
valle seulement. L’une, l’aînée, car elle a
paru la première, est due à un membre
de l’Institut, à M. le vicomte Henri De-
laborde; la dernière en date a aussi été
écrite par un membre de l’Institut, par
M. Charles Blanc.
Nous voudrions bien examiner longue-
ment et minutieusement ces deux mono-
graphies qui se recommandent si puis-
samment du nom de leurs auteurs, mais
nous éprouvons l’embarras dont l’un de
nous parlait ici même la semaine der-
nière. La Chronique ne peut qu’enre-
gistrer l’apparition des travaux nouveaux ;
1. Ingres, sa vie, ses travaux, sa doctrine, d’après
les notes manuscrites et les lettres du maître, par-
le Yie Henri Dilaborde, membre de l’Institut, etc.
Paris, H. Plon, 1870. 1 vol. in-8.
Ingres, sa vie et ses ouvrages, par M. Charles Blanc,
membre de l’Institut. Paris, Vu Jules lienouard, 6,
rue de Tournon, 1870. 1 vol. gr. in-8.
quant au fond, elle est forcée d’en laisser
les surprises aux chercheurs et aux cu-
rieux. Donc, que MM. Henri Delaborde
et Charles Blanc nous pardonnent, eux
aussi, d’indiquer leur œuvre à la façon
d’une vigie signalant du haut d’un mât,
à l’équipage et aux passagers, la voile ou
la terre qui se profile à l’extrême horizon.
Après la notice biographique écrite par
M. Delaborde dans ce style sobre, lim-
pide et attachant qui lui est familier, la
partie la plus curieuse de l’œuvre con-
siste dans les notes et les pensées de
J.-A.-D. Ingres sur les beaux-arts. Écrits,
paroles, œuvres peintes ou dessinées,
— depuis le tableau le plus achevé
jusqu’au croquis le plus sommaire,
depuis la maxime didactique jusqu’au
propos familier, — tout ce qui vient
d’Ingres porte avec soi l’autorité d’un
grand nom et émane d’un cœur ir-
révocablement convaincu. Ces fragments
ont été empruntés : 1° aux cahiers mêmes
ou aux feuilles volantes sur lesquelles
Ingres se plaisait à inscrire tantôt des
préceptes théoriques, tantôt les réflexions
que lui avait suggérées la pratique per-
sonnelle ou l’étude des procédés em-
ployés par les anciens, tantôt enfin aux
notes ou aux explications relatives à ses
propres ouvrages ; 2° aux lettres succes-
sivement adressées par Ingres à ses plus
intimes amis; 3° aux notes prises, séance
tenante, dans l’atelier des élèves du
maître, par quelques-uns de ceux qu’il
venait d’encourager, de réprimander ou
d’avertir.
En se faisant l’éditeur de ces différen-
tes pièces, M. Delaborde a pris soin de
nous avertir qu’il a scrupuleusement res-
pecté les idées qu’Ingres entendait expri-
mer et les procédés de langage qu’il avait
choisis. C’est là ce qui donne à cette par-
tie du livre un intérêt tout spécial; car
elle reflète fidèlement la physionomie
morale, les habitudes intellectuelles de
l’homme qui écrivait un jour les lignes
suivantes à un ami qu’il honorait d’une
confiance particulière : « Ingres prie son
cher rédacteur de mettre au net'cet
écrit, dans le même style, mais dégagé
pourtant des fautes les plus essentielles.
Il n’y faudra rien ajouter, il suffira d’é-
viter les redites, les mots inutiles... Je
ne voudrais pas un style plus littéraire,
plus élégant, meilleur enfin; je veux le
mien à tous risques et périls, car il me
semble, comme on l’a bien dit, que « le
style, c’est l’homme. »
Nous pourrions citer ici quelques-unes
de ces pensées écrites, où la doctrine
esthétique d’Ingres est le plus directe-
ment en cause, et où sa personne même
est intéressée de plus près, mais nous
aimons mieux laisser au lecteur le soin
de les chercher et de s’y arrêter lui-
même, suivant ses propres aspirations et
ses propres instincts, car M. Delaborde,
nous le répétons, a suivi religieusement
les avis du maître et a laissé autant que
possible aux formes de ses méditations
l’accent et la vie propre qu’il avait voulu
leur donner. Aux maximes et aux pensées
originales et nerveuses d’Ingres sur lui-
même, sur l’art et le beau, le goût et la
critique, le dessin, la couleur et l’effet,
sur l’étude de l’antique et des maîtres,
succèdent des fragments sur quelques
œuvres'd’art et sur quelques artistes, sur
la musique et les musiciens. Puis vient
le catalogue complet et raisonné des
œuvres du maître, mentionnant ses pein-
tures religieuses, allégoriques ou histo-
riques, ses têtes d’études, ses portraits,
ses dessins, ses gravures, ses lithogra-
phies et ses sujets de tableaux projetés.
Le livre, que termine un appendice con-
tenant un certain nombre de lettres
d’Ingres à ses amis, MM. Marcotte et
Gatteaux, est orné d’un beau portrait du
peintre, gravé par Morse, et c’est faire
l’éloge de son exécution typographique
en disant qu’il sort des presses de
M. Henri Plon.
Eh bien ! quand on quitte l’étude de
M. Delaborde et qu’on ouvre le livre de
M. Charles Blanc, on voit se dérouler
toute une série de perspectives nouvelles,
et on se sent entraîné dès l’abord par ce
style imagé, clair et magistral que le
brillant rédacteur de la Gazette manie
avec une si rare aisance. Ici la partie bio-
graphique domine. Ingres est suivi pas
à pas, depuis ses plus tendres années
jusqu’à ses dernières heures, à Montau-
ban, à Borne, à Paris, au château de Dam-
pierre, partout où le chef de l’école fran-
çaise a laissé une pensée, un souvenir,
un dessin, un croquis, un tableau. C’est
tout un homme nouveau que raconte la
plume élégante de M. Charles Blanc. As-
pirations, luttes, angoisses, privations,
repos, gloire, apothéose, rien n’est né-
gligé, rien n’est laissé dans l’ombre; 011
embrasse l’artiste tout entier; et quand
on a lu ces études si différemment con-
çues et exécutées, on serait tenté de
croire que ces deux écrivains hors ligne
se sont concertés avant d’aborder leur
tâche et qu’ils-se sont dit : Je traiterai
ceci, vous cela ; puis ce point, et vous
cet autre. *
Il n’en est rien cependant, car le tra-
vail de M. Charles Blanc était terminé de-
puis plusieurs mois et aurait dû précéder
celui de M. H. Delaborde, si un voyage
en Égypte, lors de l’inauguration du ca-
nal de l’isthme de Suez, n’était venu en
retarder P impression. Ne nous en plai-
gnons pas néanmoins, M. Charles Blanc a
trouvé en Orient, et à travers ses péré-
grinations sur la vieille terre des Pha-
raons, des inspirations et des impressions
nouvelles qui se traduiront, nous en avons
l’espoir, par des récits imprévus et par
des aperçus curieux sur les arts et les
coutumes de ces contrées lointaines.
La monographie de M. Charles Blanc
sur Ingres est donc surtout biographique;
et, comme si la magie du style n’avait
pas suffi, les pages sont ornées de qua-
torze magnifiques gravures dues au burin
de MM. : L. Flameng, Portraits d’Ingres
et de Mma Devauçay, Angélique, la
Source, LouisXIVet Molière', E. Rosotte,
Romulusemportant les dépouilles opimes,
Jésus au milieu des docteurs ; L. Gaillard,
OEclipe ; Dieu, Petite fille au chevreau-,
Henriquel-Dupont, Portrait de M. Tar-
dieu-, H.-J. Dubouchet, Groupe central
de l’Apothéose d’Homère; Ilaussoullier,
Y Odalisque à l’Esclave; L. Gaucherel,
Lady Jane Montagne; L. Chapon, Por-
trait d’Ingres à 87 ans, etc...
On le voit, l’œuvre de M. Charles Blanc
est un monument élevé à la mémoire
du plus illustre des peintres contempo-
rains, et si jamais livre , — l’impres-
sion en est irréprochable, car elle a été
exécutée par la maison J. Claye, — doit
forcer l’entrée de la bibliothèque des
hommes de goût, assurément c’est bien
celui du séduisant et inépuisable auteur
de la Grammaire des arts du dessin.
Louis Desprez.
LES ARTS ET L’INDUSTRIE
DANS LE ROYAUME DE LAOS.
A la suite d’une étude sur les ruines
d’Angcor, que nous avons reproduite d’après
la Revue maritime et coloniale, M. Francis
Garnier a donné sur les industries et les arts
du royaume de Laos quelques précieux
renseignements qui intéresséront certaine-
ment nos lecteurs.
Il y a quelques ouvriers assez habiles dans l’art
de ciseler les métaux, et qui fabriquent les ob-



