9e Année.
— N° 34 —
21 Août 1870.
LA CHRONIQUE
TOLÏTÎQJJE
DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ
Paraissant tous les Dimanches
ABONNEMENTS :
Paris , un an. . 15 fr.
— six mois. 8 fr.
UN NUMÉRO : 2 0 CENT.
RÉDACTION: Rue ViVienne) 55 } Paris
Comptes rendus & annonces de ventes publiques de tableaux
dessins, estampes bronzes, ivoires, médailles, livres rares, autographes
émaux, porcelaines, armes, objets de curiosité^ &c., &c.
Nouvelles des galeries publiques, des ateliers. — Correspondances étrangères
Bibliographie des livres, articles de revues & estampes
publiées en F rance & à l’Etranger. — Revue des arts industriels
Expositions de Province & de l’Etranger-
Paraissant tous les Dimanches
ABONNEMENTS :
Départements, un an. 18 fr.
six mois. 10 fr.
Etranger, le port en sus.
ADMINISTRATION : Rue Vïvienne} 55, Paris
LES ARCHIVES DE VENISE.
L’auteur de la Diplomatie vénitienne et les
Princes cle l’Europe au xvie siècle, M. Armand
Baschet, vient de publier un second volume
de recherches 1. Ces recherches, ainsi que
les précédentes, dont nous avons eu sou-
vent l’occasion de citer des extraits, ont été
faites aux sources originales et sont dignes
de toute créance. Elles nous font pénétrer
dans ces Archives tenues si longtemps non
pas secrètes mais verrouillées et cadenas-
sées. A vrai dire, ce volume est même sur-
tout un répertoire succinct des richesses
qu’elles conservent, un fil conducteur pour
parcourir sans s’y perdre les innombrables
salles dei Frari qui les renferment, un cata-
logue raisonné à l’usage de ceux qui tente-
ront d’en dépouiller les cartons.
Transcrire le titre de ce volume de
700 pages de texte, c’est éveiller déjà bien
des curiosité?. 3e l’ai lu ligne à ligne et j’y
ai beaucoup appris sur ce peuple si pas-
sionné pour la force et la gloire de sa ville,
si bien informé, si prudent et si sage dans
ses résolutions, si ombrageux de tout ce qui
pouvait atteindre la sécurité de ses insti-
tutions. Bien des préjugés romanesques
tombent à l’étude sereine de ces papiers se-
crets. On y voit que les traîtres contre la
liberté de Venise avaient seuls à trembler et
que jamais peuple ne sut plus largement
récompenser les services de son aristo-
cratie.
Un article d’ensemble sur un livre où la
politique, la diplomatie, les traits de mœurs
locales tiennent une grande place ne m’est
point permis ici. En tournant les feuillets
je n’ai d’ailleurs noté que ce qui, stricte-
ment, touchait les arts. Ces passages sont
assez nombreux pour faire préjuger de l’in-
térêt des matériaux dont M. Armand Baschet
se réserve la publication ultérieure. Ses
études spéciales sur les verreries de Murano,
sur les fabriques d’étoffes, sur les corpora-
tions artistes devront former au moins la
valeur d’un volume.
Le livre de M. Armand Baschet est, ainsi
que je viens de l’écrire, particulièrement un
guide pour marcher dans cette forêt de do-
cuments où l’érudition française, italienne,
anglaise et allemande a déjà fait, dans ces
derniers temps, quelques trouées2. Le séna-
teur A. Sagredo disait dans une lettre :
« Si quelqu’un demandait les documents
relatifs aux architectes et aux édifices de
Venise, et qu’on lui répondît : « Cherchez
1. Histoire de la Chancellerie secrète. Le Sénat, le ca-
binet des Ministres, le Conseil des Dix et les Inquisi-
teurs d’État dans leurs rapports avec la France, d’a-
près les recherches faites aux sources originales...
par Armand Baschet. Paris, H. Plon. 1870. 1 vol. in-8.
2. Je n’ai point à rappeler aux lecteurs de la Ga-
zette les travaux de M. A. Barrozzi, le savant et ai-
mable directeur du musée Correr.
dans les .actes des magistrats préposés à la
Comptabilité clu sel et à l’Administration des
salines, cette réponse paraîtrait tenir du sar-
casme. » Cependant il n’en est pas d’autre
à faire. L’impôt du sel était un des princi-
paux revenus de l’État, et quand on avait
décidé de la construction cl’un nouvel édi-
fice ou d’une commande importante à un
peintre illustre, on en assignait la dépense
sur les Revenus du sel et on en faisait passer
l’ordonnance alMagistrato al sal. » C’est donc
parmi les papiers de cette magistrature toute
spéciale que peuvent se trouver les actes
relatifs aux constructions publiques et aux
commandes artistiques. C’est dans les pa-
piers des Inquisiteurs cl'État qu’à dater de
1774 M. A. Baschet a rencontré la plus
abondante série de textes relatifs aux me-
sures à prendre, de concert avec les peintres
éminents, pour la conservation et la restau-
ration des tableaux appartenant à l’Etat et
émanant des écoles primitives du xve et
du xvie siècle.
Rien n’enchante l’esprit — fatigué et
navré de la rudesse ou de la nullité des dis-
cussions actuelles, de la rareté des interlo-
cuteurs instruits et complaisants — comme
de revivre dans ces temps policés et artistes.
En même temps que l’agrément des rapports
personnels dans la ville la plus singulière-
ment pittoresque du monde, sur ce radeau
de marbre amarré entre l’Orient et l’Eu-
rope, s’établissait l’amitié des esprits. Les
gens de même instruction, de mêmes goûts
se serraient les coudes. On se retrouvait par
delà la mort quand on avait aimé de con-
cert les tableaux, les bronzes, les médailles,
les bons et rares livres. Quoi de plus tou-
chant que ce trait? « En 1529 fut élu le se-
crétaire de la république, Andrea Francescbi.
Il avait servi pendant quarante-trois ans,
était d’une instruction et d’une érudition
profondes dans les langues grecque et la-
tine, et c’est avec une sorte de plaisir que
nous avons à reconnaître son humeur let-
trée dans un de ses legs testamentaires con-
sistant en « un Homère imprimé chez Aide
l'Ancien et relié à la damasquine avec or... »
en faveur de cet autre bon lettré, maître G.
B. Egnazio. Celui-là même, en 1514, avait
prononcé l’oraison funèbre du plus méritant
des typographes. » .
Cet Andrea Franceschi avait le goût des
médailles, il recueillait les inscriptions an-
ciennes; le grand Titien, dont il était un
ami, a fait de lui deux portraits.
Les ambassadeurs de la république véni-
tienne, hommes de (ine instruction, de ma-
nières aimables et d’une prudence éprouvée,
reçurent toujours à la cour de France un
accueil particulièrement aimable. On sait
que l’usage — tout oriental — des présents
offerts aux rois et rendus par eux existait
alors dans les cours de l’Occident. M. Bas-
chet a pu établir le genre et le prix des dons
proprement dits qui, outre les faveurs ho-
norifiques, étaient accordés aux ambassa-
deurs vénitiens lorsqu’ils retournaient dans
leur pays.
François Ier et Henri II donnaient ordinai-
rement à l’ambassadeur une chaîne d’or de
la valeur de quelque mille écus. Charles IX
ajouta au don de la chaîne celui d’un an-
neau. Giovanni Michieli fut le premier à qui
des pièces d’argenterie furent présentées;
ce fut en l’année 1572, et depuis ce temps
jusque vers la seconde moitié du règne de
Louis XHI, cette mode fut maintenue à la
cour. L’ambassadeur Cavalli en reçut de la
reine mère, en 1574, pour la valeur de
six cents écus. Giovanni Pesaro, en 1624,
fut le premier qui, avec les pièces d’arg^h-
terie dorée, fut honoré de l’hommage d’un
portrait du Roi encadré dans de l’or avec
diamants... Sous la minorité de Louis XIV,
” i.sago persista d’une chaîne d’or et. d’un
petit portrait cfe roi. En 1648, il fut donné
à G.-B. Nam une épée avec un ceinturon
fourni de perles montées sur or, et Mazarin
lui offrit pour sa part une montre entourée
de diamants. Jusqu’en 1705 tous les ambas-
sadeurs reçurent à leur départ une chaîne
de plusieurs rangs avec une médaille pareil-
lement d’or frappée au portrait du Roi.
A l’occasion de l’audience de congé du
marquis Rinuccini (1705), envoyé extraordi-
naire de Florence, l’usage de ces pierres fut
remplacé par la présentation d’un médaillier,
« la suitte entière des médailles qui ont été
frappées pour transmettre à la postérité les
principaux évènemens de la vie de Sa Ma-
jesté. » Cette « suitte » ne pesant en argent
que deux mille cinq cents livres, on ajoutait
quelques médailles d’or, selon l’importance
du pays ou le degré de. faveur de l’ambas-
sadeur. On y joignit aussi le volume de lé-
gendes et d’explication rédigé par l’Aca-
démie des inscriptions et belles-lettres, et
enfin un médaillier à treize tiroirs.
Dans un prochain article, je transcrirai les
pages du chapitre intitulé les Inquisiteurs et
l’Industrie. On y verra avec quel soin jaloux
la République veillait à ce que ses ouvriers
n’allassent pas porter à '(étranger les secrets
de ses fabriques, et je terminerai cette
courte promenade dans le livre de M. A.
Baschet par les pages curieuses qu’il intitule
les Inquisiteurs et les Beaux-Arts.
Pu. Burty.
\ \
-«eetSbo»» (
LES GRANDS PRIX DE f\OME.
Dans son ensemble, l’aspect dès tableaux
qui ont concouru pour le prix dt Rome a
quelque analogie avec celui d’un chemin de
croix. Même disposition générale, même
couleur. Le sujet à traiter était la fàprt de
Messaline. Toutes les compositions, excepté
celle qui a obtenu le prix, étaient ainsi dis-
posées sur des toiles plus longues que hautes :
à droite, Messaline, couchée à terre et s’ap-
puyant sur les genoux de sa mère qui lui
présente un poignard. A gauche, le tribun
debout, un glaive à la main, prêt à frapper.
Au centre, l’affranchi penché vers l’impéra-
trice et lui faisant subir l’affront de ses in-
sultes. Quelques soldats au fond. De loin
cela ressemble à un Jésus succombant sous
la croix.
M. Lamatte, qui a obtenu le premier prix,
à renversé l’ordre des personnages, de sorte
que Messaline, couchée à terre, arc-boutant
son corps sur le bras droit, prend de la
main gauche le poignard que lui tend sa
mère; cette dernière, portant tout son corps
vers l’affranchi, comme pour repousser ses
insultes, se rattache mieux à l’action que
dans les toiles des autres concurrents; la
composition de M. Lamatte est d’ailleurs plus
concentrée à cause de la forme du cadre.
L’affranchi, vieux courtisan façonné à toutes
les bassesses, est drapé dans un manteau
rouge formant la dominante des colorations,
qui sont assez soutenues, bien que dans des
tons assoupis où jouent un grand rôle les
violets verdâtres si familiers à M. Cabanel,
professeur du lauréat. Le dessin ne se signale
par aucune qualité bien personnelle, les
formes sont grêles et le modelé est sans
vigueur.
En somme, ce grand prix vaut surtout
par un ensemble de qualités moyennes qui
font aujourd’hui de M. Lamatte un artiste
très-recommandable, — et il n’a que
vingt ans ! — mais qui ne fera pas sortir
l’école de l’ornière.
M. Mathieu, encore un élève de M. Caba-
nel — qui a obtenu un rappel de premier
accessit, nous promet une seconde édition
de M. Bouguereau. Il y a plus de force et
d’individualité chez M. Chatran, élève aussi de
M. Cabanel. Ses personnages n’ont du reste
rien d’académique ni dans le type ni dans
le dessin. Son affranchi, au lieu d’être un
homme de cour, comme dans les deux pré-
cédentes compositions, n’est qu’un berger
gouailleur, mêlé 011 ne sait trop comment à
ce drame impérial. Le soldat se penche par
un mouvement très-hardi vers l'impératrice,
et son visage, vu en raccourci, peu agréable
d’ailleurs au centre d’un tableau, est supé-
rieurement modelé.
Notons la composition anonyme pour le
public qui porte le n° 1. Elle promet un co-
loriste brillant et très-fin, que l’on peut rat-
tacher à M. Baudry; le fond de son tableau,
représentant des jardins et des constructions
en terrasse, est cl’un ton blanc très-agréable.
Le sujet du concours de sculpture était
Samson saisi de l’esprit de Dieu et rompant
ses liens. Tous les concurrents ont repré-
senté l’Hercule juif debout, marchant, éten-
— N° 34 —
21 Août 1870.
LA CHRONIQUE
TOLÏTÎQJJE
DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ
Paraissant tous les Dimanches
ABONNEMENTS :
Paris , un an. . 15 fr.
— six mois. 8 fr.
UN NUMÉRO : 2 0 CENT.
RÉDACTION: Rue ViVienne) 55 } Paris
Comptes rendus & annonces de ventes publiques de tableaux
dessins, estampes bronzes, ivoires, médailles, livres rares, autographes
émaux, porcelaines, armes, objets de curiosité^ &c., &c.
Nouvelles des galeries publiques, des ateliers. — Correspondances étrangères
Bibliographie des livres, articles de revues & estampes
publiées en F rance & à l’Etranger. — Revue des arts industriels
Expositions de Province & de l’Etranger-
Paraissant tous les Dimanches
ABONNEMENTS :
Départements, un an. 18 fr.
six mois. 10 fr.
Etranger, le port en sus.
ADMINISTRATION : Rue Vïvienne} 55, Paris
LES ARCHIVES DE VENISE.
L’auteur de la Diplomatie vénitienne et les
Princes cle l’Europe au xvie siècle, M. Armand
Baschet, vient de publier un second volume
de recherches 1. Ces recherches, ainsi que
les précédentes, dont nous avons eu sou-
vent l’occasion de citer des extraits, ont été
faites aux sources originales et sont dignes
de toute créance. Elles nous font pénétrer
dans ces Archives tenues si longtemps non
pas secrètes mais verrouillées et cadenas-
sées. A vrai dire, ce volume est même sur-
tout un répertoire succinct des richesses
qu’elles conservent, un fil conducteur pour
parcourir sans s’y perdre les innombrables
salles dei Frari qui les renferment, un cata-
logue raisonné à l’usage de ceux qui tente-
ront d’en dépouiller les cartons.
Transcrire le titre de ce volume de
700 pages de texte, c’est éveiller déjà bien
des curiosité?. 3e l’ai lu ligne à ligne et j’y
ai beaucoup appris sur ce peuple si pas-
sionné pour la force et la gloire de sa ville,
si bien informé, si prudent et si sage dans
ses résolutions, si ombrageux de tout ce qui
pouvait atteindre la sécurité de ses insti-
tutions. Bien des préjugés romanesques
tombent à l’étude sereine de ces papiers se-
crets. On y voit que les traîtres contre la
liberté de Venise avaient seuls à trembler et
que jamais peuple ne sut plus largement
récompenser les services de son aristo-
cratie.
Un article d’ensemble sur un livre où la
politique, la diplomatie, les traits de mœurs
locales tiennent une grande place ne m’est
point permis ici. En tournant les feuillets
je n’ai d’ailleurs noté que ce qui, stricte-
ment, touchait les arts. Ces passages sont
assez nombreux pour faire préjuger de l’in-
térêt des matériaux dont M. Armand Baschet
se réserve la publication ultérieure. Ses
études spéciales sur les verreries de Murano,
sur les fabriques d’étoffes, sur les corpora-
tions artistes devront former au moins la
valeur d’un volume.
Le livre de M. Armand Baschet est, ainsi
que je viens de l’écrire, particulièrement un
guide pour marcher dans cette forêt de do-
cuments où l’érudition française, italienne,
anglaise et allemande a déjà fait, dans ces
derniers temps, quelques trouées2. Le séna-
teur A. Sagredo disait dans une lettre :
« Si quelqu’un demandait les documents
relatifs aux architectes et aux édifices de
Venise, et qu’on lui répondît : « Cherchez
1. Histoire de la Chancellerie secrète. Le Sénat, le ca-
binet des Ministres, le Conseil des Dix et les Inquisi-
teurs d’État dans leurs rapports avec la France, d’a-
près les recherches faites aux sources originales...
par Armand Baschet. Paris, H. Plon. 1870. 1 vol. in-8.
2. Je n’ai point à rappeler aux lecteurs de la Ga-
zette les travaux de M. A. Barrozzi, le savant et ai-
mable directeur du musée Correr.
dans les .actes des magistrats préposés à la
Comptabilité clu sel et à l’Administration des
salines, cette réponse paraîtrait tenir du sar-
casme. » Cependant il n’en est pas d’autre
à faire. L’impôt du sel était un des princi-
paux revenus de l’État, et quand on avait
décidé de la construction cl’un nouvel édi-
fice ou d’une commande importante à un
peintre illustre, on en assignait la dépense
sur les Revenus du sel et on en faisait passer
l’ordonnance alMagistrato al sal. » C’est donc
parmi les papiers de cette magistrature toute
spéciale que peuvent se trouver les actes
relatifs aux constructions publiques et aux
commandes artistiques. C’est dans les pa-
piers des Inquisiteurs cl'État qu’à dater de
1774 M. A. Baschet a rencontré la plus
abondante série de textes relatifs aux me-
sures à prendre, de concert avec les peintres
éminents, pour la conservation et la restau-
ration des tableaux appartenant à l’Etat et
émanant des écoles primitives du xve et
du xvie siècle.
Rien n’enchante l’esprit — fatigué et
navré de la rudesse ou de la nullité des dis-
cussions actuelles, de la rareté des interlo-
cuteurs instruits et complaisants — comme
de revivre dans ces temps policés et artistes.
En même temps que l’agrément des rapports
personnels dans la ville la plus singulière-
ment pittoresque du monde, sur ce radeau
de marbre amarré entre l’Orient et l’Eu-
rope, s’établissait l’amitié des esprits. Les
gens de même instruction, de mêmes goûts
se serraient les coudes. On se retrouvait par
delà la mort quand on avait aimé de con-
cert les tableaux, les bronzes, les médailles,
les bons et rares livres. Quoi de plus tou-
chant que ce trait? « En 1529 fut élu le se-
crétaire de la république, Andrea Francescbi.
Il avait servi pendant quarante-trois ans,
était d’une instruction et d’une érudition
profondes dans les langues grecque et la-
tine, et c’est avec une sorte de plaisir que
nous avons à reconnaître son humeur let-
trée dans un de ses legs testamentaires con-
sistant en « un Homère imprimé chez Aide
l'Ancien et relié à la damasquine avec or... »
en faveur de cet autre bon lettré, maître G.
B. Egnazio. Celui-là même, en 1514, avait
prononcé l’oraison funèbre du plus méritant
des typographes. » .
Cet Andrea Franceschi avait le goût des
médailles, il recueillait les inscriptions an-
ciennes; le grand Titien, dont il était un
ami, a fait de lui deux portraits.
Les ambassadeurs de la république véni-
tienne, hommes de (ine instruction, de ma-
nières aimables et d’une prudence éprouvée,
reçurent toujours à la cour de France un
accueil particulièrement aimable. On sait
que l’usage — tout oriental — des présents
offerts aux rois et rendus par eux existait
alors dans les cours de l’Occident. M. Bas-
chet a pu établir le genre et le prix des dons
proprement dits qui, outre les faveurs ho-
norifiques, étaient accordés aux ambassa-
deurs vénitiens lorsqu’ils retournaient dans
leur pays.
François Ier et Henri II donnaient ordinai-
rement à l’ambassadeur une chaîne d’or de
la valeur de quelque mille écus. Charles IX
ajouta au don de la chaîne celui d’un an-
neau. Giovanni Michieli fut le premier à qui
des pièces d’argenterie furent présentées;
ce fut en l’année 1572, et depuis ce temps
jusque vers la seconde moitié du règne de
Louis XHI, cette mode fut maintenue à la
cour. L’ambassadeur Cavalli en reçut de la
reine mère, en 1574, pour la valeur de
six cents écus. Giovanni Pesaro, en 1624,
fut le premier qui, avec les pièces d’arg^h-
terie dorée, fut honoré de l’hommage d’un
portrait du Roi encadré dans de l’or avec
diamants... Sous la minorité de Louis XIV,
” i.sago persista d’une chaîne d’or et. d’un
petit portrait cfe roi. En 1648, il fut donné
à G.-B. Nam une épée avec un ceinturon
fourni de perles montées sur or, et Mazarin
lui offrit pour sa part une montre entourée
de diamants. Jusqu’en 1705 tous les ambas-
sadeurs reçurent à leur départ une chaîne
de plusieurs rangs avec une médaille pareil-
lement d’or frappée au portrait du Roi.
A l’occasion de l’audience de congé du
marquis Rinuccini (1705), envoyé extraordi-
naire de Florence, l’usage de ces pierres fut
remplacé par la présentation d’un médaillier,
« la suitte entière des médailles qui ont été
frappées pour transmettre à la postérité les
principaux évènemens de la vie de Sa Ma-
jesté. » Cette « suitte » ne pesant en argent
que deux mille cinq cents livres, on ajoutait
quelques médailles d’or, selon l’importance
du pays ou le degré de. faveur de l’ambas-
sadeur. On y joignit aussi le volume de lé-
gendes et d’explication rédigé par l’Aca-
démie des inscriptions et belles-lettres, et
enfin un médaillier à treize tiroirs.
Dans un prochain article, je transcrirai les
pages du chapitre intitulé les Inquisiteurs et
l’Industrie. On y verra avec quel soin jaloux
la République veillait à ce que ses ouvriers
n’allassent pas porter à '(étranger les secrets
de ses fabriques, et je terminerai cette
courte promenade dans le livre de M. A.
Baschet par les pages curieuses qu’il intitule
les Inquisiteurs et les Beaux-Arts.
Pu. Burty.
\ \
-«eetSbo»» (
LES GRANDS PRIX DE f\OME.
Dans son ensemble, l’aspect dès tableaux
qui ont concouru pour le prix dt Rome a
quelque analogie avec celui d’un chemin de
croix. Même disposition générale, même
couleur. Le sujet à traiter était la fàprt de
Messaline. Toutes les compositions, excepté
celle qui a obtenu le prix, étaient ainsi dis-
posées sur des toiles plus longues que hautes :
à droite, Messaline, couchée à terre et s’ap-
puyant sur les genoux de sa mère qui lui
présente un poignard. A gauche, le tribun
debout, un glaive à la main, prêt à frapper.
Au centre, l’affranchi penché vers l’impéra-
trice et lui faisant subir l’affront de ses in-
sultes. Quelques soldats au fond. De loin
cela ressemble à un Jésus succombant sous
la croix.
M. Lamatte, qui a obtenu le premier prix,
à renversé l’ordre des personnages, de sorte
que Messaline, couchée à terre, arc-boutant
son corps sur le bras droit, prend de la
main gauche le poignard que lui tend sa
mère; cette dernière, portant tout son corps
vers l’affranchi, comme pour repousser ses
insultes, se rattache mieux à l’action que
dans les toiles des autres concurrents; la
composition de M. Lamatte est d’ailleurs plus
concentrée à cause de la forme du cadre.
L’affranchi, vieux courtisan façonné à toutes
les bassesses, est drapé dans un manteau
rouge formant la dominante des colorations,
qui sont assez soutenues, bien que dans des
tons assoupis où jouent un grand rôle les
violets verdâtres si familiers à M. Cabanel,
professeur du lauréat. Le dessin ne se signale
par aucune qualité bien personnelle, les
formes sont grêles et le modelé est sans
vigueur.
En somme, ce grand prix vaut surtout
par un ensemble de qualités moyennes qui
font aujourd’hui de M. Lamatte un artiste
très-recommandable, — et il n’a que
vingt ans ! — mais qui ne fera pas sortir
l’école de l’ornière.
M. Mathieu, encore un élève de M. Caba-
nel — qui a obtenu un rappel de premier
accessit, nous promet une seconde édition
de M. Bouguereau. Il y a plus de force et
d’individualité chez M. Chatran, élève aussi de
M. Cabanel. Ses personnages n’ont du reste
rien d’académique ni dans le type ni dans
le dessin. Son affranchi, au lieu d’être un
homme de cour, comme dans les deux pré-
cédentes compositions, n’est qu’un berger
gouailleur, mêlé 011 ne sait trop comment à
ce drame impérial. Le soldat se penche par
un mouvement très-hardi vers l'impératrice,
et son visage, vu en raccourci, peu agréable
d’ailleurs au centre d’un tableau, est supé-
rieurement modelé.
Notons la composition anonyme pour le
public qui porte le n° 1. Elle promet un co-
loriste brillant et très-fin, que l’on peut rat-
tacher à M. Baudry; le fond de son tableau,
représentant des jardins et des constructions
en terrasse, est cl’un ton blanc très-agréable.
Le sujet du concours de sculpture était
Samson saisi de l’esprit de Dieu et rompant
ses liens. Tous les concurrents ont repré-
senté l’Hercule juif debout, marchant, éten-



