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LA CHRONIQUE DES ARTS
d’Achille, il lui prend les genoux et baise ses
mains terribles. Achille, songeant à son père,
sent le besoin de pleurer. »
Les concurrents ne pouvaient pas souhaiter
voir sortir du bagage classique de l’Ecole un
programme plus pittoresque, plus facile à con-
cevoir et à écrire pour qui a fait de bonnes
études ; de là vient sans doute que. six d’entre
eux, au moins, sur dix, l’ont traité avec une
aisance relative qui est pour beaucoup dans le
bon aspect de leurs ouvrages. Effectivement,
ce programme a cela d’avantageux qu’il permet
aux candidats de satisfaire aux exigences de
la composition et du dessin le plus ortho-
doxes et, en même temps, d’exhiber toutes les
ressources de leur palette dans l’interprétation
des objets de curiosité, vases, armes, mobilier,
que le groupe principal admettait autour de
lui. Ajoutons que la scène pouvait indifférem-
ment être traitée de jour ou de nuit, et que le
milieu, une tente ouverte sur la campagne,
offrait aux adorateurs de la lumière une occa-
sion sans pareille de sacrifier à cette bonne
déesse de la peinture.
Nous allons examiner rapidement les œuvres
exposées en les désignant par leur numéro,
pour rappeler leur ordre de réception. Trois
tableaux nous ont semblé hors de pair : le n° 1,
le 5 et le 6.
Au premier rang nous placerions le n° 5 :
c’est incontestablement le plus rendu, à tous
les points de vue. L’exécution en est savante,
en même temps que la composition entendue
avec une dignité parfaite ; les types ne man-
quent pas de noblesse : il est regrettable seu-
lement que, même dans cet art tout de con-
vention, le peintre ait représenté Achille dans
une attitude trop connue et dont l’Œdipe de
G. Moreau est une des dernières éditions.
Le n° 6,’moins su, moins complet, a de très-
bonnes parties : la tête d’Achille est excellente,
mais le corps présente des recherches demofielé
excessives et souvent malheureuses ; le groupe
des amis est d’une faiblesse extrême.
Dans le n° 1 se trouve peut-être le meilleur
morceau de peinture. Le torse du héros est
remarquablement dessiné et peint avec sou-
plesse dans une gamme claire ; mais la figure
de Priarn laisse beaucoup à désirer ; le corps
du malheureux père, aplati, sans consistance,
disparaît dans le vêtement ; ses mains seules,
d’un beau mouvement, accusent la présence
d’un être humain sous cette enveloppe du
deuil.
Après, nous placerions le n° 4 : tonalité
rouge déplaisante, mais hardi de composition
et exécuté avec fermeté, surtout dans les dra-
peries, et le n°3, habilement arrangé plutôt que
composé : la tête d’Achille ne manque pas
d’une certaine grandeur.
Dans le n° 8, nous voyons un tableau bien
éclairé. Quant à la scène elle-même, elle ne
fait en rien songer à Y Iliade.
Le n° 9 n’est qu’une ébauche assez faible,
mais si l’on n’y peut voir un dessinateur, il
n’est pas impossible d’y découvrir des qualités
de peintre.
Le mieux que nous puissions faire des autres
est de ne pas en parler.
A. de L.
NOUVELLES
*** L’inauguration solennelle du monument
élevé, à l’Ecole des beaux-arts, à la mémoire du
peintre Henri Régnault et des autres élèves
morts pendant la dernière guerre, aura lieu le
8 août prochain, sous la présidence deM. Wad-
dington, ministre de l’instruction publique.
** Par décret en date du 26 juillet, rendu
sur la proposition du ministre de l’instruction
publique et des beaux-arts, M. Bruyas, conser-
vateur du musée de Montpellier, a été nommé
chevalier de la Légion d’honneur.
Nous enregistrons également avec plaisir la
nomination de M. Massenet, chef incontesté de
la jeune école française de musique, auteur de
Marie-Magdeleine, d’Eve, et de plusieurs mor-
ceaux symphoniques souvent applaudis aux
concerts populaires.
*** M. E. Perrin a été élu membre libre de
l’Académie des beaux-arts, en remplacement
de M. deCailleux. On comptait quatre candidats
qui avaient été classés dans Tordre suivant par la
commission :
MM. Emile Perrin, Gustave Cbouquet, du
Sommerard et Reiset.
En renversant ce classement du tout au tout,
l’Académie eût, à ce qu’il nous semble, rendu
pleine justice au mérite des candidats, et ré-
pondu à l’attente du public.
Le gouvernement accepte les termes du
rapport Journault relatif à l’Exposition et dont
les conclusions portent que les constructions du
Trocadéro seront définitives.
Il acceptera aussi, à titre définitif, les cons-
tructions du Champ de Mars, sous la condition,
posée par le ministre de la guerre, que les
terrains occupés par ces constructions seront
remplacés par d’autres et pour toujours.
* * On vient d’augmenter d’une salle le mu-
sée des Antiquités ninivites et assyriennes du
Louvre, trop étroitement logées jusqu’ici.
On a annoncé que le musée de Cluny
allait recevoir un confessionnal fort curieux,
datant du seizième siècle et qui lui est envoyé
de Florence.
Le même musée vient de faire l’acquisition,
au prix de 22.000 francs, d’une chaire en fer
forgé datant de la même époque et qui est une
œuvre d’art d’une exécution irréprochable.
Cette chaire a été cédée au musée par un mo-
nastère du département de Vaucluse.
Le ministre de l’instruction publique pro-
pose aux Chambres d’élever le traitement des
vingt-huit professeurs de l’Ecole des beaux-
arts de 2.400 à 3.000 francs. Nous espérons
que cette augmentation si minime sera votée
sans difficulté.
Les journaux italiens annoncent que l’on
a découvert dans la cathédrale de Corneto des
fresques importantes de Perugin.
LA CHRONIQUE DES ARTS
d’Achille, il lui prend les genoux et baise ses
mains terribles. Achille, songeant à son père,
sent le besoin de pleurer. »
Les concurrents ne pouvaient pas souhaiter
voir sortir du bagage classique de l’Ecole un
programme plus pittoresque, plus facile à con-
cevoir et à écrire pour qui a fait de bonnes
études ; de là vient sans doute que. six d’entre
eux, au moins, sur dix, l’ont traité avec une
aisance relative qui est pour beaucoup dans le
bon aspect de leurs ouvrages. Effectivement,
ce programme a cela d’avantageux qu’il permet
aux candidats de satisfaire aux exigences de
la composition et du dessin le plus ortho-
doxes et, en même temps, d’exhiber toutes les
ressources de leur palette dans l’interprétation
des objets de curiosité, vases, armes, mobilier,
que le groupe principal admettait autour de
lui. Ajoutons que la scène pouvait indifférem-
ment être traitée de jour ou de nuit, et que le
milieu, une tente ouverte sur la campagne,
offrait aux adorateurs de la lumière une occa-
sion sans pareille de sacrifier à cette bonne
déesse de la peinture.
Nous allons examiner rapidement les œuvres
exposées en les désignant par leur numéro,
pour rappeler leur ordre de réception. Trois
tableaux nous ont semblé hors de pair : le n° 1,
le 5 et le 6.
Au premier rang nous placerions le n° 5 :
c’est incontestablement le plus rendu, à tous
les points de vue. L’exécution en est savante,
en même temps que la composition entendue
avec une dignité parfaite ; les types ne man-
quent pas de noblesse : il est regrettable seu-
lement que, même dans cet art tout de con-
vention, le peintre ait représenté Achille dans
une attitude trop connue et dont l’Œdipe de
G. Moreau est une des dernières éditions.
Le n° 6,’moins su, moins complet, a de très-
bonnes parties : la tête d’Achille est excellente,
mais le corps présente des recherches demofielé
excessives et souvent malheureuses ; le groupe
des amis est d’une faiblesse extrême.
Dans le n° 1 se trouve peut-être le meilleur
morceau de peinture. Le torse du héros est
remarquablement dessiné et peint avec sou-
plesse dans une gamme claire ; mais la figure
de Priarn laisse beaucoup à désirer ; le corps
du malheureux père, aplati, sans consistance,
disparaît dans le vêtement ; ses mains seules,
d’un beau mouvement, accusent la présence
d’un être humain sous cette enveloppe du
deuil.
Après, nous placerions le n° 4 : tonalité
rouge déplaisante, mais hardi de composition
et exécuté avec fermeté, surtout dans les dra-
peries, et le n°3, habilement arrangé plutôt que
composé : la tête d’Achille ne manque pas
d’une certaine grandeur.
Dans le n° 8, nous voyons un tableau bien
éclairé. Quant à la scène elle-même, elle ne
fait en rien songer à Y Iliade.
Le n° 9 n’est qu’une ébauche assez faible,
mais si l’on n’y peut voir un dessinateur, il
n’est pas impossible d’y découvrir des qualités
de peintre.
Le mieux que nous puissions faire des autres
est de ne pas en parler.
A. de L.
NOUVELLES
*** L’inauguration solennelle du monument
élevé, à l’Ecole des beaux-arts, à la mémoire du
peintre Henri Régnault et des autres élèves
morts pendant la dernière guerre, aura lieu le
8 août prochain, sous la présidence deM. Wad-
dington, ministre de l’instruction publique.
** Par décret en date du 26 juillet, rendu
sur la proposition du ministre de l’instruction
publique et des beaux-arts, M. Bruyas, conser-
vateur du musée de Montpellier, a été nommé
chevalier de la Légion d’honneur.
Nous enregistrons également avec plaisir la
nomination de M. Massenet, chef incontesté de
la jeune école française de musique, auteur de
Marie-Magdeleine, d’Eve, et de plusieurs mor-
ceaux symphoniques souvent applaudis aux
concerts populaires.
*** M. E. Perrin a été élu membre libre de
l’Académie des beaux-arts, en remplacement
de M. deCailleux. On comptait quatre candidats
qui avaient été classés dans Tordre suivant par la
commission :
MM. Emile Perrin, Gustave Cbouquet, du
Sommerard et Reiset.
En renversant ce classement du tout au tout,
l’Académie eût, à ce qu’il nous semble, rendu
pleine justice au mérite des candidats, et ré-
pondu à l’attente du public.
Le gouvernement accepte les termes du
rapport Journault relatif à l’Exposition et dont
les conclusions portent que les constructions du
Trocadéro seront définitives.
Il acceptera aussi, à titre définitif, les cons-
tructions du Champ de Mars, sous la condition,
posée par le ministre de la guerre, que les
terrains occupés par ces constructions seront
remplacés par d’autres et pour toujours.
* * On vient d’augmenter d’une salle le mu-
sée des Antiquités ninivites et assyriennes du
Louvre, trop étroitement logées jusqu’ici.
On a annoncé que le musée de Cluny
allait recevoir un confessionnal fort curieux,
datant du seizième siècle et qui lui est envoyé
de Florence.
Le même musée vient de faire l’acquisition,
au prix de 22.000 francs, d’une chaire en fer
forgé datant de la même époque et qui est une
œuvre d’art d’une exécution irréprochable.
Cette chaire a été cédée au musée par un mo-
nastère du département de Vaucluse.
Le ministre de l’instruction publique pro-
pose aux Chambres d’élever le traitement des
vingt-huit professeurs de l’Ecole des beaux-
arts de 2.400 à 3.000 francs. Nous espérons
que cette augmentation si minime sera votée
sans difficulté.
Les journaux italiens annoncent que l’on
a découvert dans la cathédrale de Corneto des
fresques importantes de Perugin.


