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LA CHRONIQUE DES ARTS
pour plusieurs mois, une exposition de cartes
et plans anciens et modernes, organisée par
M. L. Yallée, conservateur, avec le concours
de notre collaborateur M. Ch. Du Bus, qui
en parlera prochainement dans la Gazelle. On
y verra, entre autres pièces intéressant l'his-
toire de l'art, des portulans à miniatures, des
cartes du xvnie siècle à décor gravé, et un
certain nombre de documents relatifs à. des
monuments publics ou privés.
*** Grâce à l'entente des conservateurs de
Versailles et de la Malmaison,une exposition
rétrospective des œuvres de Giuseppe Piet.ro
Bagetti, de Turin (1764-1831), capitaine-ingé-
nieur, géographe, artiste paysagiste, chargé
par Bonaparte de dessiner les vues des
champs de bataille d'Italie, sera ouverte au
public, à la Malmaison, à partir du 14 mai.
Les aquarelles de Bagetti avaient passé de
Fontainebleau et du Louvre à Versailles, dans
une salle depuis longtemps fermée au public.
A ces soixante aquarelles, qui furent sou-
mises à l'approbation minutieuse de Napo-
léon, s'ajoutent une quarantaine de dessins
inédits, tirés des cartons du ministère de la
Guerre.
**# Par arrêté du ministre de l'Instruction
publique et des Beaux-Arts en date du
23 avril, une commission a été nommée pour
étudier la question de l'autonomie adminis-
trative et financière des manufactures desGo-
belins, de Sèvres et de Beauvais. Elle est
composée de M. Paul-Boncour, président; de
MM. Poirson, Michel Tardif, Privat-Des-
chanel, Decron, Cellier, Maurice Reclus, Le-
sage, Bigard-Fabre, Valentino, Emile Bour-
geois, Gustave Geffroy, Badin, Peycelon,
membres, et Lechevalier-Chevignard, secré-
taire.
*** Le jury a rendu, samedi dernier 4 mai,
son verdict sur le concours, ouvert par le
Conseil municipal de Paris, en vue d'établir
une médaille destinée à être offerte aux do-
nateurs d'oeuvres d'art aux musées de la
Ville de Paris. Le jury a estimé qu'il n'y
avait pas lieu de donner le premier prix de
8.000 francs et il a simplement attribué des
primes de 3.000, 2.000 et 1.000 francs à
MM. Hippolyte Lefebvre, Pillet et Rozet.
*** Mercredi prochain 14 mai aura lieu,
dans la salle du Jeu de Paume, aux Tuileries,
l'exposition faite au profit de la Société phi-
lanthropique d'un certain nombre de sculp-
tures do Carpeaux et de portraits de Gustave
Ricard. Pour cette fête d'art et de charité, on
trouve des entrées, au prix de 20 francs, au
siège de la Société des Amis du Louvre, pa-
villon de Marsan, 107, rue de Rivoli.
Samedi dernier, 1 mai, a été inauguré,
au Canada, sur les bords du lac Champlain,
un monument à la mémoire de Champlain,
orné d'une figure de la France, œuvre de
notre compatriote le sculpteur Rodiu.
*** Le Comité de la Société des Artistes
indépendants fait connaître que son exposi-
tion (quai d'Orsav, au pont de l'Aima) est pro-
longée iusau'au lundi 27 mai inclus.
PETITES EXPOSITIONS
Exposition Chéret
(Musée des Arts décoratifs)
C'est, depuis la manifestation de décembre 1889
à la Bodinière, la première exposition d'ensemble
de M. Jules Ghéret, et l'on peut apprécier le déve-
loppement incessant de son talent au cours de ces
vingt dernières années. Auparavant on ne connais-
sait de lui que des affiches, dos lithographies ; il
s'essayait à peine dans le pastel; déjà on avait
pressenti (1) d'après ces premiers travaux quels
dons de décorateur possédait l'artiste et quels em-
plois divers ils pourraient recevoir si on venait â
les solliciter. L'expérience n'a pas démenti ce pro-
nostic. M. Ghéret a été invité à orner de peintures
l'Hôtel de ville de Paris, la préfecture de Nice ;
mais il faut noter que ces commandes officielles
avaient été devancées par l'initiative d'un amateur:
à M. le baron Vitta revient le mérite d'avoir de-
mandé à l'artiste les peintures qui décorent,
à Evian, la salle de billard d'une villa (2). De-
puis, M. Ghéret a exécuté des modèles de ta-
pisserie qui ont été traduits par la manufac-
ture des Gobelins. Les cartons figurent à cette
exposition, non loin des tentures elles-mêmes, et
l'on se demande si la précaution qui fit à dessein
exagérer la vigueur des couleurs n'a pas porté
préjudice à l'invention do l'auteur. Gar l'harmonie
dans les tons diaprés est une dos qualités distinctives
de l'art de M. Ghéret. Sa poétique est connue ; elle
proscrit la copie de la réalité ; tout chez lui n'est
qu'imagination ou rêve ; pas de drame, pas d'ac-
tion, pas de fond même aux scènes qu'il évoque :
elles se passent dans l'élher, dans l'azur ; vous
seriez en peine d'en indiquer le sujet ; mais l'im-
pression très nette qui reste est celle de la grâce
et de l'esprit : à cet égard, M. Jules Ghéret renoue
très décidément avec les maîtres du dix-huitième
siècle, et c'est à bon droit qu'on l'a comparé aux
<i peintres des fêtes galantes » dont il continue
parmi nous la tradition glorieuse et charmante.
Exposition Renoir
(Galerie Durand-Ruel)
Aucun enseignement d'ordre général ne se dégage
de ces soixante et onze tableaux de M. Renoir.
11 n'y a ici ni recherche d'ordre, ni volonté de
démonstration. C'est un choix de peintures
d'époques et de genres différents. 11 en est qui
remontent à trente années et d'autres qui portent la
date de 1911. Des ouvrages de longue haleine,
patiemment menés à terme (Le Piano, 1892 ; La
Famille de l'artiste, 1896; la Femme nue cou-
chée, 1910), voisinent avec de simples études,
paysages ou natures mortes, brossés de prime-saut.
Ce qui est commun à l'ensemble, c'est l'extrême
(1) « ... Aussi l'étonnement vient que jamais carton
de tapisserie, plafond de salle do théâtre, de con-
cert ou de bal n'aient été demandés aux pinceaux
de Ghéret ; on pressent combien heureusement la
fantaisie de l'artiste se serait jouée sur de grands
espaces... » (Roger Marx, Préface de l'Exposition
de i889, p. iv).
(2) . V. Gazette des Beaux-Arts, 1902, t. L, p. 421
et suiv. : La Salle de billard d'une villa mo-
derne.
LA CHRONIQUE DES ARTS
pour plusieurs mois, une exposition de cartes
et plans anciens et modernes, organisée par
M. L. Yallée, conservateur, avec le concours
de notre collaborateur M. Ch. Du Bus, qui
en parlera prochainement dans la Gazelle. On
y verra, entre autres pièces intéressant l'his-
toire de l'art, des portulans à miniatures, des
cartes du xvnie siècle à décor gravé, et un
certain nombre de documents relatifs à. des
monuments publics ou privés.
*** Grâce à l'entente des conservateurs de
Versailles et de la Malmaison,une exposition
rétrospective des œuvres de Giuseppe Piet.ro
Bagetti, de Turin (1764-1831), capitaine-ingé-
nieur, géographe, artiste paysagiste, chargé
par Bonaparte de dessiner les vues des
champs de bataille d'Italie, sera ouverte au
public, à la Malmaison, à partir du 14 mai.
Les aquarelles de Bagetti avaient passé de
Fontainebleau et du Louvre à Versailles, dans
une salle depuis longtemps fermée au public.
A ces soixante aquarelles, qui furent sou-
mises à l'approbation minutieuse de Napo-
léon, s'ajoutent une quarantaine de dessins
inédits, tirés des cartons du ministère de la
Guerre.
**# Par arrêté du ministre de l'Instruction
publique et des Beaux-Arts en date du
23 avril, une commission a été nommée pour
étudier la question de l'autonomie adminis-
trative et financière des manufactures desGo-
belins, de Sèvres et de Beauvais. Elle est
composée de M. Paul-Boncour, président; de
MM. Poirson, Michel Tardif, Privat-Des-
chanel, Decron, Cellier, Maurice Reclus, Le-
sage, Bigard-Fabre, Valentino, Emile Bour-
geois, Gustave Geffroy, Badin, Peycelon,
membres, et Lechevalier-Chevignard, secré-
taire.
*** Le jury a rendu, samedi dernier 4 mai,
son verdict sur le concours, ouvert par le
Conseil municipal de Paris, en vue d'établir
une médaille destinée à être offerte aux do-
nateurs d'oeuvres d'art aux musées de la
Ville de Paris. Le jury a estimé qu'il n'y
avait pas lieu de donner le premier prix de
8.000 francs et il a simplement attribué des
primes de 3.000, 2.000 et 1.000 francs à
MM. Hippolyte Lefebvre, Pillet et Rozet.
*** Mercredi prochain 14 mai aura lieu,
dans la salle du Jeu de Paume, aux Tuileries,
l'exposition faite au profit de la Société phi-
lanthropique d'un certain nombre de sculp-
tures do Carpeaux et de portraits de Gustave
Ricard. Pour cette fête d'art et de charité, on
trouve des entrées, au prix de 20 francs, au
siège de la Société des Amis du Louvre, pa-
villon de Marsan, 107, rue de Rivoli.
Samedi dernier, 1 mai, a été inauguré,
au Canada, sur les bords du lac Champlain,
un monument à la mémoire de Champlain,
orné d'une figure de la France, œuvre de
notre compatriote le sculpteur Rodiu.
*** Le Comité de la Société des Artistes
indépendants fait connaître que son exposi-
tion (quai d'Orsav, au pont de l'Aima) est pro-
longée iusau'au lundi 27 mai inclus.
PETITES EXPOSITIONS
Exposition Chéret
(Musée des Arts décoratifs)
C'est, depuis la manifestation de décembre 1889
à la Bodinière, la première exposition d'ensemble
de M. Jules Ghéret, et l'on peut apprécier le déve-
loppement incessant de son talent au cours de ces
vingt dernières années. Auparavant on ne connais-
sait de lui que des affiches, dos lithographies ; il
s'essayait à peine dans le pastel; déjà on avait
pressenti (1) d'après ces premiers travaux quels
dons de décorateur possédait l'artiste et quels em-
plois divers ils pourraient recevoir si on venait â
les solliciter. L'expérience n'a pas démenti ce pro-
nostic. M. Ghéret a été invité à orner de peintures
l'Hôtel de ville de Paris, la préfecture de Nice ;
mais il faut noter que ces commandes officielles
avaient été devancées par l'initiative d'un amateur:
à M. le baron Vitta revient le mérite d'avoir de-
mandé à l'artiste les peintures qui décorent,
à Evian, la salle de billard d'une villa (2). De-
puis, M. Ghéret a exécuté des modèles de ta-
pisserie qui ont été traduits par la manufac-
ture des Gobelins. Les cartons figurent à cette
exposition, non loin des tentures elles-mêmes, et
l'on se demande si la précaution qui fit à dessein
exagérer la vigueur des couleurs n'a pas porté
préjudice à l'invention do l'auteur. Gar l'harmonie
dans les tons diaprés est une dos qualités distinctives
de l'art de M. Ghéret. Sa poétique est connue ; elle
proscrit la copie de la réalité ; tout chez lui n'est
qu'imagination ou rêve ; pas de drame, pas d'ac-
tion, pas de fond même aux scènes qu'il évoque :
elles se passent dans l'élher, dans l'azur ; vous
seriez en peine d'en indiquer le sujet ; mais l'im-
pression très nette qui reste est celle de la grâce
et de l'esprit : à cet égard, M. Jules Ghéret renoue
très décidément avec les maîtres du dix-huitième
siècle, et c'est à bon droit qu'on l'a comparé aux
<i peintres des fêtes galantes » dont il continue
parmi nous la tradition glorieuse et charmante.
Exposition Renoir
(Galerie Durand-Ruel)
Aucun enseignement d'ordre général ne se dégage
de ces soixante et onze tableaux de M. Renoir.
11 n'y a ici ni recherche d'ordre, ni volonté de
démonstration. C'est un choix de peintures
d'époques et de genres différents. 11 en est qui
remontent à trente années et d'autres qui portent la
date de 1911. Des ouvrages de longue haleine,
patiemment menés à terme (Le Piano, 1892 ; La
Famille de l'artiste, 1896; la Femme nue cou-
chée, 1910), voisinent avec de simples études,
paysages ou natures mortes, brossés de prime-saut.
Ce qui est commun à l'ensemble, c'est l'extrême
(1) « ... Aussi l'étonnement vient que jamais carton
de tapisserie, plafond de salle do théâtre, de con-
cert ou de bal n'aient été demandés aux pinceaux
de Ghéret ; on pressent combien heureusement la
fantaisie de l'artiste se serait jouée sur de grands
espaces... » (Roger Marx, Préface de l'Exposition
de i889, p. iv).
(2) . V. Gazette des Beaux-Arts, 1902, t. L, p. 421
et suiv. : La Salle de billard d'une villa mo-
derne.


