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Atlantique, Université Paris Ouest Nanterre-La Défense, Fundshop, Transparency International France, Studio Labs, Sncd, Thierry Petit,
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MEDEF, Linagora, GFII, Jean-Yves Jeannas, Pascal Petitcollot, SYNTEC Numérique, Bastien Jaja, François Goube, Pierre-Yves Oudeyer, 33
entrepreneurs, Philippe Le Van, Henri Hay, World Wide Web Foundation, Yannis Adelbost, GITEP TICS, Olivier Benoist, Etalab, Trans Europe
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Wacquez, Eric Brunel, Dominique Hebert, Sébastien Bonnegent, Louisa Melbouci, Christophe Fialeix, Simplon.co, Philippe Saint-Aubin,
Direction RSE Vivendi, Lot Jean-Baptiste Dézard, FGI France, Cogniteev, Armen Katchatourov, Guyon Benoît, Manuel Francois, J-Alpha,
PierreMetivier, Alexis Normand, FIEEC, Marie-Pierre Border, Gustav Malis, Abdel Kander, Rebecca Lecat, Saniya al Saadi, Spiil, Marc,
Assemblée des Directeurs d’IUT-ADIU, Marine Saudreau, Thomas F, Jean-Baptiste Kempf, Francois Sillion, AACC, Lara Tomas, Aurel Daniel,
Jérôme Dupré, Pierre P ster, Flobu09, Cécile Coudriou, Giroptic, Vincent Ricard, UPE, Pierre Langlais, Matthieu Giroux, Fifty Five, Guillaume
Maillard, CERNA, Service interministériel des Archives de France, Amnesty International France, Music Wont Stop, Pascal Greliche, Adrien
Fabre, Christian Quest, Barreau de Paris, Microsoft France, Laurence Malherbe, Francisco Ordas, Cibul, Jacky Grisey, Telecom ParisTech,
Kilian Bazin, Université de Nantes, Pierre Aïdan, Guillaume Champeau, Sony, PMU, Frédéric Bos, Audiens, Frédéric Maupin, Adopt a CTO,
Helene Monnie, Henri Verdier, Romain Pradeau, Catherine Anterrieu, AirDur, Antoine Achard, Citeez, Publiez Ce Que Vous Payez, Jean-Philipp
Gouigoux, AACC, Loïc Gervais, Finance Innovation, Romain Lange, Thierry Rault, Céline Faivre, Marie Pierre Border, SACEM, Eric Pommereau,
Emmanuel Cauvin, CNAC, Ronan James, Etienne Beatrix, Lucien Pauliac, DISIC, Sylvie Péron, WestCoastCanada, pixocode, Loïc Pajot,
Nathanaël Martel, Tri-D, Michaël SMK, Fabiano Durimel, Cédric André, AAF, Florian Lorber, Lighthouse Europe, Lucie Milou, Google France,
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des entreprises, AFNIC, Jean-Yves Tillier, Cap Digital, Pierre Pezet, Fabrice Van Borren, Lim-Dûl, Laurent-Pierre Gilliard, CIGREF Réseau des
grandes entreprises, Christian Casenave, Karine Foret, Mourad Hammoud, Syndicat des Régies Internet, AFMM, Said El Ouazzani, SILLAGES,
Clionautes, Cédric André, Société informatique de France, Léonard de Tilly, FEVAD, Stéphane Savouré, SACD, Armelle Gilliard, Open-Root,
Open Internet Project, Leïla Atmani, FixMaVille, Yann de Pinieux, Godefroy Ponsinet, Saïda, Luis-Manuel Duvault, Eric van den Broek, Saniya al
Saadi, CTM Pub TV, Bouygues Telecom, Nicolas Chagny, Fabien Dronkert, Chris Blanchard, @rchives, Moustapha Diagne, SNPTV, Forum
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MERCIAUX CONTRIBUTEURS
Rapport remis au Premier Ministre
Juin 2015
Pour une politique française et européenne
de la transition numérique
Sommaire général
PRÉFACE DE BENOÎT THIEULIN 3
VOLET 1 . Loyauté et liberté dans un espace numérique en commun 29
VOLET 2 . Vers une nouvelle conception de l’action publique :
ouverture, innovation, participation 93
VOLET 3 . Mettre en mouvement la croissance française :
vers une économie de l'innovation 173
VOLET 4 . Solidarité, équité, émancipation :
enjeux d'une société numérique 255
POSTFACE DE LOUIS POUZIN 335
ANNEXES 337
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
PRÉFACE Ambition numérique 3
Révolution numérique : tenir
les promesses d’empouvoirement
de la société et de transformation
de l’économie.
Le voile de la Valley : la dérive californienne du numérique
La   Silicon   Valley   fait   aujourd’hui   office   de   modèle   pour  
tout  ce  que  l’Europe  compte  d’innovateurs.  Plus  qu’un  lieu,  
davantage   qu’un   écosystème   particulier   favorisant   le  
dynamisme  entrpreunarial  et  l’invention,  elle  est  devenue  
un  état  d’esprit  à  dupliquer : ce sont les arcanes du succès
californien que les acteurs publics et privés cherchent à
percer   lorsqu’ils   évoquent   le   numérique.   Du   fait   de   ses  
réussites éclatantes, on pare la Valley de toutes les vertus :
terre promise des inventeurs du monde de demain, aux
commandes de la révolution numérique mondiale, elle
serait  le  grand  ailleurs  de  la  pensée  européenne,  qui  n’a  de  
cesse   de   contempler   ses   propres   faiblesses   sur   l’écran  
brillant  qu’elle  lui  tend.
Néanmoins il est temps de briser quelques idoles. La Californie  est  aussi  le  nom  d’une  
dérive historique du numérique. Une histoire politique du numérique est à produire,
de   la   même   manière   que   Smart   de   Frédéric   Martel   nous   a   montré   que   l’on   pouvait  
faire  une  géographie  du  numérique.  L’informatique,  dès  son  apparition, le numérique
aujourd’hui,   sont   l’enjeu   et   le   théâtre   de   controverses,   de   conflits   intensément  
politiques : réseaux ouverts contre réseaux fermés, brevets ou pas sur les logiciels,
architectures décentralisées contre centralisées, logiciel libre contre   propriétaire…  
L’éternel   présent   de   la   Silicon   Valley,   fait   de   myriades   d’innovations   permanentes  
suivant   une   logique   d’écosystème   qui   subsiste   en   se   renouvelant   continuellement,  
recèle des évolutions souterraines.
Benoît Thieulin,
président du CNNum
PRÉFACE Ambition numérique4
En effet il est clair que le réseau d’aujourd’hui  ne  correspond  plus  tout  à  fait  à  celui  
qu’avaient   imaginé  ses  inventeurs   et  ses  pionniers.   Certains,  jusqu’à  ses  fondateurs,  
ont   tôt   fait  de   dire   qu’il   n’en   a   ni   le   goût   ni   l’odeur.   Fruit   d’un   dialogue   permanent  
ayant fait se répondre les avancées techniques et les usages sociaux, la trajectoire
d’Internet  semble  amorcer  un  retournement  progressif  des  valeurs  qui  ont  présidé  à  sa  
conception.  Ouverture,  collaboration,  communs,  accroissement  du  pouvoir  d’agir,  de  
l’empouvoirement,  autant  de  promesses annoncées par la mise en réseau de la société,
qui laissent de plus en plus la place à une hypercentralisation organisée de manière
grandissante par des entreprises parfois guidées par leur seule croissance et à la
consommation trop passive de contenus  et  d’applications.
A   cet   égard,   l’économie   collaborative,   nouvelle   frontière   en   termes   de   modèle  
économique,   en   est   un   exemple   frappant.   Ce   mouvement   s’est   à   l’origine   constitué  
autour  de  revendications  alternatives  :  prééminence  de  la  valeur  d’usage  sur la valeur
d’échange,  fin  de  la  propriété  privée  exclusive…  Aujourd’hui,  l’économie  collaborative  
se reconfigure autour des modèles traditionnels de redistribution de la valeur. Il serait
bien   sûr   faux   d’affirmer   d’un   bloc   que   les   modèles   collaboratifs   ne portent plus de
projet   alternatif,   dans   la   mesure   où   le   terme   “collaboratif”   recouvre   une   grande  
diversité   d’initiatives   et   de   démarches.   Néanmoins,   force   est   de   constater   que   la  
couverture   de   Forbes   de   février   2013   à   propos   de   l’économie   collaborative,   “Who  
wants  to  be  a  billionaire  ?”,  paraît  de  moins  en  moins  décalée  à  mesure  qu’explosent  
les   capitalisations   des   géants   de   l’économie   collaborative,   à   l’image   d’Airbnb,   qui   a  
supplanté  Couchsurfing.  Cette  industrialisation  du  collaboratif,  n’est  pas  sans  évoquer
la  reprise,  par  le  capitalisme,  de  la  critique  artiste  qu’avait  porté  le  mouvement  de  mai  
1968  autour  des  concepts  de  liberté  au  travail  et  d’autonomie  dans  l’entreprise,  comme  
l’ont   expliqué   Luc   Boltanski   et   Eve   Chiapello   dans   Le   Nouvel   esprit   du   capitalisme.
Néanmoins  elle  contribue  à  diffuser  des  pratiques  nouvelles.  Il  reste  que  l’inscription  
de   ces   usages   nouveaux   dans   des   modèles   d’organisation   et   de   partage   de   valeur  
traditionnels   referme   le   débat   que   tentent   d’ouvrir   les   défenseurs   du   modèle
collaboratif à propos des nouvelles formes de travail, de vie et de partage de la valeur à
inventer dans un contexte de rétractation des emplois et de crise économique et
écologique persistantes.
Ne  nous  laissons  pas  pour  autant  abuser  par  les  chimères  d’un récit originel opposant
systématiquement   les   valeurs   positives   des   débuts   d’Internet   à   leur   dévoiement  
contemporain : ce qui est en jeu est moins une lutte de valeurs que la redéfinition de
leur portée politique émancipatrice. Les nouveaux sachants de la Silicon Valley, qui
construisent la société de demain sans toujours rendre des comptes à celle
d’aujourd’hui,  ont  en  effet  moins  abandonné  les  valeurs  fondatrices  qu’ils  ne  les  ont  
vidées  de  leur  sens  politique.  L’ouverture,  l’empouvoirement  individuel  et la nécessité
permanente   de   renverser   l’ordre   établi   (la   désormais   fameuse   disruption)   tiennent  
toujours  lieu  de  religion  chez  les  dirigeants  et  les  chiefs  evangelists.  C’est  l’inspiration  
PRÉFACE Ambition numérique 5
politique, généreuse, qui sous-tendait   ce   discours   qui   s’est   progressivement diluée
dans la conquête de parts de marché et les levées de fonds - plus que nécessaires, par
ailleurs - , consommant ainsi le divorce entre certains geeks et la politique. Se sont
ainsi reconstituées dans le monde numérique les barrières, les dominations et les
aliénations dénoncées dans le monde économique et politique traditionnel. Les digital
natives   sont   bien   des   enfants   du   numérique   et   traités   comme   tels   :   loin   d’être   en  
position  de  construire  en  conscience  les  outils  de  demain  et  de  s’émanciper vis-à-vis
des nouvelles aliénations, ils les subissent le plus souvent davantage que leurs aînés.
Voilà  pourquoi  le  Conseil  national  du  numérique  s’est  tant  intéressé  à  la  question  de  
l’éducation   tout au long de son mandat : si le numérique peut être utilisé pour
modifier   l’école   de   l’intérieur,   celle-ci doit se voir confier la mission de diffuser la
littératie  numérique,  c’est-à-dire de permettre aux jeunes générations de développer
leur  maîtrise  des  savoirs  et  des  compétences  numériques,  afin  qu’elles puissent faire
du  numérique  un  lieu  d’émancipation et  d’engagement.
La plateformisation ambivalente du Web : empouvoirement
et domination
Internet   a   été   marqué   par   l’apparition,   assez   récente,   des   grandes   plateformes.
Catalyseurs   d’innovation,   elles   impulsent les interactions sociales et proposent des
fonctionnalités de grande valeur. Ainsi participent-elles positivement au
développement   du   numérique,   de   l’économie   et   de   la   société   en   général   :   Apple   et  
Google ont indéniablement changé nos vies. Elles ont contribué à transformer les
entreprises et les institutions plus puissamment que bien des décisions de nos
gouvernements   depuis   20   ans,   ce   qui,   avec   d’autres   facteurs,   contribue   à   ronger   le  
levier politique traditionnel de nos sociétés démocratiques. Néanmoins cette poignée
d’acteurs   incontournables   centralisent   entre   leurs   mains   une   partie   croissante   du  
réseau,   à   l’origine   très   décentralisé   :   la   reverticalisation   du   Web   est   en   marche.  
L’environnement   numérique   s’y   prête   particulièrement,   caractérisé   par les effets de
réseaux. Dans L’Abeille  et  l’économiste,  Yann Moulier-Boutang analyse le modèle de
création de la valeur qui est propre au Web, celui de la pollinisation : de la même
manière que le calcul de la valeur créée par les abeilles ne peut se résumer à la seule
production   de   miel   mais   doit   prendre   en   compte   le   travail   de   pollinisation   qu’elles  
effectuent (pour ⅓ de la production agricole mondiale), sur le Web la valeur est issue
de la multiplicité des interactions, des traces et des clics des utilisateurs du numérique,
qui   modifient   en   permanence  les  services   et  l’architecture  générale  du  réseau.   Ainsi  
bascule-t-on  d’une  économie  de  l’échange  et  de  la  production  à  une  économie   de  la  
pollinisation et de la contribution.
Les plateformes jouent un rôle ambivalent dans la structuration de cette nouvelle
économie   et   c’est   ce   qui   rend   si   malaisée   la   critique   tranchée   des   GAFA,   terme  
stigmatisant qui oublie un peu vite leur gigantesque contribution à la transformation
PRÉFACE Ambition numérique6
du monde par la révolution numérique. Cette ambivalence fondamentale tient à ce que
les   plateformes   contribuent   positivement   à   l’empouvoirement   des   individus,   à   la  
diffusion   des   connaissances,   à   l’ouverture   des   possibles   aux   niveaux   individuel   et  
collectif,  mais  qu’en  même  temps  elles  prennent un ascendant sur les individus et les
institutions  traditionnelles  (Etats,  entreprises).  Pour  reprendre  l’analogie,  si  elles  sont  
les moyens privilégiés de la pollinisation, elles sont également les lieux de
l’exploitation  du  travail  des  abeilles-internautes.  Cette  domination  résulte  tout  d’abord  
de  la  captation  de  la  valeur  issue  du  “travail”  des  internautes  et  de  la  récolte  massive  
des  données  personnelles,  notamment  pour  les  exploiter  commercialement  :  elle  n’est  
donc pas uniquement un problème de redistribution de la valeur, dans la mesure où
elle induit également un rapport de consommation passive aux choses, fondée sur un
marketing envahissant. La plateformisation entraîne en outre une verticalisation
grandissante qui va de pair avec la reconstitution  de  silos  et  l’émergence  de  très  grands  
groupes   qui   ont   les   moyens   d’imposer   leurs   règles   aux   autres   acteurs.   Cette  
domination,  qui  prend  souvent  la  forme  d’une  situation  quasi-monopolistique sur le
marché, conduit à ce que la sénatrice Catherine Morin-Dessailly   a   appelé   “la  
colonisation   numérique   de   l’Europe”.   A   cet   égard,   l’Europe   fait justement figure
d’exception   :   d’autres   espaces   comme   la   Chine,   la   Russie,   mais   surtout   le   Japon,   la  
Corée   du   Sud,   le   Brésil,   l’Indonésie,   sont   parvenus   à   développer   des écosystèmes
numériques   locaux   que   l’on   peine   à   voir   se   développer   dans   les   pays   européens.   La  
protection que constituent leurs langues, ainsi que le caractère autoritaire des régimes
de certains de ces pays, n’expliquent  pas  tout.  
Bientôt un droit de vote chez Amazon et Apple ?
Néanmoins  ce  qui  est  en  jeu  dans  le  monde  numérique  ne  peut  s’analyser  selon une
grille purement économique : en effet la domination qui est exercée a une dimension
profondément   politique.   Le   numérique   n’est   pas   un   espace   comme un autre ni
seulement un medium d’interaction  :  il  est  le   nouveau  lieu  du   pouvoir  économique,  
social et politique. De la même manière que les infrastructures physiques, routes,
ponts, ports et relais de poste, ont  permis  aux   Etats  d’organiser  les  territoires et de
déployer   une   souveraineté   politique,   ce   sont   maintenant   les   “infostructures”   qui  
agencent   les   nouveaux   pouvoirs.   L’organisation,   la   maîtrise   et   l’observation   des   flux  
d’informations  permettent  bien  souvent  de  structurer  les  comportements  par  exemple
en hiérarchisant les contenus qui circulent, la manière dont ils le font et les publics
auxquels   ils   s’adressent.   Les   processus   de   verticalisation,   de   centralisation   et   de  
fermeture   qui   sont   partiellement   à   l’œuvre   posent   donc   de   manière   nouvelle   la  
question  de  la  démocratie  et  de  l’autonomie  politique.
C’est  sous  cet  angle  que  la  montée  en   puissance  du  “big  data”  doit  être  analysée.  Si  
celle-ci   est   déjà   à   l’origine   d’un   ensemble   d’innovations   et   de   nouveaux   services,   la  
question  qu’elle  soulève  est  aussi  politique  :  de  la  même  manière  qu’il  reposait  hier  sur  
PRÉFACE Ambition numérique 7
le   secret   et   la   fermeture,   le   pouvoir   est   aujourd’hui   intelligent   et   ouvert,   fluide   et  
connecté. Il est avant tout fondé sur les données, dont le volume est sur le point
d’exploser  du  fait  de  l’interconnexion toujours plus élargie des individus et des choses.
En ce sens, il est un nouveau type de pouvoir, qui ne passe plus par la régulation,
l’instauration  de  règles  verticales,  mais  par  le  contrôle,  l’individualisation,  la  mise  en  
profils, la modulation, la surveillance, le traçage.
Ce sont plus généralement les modes traditionnels de régulation des pouvoirs qui sont
largement remis en question par les grands acteurs du numérique. Osons le dire, les
pouvoirs   publics   sont   menacés   d’obsolescence   :   que   ce soit dans leur capacité à
encadrer   le   marché   pour   l’intérêt   général   ou   encore   à   fournir   des   services   publics,  
garants  de  l’égalité,  au  cœur  du  contrat  social.  Continuons  de  négliger  d’un  revers  de  
main   les   modifications   qui   sont   à   l’œuvre   du   haut   des   citadelles fortifiées (mais
craquelées)   de   l’administration   et   demain   peut-être Le Bon Coin et Amazon
Mechanical Turk assumeront la fonction de Pôle Emploi, YouTube déterminera la
politique de financement de la culture et Apple la politique de santé. La simple
comparaison  de  l’efficacité  (en  termes  de  conception,  de  mise  en  place  et  de  service  
rendu)  de  l’Apple  Health kit et du dossier médical personnel devrait faire vaciller les
certitudes   les   plus   ancrées.   Mais   ce   n’est   pas   simplement   une   lutte   pour   plus  
d’efficacité et de simplicité des services qui est en jeu, mais bien la capacité de
produire   et   de   diffuser   un   agenda   politique,   c’est-à-dire, fondamentalement, la
souveraineté. Et donc la démocratie dont elle constitue encore, et malgré tout, le
principal cadre, dans le monde actuel. Si ce sont des services privés qui déterminent la
forme  que  prendront  les  services  et  les  politiques  publics,  c’est  en  effet  la  possibilité  
collective de faire des choix, la souveraineté démocratique, qui disparaîtra.
Si les peuples ne veulent pas en être réduits à demander un jour le droit de vote chez
Amazon ou Apple, il faudra bien que  l’Union  européenne  mette  en  place  une  stratégie  
globale, comme  ont  su  si  bien  le  faire  les  Américains  en  leur  temps.  L’Europe  a  besoin  
d’une  vision générale, prospective, qui ne se résume pas à un empilement de normes
pour différents secteurs, ni à une harmonisation des règles entre Etats-membres.
L’échec   de   la   stratégie   de   Lisbonne   a   montré   la   faible   capacité   qu’avaient   l’Union  
européenne et les Etats-membres à se projeter stratégiquement. En ce sens, nous
devons imiter les Etats-Unis, non pas tant sur le fond, que sur la forme. Depuis plus de
50   ans,   ils   ont   défini   une   ligne   directrice   pour   le   développement   de   l’information  
comme outil de puissance et vecteur de croissance, que ce soit en fixant des priorités
pour le développement des infrastructures et les infostructures ou en permettant le
développement  d’entreprises  clefs  du  secteur.  En  témoignent  la  libéralisation  du  GPS,  
les actions de l’administration Clinton/Gore en faveur des Information
SuperHighways,  l’Internet Tax Freedom Act de  1998  et  plus  récemment  l’ouverture  
des données publiques, le National Broadband Plan et le programme Startup
America. L’accompagnement   du   développement   d’un   grand nombre de startups
PRÉFACE Ambition numérique8
prometteuses,  telles  que  Google,  notamment  en  les  finançant  en  phase  d’amorçage,  est  
également une preuve éclatante de la vision de long terme du gouvernement
américain.
La révolution européenne du Web
Or rappelons-nous à cet égard ce qu’Internet   et   le   Web   doivent   à   des   ingénieurs  
européens  et  que  c’est  ici  que  peut  se  poursuivre  la  révolution  du  pouvoir  d’agir,  qui  
est  au  cœur  de  la  révolution  numérique.  
Si   le   net   est   d’origine   fortement   américaine,   figurent   parmi   ses   fondateurs   des  
Européens, comme Louis Pouzin, qui signe la postface de ce rapport et que je salue. De
même, bien que la culture numérique ait longtemps été en gestation dans des
communautés pionnières américaines (je pense notamment au réseau The Well, qui
existe encore aujourd’hui),   c’est   bien   une   invention   européenne   qui   donna   une  
dimension   universelle   à   la   révolution   numérique.   Le   Web,   dont   l’apport   a   été   plus  
grand  qu’on  ne  veut  bien  le  dire,  est  en  effet  né  en  Europe  et  est  profondément  marqué  
par   ses   valeurs.   Et   c’est grâce au Web et donc à une institution de recherche
européenne, le CERN, ainsi   qu’à des grands Européens comme Tim Berners-Lee et
Robert Cailliau que le réseau a basculé dans les usages du grand public.
Enfin,   l’Europe   a   été   à   la   pointe   des   combats   politiques   décisifs   pour   l’avenir  
d’Internet, comme celui pour la non brevetabilité du logiciel dans les années 1990,
poursuivie  aujourd’hui  par  celui contre  la  brevetabilité  du  vivant.  C’est  donc  à  partir  de  
l’ambition  politique  européenne  qu’il  est  possible de donner un sens nouveau au projet
numérique  mondial.  Il  est  urgent  d’agir.  De  piloter  la  révolution  à  l’œuvre  pour  ne  pas  
la subir. Pour redonner un sens politique à notre numérique. Pour que les individus
reprennent le contrôle sur Internet. Pour réaffirmer les valeurs fondatrices qui ont
présidé à sa création.
Le   net   a   perdu   son   innocence   :   l’alternative   n’est   plus   entre   ceux   qui   défendent  
l’urgence   de   la   transition   numérique   et   ceux   qui   la   négligent   ou   la   retardent.   La  
transition numérique est en cours, partout, pour tous. Les positions doivent se cliver :
plusieurs numériques sont possibles et il est temps de construire un numérique
européen, plus politique, plus  conforme  aux  promesses  d’empouvoirement  comme  à  
celles des pères fondateurs. Il revient  à  la  France  et  à  l’Europe  de  définir  ce  numérique  
et de mettre en place des politiques publiques pour le construire.
PRÉFACE Ambition numérique 9
Une stratégie française et européenne ambitieuse est à
construire
Cette  stratégie  doit  tout  d’abord  préserver  la  capacité  de  régulation des acteurs publics
et la pérennité des services publics.   C’est   la   condition   de la mise en place de tout
modèle   alternatif.   Il   s’agit   tout   d’abord   de   retrouver   les   conditions   financières   de  
l’action   de   l’Etat,   en   instaurant   une   justice   fiscale   pour   les   grands acteurs du
numérique.  C’est  en  s’appuyant  sur  la  capacité  d’innovation  des  agents  publics  et  de  
l’ensemble   de   la   société   civile   que   les   pouvoirs   publics   pourront   résister   à   cette  
pression   en   fournissant   des   services   correspondant   aux   exigences   d’égalité, de
continuité   et   de   neutralité   du   service   public.   L’Etat   et   les   collectivités   territoriales  
doivent   se   transformer   intégralement   pour   plus   d’agilité,   d’innovation,   de   mise   en  
réseau,  d’intelligence  collective,  de  collaboration...
L’Europe  se  doit  également  de  préserver  l’innovation  économique  en  construisant  un  
environnement  propice  aux  innovateurs.  Cela  suppose  tout  d’abord  de  restaurer  des  
conditions de concurrence loyale entre les acteurs économiques étrangers et
européens.  Soutenir  l’innovation  signifie  que  la  priorité  des  Etats  membres  de  l’Union  
européenne  et  de  la  Commission  européenne  doit  être  de  favoriser  la  croissance  d’un  
écosystème numérique européen : un financement adapté, des mesures de préférence,
une diffusion plus importante de la littératie, en sont les instruments premiers.
Le   numérique   peut   être,   en   ce   sens,   la   matrice   d’un   renouveau   de   la politique
industrielle. L’innovation  à  l’heure  du  numérique,  organisée  autour  du  partage  et  de  la  
constitution  d’écosystèmes,  permet  de  dépasser   l’opposition  abstraite  entre  politique  
industrielle horizontale, destinée à créer des incitations économiques et des cadres
réglementaires  favorables  à  l’industrie  et  politique  industrielle  verticale,  sectorielle  et  
soutenant des champions nationaux. En effet   les   conditions   de   croissance   d’une  
économie  de  l’innovation  fondée  sur  le  numérique  sont  le  dépassement  des  silos,  les  
échanges, les externalités positives. La structuration de filières industrielles dans le
monde numérique repose donc sur la mise en place   de   conditions   d’innovations  
communes et de transformation générale des modèles de croissance.
La stratégie numérique européenne devra rompre avec les actions réactives et le
soutien à court terme des stratégies de grands groupes industriels, sans véritable
évaluation, sans cohérence et parfois à contretemps. Elle ne saurait avoir pour finalité
unique   de   propulser   des   champions   européens   pour   qu’ils   prennent   la   place   des  
champions  américains.  Il  ne  s’agit  pas  de  reproduire  les  schémas  de  plateformisation
et   de   domination   économique   et   politique.   De   même,   l’Etat   ne   peut   se   contenter  
d’adopter,  comme  il  le  fait  trop  souvent,  la  même  rationalité  que  les   grands  acteurs  
économiques de la société de contrôle en cédant aux tentations de surveillance
généralisée  de  l’Internet.  Avec  une  efficacité  bien  moindre...
PRÉFACE Ambition numérique10
C’est  un  modèle  nouveau  qu’il  faut  inventer  :  celui  qui  met  le  numérique  au  service  du  
pouvoir   d’agir   et   de   l’émancipation   individuelle   comme   collective.   Il   s’inspirera   des  
démarches les plus inventives et les plus généreuses de la Silicon Valley (Code for
America)   et   d’Afrique   (Ushahidi).   Ce   n’est   qu’à   cette   condition   que   le   numérique  
pourra   servir   une   croissance   partagée   et   durable.   Ce   modèle   est   d’autant   plus  
nécessaire que les fondamentaux du numérique ne   sont   pas   aujourd’hui   tous  
soutenables, ni tous durables - je  pense  à  l’érosion  fiscale  ou  à  la  destruction  d’emploi,  
notamment.
Les combats sont donc nombreux mais des solutions politiques existent. La neutralité
du   net   est   tout   d’abord   une   condition essentielle pour protéger la diversité des
contenus,   préserver   le   “permis   d’innover”   et   lutter   contre   la   centralisation.   Sa  
consécration   législative   comme   principe   doit   s’accompagner   d’une   protection  
réaffirmée   des   données   personnelles,   permettant   d’éviter à la fois leur
marchandisation  unilatérale  et  leur  exploitation  sans  consentement  ni  contrôle,  d’où  le  
principe   d’autodétermination   informationnelle   que   nous   défendons.   Enfin   les  
plateformes doivent être encadrées : des exigences de loyauté peuvent être établies
pour assurer un juste équilibre entre toutes les parties prenantes. Afin que ce principe
ne reste pas lettre morte, une agence européenne de notation de la loyauté des
plateformes, appuyée sur une expertise juridique et technique ainsi que sur un réseau
ouvert de contributeurs, pourrait être mise en place, comme nous le proposons dans
notre rapport, afin de faire jouer les leviers de réputation des plateformes et influer sur
les décisions des investisseurs.
Les communs comme modèle de la société de demain
C’est  plus  généralement  autour  de  la  notion  de  communs,  comme  lieu  d’innovation  à  
la  fois  politique  économique  et  sociale,  qu’un  nouveau  paradigme  peut  se  structurer.  
La notion de communs désigne un modèle de propriété et de gestion collective des
ressources   qui   s’inscrit   dans   l’histoire   longue   des   “communaux”,   ces   ressources  
naturelles gérées par tous les individus d’une  communauté.  Mais  c’est  le  numérique  
qui a réactivé cette notion, socle de discours alternatifs forts, fondés sur la
revendication d’une  gouvernance  commune,  d’un  usage  partagé  des  ressources  et  du  
développement des échanges y compris non marchands. Ainsi que ce soit pour la
production de nouveaux biens et de services, comme les logiciels libres, Wikipédia ou
OpenStreetMap   ou   l’échange de compétences hors marché, comme le proposent les
banques  de  temps  (qui  offrent  des  crédits  de  temps  pour  la  fourniture  d’un  service  et  
non  un  crédit  en  monnaie),  le  numérique  a  permis  à  ces  projets  de  passer  à  l’échelle  et  
de faire la démonstration de leur performance.
Les   communs   qui   existent   déjà   méritent   d’être   protégés   contre   les   tentatives   de   les  
enclore à  nouveau,  mais  il  s’agit  également  de  favoriser  leur  développement  global,  à  la  
PRÉFACE Ambition numérique 11
fois  sur   Internet  et   hors  ligne,  et  d’en  faire  la   matrice  d’un  changement général qui
redéfinisse les modes de production, de distribution des richesses et de rapport à la
valeur. C’est  grâce  à  la  décentralisation  des  moyens  de  production  et  aux  possibilités  
inédites que permet la mise en réseau des compétences, des outils et des savoirs,
comme   l’explique   Yochai   Benkler   dans   La Richesse des réseaux, que peuvent se
structurer  ces  nouveaux  modèles  et  prendre  la  dimension  d’un  paradigme  politique,  
économique et social.
Ce  n’est  d’ailleurs  pas  un  hasard  si  les  communs  ont  permis de rassembler dans une
coalition informelle deux types de revendications principales : celle qui concerne la
propriété intellectuelle et les modes de production, en prenant appui sur les nouvelles
formes  d’organisation  rendues  possibles  par  le  numérique, et celles qui portent sur la
défense  des  biens  communs  naturels,  dans  le  cadre  d’une  lutte  écologique.  Les  deux  
transitions majeures de notre époque, numérique et écologique, sont les lieux où les
conceptions  héritées  sont  mises  au  travail  et  il  n’est pas étonnant que les discours qui
se  forgent  à  leur  propos  combinent  les  mêmes  concepts,  autour  de  la  recherche  d’un  
modèle durable pour le monde à venir.
Le numérique au service de la prise de pouvoir citoyenne
Il est également urgent de ne plus considérer ces combats comme des causes
spécifiques, réservées aux experts. Puisque le numérique concerne tout le monde et
qu’il  met  en  jeu  des  logiques  de  pouvoir,  tout  le  monde  doit  participer  à  sa  définition  
pour que ce pouvoir soit réapproprié par le plus grand  nombre.  C’est  pour  cela  qu’il  
n’est   plus   possible   de   se   contenter   du   fonctionnement   politique   traditionnel   :   le  
numérique   doit   être   mis   au   service   d’une   prise   de   pouvoir   partagée,   d’un  
renouvellement   profond   des   formes   d’action   citoyenne.   L’effectivité   du modèle
démocratique est à ce prix. Le numérique permet et exige cette transformation des
formes  d’action  citoyenne.  En  effet  il  fournit  des  outils  nouveaux  pour  concevoir  les  
politiques publiques et décider ensemble. Plus largement il rend insupportables les
fonctionnements   politiques   traditionnels   et   la   réservation   de   l’expertise   aux   seuls  
cercles autorisés. Comment est-il possible de concevoir encore la politique comme
centralisée,  réservée  à  une  caste  de  professionnels,  alors  même  que  la  liberté  d’action
et   d’expression   et   l’accès   aux   connaissances   ont   partout   été   décuplés   grâce   au  
numérique  ?  Comment  comprendre  que  l’expertise  soit  encore  confinée  à  des  bastions  
alors même que les fractures entre la société civile et les dirigeants révèlent tous les
jours que ce modèle ne fonctionne plus ? Comment  concevoir  qu’on  ne  fasse  pas  appel  
à la contribution de tous, quand les enjeux que nous avons à affronter collectivement
sont  d’une  complexité  redoutable ?
Il faut également rappeler à certains prophètes de la Silicon Valley que la politique
n’est   pas   un   concept   dépassé   et   que   le   numérique   ne   referme   pas   la   parenthèse  
PRÉFACE Ambition numérique12
démocratique   au   profit   d’un   “solutionnisme   numérique”,   qui   consiste   à   traiter   tout  
problème social, écologique et économique comme une énigme que   l’on   pourrait  
résoudre techniquement, comme le décrit Evgeny Morozov dans Pour tout résoudre,
cliquez ici. Les oppositions et la défense de différents modèles dans un espace
commun et les luttes qui le poursuivent dans différents lieux, qui caractérisent ce que
c’est  le  politique,  ne  sont  pas  rendues  désuètes  par  le  numérique.  Il  doit  pouvoir  être  
possible  de  promouvoir  l’agilité,  la  rapidité  et  l’innovation  tout  en  prenant  en  compte  
la diversité des enjeux auxquels nous sommes confrontés et sans nier toute légitimité
au débat démocratique.
Le numérique hors du numérique : un changement de civilisation
Le  numérique  que  nous  voulons  défendre  n’est  pas  une  utopie  empreinte  de  nostalgie  
à   l’endroit   des   valeurs   héritées   des   pères   fondateurs   d’Internet.   Il   s’appuie sur les
millions   d’initiatives,   sur   le   bouillonnement   de   formes   nouvelles   qui   sont   apparues  
depuis son invention : elles font pièce aux tentatives de centralisation et dessinent les
contours   du   changement   de   civilisation   qui   est   en   marche   et   qu’elles   annoncent. Il
s’appuie  également  sur  le  formidable  mouvement  de  renforcement  du  pouvoir  d’agir  
qu’il   a   permis   et   qui   a   des   effets   tous   les   jours.   Il   s’appuie   enfin   sur   le   fait   que   la  
révolution  numérique  a  largement  débordé  sa  sphère  d’action  initiale  :  les nouvelles
formes   d’organisation,   les   nouveaux   moyens   d’émancipation   individuelle,   les  
nouveaux modèles politiques et économiques ont largement irrigué le monde
analogique.  Pour  ainsi  dire,  le  numérique  est  sorti  du  numérique  et  c’est  désormais  le  
logiciel qui est appelé à dévorer le monde. Le mouvement des makers en est le
symbole : cette nouvelle génération de hackers réinvente les manières de produire et
travailler  en  misant  sur  le  partage  de  l’information,  la  mise  à  disposition  des  plans  et  
des schémas techniques en open source ainsi que le travail collaboratif des
contributeurs.
Wikispeed est un exemple exceptionnel de la vitalité de ce mouvement, qui montre,
comme  l’a  écrit  Chris  Anderson,  le  rédacteur  en  chef  de   Wired,   que   “le   Web  n’était  
qu’une   démonstration   de   faisabilité”   :   en   trois   mois,   une   dizaine   de   bénévoles   non  
expérimentés ont construit une voiture en open source, dotée de performances
comparables,  à  la  fois  sur  le  plan  de  la  vitesse  et  de  la  consommation  d’énergie,  à  la  
plupart des voitures industrielles, pour un prix modique. Ainsi la démocratisation de
la production, le mouvement du libre, le collaboratif servent de matrice pour le monde
matériel. Pekka Himanen, dans L’Ethique   hacker, analyse le changement de
paradigme  qui  est  à  l’oeuvre  dans  le  monde  du  travail  :  à  l’éthique  protestante,  fondée  
sur  le  devoir  et  la  recherche  du  profit,  s’oppose  une  éthique  hacker, qui est construite
autour   d’un   désir   personnel   d’agir   et   de   travailler   sans   recherche   première   de  
gratification financière. Cette   nouvelle   éthique   n’est   pas   confinée   au   domaine   des  
hackers : elle envahit tout le reste de la société. Le fait que les innovateurs et les
PRÉFACE Ambition numérique 13
créatifs reprennent le pouvoir dans les entreprises, renouant avec la tradition de
l’entrepreunariat  de  la  fin  du  19è  siècle,  où  les  grands  capitaines  d’industrie  étaient  des  
ingénieurs et des inventeurs, en est une preuve éclatante. Parce que le modèle des
startups repose souvent sur la créativité de leurs dirigeants et la commercialisation
d’un  prototype  technologique innovant, il remet en cause la course à la performance
financière  sur  l’esprit  entrepreunarial  qui  a  cours  depuis  les  années  1980.
A   cet   égard,   le   fait   que   l’invention   et   la   créativité   remettent   à   leur   juste   place   les  
indicateurs financiers me semble davantage correspondre aux valeurs de la France et
de   l’Europe.   C’est   en   effet   la   création   sous   toutes   ses   formes,   qu’elle   soit   artistique,  
artisanale ou industrielle qui dessine les contours de la singularité européenne.
La transition numérique au service de la transition écologique :
réinventer le monde
Adoptons donc, comme nous nous sommes efforcés de le faire dans ce rapport, une
attitude qui ne soit pas défensive, mais qui ait pour ambition que le numérique
continue de renouveler les formes politiques, économiques,  sociales  et  qu’il  nourrisse  
une   croissance   durable   et   inclusive.   C’est   comme   cela   que   nous   pourrons   tenir   les  
promesses des visionnaires historiques du numérique pour affronter ce qui constitue
la transition la plus importante de notre époque, avec la transition écologique.
Le lien entre ces deux transitions, numérique et écologique, est peut-être la clef de
compréhension du rôle historique du numérique. Elle peut sembler, au premier abord,
prendre   la   forme   d’un   passage   de   relais   :   alors   que   nous   faisons   l’expérience   des  
limites  de  l’ambition  prométhéenne  en  nous  heurtant  au  mur  de  la  dette  écologique  et  
de   l’épuisement   des   ressources,   nous   construisons   simultanément   un   redoublement  
du   monde.   Au   moment   où   nous   nous   heurtons   aux   limites   d’un   monde, nous en
constituons un autre, qui est fondamentalement humain, sans limites, au potentiel
inépuisable.
Toutefois   le   numérique   n’est   pas   un   monde   à   part,   une   utopie   consolante.   Nous   ne  
sommes  pas  des  “cerveaux  dans  une  cuve”,  contemplant  les  mirages  que  nous avons
nous-mêmes créés, sans conscience des limites du monde matériel. Le cyberespace
n’existe   pas.   Le   numérique   est   en   effet   une   mise   en   action   du   monde,   avant   même  
d’être  sa  mise  en  discours.  S’il  est  redoublement  du  monde,  c’est  un  redoublement  en  
potentialités : alors que le réel est un ensemble de faits, advenus, le virtuel relève du
possible. Pour chaque situation réelle, le virtuel est la mise en possibilité de cette
situation.  Le  numérique  permet  en  effet  de  d’interroger  le  réel,  de  simuler,  de  tester de
nouvelles  hypothèses,  avant  de  les  mettre  en  œuvre... Pour  le  dire  autrement,  c’est  un  
formidable  vecteur  de  l’empouvoirement  individuel  et  collectif.
PRÉFACE Ambition numérique14
C’est   en   ce   sens   que   le   numérique   est   au   cœur   des   réponses   que   nos   sociétés  
attendaient pour faire face à la crise écologique. Pas seulement pour optimiser la
consommation  énergétique  ou  améliorer  la  gestion  des  déchets,  ce  qu’il  faudra  faire,  
bien au-delà   de   ce   qui   se   fait   aujourd’hui.   Alors   que   l’épuisement   des   ressources  
physiques correspond aussi à un épuisement de notre capacité à inventer de nouveaux
modèles  théoriques  et  pratiques,  au  moment  où  nous  n’avons  jamais  autant  eu  besoin  
de   le   faire.   Ce   que   propose   le   numérique,   loin   d’être   une   fuite   en   avant,   c’est   une  
possibilité de tester ces nouveaux modèles.
Le numérique est donc un levier majeur de transformation du monde. La France et
l’Europe  doivent  être  à  la  tête  de  ce  mouvement  et  faire  des  choix  stratégiques  pour  
donner un sens politique à cette transformation et dessiner une voie européenne du
numérique.
Les 70 propositions du présent rapport donnent corps à cette ambition.
Pour une politique française
et européenne de la transition
numérique.
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
INTRODUCTION Ambition numérique 17
Quarante  ans  après  l’invention  d’Internet,  plus  de  vingt-cinq ans après celle du Web,
une pluralité des mondes numériques possibles se dessine. Une créativité économique
sans pareille  s’est  construite  autour  des  technologies  numériques,  tandis  qu’émergent  
des pratiques transformatrices de la société et du politique, fondées sur une diffusion
du  pouvoir  d’agir  et  des  valeurs  d’ouverture.  Le  numérique  peut  néanmoins  conduire  à  
des pratiques de prédation économique, favoriser une politique focalisée sur la
communication plus que sur le sens commun et la mobilisation des citoyens, voire
participer à certains phénomènes de radicalisation.
Nous sommes sortis de la période de techno-enthousiasme qui a marqué la fin du 20e
siècle. Nous avons maintenant collectivement conscience   de   l’épaisseur   et   de   la  
complexité des changements véhiculés
par le numérique. Nous sommes en
mesure de dépasser aussi bien les
discours du réductionnisme
technologique qui rabattent le
numérique   sur   l’outil,   que   les   discours  
qui parent le numérique de valeurs et de
vertus intrinsèques en oubliant à quel
point celui-ci est un construit social.
Plus que jamais les technophobes et les
technolâtres doivent être renvoyés dos à
dos   et   il   s’agit   de   concevoir   le  
numérique comme ce   qu’il   est : un
facteur de bouleversements importants auxquels il faut donner un sens, une direction
et   des   valeurs.   La   société   numérique   n’est   pas   une   force   qui   va,   mais   procède   au  
contraire  d’un  ensemble  de  choix  individuels  mais  aussi  et  surtout  collectifs.
Ces choix collectifs appellent simultanément des logiques ascendantes de construction
de  nouvelles  formes  d’autorégulations  par  toutes  les  parties  prenantes  de  la  société   -
acteurs   économiques   traditionnels,   acteurs   de   l’économie   sociale   et   solidaire,  
associations, citoyens…   et   des   interventions   des   acteurs   publics   - instances
internationales, Union européenne, État, collectivités territoriales.
L’internationalisation  des  enjeux  liés  à  l’économie  numérique  et  à  sa  gouvernance  ne  
peuvent   justifier   un   désengagement   de   l’intervention   de   l’État. Bien au contraire, la
France   a   un   rôle   majeur   à   jouer   pour   encourager,   à   l’échelle   nationale   et  
internationale,   l’innovation   économique   et   la   créativité   de   la   société   tout   en  
construisant   un   cadre   fiscal   et   social   équitable   et   en   s’assurant de la protection des
droits  de  l’humain  à  l’ère  numérique.  Une  voie  numérique  française  peut  être  définie,  
qui respecte nos valeurs et assure la pérennité de notre modèle social et économique.
Réaffirmer une souveraineté française et européenne sur le numérique est une
condition  nécessaire  pour  asseoir  notre  capacité  d’action  collective.
La société numérique
n’est pas une force qui va ;
elle procède au contraire
d’un ensemble de choix
individuels mais aussi
et surtout collectifs.
INTRODUCTION Ambition numérique18
Conscient du besoin de faire évoluer le cadre législatif pour embarquer
ces enjeux et de faire entendre une voix de la France sur la scène
européenne et internationale qui soit ambitieuse et prospective, le
Premier Ministre a demandé au Conseil national du numérique, instance
indépendante,  de  l’aider  dans  cette  tâche.
Pour  ce  faire  le  Gouvernement  a  chargé  le  Conseil  d’organiser  une  grande  concertation  
nationale afin de recueillir   largement   les   avis   de   l’ensemble   des   parties   prenantes ;
puis sur la base des contributions recueillies, de lui fournir des recommandations
concrètes, pour nourrir le projet de loi sur le numérique, mais également pour poser
les  jalons  d’une  stratégie  numérique  française  globale,  ayant  vocation  à  s’appliquer  au  
niveau local, national, européen et international.
Nouvelles méthodes, nouveaux acteurs
Première  en  son  genre  au  regard  de  son  périmètre  national  et  de  l’éventail  des  sujets  
traités, cette concertation   s’inscrit   dans   une   volonté   de   poser   les   premières   pierres  
d’une  co-construction des politiques publiques. À visée consultative, elle avait un triple
objectif :   donner   davantage   d’importance   aux   questions   liées   au   numérique   dans  
l’espace  public, les sortir de leur confidentialité et permettre à de nouveaux acteurs de
s’en  emparer ;;  exposer  dans  l’espace  public  les  controverses  liées  au  numérique  et  les  
points de vue en présence ;;  enrichir  les  voies  d’actions  possibles  par  la  diversité  des  
contributions, individuelles ou collectives.
Pour mener à bien cette concertation, le Conseil a mis en place un dispositif en quatre
volets :
Au cœur du dispositif, une plateforme en ligne (contribuez.cnnumerique.fr), en
partenariat   avec   l’association   Démocratie Ouverte. Lancée officiellement le 4
octobre 2014 par Manuel Valls, Thierry Mandon et Axelle Lemaire au NUMA à
Paris,  elle  avait  pour  fonction  de  recueillir  les  propositions  d’action,  les  avis  et  
les votes des citoyens autour de quatre grands thèmes : Croissance, innovation,
disruption ;;   Loyauté   dans   l’environnement   numérique ; Transformation
numérique  de  l’action  publique ; La société face à la métamorphose numérique.
Une journée contributive par thème, soit quatre événements organisés
successivement à Lille, Strasbourg, Bordeaux et Nantes dans des lieux
représentatifs   de   l’écosystème   numérique   français.   En   parallèle   et   reliés   en  
duplex, des ateliers ont été mis en place dans une dizaine de territoires.
L’accompagnement   d’événements   contributifs   auto-organisés, outillés par un
kit   “do   it   yourself”,   téléchargeable   en   ligne   et   adaptable   à   des   formats   de  
réunions citoyennes sur tout le territoire.
INTRODUCTION Ambition numérique 19
Au terme de la période initiale de consultation, la publication sur la plateforme
des synthèses des contributions, ouvertes aux commentaires, restituant le plus
fidèlement possible les propositions et les points de controverse.
La consultation a recueilli 17 678 contributions pour 2300 contributeurs (dont 1 435
propositions, 1 973 arguments, 494 sources, 13 759 votes), plus de 1 300 personnes se
sont mobilisées lors des journées contributives, tandis que 1 500 personnes suivaient
la retransmission en direct organisée
par la start-up Glowbl. 5 000
personnes suivaient par ailleurs la
concertation grâce à la newsletter.
Quelques 70 ateliers-relais ont été
organisés   sur   l’ensemble   du   territoire,  
de  l’île  de  la  Réunion  à  la  cantine  de  Brest,  de  l’Université  de  Montpellier  au  plateau  de  
Saclay, en passant par la municipalité de Nanterre.
Si les personnes intéressées professionnellement par les sujets ouverts au débat ont été
en toute logique les plus nombreux à contribuer, la concertation a reçu des
contributions de profils plus atypiques (collégiens, retraités, chauffeurs de taxi…). De
multiples   acteurs   représentatifs   de   l’écosystème   numérique   ont   contribué   au   terme  
d’un   travail   collectif   interne   à   leur   entité : des grandes entreprises, des syndicats
d’entreprises   et   de   salariés,   des   fédérations   professionnelles,   des   associations, mais
aussi de nombreuses communautés de chercheurs, étudiants, développeurs,
startupers. Afin de capitaliser sur des travaux antérieurs, différents rapports
provenant d'institutions ou missions variées1 (rapport   du   Conseil   d’État, rapport
Lemoine, etc.) ont largement nourri les réflexions et leurs propositions et ont pu être
discutées par les contributeurs.
Les acteurs publics ont également contribué à enrichir le débat en apportant une
expertise technique circonstanciée : certaines administrations se sont mobilisées en
ligne,   d’autres   “hors-ligne”   lors   de   réunions   interministérielles   ad hoc. En
coordination   avec   les   cabinets   ministériels   et   avec   l’appui   de   la   mission   Etalab,   le  
Conseil  national  du  numérique  a  sollicité  la  veille,  l’appui  et  l’expertise de nombreuses
administrations. Ces allers-retours continus entre le CNNum et les ministères ont
permis   de   s’assurer   que   les   fruits   de   la   concertation   nourrissent   réellement   la  
préparation du travail législatif et que les impératifs de calendrier des deux processus
ne constituent pas un obstacle à la prise en compte de la concertation et du travail du
CNNum.
1
Rapport  Lemoine  sur  la  transformation  numérique  de  l’économie  ;;  étude  annuelle  du  Conseil  d’Etat  sur  
le  numérique  et  les  droits  fondamentaux  ;;  rapport  de  J.  Toledano  “Une  gestion  dynamique  du  spectre  pour  
l’innovation  et   la  croissance”  ;;   rapport  de  C.  Bouchoux  “  Refonder  le  droit  à  l’innovation  publique  à  
l’heure  du  numérique”.
La consultation a recueilli
17 678 contributions.
INTRODUCTION Ambition numérique20
Au terme de cette vaste consultation, et nourris par le matériau qui en est sorti, les
membres   du   CNNum   ont   travaillé   à   l’élaboration   des recommandations qui
constituent ce rapport. Confronté à
des propositions parfois
contradictoires, le CNNum a élaboré
sa propre doctrine. Aussi ces
recommandations sont le fruit
d’arbitrages   propres   au   CNNum   et  
ne reflètent pas nécessairement le
contenu des contributions. Des
synthèses  retraçant  de  la  façon  la  plus  neutre  possible  l’intégralité  des  contributions  
sont annexées à ce rapport.
Malgré des contraintes temporelles serrées, les contributions ont montré une forte
diversité et créativité.  Nous  remercions  ici  l’ensemble  des  acteurs  qui  se  sont  
investis   dans   cet   exercice   et   sans   lesquels   ce   rapport   n’aurait   pu   voir   le  
jour. Le succès de cette concertation est en premier lieu le leur. Au-delà de cette
diversité, la concertation a permis de faire bouger les lignes en matière de débat public
sur trois fronts :
La   logique   de   publicité   et   de   transparence,   voire   d’interactions  
systématiques mise en place par la concertation a modifié les pratiques de
travail   et   de   construction   de   positions   de   certains   groupes   d’intérêts,  
d’entreprises   et   de   fédérations,   en   les   encourageant   à   publier   en   ligne   des  
positions et des lignes directrices auparavant réservées aux discussions internes
ou aux stratégies de lobbying.
Le premier ministre avait, selon ses termes, demandé à ce que
l’administration  soit  “hackée”. Mission accomplie : ce processus a permis
d’acculturer   à   de   nouveaux   procédés   d’élaboration   certains pans de
l’administration   peu   familiers   de   ces   pratiques.   Expérience   d’administration  
ouverte,  délibérante  et  à  l’écoute,  la  concertation  a  constitué  la  première  pierre  
d’une  transformation  vers  un  gouvernement  plus  ouvert.
Certaines collectivités ont saisi  l’opportunité  de  la  concertation  pour  
susciter sur leur territoire un débat citoyen,  permettant  ainsi  d’accroître  
l’intérêt   local   pour   des   questions   souvent   négligées   parce   que   jugées   trop  
techniques ou éloignées. De même de nombreux acteurs universitaires se sont
impliqués dans   le   débat,   ce   qui   a   permis   de   l’enrichir   grâce   aux   fruits  
indispensables de la recherche.
Globalement,  la  concertation  a  confirmé  l’importance  d’une  démarche  de  médiation,  
d’accompagnement  et  de  pédagogie,  en  complémentarité  d’une  phase  de  consultation  
institutionnelle. Lieu de dialogue et de formation politique, la concertation a voulu
Confronté à des propositions
parfois contradictoires,
le CNNum a élaboré
sa propre doctrine.
INTRODUCTION Ambition numérique 21
rompre   de   prime   abord   avec   la   sophistication   du   langage   de   l’expertise   et   la  
confiscation des futurs possibles par les experts. Elle a préféré emprunter les voies
plus  complexes,  parfois  plus  instables,  mais  toujours  plus  riches  d’une  parole  plurielle  
et profane. La concertation a eu pour souci de créer un langage partagé, condition sine
qua non à la construction de valeurs communes.
Dans un même temps, la concertation nous a permis de mieux cerner les limites de ce
type   d’exercice   et   d’en   tirer   les   leçons   pour   d’éventuels   processus   consultatifs  
ultérieurs. La concertation menée par le Conseil national du numérique est en effet
avant tout une expérimentation et un certain nombre de difficultés ont été rencontrées
au fil de la concertation :
Tout   d’abord   l’investissement   citoyen   a   été   inégal   selon   les   sujets.   On   peut  
supposer que le niveau de technicité de certains thèmes a pu constituer un frein
important.
Bien que de nombreux ministres se soient fait les relais de la concertation dans
leur   communication   politique,   la   concertation   n’a   pas   bénéficié   du   niveau   de  
visibilité politique à la hauteur des enjeux traités.
De manière plus générale et bien que des réunions interministérielles aient été
tenues   en   parallèle   de   la   consultation,   certaines   administrations   n’ont   pas  
toujours réussi à intégrer les logiques propres de la concertation. Ce nouveau
processus de consultation large et de co-élaboration avec le CNNum pose la
question  de  l’organisation  des  relations  entre  deux  temporalités  et  deux  types  
d’expertise,   celles   de   la   consultation   et   celles   de   l’administration.   La   capacité  
d’écoute  croisée  et  la  prise  en  compte  des  spécificités  de  chaque  logique  dans un
objectif  d’action  commune  doivent  encore  être  améliorées.
Malgré ces difficultés, le bilan global de ce processus confirme que ces consultations
sont réellement porteuses d’un  renouvellement  des  pratiques  politiques  et  doivent  être  
étendues, sinon généralisées,
en amont de la mise en place
de politiques publiques. Une
préconisation qui reçoit
d’ores  et  déjà un certain écho,
puisque le ministère de
l'Éducation nationale a repris
le modèle de la consultation
organisée par le Conseil
national du numérique pour
organiser   une   concertation   nationale   sur   le   numérique   pour   l’éducation   et   que   les  
initiatives se multiplient au niveau local et international.
Le bilan de ce processus
confirme que ces consultations
sont porteuses d’un renouvellement
des pratiques politiques et doivent
être généralisées.
INTRODUCTION Ambition numérique22
Les valeurs de la société numérique : une société solidaire,
ouverte et fondée sur les droits humains, qui favorise le pouvoir
d’agir et l’innovation partagée.
Au terme de cinq mois de processus contributif, le Conseil national du numérique a
construit un bouquet de recommandations. Celles-ci   s’appuient   sur   un   socle   de  
principes qui décrivent la société vers laquelle nous entendons tendre.
Le   Conseil   national   du   numérique   réaffirme   la   nécessité   d’une   société  
solidaire.  Une  solidarité  qui  doit  se  manifester  aussi  bien  entre  territoires,  qu’entre  
générations  et  groupes  sociaux.  Force  est  de  constater  que  l’entrée  du  numérique  dans  
nos sociétés a coïncidé avec un accroissement des inégalités de revenus et de
patrimoine. Sans établir de lien de causalité, cette corrélation nous interroge et nous
invite à repenser le rôle du numérique dans la construction des solidarités du
XXIe siècle.
Si   le   rôle   du   numérique   à   la   fois   comme   facteur   d’exclusion   et   comme   facteur  
d’émancipation  est  évoqué  de  longue  date,  on  observe  que  l’essentiel  des  efforts  des  
politiques publiques   a   porté   jusqu’ici   sur   l’appropriation   des   outils   numériques   par  
tous,   et   non   sur   le   déploiement   d’un  
numérique au service de la solidarité.
Certes  une  politique  qui  s’assure  d’une  
appropriation par le plus grand
nombre, non seulement des outils
mais aussi des compétences associées,
reste   indispensable.   D’autant   plus  
indispensable que les savoirs
nécessaires   à   l’exercice   d’une  
citoyenneté dans une société
numérique se renouvellent en
permanence, au fur et à mesure que de nouveaux dispositifs techniques font irruption
dans nos vies personnelles et professionnelles. Sans cet accompagnement, sans des
médiations  au  plus  près  des  populations  en  souffrance,  le  numérique  ne  serait  qu’un  
accélérateur  des  autres  formes  d’inégalités et  d’exclusion.  Mais  une  telle  politique  n’est  
pas suffisante pour autant.
Le  numérique  ne  sera  facteur  de  solidarité  que  si  l’économie  numérique  ne  se  déploie  
pas aux marges des formes de solidarité et de redistribution existantes. Le numérique
ne peut être  le  cheval  de  Troie  d’une  précarisation  et  d’une  atomisation  accrues.  Il  doit  
au contraire participer à une affirmation dynamique de notre système social et
permettre une croissance économique soutenue et durable, notamment en favorisant
l’innovation  et les pratiques économiques de collaboration.
Sans un accompagnement,
sans des médiations au plus
près des populations en
souffrance, le numérique
ne serait qu’un accélérateur
d’inégalités et d’exclusion.
INTRODUCTION Ambition numérique 23
Et  le  numérique  ne  contribuera  à  une  société  solidaire  que  s’il  est  aussi   le vecteur
d’un  pouvoir  d’agir  du  citoyen,  à  la  fois  individuel  et  collectif. La promesse
d’une  émancipation  de  l’individu  par  le  numérique a été portée depuis le début par les
pionniers de la micro-informatique  et  du  Web.  Sans  que  l’on  sache  toujours  bien  s’il  
s’agit   d’un   gain   en   pouvoir   d’agir   individuel   ou   collectif :   c’est   le   fameux  
“empowerement”,   que   nous   traduisons   par   “capacité   d’agir”.   Il   s’agit   aujourd’hui   de  
sortir  d’un  discours  globalisant  sur  la  capacité  d’agir  et  de  distinguer  plusieurs  degrés  
qui correspondent à des appropriations différenciées du numérique par les individus.
Pour  l’heure,  sans  doute  aucun,  le  numérique  a  apporté aux individus, à travers toute
une  panoplie  de  services,  les  moyens  d’être  plus  mobiles,  de  s’affranchir  des  distances,  
de   nouer   de   nouvelles   sociabilités,   de   simplifier   la   vie   quotidienne,   d’accéder   à   de  
vastes  champs  de  connaissance…  C’est  là  un  premier gain en capacités, partagé par le
plus   grand   nombre.   Un   nombre   plus   restreint   d’individus   peut   et   sait   mobiliser   le  
numérique pour créer de nouvelles œuvres   de   l’esprit,   pour   ouvrir   de   nouveaux  
territoires artistiques, et pour partager et diffuser des savoirs. Or ce sont ces pratiques
qui  sont  à  l’origine  de  la  création  de  la  valeur  ajoutée  économique  et  sociale  à  l’heure  
du   numérique.   Le   chemin   reste   long   pour   que   dès   l’enfance,   chaque   citoyen  
s’approprie  les  compétences  nécessaires  à  ce  changement  de   posture et devienne un
producteur  plus  qu’un  consommateur  de  contenus  et  services.
Enfin une portion congrue de la population a pu/su se saisir du numérique pour
véritablement, au-delà   du   champ   économique,   produire   de   l’action   collective,  
participer à une transformation, même modeste, de la société, et créer des communs.
S’il   existe   quelques   formidables   exemples   de   ce   pouvoir   d’agir   collectif,   il   reste   le  
parent pauvre du numérique.
Notre  ambition  est  que  les  politiques  publiques  s’emparent  du  numérique  pour  que  le  
pouvoir   d’agir   s’exerce   dans   sa   complétude : les transformations auxquelles nos
sociétés doivent faire face -
transformation   du   modèle   de   l’emploi,  
changement climatique,… - sont
tellement   complexes   qu’elles   appellent  
des réponses qui ne peuvent être que le
fruit  d’une  créativité  collective,  appuyée  
sur  la  transparence  de  l’action  publique  
et son ouverture à la participation et à la
co-évaluation. Le politique doit traiter
des  enjeux  d’une  telle  amplitude  qu’il  ne  
peut   se   satisfaire   des   modes   d’élaboration   et   de   décision   historiques : le numérique
doit  être  mis  au  service  de  cette  réinvention  de  l’action  politique. Le renforcement
du   pouvoir   d’agir   des   citoyens   grâce   au   numérique   ne   peut   donc être ni
décrété ni constaté. Il doit être construit.
Le renforcement du pouvoir
d’agir des citoyens grâce au
numérique ne peut donc être ni
décrété ni constaté, mais doit
être construit.
INTRODUCTION Ambition numérique24
L’augmentation   de   la   capacité   d’agir   des   individus   n’a   de   sens   que   si   elle   est  
accompagnée par une ouverture simultanée des organisations et des structures, afin de
permettre  qu’elles  soient  investies  et  co-construites. Et ceci autant pour les pouvoirs
publics que pour les acteurs économiques. Le numérique offre une opportunité de
revisiter   les   formes   d’organisation   traditionnelles pour évoluer vers davantage
d’horizontalité,  de  participation  des  salariés,  des  agents,  des  clients,  des  utilisateurs  et  
usagers.
L’innovation   ouverte,   déjà   pratiquée   par   bon   nombre   d’acteurs   du   numérique,   doit  
l’être  durablement.  La  reconstruction  d’organisations  en  silos,  tendance  inhérente  au  
capitalisme, doit être limitée, au risque de glisser vers des logiques de prédation. Les
murailles de Chine héritées qui séparent les différents espaces de la société doivent
également être percées, voire détruites afin de favoriser des relations plus étroites
entre  l’administration  et  les  acteurs  privés,  les  grandes  entreprises  et  les  startups  ou  
encore le monde de la recherche et la société civile.
Le numérique est aussi le vecteur de nouvelles formes de création de valeur, de
production et de partage de ressources, notamment immatérielles. Ces nouveaux
paradigmes constituent le terreau de la réussite des entreprises au XXIe siècle. Pour
construire   les   conditions   de   la   compétitivité   et   de   l’attractivité   de   l’économie   de  
l’innovation,   garantir   un   meilleur   niveau   d’emploi   et   faire   croître   les   nouveaux  
modèles   numériques,   il   est   nécessaire   d’adapter   nos   politiques   publiques,   de  
renouveler  les  modèles  de  financement  et  de  soutien  à  l’innovation  et  de  structurer  des
écosystèmes numériques aux niveaux national et européen.
Ces nouvelles formes de production et de partage peuvent également prendre la forme
de   ce   qu’on   appelle   aujourd’hui   les   “communs” : plus   qu’une   catégorie   précise   de  
biens, les communs constituent un mode de gouvernance et de production en
commun,  fondé  sur  l’agir  collectif  autour  d’un  projet.  Les  communs  ouvrent  ainsi  un  
nouvel espace politique et un nouveau rapport à la création de valeur.
Les multiples violences qui traversent nos sociétés dans leur diversité peuvent
s’interpréter   comme   des   crises   de   sens,   liées   entre   autres   à   l’affaiblissement   des  
sociabilités,  aux  inégalités  sociales  mais  également  aux  formes  d’aliénation  propres  à  
la  société  de  consommation.  La  sortie  de  logiques  d’affrontements  entre  “civilisations”,  
poussées  par  ceux  qui  y  puisent  leur  pouvoir,  ne  pourra  se  faire  qu’autour  d’un  socle  
de  valeurs  partagées.  En  sens  contraire,  nous  risquons  de  renforcer  l’individualisme  et  
d’augmenter   la   fragmentation   du   corps   social,   voire   sa   dislocation dans le cas des
événements   de   radicalisation,   comme   l’ont   montré   tragiquement   les   attentats   de  
Charlie Hebdo.
La  structuration  dialogique  et  participative  du  réseau  n’assure  pas  nécessairement  que  
la connexion de chacun à tous produise une action orientée par des projets et des
valeurs communes, en accord avec le socle de nos droits fondamentaux. La perspective
INTRODUCTION Ambition numérique 25
d’une  société  de  contrôle,  atomisée  et  en  proie  à  la  concurrence  exacerbée  de  tous  avec  
tous  n’est  pas  à  exclure.  La seule invocation des nouveaux  pouvoirs  d’une  multitude  
agissante,  tirant  sa  capacité  d’action  de  la  circulation  de  l’information  ne  suffira  pas  à  
faire barrage à cette perspective.
Quelques   mois   après   les   révélations   d’Edward   Snowden,   il   nous   faut   refuser   la  
surveillance  massive  des  flux  et  des  données,  pour  favoriser  l’instauration  d’un  cadre  
de   confiance   et   d’un   contrôle  
proportionné et légitimé
démocratiquement. Au-delà, nous
devons nous assurer que les garanties
propres au droit commun puissent
s’appliquer   également   dans   le   monde  
numérique. Ceci appelle une régulation
du numérique qui lui soit propre. La
préservation   de   l’État de droit sur
Internet nécessite que les contraintes, les
obligations et les sanctions ne soient pas
disproportionnées dans le monde numérique :  si  Internet  n’est  pas  une  zone  de  non-
droit,   elle   ne   doit   pas   non   plus   être   une   zone   de   “sur-droit”.   Notamment,   le  
renforcement de la lutte contre le terrorisme ou contre le racisme sur Internet ne doit
pas  conduire  à  oublier  les  fondamentaux  de  l’État de droit.
Présentation des volets du rapport
Les recommandations des membres du Conseil national du numérique, nourries par la
consultation,  s’organisent  autour  de  quatre  parties  principales :
Le  premier  volet,  intitulé  “Loyauté  et  liberté  dans  un  espace  numérique  en  
commun” veut fixer un cadre juridique pour assurer les droits individuels et
collectifs des consommateurs et des citoyens dans la société numérique. Les relations
des acteurs numériques entre eux et avec les utilisateurs doivent être régulées afin
d’assurer  la  constitution  d’un  environnement  loyal  et  ouvert  et  de  garantir  le  respect  
des  droits  humains  dans  le  monde  numérique.  La  gouvernance  d’Internet  doit  sortir  
de sa technicité pour devenir un objet politique à part entière.
Le   deuxième   volet,   intitulé   “Vers   une nouvelle   conception   de   l’action  
publique :  ouverture,  innovation,  participation” insiste sur la nécessité pour la
puissance publique de mettre à profit le numérique pour repenser ses missions et ses
modes   d’intervention,   en   promouvant   une   culture   de   l’innovation ouverte et en
renouvelant la conception des politiques et des services publics.
La perspective d’une société
de contrôle, atomisée
et en proie à la concurrence
exacerbée de tous avec
tous n’est pas à exclure.
INTRODUCTION Ambition numérique26
Le  troisième  volet,  intitulé  “Mettre  en  avant  la  croissance  française : vers
une   économie   de   l’innovation” a pour objectif de promouvoir une économie
audacieuse et créative   qui   permette   d’augmenter   la   compétitivité   des   acteurs  
numériques  français.  Il  s’agit  donc  de  soutenir  le  tissu  numérique  français  en  facilitant  
le   financement   de   l’innovation,   en   élaborant   une   véritable   stratégie   industrielle  
française relative au numérique   ainsi   qu’en   menant   une   politique   d’attractivité   à  
différentes échelles.
Le   quatrième   volet,   intitulé   “Solidarité,   équité,   émancipation : enjeux
d’une  société  numérique”, s’engage  à  repenser  les  champs  fondamentaux  du  vivre  
ensemble - santé, éducation, citoyenneté, communs - tout en esquissant les premiers
contours de chantiers auxquels il nous faudra collectivement nous confronter dans les
années à venir - travail, justice, nouveaux modèles de protection sociale…à  l’heure  du  
numérique.
Méthode d’appropriation
Ce rapport a plusieurs objectifs.
Il   a   tout   d’abord   pour   vocation   de   nourrir   les   décisions   du   Gouvernement   et  
notamment les lois à venir. En ce sens, si le projet de loi sur le numérique est le
support naturel pour transposer au niveau législatif les recommandations de ce
rapport,  il  ne  doit  pas  être  le  seul.  Ces  recommandations  ont  pour  objectif  d’irriguer  
d’autres  projets  de  loi  et  de  permettre  ainsi  une  prise  en  compte  la  plus  large  possible  
des enjeux liés au numérique : celui-ci  n’est  pas, en effet, un domaine réservé, mais
nécessite  une  appropriation  de  la  part  de  l’ensemble  du  Gouvernement.
INTRODUCTION Ambition numérique 27
Par  ailleurs,  les  mesures  prises  ne  peuvent  se  limiter  au  domaine  de  la  loi  et  à  l’échelle  
nationale.   C’est   pourquoi   l’ensemble   des   propositions   du rapport a pour objectif de
guider   la   mise   en   place   de   plans   d’action   à   l’échelle   locale   ainsi   qu’à   l’échelle  
internationale. La double nécessité, accentuée pour les enjeux liés au numérique,
d’une   mise   en   œuvre de services et de politiques au plus près des   usages   et   d’une  
internationalisation de la régulation rend en effet indispensable la définition de
feuilles de route numériques à tous les niveaux de gouvernance.
Aux niveaux européen et international, le rapport fournit des principes à défendre
pour promouvoir une vision du numérique propre à la France, en phase avec ses
valeurs.
Au  niveau  national  et  local,  le  rapport  décrit  des  orientations  pour  l’action  publique  et  
décline des actions concrètes sur le plan économique comme dans les domaines des
services  publics  de  la  santé,  de  la  justice,  de  l’inclusion,  etc.
Ce rapport a donc pour objectif de guider les actions des décideurs politiques à
différentes   échelles,   mais   également   d’imprégner   en   profondeur   l’ensemble   de  
l’administration : les agents publics doivent se saisir des recommandations pour les
mettre en œuvre  et  favoriser  l’acculturation  des  pouvoirs  publics  au  numérique.  Enfin  
le   rapport   s’adresse   également   aux   acteurs   de   la   société   civile   au   sens   large   dans   la  
mesure où la transformation numérique ne peut se limiter à une démarche
descendante  mais  doit  être  portée  par  l’ensemble  de  la  société.  
Pour ce faire, le mouvement qui a débuté avec la concertation nationale doit être
poursuivi et amplifié. Si un projet de loi dédié au numérique constitue un pas
important et révèle une certaine prise de conscience, la transformation numérique
devra  figurer  à  l’ordre  du  jour  des  prochains  rendez-vous  législatifs  et  électoraux.  C’est  
une   question   éminemment   politique   et   il   est   temps   qu’elle   soit   investie   en tant que
telle,  pour  que  la  société  numérique  dans  laquelle  nous  voulons  vivre  fasse  l’objet  d’un  
véritable choix collectif.
Pour qu’internet puisse rester
un commun durable, une approche
globale doit être portée, reliant
neutralité des réseaux et loyauté
des plateformes.
Volet 1
Loyauté et liberté
dans un espace
numérique en commun
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
Sommaire
Internet est un bien commun 36
1. Affirmer le principe de neutralité du net 36
2. Préserver et renforcer une partie du spectre pour les usages collectifs 42
3. Protéger les libertés fondamentales par une implication renouvelée dans la gouvernance
d’Internet 43
Le droit à l’autodétermination informationnelle 48
4. Favoriser la maîtrise et l’usage de leurs données par les individus 49
5. Créer une action collective en matière de protection des données 55
La loyauté des plateformes 56
6. Consacrer le principe de loyauté des plateformes 56
7. Fournir la bonne information, au bon moment 59
8. Assurer la loyauté des algorithmes destinés à la personnalisation, au classement et au
référencement 62
9. Loyauté entre acteurs économiques : préserver un espace propice à l’innovation 65
10. Adapter le design institutionnel 71
Réaffirmer l’État de droit 77
11. Contenus illégaux : conforter la place du juge en matière de blocage de sites 77
12. Redéfinir les équilibres et le rôle des plateformes dans le retrait des contenus illicites 81
13. Cadre légal du renseignement : allier efficacité et respect des libertés publiques et
individuelles 86
14. Protéger les lanceurs d’alertes 89
15. Promouvoir le chiffrement des données, levier de sécurité 90
16. Réformer le Fichier national des empreintes digitales et le Fichier national des
empreintes génétiques 90
17. S’engager contre l’exportation de technologies de surveillance et de censure d’Internet à
destination des régimes autoritaires 91
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique32
Internet est un bien commun
Internet est devenu une ressource essentielle au développement de nos sociétés, tant
du point de vue économique que culturel ou social. À ce titre, il doit être considéré
comme un bien commun, ou commun, qui ne peut être préempté par les intérêts de
certains acteurs, publics ou privés, mais doit bénéficier à la communauté mondiale des
utilisateurs. Un commun ou bien commun est une ressource dont  les  droits  d’usage  
sont partagés : une ressource gérée par une communauté qui fixe des règles de
gouvernance afin de protéger et faire fructifier cette ressource. Internet désigne ici
toutes les applications du réseau informatique mondial, y compris le Web. Cela
n’inclut   pas   les   infrastructures   physiques   des   réseaux   ou   des   serveurs,   qui   sont  
soumises  à  des  régimes  de  propriété  privée  ou  plus  rarement  aujourd’hui,  publique.
Les   communs   sont   au   cœur   des   conceptions   qui   ont   présidées à la
naissance  d’Internet.  Ils  ont  permis  sa  dynamique  créative  et  l’émergence  
d’une  économie  du  numérique.  Depuis,
les communs se sont affirmés comme
un   fait   social.   Il   s’agit   aujourd’hui   de  
trouver les moyens de continuer à faire
grandir ce commun au bénéfice de
toute la société. La qualité de bien
commun   d’Internet   repose   sur   un   ensemble  
de règles politiques et de choix techniques.
Ceux-ci se traduisent notamment par des
principes, protocoles et normes ouvertes qui
garantissent à toute personne, physique ou morale, un accès neutre et égal à ces
infrastructures pour bénéficier de services ou en créer de nouveaux.
Cette qualité ne pourra être garantie que par une gouvernance élargie et
démocratique : les enceintes techniques qui jouent un rôle structurant dans les
évolutions   d’Internet   doivent   interagir   avec   les   autres   parties   prenantes   afin   de   co-
concevoir le futur de ce commun ; parties prenantes qui incluent entre autres des
acteurs de la société civile, des TPE/PME, des collectivités territoriales, etc. De plus,
un   mode   de   fonctionnement   décentralisé,   c’est-à-dire une architecture distribuée,
constitue  la  condition  d’une  innovation  soutenue,  d’une  résilience  du  réseau  et  d’une  
meilleure protection des citoyens contre les tentatives de surveillance de masse.
Par   ailleurs,   pour   qu’Internet   puisse   constituer   un   commun   durable,   une   approche  
globale équilibrée doit être portée, reliant neutralité des réseaux, loyauté des
plateformes   et   refonte   d’une   fiscalité   internationale   du   numérique.   La   conception  
d'Internet   comme   un   bien   commun   mondial   doit   être   affirmée   à   l’échelle  
internationale. Elle peut, sans attendre, être inscrite en droit français et
servir de base à notre diplomatie en la matière.
Les communs sont au cœur
des conceptions qui ont
présidé à la naissance
d’Internet et ont permis
sa dynamique créative.
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 33
De l’autodétermination informationnelle à la loyauté
des plateformes
Dans  une  société  numérique,  l’individu  doit  pouvoir  décider  de  la  communication  et  
de  l’utilisation  de  ses  données  personnelles.  Plus  qu’une  approche défensive en termes
de  protection,  il  s’agit  de  doter  l’individu  des  moyens  d’exercer  une  véritable  maîtrise  
sur   ses   données   et   de   tirer   parti   de   leur   valeur   d’usage.   Le   principe  
d’autodétermination   informationnelle   recouvre   cet   ensemble   - protection, maîtrise,
capacité.  Il  doit  permettre  à  l’utilisateur  de  devenir  acteur  d’une  économie  numérique  
qui  met  de  plus  en  plus  les  données  au  cœur  de  ses  modèles  d’affaires.  Il  réduit  ainsi  
l’asymétrie  de  pouvoir  entre  l’utilisateur  et  les  services  numériques.
Pour  que  ce  droit  soit  effectif,  l’acquisition  d’une  véritable  « littératie »2 de la donnée
(comprendre qui recueille quelles données pour en faire quoi, comment en limiter la
circulation  ou  au  contraire  choisir  de  les  ouvrir  à  des  tiers…)  est  une  condition sine
qua non. Mais la littératie seule ne suffira pas : les fournisseurs de services
numériques   doivent   s’engager,   sur   une   base   volontaire,   ou   en   son   absence   sur  
incitation et encadrement de la puissance publique, à inclure dans leur conception les
dispositifs techniques, juridiques et de design qui outillent les utilisateurs afin de
rendre   ce   droit   à   l’autodétermination   effectif.   Les   acteurs   publics,   la   Commission  
nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) entre autres, ont un rôle essentiel à
jouer dans le développement de solutions innovantes contribuant à cette
autonomisation des utilisateurs.
Par  ailleurs,  afin  que  l’individu  ne  porte  pas  toujours  seul  la  responsabilité  de  veiller  
au bon usage de ses données dans un environnement caractérisé par une asymétrie de
pouvoir,  des  dispositifs  d’action  collective  sont  à  prévoir  en  cas  de  non-respect de ce
droit   fondamental   à   l’autodétermination   informationnelle.   Ce   droit   a   par   ailleurs  
vocation   à   s’exercer   également   dans   les   rapports   de   l’usager   aux   administrations
centrales, déconcentrées et décentralisées.
La   Cour   constitutionnelle   allemande   a   dégagé   le   principe   de   l’autodétermination  
informationnelle,   qui   a   été   repris   par   le   Conseil   d’État français dans son étude
annuelle sur le numérique et les droits fondamentaux3. La loi française doit
maintenant donner un caractère positif à ce principe et promouvoir son
adoption  à  l’échelle  de  l’Union  européenne.
En   prolongation   du   droit   à   l’autodétermination   informationnelle,   un  
principe de loyauté des plateformes  s’impose. Ce principe se justifie, en effet,
2 En savoir plus - rapport  “Citoyens  d’une  société  numérique  - accès, littératie, médiations, pou-
voir  d’agir  :  pour  une  nouvelle  politique  d’inclusion”  :  www.cnnumerique.fr/inclusion
3 Disponible ici : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/144000541/
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique34
par la nécessité de compenser le déséquilibre structurel entre la plateforme et ses
utilisateurs   et   celle   de   ne   pas   laisser   l’individu   seul   avec   la   charge   de   protéger   ses  
droits.  La  capacité  d’émancipation  restera lettre morte si les acteurs qui proposent des
services numériques ne respectent pas les
engagements   qu’ils   prennent   à   l’égard   de  
leurs utilisateurs. Ceci est particulièrement
vrai lorsqu’il   s’agit   d’acteurs   dits  
« plateformes », qui sont en situation de
monopole   ou   d’oligopole   sur   leur(s)  
marché(s) ou qui offrent un service qui a
fait  l’objet  d’une  appropriation  massive  par  
les utilisateurs, au point de devenir une
pratique  quasi  universelle.  En  effet,  dans  ces  derniers  cas,  l’obligation  de  loyauté  est
d’autant   plus   importante   que   les   utilisateurs   individuels   n’ont   plus   le   choix   de   se  
porter vers des services alternatifs et que les utilisateurs professionnels se trouvent
dans une chaîne de dépendance.
Par ailleurs, le principe de loyauté trouve une seconde justification dans le
besoin de construire de nouveaux équilibres entre les plateformes et leur
environnement économique. Cette loyauté doit permettre non seulement de
trouver   un   équilibre   plus   durable   entre   les   opérateurs   d’infrastructures   et   les  
plateformes mais aussi entre ces dernières et les autres acteurs du marché.
Les différents instruments juridiques existants – droit de la consommation, droit de la
concurrence,  protection  des  données  à  caractère  personnel…  – peinent à encadrer ces
acteurs protéiformes. Cette complexité appelle de nouveaux instruments de vigilance
et de régulation. De nombreux services en ligne, en particulier les grandes plateformes
qui  sont  aujourd’hui  des  acteurs  dominants  sur  leurs  marchés,  sont  ce  qu’on  appelle  
en économie des marchés bifaces  ou  multifaces,  c’est-à-dire  qu’ils  s’adressent  à  deux  
(ou plusieurs) clientèles simultanément (ex :   un   moteur   de   recherche   s’adresse aux
utilisateurs  qui  le  consultent  mais  obtient  ses  revenus  d’une  clientèle  de  professionnels  
qui  achètent  de  la  publicité).  Alors  que  le  Web  s’est  construit  en  s’appuyant  sur  des  
ressources distribuées et en communs, certains acteurs tendent à reconstruire des silos
qui  empêchent  l’arrivée  de  nouveaux  entrants  et  nuisent  à  l’innovation.
Le  principe  de  loyauté  s’appuie  sur deux exigences fondamentales : le service
numérique   doit   conformer   son   offre   au   service   qu’il   prétend   rendre   et  
maintenir  un  terreau  propice  à  l’innovation  continue.  
En prolongation du droit
à l’autodétermination
informationnelle, la loyauté
des plateformes s’impose.
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 35
Réaffirmer l’État de droit
Les nouvelles formes de communication facilitées par le numérique complexifient la
tâche des acteurs en charge de la sécurité publique. Dans un contexte de forte charge
émotionnelle liée à des événements nationaux et internationaux dramatiques, on
observe une tendance au renforcement
des  pouvoirs  de  l’administration  et  à  une  
minimisation du rôle du juge (passage
d’un   contrôle   a priori à un contrôle a
posteriori) – sous   couvert   d’un   impératif  
d’urgence  et  d’efficacité.
Le Conseil national du numérique
réaffirme que la préservation de la
sécurité publique ne se bâtira pas sur des régimes   d’exception   et   que   seule   une
justice formée et outillée pour faire face à ces nouveaux enjeux liés au numérique
sera  à  même  de  garantir  l’équilibre  entre  sécurité et libertés publiques et individuelles.
L’État de droit doit être consolidé pour mieux appréhender les problématiques de
sécurité dans un monde connecté, notamment en renforçant de façon pérenne les
capacités   d’action   et   les   moyens   de   la   justice   pour   permettre   à   celle-ci   d’être   plus  
réactive,  tout  particulièrement  dans  des  situations  d’urgence.  Lorsqu’il  y  a  exception,  
le contrôle a posteriori de  la  décision  administrative  doit  s’effectuer  là  encore  en  délai  
court   et   avec   des   garanties   fortes.   Enfin,   le   cadre   légal   de   l’action   des   acteurs   du  
renseignement et les outils de contrôle démocratique doivent être renforcés.
Seule une justice formée
et outillée sera à même
de garantir l’équilibre
entre sécurité et liberté.
INTERNET EST UN BIEN COMMUN
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique36
Internet
est un bien commun
1. Affirmer le principe de neutralité du net
La  neutralité  d’Internet  est  le  principe  selon  lequel  l'ensemble  du  trafic  de  l’internet  est  
traité de façon égale, sans discrimination et indépendamment de l'expéditeur, du
destinataire, du type, du contenu, de l'appareil, du service ou de l'application. En
particulier, la neutralité vise à garantir un traitement identique à tous les fournisseurs
de contenus, petits ou grands, consensuels ou non. Symétriquement, les utilisateurs
doivent pouvoir accéder aux informations et contenus de leurs choix sans
discrimination. Ce principe a été inscrit dans la loi néerlandaise et slovène et réaffirmé
par la Federal Communications Commission (FCC) dans son avis rendu en mars 2015.
En vertu de ce principe, les fournisseurs   d’accès   ne   doivent   donc   ni   bloquer   ni   à  
l’inverse   garantir   un   traitement   préférentiel   à   un   acteur   plutôt   qu’à   un   autre  
(ralentissement  du  débit  de  visionnage  des  vidéos  en  fonction  du  fournisseur  d’accès  
par exemple).
Ce  principe  est  à  l’origine  du  développement  d’un  écosystème  numérique  très  riche,  
favorable  à  la  liberté  d’expression,  l’accès  à  l’information  et  l’innovation : la neutralité
du   net   valorise   la   liberté   de   création   par   l’ouverture   du   réseau   et   sa   capacité   à  
engendrer des innovations par le biais de contributions non filtrées.
Dans la lignée de son précédent avis sur la neutralité des réseaux4 et afin
de préserver un espace public numérique porteur de liberté et
d’innovation,  le  CNNum  recommande  de :
4 http://www.cnnumerique.fr/neutralite/
INTERNET EST UN BIEN COMMUN
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 37
Inscrire clairement le principe de neutralité des réseaux dans le droit
S’aligner  sur  la  définition  adoptée  par  le  Parlement  européen  le  3  
avril 2014 (voir encadré).
LE PARLEMENT EUROPEEN RETIENT UNE DEFINITION
PROTECTRICE DE LA NEUTRALITE DU NET
Dans le cadre de la révision du « paquet télécom » de 2009, le Parlement
européen a reconnu et consolidé, le 3 avril 2014, le principe de neutralité du net.
Le texte consolidé en donne la définition suivante :
« Neutralité du réseau, le principe selon lequel l'ensemble du trafic Internet est traité
de façon égale, sans discrimination, limitation ni interférence, indépendamment de
l'expéditeur, du destinataire, du type, du contenu, de l'appareil, du service ou de
l'application ». « Les utilisateurs finaux sont en droit d'accéder aux informations et
aux contenus et de les diffuser, d'exécuter et de fournir les applications et les
services et d'utiliser les terminaux de leur choix, quel que soit le lieu où se trouve
l'utilisateur final ou le fournisseur, ou quels que soient le lieu, l'origine ou la
destination du service, de l'information ou du contenu, par l'intermédiaire de leur
service d'accès à l'internet ». « Les fournisseurs d'accès à l'internet, les fournisseurs
de communications électroniques au public et les fournisseurs de contenus,
d'applications et de services sont libres de proposer des services spécialisés aux
utilisateurs finaux. Ces services ne sont proposés que si la capacité du réseau est
suffisante pour les fournir en plus des services d'accès à l'internet et s'ils ne portent
pas atteinte à la disponibilité ou à la qualité des services d'accès à l'internet. Les
fournisseurs proposant un accès à l'internet aux utilisateurs finaux n'opèrent pas de
discrimination entre des services ou des applications équivalents sur le plan
fonctionnel »..
Encadrer et limiter strictement le recours aux services spécialisés
Les opérateurs doivent pouvoir proposer à leurs abonnés des services
spécialisés (cf. encadré). Le recours à ces services se justifie pour le développement
de services innovants qui nécessitent une qualité garantie, que ce soit pour des raisons
de sécurité, de confidentialité ou encore de temps de latence. La définition de ces
services doit permettre  aux  opérateurs  de  suppléer  les  limites  de  l’internet  best effort
par le recours à des services à la qualité garantie.
Il existe déjà des services spécialisés (cf. encadré). À l’avenir,   d’autres   services  
pourraient nécessiter des garanties en termes de qualité de service. Opérations
chirurgicales  à  distance,  partage  d’imagerie  médicale  en  continu,  voitures  autonomes…
pourraient rentrer dans cette catégorie. Ces services spécialisés doivent rester
l’exception  et  ne  doivent  en  aucun  cas, par leur multiplication, entamer la qualité de
l’Internet  public.  Un  encadrement  strict  de  ces  exceptions  est  nécessaire  pour  prévenir  
l’émergence  d’un  Internet  à  plusieurs  vitesses.
INTERNET EST UN BIEN COMMUN
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique38
UNE EXCEPTION AU PRINCIPE DE NEUTRALITE DU NET :
LES “SERVICES SPECIALISES”
Le principe de neutralité des réseaux ne s’applique pas aux services dits
“spécialisés”.
Ces services, offerts par les opérateurs, ne font pas partie de l’internet. La
télévision ou la téléphonie, proposées dans les box triple play, sont autant de
services spécialisés : ils sont délivrés sur des canaux dédiés, fonctionnent en
vases clos et ne pâtissent pas d’un réseau qui peut être temporairement
surchargé ou inaccessible. S’agissant de services premium, l’opérateur gère le
service de bout en bout et peut garantir une qualité de service (QoS). Ce n’est pas
le cas sur l’internet commun, qui est caractérisé par son fonctionnement en
meilleur effort (“best effort” : le réseau ne garantit pas la qualité de
l’acheminement des données).
Dans   la   lignée   d’une majorité de contributeurs, le Conseil ne saurait
cependant trop insister sur la nécessité de limiter strictement le recours à
ces services spécialisés :
aux services pour lesquels un niveau de qualité (QoS) spécifique
nécessite   d’être   assuré   de   bout   en bout pour en assurer le bon
fonctionnement. Une opération chirurgicale à distance nécessitera par
exemple des garanties en termes de temps de latence.
aux services déjà proposés par les opérateurs en tant que services
spécialisés dans le cadre des offres triple play : la télévision sur IP
ainsi que la voix sur IP (VoIP), notamment.
De plus, ces services spécialisés supplémentaires ne devraient pouvoir être déployés
que si la capacité du réseau est suffisante et ne doivent en aucun cas porter atteinte à
la  disponibilité  ou  à  la  qualité  des  services  d’accès  à  l’internet  généraliste.  
Le périmètre des services spécialisés doit pouvoir être déterminé par le
régulateur en fonction des évolutions technologiques :
Il est nécessaire de confier au régulateur le soin de déterminer quels services
ou applications requièrent des garanties spécifiques en termes de qualité de
service, lesquels pourraient alors relever de la catégorie des services
spécialisés.
Le régulateur pourrait tout autant décider de la déspécialisation d’une  
classe   de   services   ou   d’applications,   en   particulier   lorsque   les   progrès
techniques  de  l’Internet   best effort, les montées en débit et la réduction de
l’asymétrie   des   usages   montants   et   descendants   liés   au   très   haut   débit   y  
auraient rendu possible un équivalent fonctionnel.
De façon générale, pour éviter une premiumisation d’Internet,   il   est  
nécessaire  de  donner  les  moyens  au  régulateur  de  s’assurer  que  le  recours  
aux   services   spécialisés   n’entame   pas   la   montée   en   qualité   de   l’internet  
INTERNET EST UN BIEN COMMUN
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 39
best effort. Il serait pertinent de confier au régulateur un objectif de montée en
qualité d’Internet  pour  éviter  l’installation  durable  d’une  divergence  qualitative  entre  
les services spécialisés et Internet.
Un principe applicable à toutes les technologies de réseau
Il ressort principalement de la consultation que le débat sur la neutralité du net
évolue au fil des avancées technologiques.   Comme   le   remarquait   l’un   des  
contributeurs,  “la question de la neutralité du net agrège des sujets qui viennent sans
cesse   s’ajouter   les   uns   aux   autres”.   Ainsi   le   respect   du   principe   ne   dépend-il plus
seulement   des   aspects   “infrastructures”,   mais   de   plus   en   plus   des   fournisseurs   de  
contenus   (“infostructures”)   qui   peuvent   orienter   et/ou   différencier   l’accès   aux  
informations.
Dans   la   lignée   de   son   avis   de   janvier   2013,   le   CNNum   recommande   d’adopter   une  
définition élargie de la neutralité, au-delà des seuls réseaux physiques, pour viser :
les réseaux mobiles, en   particulier   face   aux   pratiques   dites   de   “zero
rating”,  qui consistent à proposer certains services en usage illimité et non
décomptés du forfait data mobile (ex : YouTube en illimité sur certains
forfaits 3G/4G).
l’interopérabilité   des   normes   et   standards, notamment des objets
connectés.
Se donner les moyens de contrôler et observer l’application
de la neutralité
On  observe  d’ores  et  déjà  différentes  pratiques qui dérogent à la neutralité du net, sur
les   réseaux   mobiles   d’une   part,   mais   également   sur   les   réseaux   fixes,   à   travers   les  
accords de transit et les accords de peering négociés  entre  opérateurs  d’infrastructures  
et fournisseurs de contenus et d’application  (cf. encadré). Ces accords ne doivent pas
constituer  le  cheval  de  Troie  d’une  atteinte  à  la  neutralité  des  réseaux.  
De manière générale, il est nécessaire de veiller à la transparence et de
garantir que les abonnés puissent avoir connaissance des performances
techniques  des  offres  d’accès  à  Internet,  y  compris  les  pratiques  de  gestion  
du trafic en situation de congestion et de différenciation.
INTERNET EST UN BIEN COMMUN
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique40
PEERING
ET TRANSIT
Lorsqu’un utilisateur souhaite accéder à un contenu ou un service, son
fournisseur d’accès à Internet (FAI) se charge de le récupérer depuis le réseau
qui le fournit : généralement un hébergeur ou un fournisseur de contenu et
d’application (FCA), comme Google. Cet échange peut se faire directement, si
les deux réseaux sont liés par un accord d’interconnexion directe, le peering
(gratuit), ou par l’intermédiaire d’un ou plusieurs opérateurs de transit (payant),
qui prendront en charge l’acheminement du trafic entre les deux acteurs. Ces
deux modes d’interconnexion - peering et transit - ont façonné l’Internet depuis
ses débuts. Particulièrement dans le cas du peering, ces accords sont très peu
formalisés et sont le plus souvent négociés en toute opacité.
Une remise en cause progressive de ces règles d’interconnexion est
aujourd’hui en cours : les FAI souhaitent en particulier monétiser plus
systématiquement les accords de peering qu’ils concluent avec les gros FCA et
avec certains transitaires, ce qui conduit fréquemment à de fortes tensions
entre les acteurs ; lesquelles peuvent aboutir à une dégradation de la qualité de
service perçue par l’utilisateur. Ainsi les abonnés Free ont-ils pu rencontrer des
difficultés pour accéder à YouTube avec des débits satisfaisants en raison d’un
conflit larvé opposant Free à Google.
Imposer des obligations de transparence aux opérateurs :
-­‐ Objectiver, par des organismes indépendants, les risques de
congestion des réseaux ;
-­‐ Soumettre  les  réseaux  mobiles  et  les  réseaux  d’objets  connectés  
aux  mêmes  règles  de  contrôle  sur  l’équité  et  la  qualité  de  service
que les réseaux fixes ;
-­‐ Conférer  à  l’ARCEP  un  droit  de  regard  sur  les  accords  de  peering
et  de  transit.  L’autorité  s’assurera  que  ces  accords  ne  sont  pas  
sources de déséquilibres dans le traitement des contenus, en
particulier au profit des acteurs puissants.
Fédérer les remontées sur la qualité de service produites par les
différentes   catégories   d’acteurs   (société   civile,   développeurs,  
techniciens, internautes, entreprises), agrégées et publiées par
l’ARCEP  en  open data.
INTERNET EST UN BIEN COMMUN
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 41
ÉCHOS
DE LA CONCERTATION
Tous les contributeurs s’accordent pour dire que des investissements sont
nécessaires pour absorber une explosion des usages de plus en plus tournés
vers des services gourmands en bande passante. En revanche, les
contributeurs ne s’accordent pas sur les conséquences à en tirer en termes de
partage des coûts.
Pour certains, les opérateurs devraient être en mesure de faire participer les
géants du net, largement responsables de l’explosion du trafic, à
l’investissement sur le réseau qu’ils utilisent.
Pour d’autres contributeurs, majoritaires, la valeur réside moins dans les
infrastructures elles-mêmes que dans les services offerts par Internet. De plus,
les investissements dans les infrastructures seraient amortis par les bénéfices
générés par l’intensification du trafic facturé à l’utilisateur final. Depuis une
dizaine d’années, la hausse du trafic serait par ailleurs compensée par la baisse
des coûts en équipement réseau. Pour plusieurs contributeurs, la réalité même
de la congestion ne serait attestée par aucune donnée fiable autre que celles
des opérateurs eux-mêmes (cf. annexes).
Concernant la question du financement des infrastructures, condition indispensable
d’un  internet  durable,  le  Conseil  national  du  numérique  réaffirme  que  celui-ci ne peut
se penser  dans  une  approche  qui  se  réduirait  à  “faire payer les géants du net”.  Cette  
approche déboucherait sur un internet à plusieurs vitesses et impacterait fortement
l’innovation,  la  créativité  et  la  liberté  d’expression  sur  Internet.  Il  s’agit  de  penser  
un rééquilibrage global des obligations respectives des fournisseurs
d’infrastructures   (neutralité   du   net)   et   des   fournisseurs   de   contenus  
(loyauté des plateformes).
De  plus,  l’urgence  consiste   à  mettre   en  place   une  fiscalité   internationale  
susceptible de réintroduire   une  forme  d’équité   entre  les   deux  catégories  
d’acteurs.   Une   participation   à   l’impôt   des   seconds   à   la   hauteur   de   leur   poids  
économique réel participerait de ce rééquilibrage. Cela permettrait également à la
puissance publique de disposer des moyens   d’intervention   le   cas   échéant   dans   le  
financement de certaines infrastructures (ex : couverture de territoires peu denses).
INTERNET EST UN BIEN COMMUN
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique42
2. Préserver et renforcer une partie du spectre pour les usages collectifs
Comme le souligne le rapport de Joëlle Toledano,  “Une gestion dynamique du spectre
pour  l’innovation  et  la  croissance”  (2014),  la  partie  du  spectre  qui  est  d’ores  et  déjà  en  
usage  libre  a  constitué  un  vecteur  considérable  d’innovation,  en  particulier  autour  des  
bandes dédiées au Wi-Fi (2,4 GHz et 5 GHz).
Cette   affectation   d’une   partie   du   domaine   public   immatériel   en   bien   commun   reste  
plus  que  jamais  nécessaire,  à  l’heure  du  développement  de  l’internet  des  objets  et  de  
l’implémentation  de  dispositifs  communicants  dans  les  territoires.  Elle  est  aussi source
de   nouveaux   usages   de   l’internet   citoyen,   propices   à   l’innovation   sociale,   à   côté   des  
usages de service commerciaux.
Il faudra cependant veiller à ce que ces espaces ne soient pas sur-utilisés par quelques
acteurs au détriment du plus grand nombre.
Par conséquent, le Conseil recommande de :
Conforter et étendre la portion du spectre en usage commun :
sécurisée,  l’utilisation  en  commun  du  Wi-Fi pourra être étendue à une portion
essentielle des bandes blanches ou fréquences interstitielles (cf. encadré), qui
permettent  d’accéder  au  très  haut  débit.
Encourager le développement de réseaux maillés, portés par des FAI
associatifs ou des entreprises spécialisées et utilisant ce spectre commun, afin
d’offrir  une  alternative  aux  FAI  traditionnels,  permettant ainsi notamment de
couvrir les zones blanches.
FOCUS
>> Les fréquences sont une ressource rare. Même si elles sont instantanément
renouvelables, elles ne sont disponibles qu’en quantité limitée à un moment
donné. La gestion du spectre est donc nécessaire, particulièrement à l’heure où
le risque de pénurie se fait sentir du fait d’une explosion des usages mobiles et
prochainement des objets connectés.
>> Bandes blanches : les bandes dites interstitielles ou encore blanches sont
celles qui se situent entre les bandes de fréquences allouées aux personnes
titulaires d’une autorisation du spectre.
>> Réseaux maillés : ce sont des types de réseaux auxquels tous les hôtes sont
connectés en mode pair à pair, sans hiérarchie centrale et formant ainsi une
structure en forme de filet. Par conséquent, chaque nœud doit recevoir,
envoyer et relayer les données.
INTERNET EST UN BIEN COMMUN
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 43
3. Protéger les libertés fondamentales par une implication
renouvelée dans la gouvernance d’Internet
À l’heure   où   la   protection   des   libertés   fondamentales   devient   un   sujet   clé   dans   les  
instances  de  la  gouvernance  d’Internet,  la  position  du  gouvernement  français  apparaît  
morcelée (positions différentes entre les administrations centrales concernées et selon
les enceintes), peu audible et déconnectée des autres parties prenantes (société civile,
monde  académique,  entreprises…).  
Il est essentiel de ré-impliquer   la   France   dans   l’ensemble   des   instances   de   la  
gouvernance, au-delà   de   l’ICANN5 et   de   l’Union   internationale des
télécommunications   (UIT).   Cela   passe   d’abord,   au   niveau   national,   par   une   réelle  
implication  de  l’ensemble  des  parties  prenantes  dans  le  débat  et  par  le  développement  
d’une   stratégie   complète   et   cohérente,   transversale   à   l’ensemble   des   enjeux   et
instances  de  la  gouvernance.  Les  enjeux  liés  à  l’ICANN  ont  trop  longtemps  dominé  la  
stratégie  française,  l’enfermant  dans  une  approche  trop  étroite  du  sujet  et  l’empêchant  
de   porter   une   vision   stratégique   de   futur   d’Internet,   compatible   avec   les   valeurs
européennes et les libertés fondamentales.
LA GOUVERNANCE
D’INTERNET
La gouvernance d'Internet est l’élaboration et l’application conjointes, par les
États, le secteur privé et la société civile, dans le cadre de leurs rôles
respectifs, de principes, normes, règles, procédures de prise de décision et
programmes propres à façonner l’évolution et l’usage d'Internet6
. Ce processus
se décline à travers plusieurs instances (comme le W3C7
, l’IETF8
, l’UIT, l’ICANN,
l’IANA9
…) dans un régime complexe. Certaines de ces instances sont portées
sur des enjeux techniques et d’autres davantage sur des discussions juridiques
ou commerciales, certaines sont ouvertes à une large participation de la
société civile et de la communauté technique, d’autres plus proches d’un mode
de travail interétatique. Enfin, il n’est pas toujours facile de comprendre quelle
est l’instance référente sur certains sujets transversaux.
5 Internet Corporation for Assigned Names and Numbers.
6 Sources  :  Wikipédia,  groupes  de  travail  du  Sommet  mondial  sur  la  société  de  l’information  
7 World Wide Web Consortium.
8 Internet Engineering Task Force.
9 Internet Assigned Numbers Authority.
INTERNET EST UN BIEN COMMUN
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique44
Sur  ces  attendus,  le  Conseil  est  d’avis  de :
À l’échelle nationale, déployer les efforts nécessaires pour dynamiser
le débat et y inclure la société civile, le réseau académique,
la communauté technique et les acteurs économiques.
La   France   doit   mettre   en   œuvre   une   stratégie   d’actions et déployer les moyens
nécessaires à une  réelle  inclusion  de  l’ensemble  des  parties  prenantes,  dans  
les mécanismes de décision et les instances de la gouvernance, seule
garantie démocratique de ces processus. Cela implique notamment de :
Doter les centres de recherche et de formation sur le numérique
des ressources pour mobiliser, financer, armer le débat sur la
gouvernance  d’Internet (programme  spécifique  de  l’Agence  Nationale  de  
la Recherche).
Créer un fonds de financement permettant de prendre en charge
les déplacements afférents à la participation aux rencontres
internationales des   instances   de   la   gouvernance   afin   d’encourager   la  
société  civile  française  (ONG,  citoyens,  chercheurs…)  à  s'impliquer  dans  les  
instances de la gouvernance mondiale ;
Ouvrir un espace de débat multi-acteurs sur les enjeux de la
gouvernance à l'échelle française pour clarifier, ouvrir, revivifier,
animer et dé-jargonner le débat. L’ensemble   des   institutions   étatiques  
clés concernées par les sujets de gouvernance (AFNIC10, CNIL, ARCEP, CSA,
Agence du Numérique, etc.) doit se structurer en consortium pour organiser
un débat annuel sur  la  Gouvernance  d’Internet.  
L’EXEMPLE BRESILIEN POUR FAIRE VIVRE LE DEBAT
SUR LA GOUVERNANCE A L’ECHELLE NATIONALE
COMME A L’ECHELLE GLOBALE
Le Brésil se positionne en champion d’une gouvernance plus démocratique, à
travers l’élaboration participative de la loi Marco Civil Da Internet, l’animation
d’un débat national inclusif et participatif sur la gouvernance et de son rôle
moteur dans une nouvelle dynamique internationale via l’organisation du
sommet NetMundial. La France peut s’inspirer des processus et des
institutions brésiliennes qui ont permis cela, comme le Comitê Gestor da
Internet no Brasil (CGI) ou le partenariat du Ministère de la Justice avec le
Centre pour la Technologie et la Société (CTS) de la Fondation Getulio
Vargas11
.
10 Association française pour le nommage Internet en coopération.
11 En savoir plus : http://netmundial.br/fr/ ; http://www.cgi.br/about/ ; http://portal.fgv.br/en
INTERNET EST UN BIEN COMMUN
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 45
Co-développer une stratégie française complète et cohérente en matière
de gouvernance d’Internet
Irriguée par un fort débat public national, cette stratégie doit être élaborée de
manière transparente et participative en impliquant les différentes
administrations concernées, la société civile, le monde académique, la communauté
technique et les acteurs économiques (y compris PME, TPE et startups).
Il nous semble que trois éléments sont particulièrement à même de guider cette
stratégie pour redonner à la France un rôle moteur dans la défense et la promotion
d’un  réseau  ouvert,  libre,  sécurisé  et  résilient :
La   promotion   d’Internet   comme   un   bien   commun   global, qui doit
aiguiller la position française sur les problématiques techniques et politiques
de la gouvernance ;
Les principes énoncés dans la déclaration multi-acteurs (multi-stakeholders)
élaborée à Sao Paulo en avril 2014 lors du sommet NetMundial12 qui sont à la
fois des principes qui découlent des droits humains (liberté
d’expression,   liberté   d’association,   protection   de   la   vie   privée,   accessibilité,  
liberté  d’information  et  d’accès  à  l’information,  inclusion  et  développement)  
et des principes spécifiques au réseau (sécurité, stabilité et résilience du
réseau, espace unifié et non fragmenté, architecture ouverte et distribuée).
Les  principes  du  NetMundial,  minimalistes,  doivent  faire  l’objet  à  la  fois  d’une  
implémentation dans les législations nationales   et   d’un  
approfondissement dans un cadre international négocié par toutes
les parties prenantes et ne peut être confisqué par une enceinte
économique et élitiste de type World Economic Forum ou une autre.
La promotion de la diversité linguistique et culturelle sur le Net,
chère   à   la   France,   et   qui   permet   d’impliquer   la   francophonie   dans   la  
gouvernance  d’Internet.
L’EXEMPLE
ITALIEN
S’inspirer de l’Italie où la Chambre des députés avec le soutien d’un réseau
d’experts et de commissions spécialisées a pris l’initiative de développer
une Déclaration des Droits sur Internet, ensuite soumise à une phase de
commentaires et amélioration ouverte en ligne13
.
12 http://netmundial.br/wp-content/uploads/2014/04/NETmundial-Multistakeholder-
Document.pdf
13 En savoir plus :
http://www.camera.it/application/xmanager/projects/leg17/attachments/upload_file/upload_
files/000/000/189/dichiarazione_dei_diritti_internet_inglese.pdf
INTERNET EST UN BIEN COMMUN
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique46
S’engager pour des processus plus inclusifs et démocratiques
dans les différentes instances de la gouvernance
Cela passe notamment par deux points de vigilance :
S’assurer   que   les   implications   sociétales,   économiques   et  
sécuritaires des décisions techniques sont mieux prises en compte
par les différents acteurs et processus de la gouvernance, et que les instances
techniques font preuve de plus de transparence sur les attendus et les
conséquences   sociétales   de   leurs   choix   techniques.   Sur   l’internet   des   objets  
par exemple, une attention particulière devra être portée aux standards en
développement  pour  s’assurer  qu’ils  correspondent  aux  exigences  d’un  réseau  
ouvert, libre, sécurisé et interopérable.
S’assurer   que   le   multipartisme   soit   réellement   garant   de  
l'inclusion de la société civile dans les processus de décisions et non
un prétexte pour justifier de l'influence  des  groupements  d’intérêts  (lobbies)
dans ces décisions.
Construire le cadre international d’une fiscalité de l’économie numérique
La  gouvernance  d’Internet  n’est  pas  qu’une  question  technique,  elle  est  éminemment  
politique. Ceci implique de réévaluer  le  périmètre  de  ce  qu’on  appelle  couramment  la  
gouvernance  d’Internet  et  de  s’autoriser  à  aborder  les  autres  dimensions  politiques  de  
ce   régime   complexe.   La   fiscalité   est   pour   l’heure   l’un   des   angles   morts   de   cette  
gouvernance,  qu’il  convient  d’investir.
En  effet,  le  cadre  international  de  la  fiscalité  a  été  pensé  pour  l’époque  industrielle  et  
n’est  pas  adapté  à  l’ère  de  l’immatériel,  privant  ainsi  les  États  d’un  outil  essentiel  de  
l’action   publique14.   L’OCDE   et   l’Union   européenne   ont   entamé   des   démarches   pour  
construire ce cadre international. Les récentes révélations de LuxLeaks et les
SwissLeaks  ainsi  que  les  enquêtes  ouvertes  par  la  Commission  à  l’égard  des  États qui
pratiquent la favorisation de l’optimisation   fiscale   pour   les   acteurs   économiques,  
notamment du numérique, confirment la nécessité impérative de ce cadre. Le CNNum
insiste  sur  l’importance  d’un  diagnostic  partagé  à  l’échelle  européenne  et  d’intensifier  
les travaux sur les enjeux clefs de   la   fiscalité   à   l’ère   numérique,   en   particulier : la
notion  de  présence  numérique  fiscale,  les  prix  de  transfert  et  l’échange  automatique  
d’information.  
La France doit être leader dans la reconstruction de mécanismes
européens et internationaux fiscaux justes et équitables applicables à
14 Voir Rapport du Conseil National du Numérique sur la fiscalité,
http://www.cnnumerique.fr/fiscalite/
INTERNET EST UN BIEN COMMUN
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 47
l’économie   numérique   et   porter   ce   projet   dans   les   instances   de   la  
gouvernance.
Elle  doit  prendre  un  temps  d’avance  en  pensant  de  manière  prospective  une  fiscalité  
souple  et  évolutive  susceptible  d’accompagner  les  nouvelles technologies de paiement
et  d’échange  de  la  valeur.
Un rééquilibrage en faveur des pays en développement (Global South)
dans la gouvernance d’Internet
Si certains pays émergents ont montré une grande implication dans la gouvernance
mondiale   d’Internet,   les pays en développement, notamment les pays les moins
avancés,   n’ont   que   peu   ou   pas   voix   au   chapitre.   Ce   déséquilibre   n’est   pas   durable   à  
terme,  d’autant  que  ces  pays  sont  considérés  par  les  entreprises  du  Nord  comme  les  
principaux secteurs de croissance à moyen et long terme. La France, à travers les
institutions de la Francophonie, peut accompagner et encourager la montée en
puissance de ces acteurs et de leurs sociétés civiles.
Renforcer  les  actions  existantes  portées  par  l’Organisation  Internationale  de
la  Francophonie  en  matière  d’inclusion  et  d’échange  des  acteurs  francophones  
dans  l’ensemble  des  enceintes  de  la  gouvernance.
LE DROIT À L’AUTODÉTERMNATION INFORMATIONNELLE
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique48
Le droit à
l’autodétermination
informationnelle
Le CNNum est favorable à la consécration du droit fondamental à
l’autodétermination   informationnelle.   Cette proposition, récemment soumise
au   débat   français   par   le   Conseil   d’État15, est déjà reconnue par la Cour
constitutionnelle allemande (cf. encadré).
Pour  ce  qui  concerne  leurs  données  personnelles,  les  utilisateurs  n’ont  pas  seulement  
besoin   d’une   protection,   ils   doivent   pouvoir   disposer   sur   elles   d’une   véritable  
maîtrise. Le  droit  à  l’autodétermination  vise  en  cela à renouveler le sens donné à la
protection des données personnelles des individus, pour répondre à leur besoin
d’exercer   leurs   libertés   dans   le   monde   numérique.   Il   ne   s’agit   plus   de   penser   la  
protection des données personnelles comme une finalité en soi, mais plutôt comme un
outil essentiel au service du libre développement des personnes.
Pour  les  individus,  ce  droit  à  l’autodétermination  implique  qu’ils  puissent  avoir  accès  à  
ces  données,  qu’ils  puissent  les  lire,  les  modifier,  les  effacer,  choisir  ce  qu’ils veulent en
faire ;;  mais  aussi  qu’ils  puissent  décider  des  services  qui  y  ont  accès.  
L’activation   de   ce   droit   suppose   de   mettre   l’individu   en   situation   d’être  
acteur de ses droits : à la fois en lui permettant réellement de les faire valoir
(notamment en  justice)  et,  sur  un  plan  positif,  d’être  outillé  pour  faire  lui  aussi  usage  
des données qui le concernent dans son quotidien (ex : utiliser ses données pour
améliorer ses choix alimentaires) ou pour son émancipation personnelle (ex : utiliser
ses données pour réduire son empreinte énergétique).
15 Rapport sur  le  numérique  et  les  droits  fondamentaux,  Conseil  d’Etat.
LE DROIT À L’AUTODÉTERMNATION INFORMATIONNELLE
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 49
LA NOTION D’AUTODETERMINATION
INFORMATIONNELLE TELLE QUE RECONNUE
PAR LA COUR CONSTITUTIONNELLE ALLEMANDE
Dès décembre 1983, la Cour constitutionnelle fédérale allemande
(Bundesverfassungsgerichtshof) déclarait l’inconstitutionnalité de certaines
dispositions d’une loi sur le recensement. Cette décision, à l’avant-garde en
Europe, reconnaissait, sur la base de l’article 1er (dignité humaine) et de
l’article 2 (droit au développement de la personnalité) de la Constitution
fédérale “la capacité de l’individu à décider de la communication et de l’utilisation
de ses données à caractère personnel”. Ce fut la première et la plus célèbre
assertion du droit à l’autodétermination informationnelle, caractérisé par la
Cour comme “le pouvoir de l’individu de décider lui-même [...] quand et dans
quelle mesure une information relevant de sa vie privée peut être communiquée
à autrui”.
De la consécration de ce droit comme un droit fondamental découlent
plusieurs conséquences :
toute restriction au libre exercice du droit à l’autodétermination
informationnelle doit être justifiée par un intérêt public essentiel et la
restriction doit être absolument nécessaire, notamment pour répondre à
un danger : dans ce cas le danger ne doit pas être hypothétique mais
concret et imminent ;
les restrictions au libre exercice du droit à l’autodétermination
informationnelle doivent être fondées sur une loi, elle-même claire et
précise ;
le moyen utilisé pour parvenir à l’objectif de protection de l’intérêt public
doit être le moins attentatoire possible aux libertés de la personne et
proportionné au but d’intérêt général poursuivi.
Afin  que  l’autodétermination  ne  demeure  pas  à  l’état  de  principe,  plusieurs  mesures  
concrètes sont susceptibles de la rendre actionnable :
4. Favoriser la maîtrise et l’usage de leurs données par les individus
Le Conseil prend acte du projet de règlement sur la protection des données en
discussion  au  niveau  de  l’Union  européenne.  Certaines  recommandations du présent
rapport pourraient diverger des directions adoptées dans ce règlement. Néanmoins, le
Conseil national du numérique souhaite pouvoir alimenter le prochain débat qui se
déroulera au Parlement européen et de façon générale, nourrir la réflexion et le débat
public qui se poursuivront nécessairement  après  l’adoption  du  règlement,  compte  tenu  
de l'importance que les données sont amenées à jouer dans nos économies.
LE DROIT À L’AUTODÉTERMNATION INFORMATIONNELLE
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique50
Par ailleurs, le Conseil salue les avancées prévues dans le projet de règlement tel
qu’adopté  par  le  Parlement  européen  en  2014  et  invite  notamment  à  préserver,  dans  la  
version finale du texte :
Une définition large et flexible des données à caractère personnel, essentielle
pour que les règles de protection des données restent pertinentes dans les
années à venir :   nouvelles   formes   d’identification,   de   ré-identification,
nouveaux  outils  de  croisement  et  d’agrégation  de  données,  etc. ;
La limitation par des critères non ambigus de la finalité de la collecte des
données, afin que leurs réutilisations soient faites à des fins compatibles avec
ce  qui  a  été  indiqué  initialement,  ou  avec  l’autorisation  claire  des  intéressés ;
Le droit de  l’individu  au contrôle et à la portabilité sur ses données à caractère
personnel. Il oblige les fournisseurs de service à mettre les personnes en
situation de pouvoir effectivement exercer leurs droits : maîtriser la diffusion
de ces données et pouvoir en faire eux-mêmes usage. Cela découle
directement  du  principe  d’autodétermination  informationnelle.
Consacrer un droit effectif à la portabilité des données
La  portabilité,  découlant  du  droit  à  l’autodétermination  informationnelle,  
consiste en la restitution aux individus des données collectées dans le
cadre  de  l’utilisation  des  services,  pour  leurs  usages personnels ou pour le
partage   vers   d’autres   services. L’objectif   est   notamment   de   permettre   à  
l’utilisateur   de   ne   pas   être   enfermé   dans   un   écosystème   captif   et   de   faire   lui-même
usage   de   ses   données.   Le   droit   à   la   portabilité   s’insère   donc   dans   le   prolongement
direct  du  droit  à  l’autodétermination  informationnelle.
Rendre  possible  à  tout  moment  l’export  de  leurs  données  par  les  utilisateurs
de services numériques, par eux-mêmes ou au travers d'un service tiers, dans
des délais raisonnables. Ceci implique de permettre la portabilité effective de
ces   données,   tant   d’un   point   de   vue   technique   (format,   métadonnées  
associées), que juridique (licences de droits de réutilisation associés). Elle
ouvre   la   possibilité   d’une   réexploitation   dans   un   environnement   différent.
Veiller en particulier à :
-­‐ La restitution des données dans des formats ouverts, standards et
lisibles par des machines ;
-­‐ L’accessibilité  du  service  d’export  à  travers  une  API16 et une
interface  web  à  l’ergonomie  adaptée  pour  des  utilisateurs  ne  
16 Application Programming Interface.
LE DROIT À L’AUTODÉTERMNATION INFORMATIONNELLE
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 51
disposant pas de compétences techniques particulières :
possibilité de visualisation  (données  tabulaires,  images…) ;
-­‐ La restitution des données de façon complète, non dégradée, et
sans option « premium » payante ni condition contractuelle
particulière ;
-­‐ L’introduction,  dans  le  référentiel  général  d’interopérabilité,  de  
normes et standards permettant la récupération par le citoyen de
l’ensemble  de  ses  données  de  source  administrative.
Inclure dans le périmètre de la portabilité : les données générées par
l’individu   à   l’occasion   de   l’utilisation   d’un   service,   volontairement   ou   non,  
consciemment ou non ; générées ou reconstituées par le service, et qui
présentent   une   valeur   d’usage   pour   ce   dernier   (favoris,   mails,   contacts,  
métadonnées des photos, playlists, traces   d’usages,   d’achats,   de  
communications, graphe social etc.).
Prévoir   la   possibilité   d’un   recours   en   cas   d’entrave   au   droit   à   la  
portabilité.
Préciser   les   conditions   d’usages,   incluant   les   limites   aux  
réutilisations,   lorsque   l’opérateur   a,   par   son   traitement, enrichi
les données. La   mise   en   place   d’un   référentiel   de   ces   CGR   (conditions  
générales  de  réutilisation)  faciliterait  l’usage  des  données.  
Rendre ce droit opposable aux grands acteurs. Concernant les PME et
TPE, distinguer les structures préexistantes, pour lesquelles il pourrait être
prévu un délai de mise en conformité, et les futurs acteurs, tenus de prendre
en compte ces exigences dès la conception de leurs services.
Afin   d’assurer   l’appropriation   de   la   portabilité   par   les   utilisateurs, les acteurs
concernés   devront   notifier   de   façon   claire   l’existence   de   ces   fonctionnalités.   Les  
régulateurs  sont  invités  à  publiciser  l’introduction  de  ce  droit  et  valoriser  les  usages  
possibles.
Soutenir le développement d’une masse critique de services permettant
la maîtrise et les usages des individus sur leurs données
La   reconnaissance   du   droit   à   l’autodétermination   informationnelle   doit   amener   le  
législateur et le régulateur à soutenir les technologies et logiciels qui rendent du
pouvoir aux utilisateurs.
Soutenir  le  développement  des  systèmes  personnels  de  gestion  d’informations  
dits   “PIMS”   (Personal Information Management System) qui proposent
notamment  aux  utilisateurs  d’héberger  leurs  informations  où  ils  le  souhaitent,  
LE DROIT À L’AUTODÉTERMNATION INFORMATIONNELLE
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique52
de maîtriser la distribution de ces informations vis-à-vis des tiers
(particuliers, entreprises, etc.) et de créer eux-mêmes les connexions logiques
entre les services :  facture  d’énergie,  listes  de  courses,  billets  de  train,  mails,  
etc.
Accompagner  l’effort  de  sécurisation  en  s’appuyant sur des solutions de PIMS
distribuées et en logiciel libre ou open source.
Dans   le   cadre   de   ses   activités   d’innovation   et   prospective,   la   CNIL,   en  
partenariats avec les acteurs, de la recherche et des designers, pourra engager
des projets pour le développement  d’interfaces  ergonomiques  de  gestion  des  
données,  et  des  fonctionnalités  permettant  le  choix  de  l’accès  à  ces  bases  de  
donnée par une application tierce.
S’INSPIRER
Le projet Mes Infos17
: mène une expérimentation sur le modèle du Self data,
c’est-à-dire le retour des données personnelles vers les individus qui en sont co
producteurs. Le travail porte sur la cartographie des données et de leurs
usages associés, l’exploration de services possibles sur la base de données
croisées mais aussi l’identification des risques et défis techniques, juridiques,
économiques…et la définition de besoins communs aux porteurs de projets :
architectures et principes techniques, licences, compétences, fonctions de
marché. Il fédère un large écosystème d’acteurs engagés pour que ce nouveau
modèle passe à l’échelle.
Le Personal Cloud : les utilisateurs déversent leurs données dans un grand
nombre de systèmes commerciaux qui reposent aujourd’hui sur une logique de
« silos ». Ils sont parfois pris en otage dans les conflits entre environnements
concurrents qui s’interposent. Surtout, ils ne peuvent ni maîtriser l’utilisation
qui est faite de leurs données, ni en retirer eux-mêmes les bénéfices. Par
ailleurs, déléguer toutes ses informations à une seule entreprise peut se révéler
coûteux en termes de libertés. En réponse, les « PIMS » (Personal Information
Management System)18
proposent aux internautes de reprendre le contrôle de
leurs données en devenant en quelque sorte leur propre plateforme :
en hébergeant leurs informations où ils le souhaitent, sur serveur cloud
en maîtrisant quel tiers a accès à quelles informations (particuliers,
entreprises, etc.)
et de choisir quels services peuvent s’interconnecter sur cette base, pour créer
des services additionnels : une plateforme ne s’interpose plus en répartiteur de
données.
17 Le  projet  se  matérialise  par   une  plateforme  donnant  aux  individus   l’accès  à  l’ensemble   des  
données personnelles détenues par un ensemble de partenaires (Google, Axa, La Banque Pos-
tale,  Les  Mousquetaires…).
En savoir plus : http://mesinfos.fing.org/
18 En savoir plus : http://fr.wikipedia.org/wiki/Gestionnaire_d%27informations_personnelles ;
http://www.agence-nationale-recherche.fr/projet-
anr/?tx_lwmsuivibilan_pi2%5BCODE%5D=ANR-10-VERS-0014
LE DROIT À L’AUTODÉTERMNATION INFORMATIONNELLE
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 53
Décharger les moteurs de recherche de l’édiction des critères
de déréférencement
Dans  l’application  du  droit  au  déréférencement,  il  faut  veiller  à  préserver  l’équilibre  
entre celui-ci  et  la  protection  de  la  vie  privée,  la  liberté  d’expression,  la  liberté  de  la  
presse  et  l’intérêt  du  public  à  l’information.  
Asseoir sur une base légale (règlement européen ou à défaut loi
nationale)   le   fait   que   l’édiction   des   critères   d’instruction   des  
demandes de déréférencement appartient aux autorités de
protection des données. Le G29 a adopté en novembre 2014 des lignes
directrices sur les critères de déréférencement   qu’il   convient   de   conforter  
comme cadre de référence auquel les moteurs de recherche devront se
conformer.
Prévoir   l’élaboration   itérative   de   ces   critères   sur   la   base   des   cas   litigieux  
rencontrés.
Veiller  à  l’application  uniforme  de  ces  critères  par  l’ensemble  des  moteurs  de  
recherche.
Assurer une mission pédagogique vis-à-vis des acteurs du secteur et des
utilisateurs, notamment afin de lever les ambiguïtés persistantes entre le droit
au   déréférencement   et   l’idée   d’un   droit   à   l’effacement   (ou   à   l’oubli),   et  
améliorer  l’information  disponible  sur  l’existence  de  recours  devant  le  juge  et  
la CNIL.
Ce   cadre   pourrait   faire   l’objet   d’un   partage   et   d’une   promotion   auprès   des  
“privacy commissioners”  des  pays  hors  Union  européenne,  notamment  lors  
des conférences annuelles internationales de la protection des données
personnelles et de la vie privée, afin de tendre progressivement vers une
adoption généralisée du principe de déréférencement et une harmonisation
des critères de celui-ci.
Étendre le droit d’accès au marché secondaire de la donnée
Lorsque les individus ont consenti initialement à un partage de leurs données par le
collecteur initial avec ses partenaires commerciaux, ils doivent pouvoir prendre
connaissance des circuits de circulation et de revente de leurs données, au-delà du
collecteur initial. En particulier, les courtiers de données doivent être astreints à une
forme de transparence sur la revente des données. Cette connaissance est la condition
pour  rendre  effectif  le  droit  d’accès,  de  rectification  et  d’effacement.  En  effet,  l’individu  
ne sait pas au moment du consentement initial évaluer avec certitude quelles
informations le concernant seront connues de tiers. Bénéfice secondaire, cette
LE DROIT À L’AUTODÉTERMNATION INFORMATIONNELLE
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique54
transparence contribue à désopacifier les chaînes de valeur ;;   cela   participe   d’une  
construction  de  la  confiance  indispensable  à  l’économie  numérique.
Afin de rendre plus transparentes les chaînes de reventes de fichiers de
données  “en  gros”,  conduire une enquête sur les pratiques des data
brokers en Europe, à   l’instar   des   travaux   conduits   par   la   Federal Trade
Commission19 (FTC) et le Sénat américain20.  Mettre  l’accent  notamment  sur  
l’identification   des   principales   sources   d’acquisition   des   données,   les   types  
d’acquéreurs  et  les  utilisations  dérivées.
Exiger  des  premiers  collecteurs  qu’ils  informent  clairement  leurs  
utilisateurs de la revente ou du transfert de leurs données à des
tiers, en précisant leur dénomination.
Prévoir   une   possibilité   d’opposition,   de   rectification   et   d’opt-out sur leur
partage par   le   premier   collecteur   avec   d’autres   acteurs,   opt out qui doit
pouvoir  s’exercer  à  tout  moment,  indépendamment  de  l’opt-in et/ou opt-out
opéré auprès du service du premier collecteur.
Mettre en place un espace en ligne public dans lequel les
collecteurs et courtiers de données se déclarent et fournissent un
contact qui peut être directement sollicité par les régulateurs et/ou
utilisateurs, pour obtenir des informations sur le type de données
collectées   afin   d’exercer   leur   droit   d’accès,   rectification   et   leur  
droit à la portabilité.
19 Federal Trade Commission - “Data  brokers  - A  Call  for  Transparency  and  Accountability” -
mai 2014
http://www.ftc.gov/system/files/documents/reports/data-brokers-call-transparency-
accountability-report-federal-trade-commission-may-2014/140527databrokerreport.pdf
20 Rapport de la Commission du commerce du Sénat américain - A Review of the Data Broker
Industry : Collection, Use, and Sale of Consumer Data for Marketing Purposes - décembre
2013 - enquête sur les pratiques de 9 data brokers américains. Ce rapport a notamment montré
que les data brokers utilisaient des données collectées pour définir des profils types de per-
sonnes  relatifs  à  leur  situation  sociale  difficile,  comme  “Rural  and  Barely  Making  It”,  “Ethnic  
Second-City  Strugglers”  ou  “Tough  Start  :  Young  Single  Parents”,  pour  proposer notamment des
crédits  à  la  consommation  à  taux  élevé”.  Selon  cette  même  étude  les  banques,  assureurs  et  les  
employeurs sont les premiers acquéreurs des données détenues par les data brokers.
LE DROIT À L’AUTODÉTERMNATION INFORMATIONNELLE
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 55
5. Créer une action collective en matière de protection des données
Le  CNNum  est  favorable  à  la  recommandation  du  Conseil  d’État visant à l’ouverture  
d’une action collective destinée à faire cesser les violations de la législation sur les
données personnelles et exercée devant le Tribunal de grande instance par les
associations agréées de protection des consommateurs.
Pour que ce recours soit pleinement activable,  il  devra  s’accompagner :
D’une  ouverture  aux  utilisateurs  de  services  numériques  non  payants ;
De  l’extension  de  la  capacité  d’agir  à  des  associations  de  défense  des  libertés  
numériques ;
De la réparation des dommages immatériels, extrapatrimoniaux et des
préjudices moraux ;
De la possibilité de demander la suspension immédiate des traitements
concernés.
Pour   rendre   ce   recours   effectif   et   placer   la   charge   de   la   preuve   à   l’avantage   des  
individus concernés, le responsable de traitement doit être soumis à une obligation de
résultat.
Ces recommandations trouvent leur prolongement naturel dans les recommandations
liées à la loyauté des plateformes qui suivent.
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique56
La loyauté
des plateformes
6. Soumettre les plateformes au principe de loyauté
Le modèle de développement propre aux plateformes éprouve les schémas classiques
de régulation21. Evolution rapide et constante des services, des technologies, des
modèle  d’affaires  et  canaux  de  distribution,  exploitation  à  grande  échelle  des  données  
et   traces   d’usage…   les   plateformes   interrogent   :   comment   s’adapter   à   un   contexte  
technologique et des usages qui évoluent chaque jour ? Comment ce cadre peut-il
s’appliquer  à  des  opérateurs  qui  ne  sont  pas  soumis  aux  frontières  physiques  ?  
Ce modèle de développement peut créer un déséquilibre structurel. Entre les
plateformes et leurs utilisateurs particuliers, ce déséquilibre se traduit
notamment par une forte opacité sur le sort des nombreuses informations collectées
sur les individus. Parfois, il se traduit également par des coûts de sorties élevés pour
migrer  d’une  plateforme  à  une  autre  et  des  obstacles  divers  à  l’utilisation  de  services  
issus  d’environnement  concurrents,  enfermant  de  fait  l’utilisateur  dans  un  service.  Par  
ailleurs, les plateformes, par leur rôle de prescripteurs, façonnent et déterminent les
conditions   d’accès   aux   informations.   Elles   associent   parfois   utilité   et   opacité   sans  
permettre de déterminer   facilement   si   ce   qui   est   présenté   relève   de   publicité,   d’une  
selection   algorithmique   générique,   d’une   adaptation   personnalisée   ou   d’une  
préférence  pour  l’offre  de  la  plateforme  hôte.
Dans les relations entre utilisateurs professionnels et plateformes,
l’asymétrie   tient   assez   classiquement   à   leur   position   d’intermédiaire,   puisqu’elle  
emporte   également   la   possibilité   de   s’interposer,   voire   de   concurrencer   ses   propres  
utilisateurs  professionnels.  Le  déséquilibre  est  accru  en  présence  d’acteurs  “chefs de
file”   proposant   de   grands   environnements   intégrés   verticalement   et   une   batterie   de  
services convergents.
21
Voir notamment les rapports et contributions aux travaux du CNNum sur la fiscalité et les
écosystèmes de plateformes : www.cnnumerique.fr/fiscalité et
www.cnnumerique.fr/plateformes
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 57
COMMENT DEFINIR LES PLATEFORMES ?
Une plateforme pourrait être définie comme un service occupant une
fonction d’intermédiaire dans l’accès aux informations, contenus, services ou
biens, le plus souvent édités ou fournis par des tiers. Au-delà de sa seule
interface technique, elle organise et hiérarchise ces contenus en vue de leur
présentation et leur mise en relation aux utilisateurs finaux. À cette
caractéristique commune s’ajoute parfois une dimension écosystémique
caractérisée par des interrelations entre services convergents. Plusieurs
plateformes ont en effet adopté des modèles de développement basés sur la
constitution de véritables écosystèmes dont elles occupent le centre.
Souvent considérées comme des hébergeurs au sens de la loi pour la confiance
dans l’économie numérique (LCEN) de 2004, les plateformes bénéficient d’un
régime de responsabilité limitée. Le CNNum invite à conserver ce régime afin de
préserver la liberté de communication, dans la mesure où une responsabilité trop
lourde pourrait les pousser à une censure préventive des contenus présents sur
leurs sites, par crainte de voir leur responsabilité engagée.
Consacrer le principe de loyauté pour les plateformes
Le   droit   existant   souffre   d’ineffectivité   :   le   droit   commun   contient   de   nombreuses  
dispositions   qui   permettraient   d’adresser   les   problématiques   spécifiques   aux  
plateformes mais elles restent difficilement appliquées. En témoignent les
controverses  récurrentes  autour  des  pratiques  de  collecte  et  d’exploitation  de  données  
personnelles   qui   amènent   parfois   à   un   constat   d’impuissance   pour   les   usagers.   Ou  
encore  le  décalage  entre  le  rythme  d’intervention  des  procédures  antitrust et celui de
l’évolution  des  marchés.
Le principe de loyauté vise à donner un nouveau souffle aux dispositions du droit
positif en particulier le droit de la concurrence, le droit commercial, le droit de la
consommation et le droit de la protection des donnée, en apportant un nouveau
fondement juridique permettant une approche décloisonnée. Le principe général de
loyauté vise ainsi à obliger les acteurs économique à assurer de bonne foi les services
qu’ils  proposent  sans  chercher  à  les  détourner  à  des  fins  contradictoires  à  l’intérêt  de  
leurs  utilisateurs,  qu’ils  soient  particuliers  ou  professionnels.  
Pour  la  plateforme,  ce  principe  implique  premièrement  et  d‘une  manière  générale   la
transparence de son comportement,  condition  pour  s’assurer  de  la conformité
entre la promesse affichée du service et les pratiques réelles.
Dans les relations avec les individus, le principe vise également les modes de
collecte,   de   traitement   des   données   et   de   restitution   de   l’information,
notamment en ce qui concerne les algorithmes de personnalisation. Il implique
ensuite  un  respect  d’un  principe  général  de non-discrimination (ex : proposer des
services   à   un   prix   supérieur   aux   utilisateurs   d’ordinateurs   de   la   marque   Apple,  
supposés  bénéficier  de  revenus  plus  élevés).  Il  s’applique en particulier au filtrage des
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique58
formes   d’expressions   et   de   contenus   partagés   des   individus,   hors   contenus  
condamnables par la loi (cf. infra).
Dans  les  relations  entre  professionnels,  il  s’applique  aux  conditions économiques
d’accès aux plateformes et aux conditions  d’ouverture  des  services à des tiers.
L’ENCADREMENT DES DISCRIMINATIONS
ENTRE PROFESSIONNELS
Les règles communes de la régulation économique interdisent aux entreprises en
position dominante d’exploiter cette situation de façon abusive : pratiquer des
prix excessifs ou exagérément bas, ou encore exercer des discriminations entre
leurs partenaires commerciaux… En revanche, cela ne s’oppose pas à leur liberté
de fixer leurs prix, d’opérer des choix éditoriaux, de sélectionner leurs partenaires
commerciaux… Les autorités de concurrence contrôlent ces aspects.
En matière numérique, le Parlement européen a notamment exhorté la
Commission européenne à prendre des mesures, en s'appuyant sur le principe de
non-discrimination, contre les infractions au droit de la concurrence dans les
marchés numériques dynamiques et à évolution rapide tels que les marchés de la
recherche et de la publicité en ligne, et à trouver une solution à long terme en
faveur d'une structure équilibrée, équitable et ouverte de la recherche en ligne22
.
Le droit français contient aussi certaines limitations : équilibre général de la
relation, conditions de vente, d’achat, de paiement, clauses interdites, etc. Par
ailleurs, une régulation spécifique s’applique parfois à des secteurs d’activité
donnés. C’est le cas pour les relations entre la grande distribution et ses
fournisseurs : réduction des délais de paiements, transparence des conditions
générales de vente, recours obligatoire aux concertations professionnelles, ... Les
juges français tranchent les litiges dans ce domaine.23
Le   principe   de   loyauté   a   vocation   à   s’appliquer   aux   plateformes   à   la   fois   dans   leurs  
relations avec les particuliers et avec les autres acteurs professionnels :
Dans les relations de la plateforme avec ses utilisateurs, le principe
de   loyauté   s’applique   à   toutes   les   plateformes,   à   l’instar   des   règles   de  
protection des consommateurs qui imposent un devoir général de conseil et
d’information  à  tous  les  professionnels vis-à-vis des particuliers.
Dans les relations de la plateforme avec ses utilisateurs
professionnels,  l’application  du  principe  doit  se  concentrer,  à  l’instar  des  
règles communes de la régulation économique, sur les pratiques qui
pénalisent  le  plus  l’innovation.  Par  conséquent, il se concentre sur les acteurs
22 En savoir plus : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&reference=P8-
TA-2015-0051&format=XML&language=FR
23 En savoir plus :
http://www.economie.gouv.fr/cepc/abus-dans-relation-commerciale-sur-notion-desequilibre-
significatif
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 59
dotés de la plus forte capacité de nuisance. Celles-ci  pourront  s’évaluer  par  le  
recours  à  un  faisceau  d’indices  (cf. encadré).
UTILISER UN FAISCEAU D’INDICES POUR EVALUER
LA CAPACITE DE DISTORSION DES RELATIONS ENTRE
PROFESSIONNELS
Plutôt que de rechercher un critère unique (ex : nombre d’acteurs sur le
marché) ou d’établir un seuil (ex : part de marché, nombre d’utilisateurs), qui
serait rapidement obsolète compte tenu de l’évolutivité des usages et
insuffisant pour embrasser la diversité et la complexité de situation
d’intermédiaires, il s’agit de prendre en compte un faisceau d’indices
comprenant, par exemple :
L’audience ;
L’adoption massive par les utilisateurs du service ou du groupe de
services convergents, qui en font un service quasi universel (la
pratique sociale conforte la position d’intermédiaire incontournable) ;
Le non-respect avéré et récurrent des règles de protection
des données (avis du Contrôleur européen de la protection
des données24
) ;
Le pouvoir d’un acteur d’évincer ou de nuire à l’innovation : maîtrise
de ressources clefs, de points critiques d’accès à la visibilité,
à l’information, contrôle d’une API devenue structurante, etc.
>> Prévoir la définition régulièrement mise à jour de ces indices par l’agence
de notation de la loyauté des plateformes (cf. recommandation n° 10).
7. Fournir la bonne information, au bon moment
Rendre   effective   l’expression   de   son   consentement par   l’utilisateur   d’un   service
suppose   de   la   part   des   acteurs   l'utilisation   d’un   langage   descriptif   de   leur   politique  
d’exploitation  des  données, sans ambiguïtés et accessible au grand public. Les mesures
prises pour assurer la protection de la vie privée de leurs utilisateurs appellent une
mise en visibilité spécifique.
Il est également impératif que cette information soit fournie au bon moment, et
permette  à  l’utilisateur  d’opérer  son  choix  en  connaissance  de  cause  quant  aux  usages  
et destinataires futurs des données. Cela est actuellement impossible compte tenu de
la profusion des sources des données, de la diversification de leur nature, de la
sophistication  de  leurs  usages  dérivés,  et  de  l’opacité  des  chaînes  de  revente  de  fichiers  
de données.
24https://secure.edps.europa.eu/EDPSWEB/webdav/site/mySite/shared/Documents/EDPS/Pu
blications/Speeches/2013/13-06-13_Speech_CB_Brussels_FR.pdf
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique60
Obligation d’édicter des CGU lisibles et non ambiguës
Définir des standards de lisibilité et de compréhension des
conditions  générales  d’utilisation  (CGU),  par un travail sur le design de
l’information   et   la   simplicité   de   l’accès   à   ses   droits,   dans   un   objectif  
d’alignement   des   efforts   de   design   de   l’accès   au   droit   et   ceux   consacrés   au  
design  des  services.  La  construction  d’un  référentiel  harmonisé  faciliterait  le  
travail  des  entreprises  dans  l’élaboration  de  leurs  CGUs.
Fournir une version compréhensible par le grand public, en
complément de la version juridique et de la version lisible par des machines.
Développer  le  test  de  leur  lisibilité  par  des  panels  d’utilisateurs ;
Assurer   l’emploi   de   la   langue   française   dans   les   CGU   et dans
l’ensemble  des  communications  avec  la  plateforme.  
Édicter une information plus complète et non ambiguë sur la
destination, les utilisations et destinataires des données et fournir
aux personnes exerçant leur droit d'accès une liste complète des entités
auxquelles leurs données ont été communiquées, même anonymisées, y
compris les data brokers (courtiers de données).
Faire figurer des critères de retraits de contenus non discriminatoires et
explicites (cf. recommandation n°12).
S’INSPIRER
Le Do Not Track25
: le World Wide Web Consortium (W3C) travaille à
l’élaboration d’un standard pour permettre aux utilisateurs d’Internet de
signaler leurs préférences en matière de traçage de leurs données, dans un
langage universellement reconnu par tous les sites visités.
Les privacy icons26
: la fondation Mozilla travaille sur la mise en place d’un
système permettant aux éditeurs d’apposer des petites icônes sur leurs sites
web pour simplifier la compréhension de leurs politiques sur la vie privée. Il
s’agit de plusieurs pictogrammes décrivant la politique d’utilisation des
données personnelles du site en question, sur quelques aspects clefs : période
de rétention des données, réutilisation par un tiers, partage aux annonceurs.
Assurer l’information au bon moment
Présenter les informations nécessaires et pertinentes extraites des
CGUs au   moment   de   l’expression   du   consentement   par  
l’utilisateur, en plus du renvoi aux CGU in extenso. Des outils sémantiques
25 En savoir plus : http://www.w3.org/TR/tracking-dnt/
26 En savoir plus : https://wiki.mozilla.org/Privacy_Icons ;
https://github.com/disconnectme/privacy-icons
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 61
peuvent   être   mobilisés   pour   permettre   à   l’utilisateur   d’identifier
automatiquement   les   clauses   qui   l’intéressent   (confidentialité,   localisation  
géographique, etc.) ;
Assurer  l’application  effective  de  l’opt-in pour  l’utilisation  initiale  
et générale du service ;
Assurer une information concise et claire en push pour   l’activation  
des fonctionnalités additionnelles postérieures au consentement initial
(géolocalisation,  micro…) ;
Assurer un opt-in au cas par cas pour tout recueil de données qui
n’est   pas   nécessaire   au   fonctionnement   du   service (ex : lors du
téléchargement des apps sur mobile) ;
Rendre transparente pour   l’utilisateur   l’« audience » de diffusion
des  messages  et  contenus  qu’il  poste : au-delà  de  l’information  fournie  
dans les CGUs,  d’autres  pistes  contextuelles  à  l’usage  peuvent  être  explorées,  
pour rendre les utilisateurs conscients de la portée de leurs actions, dans le
juste  équilibre  entre  norme  (imposée),  fluidité  de  l’usage  et  liberté  de  design  
pour   l’entreprise   qui   fournit   le service. Les privacy icons citées ci-dessus,
utilisées  dans  les  CGUs  et  en  contexte  d’usage  en  sont  un  exemple.  D’autres  
idées peuvent être :  l’indication  du  nombre  d’utilisateurs  à  qui  va  être  envoyé  
un   message   que   l’utilisateur   poste   (ex. : 122 contacts),   ou   l’indication   de   la  
portée  privée  ou  élargie.  Il  convient  également  d’ajouter  une  indication  des  
personnes concernées par la communication qui se verront notifier la
publication (ex : les tiers représentés sur une photo de groupe mises en ligne).
Cet enjeu  de  l’information  à  fournir  à  l’utilisateur,  condition  de  son  autodétermination  
informationnelle, va se répandre au fur et à mesure que de nouveaux services
s’appuient  sur  une  interactivité  forte  entre  l’utilisateur  et  les  supports  du  service.  En  
effet,   la   mise   en   mémoire   des   actions   de   l’utilisateur   sert   à   créer   un   dialogue   plus  
naturel et personnalisé. Les utilisateurs commencent à être sensibilisés à ces questions
sur les terminaux qui leur permettent de se connecter à Internet et les
recommandations ci-dessus participent à cette littératie. Mais il faut aussi anticiper la
question des objets interactifs et connectés qui conservent une mémoire des échanges
avec les utilisateurs (ex : TV à reconnaissance vocale, jouet interactif, etc.). Ces
derniers doivent être informés de la diffusion de ces informations mises en mémoire :
restent-elles dans la sphère privée (terminal et/ou box), « dans »   l’entreprise   qui  
délivre le service, sont-elles diffusées à  l’extérieur,  exploitées  par  des  tiers ?
Ce  sujet  n’est peut-être  pas  encore  assez  mûr  pour  faire  l’objet  d’une  normalisation. Il
doit   être   observé   et   faire   l’objet   d’expérimentations,   notamment   dans   le   cadre   des  
activités   d’innovation   et   prospective   de   la   CNIL,   de   programmes   de   recherche  
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique62
soutenus  par  l’Agence nationale de la recherche et de débats ouverts réguliers sur la
gouvernance  d’Internet.
8. Assurer la loyauté des algorithmes destinés
à la personnalisation, au classement et au référencement
Malgré  l’évolution  des  usages  et  des  supports  technologiques.  Les  principes  posés  par  
la loi dite informatique et libertés de 1978 sont restés pertinents. Toutefois pour
accompagner le mouvement des mégadonnées (Big data), il est à présent
nécessaire de prendre en compte plusieurs niveaux de complexité :
La réintroduction du profilage, désormais sans nécessité
d’identification   préalable,   par   recoupement   de   données : les
données  comportementales  sont  retraitées  de  façon  non  nominative,  il  n’est  
plus nécessaire  de  connaître  l’identité  des  personnes  pour  leur  attribuer  des  
profils. Ceci ouvre la porte à des pratiques discriminatoires illégitimes, voire
illicites,  contre  lesquelles  les  individus  n’ont  qu’un  recours  limité.
LES DISCRIMINATIONS
PROHIBEES PAR LA LOI
Les discriminations prohibées par la loi sont explicitement et limitativement
définies. Dans le domaine de l’emploi, du logement, de l’éducation et de l’accès
aux biens et services, on ne peut discriminer selon les critères suivants : l’origine,
le sexe, la situation de famille, la grossesse, l’apparence physique, le patronyme,
l’état de santé, le handicap, les caractéristiques génétiques, les mœurs,
l’orientation sexuelle, l’âge, les opinions politiques, les activités syndicales,
l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une
nation, une race ou une religion déterminée.
LA SUBJECTIVITE
DES ALGORITHMES27
En informatique, un algorithme se définit de manière générale par une séquence
d’instructions et d’étapes qu’on applique à un ensemble de données afin d’en
produire un résultat. En particulier, un algorithme de fouille de données se définit
par une séquence de calculs qui partent des données disponibles par exemple sur
des produits ou des services et des individus et « découvre » des connaissances
sur ces données, par exemple des corrélations entre deux personnes, entre un
comportement et un service, entre une personne et un produit, etc. L’idée est
fréquemment avancée qu'aucune personne n'intervient dans ce processus pour
se réclamer plus ou moins implicitement de son objectivité. On prête aussi
parfois à la fouille de données informatisée l’avantage d’être objective en
comparaison de l’analyse de donnée par des humains, qui serait, elle, subjective.
Il est important de remettre cette affirmation en question puisque les biais des
27 Rapport “Big Data's Disparate Impact", Solon Barocas et Andrew D.Selbst,
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2477899
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 63
algorithmes peuvent avoir de nombreuses origines. Comme dans tout traitement
statistique, les résultats obtenus contiennent un degré d’incertitude que l’on
prend insuffisamment en compte lorsqu’on les réutilise comme données d’entrée
dans un autre algorithme. De plus, les données utilisées et disponibles peuvent
par exemple être biaisées (on sait par exemple depuis bien avant l'invention de la
fouille de données comment biaiser une enquête par le choix des questions).
Surtout, l'algorithme lui-même peut refléter les biais de ses concepteurs, leurs
opinions politiques, leurs intérêts commerciaux (donner un avantage aux produits
du groupe), voire introduire des discriminations interdites par la loi. L'analyse de
données (produits achetés, recherches effectuées, etc.) peut par exemple être
utilisée pour reconstruire des variables cachées (religion, préférences sexuelles,
situation familiale, etc.). Si la lettre de la loi n'a pas été violée (l'identité de la
personne est restée cachée), son esprit l'a certainement été. Enfin il est possible
que l'algorithme introduise des tels biais sans même que ses concepteurs n'en
aient l’intention ou la pleine conscience, ce qui est encore plus difficile à détecter.
>> Le principe loyauté appliqué aux algorithmes vise à garantir le respect de
l’esprit de la loi.
Les   risques   d’enfermement   des   internautes   dans   une  
personnalisation des services en fonction de leurs goûts ou dans
des   sphères   d’opinions   supposées. Ceci s’oppose   au   libre  
épanouissement  de  l’individu,  et  participe  à  une  homogénéisation  réductrice  
de  l’information,  en  opposition  au  pluralisme  culturel.
Le  risque  d’une  confiance  excessive  dans  les  choix  préconisés  par  
les algorithmes,   basés   sur   des   postulats   susceptibles   d’orienter   les   choix  
des individus, sans que ceux-ci  en  aient  véritablement  conscience.  D’autant  
que tout postulat est un construit social, donc discutable.
Un   risque   “solutionniste” d’une   société   qui   encourage   le   recours
systématique à des solutions algorithmiques masquant la complexité des
enjeux socio-économiques  qui  requièrent  d’autres  types  d’interventions.  
Il   est   nécessaire   de   se   doter   d’une   vision   stratégique   sur   le   long   terme   et   d’une  
gouvernance  à  même  d’appréhender ces évolutions. Cela nécessite de :
Introduire un droit à la transparence et à la conformité aux engagements
de la plateforme, des critères de personnalisation, de classement
et de référencement
Les systèmes de personnalisation opèrent par nature des  choix  pour  l’utilisateur. Ces
choix doivent respecter les engagements de la plateforme quant aux
critères mobilisés :
Reconnaître  un  droit  à  l’information  sur  les  critères  utilisés  par  les  
algorithmes. Présenter sur la plateforme, sous une forme compréhensible
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique64
pour le grand public, les grands principes de fonctionnement du ou des
algorithmes sous-jacents qui participent à la personnalisation, au classement
ou au référencement (ex : le PageRank de Google, le choix des contenus mis
en  avant  sur  la  page  Facebook  d’un  utilisateur).  
“HOW SEARCH
WORKS”
Le moteur de recherche Google a lancé en 2013 un site28
expliquant sous
forme d’infographie animée le fonctionnement de son algorithme. Cette
initiative participe d’une démystification de l’algorithme de classement pour les
usagers qui effectuent des recherches. Certains acteurs critiquent toutefois
l’opacité globale des critères du référencement commercial.
Imposer la séparation claire des suggestions organiques, qui font
le   cœur   du   service   rendu,   des   suggestions   sponsorisées,   fruits  
d’accords  commerciaux. Lorsque le service propose une troisième série de
suggestions,   qui   s’appuie   sur   des   sources   internes   à   son   écosystème,   un  
signalement explicite est également nécessaire.
Obtenir des garanties de la part des acteurs contre l’utilisation
discriminante des données dans les politiques de prix
Dans la prolongation  des  recommandations  du  Conseil  d’État :
Se  doter  de  capacités  d’observation  renforcées,  afin  d’être  en  mesure  
de  détecter  l’utilisation  de  critères  discriminants  dans  la  fixation  des  prix  (cf.
encadré).   Il   convient   d’octroyer   des   moyens   adaptés   à   cette mission à la
Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la
Répression des Fraudes (DGCCRF).
Poursuivre la réflexion déjà entamée par la CNIL et la DGCCRF afin de
clarifier les critères de distinction entre critères licites et illicites
de différenciation du prix. Par ailleurs, si les critères précis de
différenciation   de   l’offre   restent   protégés,   ils   doivent   pouvoir   être  
communiqués et analysés par un tiers de confiance en cas de situation
litigieuse (cf. recommandation n° 10).
Par ailleurs, on observe une tendance croissante à une personnalisation de
services essentiels tels que les mutuelles, les assurances, les organismes de
crédit. Cette personnalisation met en cause la mutualisation des risques, au
cœur du modèle social français. Il soulève des questions de société
28 https://www.google.com/insidesearch/howsearchworks/thestory/
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 65
essentielles qui appellent un débat public. Une  étude  d’impact  sur  cette  
transformation doit être conduite conjointement avec les acteurs
des secteurs concernés.
Garantir l’accès à une information plurielle
Il existe aujourd’hui   un   risque   d’enfermement   dans   des   sphères   d’opinions  
homogènes. Pouvoir être confronté à des opinions contraires et diverses constitue en
effet un enjeu central pour le maintien du fonctionnement démocratique de notre
société  à  l’ère  numérique.  Par  ailleurs,  c’est  une  condition  de  maintien  d’une  créativité  
globale  de  la  société  et  d’un  pluralisme  culturel.  Pour  limiter  ce  risque :
Demander aux grandes plateformes de respecter des engagements
de  pluralisme  de  l’information  délivrée  et  d’offrir  la  possibilité de
désactiver la personnalisation des résultats de leur service.
Introduire dans la formation à la littératie numérique - à  l’école,  
comme   dans   l’enseignement   supérieur   ou   la   formation  
professionnelle - une   compréhension   des   fonctions   d’orientation
des algorithmes.
9. Loyauté entre acteurs économiques : préserver un espace
propice à l’innovation
La  régulation  des  relations  entre  les  acteurs  économiques  ne  pourra  être  efficace  qu’en  
complément   d’une   stratégie   industrielle   effective   de   long   terme   (cf. volet III du
rapport), dont certains axes privilégiés29 sont :
Les   liens   entre   les   acteurs   de   l’amont   (hôteliers,   etc.)   et   de   l’aval   (clients  
finaux) dans un contexte de désintermédiation généralisée : le soutien à la
constitution de plateformes métiers dans les secteurs atomisés, faciliterait en
effet le rééquilibrage des rapports de force.
Inciter   à   la   diversification   des   chaînes   de   valeur   et   des   modèles   d’affaires  
contribuerait à ménager des espaces économiques non dépendants des seules
logiques d’audience-publicité-données. La recherche économique dédiée à ces
questions pourrait contribuer à ce renouvellement.
Soutenir  le  développement  d’une  masse  critique  de  services  multiplateformes,  
susceptibles   d’opérer   dans   différents   environnement   techniques et
29 Ces recommandations sont extraites du rapport du Conseil National du Numérique consacré
aux écosystèmes de plateformes.
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique66
commerciaux (ex :   différents   OS),   permettrait   que   l’innovation   ne   se  
construise pas uniquement en rattachement à un écosystème donné.
La régulation doit quant à elle accompagner ce mouvement, en contribuant à prévenir
l’asphyxie  de  l’innovation  face  aux phénomènes oligopolistiques. Le monde numérique
est entré depuis plusieurs années dans une phase de concentration et de
reconstruction   de   silos   autour   de   quelques   grands   acteurs.   Il   s’agit   de   préserver   les  
conditions  d’un  environnement  ouvert  concurrentiel durable, ne fermant pas la porte
aux nouveaux entrants. Cela passe notamment par un fonctionnement plus
transparent des politiques commerciales des plateformes, et la prévention de
l’enfermement  des  acteurs  dans  des  écosystèmes  captifs.
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 67
VLC, LE LECTEUR
MULTIPLATEFORMES
VLC 30
est un lecteur vidéo multimédia issu du projet Video LAN des étudiants
de l’Ecole Centrale Paris. Le logiciel est mis en place par des bénévoles, gratuit,
libre et multiplateforme : il fonctionne sous environnement Windows, Androïd,
IOS, GNU/Linux, BSD…et intègre les codecs nécessaires à la lecture de la
plupart des formats audio/vidéo. Il est le logiciel français le plus utilisé au
monde (plus de 2 milliards de téléchargements).
PLACE DES
LIBRAIRES
À travers ce réseau les libraires s’organisent pour reconstruire leur lien direct
aux utilisateurs. Place des libraires31
est un site de recherche-réservation-
achat et géolocalisation des livres disponibles dans un réseau de 200 librairies
indépendantes.
À cette fin, le CNNum recommande de :
Normaliser l’accès aux ressources et espaces de visibilité clefs
des plateformes incontournables
Instaurer   une   obligation   d’information   préalable   dans   des   délais  
raisonnables en cas de modifications majeures, telles que des
changements   de   politiques   tarifaires,   de   contenus,   d’accès   aux   API,   ou   de  
changements substantiels des critères de classement par algorithmes.
Lorsque  ces  changements  sont  susceptibles  d’impacter  négativement  l’activité  
économique   d’acteurs   fortement dépendants,   l’entreprise   doit   accompagner  
cette  information  d’outils  d’évaluation  d’impact.
Appliquer un principe de non-discrimination dans le
référencement, sauf en cas de considérations légitimes, vérifiables
par   des   tiers   et   conformes   à   l’intérêt   des   internautes
(personnalisation, pertinence, qualité, etc.). Une attention particulière doit
être accordée aux plateformes qui diversifient leurs activités en proposant des
services concurrents de ceux de leurs clients sur une autre face de leur
marché.
30 En savoir plus : www.videolan.org - voir aussi le Pitch contributif de Jean-Baptiste Kempf :
http://www.dailymotion.com/video/x2f4fbh_pitch-7-jean-baptiste-kempf-a-la-journee-
contributive-2-le-9-janvier-a-strasbourg_tech
31 http://www.placedeslibraires.fr/
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique68
Ouvrir et maintenir des passerelles entre grands écosystèmes
concurrents
Imposer  l’abaissement  des  barrières  techniques  et  contractuelles  à  
l’interopérabilité,   lorsque   cela   n’entraîne   pas   de   contraintes   ou   de   coûts  
supplémentaires prohibitifs, pour permettre   l’émergence   de   services  
multiplateformes.
Mobiliser le levier de la commande publique pour mettre en avant
des  exigences  d’interopérabilité,  de  standards  ouverts  et  d’accès  au  
code source :
-­‐ Donner priorité aux solutions libres et open source :
Mettre en avant, dans les cahiers des charges les fonctionnalités et
avantages propres aux solutions libres et open source32, telles que
l’accès  au  code  source,  l’auditabilité  du  code  (notamment  la  
possibilité de réduire les failles de sécurité), la liberté d’étudier  le  
fonctionnement du programme, la libre exécution du logiciel pour
tous  les  usages,  la  possibilité  de  l’adapter  et  de  l’enrichir,  
l’interopérabilité,  l’évolutivité  ou  les  capacités  de  mutualisation  
du code. Pour aller plus loin, envisager à moyen terme  l’ajout  -
dans les droits français et européen des marchés publics - d’un  
critère  d’ouverture  aux  côtés du critère du caractère innovant déjà
existant33.  Prolonger  la  dynamique  actuelle  d’accompagnement34
par  le  développement  de  communautés  d’échange  et de co-
construction de logiciels au sein et autour des administrations.;
Permettre aux utilisateurs de dissocier les   systèmes   d’exploitation   et   les  
applications  natives  du  terminal  et  d’installer  des  solutions  alternatives,  pour  
tout  terminal  d’usage  grand  public  (mobile,  tablettes…).
Renforcer   le   droit   pour   les   développeurs   d’effectuer   la  
rétroingénierie   d’un   logiciel   existant afin de pouvoir créer un logiciel
capable   de   s’interopérer,   et   prévenir   plus   efficacement   les   abus   de   position  
dominante liés au  secret  des  formats  de  données  et  des  protocoles  d’échange  
d’informations.
32 Voir  notamment  la  circulaire  sur  l’usage  du  logiciel  libre  dans  l’administration  de  Septembre
2012: http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2012/09/cir_35837.pdf
33 Voir  notamment  :  l’article  53  du  Code  des  marchés  publics
34 Voir  par  exemple  le  guide  de  l’achat public innovant, de la Direction des affaires Juridiques
(DAJ): http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2012/09/cir_35837.pdf, le Guide de rédaction
de clauses de propriété intellectuelle pour les marchés de développement et de maintenance de
logiciels  libres  de  l’Agence  du  patrimoine  immatériel  de  l’Etat  (APIE)  :
http://www.economie.gouv.fr/logiciels-libres-conseils-a-redaction-clauses-propriete-
intellectuelle-pour-marches et les propositions de Jacques Marzin, directeur de la Direction
interministérielle  des  système  d’information  et  de  communication  (DISIC) : http://www.cio-
online.com/actualites/lire-logiciels-libres-vers-une-strategie-publique-renforcee-7605.html
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 69
LA RETROINGENIERIE AU SERVICE
DE L’INTEROPERABILITE
Le droit à l’interopérabilité est reconnu au niveau européen depuis plus de vingt
ans. Il découle des articles 5 et 6 de la directive relative à la protection
juridique des programmes d’ordinateurs35
, qui reconnaissent à tout
développeur de logiciel le droit d’effectuer la rétroingénierie d’un logiciel
existant afin de pouvoir créer un logiciel capable d’interopérer avec ce dernier.
>> Une reconnaissance plus affirmée de l’interopérabilité au niveau européen
permettrait d’empêcher les abus de position dominante liés au secret des
formats de données et des protocoles d’échange d’informations.
Concrétiser le système des licences FRANDS (fair, reasonable and
non discriminatory) pour les brevets détenus sur des normes
essentielles fixées notamment dans le cadre des travaux des instances de
normalisation.  Lorsqu’un  acteur  dominant  détient  un  brevet  sur  une  norme  
essentielle pour entrer  sur  un  marché  et  qu’un  concurrent  a  commencé  à  s’en  
servir,  prévoir  l’obligation  pour  son  détenteur  de  proposer  une  licence,  avant  
d’engager  une  action  en  cessation  contre  lui  36.
LES NORMES ESSENTIELLES
ET LES LICENCES “FRAND”
L'Avocat général Melchior Wathelet, a proposé à la Cour de justice de l’Union
européenne de prévoir que lorsque le titulaire d’un brevet essentiel à une
norme (BEN) s’est engagé envers un organisme de normalisation à octroyer
aux tiers une licence à des conditions équitables, raisonnables et non
discriminatoires (FRAND), son action en cessation à l’encontre d’un
contrefacteur pourtant désireux de conclure une telle licence, soit constitutive
d’un abus de position dominante. Dans le cas d’espèce, l’entreprise Huawei est
détentrice d’un brevet européen considéré comme « essentiel » pour l’emploi
de la norme LTE (Long term evolution), elle-même indispensable pour les
communications 4G.
>> Demander au détenteur de brevets sur des normes essentielles de proposer
une licence avant d’entamer une procédure permettrait de concrétiser l’intérêt
du système des licences FRAND. En effet, pour les nouveaux entrants, ces
coûteuses procédures - même lorsqu’elles ont vocation à leur donner raison -
peuvent s’avérer plus dissuasives que pour des acteurs bien établis.
Lorsqu’une   entreprise   souhaite   placer   ses   données   en   régime   ouvert,  
favoriser le recours aux licences ouvertes existantes, déjà largement
35 En savoir plus : Directive 91/250 CE du 14 mai 1991
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31991L0250:FR:HTML
36 En savoir plus : http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2014-
11/cp140155fr.pdf
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique70
mobilisées par les acteurs publics (ex : licences ODBL, licences ouvertes,…). À
cette fin, confier à la Direction Générale des Entreprises (DGE) une mission
de   promotion   et   d’accompagnement   pour   leur   utilisation,   pour   faciliter   la  
mise en cohérence des licences.
Mettre en place des principes adaptés à l’économie numérique
qui s’inspirent du droit des pratiques restrictives de concurrence
Il est normal que des acteurs endossent une forme de responsabilité à
l’égard   des   écosystèmes   qui   ont   participé   à   leur   succès   tout   en   suscitant  
une forme de dépendance pour les tiers (ex : les développeurs pour une
boutique  d’applications  mobiles).  Le  régulateur  pourrait  considérer  qu’il  est  nécessaire  
de   réguler   spécifiquement   les   plateformes.   Dans   l’hypothèse   contraire   (s’il   juge   les  
positions  dominantes  non  durables,  ou  s’il  craint  un  remède pire que le mal, etc..), il
devra   du   moins   surmonter   les   difficultés   d’application   des   concepts   des   règles   de  
concurrence  aux  plateformes,  distinguer  les  rentes  qui  récompensent  l’innovation  de  
celles qui sont déconnectées des mérites et intervenir dans des rythmes qui
correspondent aux réalités numériques.
Dans   la   mesure   où   il   est   difficile   d’utiliser   le   droit   de   la   concurrence   tel   quel,   ou  
d’adapter   directement   le   droit   français   des   pratiques   restrictives   de   concurrence,   le  
CNNum recommande de faire preuve de créativité juridique pour appréhender les
clauses   et   pratiques   déloyales   entre   les   professionnels,   puisqu’il   a   vocation   à  
s’appliquer  à  toute  activité  de  service.  En  particulier :
S’inspirer  de  la  notion  de  déséquilibre  significatif,  déjà prévue par le
Code  de  commerce,  pour  adresser  l’absence  de  réciprocité  ou  la  disproportion  
entre les obligations des parties.
Assurer des voies de recours effectives en  utilisant  la  capacité  d’ester  en  
justice  du  ministre  de  l’économie.  Introduire  en  complément  une capacité de
représentation - non obligatoire - par  une  entité  représentative,  à  l’instar  de  
l’habilitation   de   certaines   associations   pour   représenter   les   consommateurs  
en justice.
L’élaboration   des   moyens   d’action   adaptés   à   l’économie   numérique   appellera un
processus  nécessairement  long,  fruit  d’allers  retours  entre  différents  outils  juridiques  
(loi,  contentieux,  contrat),  à  l’image  de  ce  que  l’on  observe  dans  le  secteur  de  la  grande  
distribution depuis plusieurs décennies.
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 71
10. Adapter le design institutionnel
La concertation menée par le Conseil a globalement fait ressortir un
besoin de créativité institutionnelle, pour être en mesure de faire face à la
transversalité des nouveaux défis posés par le numérique.
Le design institutionnel et le travail des autorités doivent être repensés dans une
démarche décloisonnante. Il  s’agit  de  doter  les  autorités,  quel  que  soit  leur  rôle  
(recommandations, régulation, réglementation…), de plus grandes capacités de
réactivité   et   d’anticipation, dans   un   contexte   où   les   cycles   d’innovation sont de
plus en plus courts et les enjeux sociétaux, toujours plus complexes.
Le Conseil recommande à cette fin de :
Renforcer l’inter-régulation et la coopération entre autorités
Rendre obligatoire la consultation de la CNIL lorsque la mesure
envisagée emporte un risque en matière de données personnelles.
Il   s’agit   d’avoir   un   réflexe   d’évaluation   des   risques   en   matière   de   données  
personnelles  sur  l’ensemble  des  terrains  de  régulation.  Bien  que  prévu  dans  la  
loi informatique   et   libertés,   cela   n’est   qu’une   faculté   dans   la   mesure   où   “la
CNIL  peut  prêter  son  concours  sur  demande  des  autres  administrations”.
Élargir cette obligation de consultation à toutes les autorités administratives
indépendantes ou judiciaires lorsque leurs compétences sont concernées.
En matière de concurrence, intégrer les risques en matière de données au
contrôle des concentrations. Cela se pratique aux États-Unis   sous   l’égide  
d’une  autorité  unique  (FTC).  En  Europe,  une  articulation  entre  les autorités
compétentes doit être pensée.
Renforcer la coopération des offices nationaux des brevets et des
autorités de concurrence pour mieux prévenir les préemptions de
technologies essentielles, le patent trolling et anticiper le paysage global des
stratégies.
Deux dispositifs pour rendre les principes de loyauté
et d’autodétermination effectifs
Les  notions  de  loyauté  et  d’autodétermination  informationnelle  resteront  lettre  morte  
si  leur  mise  en  place  ne  s’accompagne  pas  de  moyens  de  contrôle  de  leur   effectivité.
L’observation  et  l’évaluation  de  la  loyauté  des  pratiques  des  plateformes  sur  la  couche  
des services et des terminaux doivent compléter la transparence nécessaire des
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique72
pratiques   des   fournisseurs   d’accès   Internet   en   matière   de   gestion   du   trafic   et de
différenciation.
Ce contrôle doit en premier lieu - et  il  l’est  déjà  dans  une  certaine  mesure   - être
porté par les autorités de régulation dans leur diversité, notamment : la CNIL,
l’ARCEP,  le  CSA,  l’Autorité  de  la  concurrence,  la  DGCCRF,  la  Commission des clauses
abusives,   la   Commission   d’examen   des   pratiques   commerciales,   le   Défenseur   des  
droits, etc.
Cependant,   comme   le   Conseil   national   du   numérique   a   pu   l’observer   dans   son  
précédent rapport37, ces institutions peinent à encadrer des pratiques protéiformes et
mouvantes, dans un contexte qui fait la part belle au droit des contrats sur toile de
fond  d’une  asymétrie  forte  de  pouvoir  entre  les  utilisateurs  de  services numériques et
les plateformes. De plus, la multiplication attendue dans les années à venir de services
mobilisant des algorithmes de personnalisation et de classement et des masses de
données  en  circulation  risque  mécaniquement  de  limiter  la  capacité  d’intervention  de  
ces autorités.
Aussi il est proposé de venir appuyer ces organismes par deux dispositifs
complémentaires :  un  dispositif  de  notation  contributive  et  récurrente  d’une  part ; un
dispositif  d’expertise  exceptionnelle  d’autre  part.
Une agence européenne de notation de la loyauté,
appuyée sur un réseau ouvert de contributeurs
Dans un univers économique où la réputation des acteurs en termes de qualité de
service mais aussi en termes de comportement joue un rôle structurant, une agence de
notation à forte visibilité peut constituer une incitation forte pour les plateformes à se
conformer à des pratiques respectueuses de leurs utilisateurs, individuels comme
professionnels.
Cette agence de coordination aura pour double mission :
a/   rendre   accessible   via   un   point   d’entrée   unique   toute   une   série  
d’informations  déjà  rassemblées  par  les  observateurs et outils existants :
les  remontées  d’informations :
-­‐ des associations de consommateurs ;
-­‐ des  acteurs  de  l’internet  citoyen ;
-­‐ remontées des consommateurs et utilisateurs eux-mêmes via des
forums, messages adressés aux entreprises via les réseaux sociaux
etc. ;
37 www.cnnumerique.fr/plateformes
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 73
-­‐ des communautés de technophiles ;
-­‐ des entreprises victimes de pratiques discriminatoires ou
abusives.
les outils :
-­‐ de tracking de  la  circulation  des  données  d’un  service  à  l’autre ;
-­‐ de comparaison des CGU, et de leur lisibilité ;
-­‐ etc.
“TERMS OF SERVICE ;
DIDN’T READ”
(ToS;DR) est un plug-in pour navigateur web qui simplifie des différents
contrats d’utilisation des grands services web, et leur attribue une classe
couleur, de bon à très mauvais38
.
DARK PATTERNS
“Dark patterns”39
est un site qui vise à faire remonter les pratiques déceptives
liées au design et aux process intégrés dans les interfaces utilisateur :
contraindre à révéler plus d’informations, pré-cocher des options, éparpiller ou
rendre l’information difficile d’accès, employer des formulations vagues…etc.
DO NOT TRACK
Do Not Track40
est une expérience conduite sous la forme d’une série
documentaire consacrée à la vie privée et à l'économie du Web. Elle explore les
différentes manières dont le Web moderne enregistre et traque nos activités,
publications, etc. L’expérience demande aux spectateurs de participer avec
leurs propres données (goûts, avis, habitudes, etc.), afin de personnaliser les
“épisodes” en utilisant les méthodes et outils des trackers sur les personnes
qui les visionnent. L’objectif est de permettre une meilleure compréhension des
implications du tracking, comme la “valeur cachée derrière un clic” ou, “ce qu’il
se passe sans que vous vous en rendiez compte et sans votre consentement”.
38 En savoir plus : https://tosdr.org/ - voir  aussi  le  pitch  contributif  d’Hugo  Roy  à  l’occasion  des  
journées contributives de la concertation :
http://www.dailymotion.com/video/x2f4ed1_pitch-5-hugo-roy-a-la-journee-contributive-2-le-
9-janvier-a-strasbourg_tech
39 En savoir plus : http://darkpatterns.org/
40 En savoir plus : http://donottrack-doc.com/fr L’expérimentation  est  conduite  par  un  grou-
pement de journalistes, développeurs, graphistes, sociétés de production et médias. Parmi les
épisodes : téléphones portables, réseaux sociaux, publicité personnalisée, Big data.
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique74
b/ ouvrir un espace de signalement de pratiques contraires à la loyauté et
à l’autodétermination  des  individus.
Aujourd’hui  les  utilisateurs  constituent  de  formidables  observateurs  des  pratiques  des  
acteurs  économiques.  Ils  sont  d’ores  et  déjà  habitués  à  manipuler  certains  dispositifs  
de   notation   et   avis   en   ligne.   Lorsqu’ils   observent des pratiques déloyales, les
utilisateurs  doivent  pouvoir  disposer  d’un  canal  pour  exercer  une  “voix  de  retour”  et  
partager  ces  remontées  avec  les  autorités  compétentes.  Il  ne  faut  pas  se  priver  d’une  
source   d’information   essentielle,   au   plus   près   des   difficultés et bonnes pratiques
rencontrées.
PREMIERS CRITERES POSSIBLES DE LA LOYAUTE
Dans les relations de la plateforme avec ses utilisateurs particuliers :
-­‐ portabilité, interopérabilité, restrictions techniques,
-­‐ transparence des pratiques sur les données collectées,
-­‐ clarté et équilibre des CGU, choix contraints, etc.
-­‐ politiques éditoriales
Dans les relations de la plateforme avec ses utilisateurs
professionnels : ouverture des App markets, interopérabilité
(terminaux, OS, services massivement utilisés…), conditions d’accès
aux APIs, information transparente lors de changement d’algorithme
impactant fortement l’utilisateur professionnel.
Il sera également possible d’y associer les publications relatives aux
comportements de ces acteurs en tant que contribuables (paradis
fiscaux ou non, territorialité de l’impôt par rapport au chiffre d’affaires
réalisé…).
Sur   la   base   de   ces   remontées   indirectes   et   directes,   l’agence   de   notation  
disposerait de deux leviers  d’action :
1. La réputation, avec   la   publication   d’avis   à   échéance   régulière   pouvant  
déboucher   sur   des   “labels”   ou   notation   du   comportement.   Pour   les  
plateformes loyales, cela pourrait être un facteur de différenciation et un
avantage compétitif.
2. La prise en compte de la notation par les investisseurs, privés et
publics, et la mise à disposition de leurs résultats pour alimenter les
décisions stratégiques des entrepreneurs.
La France pourrait impulser le mouvement en mettant en place cette agence dans un
cadre français. Celle-ci aura nécessairement vocation à devenir européenne
à moyen terme.
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 75
Un  corps  d’experts  en  algorithmes  (ou  algorithmistes)  mobilisable  
sur  demande  exclusive  d’une  autorité  de  régulation
Le chercheur Viktor Mayer-Schönberger et le journaliste Kenneth Cukier41 suggèrent
de demander aux entreprises de procéder à une évaluation officielle des impacts de la
réutilisation des données personnelles sur les personnes concernées et de faire
certifier les algorithmes destinés à certaines utilisations sensibles. Un travail de
certification  qui  serait  confié  à  une  nouvelle  sorte  d’expert,  les  algorithmistes.
Le  Conseil  national  du  numérique  ne  juge  pas  souhaitable  d’imposer  aux  entreprises,  
même de grande taille, une forme de certification de leurs algorithmes a priori. En
revanche,  il  semble   plus  qu’utile  de  créer  une  nouvelle  profession,  dotée  d’un  statut  
légal et de compétences à la fois de data scientist et  de  juriste.  Ce  corps  d’experts  serait  
susceptible   d’intervenir   en   cas   de   suspicion   forte   de   non-respect de la loyauté, à la
demande  exclusive  d’une  autorité  de  régulation  ou  dans  un  cadre  judiciaire,  pour  aller  
examiner  le  fonctionnement  de  l’algorithme  en  question.
Sans  attendre  la  création  d’un  statut,  deux  initiatives  peuvent  être  mises  
en place :
la  création  d’un  cursus  de  formation  à  la  croisée  entre  droit  et  data  science ;
l’expérimentation,  avec  l’aide  d’instituts  de  recherche,  de  ce  que  pourrait  être  
techniquement  le  contrôle  d’un  algorithme,  afin  d’en  mesurer  la  portée  et  les  
limites.
Pour   autant,   rien   n’interdit   aux   entreprises   qui   le   souhaitent   de   se  
responsabiliser sur la gouvernance des algorithmes : les grandes entreprises
sont  invitées  à  étendre  le  champ  de  compétence  de  leur  “administrateur général des
données”  ou  équivalent,  afin de veiller plus particulièrement aux impacts éthiques des
algorithmes  mobilisés  dans  leurs  services.  Il  s’agirait  ainsi  de  prendre  en  compte  les  
principes   d’autodétermination   informationnelle   et   de   loyauté   dès   la   conception   des  
services, dans la continuité du principe de privacy by design. Ce dernier pourrait
ajouter à ses responsabilités   la   présentation   d’un rapport annuel au Conseil
d’administration  sur  le  fonctionnement  des  algorithmes.  
Mobiliser la rétro-ingénierie :
L’évaluation  de  la  loyauté  doit  s’appuyer  sur  des  moyens  techniques.  La  rétro-
ingénierie   peut   être   utilisée   systématiquement   pour   mettre   à   l’épreuve   le  
fonctionnement des plateformes, et contrôler les algorithmes. L'observation
de leurs résultats doit permettre notamment de détecter des discriminations
41 BIG DATA: A Revolution That Will Transform How We Live, Work, and Think, iktor Mayer-
Schönberger, Kenneth Cukier, 2013
LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique76
illicites ou un non-respect de la promesse affichée du service plateforme à
l’égard  de  ses  utilisateurs  individuels  ou  professionnels.
Cette mission peut être portée au plan technique, soit par un réseau de
laboratoires de recherche soit par les futurs experts en algorithmes (cf.
supra).
Les   résultats   de   ces   travaux   pourront   nourrir   les   rapports   de   l’agence   de  
notation (cf. supra) et les autorités de régulation dans leur diversité.
Renforcer les moyens d’action de la CNIL
Sur ces aspects, le Conseil  national  du  numérique  rejoint  la  position  du  Conseil  d’État
dans son rapport sur le numérique et les droits fondamentaux :
Codifier dans la loi la jurisprudence relative à la nullité des transactions
portant sur des fichiers non-déclarés ou non autorisés à la CNIL, et inciter les
acteurs procédant de manière récurrente aux transactions sur des fichiers de
données à en tenir un registre.
Mettre en œuvre le droit d'alerte pour les salariés des organismes publics et
privés traitant des données personnelles, par des processus d'information et
de déclaration placés sous la responsabilité de la CNIL.
Introduire  la  possibilité,  lorsque  l’urgence  et  la  gravité  particulière  des  faits  le  
justifient,   d’ordonner   la   suspension   du   traitement   le   temps   de   la   mise   en
demeure.
Mettre en open data les déclarations et autorisations de
traitements des données de la CNIL. La publication de ces documents
permettrait   d’obtenir   une   vision   complète,   sinon   de   l’ensemble   des  
traitements de données mis en œuvre en France, du moins de ceux dont la
CNIL  a  connaissance.  “Il  serait  par  exemple  possible  d’identifier  les  secteurs  
d’activité   les   plus   consommateurs   de   données,   ou   de   détecter   des   zones  
blanches où le nombre de déclarations apparaît peu important, ce qui peut
suggérer  l’existence  d’une  sous-déclaration”,  remarque  le  Conseil  d’État.
RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 77
Réaffirmer
l’État de droit
Les deux recommandations suivantes (11 et 12) concernent la question de la lutte
contre les propos illicites sur Internet. La première concerne exclusivement la
question   du   blocage   d’accès   à   un   site,   tandis   que   la   seconde   vise   à   proposer   des  
dispositifs   de   régulation   des   contenus,   en   particulier   à   l’intérieur   des   plateformes  
communautaires (réseaux sociaux et autres). Pour ces dernières, une autre distinction
doit être opérée entre les contenus illicites, au sens de contraires à la loi, et les
contenus  non  conformes  aux  conditions  générales  d’utilisation  (CGU).
Les recommandations 13 à 17 concernent principalement les questions de surveillance.
Les rares contributions portant spécifiquement sur la cybercriminalité ont insisté sur
la  nécessité  de  renforcer  la  coopération  internationale  et  de  s’appuyer  sur  le  réseau  et  
les mécanismes issus de la Convention de Budapest afin de rendre cette dernière plus
effective. La faible mobilisation des acteurs du secteur dans le cadre de la concertation
a conduit le CNNum à se concentrer sur les questions de surveillance pour lesquelles
les contributions étaient plus nourries.
11. Contenus illégaux : conforter la place du juge en matière
de blocage de sites
Par une loi42 de 2011, la France a adopté un système inédit de blocage des sites web
concernant les sites pédopornographiques :   la   possibilité   pour   l’administration de
bloquer  l’accès  à  un  site,  sur  le  territoire  français,  sans  passer  par  l’intermédiaire  d’un  
juge.
Trois ans plus tard, le 13 novembre 2014, la loi renforçant les dispositions relatives à la
lutte contre le terrorisme a étendu cette possibilité  de  blocage  aux  sites  “provoquant
aux  actes  de  terrorisme  ou  en  faisant  l’apologie”.  Depuis le 6 février 2015, date
de  parution  des  décrets  d’application  relatifs  à  ces  dispositions,  le  blocage  
administratif est effectif en France. Pour rappel, le mode de blocage choisi est un
blocage par DNS (nom de domaine), ce qui signifie que le  blocage  s’applique  à  des  
42 Loi  d’orientation  et  de  programmation  pour  la  performance  de  la  sécurité  intérieure  (LOPPSI  
2) du 14 mars 2011.
RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique78
sites entiers. Il est donc en pratique inapplicable aux plateformes (réseaux sociaux,
etc.) sauf à les bloquer toutes entières. La problématique spécifique du retrait des
contenus illicites sur les plateformes est traitée dans la recommandation suivante
(n°12).
Saisi de ces dispositions particulières de blocage de sites en matière terroriste, le
CNNum a rendu son avis le 15 juillet 201443. Le Conseil a considéré que le dispositif de
blocage était techniquement inefficace car facilement contournable,   qu’il  
était inadapté aux enjeux de la lutte contre le recrutement terroriste,  qu’il  
n’offrait   pas de garanties suffisantes en matière de libertés et que des
alternatives plus efficaces et protectrices pouvaient être mises en œuvre.
Dans la lignée de ses travaux, le CNNum recommande de :
Ne recourir à la solution du blocage qu’en dernier recours, et donc :
Privilégier la coopération avec les hébergeurs et les acteurs du web
pour  un  retrait  des  contenus  illicites  à  la  source  et  l’identification  
des auteurs : plutôt  que  de  chercher  à  bloquer  l’accès  à  un  contenu  par  des  
techniques aisément contournables et potentiellement attentatoires aux
libertés, les autorités devraient rechercher le retrait de ces contenus à la
source,  par  l’hébergeur  - seule solution viable.
Renforcer la coopération internationale, et notamment les canaux
diplomatiques :
-­‐ Réformer le MLAT (Mutual Legal Assistance Treaty) entre la
France et les États-Unis,  qui  permet  à  l’autorité  judiciaire  
française  d’accéder  à  des  informations  stockées  dans  des  
plateformes hébergées aux États-Unis, visant à une plus grande
rapidité  dans  l’échange  des  données.
-­‐ Entreprendre une action diplomatique forte pour faire signer et
ratifier par les États hébergeant des sites diffusant des discours de
haine le protocole additionnel n°189 à la Convention
cybercriminalité  du  Conseil  de  l’Europe  spécifiquement  dédié  au  
racisme  et  à  l’antisémitisme.
Soutenir les contre-discours   en   s’appuyant   sur   la   force   de  
propagation  d’Internet
43 http://www.cnnumerique.fr/terrorisme
RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 79
S’INSPIRER DE :
ABDULLAH-X
Abdullah-X est un jeune réalisateur qui produit des films d’animation pour
lutter contre le recrutement de jeunes Britanniques par des extrémistes
religieux. Sa chaîne YouTube44
s’inscrit ainsi dans une démarche de contre-
discours visant à construire des communautés actives pour faire contrepoids à
l'extrémisme sur le web.
Généraliser   les   actions   et   les   outils   d’accompagnement,  
d’éducation, de civisme et de littératie : la responsabilisation des
internautes  par  l’information  et  l’éducation  doit  être  un  préalable  à  tout  autre  
dispositif  d’encadrement.  
Ne pas déroger au principe du recours à une autorité judiciaire
au préalable de mesures de blocage de sites
Préserver le rôle du juge dans les dispositifs de blocage et
réaffirmer son rôle de garant des libertés.
Renforcer et sécuriser les moyens de la personnalité qualifiée
désignée par la CNIL pour le contrôle des demandes de retrait dans
les situations dans lesquelles la loi a déjà instauré un système de contrôle par
le juge a posteriori (en matière de pédopornographie et de terrorisme).
FOCUS SUR : UN CONTROLE DU BLOCAGE
ADMINISTRATIF PAR UNE PERSONNALITE
DESIGNEE PAR LA CNIL
Dans les cas dérogatoires existants (propagande terroriste et contenus à
caractère pédopornographique), la loi prévoit que les demandes de blocage de
l’administration sont transmises à une personnalité qualifiée désignée par la
CNIL, laquelle doit s’assurer de la régularité de ces demandes ainsi que des
conditions d’établissement, de mise à jour, de communication et d’utilisation
de la liste des sites à bloquer.
Consultée pour avis sur le projet de décret relatif au blocage administratif des
sites, la CNIL a tenu à appeler l’attention du Gouvernement sur l’importance de
doter la personnalité qualifiée, garante de la proportionnalité du dispositif, de
moyens spécifiques afin de lui permettre de remplir effectivement les
missions qui lui sont confiées par la loi. L’autorité demandait notamment à
l’exécutif de préciser “les moyens humains, techniques et financiers” de cette
personnalité qualifiée.
44 https://www.youtube.com/user/abdullahx
RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique80
Garantir la transparence des décisions de blocage : mettre à
disposition du public le nombre de blocages ordonnés ainsi que leurs motifs
sur une plateforme éditée par PHAROS45.
Introduire une clause de rendez-vous dans les projets de loi
instituant des mesures de blocage : prévoir une réévaluation régulière
de  l’efficacité  de  la  mesure,  a fortiori lorsqu’il  s’agit  de  dispositifs  d’exception,  
comme  c’est  le  cas  du  blocage  administratif.
Adapter l’appareil répressif au service d’une réponse judiciaire efficace
dans l’environnement numérique
Le Conseil est conscient que la réaffirmation du rôle du juge ne peut se faire sans un
renforcement  en  profondeur  de  ses  moyens  d’action  visant  à  obtenir  des  décisions  en  
temps court, adaptées aux réalités auxquelles elle doit faire face. Dès lors, il
recommande de :
Spécialiser la chaîne pénale en matière de blocage DNS judiciaire
des sites et de retraits de contenus pour une action plus rapide et
efficace :
-­‐ Créer un parquet spécialisé, sur les questions de contenus illicites
en ligne, notamment par la mise en place de magistrats référents
au  sein  des  parquets  et  réseaux  d’experts.  La  France  s’est  dotée fin
2013 de moyens renforcés en matière de délinquance financière
(création  d’un  parquet  financier  dédié).  Une  démarche  similaire  
serait plus que souhaitable en matière de lutte contre les contenus
illicites sur Internet.
-­‐ Créer un « pôle de compétences numériques » au sein du
ministère de la Justice  dédié  à  la  mise  en  œuvre  d’une  politique  
pénale en la matière et au suivi des travaux européens et
internationaux relatifs à la criminalité en ligne. Ce service
45 Plateforme d'Harmonisation, d'Analyse, de Recoupement et d'Orientation des Signalements.
RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 81
pourrait  aussi  avoir  un  rôle  d’expertise  et  de  conseil  auprès  des  
magistrats en poste en juridiction.
-­‐ Créer une filière de formation ad hoc des juges au numérique :
créer des modules spécifiques dans les formations initiale et
continue.
Réinvestir et capitaliser sur les procédures existantes, trop souvent
écartées :  en  particulier  les  procédures  d’urgence  et  le  référé  LCEN.
12. Redéfinir les équilibres et le rôle des plateformes dans le retrait
des contenus illicites
Il convient de distinguer deux  types  de  contenus  qu’une  plateforme  peut  être  
amenée à retirer :
-­‐ des contenus illégaux,  c’est-à-dire  contraires  à  la  loi  (l’incitation  
à  la  commission  d’actes  terroristes,  par  exemple) ;
-­‐ des contenus qui, sans être illégaux, sont non conformes aux
CGU propres à la plateforme.
Cette partie couvre les deux cas de figure. La responsabilité des hébergeurs en matière
de contenus illégaux est déjà largement encadrée par la LCEN (cf. encadré). Les
propositions du CNNum visent à préserver ce régime équilibré, pour prévenir un
alourdissement de la responsabilité des hébergeurs, tout en facilitant et accélérant le
retrait des contenus illicites.
UN REGIME DE RESPONSABILITE
A DEUX NIVEAUX SUR INTERNET
La loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) de 2004 organise la
responsabilité des acteurs sur Internet en distinguant les éditeurs (blogs, etc.),
responsables du contenu présent sur leur site, des hébergeurs (réseaux
sociaux, fournisseurs d’hébergement, etc.). Du fait qu’ils ne sont pas à l’origine
du contenu présent dans leurs serveurs, ces derniers jouissent d’une
responsabilité limitée : ils ne peuvent être tenus responsables du contenu
illicite présent sur leurs sites que :
s’ils n’ont pas supprimé “promptement” ;
un contenu “manifestement illicite” ;
qui a été porté à leur connaissance (notification).
RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique82
Renforcer les dispositifs de signalement sur les plateformes
L’inefficacité  des  dispositifs  de  signalement  mis  en  place  participe   de la propagation
des contenus illicites (illégaux ou non conformes aux CGU) sur les plateformes. Ces
outils restent globalement trop peu mobilisés par les utilisateurs  car  difficiles  d’usage
(complexes,  parfois  chronophages,  interfaces  peu  intuitives…).  De plus, les décisions
de modérer ou non un contenu sont prises au cas par cas par les plateformes, qui
semblent allouer à ce travail des ressources limitées. Enfin, les plateformes peinent
encore  à  s’adapter  au  droit  et  à  la  culture  locale  quand  elles  décident de modérer un
contenu.
Le Conseil recommande à cette fin de :
Standardiser   l’ergonomie   des   outils   de   signalement   et   de  
notification sur les plateformes. Il  s’agit  de  rendre  le  signalement  plus  
accessible, sur toutes les pages et si possible en un clic dans une logique plug-
in.
Rendre les critères de traitement des signalements plus
transparents : proposer des critères en termes clairs, accessibles à tous et
non-discriminatoires.   Les   critères   retenus,   en   particulier   lorsqu’ils   réfèrent  
aux CGU, doivent être clairement énoncés, accessibles à tous, sans marge de
décision arbitraires et non-discriminatoires.
Renforcer et généraliser les dispositifs de fast track accordés aux
associations. Certaines associations de lutte contre les discriminations
disposent   d’un   accès   privilégié   aux   outils   de   signalement.   Il   s’agit   de  
généraliser ces procédures.
Obtenir des obligations de traitement dans des délais donnés pour les
signalements opérés par les internautes auprès des plateformes ;
Donner plus de visibilité à la plateforme PHAROS auprès des particuliers,
notamment dans les interfaces des plateformes.
Introduire le principe du contradictoire dans le retrait
des contenus illégaux ou non conformes aux CGU
Le principe du contradictoire est un principe de droit existant dans toute procédure,
qui signifie que chacune des parties à un litige est en mesure de discuter et contester
l’énoncé  des  faits  et  des  arguments  que  lui  oppose  son  adversaire.  
Le   Conseil   se   prononce   en   faveur   d’une   introduction   de   ce   principe en
matière   de   retrait   des   contenus   dès   lors   que   cette   mesure   s’apparente   à  
une sanction (à  tout  du  moins  une  limitation  de  la  liberté  d’expression).  Ce  droit  à  
RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 83
l’encadrement   du   retrait   des   contenus   découle   de   l’obligation   de   loyauté.   Il   s’agirait  
de :
Conférer  à  l’auteur  du  contenu  signalé  la  possibilité  de  faire  valoir  
ses observations quant à la licéité du contenu litigieux ou sa
conformité avec les CGU de la plateforme, dans un délai
raisonnable.
Informer   systématiquement   l’auteur   d’un   contenu   litigieux du
signalement  dont  son  contenu  a  fait  l’objet.
S’agissant des contenus contraires à la loi, redéfinir les équilibres
Un contenu peut être illégal ou simplement contraire aux conditions générales
d’utilisation   (sans   être   contraire   à   la   loi).   Concernant le   premier   cas,   l’objectif   est  
d’aboutir   à   un   système   dans   lequel   la   plateforme   n’est   plus   l’unique   juge   du  
“manifestement illicite”  et  qui  permet  un  retrait  rapide  des  contenus.  La procédure
pourrait ainsi être repensée en ce sens :
1. Double signalement : lorsqu’un  individu  signale  un  contenu  contraire  à  la  
loi,   son   signalement   est   transmis   sans   délai   à   la   plateforme   ainsi   qu’à  
PHAROS saisi en parallèle. La plateforme effectue un pré-tri pour déterminer
si cela relève de la loi ou de ses CGU.
2. Contradictoire : dans   le   même   temps,   l’auteur   du   contenu   litigieux   est  
informé  du  signalement  et  du  fait  qu’il  peut  présenter  ses  observations  dans  
un délai raisonnable. Ces observations sont transmises à la plateforme ainsi
qu’à  PHAROS.
3. Retrait temporaire du contenu manifestement illicite : dès réception
du signalement, la plateforme examine le contenu. Si celui-ci est
manifestement illicite, elle le retire temporairement en attendant la
confirmation formelle de PHAROS en charge du traitement approfondi du
signalement.
4. Confirmation de PHAROS : Le cas échéant, après avoir pris connaissance
des   éventuelles   observations   de   l’auteur   du   contenu   litigieux,   PHAROS  
confirme ou non le caractère manifestement illicite du contenu et se réserve
l’opportunité  de  transmettre  le  dossier au parquet. À défaut de confirmation,
le contenu est réintégré sur la plateforme.
5. Une plateforme recensant les retraits de contenus en format libre
et ouvert : PHAROS devra mettre une plateforme à disposition permettant
d’assurer  un  suivi  réel  de  l’effectivité des mesures de blocage en incluant des
métadonnées. Cela a pour but de permettre aux citoyens, décideurs,
RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique84
chercheurs et journalistes de disposer d'informations fiables et transparentes
sur l'étendue et la nature des retraits effectués suite à des signalements par des
tiers ou par l'autorité administrative.
CHILLING EFFECTS
Le site Chilling Effects46
répertorie les demandes de déréférencement
adressées aux moteurs de recherche, principalement pour des questions de
droit d’auteurs ou de droit à l’oubli. Ce site, créé en 2001 se donne pour
ambition de “prendre la température du climat légal sur le web” en hébergeant
les notifications de déréférencement. Le site est une collaboration entre des
associations et plusieurs départements de droits des différentes grandes
universités américaines.
Dispositif proposé en matière de lutte
contre les contenus illicites dans nos recommandations
46 En savoir plus : http://www.chillingeffects.org/
RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 85
S’agissant des contenus contraires aux CGU, redéfinir les équilibres
Lorsque  le  contenu  litigieux  s’oppose  aux  CGUs, sans être illégal :
1. L’auteur  du  signalement  (lorsqu’il  ne  s’agit  pas  de  la  plateforme   elle-même)
doit être préalablement identifié afin de prévenir des signalements abusifs
2. Information et contradictoire : l’auteur  du  contenu  litigieux  est  informé  
du signalement et de son droit de faire valoir ses observations dans un délai
raisonnable.
3. Le contenu en question est toujours accessible, mais signalé (pictogramme)
comme potentiellement en contradiction avec les CGU, le temps que son
auteur puisse faire valoir ses éventuelles observations. Si celles-ci
n’aboutissent  pas  (ou  à  l’expiration  du  délai  raisonnable),  la  plateforme  exerce  
son droit de modération et tranche sur le caractère non conforme ou pas.
Encadrer le recours aux outils de surveillance automatique des contenus
Préciser   l’obligation   d’intervention   humaine   concernant   le   filtrage  
automatique a priori de contenus : imposer en ce sens une obligation de
supervision humaine réelle (et non seulement formelle) et indiquer les critères
d'appréciation. Dans les cas où la détection est automatisée, au regard de la masse des
contenus à traiter, la décision de retrait doit être prise par un humain.
Donner aux associations la capacité d’agir en justice au titre de la
défense des intérêts des internautes en matière de liberté d’expression
Instaurer une habilitation législative à agir en justice pour les associations
de défense des droits sur Internet, en particulier dans les cas où les personnes
visées par une mesure restrictive de liberté ne peuvent être représentées à l'audience
(par exemple parce qu'elles ont préféré rester anonymes).
IMPLIQUER LES UTILISATEURS DANS LES
DISPOSITIFS DE REGULATION INTRA-PLATEFORMES
Dans une visée plus prospective, impliquer plus largement les utilisateurs dans
les dispositifs de régulation intra-plateformes :
Impliquer la communauté dans la conception des règles de
gouvernance de la gestion des contenus contributifs (community
standards)
Certaines plateformes présentent leur politique éditoriale comme des
community standards, les règles de vie de la communauté des utilisateurs. Il
s’agit de les prendre au mot et d’impliquer réellement cette communauté dans
l’élaboration de ces politiques, aujourd’hui définies par les seules directions
des entreprises (droit souple, charte d’engagement des plateformes), en
RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique86
particulier pour ce qui est de la gestion des contenus contributifs.
Renforcer les sanctions intra-plateformes en faisant levier sur le
capital social des individus
Plutôt que de se contenter de la menace lointaine et abstraite d’un juge,
repenser les sanctions à l’intérieur même des plateformes, en amont et en
complément de la réponse pénale :
-­‐ mettre en place un éventail de sanctions proportionnées et
graduées : message d’avertissement public ou privé, gel du compte
incriminé pour une durée plus ou moins longue (éventuellement
accompagné d’une mention publique), utilisation du compte pour
diffuser des contre-messages, enfin, fermeture définitive du compte.
-­‐ pour des sanctions pédagogiques et dissuasives, faire levier sur le
capital social des individus en privant les auteurs de contenus
illicites d’une audience qu’ils ont parfois mis longtemps à constituer,
en touchant le cœur de la stratégie des producteurs et diffuseurs de
ces contenus.
13. Cadre légal du renseignement : allier efficacité
et respect des libertés publiques et individuelles
Le  gouvernement  s’est  engagé  dans  une  clarification  et  une  redéfinition  du  cadre  légal  
des compétences et responsabilités des acteurs du renseignement. Cette démarche
mérite   d’être   saluée,   car   elle   contribue   à   rendre   plus   transparente   l’action   de   la  
communauté du renseignement. En clarifiant ce cadre et en sortant certaines
pratiques   d’une   pénombre   juridique,   elle   permet   aussi   de   dissiper   beaucoup   de  
fantasmes sur les actions des services de renseignements.
Toutefois, le Conseil réaffirme ses inquiétudes concernant une importante
extension du périmètre de la surveillance, sans que des garanties
substantielles ne soient apportées. Le Conseil national du numérique souhaite
que cette loi contribue  à  rénover  le  cadre  d’action  du  renseignement  tout  en  assurant  
sa conformité avec les engagements pris par la France en matière de libertés publiques
et individuelles.
À cette fin, le Conseil insiste fortement sur la nécessité de :
Introduire au plus haut niveau de la hiérarchie des normes un
principe selon lequel la surveillance de masse, généralisée et
indifférenciée, est étrangère à l'État de droit.
Proscrire le recours à une gouvernance algorithmique de la
surveillance. Le projet de loi sur le renseignement introduit une détection
automatisée   des   “signaux faibles”   liés   à   une   menace   terroriste.   Ce   modèle  
suppose une surveillance préalable indiscriminée des métadonnées (données
RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 87
de connexion) et confine à une forme de surveillance de masse. Si une
limitation   qualitative   du   dispositif   s’avère   impossible,   il   conviendrait   de  
renoncer   à   ces   techniques,   dont   l’installation   dans   les   réseaux  
(infrastructures, cloud, etc.) est coûteuse pour nos budgets comme pour nos
libertés.  L’efficacité  d’une  surveillance de masse des métadonnées est en outre
particulièrement remise en cause aux États-Unis.
L’EFFICACITÉ DU DISPOSITIF ALGORITHMIQUE DE
DÉTECTION EN QUESTION
Le dispositif de détection automatisée d’une menace terroriste prévu par le
projet de loi interroge quant à son efficacité. En l’état de l’art, les spécialistes
sont unanimes : quand bien même le dispositif algorithmique en question
serait extrêmement sophistiqué, il ne pourrait pas échapper à une quantité
significative de “faux positifs”, i.e. des individus identifiés comme
potentiellement suspects et qui se révèleront hors de tout soupçon.
En effet, les comportements « terroristes » ne présentent pas une fréquence
suffisante pour permettre de nourrir une méthode automatisée. Ce phénomène,
très connu, est lié à l’identification statistique d’évènements rares47
. De plus,
les individus ciblés par ce dispositif adopteront un comportement visant à
échapper aux modèles de comportements (patterns) paramétrés par
l’algorithme puisqu’ils s’adaptent en permanence pour échapper à la détection.
A ce titre, il apparaît malaisé de comparer ces méthodes de détection
automatisées avec les traitements massifs de données opérés par les géants
de l’Internet à des fins de ciblage publicitaire : non seulement ces derniers
allouent à la recherche et au développement de leurs algorithmes des budgets
astronomiques, mais ils utilisent des traces présentant une fréquence
beaucoup plus importante - les habitudes de consommation : si les
algorithmes d’Amazon sont doués pour recommander des livres qui plairont à
ses clients, c’est parce que le géant du net se fonde sur des millions d’objets
achetés par le passé.
QU’EST-CE QU’UNE METADONNEE ?
Une métadonnée est une donnée servant à définir ou décrire une autre
données : il s’agit des informations qui décrivent techniquement une
communication (“qui ?”, “où ?” et “quand ?”). Elles s’opposent donc au contenu
de cette communication (“quoi ?”). Un exemple type de métadonnée est
d’associer à une donnée la date à laquelle elle a été produite ou enregistrée, ou
à une photo les coordonnées GPS du lieu où elle a été prise.
Contrairement à une croyance répandue, les données de connexion peuvent
47 « Supposons que  l’on  recherche  des  terroristes  dans  une  population.  Tout  algorithme  
de  détection  a  une  marge  d’erreur  c’est-à-dire va identifier des personnes sans intention
  terroriste  (des  «  faux-positifs  »).  Si  la  marge  d’erreur  est  de  1%,  ce  qui  est  considéré  à  ce  jour  
comme  très  faible,  l’algorithme  identifiera  quelques  600  000  personnes  sur une population
totale de 60 millions de personnes. Si le nombre de vrais terroristes est par exemple de 60,
ces  vrais  terroristes  ne  représenteront  que  0,01%  de  la  population  identifiée. »
[ Source : http://www.cil.cnrs.fr/CIL/IMG/pdf/265206918-Note-interne-de-l-Inria.pdf].
RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique88
être extrêmement révélatrices, prises seules mais surtout par leur agrégat.
Enfin, comme le remarque la CNIL – les données collectées par l’algorithme ne
sauraient constituer des éléments anonymes dans la mesure où les
métadonnées sont indirectement ou directement identifiantes. Il est en effet
très facile d’assurer l’identification d’un individu en combinant un petit nombre
de traitements de données. De nombreuses études48
, ainsi que la Cour de
justice de l’Union européenne l’ont expliqué très clairement : « ces données,
prises dans leur ensemble, sont susceptibles de permettre de tirer des
conclusions très précises concernant la personne dont les données ont été
conservées, telles que les habitudes de la vie quotidienne, les lieux de séjour
permanents ou temporaires, les déplacements journaliers ou autres, les
activités exercées, les relations sociales de ces personnes et les milieux
sociaux fréquentés par celles ci ».49
Si  de  tels  dispositifs  prennent  malgré  tout  une  place  durable  dans  l’appareil  
de renseignement français, il est nécessaire de réaffirmer et renforcer
l’interdiction   de   prendre   une décision produisant des effets
juridiques   à   l’égard   d’une   personne   “sur   le   seul   fondement   d’un  
traitement automatisé de données destiné à définir le profil de
l’intéressé  ou  à  évaluer  certains  aspects  de  sa  personnalité”50.
Définir plus strictement les finalités générales de recours à la
surveillance et encadrer par la loi les missions de chacun des
services de renseignement,   aujourd’hui   prévues   par   décret.   Une  
formulation large des motifs du renseignement ne peut constituer le prétexte
à une extension du champ de la surveillance.
Renforcer le contrôle et les garanties démocratiques :
-­‐ Donner les moyens budgétaires, humains et techniques
à la Commission nationale de contrôle des techniques de
renseignement (CNCTR)  indispensable  à  l’effectivité  de  son  
contrôle et la doter de pouvoirs d’enquête  renforcés : visites à
discrétion dans les services, accès en direct aux données et
pouvoir  d’audition  sans  limitation,  comme  cela  est  déjà  prévu  
pour les contrôleurs d’autres  pays.  Le  CNNum  insiste  sur  la  
nécessité  d’un  recrutement  de  compétences  techniques  à  la  
hauteur des nouvelles approches de la surveillance.
-­‐ Faciliter  le  recours  de  la  CNCTR  devant  le  Conseil  d’État.
Le Conseil  d’État  doit  pouvoir  être  saisi  à  la  demande  d’un  seul  
membre de la CNCTR.
48 Par exemple : http://webpolicy.org/2014/03/12/metaphone-the-sensitivity-of-telephone-
metadata/
49 CJUE, arrêt du 8 avril 2014 (C-293/12 et C-594/12).
50 article 10 de la loi Informatique et Libertés.
RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 89
Organiser un e-G20 pour porter un projet de traité contre la
surveillance de masse. La  France  doit  s’appuyer  sur  le  travail  effectué  par  
le  large  réseau  impliqué  dans  l’étude  de  l’application des droits humains à la
surveillance des communications ayant abouti au texte Necessary and
Proportionnate pour porter un traité international contre la surveillance de
masse dans une conférence e-G20. La France pourrait se proposer pour
accueillir cette rencontre à Paris.
14. Protéger les lanceurs d’alertes
QU’EST CE QU’UN LANCEUR D’ALERTE ?
Le Conseil emprunte ici la définition proposée par Transparency
International France51
. Le lanceur d’alerte est « tout employé qui signale un fait
illégal, illicite ou dangereux pour autrui, touchant à l’intérêt général, aux
instances ou aux personnes ayant le pouvoir d’y mettre fin”. En résumé, il s’agit
donc d’un employé faisant un signalement touchant à l’intérêt général : crime
ou délit, erreur judiciaire, corruption, atteintes à la sécurité, la santé publique
ou l’environnement, abus de pouvoir, usage illégal de fonds publics, graves
erreurs de gestion, conflits d’intérêts ou dissimulation des preuves afférentes.”
La loi française n’offre pas de définition globale du lanceur d’alerte, mais
seulement une définition partielle, limitée à la santé publique et à
l’environnement (art. 1er de la loi du 16 avril 2013 dite loi Blandin,).
Depuis  2007,  cinq  lois  de  protection  des  lanceurs  d’alerte  ont  vu  le  jour  en France :
malgré ces avancées, le cadre juridique applicable reste lacunaire et disparate. La
concertation   souligne   l’importance   d’établir   un   régime   français   de   protection   des  
lanceurs  d’alerte  complet,  plus  clair  et  plus  effectif.  
Homogénéiser les protections   aujourd’hui   disparates   pour   qu’elles  
couvrent l’ensemble des problématiques (santé, fiscalité, renseignement, etc.)
et  cesser  l’approche  par  silos  thématiques.  
Doter le Défenseur des droits de la compétence nécessaire pour
assurer une protection effective   des   lanceurs   d’alerte. Pour les
activités de renseignement touchant au secret défense, doter la CNCIS ou
future   CNCTR   d’un   pouvoir   d’écoute,   de   réception   des   signalements   et   de  
médiation sur le sujet.
51 http://www.agircontrelacorruption.fr/wp-content/uploads/2014/12/GP-a%CC%80-lusage-du-lanceur-
dalerte-franc%CC%A7ais-v.5_pages.pdf Voir également : http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Discours-
Interventions/Lanceurs-d-alerte-la-securisation-des-canaux-et-des-procedures
RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique90
15. Promouvoir le chiffrement des données, levier de sécurité
Dans le contexte du débat actuel sur la cryptographie, le Conseil national
du numérique se positionne en faveur du déploiement des pratiques de
chiffrement des données.
Le chiffrement est un levier de sécurité essentiel : il permet en effet une
société numérique plus sécurisée, notamment en réduisant les opportunités de vol de
données bancaires et personnelles. Il permet également de restaurer la souveraineté
numérique de la France, en rendant les communications personnelles des citoyens
français  moins  susceptibles  aux  captations  et  interceptions  d’acteurs  étrangers.  Enfin,  
le chiffrement est un outil essentiel dans la protection du droit fondamental à la vie
privée des citoyens.
Partant, le Conseil préconise de :
Déployer massivement le chiffrement, à la fois pour les données
stockées et pour celles circulant sur les réseaux.
Soutenir   l’Agence   nationale   de   sécurité   des   systèmes  
d’information   (ANSSI)   dans   ses   efforts   de   contrôle   des   pratiques  
de chiffrement et de sécurité des systèmes informatiques dans
l’administration, ainsi que dans sa mission de formation aux pratiques de
la sécurité informatique vis-à-vis des entreprises et du grand public.
Enseigner  le  chiffrement  des  communications  à  l’école. Le recours à
des outils en logiciel libre dans cet enseignement doit être systématisé.
Par ailleurs, nous devons tirer les leçons des dérives du Computer Fraud and Abuse
Act américain de 1986 et prévenir une évolution qui tend à criminaliser toute forme de
hacking sans distinction.
Enfin, il faut proscrire les approches visant à imposer aux entreprises de confier les
clés  de  chiffrement  ou  d’offrir  des  “portes  dérobées”  aux  services  de  renseignement.  
Elles ne feraient qu'affaiblir la sécurité des données dans le cas de l'espionnage
économique.
16. Réformer le Fichier national des empreintes digitales
et le Fichier national des empreintes génétiques
La concertation a souligné que la France est trop régulièrement condamnée pour sa
gestion des fichiers de police, contraire au respect des droits humains et des libertés
fondamentales. Le   Conseil   recommande   d’appliquer les recommandations
du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de
RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT
LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 91
l’Homme   sur   les   fichiers   de   police sur la durée de conservation, la possibilité
d’effacement  en  cas  d’innocence  avérée  ou  d’erreur,  la  proportionnalité  de  la  durée  de  
conservation  avec  l’infraction  commise,  etc.  
17. S’engager contre l’exportation de technologies de surveillance
et de censure d’Internet à destination des régimes autoritaires
La  France  a  une  responsabilité  dans  l’encadrement  de  l’exportation  des  technologies  
de surveillance et de censure déployées pour violer les droits humains des populations
des régimes autoritaires. À cette fin, il est nécessaire de :
S’engager   au   niveau   national   à   exercer   un   contrôle   plus   strict   et  
plus  rigoureux  de  l’export  de  ces  technologies  à  double  usage  vers  
les régimes autoritaires ; le passage par des filiales hébergées dans des
“paradis   juridiques”   doit   être   pris   en   compte   pour   que   cette   pratique   ne  
permette  pas  aux  entreprises  françaises  de  s’affranchir  de  leurs  obligations  à  
ce sujet.
Travailler, au niveau européen, avec les États membres et la
société  civile  pour  que  l’Europe  produise  des  normes exemplaires
en la matière. Un premier pas de la Commission européenne doit être salué
avec  l’ajout  à  sa  liste  de  contrôle  de  biens  à  double  usage  de  nouvelles  formes  
spécifiques de technologies de surveillance :   les   amendements   à   l’accord   de  
Wassenaar52 manquent toutefois de précision et restent trop ouverts à
l’interprétation.   Un   point   de   vigilance   doit   également   être   observé : il est
essentiel   que   la   régulation   n’empêche   pas   la   recherche   indépendante,   et  
notamment  les  professionnels  de  la  sécurité,  d’accéder à ces technologies.
LE MARCHE GLOBAL DE TECHNOLOGIES
DE SURVEILLANCE - IMPACT SUR LES DEFENSEURS
DES DROITS HUMAIN
Le rapport du Citizen Lab53
de l’Université de Toronto éclaire l’industrie des
technologies de surveillance et son dangereux impact sur la société civile et
les défenseurs des droits humains à travers le monde. Il montre combien les
défenseurs des droits de l’homme à travers le monde sont la cible de
technologies de surveillance et d’attaques informatiques.
52 L’arrangement de Wassenaar, établi en 1996, porte sur le contrôle des exportations d'armes
conventionnelles et de biens et technologies à double usage.
53 https://citizenlab.org/2013/12/shedding-light-on-the-surveillance-industry/
La forme que prendra
la transformation numérique
de l'action publique n'est pas
déterminée à l'avance.
Elle peut revêtir des significations
politiques très différentes.
Volet 2
Vers une nouvelle conception
de l’action publique :
ouverture, innovation,
participation
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
Sommaire
18. Donner une nouvelle impulsion à la transformation numérique de l’action publique 102
S’engager vers un Gouvernement plus ouvert 105
19. Développer la co-élaboration des politiques publiques 106
20. Renforcer la transparence et la traçabilité des processus décisionnels 111
21. Développer de nouveaux modes d’évaluation des politiques publiques 114
Développer des services publics numériques adaptés aux usages, dans un cadre de
confiance 116
22. Partir des expériences des usagers pour améliorer la conception des services publics 117
23. Développer la médiation autour des services publics numériques 122
24. Encadrer l’utilisation et l’échange des données personnelles détenues par
l’administration 125
25. Favoriser la création d’espaces numériques personnels pour visualiser
ses démarches et stocker ses documents administratifs 131
Donner une nouvelle ambition à la stratégie d’ouverture des données publiques 134
26. Opter pour une ouverture par défaut des données publiques, avec un objectif
général de gratuité 135
27. Favoriser le développement et la coordination des stratégies d’ouverture
des données publiques 143
28. Repenser le droit d’accès aux documents administratifs, dans le contexte
d’ouverture des données publiques 146
29. Encourager au cas par cas le partage de données des acteurs économiques
et de la société civile, en veillant au respect des droits fondamentaux
et à l’équilibre des intérêts des parties prenantes 151
Diffuser une culture de l’innovation au sein de la fonction publique 158
30. Renforcer la littératie numérique des agents publics 159
31. Développer les pratiques collaboratives et le partage d’expériences 162
32. Mieux piloter la commande publique grâce aux données et l’orienter
davantage en faveur de l’innovation 167
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
97
Le   numérique   est   un   facteur   de   renouveau   de   l’action   publique   qui   s’impose   à  
l’ensemble  des  acteurs  publics  (État,  collectivités  territoriales,  établissements  publics,  
etc.) et irrigue toutes les politiques publiques (santé, éducation, formation
professionnelle, etc.).
Cette transformation numérique est encore à ses débuts et tend à soumettre les acteurs
publics   à   une   pression   de   plus   en   plus   grande,   au   croisement   d’une   demande   de   la  
société   civile   et   d’une   volonté   de   transformation   de   l’État. Cette pression se traduit
tout  d’abord  par  une  volonté  des  citoyens  d’accéder  à  des  informations transparentes
sur   la   vie   publique,   et   d’y   participer   de   manière   continue   en   dehors   du   temps   des  
élections.  Le  numérique  offre  aux  citoyens  de  nouveaux  moyens  d’exercer  leur  pouvoir  
d’agir,  ce  qui  amène  les  acteurs  
publics  à  s’ouvrir  davantage  et  à
penser de nouvelles méthodes
collaboratives  d’élaboration  des  
politiques publiques. De même,
le développement de services
concurrents aux services
publics contraint
l’administration   à   s’interroger  
sur   l’efficacité   de   ses   services  
pour les adapter davantage aux
besoins des usagers. Un grand
nombre   d’acteurs   privés  
proposent des services du même ordre que les services publics, sans pour autant obéir
aux   mêmes   principes   (égalité   d’accès,   continuité,   etc.)   ni   poursuivre   des   finalités  
d’intérêt   général.   Enfin,   la   place   croissante   du   numérique   dans   l’action   publique  
soulève   de   nouveaux   enjeux   juridiques.   Elle   oblige   l’administration   à   penser   de  
nouveaux  droits  pour  les  citoyens,  comme  le  droit  à  l’ouverture  des  données  publiques  
ou encore le droit de regard sur l’utilisation   de   ses   données   personnelles   par  
l’administration.  
Le développement de nouveaux usages numériques individuels et collectif, en décalage
avec les pratiques du secteur public, dynamite le fonctionnement traditionnel de
l’administration  et  la  contraint à impulser en interne une dynamique de changement.
La   forme   que   prendra   la   transformation   numérique   de   l’action   publique   n’est   pas  
déterminée   à   l’avance.   Elle   peut   revêtir   des   significations   politiques   très   différentes  
selon les choix effectués. Ainsi, pour que cette transformation corresponde aux
principes  de  l’action  publique,  les  acteurs  publics  doivent  mettre  les  nouveaux  outils  et  
pratiques   numériques   au   service   de   la   transparence,   de   l’ouverture   et   de   l’agilité   de  
leurs  modes  d’intervention.  Cela  suppose  d’aller  au-delà de la simple dématérialisation
des   informations   et   des   services   publics,   et   de   repenser   l’ensemble   de   son  
Le développement de nouveaux
usages numériques dynamite
le fonctionnement traditionnel
de l’administration et la contraint
à impulser en interne une dynamique
de changement.
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
98
organisation,   ses   modes   d’action   et   ses   relations   avec   tous   les   acteurs   de   la   société  
numérique.
Réinventer les formes d'intervention  de  l’action  publique  avec  le  numérique  vise  non  
seulement  à  renforcer  l’efficience  des  politiques  publiques,  mais  également  à  mettre  en  
œuvre   des   objectifs   sociaux,   politiques   et   économiques.   Les   outils   numériques  
permettent en effet de cibler de  manière  plus  fine  les  besoins  et  d’assurer  une  gestion  
en temps réel des politiques, dans un objectif de redistribution des moyens et des
priorités fixés. Au-delà   de   l’enjeu   d’optimisation   des   moyens   publics,   le   numérique  
peut donc être mobilisé au service  de  l’intérêt  général  pour  rendre  l’action  publique  
plus agile et in fine tendre  vers  l’optimisation  du  bien-être collectif.
La   transformation   de   l’action   publique   doit   donc   s’accompagner   d’une   vision  
stratégique  à  l’échelle  locale,  nationale  et  européenne.  Elle  ne  pourra  se  faire  que  si  
une instance impulse des orientations prioritaires communes et mobilise l’ensemble  
des acteurs  engagés.  Cela  suppose  de  développer  un  plan  d’action  à  long  terme,  tout  en  
soutenant   les   initiatives   existantes   et   à   venir.   Ce   n’est   qu’à   cette   condition   que   la  
transformation  numérique  de  l’action  publique  ne  se  limitera  pas  à  un  choc  exogène  
ou une accumulation de choix techniques, mais permettra de réinventer effectivement
les  formes  d’intervention  de  l’action  publique.
Partant de ce constat, le Conseil met en évidence trois principes visant à guider la
transformation  numérique  de  l’action  publique :
L’ouverture des processus décisionnels, au service d’un
renforcement du pouvoir d’agir
Avec  le  numérique,  l’heure  est  venue  de  développer   des  processus  décisionnels  plus  
ouverts et partagés afin de mobiliser la créativité collective autour des enjeux de plus
en   plus   complexes   qu’adressent   les   politiques   publiques.   Le   numérique   permet  
d’augmenter la transparence et la
traçabilité   de   l’action   publique.   Mais  
ce   n’est   que   s’il   est   mobilisé   pour  
développer de nouveaux modes de
participation aux processus
décisionnels   qu’il   pourra   renforcer  
effectivement   le   pouvoir   d’agir   des  
citoyens. Le défi est donc de rompre
avec  une  vision  de  l’expertise  verticale  
et cloisonnée, et de développer des pratiques de co-construction des politiques
publiques   intégrant   l’ensemble   des   acteurs   de   la   société   numérique : citoyens,
entreprises, associations, syndicats, chercheurs, etc.
Il nous faut rompre avec une
vision de l’expertise verticale
et cloisonnée pour développer
des pratiques de co-construction
des politiques publiques.
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
99
Les usages au centre de l’élaboration des politiques et des
services publics
Si  les  usages  n’ont  jamais  été  absents  des  processus  de  conception  des  services  publics,  
le numérique permet de les prendre davantage en compte pour en faire le socle
fondamental   de   l’élaboration   de   services   publics   de   demain.   En   effet,   le   numérique  
offre de nombreuses potentialités pour dessiner des services qui tiennent compte de la
pluralité des usages, proposent à chaque usager un suivi personnalisé et évoluent en
permanence  avec  les  retours  d’expérience  selon  une  logique  d’adaptabilité.  
Il  s’agit  donc  de  promouvoir  un  ensemble  de  méthodes  favorisant  une  conception  des  
services publics orientés par les usages et privilégiant les expérimentations. Cette
démarche qualifiée   de   “design   thinking”   à   l’échelle   internationale, est encore à ses
débuts et pourrait être diffusée plus largement dans le secteur public. Le
développement du design des services publics ne doit évidemment pas se résumer à
une approche esthétique, mais doit être un vecteur majeur de simplification et de
transformation des procédures administratives. Il doit aller de pair avec la mise en
place   d’architectures   techniques   de   qualité   et   éventuellement   conduire   à   un  
renouvellement du fonctionnement interne  de  l’administration  (approche  transversale  
des expertises, développement de procédures plus agiles, etc.)
L’innovation au cœur de l’action publique
Diffuser  une  culture  de  l’innovation  au  sein  de  l’administration  est  une  priorité,  qui  
doit  s’incarner  tant  au  niveau  de  l’État  qu’à  celui  des  territoires.  Si  la  fonction  publique  
compte   des   agents   compétents   et   désireux   d’innover, ce fort potentiel ne peut être
libéré   qu’en   permettant   à   chaque   agent   de   s’exprimer,   de   lancer   un   projet   ou   d’y  
participer.   L’enjeu   est   donc   de   passer   d’une   administration   fondée   sur   une  
organisation hiérarchique pyramidale et un fonctionnement vertical, à une
administration  plus  agile   et  ouverte  aux  pratiques  collaboratives.   Ce  n’est   qu’à  cette  
condition que les agents publics seront de véritables acteurs et ambassadeurs de la
transformation numérique.
Par ailleurs, développer l’esprit  d’innovation  invite  l’administration  à  basculer  d’une  
culture   de   la   détention   de   l’information   à   une   culture   de   diffusion   de   l’information.
L’ouverture   des   données   publiques   est   en   effet   un   levier   pour   soutenir   l’innovation  
économique et sociale, mais également pour améliorer le fonctionnement des
administrations.   A   rebours   de   l’exploitation   commerciale   des   données,   les   acteurs  
publics doivent davantage s’orienter  vers  une  politique  d'ouverture  et  de  gratuité  des  
données. Cette politique ne peut néanmoins conduire les pouvoirs publics à renoncer à
toute capacité de déterminer des conditions de réutilisation pour réguler certains
secteurs  de  l’économie.
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
100
Innover à partir des données présente de nombreuses opportunités. Les acteurs
publics   pourraient   décupler   leurs   moyens   d’action   en   ayant   recours   à   une   méthode  
innovante de croisement des données publiques avec des données produites par
d’autres   acteurs,   sous   réserve   d’un   juste   équilibre   entre   les   intérêts   des   parties  
prenantes et du respect des droits fondamentaux. En effet, certaines données détenues
par des organismes délégataires de service public justifient que les pouvoirs publics
puissent accéder à ces données au cas par cas, pour en faire des biens communs au
service   de   l’intérêt   général.   Certaines   données   détenues   par   des   acteurs   privés   en  
dehors   de   mission   de   service   public   peuvent   également   être   considérées   d’utilité  
publique à des fins de recherches ou dans certaines circonstances (crises sanitaires,
environnementales, etc.). La mise en commun de ces données devrait être encouragée
sur une base volontaire et au cas par cas.
Le Conseil rappelle que :
La  transformation  numérique  de  l’action  publique  n’a  de  sens  que  si  elle  respecte  un  
certain nombre de principes, inhérents aux fondements du droit public. Ces principes
constituent  autant  de  prérequis  pour  l’intégration  de  tous  et  le  respect  des  libertés  et  
droits fondamentaux.
L’accès de tous aux informations et aux services publics
L’ouverture   des   informations   publiques   et   le   développement   de   services   publics  
numériques  doivent  s’accompagner  de  mesures  permettant  d’en  garantir  effectivement  
l’accès   à   tous.   Les   sites   publics   (sites   d’informations,   plateformes de consultation
publique   ou   d’accès   à   un   service,   etc.)   doivent   tout   d’abord   respecter   les   exigences  
d’accessibilité   afin   d’en   assurer   l’accès   aux   personnes   en   situation   de   handicap.   La  
définition de normes techniques est également un enjeu majeur pour la mise à
disposition des informations publiques : des réflexions doivent être menées sur la mise
en place de formats lisibles et interopérables pour accéder à une information de
qualité, facilement réutilisable.
Au-delà   d’un   strict   respect   des   normes techniques   d’accessibilité,   la   question   de  
l’égalité  d’accès  aux  services  publics  mérite  d’être  reposée  à  l’heure  du  numérique.  La  
personnalisation des services rendue possible par les nouvelles technologies ne porte
pas nécessairement atteinte au principe  d’égalité.  Au  contraire,  elle  est  susceptible  de  
renforcer  l’accès  de  tous  aux  services  publics  et  à  leurs  droits,  par  une  prise  en  compte  
plus ciblée des besoins et un accompagnement sur mesure. Le déploiement de services
publics numériques devra être conçu   en   continuité   de   l’offre   de   services   publics  
physiques,  en  veillant  à  l’aménagement  numérique  des  territoires  et  au  développement  
de   dispositifs   de   médiation   humaine.   Dans   une   logique   d’inclusion,   il   est   en   effet  
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
101
indispensable   d’aider   les   populations   les   plus   éloignées   à   s’emparer   des   nouveaux  
usages numériques pour réaliser leurs démarches administratives.
Un État garant d’un cadre de confiance pour les relations
entre les citoyens et les pouvoirs publics
La dématérialisation des services publics et la multiplication des données personnelles
collectées  par  l’administration  peuvent  potentiellement  conduire  à  des  dérives  comme  
des pratiques de surveillance généralisée. Si les entreprises du numérique sont tenus
de respecter des obligations de loyauté vis-à-vis des utilisateurs (cf. volet I du rapport
“Assurer  loyauté  et  liberté  dans  un  espace  numérique  en  commun”),  l’État  doit  faire  
preuve   d’exemplarité   pour   garantir   les   droits   et   libertés   fondamentaux   numérique.  
Dans  le  respect  de  l’État de droit, il doit  établir  un  cadre  de  confiance  pour  l’utilisation,  
l’échange   et   la   conservation   des   informations   personnelles   des   citoyens.   Les  
recoupements de données doivent être limités et encadrés strictement. Cela suppose
d’assurer à chacun un droit de regard sur l’utilisation   de   données   personnelles  
collectées  par  l’administration,  ainsi  que  de  prévoir  des  garanties  pour  la  protection  de  
données.
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
102
18. Donner une nouvelle impulsion à la transformation
numérique de l’action publique
La transformation numérique des pouvoirs  publics  ne  peut  s’effectuer  uniquement  par  
le  biais  d’un  ensemble  de  normes,  légales  ou  réglementaires,  ni  reposer  sur  la  simple  
invocation  d’un  changement  par  le  bas.  Alors  même  que  la  feuille  de  route  pour  un  
gouvernement ouvert va être mise en place et que la Commission européenne
s’apprête  à  publier  sa  stratégie  numérique,  la  France  doit  plutôt  réaffirmer  la  nécessité  
d’une   vision   stratégique   de   la   transformation   numérique   à   tous   les   échelons   de  
l’administration.  
Afin de promouvoir une acculturation   de   l’administration   et   ancrer   une   véritable  
dynamique   de   changement,   l’impulsion   de   la   transformation   numérique   de   l’action  
publique doit être renforcée. Les instances de pilotage existantes ont déjà permis de
dessiner des lignes directrices et des orientations stratégiques. Néanmoins la
gouvernance  de  la  transformation  numérique  de  l’action  publique  reste  encore  éclatée,  
et les instances de pilotage sont trop souvent investies de pouvoirs et moyens
insuffisants. Cela nuit considérablement à la cohérence,  la  visibilité  et  l’efficacité  des  
actions entreprises.
C’est   pourquoi   le   Conseil   national   du   numérique   suggère   de   développer  
une  vision  stratégique  globale  de  la  transformation  numérique  de  l’action  
publique au plus haut niveau, à travers la co-construction  d’une  feuille  de  
route comportant des priorités stratégiques à court, moyen et long terme.
Il   s’agit   de   promouvoir   une   gouvernance   souple   et   ouverte   de   cette  
transformation numérique, en fédérant les diverses initiatives des agents
publics tout en préservant leur caractère spontané.
Dans ce cadre, une réflexion  pourrait  être  menée  sur  l’évolution  du  rôle  et  
des  moyens  du  Secrétariat  général  à  la  modernisation  de  l’action  publique  
(SGMAP) afin de donner une nouvelle impulsion à la stratégie numérique :
Le  renforcement  du  rôle  d’orientation  stratégique  du SGMAP pour-
rait   se   traduire   par   la   mise   en   place   d’une   équipe   chargée   de   réfléchir   aux  
grands  enjeux  de  la  transformation  numérique  de  l’action  publique  et  de  pro-
poser un ensemble de lignes directrices, co-construites   avec   l’ensemble   des  
parties prenantes via des consultations ;
Le SGMAP joue également un rôle de fédération des acteurs et des
initiatives  dont  l’importance  pourrait  être  réaffirmée. Ainsi le déve-
loppement des synergies entre le SGMAP et les différentes administrations
pourrait donner lieu à une reconfiguration du réseau des correspondants du
SGMAP  au  sein  des  ministères,  voire  à  une  extension  à  d’autres  institutions  
publiques locales ou nationales. Une telle approche permettrait de favoriser la
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
103
prise en compte systématique du numérique dans les stratégies de modernisa-
tion  de  l’action  publique,  de  renforcer  la  cohérence  des  actions  entreprises  et  
d’augmenter  le  partage  des  bonnes  pratiques.  
Par ailleurs, il serait opportun de développer le rôle du SGMAP en
tant que soutien des stratégies de transformation numérique.
-­‐ Des équipes spécialisées pourraient être détachées de manière
provisoire dans les directions ou les administrations
demandeuses afin de les soutenir dans le pilotage ou la mise en
œuvre de leurs projets.
-­‐ La mise en place start-ups d’État, pourrait être systématisée. La
méthode des start-ups  d’État54 consiste à repérer un agent public
ayant  identifié  un  problème  précis,  puis  à  le  doter  d’une  zone  
d’autonomie  d’action,  d’une  équipe  réduite,  d’un  budget  pour  
développer une solution en quelques mois, en interagissant en
permanence avec les usagers concernés. (cf. recommandation
n°31 sur le développement des pratiques collaboratives)
Donner   une   nouvelle   impulsion   à   la   transformation   numérique   de   l’action   publique  
implique en effet de laisser une large place aux initiatives des agents publics ainsi
qu’aux   réseaux,   collaborations   et   bonnes   pratiques   qui   existent   dans   les   différentes  
administrations. En aucun cas la mise en œuvre   d’une   gouvernance   de   la   stratégie  
numérique ne doit éluder la nécessaire  prise  en  compte  de  la  construction  “par  le  bas”  
et conduire à une institutionnalisation qui serait facteur de rigidité.
En outre, elle ne doit pas aboutir à une centralisation des décisions, mais au
contraire intégrer les dynamiques territoriales. Les acteurs publics
déconcentrés et décentralisés doivent systématiquement être inclus dans la définition
de   la   stratégie   de   transformation   numérique   de   l’action   publique.   Il   s’agit  
d’encourager,   valoriser   et   faire   converger   les   énergies   territoriales   en veillant à
préserver  une  cohérence  d’ensemble.  
54 Une dizaine de startups  d’Etat  ont  ainsi  été  montées  l’an  dernier.  Elles  ont  notamment  permis  
de  développer  l’application  “Mes  aides”,  qui  permet  au  citoyen  de  savoir  rapidement  à  quelles  
aides   de   l’Etat   il   a   droit   ou   encore   l’outil   “Marchés   publics   simplifiés”   qui   facilite   l’accès   des  
entreprises aux marchés publics. (Source : la revue Acteurs publics, n°114, p. 64)
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
104
LA TRANSFO
La Transfo est un programme expérimental et inter-administrations
initié en 2011 par la 27e région, qui est une association “laboratoire de
transformation publique”. Ce programme vise à prototyper avec les
collectivités partenaires leur propre fonction « design & innovation » ou
« Labo ». À cette fin, une équipe pluridisciplinaire de résidents est intégrée au
sein de l’administration pendant dix semaines sur une période de deux à trois
ans pour jouer le rôle de laboratoire provisoire. Les résidents travaillent avec
les agents, les élus, les citoyens et l’écosystème territorial sur un thème donné
afin de tester « en situation réelle » la future fonction innovation, ses
méthodes, son équipe, son inscription dans l’organigramme etc.
Source : http://www.la27eregion.fr/transfo/
S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
105
S’engager vers
un gouvernement
plus ouvert
Le numérique constitue un véritable levier pour améliorer la transparence de la vie
publique   et   développer   de   nouveaux   modes   de   participation   favorisant   l’émergence  
d’une   société   contributive.   Les   acteurs   publics   doivent   prendre   les   devants   pour  
développer des modes de gouvernance plus partagés et inclusifs, en adaptant leurs
procédures internes et modes de travail. Cet engagement pourrait trouver une
traduction concrète   dans   le   plan   d’action   national   de   la   France   pour   le   Partenariat  
pour un gouvernement ouvert (cf. encadré),   mais   également   à   l’échelle   locale   et  
européenne.
Les   nouvelles   technologies   peuvent   tout   d’abord   être   mobilisées   pour   renforcer   la  
transparence de l’action  publique  et  mettre  en  pratique  la  responsabilité  des  décideurs  
publics   sur   les   politiques   qu’ils   conduisent.   L’ouverture   des   données   publiques  
(recommandations n°26 à 29), la traçabilité numérique des processus décisionnels et
les  modes  d’évaluation participatives des politiques publiques (recommandation n°20
et 21) sont  autant  de  voies  pour  augmenter  la  redevabilité  de  l’action  publique.  
Par   ailleurs,   le   numérique   peut   être   le   vecteur   d’un   renforcement   du   pouvoir   d’agir  
collectif des individus s’il  s’accompagne  d’une  ouverture  concomitante  des  processus  
décisionnels (recommandation n°19) et de la mise à disposition des informations
publiques (recommandations n°26 à18). Développer des méthodes de co-construction
des politiques publiques selon une logique plus horizontale et inclusive aurait pour
conséquence de mieux faire coïncider le temps de la participation citoyenne avec le
temps administratif et législatif. Au-delà   de   l’objectif   démocratique,   l’élaboration  
collaborative des politiques publiques répond également à une double exigence
d’efficacité   et   d’efficience   de   l’action   publique.   Il   s’agit   de   rendre   les   politiques  
publiques plus adaptées aux besoins de la société dans une logique de design thinking.
S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
106
LE PARTENARIAT POUR UN GOUVERNEMENT
OUVERT (OPEN GOVERNMENT PARTNERSHIP)
Lancé en 2011, le Partenariat pour un gouvernement ouvert est une initiative
internationale qui regroupe près de 65 États autour de la promotion de la
transparence, de l’intégrité et de l’ouverture de l’action publique à la participation
citoyenne. La France a rejoint ce Partenariat en mai 2014 et est appelée à
élaborer une feuille de route d’ici le premier semestre 2015, en associant
l’ensemble des acteurs de la société civile dans une consultation ouverte et
transparente. Elle a rejoint le comité directeur du Partenariat pour un
gouvernement ouvert en septembre 2014.
Source : http://www.opengovpartnership.org/
Pour en savoir plus : Les rapports d’évaluation des avancées des États membres
de l’OGP sont disponibles au lien suivant :
http://www.opengovpartnership.org/independent-reporting-mechanism
19. Développer la co-élaboration des politiques publiques
Les démarches de co-construction  des  politiques  publiques  ont  pour  objectif  d’ouvrir  
des  espaces  d’expression  et  d’échange  avec  l’ensemble  des  parties  prenantes  (acteurs  
de la société civile, entreprises, syndicats et associations, etc.) pour concevoir des
mesures plus ciblées et adaptées à la réalité de terrain. Ces initiatives des politiques
publiques  relèvent  à  l’heure  actuelle  d’une  démarche  expérimentale. Pour favoriser le
passage  à  l’échelle  de telles initiatives, le CNNum recommande de développer un cadre
méthodologique composé :
d’une  ou  plusieurs  structures  pour  fédérer  les  initiatives,  augmenter  leur  visi-
bilité et diffuser des bonnes pratiques ;
d’outils  et  de  principes   méthodologiques  souples pour guider la conduite de
ces projets.
S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
107
Définir un cadre méthodologique pour les consultations
citoyennes en ligne
La mise en place de consultations citoyennes en ligne tend à se développer en amont
de  l’élaboration  des  textes  de  loi  présentant  de forts enjeux sociaux, économiques ou
environnementaux.   Afin   d’accompagner   cette   dynamique,   il   est   essentiel   de  
développer   une   approche   globale   pour   coordonner   l’ensemble   des   consultations  
engagées en ligne et dégager un socle commun. Dans ce cadre, le CNNum propose :
d’engager   une   réflexion   sur   l’évolution   nécessaire   des   modes   de  
fonctionnement   et   d’organisation   de   la   Commission   nationale   du  
débat public (CNDP) pour développer et accompagner les consultations ci-
toyennes en ligne (cf. encadré);
LA COMMISSION NATIONALE
DU DEBAT PUBLIC (CNDP)
La Commission nationale du débat public (CNDP) est une autorité administrative
indépendante dont la mission est d’informer les citoyens et de faire en sorte que
leur point de vue soit pris en compte dans le processus de décision. En mars
2015, cet organisme a présenté des propositions d’évolution législative et
réglementaire pour améliorer la participation citoyenne à la décision publique. À
cet égard, la CNDP envisage notamment d’accroître les possibilités de saisine,
limiter les possibilités de découpage de déclaration des maîtres d’ouvrage,
s’attribuer un rôle de médiation pour offrir une continuité du dialogue ou encore
assurer une meilleure cohérence des débats.
Source : http://www.debatpublic.fr/son-role
de  mettre  à  disposition  de  tous  un  panel  d’outils  et  d’applications  
méthodologiques transverses afin de faciliter le recours aux con-
sultations citoyennes.
Dans   cette   optique   et   sur   la   base   des   retours   d’expérience   de   la concertation sur le
numérique, le Conseil propose de :
Mettre  à  disposition  d’une  plateforme  de  consultation  en  accès  ouvert
Cette plateforme de consultation serait disponible en code source libre, réutilisable et
adaptable au niveau local et national. Cette plateforme pourrait être installée sur un
serveur local ou hébergée par une institution publique comme le Secrétariat Général à
la  Modernisation  de  l’Action  Publique  ou  la  Commission  nationale  du  Débat  public.  
Elle serait mise à la disposition de tous les acteurs publics souhaitant engager une
consultation.
S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
108
Définir des applications méthodologiques à partir des retours
d’expérience  des  consultations  engagées
La   concertation   nationale   sur   le   numérique   a   permis   d’identifier   quelques   principes  
méthodologiques   qu’il   convient   d’enrichir   avec   les   retours   d’expérience   des  
consultations  en  ligne  en  cours  et  à  venir  avec  l’aide  de  la  Commission  Nationale  du  
Débat Public. Ces principes communs à adopter consistent notamment à :
Faire de la médiation un corollaire indispensable des consultations
en ligne : entreprendre des actions de médiation et de communication à
l’échelle  des  territoires  pour  renforcer  la  compréhension  des  enjeux  de  la  con-
sultation  et  inclure  l’ensemble  des  parties  prenantes ;
Penser  l’articulation des débats en ligne avec des échanges en pré-
sentiel (débats en groupes de travail, auditions avec des experts, etc.) Ces re-
tours devraient être réintégrés sur la plateforme pour assurer une véritable
continuité entre les débats en ligne et les discussions en présentiel ;
Mobiliser davantage l’expertise  de  l’administration  sur  des  points  
techniques : encourager les administrations compétentes à suivre au quoti-
dien les consultations en ligne et à instruire certains débats (par exemple, ap-
porter des renseignements sur un dispositif existant) ;
Garantir  l’interactivité  des  débats  en  ligne, par exemple en développant
des pratiques de community management, en adaptant les formats de contri-
bution, etc. ;
Apporter des garanties aux contributeurs en matière de traçabilité
des contributions dans les synthèses des débats : par exemple, prévoir la
mise  en  place  d’une  liste  des  contributeurs  actifs  sur  la  concertation,  mention-
ner les contributions retenues pour formuler des propositions, intégrer des ou-
tils  d’indexation et de recherche par mots-clés, ajouter des métadonnées (info-
graphies ou dataviz…) sur les contributions, etc.
Recenser et décrire les débats publics
La  constitution  d’une  base  des  débats  publics  est  nécessaire  pour  visualiser  l’ensemble  
des consultations en cours et garder un historique de ces échanges. Dès lors, le Conseil
rappelle que :
L’ensemble  des  consultations  passées,  en  cours  et  à  venir  doit  être  recensé  sur  
un site commun et accessible à tous, conformément au décret du 8 décembre
2011. À l’heure  actuelle,  le  site  vie-publique.fr héberge  l’ensemble  des  consul-
tations des entités publiques. Cet espace pourrait être appelé à évoluer pour
permettre   aux   citoyens   d’identifier de manière plus intuitive les enjeux des
S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
109
consultations engagées et de proposer sur la base du volontariat des sujets de
consultation.
Les débats publics gagneraient également à être décrits sur la base des stan-
dards du web sémantique55, afin de favoriser une harmonisation de la struc-
ture  des  consultations  et  d’améliorer  la  qualité  de  l’information  auprès  des  ci-
toyens et des parties prenantes. De nombreux projets vont dans ce sens
comme le lancement de norme Debatescore (cf. encadré).
LA NORME
DEBATESCORE
La norme DebatesCore vise à établir un standard de description des débats
publics. Elle a été mise en place en novembre 2014 à l’initiative de la Commission
nationale du débat public et du site vie-publique.fr. Elle permet d’homogénéiser la
présentation des débats publics en proposant une architecture inspirée des
ontologies du web sémantique. Elle a pour objectif :
d’assurer le partage et la mutualisation des informations entre les acteurs du
débat public ;
de permettre l’ouverture en open data des données afférentes aux débats.
Source : http://www.vie-publique.fr/forums/debatescore/debatescore-3.html
Encourager le regroupement des collectivités territoriales autour de
projets de “gouvernement ouvert”
Le Conseil national du numérique est favorable à la  mise  en  place  d’une  structure  
permettant   la   coordination,   la   mutualisation   et   l’échange   de   bonnes  
pratiques entre collectivités territoriales autour de projets de
gouvernement ouvert.  Cette  structure  pourrait  prendre  la  forme  d’une  association  
regroupant sur la base du volontariat des collectivités portant des projets participatifs
et   des   institutions   existantes   comme   l’Association   des   maires   de   France   (AMF),  
Association des régions de France (ARF), Open data France, les collectivités engagées
dans une initiative Territoires Hautement Citoyens, etc.
Elle aurait pour objectif de :
Regrouper et soutenir les collectivités engagées activement dans une dé-
marche de gouvernement ouvert et de projets de co-construction des poli-
tiques publiques locales ;
Développer  le  partage  d’expériences ;
Encourager  la  construction  d’un  ensemble  d’outils  et  d’applications  méthodo-
logiques.
55Le Web sémantique est un mouvement collaboratif mené par le World Wide Web Consor-
tium(W3C) qui favorise des méthodes communes pour échanger des données.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Web_s%C3%A9mantique
S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT
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OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
110
Par   exemple,   elle   pourrait   favoriser   le   développement   d‘un   réseau   de   collectivités  
territoriales autour de projets de développement de budgets participatifs (cf. encadré).
La mise en commun des expériences permettrait de mettre en évidence la diversité des
pratiques et des outils mobilisés en matière de budgets participatifs, ainsi que de faire
émerger un socle méthodologique commun. Par ailleurs, les collectivités pourraient
échanger sur les manières dont les pratiques de budget participatif transforment leur
fonctionnement interne en matière de gestion de projet, transparence budgétaire, etc.
LES PRATIQUES DE BUDGET PARTICIPATIF
Un budget participatif permet aux citoyens de participer à la définition
et/ou à l’allocation des fonds publics. Depuis les années 2000, les expériences de
budgets participatifs intègrent les nouvelles technologies autour de six
domaines : la collecte des propositions de budgets participatifs, la mobilisation
en ligne des citoyens, la présentation didactique des enjeux budgétaires,
l’utilisation des réseaux numériques pour débattre entre citoyens, le vote et le
suivi en ligne du processus de budget participatif. A l’heure actuelle de
nombreuses collectivités locales et institutions se sont appropriées le numérique
pour développer des pratiques de budget participatif : par exemple, la Ville de
Paris a mis en place de plateforme d’appel à projet Madame la maire j’ai une idée56
,
certaines collectivités ont également mobilisé des outils de visualisation
dynamique des données budgétaires à l’image d’Openspending développé par
l’Open Knowledge Foundation.
Source : http://www.service-eine-welt.de/fr/images/text_material-4396.img
Associer les citoyens à l’examen des textes de loi au Parlement
Le   numérique   peut   permettre   de   mieux   associer   l’ensemble   des   parties   prenantes   à  
l’examen  et  à  la  discussion  des  textes  de  loi,  ainsi  que  les  textes  préparatoires  à  leur  
élaboration (cf. recommandation n°4). Le Conseil   suggère   d’ouvrir   de   manière  
progressive les projets et propositions de loi avant leur examen par la commission
parlementaire permanente saisie au fond. Des expérimentations ont déjà été mises en
place  à  l’Assemblée  nationale  avant  l’examen  de  la  proposition de loi sur la fin de vie
par  la  commission  des  affaires  sociales,  et  au  Sénat  pour  l’examen  du  projet  de  loi  pour  
la  croissance  et  l’activité.  Cette  démarche  gagnerait  à  être  renouvelée,  voire  à  plus  long
terme généralisée.
Ouvrir les textes de loi en cours de discussion au Parlement implique d’engager  une  
réflexion approfondie sur les outils mobilisés pour recueillir les
commentaires des citoyens, sur les modalités des contributions ainsi que
sur   le   renouveau   des   méthodes   d’instruction   des   textes   de   loi au
Parlement.
56 https://idee.paris.fr/
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VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
111
20. Renforcer la transparence et la traçabilité des processus
décisionnels
Le numérique peut être mobilisé pour rendre le contenu des normes plus lisible, ainsi
que pour renforcer la traçabilité et la transparence des procédures. Il peut ainsi
concourir à la mise en œuvre  de  l’objectif  à  valeur  constitutionnelle  d’intelligibilité  et  
d’accessibilité   du   droit   (cf. Décision du Conseil Constitutionnel n°99-241 du
16 décembre 1999). Le Conseil recommande à cette fin de :
Généraliser les outils de visualisation des textes normatifs et des
processus d’élaboration
Les outils numériques de visualisation des procédures et textes normatifs de portée
générale (projets de loi, propositions de loi, décrets, règlements etc.) doivent être
davantage mobilisés,  en  ce  qu’ils  renforcent  la  transparence  et  la  lisibilité  de  ces  textes  
à chaque étape de leur discussion :  lors  de  l’examen  au  fond,  le  débat  contradictoire  et  
le vote. Ces dispositifs sont effet des outils essentiels pour permettre une
appropriation par tous des enjeux des politiques publiques et constituent donc les
fondements  d’une  participation  plus  large  des  citoyens  à  la  décision  publique.
Le Conseil souligne que :
Ces outils de visualisation devraient cibler en priorité les projets et
propositions de loi ainsi que tous les autres textes à portée générale
(décrets, règlements etc.). Ils  pourraient  à  terme,  s’étendre  aux  délibéra-
tions  à  l’échelle  locale ;
Le  développement  de  ces  outils  repose  notamment  sur  l’ouverture  
des données publiques57 liées au fonctionnement des institutions
publiques telles que les données postées sur data.senat.fr et prochainement
sur  le  site  de  l’Assemblée  nationale.58 Des  initiatives  existent  déjà  à  l’instar  de  
La Fabrique de la Loi (cf. encadré).
LA FABRIQUE
DE LA LOI
La Fabrique de la Loi est un projet collaboratif mis en place en mai 2014, par
Regards Citoyens, le Medialab de Sciences Po Paris et le laboratoire de recherche
du Centre d’Études Européennes. La Fabrique de la Loi permet de suivre
l’évolution d’un texte de loi depuis sa présentation au Parlement à sa
57 L’ouverture   des   données   publiques   :   sont   toutes   les   données   collectées   ou   produites   par un État, une
collectivité territoriale ou un organe parapublic, lors de leurs activités de service public et qui doivent êtres
publiées   ou   mises   à   disposition   du   public   dans   le   cadre   d’un   gouvernement   ouvert.  
http://fr.wikipedia.org/wiki/Donn%C3%A9e_publique
58 http://www.nextinpact.com/news/90898-lassemblee-nationale-va-se-mettre-a-open-data.htm
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VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
112
promulgation au Journal Officiel, et de visualiser les amendements
parlementaires. La constitution des données est réalisée à partir d'une
combinaison de sources : l’open Data59
du Sénat sous Licence Ouverte, les APIs
de NosDeputes.fr et NosSenateurs.fr sous licence ODbL, ainsi que les sites
officiels du Sénat et de l'Assemblée nationale.
Source : http://www.lafabriquedelaloi.fr/
Révéler l’empreinte normative des textes de loi
Afin  d’améliorer  la  traçabilité  des  contributions  à  un  texte  de  loi,  le  Conseil  national  du  
numérique  préconise  de  mettre  en  évidence  l’empreinte  normative  de ces textes, dans
la   continuité   de   l’étude   de   Transparency   International   France   sur   “Transparence   et  
intégrité  du  lobbying,  un  enjeu  de  démocratie”  (octobre 2014)60 et du rapport Nadal
sur  “La transparence de la vie publique”  (janvier  2015)61. L’empreinte  normative  
consiste  à  “joindre  à  tout  texte  normatif  la  liste  des  personnes  entendues  
et des contributions reçues dans le cadre de son élaboration, sa rédaction
et  son  entrée  en  vigueur  à  l’échelle  législative  et  réglementaire.“  
L’obligation   de faire   apparaître   l’empreinte   normative   des   textes   de   loi   pourrait  
prendre plusieurs formes :
Au niveau gouvernemental, faire figurer la liste des sollicitations et des per-
sonnes   rencontrées   par   l’administration   dans   le   cadre   de   la   préparation   de  
l’étude  d’impact  et  du  projet  de  loi.  L’empreinte  normative  pourrait  également  
être  étendue  à  d’autres  contributions  comme  la  liste  des  personnes  entendues  
pour   l’élaboration   des   décrets   ou   encore   les   avis   préparatoires du Conseil
d’État ;
Au niveau du Parlement, demander aux rapporteurs des projets et des propo-
sitions de loi de publier la liste des personnes rencontrées, auditionnées dans
le  cadre  de  l’examen et la discussion du texte.
L’ensemble  de  ces  informations  devraient  être  publiées  sous  un  format  ouvert  
et réutilisable.
Le  rapport  sur  les  règles  applicables  au  droit  d’auteur  à  l’heure  d’internet  (2015)  de  
l’eurodéputée  Julia  Reda62 constitue  à  cet  égard  un  exemple  intéressant  d’empreinte  
normative,   en   ce   qu’il   comprend   en   annexe   des   éléments   quantitatifs   (nombre de
contributions  de  représentants  d’intérêt  et  qualitatifs  (liste  des  représentants  d’intérêt  
reçus, proportion de chaque groupe représenté, etc.) sur les contributions reçues.
59 http://data.senat.fr/
60 http://www.transparency-
france.org/e_upload/pdf/transparency_france_lobbying_en_france_octobre2014.pdf
61 Jean-Louis  NADAL,  Rapport  au  Président  de  la  République  sur  l’exemplarité  des  responsables  
publics,  “Renouer la confiance publique”,  janvier  2015,  p  76.  
62 https://juliareda.eu/2015/01/rapport-les-regles-au-droit-dauteur-europeen-sont-inadaptees-a-l-
internet/
S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
113
FOCUS SUR : L’EMPREINTE NORMATIVE
Source : Le Rapport de Jean- Louis Nadal sur l’exemplarité des responsables publics, Renouer la confiance
publique (janvier 2015)
Constituer un registre public unique et obligatoire des représentants
d’intérêt, complété et actualisé à partir des empreintes normatives
Le Conseil recommande d’instaurer un registre unique et obligatoire qui permettrait
de  cartographier  l’activité  des  représentants  d’intérêt  de  manière  fiable  et  précise. Ce
registre aurait pour objectif de :
Centraliser  l’ensemble  des  déclarations  des  représentants  d’intérêt  
en exercice au Parlement et auprès du Gouvernement dans un es-
pace unique ;
Visualiser  de  manière  simple  et  intuitive  l’activité  de  chaque  repré-
sentant   d’intérêt,   c’est-à-dire les intérêts défendus, les demandes de ren-
dez-vous, les rencontres et/ou contributions transmises dans le cadre de
l’élaboration   des   textes   de   loi.   Ainsi   il   serait   rendu   possible   de   visualiser :
l’activité  de  tous  les  représentants  d’intérêt  pour  chaque  texte  de  loi,  et  pour  
chaque   représentant   d’intérêt   les   démarches   effectuées   pour   l’ensemble des
textes de loi.
Ce registre serait alimenté de manière régulière par les contributions et
auditions extérieures enregistrées dans les empreintes normatives, dans le
S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
114
cadre   de   la   rédaction   et   de   la   discussion   d’un   texte   de   loi.   La   mise   en   place   de
l’empreinte   normative   des   textes   de   loi   conduirait   à   un   effet   de   levier   pour   la  
constitution  et  l’actualisation  du  registre
21. Développer de nouveaux modes d’évaluation
des politiques publiques
Le   numérique   rend   possible   l’émergence   de   nouvelles   méthodes   d’évaluation   des  
politiques publiques. En amont de la mise en œuvre  d’une  politique,  les  algorithmes  
permettent par exemple de modéliser les impacts sociaux, économiques et
environnementaux   d’une mesure.   En   aval,   de   nouvelles   méthodes   d’évaluation  
peuvent être développées à partir de la mise en réseau des expertises et de
l’amélioration   collective   des   indicateurs   d’évaluation.   Le   Conseil   national   du  
numérique propose à cette fin de :
Rendre obligatoire la publication des données d’évaluation en open data
Les   données   d’évaluation   représentent   l’ensemble   des   données   utilisées   pour   la  
préparation   des   rapports   d’évaluation   des   politiques   publiques,   notamment   dans   le  
cadre   des   missions   d’évaluations   parlementaires et des évaluations de la Cour des
comptes.  L’ouverture  des  données  publiques  d’évaluation  est  un  prérequis  
pour  renforcer  le  débat  sur  les  critères  d’évaluation  et  la  construction  des  
indicateurs. Elle  permettrait  en  effet  d’améliorer  la  précision et la pertinence de ces
indicateurs.
Ouvrir les processus d’élaboration des études d’impact et rapports
d’évaluation des politiques publiques grâce au numérique
Les outils numériques peuvent être utilisés en amont des politiques publiques, pour
mieux intégrer  les  acteurs  de  la  société  civile  dans  la  réalisation  des  études  d’impact  et  
en  aval,  lors  de  l’élaboration  des  rapports  d’évaluation.  Cette  participation  permettrait  
notamment  de  renforcer  l'efficience  de  l’action  publique  en intégrant des contre-
expertises  externes  pour  l’évaluation  des  politiques  publiques.  Pour mieux
prendre en compte ces expertises extérieures, il est conseillé de :
Mettre   en   ligne   le   calendrier   des   études   d’impact   et   des   rapports  
d’évaluation de manière anticipée ;
Ouvrir  l’écriture  des  études  d’impact  et  rapports  d’évaluation  à  des  
contributions extérieures. Sur une période donnée, des contributeurs ex-
térieurs pourraient commenter, amender, compléter les études sur le principe
du contradictoire ;
S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
115
Publier  l’avancement  du  rapport en temps réel et garantir la traça-
bilité des contributions.
Favoriser la recherche collaborative sur les logiciels ouverts
de simulation
Les   logiciels   ouverts   de   simulation   permettent   de   modéliser   l’impact   économique,  
social  et  environnemental  d’une  politique  publique  en  s’appuyant  sur  un  ensemble  de  
variables,   à   l’instar   d’OpenFisca (cf. encadré). Les recherches collaboratives sur les
logiciels ouverts de simulation devraient être encouragées dans la mesure où :
Ces logiciels permettent aux acteurs concernés une meilleure compréhension
des conséquences induites par un changement de régulation et renforcent ain-
si  leur  capacité  d’anticipation ;
Ces logiciels peuvent être mobilisés par les acteurs publics pour faciliter la
prise de décision et visualiser les impacts budgétaires des réformes envisagées.
LE LOGICIEL
OPENFISCA
OpenFisca est un moteur ouvert de micro-simulation du système socio-fiscal. Il
permet de calculer simplement un grand nombre de prestations sociales et
d'impôts payés, par les ménages, et de simuler l'impact de réformes sur leur
budget. Il s'agit d'un outil à vocation pédagogique pour aider les citoyens à mieux
comprendre le système socio-fiscal.
Source : http://www.openfisca.fr/
DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS
AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
116
Développer des services
publics numériques
adaptés aux usages,
dans un cadre de confiance
L’introduction   du   numérique   au   cœur des services publics a permis une
dématérialisation   d’un   grand   nombre   de   démarches   et   de   services.   Mais   cette  
dématérialisation  ne  peut  se  réduire  à  la  simple  “mise  en  ligne”  des  services  publics.  
En effet la conception même des services publics numériques doit être modifiée en
prenant davantage en compte les attentes des utilisateurs et en favorisant la co-
construction  des  services.  Il  s’agit  donc  de  renverser  les  modes  habituels  de  conception  
des services publics, pour partir davantage des besoins des usagers que du mode de
fonctionnement et de traitement des administrations.
Cette nouvelle méthode de conception des services publics numériques, inspirée par le
design,   permet   de   sortir   d’une   logique   qui   considère   le   service   public   comme   un  
simple instrument, et de consacrer de nouveaux droits pour les usagers et de nouvelles
responsabilités  pour  l’administration.  Cette  approche  du  design  doit  conduire  vers  une  
administration décloisonnée, plus réactive et plus proche des citoyens via une
architecture technique nouvelle :  l’État plateforme - France Connect. Cette démarche
de design des services publics a pour objectif de rendre les services publics
numériques plus efficients et plus inclusifs. Elle peut en outre concourir aux politiques
de redistribution, en ciblant mieux les besoins et en favorisant une gestion en temps
réel des ressources et dispositifs.
En parallèle, un certain nombre de prérequis doivent guider le développement des
services  publics  numériques.  Ces  derniers  doivent  garantir  que  l’échange  de  données  
entre administrations se fasse dans un cadre loyal, respectueux des droits et libertés
des citoyens. Ils doivent également assurer que le développement des services publics
numériques  ne  conduisent  pas  à  l’exclusion  des  populations  les  plus  fragiles  ou  à  un  
accroissement des inégalités entre les territoires. De manière générale, le Conseil
national   du   numérique   rappelle   que   l’aménagement   numérique   du   territoire   est  
essentiel   au   développement   des   services   publics   numériques   et   l’égalité   entre   les  
DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS
AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
117
territoires (cf. volet IV du rapport sur Solidarité, équité, émancipation :  enjeux  d’une  
société numérique).
22. Partir des expériences des usagers pour améliorer
la conception des services publics
Le Conseil national du numérique recommande de transformer la conception des
services publics en réaffirmant la place centrale des expériences des usagers. Pour ce
faire,  il  estime  opportun  de  s’inspirer  des  savoir-faire accumulés en matière de design
policy par les pays anglophones (Royaume-Uni, Australie, etc.), asiatiques (Japon,
Singapour)  ou  des  pays  d’Europe  du  Nord  comme  le  Danemark.
Le design des services publics est entendu comme un mode de conception qui part des
expériences   (besoins,   émotions,   contextes   d’usages)   de   l’ensemble   des   utilisateurs  
(citoyens, agents publics, etc.), intègre différentes expertises dans le processus de
génération des   idées   et   procède   par   tests   successifs   dans   l’optique   d’améliorer   en  
permanence les services.
Cette recherche de design s’appuie  sur  une  double  démarche :  tout  d’abord  développer  
une vision globale du service (les parties prenantes mobilisées, les canaux utilisés) et
des différents parcours utilisateurs, en tenant compte de la segmentation des usages
(par âge, catégorie sociale, etc.…), puis adapter la conception de chaque moment
d’utilisation  du  service  en  cohérence  avec  la  vision  globale.  Le  design a pour objectif
principal de permettre aux usagers de bénéficier simplement à des services auxquels
DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS
AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
118
ils ont droit. En ce sens, le design permet   d’augmenter   l’efficacité   des   services  
proposés par les pouvoirs publics.
Le Conseil national du numérique insiste sur  la  nécessité  d’inscrire  le  design dans une
approche   interdisciplinaire.   La   constitution   d’équipes   pluridisciplinaires   pour   la  
conception  des  services  publics  est  en  effet  fondamentale  pour  assurer  le  succès  d’une  
approche  centrée  sur  l’utilisateur.
Enfin le Conseil rappelle que le design doit être plus largement conçu comme une
méthode de co-construction des services publics. Cette méthode ne se résume donc
pas  à  l’adaptation  des  services  aux  besoins  des  usagers,  mais  a  pour  fonction  d’être  une  
interface entre   les   exigences   particulières   et   l’intérêt   général   dans   la   mesure   où   elle  
prend en compte la diversité des expériences usagers. Elle favorise en effet une
perception  partagée  de  l’action  publique,  fondée  sur  une  intégration  de  la  diversité  des  
expériences individuelles dans la conception des services.
Le  Conseil  formule  plusieurs  propositions  dans  l’objectif  de  mieux  prendre  en  compte  
les  différentes   expériences  usagers  dans  la  conception  et  l’amélioration   itérative  des  
services publics :
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AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
119
Établir un “Guide pratique des services publics numériques” pour définir
les fondements du design dans les services publics numériques.
Ce guide pratique des services publics numériques proposerait un ensemble de
principes méthodologiques directeurs à prendre en compte pour la conception de
services   publics   numériques,   à   l’instar   des   Government Digital Service Design
Principles développés au Royaume-Uni (cf. encadré). Dans cette liste de principes,
figurerait par exemple la nécessité :
d’orienter  la  conception  des  services publics à partir des besoins et
des usages des utilisateurs des services publics, notamment ceux des plus
fragiles ;
de favoriser la co-conception   des   services,   l’itération,   l’agilité   et  
l’évolutivité ;
d’organiser  la  continuité  entre  les  services  publics en ligne et hors
ligne : penser les différents supports du service public (site web, application,
lieux  physiques)  de  manière  intégrée  afin  de  prendre  en  compte  l’intégralité  
du parcours usager.
LES GOVERNMENT DIGITAL SERVICES DESIGN PRINCIPES
AU ROYAUME-UNI
En 2012, le Royaume-Uni a mis en place une liste ouverte de principes
directeurs visant à guider le design des services publics numériques, comme la
nécessité de partir des besoins des usagers, d’utiliser les données lors de la
conception du service, de procéder par expérimentations, de proposer des
services ouverts, etc. Ces principes régissent la mise en place de services sur
la plateforme gov.uk, qui concentre un grand nombre de services publics
numériques et d’informations publiques. Si ces principes peuvent être une
source d’inspiration pour la conception des services publics français, la
centralisation des services publics numérique du Royaume-Uni sur la
plateforme gov.uk n’est pas exempte de critiques (diminution de la qualité des
informations et de la facilité d’utilisation des services, augmentation du coût
total…). Les politiques relatives aux services publics numériques ne peuvent
donc passer outre la nécessité de mener des études d’impact claires et de
prendre en compte le maintien d’une qualité de service.
Source : https://www.gov.uk/design-principles
http://www.theregister.co.uk/2015/02/18/the_inside_story_of_govuk/
LE DIGITAL SERVICES PLAYBOOK
AUX ETATS-UNIS
Le Digital Services Playbook a été développé suivant le modèle du guide du
Royaume-Uni. Il contient en plus de 13 principes directeurs, une liste des
questions opérationnelles et des prérequis (check-list) qui doivent guider le
design des services publics.
Source : https://playbook.cio.gov/
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AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
120
Pour chaque principe directeur, le guide pourrait comporter une liste indicative
des   questions   opérationnelles   nécessitant   d’être   posées,   des   prérequis   à  
respecter   lors   de   la   conception   d’un   service   public   numérique,   des  
exemples de bonnes pratiques dans le secteur public ou privé et des
propositions  d’outils  de  travail pour les agents.
Par exemple, pour permettre aux usagers de formuler leurs retours sur les
dysfonctionnements  et  de  proposer  des  pistes  d’amélioration  potentielles,  un bouton
d’accès   à   la   plateforme   Faire simple pourrait être intégré à tous les services
publics numériques, nationaux ou territoriaux (cf. encadré). Différentes méthodes de
travail pourraient être mobilisées en parallèle pour compléter les retours publiés sur la
plateforme,      comme   l’analyse   des   données   d’usage   des   services,   les   sondages, les
observations directes du terrain, etc.
LA PLATEFORME FAIRE SIMPLE
La plateforme Faire Simple est une plateforme collaborative de
simplification des démarches et de modernisation de l’action publique,
développée en 2013 par le SGMAP. Il s’agit d’un lieu d’échanges permettant aux
usagers de déposer des propositions pour simplifier l’action publique, de
concevoir collectivement des solutions (“La fabrique de solution”) et de se tenir
informés des mesures engagées.
Source : http://www.faire-simple.gouv.fr/
Ce guide pratique des services publics numériques pourrait être élaboré par un
panel multipartite sous la direction du Secrétariat Général à la
Modernisation  de  l’Action  Publique  (SGMAP).   Ce panel regrouperait à la fois
des  représentants  des  administrations,  de  l’État ou des collectivités, des laboratoires
d’innovation   publique   comme   La   27e   Région,   des   associations,   des   citoyens,   des  
acteurs privés, des spécialistes du design thinking, etc. Il pourrait   s’appuyer   sur   le  
retour  d’expérience  des  travaux  effectués  dans  le  cadre  de  l’initiative  100 % contacts
efficaces. Ce guide serait mis à disposition de manière ouverte en version
bêta, afin   d’intégrer   des   modifications   complémentaires   en   fonction   des  
retours  d’expérience.
Mettre en place des stratégies de diffusion
du design des services publics
Pour favoriser la diffusion du design des services publics, il est nécessaire de mettre en
place une stratégie à différentes échelles : nationale, locale et européenne.
Favoriser la diffusion du design dans les collectivités territoriales à
l’occasion   de   la   réforme   territoriale. La   création   d’institutions  
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AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
121
régionales nouvelles, dans le cadre de la réforme territoriale, fournit une
occasion unique de modification des processus de conception des services
publics et de redéfinition des compétences entre collectivités territoriales. À
cet égard, les processus de conception itératifs et centrés sur les usages
pourraient être largement diffusés lors de la reconfiguration et de la
mutualisation  des  services  régionaux.  Des  lieux  ouverts  dédiés  à  l’innovation  
publique dans les collectivités territoriales pourraient également être
instaurés.
Renforcer  l’implication  de  la  France  dans  le  plan  de  la  Commission  
en  faveur  de  l’innovation  par  le  design. La France devrait renforcer son
implication   dans   l’Action plan for Design-Driven Innovation, afin de
bénéficier à la fois des bonnes pratiques des autres États membres et des
fonds européens pour des projets innovants dans le secteur public. En effet, la
Commission  européenne  a  lancé  en  2013  un  plan  d’action  visant  à  favoriser  
l’innovation  guidée par le design pour le secteur privé ainsi que les politiques
et les services publics. Ce plan est dirigé par un consortium de labs
(notamment le Lab de La 27e Région, cf. encadré),  d’universités  et  de  centres  
de   design.   Il   s’appuie   sur   une   plateforme   européenne   de   l’innovation   par   le  
design (EDIP) Designforeurope63, qui permet la sensibilisation des décideurs
publics  à  l’innovation  par  le  design,  l’échange  de  bonnes  pratiques   entre  les  
acteurs   européens,   mais   également   l’accès   à   des   fonds   européens   pour  
financer  des  projets  d’innovation  par  le  design.
Renforcer le rôle d’accompagnement du SGMAP
au sein des administrations
Le   rôle   d’impulsion   du   SGMAP   devrait   être   renforcé   afin   de   diffuser   largement   les  
méthodes du design au sein des administrations. Dans cette optique :
le   détachement   d’une   équipe   resserrée   du   SGMAP,   spécialisée   en  
matière de transformation numérique, pourrait être systématisé
dans les différents ministères afin  d’accompagner  la  conception  de  nou-
veaux services aux usagers. À terme, les ministères pourraient également dé-
velopper leur propre équipe en interne ;
des laboratoires ouverts de co-création des services publics pour-
raient  être  développés  à  l’instar  de  la  27e  Région  à  l’échelle  interministérielle  
(cf. encadré).
63 http://designforeurope.eu/
DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS
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OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
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LA 27e
REGION
La 27e
Région est un laboratoire de transformation publique créé en 2009 et
constitué en association depuis 2012. Il est composé d’une équipe
pluridisciplinaire entourée de partenaires publics et d’un réseau de praticiens
issus du design, des sciences sociales, de l’architecture participative, des
sciences politiques, etc. La 27e
Région vise à redéfinir la manière dont sont
conçues et mises en œuvre les politiques publiques. Sa méthodologie consiste à
prendre pour point de départ les pratiques et les usages sur les territoires pour
concevoir des projets publics plus fonctionnels, moins coûteux, plus
ergonomiques et donc plus adaptés aux besoins des personnes.
Source : http://www.la27eregion.fr/
23. Développer la médiation autour des services publics
numériques
Dans   la   continuité   du   rapport   “Citoyens   d’une   société      numérique : accès, littératie,
pouvoir   d’agir”   (octobre   2013), le Conseil national du numérique affirme que le
développement de services numériques - qu’ils  soient  fournis  par  des  services  publics  
ou privés - alimentera des besoins durables en médiations humaines64 avec les
usagers, afin d’aider   les   usagers   à   s’emparer   des   fonctions   offertes.   Ces   pistes   sont  
développées dans le volet IV du présent rapport intitulé Solidarité, équité,
émancipation :  enjeux  d’une  société  numérique.
Les services publics sont concernés au premier chef par cet enjeu de médiation. Dans
un   contexte   de   dématérialisation   globale,   l’accompagnement   est   une  
condition pour préserver   l’égalité   d’accès   à   ces   services   et   aux   droits  
correspondants. Sans quoi, les publics fragiles subiront des difficultés accrues pour
accomplir des démarches essentielles telles que chercher un emploi, se soigner, se
loger, etc. La médiation répond donc à une exigence républicaine. De manière
générale, une continuité doit exister entre les guichets numériques et les guichets
physiques des services publics : en effet la numérisation ne doit pas conduire à
supprimer la médiation humaine pour les services publics.
La  délégation  pour  les  usages  de  l’internet  (DUI)  a  entrepris,  notamment  à  la  suite  de  
la   consultation   médiation   numérique   qu’elle   a   organisée,   de   renforcer   le   maillage  
territorial   et   l’outillage   des   instances   de   médiation   ainsi   que   la   formation, la
reconnaissance professionnelle et la mise en réseau des acteurs de la médiation
64 La médiation humaine est un accompagnement quotidien des usagers afin de les aider à
s’emparer  des  fonctions  offertes  par  le  développement  des  services  numériques  publics  ou  pri-
vés.
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AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
123
numérique, dans leur diversité. Le Conseil se félicite de ces avancées et souligne la
nécessité de :
Promouvoir et valoriser le rôle de médiateur des agents publics
De nombreux  agents  d’accueil  et  conseillers  occupent  déjà  des  fonctions  de  médiation,  
en plus de leurs missions quotidiennes. Ces démarches doivent être
encouragées, valorisées et outillées par les politiques publiques
numériques.  L’effort  de  valorisation  et  de  pérennisation des fonctions de médiation
numérique dans les services publics, devrait notamment se traduire en termes de
reconnaissance   professionnelle.   Les   référentiels   d’avancement   pourraient   utilement  
prendre en compte les compétences et expériences en médiation numérique acquises
de  façon  autonome  par  les  agents  d’accueil.
Symétriquement,   ces   acteurs   constituent   naturellement   un   “canal”  
précieux   de   remontée   d’expériences,   de   problématiques   et   bonnes  
pratiques pour les acteurs qui conçoivent les services publics. Ces
personnels doivent être considérés comme des interlocuteurs privilégiés pour la co-
construction initiale des services et, plus encore, pour leur amélioration continue (cf.
recommandation n°24).
Dans   un   souci   de   simplification   et   d’efficacité, les médiateurs numériques
doivent   être   formés   à   accompagner   l’usager   de   service   public   dans  
l’ensemble  de  ses  démarches  de  e-administration et non pas uniquement dans
leurs   démarches   liées   à   l’administration   dont   il   ou   elle   relève.   Par   exemple,   un  
médiateur   en   caisse   d’allocations   familiales   (CAF)   doit   pouvoir   expliquer   une  
démarche  d’actualisation  de  droits  auprès  de  Pôle  emploi  ou  d’obtention  d’une  fiche  
d’état  civil.
Encourager la constitution d’un réseau de médiateurs
Les premiers alliés des médiateurs de services publics se situent au sein
des nombreuses initiatives de terrain mises en place par la société civile :
médiateurs numériques dans les EPN (Espaces publics numériques), médiateurs du
lien social, éducation populaire, et plus particulièrement de  l’action  sociale  auprès  des  
publics fragilisés (migrants, précaires, ex-détenus).   L’État doit occuper un rôle
d’incitateur   et   de   facilitateur   de   cette   coopération   entre   les   différents   pôles   de   la  
médiation.
Le Conseil recommande à cet égard de poursuivre les efforts engagés afin de :
Coordonner les différents acteurs de la médiation au niveau local
et national, en   favorisant   l’identification   des   différentes   parties   prenantes  
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OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
124
aux activités de médiation et leur constitution en réseau. La coopération entre
les différents acteurs de la médiation et les services publics pourraient être ou-
tillée : certains contributeurs étaient par exemple demandeurs de fonctions de
partage  d’écran  à  distance,  entre  accompagnateurs  sociaux  et  référents  corres-
pondants au sein des   services   publics   (Caisse   d’allocations   familiales,   Pôle  
Emploi, etc.). Il pourrait également être prévu de mettre à disposition des mé-
diateurs  des  comptes  fictifs  utilisables  lors  d’ateliers  de  prise  en  main  de  ser-
vices dématérialisés (déclarations de revenus, etc.), pour respecter la confi-
dentialité de la situation financière des personnes.
Renforcer la collaboration entre les travailleurs sociaux et les mé-
diateurs numériques. Les espaces publics numériques pourraient consti-
tuer les lieux privilégiés permettant cette collaboration.65
L’agence  numérique  pourra  notamment  contribuer  à  la  production  de  grilles  d’analyse  
et  à  l’état  des  lieux  de  l’offre  de  médiation  sur  le  territoire  ainsi  qu’à  l’outillage  et  à  la  
mise  en  réseau  des  initiatives.  L’ensemble  de  ces mesures devraient accompagner le
déploiement des contrats de plan État-région (CPER).
Développer les maisons de services au public, lieux de médiation
Afin   d’assurer   une   présence   de   proximité   sur   tout   le   territoire,   compatible   avec   la  
contrainte budgétaire,   l’État pourrait favoriser une mutualisation des lieux, des
moyens  techniques,  voire   des  personnels  d’accueil,  à  la  fois  dans  des  lieux  d’accueil  
physique et dans des plateformes en ligne ou téléphoniques. À ce titre le Conseil
soutient le plan de déploiement de maisons de services au public (MSAP) sur le
territoire.66 Ces  lieux  permettent  en  effet  d’assurer  un  accompagnement  des  usagers,  
en fournissant une information et une orientation pour différents services publics.
Néanmoins le Conseil souligne que le rôle des maisons de services au public doit
intégrer également des objectifs plus généraux de développement de la littératie
numérique  et  d’autonomisation  des  usagers.  Les  liens  qu’entretiennent  ces  maisons  de  
services au public avec les tiers-lieux et les autres acteurs de la médiation sur les
territoires devraient également être renforcés.
Renforcer les exigences en matière d’accessibilité des services publics
Enfin,   en   matière   d’accessibilité,   les   services   publics   doivent   être   exemplaires.   La  
publication   du   référentiel   général   d’accessibilité   des   administrations   3.0,   encore   en  
version bêta, devrait être accompagnée de moyens de contrôle et de sanction plus
65 La cyber-base de Cenon est à ce titre un exemple de collaboration entre les travailleurs so-
ciaux et les médiateurs numériques.
66 Ce plan a été annoncé par le Gouvernement en 2013 et a pour objectif de généraliser le dispo-
sitif de maisons de services au public.
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OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
125
importants.   Un   agenda   d’accessibilité   des   services   publics   numériques   pourrait  
également être publié   par   l’État, afin de renforcer la visibilité des progrès de
l’accessibilité  des  sites  publics.
24. Encadrer l’utilisation et l’échange des données
personnelles détenues par l’administration
Dans le cadre de la dématérialisation des services publics, les acteurs publics sont
amenés à utiliser et à échanger de plus en plus de données personnelles des citoyens. Il
est nécessaire que ces usages soient encadrés afin de prévenir toute atteinte aux droits
et   libertés   fondamentaux   garantis   par   l’État de   droit.   L’utilisation   et   l’échange   de  
données confidentielles des entreprises doivent également être encadrés, de la même
manière que les données personnelles.
Encadrer l’échange d’informations dans le cadre du projet France
Connect - État plateforme
Le projet France Connect (cf. encadré), mené par la DISIC, a pour objectif de mettre
en  place  un  système  d’authentification  et  d’identification  unique  pour  les  démarches  
administratives   en   ligne,   et   à   faciliter   les   échanges   d’informations   entre   les  
administrations   par   une   architecture   dite   d’État-plateforme.   L’identifiant   France  
Connect permettrait en effet à chaque usager de fédérer plusieurs comptes sous un
identifiant  unique  et  donc  de  s’identifier  plus  facilement  auprès  des  administrations  
proposant des services en ligne.
LE PROJET FRANCE CONNECT -
ETAT PLATEFORME
La Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication
(SGMAP) a lancé en septembre 2014 un projet intitulé France Connect - État
plateforme. Ce projet a pour objectif de proposer un système d’identification
numérique unique et d’authentification permettant d’accéder plus facilement à
des services publics fournis par les administrations (CAF, impôts, sécurité
sociale, mairie etc.) et à terme à des services proposés par des acteurs privés. En
effet, l’architecture France Connect - État plateforme facilite et sécurise l’échange
de données entre les administrations afin de fournir à l’usager un service public
sans qu’il ait besoin de récupérer et de procurer des pièces justificatives. Ce
projet s’inscrit dans la continuité de l’unification, par décret d’août 2014, de la
gouvernance des systèmes d’information de l’État, sous l’autorité du Premier
ministre.
Source : http://www.action-publique.gouv.fr/projet-france-connect-systeme-d-
authentification-unique-pour-l-e-administration
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OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
126
L’architecture  France Connect - État plateforme sert notamment de support à la mise
en œuvre du programme de simplification des démarches administratives, le
programme Dites-le-nous une fois (cf. encadré). Dites-le-nous une fois vise à autoriser
les   administrations   à   s’échanger   directement   les   informations   nécessaires pour
délivrer un service public, et ainsi à diminuer la redondance des informations
transmises par les usagers.
LE PROGRAMME
DITES-LE-NOUS UNE FOIS
Le programme Dites-le-nous une fois, mis en place par la Direction de la
modernisation de l’action publique (SGMAP), est entré en vigueur pour certaines
démarches des entreprises et prochainement pour les particuliers. Le programme
repose sur quatre leviers de simplification :
L’échange des données entre les administrations : la sollicitation
directe de l’usager sera une exception ;
La réingénierie des formulaires : seules les informations réellement
utiles seront demandées ;
La dématérialisation des procédures : le traitement et la soumission
d’informations seront simplifiés ;
La confiance a priori : les pièces justificatives seront demandées
uniquement lorsqu’elles sont nécessaires, non détenues par
l’administration et au moment opportun (par exemple, en cas de
contrôle).
Source : http://www.modernisation.gouv.fr/les-services-publics-se-simplifient-et-
innovent/par-des-simplifications-pour-les-entreprises/dites-le-nous-une-fois-un-
programme-pour-simplifier-la-vie-des-entreprises
Si  le  Conseil  national  du  numérique  souligne  l’importance  du  projet  France Connect -
État plateforme tant du point de vue de son impact sur le fonctionnement interne des
administrations que sa valeur ajoutée pour la simplification des démarches des
usagers,   il   rappelle   que   cette   nouvelle   architecture   pour   l’échange   de   données   entre  
administrations doit :
Permettre à chaque usager de visualiser les échanges de données
entre  les  administrations  pour  la  délivrance  d’un  service,  ainsi  que  
leur durée de conservation ;
Prévoir   le   consentement   de   l’usager   par   défaut   pour   l’échange  
d’informations   personnelles   entre les administrations, sous ré-
serve  des  cas  d’échanges  sans  autorisation  prévus  par  la  loi  ou  par  
décret (cf. encadré).
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127
LES DIFFERENTS REGIMES D’AUTORISATION
POUR LES ECHANGES D’INFORMATION
ENTRE LES ADMINISTRATIONS
À l’heure actuelle, plusieurs régimes d’autorisation existent pour encadrer les
échanges d’informations personnelles entre les administrations :
Scénario 1 : Certains textes normatifs prévoient déjà l’échange massif
d’informations entre deux administrations sans autorisation de
l’usager. C’est le cas, par exemple, des échanges d’informations entre
les administrations de la sphère sociale et celles de la sphère fiscale.
Scénario 2 : Les textes normatifs prévoient que les administrations
peuvent échanger des données à l’occasion d’une démarche
administrative, mais les données ne sont pas fournies de manière
automatique d’une administration à l’autre. L’autorisation de l’usager
est nécessaire mais peut être implicite via les conditions d’utilisation
du service, par exemple.
Scénario 3 : Les textes ne prévoient pas explicitement les échanges
de données mais ne l’interdisent pas. Dans ce cas, il est impératif de
recevoir une autorisation explicite de l’usager pour procéder à tout
échange d’informations.
Le programme Dites-le-nous une fois vise à simplifier les démarches
administratives des entreprises. Pour ce faire, il favorise la dématérialisation des
procédures et la réingénierie des formulaires mais a également pour objectif de
faciliter l’échange de documents entre administrations en passant d’une
autorisation explicite pour l’échange de documents à une autorisation implicite
ou à une absence d’autorisation. Ce passage s’effectuera via une évolution des
textes réglementaires.
Le  Conseil  préconise  que  dans  le  cadre  de  l’extension  de  France Connect à des services
fournis par des acteurs privés, aucune transmission automatique de
documents à des acteurs privés ne puisse être effectuée sans le
consentement   explicite   de   l’usager : l’autorisation   implicite,   via   les   conditions  
générales  d’utilisation, ne peut être suffisante.
Appliquer le principe d’autodétermination informationnelle aux données
personnelles détenues par l’administration, sous réserve de certaines
spécificités propres à la puissance publique
Dans   le   cadre   de   l’utilisation   de données personnelles des individus par
des services privés, le Conseil national du numérique est favorable à la
reconnaissance   d’un   droit   à   l’autodétermination   informationnelle (cf.
recommandations 4 et 5 du volet I) dont la définition a été précisée par le Conseil
d’État   dans   son   étude   annuelle   sur   “Le numérique et les libertés fondamentales67”  
(septembre 2014). Ce  droit  à  l’autodétermination  implique  que  chaque  individu  puisse  
67 Le  droit  à  l’autodétermination  informationnelle  vise  à    “renforcer  la  place  de  l’individu  dans  
le droit à la protection de ses données pour lui permettre de décider de la communication et de
l’utilisation  de  ses  données  à  caractère  personnel”.  Conseil  d’Etat,  Rapport  annuel  sur  “le  nu-
mérique  et  les  libertés  fondamentales”,  de  septembre  2014  
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avoir  accès  à  ces  données  et  qu’ils  puissent  les  lire,  les  modifier,  les  effacer, choisir ce
qu’ils  veulent  en  faire  et  décider  des  services  qui  y  ont  accès.
Le   Conseil   considère   que   le   principe   d’autodétermination  
informationnelle,   opposable   aux   acteurs   privés,   devrait   s’appliquer   de  
manière différenciée aux administrations. En effet, le principe
d’autodétermination   informationnelle   ne   peut   ouvrir   les   mêmes   droits   pour   les  
individus   que   ceux   prévus   dans   le   cadre   de   la   délivrance   d’un   service   privé,   afin   de  
garantir  le  respect  des  principes  directeurs  du  service  public  et  l’exercice  de certaines
prérogatives de la puissance publique :
Les  contraintes  pesant  sur  l’administration  ne  doivent  pas  entraver  
le bon fonctionnement des services publics,  afin  de  respecter  l’exigence  
de continuité du service public ;
La mise en œuvre du droit à l’autodétermination  informationnelle  
doit prendre en compte certaines prérogatives propres à la puis-
sance publique.
Ainsi,   la   reconnaissance   d’un   droit   à   l’autodétermination   informationnelle   sur   les  
données  personnelles  détenues  ou  collectées  par  l’administration se traduirait non pas
par un droit absolu de modification, suppression ou autorisation de réutilisation, mais
par :
Un  droit  d’accès  et  de  visualisation  des  données ;
Un droit de demander le cas échéant la correction des données, sous réserve
de justification ;
Un  droit  d’autoriser  certains  flux  de  données  entre  les  administrations  (cf. su-
pra) ;
Un  droit  éventuel  à  demander  l’effacement  de  certaines  données,  dans  le  cadre  
d’une  procédure  spécifique.
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Le  droit  à  l’autodétermination  informationnelle  pourrait  se    matérialiser  par  la  mise  en  
place de différentes fonctionnalités (cf. encadré). Les administrations devraient
permettre à chaque usager des services publics de visualiser les données le concernant
détenues   par   les   administrations   ainsi   que   d’accéder   à   ces   données.   Le   Conseil  
national  du  numérique  propose  de  s’inspirer  de  l’initiative  américaine  du  Blue Button
qui   permet   aux   usagers   d’accéder   et   de   télécharger   leurs   données   personnelles   de  
santé.
Les différents espaces personnels, propres à chaque thématique de service
public numérique (cf. recommandation n°25) pourraient proposer, à terme,
une  fonctionnalité  permettant  de  suivre  et  de  contrôler  l’usage  qui  est  fait  
de ses données personnelles, en prenant la forme de PIMS (Personal
Information Management System)68. Cela permettrait aux usagers de :
de visualiser les données les concernant détenues ou produites par les admi-
nistrations ;
de  visualiser  l’historique  des  échanges  de  données  le  concernant  entre admi-
nistrations ;
de télécharger ces données ;
de connaître la durée de conservation des données par les administrations.
LA CITOYENNETE
ELECTRONIQUE EN ESTONIE
Dans la continuité de son accès à l’indépendance en 1991, l’Estonie s’est lancé
dans la refonte de leur administration et le développement de ses propres
infrastructures réseaux. Au début des années 2000, elle a mis en place un
système de citoyenneté électronique qui repose sur un identifiant unique,
constituant la clé d’accès à un ensemble de démarches et de services en ligne
depuis un support connecté. L’Estonie s’est dotée d’une architecture technique
(X-Road) qui garantit l’identification et l’authentification d’une personne
physique grâce à un certificat électronique émis par une carte d’identité
électronique. À l’heure actuelle, ce système est fortement utilisé : plus de 90 %
de la population estonienne possède une carte d’identité électronique et
l’architecture X-Road permet d’accéder à près de 2000 services, proposés par
plus de 900 organisations publiques ou privées. L’État estonien reconnaît en
outre les signatures numériques pour les documents en ligne.
Pour accompagner la mise en place de ce dispositif, l’État estonien a instauré
un cadre strict de gestion des données. D’une part, les citoyens peuvent
télécharger certaines données les concernant. D’autre part, ils disposent d’un
registre détaillant la date et l’heure de consultation de ces données. En cas de
litige, ils peuvent formuler une plainte auprès d’un médiateur rattaché à
68 Les  PIMS,  “Personal  Information  Management  Systems”,  aussi  nommés  “clouds  personnels”,  
qui visent à reconstituer pour les individus des espaces de gestion de leurs données personnelles
sécurisés  et  indépendants  des  plateformes  dont  le  modèle  économique  repose  sur  l’exploitation  
de ces données.
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AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
130
l’Inspection de la protection des données, une agence indépendante sous
l’autorité du ministère de la Justice. Ce dispositif trouve son fondement dans la
Constitution estonienne de 1992 qui garantit le droit à la vie privée, au secret
des communications et à la protection des données.
Sources :
http://www.mckinsey.com/insights/public_sector/innovation_in_government_i
ndia_and_estonia
https://www.ria.ee/public/x_tee/X-road-factsheet-2014.pdf
http://www.renaissancenumerique.org/images/stories/estonie_renaissancenu
merique_vdef%201.pdf
Encadrer la réutilisation des données personnelles par les
administrations
La  loi  relative  à  l’informatique,  aux  fichiers  et  aux  libertés  du  6  janvier  1978  prévoit  
que certains traitements de données réalisés par des organismes publics doivent
nécessairement  recueillir  l’avis  de  la  CNIL  (cf. articles 26 et 27 de la loi informatique
et libertés). À cet égard, le Conseil national du numérique rappelle de :
La multiplication des données personnelles des usagers détenues
par les administrations ne doit pas conduire à des croisements
abusifs ;
Garantir  l’anonymisation  des  données  personnelles  collectées  par  
l’administration   dans   le   cadre   de   leur   diffusion   en   open data. (cf.
recommandation n°26)
Le   Conseil   soulève   également   plusieurs   enjeux   relatifs   à   l’utilisation   des   données,  
appelant à une instruction approfondie :
Le  contrôle  de  la  CNIL,  qui  intervient  aujourd’hui  en  amont,  sur  les  
projets de services publics numériques, doit évoluer pour prendre
en compte leurs nouveaux modes de conception. En effet, ils peuvent
être constitués par des API ouvertes aux modifications : les pratiques poten-
tielles, notamment au regard des données publiques, ne sont donc pas toutes
connues lors du lancement du service.
Les modes de conservation des données (formats de fichier, exi-
gences de qualité) doivent être définies, notamment au niveau juri-
dique et technique, afin  de  permettre  la  constitution  d’archives  intègres  et  
lisibles et de favoriser l’utilisation   de   documents   numérisés   comme   preuves  
fiables lors de procédures judiciaires.
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AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
131
25. Favoriser la création d’espaces numériques personnels pour
visualiser ses démarches et stocker ses documents administratifs
Le   système   d’identification   France Connect pourrait également être le moyen
d’accéder  à  des  espaces  de  visualisation  des  démarches  administratives  et  de  stockage  
en ligne de documents administratifs afin de faciliter les relations entre les
administrations et les usagers. Dans cette optique, le Conseil propose de :
Favoriser l’émergence d’espaces personnels thématiques pour les
services publics en ligne
Un  grand  nombre  de  contributeurs  ont  souligné  la  nécessité  d’unifier  et  de  simplifier  
la visualisation des démarches administratives, ainsi que   d’améliorer   la   prise   de  
contact avec les agents du service public. Afin de répondre à cette demande croissante,
le   Conseil   s’interroge   sur   la   mise   en   place   d’espace(s)   personnel(s)   numérique(s)  
permettant   d’accéder   et   de   suivre   en   temps   réel   ses   démarches administratives en
ligne.
En   premier   lieu,   le   Conseil   considère   que   la   mise   en   place   d’un   espace   personnel  
unique  ne  constitue  pas  nécessairement  une  solution  optimale  pour  faciliter  l’accès  des  
citoyens à leurs démarches administratives. En effet, cette approche ne prend pas en
compte  le  fait  que  l’utilisation  d’un  espace  personnel  dépend  d’un  “scénario  d’usage”,  
c’est-à-dire  des  besoins  de  l’usager  exprimés  dans  le  cadre  d’une  démarche  précise,  à  
un moment donné de son parcours administratif. De plus,  la  mise  en  place  d’un  espace  
personnel unique conduirait à une refonte des sites administratifs proposant des
services  en  ligne  à  partir  d’un  site  unique  (à  l’instar  du  site  gov.uk au Royaume-Uni),
ce qui serait techniquement complexe et entraînerait des coûts importants pour les
pouvoirs publics.
Afin   de   faciliter   l’accès   des   citoyens   aux   démarches   en   ligne   ainsi   que   leur   suivi,   le  
Conseil recommande de favoriser le développement d’espaces   personnels  
thématiques (comme  l’espace  CAF   pour  les  aides  sociales,  l’espace  Améli  pour  les  
démarches   d’Assurance   maladie,   l’espace   impots.gouv.fr, etc.) en veillant à leur
articulation  et  cohérence  d’ensemble.
Ces espaces personnels pourraient être   accessibles   avec   l’identifiant   France
Connect (cf. encadré France Connect - État plateforme).
Ces  espaces  personnels  serviraient  d’interfaces  de  visualisation  des  démarches    
et  des  échanges  en  cours  entre  le  citoyen  et  l’administration  concernée.  Pour
chaque  démarche  seraient  indiqués  l’étape  de  la  démarche  en  cours  et  le  ser-
vice administratif en charge de cette étape, la personne à contacter au sein de
l’administration   instruisant   la   demande   ainsi,   les   documents   déjà   échangés  
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AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE
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OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
132
entre les administrations et les documents nécessaires à la poursuite de la dé-
marche. À plus  long  terme,    cet  espace  pourrait  permettre  à  l’usager  de  visuali-
ser, de contrôler et de télécharger les différentes données le concernant déte-
nues  par  l’administration  (cf. recommandation n°24)
Encourager le développement de coffres-forts numériques publics ou
privés à partir de l’identifiant France Connect, respectant des règles
communes de sécurité et de design
Le Conseil national du numérique soulève plusieurs enjeux relatifs aux coffres-forts
numériques,   c’est-à-dire des espaces de stockage en ligne destinés à conserver des
documents numériques de manière sécurisée.
Il  s’agit  tout  d’abord  de  mieux  évaluer  la  demande  de  coffre-fort numérique
des individus pour stocker leurs documents administratifs à caractère person-
nel.  Cela  implique  de  s’interroger  sur  leurs  usages  pour  déterminer  si  la  mise  à  
disposition  d’un  coffre-fort répond à un besoin réel ;
Se   pose   ensuite   la   question   de   déterminer   s’il   est   de   la   responsabilité   de   la  
puissance publique de fournir un coffre-fort numérique public à tous les ci-
toyens ou bien à certains segments de la population selon des conditions défi-
nies. À l’heure  actuelle,  différents  projets  de  coffres-forts numériques publics
ont été annoncés, notamment à destination des personnes en situation de pré-
carité et/ou de forte mobilité.
D’autre  part,  la  mise  en  place  de  coffres-forts publics ou privés soulève des enjeux de
sécurité pour le stockage des données personnelles. De véritables garanties devraient
être définies.   Dans   l’hypothèse   d’un   développement   des   coffres-forts numériques à
partir  de  l’identifiant  France Connect, le Conseil national du numérique recommande :
d’instaurer   des   standards   de   sécurité,   de   design   et  
d’interopérabilité  pour  les  coffres-forts numériques publics. En ef-
fet,  le  Conseil  juge  opportun  d’unifier  les  règles  de  conception  de  ces  coffres-
forts  et  de  favoriser  leur  interopérabilité  afin  d’éviter  que  l’éventuelle  multipli-
cation des coffres-forts ne soit un facteur de complexification des démarches
pour  l’usager.    
de prévoir un agrément pour les coffres-forts numériques privés.
Cela   suppose   de   conditionner   l’intégration   des   coffres-forts numériques à
France Connect au respect de critères précis, assurant notamment le respect
de la vie privée des usagers, des conditions de sécurité importantes et une lo-
calisation   des   centres   d’hébergement   des   données   sur   le   territoire   d’un   État
membre  de  l’Union  européenne.
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AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
133
De manière plus générale, le Conseil national du numérique insiste sur le fait que
l’ensemble  des  outils  numériques  utilisés  par  les  administrations  devrait  répondre  à  
des   exigences   communes   de   sécurité,   d’indépendance   et   de   soutenabilité  
environnementale. À cet  égard,  l’État pourrait financer ou encadrer le développement
d’outils  répondant  à  ces  exigences  s’ils  ne  sont  pas  déjà  disponibles.
DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE
D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
134
Donner une nouvelle ambition
à la stratégie d’ouverture
des données publiques
La   transposition   de   la   directive   2013/37/UE   dite   “directive   PSI”69 est   l’occasion   de  
réaffirmer   les   engagements   de   la   France   en   matière   d’ouverture   des   données  
publiques, près de quatre ans après la création de la mission Etalab. À cet égard, le
Conseil   national   du   numérique   rappelle   l’importance   de   développer   une   stratégie
politique  ambitieuse  en  matière  d’ouverture  des  données  publiques  dans  la  continuité  
des   dernières   avancées   à   l’échelle   locale   et   nationale   (plateforme   data.gouv.fr,
nomination  d’un  Administrateur  général  des  données,  etc.)
L’ouverture  des  données  publiques ne constitue pas une fin en soi, mais un levier en
faveur  de  la  transparence  démocratique  et  de  l’innovation  économique  et  sociale.  Elle  
répond en effet à une exigence démocratique et constitue un puissant vecteur de
modernisation   de   l’action   publique,   pour   davantage   d’efficacité   et   d’efficience.   Elle  
participe  en  outre  au  développement  de  l’économie  numérique  et  à  la  constitution  d’un  
écosystème innovant autour de la donnée.
Le   développement   d’une   stratégie   d’open data implique de définir une véritable
gouvernance  des  données  publiques  c’est-à-dire  l’ensemble  des  règles,  d’acteurs  et  de  
procédures pour animer et encadrer la circulation des données. Le Conseil soulève à
cet égard plusieurs enjeux :
Tout  d’abord,  le  développement  de  la  stratégie  open data implique de clarifier
les   obligations   et   les   conditions   d’ouverture   des   données   (recommandation
n°26). Le Conseil soutient que la gratuité des données publiques devrait être
affirmée   comme   un   objectif   général,   en   ce   qu’elle   permet   à   toute   personne  
d’accéder  facilement  aux  données  pour   exercer  son  droit  à  l’information  sur  
l’action  publique  et  innover.  De  manière  générale,  la  gratuité  des  données  pu-
bliques  permet  d’augmenter  la  valeur  ajoutée  globale  en  facilitant  la  création  
de nouveaux produits et services,  et  en  renforçant  l’attractivité  économique  du  
territoire  pour  les  grands  acteurs  économiques.  L’affirmation  de  l’objectif  de  
gratuité des données publiques ne peut néanmoins conduire les acteurs pu-
69 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2013:175:0001:0008:FR:PDF
DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE
D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
135
blics à abandonner toute capacité à réguler et structurer certaines filières, en
prévoyant à titre exceptionnel et dans un cadre contrôlé certaines contrepar-
ties ;
D’autre  part,  le  Conseil  rappelle  la  nécessité  de  garantir  l’effectivité  du  droit  
d’accès   aux   documents   administratifs   contenant   des   données   publiques (re-
commandation n°28). Cela implique de mieux accompagner les individus
dans  la  formulation  de  leur  demande  d’accès  et  de  s’assurer  de  l’efficacité  des  
voies de recours en repensant le système existant, notamment pour prendre en
compte les nouvelles exigences  de  l’open data.
Le   Conseil   souligne   que   si   l’ouverture   des   données   concerne   prioritairement   les  
données publiques, certaines  données  détenues  par  des  acteurs  chargés  d’une  mission  
de service public (EPIC, etc.) ou des acteurs privés peuvent également concourir à
l’exercice   d’un   objectif   d’intérêt   général.   Sans   se   prononcer   sur   un   éventuel   statut  
juridique  de  ces  données,  le  Conseil  recommande  d’étudier  au  cas  par  cas  leur  possible  
ouverture  en  veillant  au  respect  des  droits  fondamentaux  et  à  l’équilibre des intérêts
entre les parties prenantes (recommandation n°29).
26. Opter pour une ouverture par défaut des données
publiques, avec un objectif général de gratuité
Dans le cadre de la transposition de la directive PSI en droit français, le Conseil
recommande  de  généraliser  la  mise  à  disposition  des  données  publiques  et  d’autoriser  
leur réutilisation à des fins privées ou commerciales, avec des contraintes juridiques,
techniques ou financières proportionnées.
Instaurer  une  obligation  d’ouverture  par  défaut  des  données  publiques,  en  prévoyant  
des garanties techniques et qualitatives pour en faciliter la réutilisation par des tiers.
Inscrire   le   principe   d’ouverture   par défaut des informations publiques
dans la loi.
Le Conseil rappelle la nécessité de donner une valeur légale au principe
d’ouverture   par   défaut   des   informations   publiques   détenues   et/ou  
collectées par des organismes du secteur public dans le cadre de leur
mission de service public administratif, sauf exceptions prévues dans le cadre
de la directive (cf. encadré).
En ce qui concerne le périmètre des informations publiques concernées par la directive
PSI, il serait opportun de clarifier  les  obligations  d’ouverture et de préciser
l’étendue  du  périmètre  des  organismes  du  secteur  public  concernés.
DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE
D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
136
- Le  principe  d’ouverture  s’applique  de  fait  pour  les  administrations centrales
et  services  déconcentrés  de  l’État,  ainsi  qu’aux  établissements  publics
exerçant une mission de service public administratif ;
- Le  principe  d’ouverture  devrait  s’appliquer  pleinement  aux  collectivi-
tés territoriales. À cet  égard,  le  Conseil  souligne  l’importance  stratégique  de  la  
définition et des éventuelles requalifications des missions des collectivités en mis-
sions de service public administratif, dans le cadre des discussions sur la loi por-
tant nouvelle organisation territoriale de la République ;
- À long terme,  ce  principe  d’ouverture  des  données  publiques  devrait  
également   s’étendre   aux   données   collectées   et/ou   produites   dans   le  
cadre  de  l’exécution  d’un  marché  public. Le Conseil préconise de générali-
ser les clauses open data dans les marchés publics rendant obligatoire la publica-
tion  des  données  produites  dans  le  cadre  de  l’exécution  de  ce  marché.  Certaines  
collectivités comme la Ville de Paris ont, par ailleurs, déjà mis en place des clauses
open data pour la passation de marchés publics.
LES INFORMATIONS DU SECTEUR PUBLIC
CIBLEES PAR LA DIRECTIVE PSI
La directive 2013/37/UE du 26 juin 2013 modifiant la directive 2003/98/CE
concernant la réutilisation des informations du secteur public propose un cadre
juridique harmonisé à l’échelle de l’Union européenne pour la réutilisation des
données publiques. Les règles d'ouverture sont renvoyées à la compétence des
États membres
La directive prévoit la réutilisation des informations détenues par des
organismes du secteur public dans le cadre de l’exercice de leur
mission de service public administratif. Par conséquent, les
informations détenues dans le cadre d’une mission de service public
industriel et commercial en sont exclues.
La directive prévoit un certain nombre de domaines pour lesquels la
directive ne s’applique pas et pour lesquelles les règles nationales
prévalent, notamment les informations publiques non accessibles
pour des motifs de sécurité nationale ou de confidentialité
commerciale, celles dont l’accès est limité conformément aux règles
d’accès en vigueur, et celles dont l’accès est exclu ou limité pour des
motifs de protection des données à caractère personnel. La directive
prévoit également une dérogation complète pour tous les
établissements culturels et de recherche à l’exception des
bibliothèques universitaires, bibliothèques, musées et archives.
Source : Directive 2013/37/UE
DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE
D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
137
Ouvrir en priorité les données de référence et instaurer une
infrastructure  informationnelle  publique  à  l’échelle  nationale
Le  fonctionnement  de  l’État repose sur un ensemble de données de référence de
grande qualité, connectées entre elles et très fréquemment utilisées. Le Conseil
recommande de :
- Identifier ces données de base (dites données pivots70) à partir
d’une   liste   élaborée   à   l’échelle   nationale.   Ces données devraient faire
l’objet  d’une  ouverture  prioritaire,  échelonnée  dans  le  temps.  (cf. encadré sur
le  plan  d’action du Danemark Basic data for everyone)
LE PROGRAMME BASIC DATA FOR EVERYONE
(DANEMARK, 2012)
Le Danemark a lancé le programme Basic data for everyone en 2012. Ce
programme inclut le registre des entreprises, le cadastre, le registre des
individus, les cartes topographiques, ainsi que la base des adresses. Excepté le
registre des individus, l’ensemble des données sera progressivement mis à
disposition en open data. Considérant ces registres clés comme stratégiques,
le Danemark a fait le choix du financement public comme principal ressource.
Le pays prévoit un bénéfice net pour le secteur public de 34 millions d’euros
par an d’ici 2020 et un gain économique de 100 millions d’euros pour les
secteurs public et privé cumulés.
Source : PowerPoint Basic data for Everyone
- Bâtir une infrastructure informationnelle nationale en se dotant de
référentiels  pour  les  bases  de  données  pivot,  faisant  autorité  à  l’échelle  
internationale. Ces référentiels constituent un système de registres-clés qui
forme une infrastructure informationnelle publique. La mise en place  d’une  telle  
infrastructure représente :
-­‐ Un  enjeu  d’efficacité  pour  les  politiques  publiques.  En  effet,  elle  
permet  de  réduire  les  coûts  structurels  de  l’infrastructure  grâce  à  
la suppression des bases de données redondantes et
l’amélioration  de  la  qualité des registres, de diminuer les
procédures administratives et de réaliser des gains sociaux -
économiques  à  travers  l’innovation  à  partir  des  données  pivot ;
-­‐ Un  enjeu  de  souveraineté.  Il  s’agit  de  garder  la  capacité  de  donner  
une description numérique du réel et de produire une information
70 Les « données pivot » ou « données de référence » sont des données considérées comme
identifiantes pour nommer ou identifier des produits, des entités économiques, des territoires
ou des acteurs (personnes physiques et morales). Ces référentiels sont indispensables pour lier
des bases de données de nature hétérogène et construire une architecture informationnelle
unifiée au niveau national. Cela permettrait de donner sa pleine efficacité au projet du web des
données (Linked Open Data).
DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE
D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
138
d’autorité,  dans  un  environnement  concurrentiel  croissant  
(montée en puissance des acteurs privées spécialisés dans le big
data, concurrence internationale, etc.).
- Développer des modes de gouvernance collaboratifs pour la cons-
titution  et  l’entretien  de  ces  référentiels,  afin  de  garantir  la  péren-
nité   de   l’infrastructure   informationnelle. En effet, les référentiels ac-
tuels se sont parfois complexifiés et restent cloisonnés, ce qui conduit à des
productions fragmentées  et  incomplètes.  Le  Conseil  recommande  d’ouvrir  ces  
référentiels   et   d’en   faire   des   ressources   communes   collaboratives   en  
s’inspirant  de  la  constitution  de  la  Base  d’Adresse  Nationale  (cf. encadré). Les
bases de données pourraient ainsi être valorisées gratuitement par les contri-
butions des différents acteurs, publics ou privés, institutionnels ou citoyens.
LA CONSTRUCTION COLLABORATIVE
DE LA BASE D’ADRESSE NATIONALE (BAN)
À l’occasion de la Semaine de l’innovation publique (novembre 2014), l’Institut
National de l’Information Géographique et Forestière (IGN), La Poste,
l’association OpenStreetMap France et la mission Etalab ont lancé la constitution
d’une Base Adresses Nationale (BAN). Cette base a pour objectif d’associer à
chaque adresse recensée sur le territoire français des données géographiques.
Cette base sera notamment constituée à partir de la base adresse commune de
La Poste, de l’IGN et de la DGFIP (25 millions d’adresses), puis enrichie par les
données produites par les administrations et nourrie des contributions
citoyennes. Un nouveau guichet ouvert permettra aux citoyens et aux entreprises
de contribuer et d’utiliser cette base. Bien commun essentiel et accessible à tous,
la Base Adresse Nationale est depuis avril 2015 disponible gratuitement en
licence de repartage, c’est-à-dire imposant aux réutilisateurs d’y contribuer.
Source https://www.etalab.gouv.fr/acteurs-publics-et-societe-civile-sassocient-
pour-la-constitution-dune-base-adresse-nationale-ban-collaborative
Veiller à la qualité de la mise à disposition des informations
publiques, sous des formats libres et interopérables.
La directive PSI précise les conditions de mise à disposition des informations
publiques. Elle spécifie que les informations doivent, dans la mesure du possible,
être  diffusées  sous  des  formats  “ouverts  et  lisibles  par  machine”  et  accompagnées
de leurs métadonnées. Afin de respecter cette exigence, le Conseil souligne la
nécessité de :
- Renforcer les exigences sur les formats utilisés pour la transmis-
sion des informations publiques ;
- Définir un référentiel pour la mise à disposition des informations
sous des formats libres et interopérables, en   s’appuyant   par   exemple  
DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE
D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
139
sur  l’expertise  de  la  Direction  Interministérielle  des  Systèmes  d’Information  et  
de  Communication  (DISIC)  et  d’Etalab.  À l’échelle  européenne,  des  recherches  
devraient être lancées  en  vue  d’une  harmonisation des référentiels nationaux ;
- Accompagner les données de leurs métadonnées, notamment celles
concernant les licences de réutilisation, afin de renforcer la sécurité juridique
des réutilisateurs.
Mettre en place de fortes garanties   pour   l’anonymisation   des  
données publiques présentant un caractère réidentifiant
Le Conseil rappelle la nécessité de garantir l’anonymisation   des   données  
publiques identifiantes comme les données publiques de santé, dans le cadre
de leur diffusion en open data.
- Mettre   en   place   des   standards   d’anonymisation   et   des   pôles  
d’expertise  relatifs  à  l’anonymisation  dans  chaque  ministère, afin de
garantir une diffusion anonymisée des données en open data.
- Garantir   le   respect   de   l’anonymisation   des   données placées en
open data lors de leur réutilisation en créant une licence spécifique
pour les données anonymisées. Cette licence contiendrait plusieurs
clauses  comme  l’obligation  de  mentionner  le  fait  que  le  jeu  de  données  a  fait  
l’objet   d’une   anonymisation,   l’interdiction   des   recoupements   d’informations  
anonymisées ou toute autre pratique permettant de rendre ces données identi-
fiantes,  l’engagement  de  la  responsabilité  du  réutilisateur,  du  fait  de  pratiques  
de croisement des données anonymisées.
Réaffirmer le principe de gratuité des données publiques comme objectif
général, en autorisant au “cas par cas” certaines contreparties dans un
cadre contrôlé.
Les données publiques constituent des biens communs, ouverts à une libre
réutilisation dans les limites imposées par la loi (cf. article 12 de la loi CADA). Pour en
faciliter  la  réutilisation,  le  Conseil  est  d’avis  de  poser  un  objectif  général  de  gratuité,  en  
autorisant au cas par cas des contreparties.
Fixer un objectif général de gratuité des données publiques dans
une  logique  d’efficacité
Le potentiel des données publiques en matière de transparence démocratique, de
développement  économique  et  d’innovation  sociale  justifie  le  fait  qu’on  s’engage  vers  
un modèle de gratuité des données publiques. Le Conseil propose de reconnaître cet
objectif général de gratuité.
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D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
140
Le Conseil rappelle que le principe de gratuité doit être pensé de manière
pragmatique, d’une  part  en  encadrant  les  exceptions  à  ce  principe,  et  d’autre  part  en  
développant une stratégie sur les externalités  positives  liées  à  l’ouverture  gratuite  des  
données  publiques.  Dès  lors,  il  s’agit  de :
- Penser des modèles soutenables de financement, production et
mise à disposition des données et accompagner la transition des modèles
économiques des organismes producteurs de données ;
- Faire  levier  sur  l’ouverture  gratuite  des  données  pour  générer  des  gains  éco-
nomiques et sociaux ;
- Renouveler   les   modalités   d’intervention   de   l’action   publique   à  
partir de nouveaux usages autour de la donnée. En ouvrant gratuite-
ment  ses  données,  l’administration  peut  elle-même susciter leur réutilisation
et leur enrichissement par des acteurs tiers. Les acteurs publics gagneraient à
s’approprier  ces  nouveaux  usages  pour  valoriser  leurs  données  et  adapter  les  
politiques publiques  qu’ils  conduisent.
LE RAPPORT TROJETTE
ET LE PRINCIPE DE GRATUITE
Le rapport Trojette (novembre 2013) sur “l’ouverture des données publiques, les
exceptions au principe de gratuité sont-elles toutes légitimes ?”, montre que les
redevances liées à la commercialisation des données s’élèvent à 35 M€ en 2012
et que ces ressources sont très concentrées. L’INSEE et l’IGN reçoivent 10 M€
chacun tandis que le Ministère de l’intérieur perçoit environ 4 M€.
Plusieurs arguments plaident en faveur d’un recours limité aux redevances :
Le fait que le modèle économique de certaines administrations repose
en grande partie sur les redevances pose la question de la dépendance
du financement public à des acteurs privés et donc de sa pérennité.
Les redevances sont autant de barrières à l’entrée pour les
réutilisateurs potentiels les moins dotés (start-ups, citoyens). Cette
situation est préjudiciable par rapport à l’objectif des politiques d’open
data, qui est de favoriser les externalités positives de l’utilisation des
données publiques pour la société et l’économie. De plus les
expériences étrangères montrent que les gains sociaux et
économiques pour la collectivité dépassent largement les coûts
d’investissement dans la politique de mise à disposition des données.
Source : http://www.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/fichiers-
attaches/20131105-rapporttrojetteannexes.pdf
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141
Permettre à certains organismes publics de recourir, à titre
exceptionnel et dans un cadre contrôlé, à des redevances
Le  recours  aux  redevances  doit  demeurer  un  régime  d’exception.  Il  doit  être  justifié  à  
rythme régulier par des impératifs économiques substantiels, et encadré par la loi. À
cette fin, le Conseil recommande de :
- Renforcer la transparence des redevances : il est essentiel de publier
en avance et sous format électronique les tarifs des redevances, les conditions
applicables et le revenu réel provenant des redevances. En parallèle, les études
d’impact  économique  justifiant  le  recours  à  la  redevance  devraient   être ren-
dues publiques ;
- Moduler le montant des redevances dans le respect des plafonds
fixés par la directive (cf. encadré), en fixant un nombre limitatif de
critères comme  la  dépendance  économique  de  l’organisme  producteur  de  la  
donnée à cette source de financement et les efforts engagés dans la transition
de  leur  modèle  économique,  le  coût  d’entretien  de  la  donnée,  etc.  Le  montant  
de la redevance pourrait être corrélé positivement au volume de données mis à
disposition  ainsi  qu’à  leur  valeur  ajoutée  potentielle. Il pourrait également va-
rier selon le type de réutilisateur et les critères de valeur ajoutée de la plate-
forme de mise à disposition (cf. encadré sur le rapport Trojette). Ces critères
d'autorisation seraient limitatifs et appréciés par un organisme ad hoc, sollici-
tés  dans  le  cadre  d’un  avis.
- En cas de contentieux, des procédures de recours devraient être
prévues.
L’ENCADREMENT DES REDEVANCES PREVU
PAR LA DIRECTIVE PSI DU 27 JUIN 2013
La directive PSI pose comme principe général que les redevances doivent être
limitées aux coûts marginaux. Elle prévoit néanmoins des exceptions. Compte-
tenu de la nécessité de ne pas entraver le fonctionnement normal des organismes
du secteur public qui sont tenus de générer des recettes destinées à couvrir une
part substantielle de leurs coûts liés à l’exécution de leurs missions de service
public ou des coûts liés à la collecte, production ou diffusion de leurs documents,
la directive précise que ces organismes pourront imposer des redevances
supérieures aux coûts marginaux, mais ne dépassant pas les coûts afférents à la
collecte, production, reproduction et diffusion.
Source : Directive 2013/37/UE .
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142
LES PROPOSITIONS DU RAPPORT TROJETTE
SUR L’ENCADREMENT DES REDEVANCES
Le rapport de Mohammed Adhène Trojette propose de moduler les redevances
dans la limite du coût marginal, suivant le type de réutilisateur et des critères
de valeur ajoutée de la plateforme :
Espace de gratuité : pour les citoyens et pour les sociétés en phase
d’amorçage
Espace payant : pour les entreprises en consolidation et les
entreprises établies suivant la valeur ajoutée de la plateforme. Les
critères de valeur ajoutée de la plateforme sont les suivants :
volume de transactions sur la plateforme, volume des accès
concurrents souhaités, fraîcheur des données, débit maximal
accordé au réutilisateur, type de licence accordée
Source : http://www.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/fichiers-
attaches/20131105-rapporttrojetteannexes.pdf
Prévoir  au  “cas  par  cas”  des  contreparties  non-financières pour la
réutilisation des données publiques, en prévoyant un système de
double-licence
L’ouverture   des   données   publiques   peut   s’accompagner   de   contreparties   non  
financières définies dans le cadre de licences de réutilisation. De manière générale, le
Conseil affirme que :
- Les  licences  doivent  être  “aussi  simples  à  appréhender  et  à  accep-
ter  que  possible”. Ce principe est également porté par le rapport Trojette
sur  l’ouverture  des  données  publiques ;
- Le nombre de licences ne devrait pas être trop important pour ga-
rantir   une   cohérence   à   l’échelle   nationale,   et   éviter   ainsi  
l’insécurité  juridique  qui  serait  induite  par  la  multiplication  infruc-
tueuse des licences. Dès lors, les organismes publics pourraient recourir
stratégiquement  à  un  système  de  double  licence  en  s’appuyant  sur :
-­‐ La  licence  ouverte  d’Etalab  (LO)  régit  aujourd’hui  la  
réutilisation des données présentes sur la plateforme data.gouv.fr
et  est  donc  naturellement  l’une  des  plus  utilisées.  Cette  licence  
s’inscrit  dans  un  contexte  international  en  étant  compatible  avec  
les standards des licences open data développées  à  l’étranger  ainsi  
que les autres standards internationaux (ODC-BY, CC-BY 2.0).
Cette  licence  autorise  la  reproduction,  redistribution,  l’adaptation  
et  l’exploitation  commerciale  des  données  sous  réserve  de  
l’obligation  de  faire  expressément  mention de la paternité de la
donnée ;
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OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
143
-­‐ Les licences de type ODbL instaurent des contreparties non-
financières plus importantes pour la réutilisation des données
publiques  par  des  tiers,  notamment  le  partage  à  l’identique,  qui  
permet  d’assurer  que  les  données ne sont pas refermées par les
utilisateurs et promeut la viralité du libre. Ces licences permettent
de copier, modifier et faire un usage commercial des données sous
trois conditions complémentaires : citer la source, redistribuer
sous des conditions de partage identiques les modifications et
maintenir  ouverte  techniquement  la  base  de  données  qu’elle  soit  
modifiée ou non.
27. Favoriser le développement et la coordination
des stratégies d’ouverture des données publiques
Le   développement   d’une   stratégie ambitieuse   d’open data ne   peut   s’effectuer   sans  
l’émergence  d’une  culture  de  la  donnée  en  parallèle,  tant  au  sein  de  l’administration  
qu’au   sein   de   la   société   civile   et   de   la   sphère   économique.   Il   s’agit   pour   les   acteurs  
publics   de   basculer   d’une   culture   de   la   détention   de   l’information   à   une   culture   de  
l’ouverture  et  de  la  diffusion.  Les  démarches  à  l’échelle  locale  doivent  être  encouragées  
et  accompagnées.  Ce  n’est  qu’à  cette  condition  que  pourra  émerger  constitution  d’une  
communauté innovante autour des données publiques.
Développer la médiation autour de la donnée publique
La  médiation  autour  de  la  donnée  désigne  l’ensemble  des  actions  visant  à  sensibiliser  
et former les agents publics, les entreprises et les acteurs de la société civile aux usages
de la   donnée.   La   médiation   a   pour   objectif   d’aider   à   mieux   identifier   ce   qu’est   une  
donnée   publique,   comprendre   les   modalités   d’accès   et   de   réutilisation   des   données  
publiques, et prendre connaissance du potentiel de la donnée et des bonnes pratiques
à partir d’exemples  concrets.
Le Conseil rappelle que la médiation est un prérequis indispensable au développement
de stratégie open data, et préconise les actions suivantes :
Développer  des  outils  et  guides  pratiques  sur  l’utilisation  des  don-
nées publiques ;
Encourager   l’organisation   de   hackathons à partir des données pu-
bliques pour créer un écosystème économique innovant ;
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144
Favoriser  la  création  d’infolabs  dans  des  tiers-lieux numériques et
au sein même des administrations. Ces infolabs sont des espaces colla-
boratifs dédiés à la compréhension et à la co-construction à partir des don-
nées.
Apporter un accompagnement méthodologique aux collectivités
territoriales
Il  est  nécessaire  d’encourager  et  de  soutenir  les  collectivités  de  toute  taille  dans  la  mise  
en place d’une  stratégie  locale  d’ouverture  des  données.  Ainsi  le  Conseil  considère  qu’il  
est important de renforcer les conseils pratiques ou méthodologiques auprès des
collectivités territoriales qui en expriment le besoin. Des lignes directrices pourraient
être fixées  pour  orienter  les  collectivités  dans  leur  politique  d’ouverture  des  données  
publiques locales, sous réserve du respect du principe de libre administration des
collectivités territoriales.
En partant de ce constat, le Conseil recommande de :
Mettre en place une liste indicative des données publiques locales,
facilement diffusables et fréquemment sollicitées. Cette liste permet-
trait de faciliter le travail de préparation des collectivités en amont de
l’ouverture  des  données  (recensement  des  données  susceptibles  d’être  mises  à  
disposition,  l’étude  des  fréquences,  délais  et  modalités  de  mise  à  jour,  rédac-
tion  des  métadonnées,  garanties  d’anonymisation,  etc.) ;
Encourager les collectivités à publier directement leurs données
publiques sur la plateforme data.gouv.fr, en  étendant  l’initiative  terri-
toire.data.gouv.fr (cf. encadré) à de nouvelles offres comme la mise à disposi-
tion  de  supports  d’accompagnement  (par  exemple,  des  tutoriels  sur  comment
réutiliser les données) ;
Mettre  en  place  des  séminaires  d’information et de formation au-
tour de la donnée publique, à destination des agents publics territoriaux,
en partenariat avec le Centre de Formation de la Fonction Publique Territo-
riale.
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D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES
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145
L’INITIATIVE
TERRITOIRE.DATA.GOUV.FR
Pour accélérer la diffusion et le décloisonnement des données aux différents
échelons territoriaux et nationaux, la mission Etalab a mis en place l’initiative
territoire.data.gouv.fr, en collaboration avec l'association Open Data France.
Cette initiative fonctionne de la manière suivante :
Un représentant de la collectivité s’inscrit sur data.gouv.fr ou sur une
plate-forme open data territoriale. Cette simple inscription permet à la
collectivité de visualiser automatiquement les données des
administrations centrales et déconcentrées relatives à son territoire :
population, logement, comptes publics, emploi, voirie, action sociale,
culture, environnement, etc.
À partir de cette visualisation, les collectivités sont incitées à enrichir
la base de données à leur rythme.
Source : http://territoire.data.gouv.fr/
Étendre et mieux outiller le réseau des responsables open data
Il est essentiel de favoriser   l’émergence   d’une   communauté   open data structurée,
porteuse   d’une   dynamique   plus   globale   sur   l’ensemble   du   territoire. La constitution
d’une   communauté   open data a pour   objectif   de   dynamiser   et   étendre   l’échange  
d’expériences  autour  de  la  donnée,  mais  également  d’assurer  une  meilleure  cohérence  
entre  les  stratégies  d’open data locales, nationales et européennes. Dès lors, le Conseil
recommande de :
Renforcer et professionnaliser la coopération des chefs de projet
open data locaux
De   nombreuses   collectivités   se   sont   dotées   d’un   chef   de   projet   open data, dont les
missions consistent à coordonner la stratégie open data à  l’échelle  de  la  collectivité,  
sensibiliser et renforcer le dialogue entre les services administratifs autour des
données  et  s’assurer  de  la  mise  en  œuvre  de  l’ouverture  des  données.
Sur la base du volontariat, ces responsables open data locaux se sont réunis en réseaux
pour échanger sur les bonnes pratiques  en  matière  d’open data. Le Conseil considère
que  cette  mise  en  réseau  devrait  être  encouragée  et  amplifiée,  en  ce  qu’elle  permet  de :
- Améliorer  la  coordination  des  stratégies  locales  en  matière  d’open data, en
favorisant   l’échange   de   bonnes   pratiques et conseils, et en permettant une
meilleure connaissance des projets respectifs ;
- Produire des réponses communes face à des questions soulevées par
l’ouverture  des  données  publiques,  par  exemple  la  rédaction  d’une  clause  type  
de marché public relative à  l’open data,  ou  encore  la  mise  en  place  d’un  guide  
open data.
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OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
146
Le   Conseil   propose   de   s’appuyer   sur   les   démarches   existantes   pour   renforcer   les  
coopérations   entre   collectivités   et   favoriser   l’émergence   d’un   réseau   structuré   de  
responsables open data.
- Les associations de collectivités territoriales autour de projets sur
l’ouverture   des   données   publiques      devraient   être   encouragées, à
l’instar  d’Open  data  France ;
- A   l’échelle   nationale,   une   meilleure   représentation   des   respon-
sables open data locaux pourrait être garantie au sein du Comité de
pilotage des coordinateurs open data, afin de développer des synergies
et de mieux faire remonter les besoins des territoires.
Faire  émerger  une  “communauté  européenne  d’open  data”
Le  Conseil  rappelle  l’importance  de  fédérer  les  différents  projets  liés  à  l’open  data  à  
l’échelle  européenne  et  propose  plusieurs  pistes  d’action :
- Créer un réseau/think-tank européen réunissant les Chief Data
Officers pour coordonner les initiatives open data nationales. Ce ré-
seau pourrait par exemple se constituer sur la base du groupe PSI et des coo-
pérations bilatérales déjà existantes ;
- Améliorer les liens entre les projets locaux, nationaux en cours
dans les différents États  membres  en  s’appuyant  sur  le  programme  
Open data Support71;
- Développer des projets européens communs autour des données
pour mieux mobiliser les données publiques européennes : mettre
en  place  un  guichet  unique  d’accès  à  la  liste  des  appels  et  programmes  euro-
péens open data, lancer des opérations du type Erasmus open data, impulser
la  création  de  labs  européens  au  sein  d’organisations  internationales  comme  
l’Open Knowledge Foundation ou  l’Open Data Institute.
28. Repenser le droit d’accès aux documents administratifs,
dans le contexte d’ouverture des données publiques
Avec  le  numérique,  l’exercice  du  droit  d’accès  aux  documents  administratifs  se  pose  
sous  un  angle  nouveau.  Tout  citoyen  ou  personne  morale  peut  demander  l’accès  aux  
données publiques qui constituent des informations publiques contenues dans des
71 https://joinup.ec.europa.eu/community/ods/description
DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE
D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
147
“documents  administratifs  communicables” au sens de la loi CADA du 17 juillet 1978.
(cf.   encadré   sur   l’exercice   du   droit   d’accès   aux   documents   administratifs  
communicables). Le  Conseil  s’interroge  sur  l’adaptabilité  de  ce  dispositif  d’accès  aux  
documents  administratifs  à  l’heure  du  numérique,    et  ses  évolutions  éventuelles.  Dès  
lors, il recommande :
Engager une réflexion sur les pouvoirs, les modes d’intervention et les
moyens de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA)
à l’heure du numérique
D’après   la   loi   CADA   du   17   juillet   1978,   la   Commission   d’accès   aux   documents  
administratifs est a priori compétente pour se saisir des questions liées à la
communication des données publiques entendues comme des informations publiques
contenues dans des documents administratifs communicables. Cependant, le Conseil
souligne que les   modes   d’action   de   la   CADA   sont   peu   adaptés   aux   enjeux  
numériques. En   effet,   l’extension   de   son   champ   d’intervention   aux   données  
publiques  soulève  la  question  de  l’adéquation  de  ses  moyens  et  modes  d’intervention  
aux  objectifs  fixés.  D’autre  part,  la  CADA  est  appelée  à  se  prononcer  de  manière  plus  
précise sur les modalités techniques de communication des données afin de garantir
leur mise à disposition sous des formats ouverts et interopérables.
Dans   cette   optique,   le   Conseil   recommande   d’engager une réflexion sur la
transformation de la CADA pour mieux prendre en compte les spécificités des
demandes  d’accès  aux  documents  administratifs  à  l’heure  du  numérique.  Il  est  en effet
nécessaire  de  repenser  les  compétences  et  l’organisation  de  la  CADA  pour  adapter  ses  
modes  d’intervention  aux  enjeux  actuels.  Plusieurs  pistes  de  réflexion  pourraient  être  
envisagées  comme  l’extension  de  ses  pouvoirs :
L’élargissement  des  pouvoirs de conseil de la CADA avec la mise en
place  éventuelle  d’interlocuteurs  spécialisés,  un  système  d’assistance  et  d’aide  
à destination des administrations.
Le renforcement de la portée des avis de la CADA et la reconnais-
sance de pouvoirs de sanction et/ ou d’astreinte  en cas de non-respect
par  l’administration  de  l’avis  rendu.  En  effet  à  l’heure  actuelle,  les  avis  de  la  
CADA ont une valeur non-contraignante. Un renforcement des pouvoirs de la
CADA  aurait  pour  objectif  d’améliorer  l’effectivité  des  avis  rendus.
D’autre   part,   cette   réflexion   pourrait   porter   sur   l’évolution   des   pratiques   et   de   la  
jurisprudence de la CADA concernant :
Les   modalités   techniques   d’accès   aux   documents   administratifs,  
notamment  sur  les  conditions  de  mise  en  forme  des  données  qu’ils  
contiennent et leur éventuelle mise en ligne, dans la limite des possibi-
DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE
D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES
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OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
148
lités   techniques   de   l’administration   (cf.   article   4   de   la   loi   CADA)72. Par
exemple,  à  l’occasion  d’une  demande  individuelle  d’accès  à  un  document  ad-
ministratif, la CADA pourrait demander  à  l’administration  de  publier  en  ligne  
les données publiques pour les rendre accessibles au plus grand nombre. À
terme,  un  droit  à  l’accès  en  ligne  des  données  publiques  pourrait  être  ainsi  re-
connu.
Les limitations imposées à la communication de certains docu-
ments,  en  raison  de  motifs  d’intérêt  général  et/ou  de  protection  des  
droits et libertés fondamentaux (articulation de la loi informatique et li-
bertés, et de la loi CADA)
Par ailleurs, un éventuel renforcement des pouvoirs de la CADA nécessiterait de
s’interroger  sur  l’organisation  et  le  fonctionnement  interne  de  la  CADA  ainsi  que  les  
moyens qui lui sont alloués. La composition de la CADA pourrait ainsi évoluer en
fonction des nouvelles compétences qui lui seraient accordées.
LA MISSION COMMUNE D’INFORMATION “REFONDER
LE DROIT A L'INFORMATION PUBLIQUE A L'HEURE
DU NUMERIQUE : UN ENJEU CITOYEN, UNE OPPORTUNITE
STRATEGIQUE"
(Président : Jean-Jacques Hyest, Rapporteur : Corinne Bouchoux)
Ce rapport a pour point de départ l’analyse du droit reconnu à toute personne
d’obtenir communication des documents de l’administration. La mission s’est
attachée à s’assurer de l’effectivité de ce droit puis à évaluer la pertinence et
l’efficacité des politiques engagées en matière de diffusion de l’information
publique et plus récemment d’ouverture des données publiques. La mission
commune d’information a formulé plusieurs recommandations, parmi lesquelles :
Créer un "référé communication" devant le juge administratif, sur
saisine de la C dès réception de la demande d’avis lorsque la question
de la communicabilité du document a déjà été tranchée par la
jurisprudence ou par la CADA, ou si le document figure sur une liste
fixée par arrêté après avis de cette dernière.
Reconnaître à la CADA une capacité d’autosaisine aux fins de
poursuite des réutilisations frauduleuses et alourdir significativement
le quantum des sanctions
Source : http://www.senat.fr/notice-rapport/2013/r13-589-1-notice.html
72 L'article  4  de  la  loi  CADA  pose  le  principe  selon  lequel  l’accès  aux  documents  administratifs  
s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administra-
tion.
DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE
D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
149
Mieux accompagner les citoyens dans la formulation de leur demande
d’accès à des informations publiques communicables.
Garantir   l’effectivité   du   droit   d’accès   aux   informations   publiques   communicables  
implique   d’anticiper   en   amont   l’ouverture   de   ces   données et de prévoir en aval des
procédures de saisine et de recours efficaces. Le Conseil recommande à cette fin de
mieux   accompagner   les   citoyens   dans   leurs   démarches   d’accès   aux   informations  
publiques communicables vis-à-vis  de  l’administration  et  de  la CADA.
Les mesures présentées ci-dessous visent à renforcer la capacité des individus à
formuler   leur   demande   d’accès   aux   informations   publiques   communicables,   en   leur  
permettant   de   mieux   identifier   leur   localisation   et   l’organisme   détenteur   des  
informations communicables. Le Conseil propose de :
Mettre à la disposition des citoyens des répertoires substantiels et
actualisés des informations publiques communicables.  L’article  17  de  
la loi CADA impose aux administrations de mettre à la disposition des usagers
un répertoire des principaux documents dans lesquels figurent les données
publiques  qu’elles  détiennent.  Cette  obligation  est  appliquée  de  manière  hété-
rogène par les acteurs publics. Dans la continuité de la mission commune
d’information  “Refonder  le  droit  à  l’information  publique  à  l’heure  du  numé-
rique”,  le  Conseil  recommande  d’une  part,  de  s’assurer  du  bon  respect  de  la  
mise  en  place  de  tels  répertoires  par  les  organismes  soumis  à  l’obligation  de  
publication,  et  d’autre  part  d’élargir  le  contenu  de  ces répertoires aux données
publiques  produits  ou  collectées  dans  le  cadre  d’une  mission  de  service  public  
administratif,  en  précisant  leur  état  d’ouverture  (ouvert,  en  cours  d’ouverture,  
non-ouvrable).
Mettre en ligne des guides pratiques et des modèles types de lettre
ou  d’e-mail  de  demande  d’accès  à  des  informations  publiques :
-­‐ sur le site de la CADA
-­‐ sur  les  sites  des  administrations  à  l’exemple  du  guide open data
mis en place par La Communauté urbaine de Bordeaux avec
l’association  Open  data  France  et  AEC.
DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE
D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
150
L’EXERCICE DU DROIT D’ACCES AUX DOCUMENTS
ADMINISTRATIFS
Toute personne a le droit de demander, sans distinction de nationalité ni
justification d’un intérêt à agir, la communication d’un document administratif ne
mettant personne en cause.
Elle doit identifier le document et formuler par écrit ou par e-mail une
demande claire et précise à l’administration qui le détient. Les
modalités de communication du document sont au choix du
demandeur (consultation gratuite sur place, copie papier ou support
électronique…). L’administration dispose d’un mois pour répondre à
une demande, faute de quoi le silence est considéré comme une
décision implicite de refus de communication.
En cas de refus de l’administration, le demandeur peut saisir la CADA
pour avis dans un délai de deux mois suite à la notification de refus. il
s’agit d’un préalable obligatoire à tout recours contentieux.
L’administration dispose d’un mois à compter de la réception de l’avis
de la CADA pour lui faire connaître les suites qu’elle entend donner à la
demande.
En cas d’avis positif de la CADA et de refus de l’administration de
communiquer le document souhaité, le demandeur peut saisir le juge
administratif d’un recours contentieux.
Source : http://www.cada.fr/
Afin  de  faciliter  la  formulation  d’une  demande  d’accès  à  un  document  administratif,  le  
Conseil   recommande   dans   la   continuité   de   la   mission   commune   d’information   sur  
“Refonder le droit à l'information publique à l'heure du numérique" (cf. encadré) de
prévoir   sur   la   page   d’accueil   de   chaque   portail   administratif   un   point  
d’entrée  unique  normalisé  pour  les  demandes  de  communication. Ce point
d’entrée  serait  assorti  d’un  dispositif  d’envoi  d’avis  de  réception  automatique   valant  
preuve de la demande.
Sensibiliser les Personnes responsables de l’accès aux documents
administratifs (PRADA) aux enjeux liés aux demandes d’accès aux
informations publiques et à leur réutilisation
Au   sein   de   l’administration,   les   PRADA   (cf. encadré) jouent un rôle central dans
l’instruction   et   le   suivi   des   demandes   d’accès   aux   documents   administratifs.   Une  
attention particulière devrait être accordée à leur formation aux enjeux juridiques et
techniques   liées   à   l’accès   aux   données   publiques   contenues   dans   des   documents  
administratifs.  Des  sessions  d’information  spécialement  prévues  à  cet  effet  devraient  
être organisées.
DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE
D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
151
LES PERSONNES RESPONSABLES DE L’ACCES AUX
DOCUMENTS ADMINISTRATIFS (PRADA)
Depuis 2005, l’article 24 de la loi CADA prévoit la désignation de “personnes
responsables de l’accès aux documents administratifs et des questions relatives à
la réutilisation des informations publiques” dans toutes les administrations
centrales et les préfectures ainsi que dans les administrations locales (à
l'exception des communes de moins de 10 000 habitants), les établissements
publics nationaux et locaux et les organismes chargés d'une mission de service
public les plus importants. Le réseau des PRADA compte actuellement 1 500
personnes.
Les PRADA ont pour mission de réceptionner les demandes de communication et
les éventuelles réclamations, de veiller à leur instruction, d’assurer la liaison entre
leur administration et la CADA, et éventuellement d’établir un bilan annuel des
demandes d’accès aux documents administratifs et de licence de réutilisation
des informations publiques.
Source : http://www.cada.fr/les-personnes-responsables-de-l-acces-au-sein-
des,6152.html
29. Encourager au cas par cas le partage de données des acteurs
économiques et de la société civile, en veillant au respect des droits
fondamentaux et à l’équilibre des intérêts des parties prenantes
Un grand nombre de données, sans être des données publiques, présente de forts
enjeux   d’intérêt   général.   L’ouverture   de   ces   données   est   susceptible   de   générer   des  
externalités   positives   pour   la   société,   d’un   point   de   vue   économique,   social   et  
environnemental. De plus, certaines données peuvent être indispensables pour
augmenter   l’efficacité   de   l’action   publique   dans   le   cadre   d’une   mission   d’intérêt  
général.   Par   exemple,   l’accès   à   ces   données   pourrait   se   justifier   par   des   projets   de  
recherche   à   fort   potentiel,   des   objectifs   d’intérêt   général   fixés   par   des   politiques  
publiques  (sécurité,  santé  publique,  énergie,  etc.)  et/ou  des  situations  d’urgence  (crise  
environnementale ou sanitaire).
Il convient de distinguer deux catégories de données produites par des acteurs privés
ou publics en fonction du contexte de la collecte des données.
Si celle-ci   s’exerce   dans   le   cadre   d’une   mission   de   service   public,   le   Conseil  
considère que eles pouvoirs publics peuvent être amenés au cas par cas à de-
mander  à  l’organisme  détenteur  d’ouvrir  ces  données  La  justification  doit  se  
faire à la  fois  par  la  finalité  d’intérêt  général,  par  la  valeur  d’usage  attendue  et  
par le caractère difficilement contournable de cette source de données.
Si la donnée est produite ou collectée hors mission de service public, le Conseil
rappelle  qu’elle  n’a  pas  par défaut vocation à être ouverte. Pour autant, cer-
DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE
D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
152
taines situations peuvent justifier que des entreprises souhaitent ponctuelle-
ment  ou  durablement  ouvrir  leurs  données,  notamment  dans  le  cadre  d’une  
responsabilité  sociale  de  l’entreprise  ambitieuse.  C’est déjà le cas, comme en
témoigne   l’initiative   Data4Climate en matière environnementale (cf. enca-
dré). Les pouvoirs publics peuvent encourager les acteurs privés à travailler
conjointement en anticipation sur certains sujets clés, par exemple sur de
grands enjeux sanitaires. Ainsi, pendant la crise Ebola, plusieurs acteurs ont
réclamé  l’accès  aux  données  de  mobilité  collectées  par  les  opérateurs  de  télé-
phonie  dans  les  zones  où   sévissait  l’épidémie,   mais  les  données   n’étaient   en  
aucun cas disponibles sous format sécurisé et exploitable pour un tel usage.
C’est  à  ce  type  de  demande  qu’acteurs  publics  et  acteurs  privés  doivent  travail-
ler   conjointement,   comme   a   déjà   commencé   à   le   faire   l’ONU,   à   travers   son  
programme Global Pulse73.
LE PROGRAMME
DATA4CLIMATE
En 2015, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a mis en place le programme
de recherche Data4Climate pour soutenir les actions contre le réchauffement
climatique. Ce programme vise à encourager le partage de données collectées
ou produites par des acteurs privés (big data), venant de différents pays et
d’industries variées, au profit de la recherche sur la résilience climatique. À
partir de ces données agrégées et anonymisées, les chercheurs pourraient
élaborer des solutions innovantes. Les premiers résultats seront présentés lors
de la conférence COP21 de Paris.
Source : http://www.unglobalpulse.org/data-for-climate-action-2015
En  l’état,  le  Conseil  national  du  numérique  ne  souhaite pas que soit créée
une  nouvelle  catégorie  juridique  dites  de  “données  d’intérêt  général”. En
effet, une telle catégorie serait par définition de portée trop large et floue et la
qualification juridique des dites données trop complexe pour être mobilisable
simplement. Elle risque par ailleurs de créer une insécurité juridique chez les acteurs
privés,   fragilisant   la   construction   de   services   et   de   modèles   d’affaires   intégrant   la  
donnée.
73 http://www.unglobalpulse.org/ :  Ce  programme  a  été  mis  en  place  par  l’ONU  dans  le  cadre  
de son programme humanitaire sur la lutte contre la faim. Une recherche a été lancée pour
comprendre les mécanismes de la famine (besoins de la population, mobilité intra-régionale,
etc.) à partir des données collectées par les smartphones.
DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE
D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES
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OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
153
Prévoir l’ouverture de certaines données collectées / produites par des
organismes dans le cadre d’un service dont la puissance publique
participe à la mise en place, au fonctionnement ou au financement.
Lorsqu’un  organisme  participe  à  une  mission  de  service  public,  il  peut  être  prévu,  au  
cas par cas par voie contractuelle et /ou législative, que certaines données soient
ouvertes   et   réutilisables.   L’ouverture   peut   être   décidée   par   les   pouvoirs   publics   en  
fonction  d’une  série  de  critères :
des critères organiques :  participation  d’une  personne  publique  à  la  mise  en  
place, au fonctionnement ou au financement du service considéré (exemple :
établissement public à caractère industriel et commercial, organisme titulaire
d’une  délégation  de  service  public  contractuelle  ou  unilatérale,  entreprise  pu-
blique, etc.) ;
des critères de  finalité  et  de  valeur  d’usage  attendues : évaluation ex ante du
potentiel   d’innovation   sociale   et   économique,   de   l’intérêt   en   termes
d’approfondissement démocratique le cas échéant, attendu de cette mise à
disposition de ces données.
Le périmètre des données  concernées  et  la  mise  en  œuvre  de  leur  ouverture  devraient  
être clairement délimités.
DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE
D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
154
LE RAPPORT “OUVERTURE DES DONNEES DE
TRANSPORT” (FRANCIS JUTAND, MARS 2015)
Le rapport suggère d’élargir, au-delà des missions de service public au sens
strict, le périmètre des services dont les données pourraient être rendues
réutilisables. Il propose de réfléchir à l’opportunité de créer une notion
d’information d’intérêt général, applicable à de nombreux domaines (transport,
santé, etc.), dans le cadre du projet de loi sur le numérique. Cela permettrait de
développer une méthode générale pour rendre les données réutilisables. Deux
pistes pourraient être explorées :
Une piste organique consistant à tenir compte de la participation
d’une personne publique à la mise en place, au fonctionnement ou
au financement du service considéré. Cette approche permet
d’englober des services ne relevant pas stricto sensu d’une mission
de service public
Une piste téléologique consistant à considérer les données du point
de vue de leur finalité et en introduisant une notion d’«information
d’intérêt général » (IIG). Cette approche présente l’avantage de
pouvoir englober toutes les données de l’information transport, en
fonction des évolutions éventuelles.
À l’instar d’une information publique, une « information d’intérêt général »
serait réutilisable de droit. Ce droit de réutilisation s’exercerait selon une
logique totalement distincte de celle de la loi CADA, puisqu’il ne s’articulerait
pas à un droit à communication des documents administratifs. Il pourrait
s’étendre à des données produites par des personnes privées dans le cadre
d’un service ne relevant pas d’un service public mais faisant l’objet d’une
convention avec une personne publique, ou à des données purement privées
(exemple : données relatives aux bornes de recharge des véhicules
électriques).
Source : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Rapport-sur-l-ouverture-
des.html
DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE
D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES
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OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
155
Encourager la mise en commun, sur la base du volontariat, de certaines
données collectées par les acteurs privés pour concourir à un
programme de recherche ou une politique publique.
L’État pourrait encourager différents acteurs à mettre en commun certaines données
sur la base du volontariat, afin de concourir à un programme de recherche ou à une
politique publique, ponctuellement (situation de crise) ou durablement. Les données
mises en commun pourraient être collectées par un organisme public puis agrégées et
randomisées   avant   d’être   réutilisées   ou   redistribuées.   Afin   de   préserver   un   cadre  
favorable  à  l’innovation  pour  les  entreprises,  le  périmètre  de  ces  données  devrait  être  
clairement  circonscrit  et  l’approche  du  volontariat  systématiquement  privilégiée. Dès
lors, plusieurs actions pourraient être envisagées :
Lancer une étude sur les expérimentations et/ou programmes de
mise   en   commun   des   données   menées   à   l’international, en
s’appuyant  sur  le  réseau  des  ambassades  et  de  Business  France.  Par  exemple,
les États-Unis  ont  expérimenté  l’ouverture  des  données  dans  le  secteur  aérien  
avec  l’aide  du  Bureau  of  Transportation  Statistics  (cf. encadré) ;
Mettre en place des expérimentations dans des secteurs-clés (san-
té, développement durable, logement, transport, etc.) à différentes
échelles  de  gouvernance,  pour  évaluer  les  externalités  positives  de  l’ouverture  
de ces données tant pour les entreprises impliquées que pour la société dans
son ensemble ;
Engager un débat sur la place de la mise en commun des données
dans les politiques de responsabilité sociale et environnementale
(RSE) avec les entreprises, syndicats et fédérations professionnelles. Un
groupe de travail pourrait être créé à cet effet sur la plateforme Responsabilité
Sociétale des Entreprises74.
LE PROGRAMME DE MISE EN COMMUN DES DONNEES
DES COMPAGNIES AERIENNES, LANCE PAR LE BUREAU
OF TRANSPORTATION STATISTICS (ETATS-UNIS)
Le Bureau of Transportation Statistics (BTS) a lancé un programme sur la mise
en commun de certains jeux de données des compagnies aériennes sur la
fréquentation de lignes de vol domestiques. Les données ainsi récupérées sont
agrégées puis soumises à un traitement statistique, avant d’être mises à
disposition par le BTS sous la forme d’une base statistique. Les compagnies
aériennes peuvent ensuite se saisir de cette base pour construire leur
stratégie sur les lignes de vol desservies.
Source : http://www.rita.dot.gov/bts/data_and_statistics/databases
74 http://www.strategie.gouv.fr/travaux/plateforme-rse/presentation-de-plateforme
DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE
D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
156
Penser un cadre juridique adapté pour la mise à disposition de données
d’acteurs privés à des fins d’intérêt général, sur demande des pouvoirs
publics.
S’il   est   parfois   dans   l'intérêt   général   de   croiser des données publiques et certaines
données   collectées   par   des   acteurs   privés   dans   le   cadre   d’une   politique   publique  
donnée,  leur  mise  à  disposition  ne  peut  être  imposée  qu’à  certaines  conditions  et  dans  
un cadre clairement défini :
Les situations pour lesquelles les pouvoirs publics pourraient de-
mander la transmission de certaines données détenues par des ac-
teurs privés devraient être limitées et encadrées,  en  veillant  d’une  part  
à  préserver  l’équilibre  entre  les  impératifs  d’intérêt  général  et  les intérêts éco-
nomiques  de  l’organisme  détenteur,  et  d’autre  part  à  ne  pas  porter  atteinte  aux  
droits fondamentaux des individus :
-­‐ éventuellement publier par décret une liste limitative de
situations  et/ou  d’organismes  publics  pouvant  déposer  une  
demande de transmission ;
-­‐ prévoir un avis préalable de la CNIL et de toute autre institution
compétente en la matière
Un  dialogue  devrait  être  systématiquement  engagé  avec  l’ensemble  
des parties prenantes pour circonscrire le périmètre des données
concernées, préciser les modalités de leur mise à disposition (simple
transmission ou ouverture, durée et format de la mise à disposition, etc.) et
prévoir des contreparties éventuelles :
-­‐ Ce  dialogue  devrait  s’effectuer  en  priorité  dans  le  cadre  de  la  
recherche  d’un  accord  à l’amiable,  et  le  cas  échéant  dans  une  loi  
sectorielle  habilitant  l’organisme  public  à  demander  la  
transmission des données et prévoyant un ensemble de garanties
juridiques  pour  l’organisme  détenteur  des  données    (cf. infra) ;
-­‐ Une réflexion pourrait être menée  sur  la  définition  d’un  cadre  
efficace  de  médiation  entre  l’organisme  public  et  l’organisme  
privé détenteur :  intervention  d’un  acteur  tiers  pour  faciliter  la  
médiation, obligation de justifier le refus de participer à ce
dialogue, etc.
La mise à disposition de ces données ne pourrait être imposée que
si   elle   s’accompagne   d’un   ensemble   de   garanties   juridiques   dont  
l’organisme   détenteur   pourrait   se   prévaloir   dans   le   cadre   d’une  
procédure juridique adaptée :
DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE
D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
157
-­‐ Ces garanties juridiques pourraient comprendre notamment des
clauses de réutilisation des données indiquant la durée de
stockage  des  données,  la  finalité  de  leur  réutilisation,  l’obligation  
de non-transmission  à  d’autres  acteurs,  etc. ;
-­‐ La  présence  de  voies  de  recours  adaptées  garantirait  à  l’organisme
détenteur des données la possibilité de faire valoir ces garanties
juridiques devant le juge administratif ou judiciaire.
DIFFUSER UNE CULTURE DE L’INNOVATION AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
158
Diffuser une culture
de l’innovation au sein
de la fonction publique
Diffuser   une   culture   de   l’innovation   au   sein   de   l’administration   est   nécessaire   à   la  
transformation  numérique  de  l’action  publique. Cette évolution culturelle est en effet
un  prérequis  pour  saisir  le  potentiel  de  l’ouverture  des  données  publiques,  encourager  
la   mise   en   place   de   services   publics   numériques   agiles   et   s’engager   vers   un  
“gouvernement  plus  ouvert”.
Le développement du numérique appelle à une véritable transformation culturelle de
l’administration.   Par   l’intermédiaire   du   numérique,   l’État est en mesure de faire
évoluer  ses  modes  d’action  centralisés  et  hiérarchisés  vers  des  modes  d’intervention  
plus agiles et en temps réel.  La  révolution  numérique  offre  l’occasion  de  repenser  en  
profondeur  l’organisation  et  le  fonctionnement  interne  de  l’administration.  Le  partage  
d’expériences   et   développement   de   pratiques   collaboratives   constituent   de   premiers  
pas vers une mise en réseau des différentes expertises et cultures administratives. En
parallèle,   l’administration   est   appelée   à   s’orienter   vers   une   culture   du   partage   de  
l’information   (cf. supra)   et   de   l’expérimentation   pour   favoriser   l’innovation.  
Développer  la  culture  de  l’innovation au sein de
l’administration   implique   de   concilier   l’agilité  
de   l’action   publique   avec   l’exigence   de  
responsabilité des agents publics, en autorisant
certaines marges de droit  à  l’erreur.
Cette nouvelle grille de lecture est indispensable
pour stimuler   l’innovation   publique.   Cette  
dernière  devra  être  impulsée  à  l’intérieur  même  
de la fonction publique, et être avant tout
collective.   Avec   plus   de   5,6   millions   d’agents  
publics, les institutions publiques sont à la tête
d’un   réseau   d’individus   et   de   compétences
d’une  ampleur  inédite.  Le  numérique  peut  être  
mobilisé  pour  redistribuer  du  pouvoir  d’agir  aux  
fonctionnaires. Les fonctionnaires sont en effet
DIFFUSER UNE CULTURE DE L’INNOVATION AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
159
les   premiers   acteurs   de   la   transition   numérique   de   l’action   publique.   C’est   par   leur  
implication que viendra  l’appropriation  du  numérique par le secteur public.
Dans cette perspective, le Conseil soulève trois leviers majeurs pour renouveler les
modalités  de  l’action  publique  en  faveur  de  l’innovation,  à  savoir  le  renforcement  de  la  
littératie numérique des agents publics, le développement des pratiques collaboratives
et la commande publique.
30. Renforcer la littératie numérique des agents publics
La  formation  des  agents  publics  aux  outils,  usages  ainsi  qu’à  la  littératie  numérique  est  
un enjeu majeur de la   transformation   numérique   de   l’action   publique.   Le   Conseil  
rappelle la nécessité de renforcer la littératie numérique des agents publics entendue
comme  “l'aptitude à comprendre et à utiliser le numérique dans la vie courante, à la
maison, au travail et dans   la   collectivité   en   vue   d’atteindre   des   buts   personnels   et  
d’étendre  ses  compétences  et  capacités”  (cf. définition  de  l’OCDE,  La  littératie  à  l’ère  
de  l’information,  2000).
D’une  part,  la  place  du  numérique  dans  les  formations  de  la  fonction  publique  doit être
posée   dans   le   cadre   de   l’élaboration   des   plans   annuels   de   formation,   que   dans   les  
négociations syndicales sur les parcours professionnels et carrières des fonctionnaires.
D’autre   part,   il   serait   opportun   que   les   formations   numériques   des   agents   publics
s’étendent  aux  nouvelles  pratiques  et  usages  ainsi  qu’aux  enjeux  numériques,  au-delà
de   la   seule   maîtrise   des   outils   technologiques.   Cela   implique   de   s’interroger   sur   les  
améliorations à apporter aux formations statutaires et continues de la fonction
publique   afin   de   permettre   à   chaque   agent   de   libérer   de   l’énergie au profit de
l’innovation.
Diversifier et renforcer l’offre de formation numérique des agents
publics
Le Conseil recommande de développer la littératie numérique des agents publics en
renforçant la place du numérique dans les formations initiales et continues de la
fonction publique. Cela suppose de réfléchir  à  la  mise  en  place  d’un  référentiel  
de   compétences   numériques   et   à   l’intégration   de   modules   de   formation  
spécifiques aux outils, usages et enjeux numériques :
Ces modules pourraient être co-construits   par   des   consortiums   d’acteurs   à  
l’exemple  des  cycles  de  réflexion  engagés  dans  le  cadre  du  programme  Réac-
teur public (cf. recommandation n°31).
DIFFUSER UNE CULTURE DE L’INNOVATION AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
160
Ils pourraient être intégrés dans le catalogue des formations de la fonction pu-
blique  de  l’État et de la fonction publique territoriale. Ces modules de forma-
tion devraient être proposés de manière systématique à tous les agents en
charge  de  la  conduite  de  projet  de  modernisation  de  l’action  publique. À cet
égard,   l’Ecole   de   la   Modernisation   de   l’Action   publique75 (SGMAP) pourrait
jouer  un  rôle  central  à  l’échelle  interministérielle.
En parallèle, le Conseil national du numérique propose de diversifier les lieux et les
outils de formation des agents publics :
Faciliter   l’accès   à   des   formations   à   distance   de   type   MOOC   ou  
SPOC, en complément des formations de terrain. L’offre  de  formation  
ouverte  et  à  distance  s’élargit  aujourd’hui  avec  notamment  les  dispositifs  de  
type Massive Open Online Course (MOOC) ou Small Private Online Course
(SPOC). Ces dispositifs de formation ouverte et à distance (MOOC, etc.) sont
aujourd’hui  peu  connus  et  utilisés  dans  la  formation  des  agents  publics.  Leur  
utilisation doit être facilitée et encouragée en complément des formations
existantes.   La   proximité   et   la   souplesse   dans   l’accès   à   la   formation   est   une  
condition sine qua non du développement de la littératie numérique des
agents  publics.  Par  des  appels  à  projet,  l’État  pourrait  élargir  l’offre  émergente  
de formation ouverte à distance.
Diversifier les lieux de formation de la fonction publique en dévelop-
pant des formations dans des tiers-lieux numériques (par exemple, des labora-
toires  ouverts,  des  incubateurs  d’entreprises,  etc.) accessibles aux agents pu-
blics et à toute personne souhaitant se former au numérique. La diversifica-
tion des lieux de formation de la fonction publique permettrait de créer de
nouvelles interactions entre les agents publics et des acteurs extérieurs, de
faire émerger de nouvelles coopérations et d’avoir  une  approche  de  terrain  des  
outils et pratiques numériques.
Engager une politique d’attractivité et de valorisation des compétences
numériques au sein de la fonction publique
Les compétences liées aux usages du numérique sont un levier important de
transformation   de   l’action   publique.   Internaliser   ces   compétences   au   sein   de  
l’administration   serait   un   atout   pour   conserver   la   maîtrise   des   choix   stratégiques  
effectués en matière de numérique. Dans ce contexte, il serait important de mener une
réflexion sur   la   mise   en   place   d’une   stratégie   d’attractivité   et   de   valorisation   des  
compétences numériques au sein de la fonction publique, ainsi que sur les mécanismes
incitatifs pour atteindre cet objectif.
75http://www.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/fichiers-
attaches/sgmap_cultiverlamap.pdf
DIFFUSER UNE CULTURE DE L’INNOVATION AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE
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OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
161
Investir stratégiquement dans les outils et compétences numériques
pour lutter contre les fraudes fiscales et l’optimisation fiscale agressive
La  lutte  contre  les  pratiques  fiscales  déloyales  est  un  exemple  où  l’investissement  dans  
les  outils  et  compétences  numériques  serait  d’une  utilité  indéniable.
L’UTILITE D’UNE MOBILISATION RENFORCEE DES OUTILS
ET COMPETENCES NUMERIQUES POUR LUTTER CONTRE
LES COMPORTEMENTS FISCAUX DELOYAUX
L’investissement dans le matériel technologique, la formation et le recrutement
d’effectifs sont autant d’éléments décisifs pour entraver les pratiques agressives
d’optimisation fiscale des entreprises et pour détecter les fraudes, principalement
fiscales (mais également celles à l'assurance chômage ou encore à la sécurité
sociale).
La conjoncture économique actuelle limite les propensions de l’État à investir et
ce, quels que soient les domaines. Toutefois, au niveau de l’Union européenne,
“près de mille milliards d’euros sont perdus chaque année (...) en raison de la fraude
et de l'évasion fiscales”76
. Au niveau national, l’ensemble de ces pratiques illégales
représente pour l’État un manque à gagner annuel global estimé entre 60 et 80
milliards d’euros77
.Dès lors, l’État détient un intérêt particulier à investir et à
s’appuyer sensiblement sur le numérique (outils, formations, recherches,
fonctionnaires qualifiés) pour lutter contre les comportements déloyaux de
certains acteurs, dans la mesure où le retour sur investissement serait forcément
significatif.
L’investissement dans les outils numériques présente une utilité aussi bien en
amont qu’en aval des stratagèmes fiscaux.
En amont : dans la continuité de l’étude de France Stratégie78
, la mise
en place d’un appareil statistique pour mesurer l’activité des
plateformes Internet est un préalable nécessaire à toute taxe
éventuelle.
En aval : équiper l’administration fiscale d’outils numériques capables
d’analyser et de croiser les données massivement (datamining) est
essentiel pour améliorer ses contrôles. Face à la logique de dumping
fiscal à laquelle se livrent les entreprises dans leurs déclarations, le
croisement et le partage de ces données entre administrations seront
de nature à endiguer leurs stratégies d’optimisation, en révélant les
incohérences déclaratives.
En outre et dans la continuité du rapport du syndicat national Solidaires Finances
Publiques, améliorer le contrôle de l’administration fiscale implique
nécessairement d'étoffer les moyens humains ainsi que la formation à ces outils.
L’objectif est de promouvoir des formations initiales (à l’école nationale des
76 Commission  européenne,  communiqué  de  presse  :  “Réprimer  la  fraude  et  l’évasion  fiscales:  
la Commission indique la voie à suivre”,   Bruxelles,   le   6   décembre   2012. Disponible sur
http://europa.eu/rapid/press-release_IP-12-1325_fr.htm?locale=FR
77 Syndicat   national   Solidaires   Finances   Publiques,   Rapport   :   “   évasions et fraudes fiscales,
contrôle fiscal”,  de janvier 2013. Disponible sur :
http://solidairesfinancespubliques.fr/gen/cp/dp/dp2013/120122_Rapport_fraude_evasionfisc
ale.pdf
78 France  Stratégie,  Rapport  :  “la fiscalité numérique : quels enseignements tirer des modèles
théoriques”,  du  26  février  2015.  Disponible  sur  :  http://www.strategie.gouv.fr/publications
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VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
162
finances publique) et continues adaptées pour une montée en compétences des
fonctionnaires. L’administration doit poursuivre une acculturation continue des
problématiques liées à la fiscalité numérique, en échangent de façon permanente
avec des économistes, des ingénieurs etc. Ces prérequis sont indispensables face
à la complexité des circuits économiques et financiers en perpétuelle évolution
des entreprises.
Source : Avis n° 2013-3 du Conseil National du Numérique sur la fiscalité du
numérique, septembre 2013 : http://www.cnnumerique.fr/fiscalite/)
31. Développer les pratiques collaboratives et le partage
d’expériences
Le développement des usages numériques rend possible une transformation en
profondeur  de  la  culture  administrative  en  insufflant  une  dynamique  d’ouverture,  de  
collaboration  et  de  transdisciplinarité.  Pour  ce  faire,  l’administration  doit  se  saisir  de  
ces usages pour promouvoir de nouvelles pratiques de management des projets, des
formes   d’organisation   et   des   modes   de   travail   (co-création, innovation ouverte,
organisation en étoile, méthode agile, mise en réseau etc.). Cette transformation doit
s’effectuer   de manière progressive en encourageant les expérimentations et
l’observation   du   terrain   et   en   permettant   aux   agents   de   se   consacrer   à   des   projets  
collaboratifs ouverts.
Faire un état des lieux des projets collaboratifs et des réseaux
coopératifs professionnels de services publics
Avant   d’envisager   le   développement   quantitatif   des   espaces   destinés   aux   pratiques  
collaboratives  et  coopératives,  un  diagnostic  qualitatif  de  l’existant  est  nécessaire  afin  
d’identifier  les  bonnes  pratiques.  Ce  diagnostic  doit  prendre en compte les initiatives
portées  à  l’échelle  locale,  comme  le  réseau  Doc@Best,  et  à  l’échelle  nationale.
Lancer une plateforme dédiée aux projets ouverts au sein de
l’administration
Faire  évoluer  la  culture  administrative  en  faveur  de  l’innovation  et  de la coopération
est un travail de long terme. Cela implique de faire tomber les barrières techniques qui
pourraient  freiner  les  initiatives  d’agents  publics  compétents  et  désireux  de  mobiliser  
leur  créativité  pour  participer  à  l’innovation  publique.  Il  est  nécessaire  de  s’interroger  
sur   des   mécanismes   permettant   d’inciter   les   agents   à   s’investir   dans   des   projets  
collaboratifs. À cet égard, la libération  d’espaces  et  de  temps  de  travail  pour  
les agents est donc une réflexion préalable et nécessaire au déploiement
de ces pratiques (cf. encadré).
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OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
163
LA RECOMMANDATION N°101SUR LA CREATION D’UN
DROIT INDIVIDUEL A LA CONTRIBUTION, DU RAPPORT
“LA TRANSFORMATION NUMERIQUE DE L’ECONOMIE
FRANÇAISE” (PHILIPPE LEMOINE, 2014)
Le Rapport de Philippe Lemoine sur “la nouvelle grammaire du succès, la
transformation numérique de l’économie française” (Recommandation n°101),
propose de créer un Droit Individuel à la Contribution (DIC) pour permettre aux
salariés de consacrer du temps à des projets open, par exemple en
transformant du Droit Individuel à la Formation (DIF) en DIC. Le DIF est un
dispositif qui permet aux salariés du secteur privé et aux fonctionnaires du
public le suivi d’une formation continue. Ce droit correspond à une durée de 20
heures de formation par an. Ainsi, l’idée serait de s’appuyer sur ces heures ou
d’en libérer de nouvelles spécifiques afin que les agents publics puissent
développer leurs créativités autour de projets collaboratifs.
Source : Rapport sur “La nouvelle grammaire du succès, la transformation
numérique de l’économie française”, Philippe Lemoine (novembre 2014)
https://stample.co/assets/transnum/Rapport-Mission-Lemoine-Nov-2014.pdf
Le  Conseil  préconise  d’outiller  ces  agents  en  ouvrant  un  espace  de  projets  participatif,  
d’échange   de   bonnes   pratiques   et   de   partage   de   compétences.   Cet   espace   pourrait  
prendre la forme d’une   plateforme   dédiée   aux   projets   ouverts   directement
accessible à partir des espaces intranet de chaque administration. Cette plateforme
viserait à faciliter la coopération et la mobilité des agents publics issus de différentes
administrations ou services,  autour  d’un  projet  collaboratif  défini.  Elle  permettrait  aux  
agents :
d’accéder   et   de   répondre   à   une   offre   de   mise   à   disposition   pour  
participer au projet, avec   l’accord   préalable   de   sa   hiérarchie. Le
Conseil  rappelle  à  ce  titre  que  la  participation  d’un agent public à un projet
collaboratif ne devrait pas être imposée, mais supervisée par la direction ;
d’échanger  de  bonnes  pratiques  sur  la  mise  en  place  ou  la  conduite  
de ce projet.
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164
LA PLATEFORME
CUBE A SINGAPOUR
En 2013, Singapour a mis en place une plateforme de mise en réseau
collaborative à destination des agents publics, la plateforme Cube. À partir de
cette plateforme, les agents publics peuvent se connecter librement pour
échanger leurs idées, partager leurs connaissances en tant qu’expert et
travailler ensemble autour de projets communs en constituant des
communautés virtuelles de travail.
Source : http://www.egov.gov.sg/egov-programmes/programmes-by-
government/cube
Cette   initiative   pourrait   s’inscrire   dans   le   cadre   du   programme   Réacteur public (cf.
encadré) qui   vise   favoriser   les   coopérations   entre   l’État et les collectivités pour
développer  l’innovation  publique.
LE PROGRAMME
REACTEUR PUBLIC
Réacteur public est un programme mis en place en mai 2014 par le Ministère de la
Décentralisation, de la Réforme de l’État et de la Fonction publique en partenariat
avec l’Assemblée des départements de France, l’Association des régions de
France et La 27e Région. Il repose sur un consortium d'acteurs territoriaux et
nationaux réunissant les services de l'État, des associations d'élus et plusieurs
collectivités territoriales pour tester de nouvelles façons de moderniser l’action
publique par l’innovation.
Les activités de Réacteur Public s’articulent autour de quatre axes principaux : la
mise en réseau des acteurs et communautés de l’innovation publique pour le
partage des bonnes pratiques, la création des nouveaux supports et objets pour
valoriser l’innovation et les innovateurs publics, la construction des formations
pour les fonctionnaires à la conception innovante de politiques publiques et
l’engagement d’une réflexion sur l’administration du futur.
Source http://www.modernisation.gouv.fr/les-services-publics-se-simplifient-et-
innovent/par-la-co-construction/reacteur-public-etat-et-collectivites-unis-pour-
mieux-innover
Encourager la collaboration des collectivités territoriales autour de
projets informatiques libres
Le   Conseil   considère   qu’il   est   important   d’encourager   les   pratiques  
collaboratives entre collectivités territoriales autour de projets
informatiques libres, afin de développer des modules communs librement
réutilisables et améliorables en continu :
Ces modules seraient des logiciels ou des applications conçus de manière col-
lective pour rendre un service. En tant que biens communs, ils pourraient être
librement réutilisés par toutes les collectivités territoriales ayant participé - ou
non - à leur élaboration ;
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VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
165
Ces modules seraient directement intégrables dans les interfaces des collectivi-
tés (portails, etc.), paramétrables et modifiables pour répondre au mieux à
leurs spécificités.
Le développement de modules présente en effet de nombreux avantages comme la
mutualisation des moyens des collectivités pour développer certains services. Il
permet en outre une amélioration continue des solutions développées ainsi que leur
pérennité.
Le Conseil juge opportun de faciliter le regroupement de collectivités territoriales
autour de projets collaboratifs de création ou de développement de modules, en
s’appuyant   sur   les   réseaux   existants   comme   l’association   Adullact   (cf. encadré). Par
ailleurs,   une   réflexion   pourrait   être   engagée   sur   l’opportunité   de   faire   émerger   un  
service   web   d’hébergement   et   de   gestion   de   développement   de   référence   pour ces
modules,  afin  d’en  favoriser  l’accès,  la  réappropriation  et  le  développement  en  continu.
L’ASSOCIATION
ADULLACT
L’association Adullact a été fondée en 2002. Elle a pour objectifs d’encourager
et de coordonner l'action des administrations et collectivités territoriales dans
le but de promouvoir, développer et maintenir un patrimoine de logiciels libres
utiles aux missions de service public. Elle a par exemple permis à un ensemble
de collectivités de développer Open Cimetière, un logiciel libre qui a pour
objectif d’améliorer la gestion des concessions de cimetières (les
autorisations, la gestion de place ainsi que l’entretien) L’association Adullact
entend améliorer la performance des actions publiques par une mutualisation
des ressources, en mettant en place des projets informatiques libres qui
répondent aux besoins des adhérents et en coordonnent les compétences
territoriales.
Source : http://www.adullact.org/
Mettre en place des laboratoires ouverts à titre expérimental au sein des
administrations
Le   Conseil   recommande   d’expérimenter   la   mise   en   place   d’incubateurs   internes   ou  
open labs   au   sein   des   administrations   volontaires,   par   exemple   à   l’échelle  
interministérielle (comme le Mind Lab au Danemark, cf. encadré), régionale (La
Fonderie en Ile-de-France) ou encore métropolitaine. À ce titre, le Conseil encourage
la poursuite des initiatives existantes en la matière telle que le développement de
l’espace   Superpublic et le programme interrégional La Transfo79 qui réunissent de
nombreux  acteurs  de  l’innovation.
79 http://www.la27eregion.fr/transfo/
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166
LE MIND LAB
(DANEMARK)
Le Mind Lab est une innovation danoise interministérielle impliquant aussi bien
les citoyens que les entreprises afin de créer des nouvelles solutions pour la
société. Sa particularité tient à sa gouvernance par trois ministères (le
ministère des affaires et de la croissance, le ministère de l’éducation et celui de
l’emploi) et la municipalité d’Odense. L’ensemble est en collaboration avec le
ministère des affaires économiques et de l’intérieur. Concrètement, le Mind Lab
est un espace neutre, créé pour inspirer des collaborations dans des domaines
tels que l’entreprenariat, le libre service numérique ou encore l’éducation ou
l’emploi. L’équipe de ce laboratoire est pluridisciplinaire, elle est composée
notamment de six chefs de projet aux formations variées comme le design, la
science politique, l'anthropologie, la sociologie ou encore la communication.
Source : http://mind-lab.dk/
Ces open labs auraient pour objectif de faciliter les collaborations et la créativité afin
de  diffuser   plus  largement  la  culture  de  l’expérimentation  (prise  de  risque  mesurée,  
observation   de   terrain,   droit   à   l’erreur,   etc.)   et   de   l’innovation   ouverte   au   sein   de  
l’administration. Ils ont pour objectif de mettre en relation des agents
publics  et  des  acteurs  externes  à  l’administration  (acteurs privés, chercheurs
en sociologie, en sciences politiques, designers) pour la conduite de projets
collaboratifs. Ces laboratoires fonctionneraient  sur  la  base  d’une  grande  souplesse  
organisationnelle et permettraient à chacun de contribuer de manière libre et
autonome   à   un   projet.   Ces   structures   pourraient   intégrer   une   fonction   d’incubateur  
permettant de faire émerger des projets pour répondre à des problèmes précis en
association avec le secteur privé, sur le modèle de Code for America (cf. encadré).
CODE FOR
AMERICA
Code for America est un incubateur public, installé dans la Silicon Valley, qui a
pour objectif de mettre à profit la créativité des développeurs et des
entrepreneurs pour améliorer l’accessibilité et la qualité des services publics.
Ce lieu permet aux start-up de rencontrer des professionnels du secteur
publics et propose des financements et un accès facilité aux partenariats avec
la sphère publique. Code for America parraine des hackathons et des start-up
afin que soient créés des applications, des plateformes web, des outils de
gestion de données favorisant une meilleure qualité de service. Le matériau
premier de ces innovations se trouve dans les données publiques ouvertes en
open data.
Source : http://www.cleantechrepublic.com/2013/01/09/code-for-america-
innovation-service-pouvoirs-publics/
Au sein de ces laboratoires, pourraient être développés des projets collaboratifs entre
collectivités  ou  avec  d’autres  partenaires.  Ces  projets  pourraient  bénéficier  de  certains  
financements  publics  à  l’issu  d’un  appel  à  projet  comme  celui  lancé  par  le  programme
Futurs Publics (cf. encadré).
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167
LE PROGRAMME
FUTURS PUBLICS
Le programme Futurs Publics a été mis en place en décembre 2013 par le
SGMAP. L’objectif de ce programme est d’expérimenter et de tester « en mode
laboratoire » de nouvelles solutions aux défis du service public et de développer
au sein de l’administration un écosystème propice à l’innovation.
Lancé en décembre 2014, l’appel à projets Futurs Publics permet aux
administrations qui s’associent, entre elles ou avec d’autres partenaires, de
bénéficier d’un co-financement pour prototyper et expérimenter de nouveaux
services ou de nouveaux modes de fonctionnement. Cet appel à projets s’inscrit
dans le fonds « Transition numérique de l’État et modernisation de l’action
publique » du programme d’investissements d’avenir.
Source http://www.modernisation.gouv.fr/les-services-publics-se-simplifient-et-
innovent/par-la-co-construction/futurs-publics-innover-pour-moderniser-action-
publique
32. Mieux piloter la commande publique grâce aux données
et l’orienter davantage en faveur de l’innovation
Le numérique constitue un levier pour renforcer l'accès à la commande publique tout
en améliorant la transparence   et   l’efficience   dans   un   contexte   budgétaire   contraint.
Dès lors, le Conseil souligne les progrès réalisés en la matière dans le cadre de la mise
en   œuvre   du programme Marché public simplifié80 (MPS) et des travaux de
transposition en cours des nouvelles directives européennes « marchés publics », et
appelle  à  l’approfondissement  de  ces  initiatives.
En parallèle, les politiques de la commande publique pourraient être davantage
orientées vers les services et outils numériques à caractère innovant. En effet,
l’acquisition   de   solutions   innovantes   joue   un   rôle   essentiel   dansl’amélioration   de  
l’efficacité   et   de   la   qualité   des   services   publics   tout   en   permettant   de   faire   face   aux  
enjeux de société. Le Pacte de compétitivité fixe notamment comme objectif
d’atteindre  2 % de  la  commande  publique  dédiée  à  l’innovation  d’ici  202081.
80 Dispositif phare du programme « Dites-le-nous une fois » pour les entreprises, le service MPS offre la
possibilité à une entreprise de répondre à un marché public avec son seul numéro SIRET. Ainsi, il simplifie
radicalement la réponse aux appels d'offres publics pour les entreprises de toutes tailles. Il est ouvert à tout
appel  d’offres  public,  quel  qu’en  soit  le  montant,  et  propose  un  dispositif  inédit  de  recueil  de  consentement  
dématérialisé des cotraitants dans le cadre de réponses groupées. En savoir plus :
http://www.modernisation.gouv.fr/les-services-publics-se-simplifient-et-innovent/par-des-simplifications-
pour-les-entreprises/marche-public-simplifie
81 Pacte  national  pour  la  croissance,  la  compétitivité  et  l’emploi.  Décision  n°  32  :  Accompagner  le  
développement  des  PME  de  croissance  innovantes  en  mobilisant  l’achat  public.  
http://competitivite.gouv.fr/documents/commun/transversal/Dossier-presse-competitivite.pdf
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168
S’appuyer sur les données pour renforcer la transparence et l’efficience
des politiques d’achat public
Le Conseil appelle à revisiter le principe de transparence des procédures de passation
des  marchés  publics  prévue  à  l’article  133  du  Code  des  marchés  publics en  s’appuyant  
sur  la  démarche  d’open data. La mise à disposition des données essentielles
des marchés publics (par exemple, les données relatives aux cahiers des charges)
devrait être rendue obligatoire dans le respect du secret industriel et
commercial et sous réserve de certaines exceptions justifiées par des
motifs de sécurité.
Dans cette perspective, il serait opportun de :
Mener une réflexion concertée sur le périmètre des données
essentielles des marchés publics dont la mise à disposition
présenterait une véritable plus-value en termes de transparence et
d’efficience   de   l’achat   public. Cette réflexion devrait être menée de
concert par le service des achats   de   l’Etat   (SAE)   et   ceux des différentes
collectivités  publiques,  la  mission  Etalab  et  l’ensemble  des   parties prenantes
concernées.
Mettre  en  place  des  outils  de  visualisation  et  d’analyse  des  données  
pour les acteurs publics afin   de   faciliter   l’accès,   la   compréhension   et   la  
réutilisation de ces données. L’instauration des portails régionaux
d’informations   et   de   données   publiques   relatives   aux   marchés  
publics constitue un exemple possible (cf. encadré sur le portail de
l’association  Breizh  Small  Business  Act).
Sensibiliser le service   des   achats   de   l’État (SAE) et les services
d’achat  des collectivités publiques au potentiel des données essen-
tielles des marchés publics. L’objectif   est   d’encourager   le   recours   à  
l’analyse  des  données  pour  optimiser  le  pilotage  des  politiques  d’achat  public.  
L’analyse  des  données  permettrait  de  mesurer  le  poids  de  la  commande  pu-
blique et de mieux évaluer son impact économique ainsi que les risques de
marchés publics infructueux. En outre,  les  services  d’achat  public  pourraient  
s’appuyer  sur  les  données  pour  optimiser  la  gestion  des  commandes,  offrir une
meilleure perception du tissu et développer des indicateurs de pilotage des po-
litiques  d’achats.
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169
LE PORTAIL DE MARCHES PUBLICS DE L'ASSOCIATION
BREIZH SMALL BUSINESS ACT
L'association Breizh Small Business Act a engagé des travaux permettant
d’aboutir au prototype d'un portail régional d’informations et de données issues
des marchés publics produites par le Conseil régional de Bretagne. Ce portail
vise à présenter un état des lieux de la commande publique Bretonne en
identifiant les donneurs d’ordres et les opérateurs économiques, ainsi qu’en
recensant le montant des marchés publics attribués par segment d’activité.
En savoir plus : http://breizhsmallbusinessact.fr/my-breizh-open-data-
marches-publics/
Cette  démarche  d’ouverture,  qui  s’inscrit  dans  le  droit  fil  de  l’objectif  de  rétablissement  
de la commande publique (cf. Renouer la confiance publique, Jean-Louis Nadal,
201582),   gagnerait   à   être   généralisée   à   l’ensemble   des   contrats   de   la   commande   pu-
blique
Orienter les achats publics vers des services et outils présentant un
caractère innovant
La commande publique est un levier déterminant pour soutenir la modernisation des
outils et services numériques des institutions publiques. Dans le cadre du volet III du
rapport sur Mettre en mouvement la croissance française : vers une économie de
l’innovation (cf. recommandation n°37), le CNNum recommande :
d’assurer une prise en compte plus importante du principe
d’innovation  dans  la  commande  publique et de renforcer sa place
de  l’innovation  dans  les  critères  d’attribution  des  marchés  publics.
de   s’appuyer davantage sur les potentialités de la plateforme des
achats   d’innovation   de   l’État et des établissements publics83 pour
guider les acheteurs publics dans la conduite de leurs achats. En ef-
fet, en offrant une fonctionnalité additionnelle à la procédure classique des
marchés  publics  fondée  sur  le  mécanisme  de  l’appel  d’offres, cet espace per-
met  à  l’acheteur  public  de :
-­‐ Faciliter en amont de la rédaction des marchés, les rencontres
avec les entreprises proposant des outils/services numériques
innovants. Cette plateforme est encore trop peu utilisée par le
secteur public, alors même que sa fonction de mise en réseau
permet  à  l’acheteur  public  de  multiplier  les  clés  de  lectures  pour  
un outil ou service souhaité et ainsi mieux cibler la demande.
82 Rapport Jean-Louis Nadal, du 7 janvier 2015 : « Renouer la confiance publique », Proposition
9 :  “Diffuser  en  open  data  les  données  publiques  essentielles”  
83 Cette plateforme permet aux entreprises de concrétiser un contact direct avec le secteur pu-
blic  en  présentant  une  compétence  différenciée  avant  la  rédaction  d’un  appel  d’offre.  La  mise  en  
relation  peut  s’effectuer  soit  en  répondant à un appel à compétences soit en transmettant une
proposition spontanée. En savoir plus sur : http://www.achatspublics-innovation.fr/
DIFFUSER UNE CULTURE DE L’INNOVATION AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE :
OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique
170
-­‐ Comparer en ligne  un  grand  nombre  de  propositions  d’offre  et  in
fine être  à  même  de  choisir  avec  plus  de  sécurité  l’offre  “la  plus  
économiquement  avantageuse”.
Faciliter   l’échange   de   bonnes   pratiques   entre   acheteurs   publics.  
Développer  et  soutenir  l’innovation  et  l’efficience  dans  la  conduite  de  l’achat  
public, suppose de rechercher des outils capables de diffuser continuellement
les bonnes pratiques. Ainsi, le Conseil souligne les avancées constituées par
l’essor   des   guides   de   bonnes   pratiques   en   matière   d’achat   public (comme le
portail interministériel du Service des achats de l’État, le programme PHARE
de  la  Direction  générale  de  l’offre  de  soins  (DGOS) pour le secteur hospitalier,
le  guide  pratique  de  l’achat  public  innovant,  etc.).  Le  Conseil  préconise  néan-
moins de développer ces guides en format ouvert et réutilisable pour un meil-
leur  partage  des  retours  d’expérience  et  d’en  améliorer  leur  visibilité.  De  plus  
ces guides devraient intégrer les principes du design dans leurs recommanda-
tions visant à guider les politiques  d’achats  publics  (cf. encadré).
LE TECHFAR
HANDBOOK
Le TechFAR Handbook est un guide de bonnes pratiques qui explique comment
les agences de l’administration américaine peuvent agir stratégiquement et en
cohérence avec les règles de la commande publique fédérale pour acquérir des
biens et des services provenant du secteur privé. En effet, le TechFAR
Handbook aide les agences de l’administration à mettre en œuvre, dans leur
politique d’achat, les principes directeurs du design issus du support “Digital
Services Playbook” (f. recommandation n°22). Cette nouvelle méthode part des
usages et des expériences des utilisateurs et s’appuie sur une méthode
itérative pour définir les services les plus efficaces possibles. Cette approche
permet d’améliorer l’efficience de l’achat public par une meilleure gestion des
investissements et du risque.
En savoir plus : https://playbook.cio.gov/techfar/
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
Le numérique encourage le partage
des ressources, des compétences
et l’interdisciplinarité.
Ces dynamiques sont sources
de fertilisation croisée : elles
favorisent l’émergence de stratégies
innovantes et de nouvelles
sociabilités, elles-mêmes sources
d’innovation.
Volet 3
Mettre en mouvement
la croissance française :
vers une économie
de l'innovation
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
Sommaire
L’impératif de l’innovation agile 182
33. Adopter une définition commune de l’innovation en Europe 183
34. Une meilleure interaction entre entreprises et monde académique : ouvrir la formation
à l’innovation, diversifier le recrutement et développer la recherche collaborative 188
35. Adapter le dialogue social et la gouvernance des entreprises aux enjeux numériques 196
36. Offrir un cadre propice à l’innovation et aux partenariats entre entreprises 199
37. Renforcer la stratégie numérique de l’État contributeur de l’innovation 204
38. Ajuster les dispositifs fiscaux aux besoins des innovateurs 210
39. Élaborer la stratégie industrielle de la France en matière d’innovation ouverte 215
Reconcevoir la structure de financement de l’économie de l’innovation 220
40. Elargir les sources de financement de l’économie de l’innovation 220
41. Déployer un réseau européen des places de marché des valeurs numériques
et d’innovation 230
L’urgence de la compétitivité internationale 235
42. Renforcer territorialement et sectoriellement les écosystèmes numériques 235
43. Structurer un réseau des écosystèmes numériques européens 241
44. Intensifier la stratégie d’attractivité numérique française auprès
d’acteurs internationaux 243
45. Faciliter le développement à l’international des entreprises innovantes 246
46. Incarner une diplomatie numérique française 249
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
177
19,5 millions de Français se connectent tous les mois sur leboncoin.fr pour y vendre
leur appartement, leur voiture, leurs jouets ou y trouver leur emploi. Le succès de ce
site   marque   un   changement   massif   des   usages   et   des   modes   d’interactions   entre  
acteurs   économiques.   Si   l’économie   numérique   semble   bouleverser   autant   que  
renforcer les modèles capitalistiques et de financement observés lors des révolutions
industrielles  précédentes,  elle  ne  s’y  réduit  pas.  De  nouvelles  formes  de  création,  de  
production,  de  partage  de  ressources  et  d’usages,  ont  émergé,  et  la  réussite  d’acteurs  
comme BlaBlaCar dans le covoiturage permet à la   France   d’y   espérer   des   impacts  
bénéfiques   pour   les   ménages   (emploi,   pouvoir   d’achat)   mais   aussi   l’environnement  
(meilleure utilisation des ressources) ainsi que l’émergence   de champions
économiques (la France serait le deuxième pays le plus créateur de startups après les
États-Unis). De nouveaux paradigmes apparaissent et façonnent les clés de succès des
entreprises  et  de  l’épanouissement  de  leurs  employés  au  XXIe siècle. À nous de saisir
la   chance   et   la   responsabilité   d’en   être   les   moteurs,   pour   construire une économie
ouverte, durable et compétitive.
Ce qui frappe en premier lieu est la rapidité avec laquelle les réussites numériques se
sont développées :   les   GAFA   (Google,   Apple,   Facebook,   Amazon)   ont   22   ans   d’âge  
moyen là où le CAC40 affiche 104 ans. Leur valorisation boursière cumulée dépassera
bientôt celle des entreprises du CAC40. Elle représente déjà près de 50 % du PIB
français.   Cette   rapidité   de   déploiement   est   engendrée   par   l’accélération   des   progrès  
technologiques et la maturité des infrastructures numériques (puissance de calcul,
algorithmie,  capacité  de  stockage,  connectivité…).  Les  nouveaux  usages  font  désormais  
partie intégrante de notre quotidien. Ils sont la base des stratégies de croissance de ces
grands   acteurs.   D’un   côté,   les   acteurs   les plus puissants de cette nouvelle économie
sont parfaitement armés pour conquérir des marchés et optimiser, parfois de manière
agressive,  leurs  obligations  fiscales,  sociales,  et  juridiques.  La  nouveauté  n’est  pas  tant  
dans cette optimisation que dans la vitesse  et  la  puissance  de  leur  modèle.  De  l’autre,  
les plus petits acteurs sont freinés dans leur développement et parfois même leur accès
au marché et au financement. En France, ils sont nombreux à se plaindre de subir la
double peine : faire face à une concurrence internationale et devoir respecter des
règles parfois inadaptées, souvent instables.
Après la vitesse, le deuxième paradigme de cette nouvelle économie se caractérise par
l’absence   de   frontières   numériques,   qui   impose   d’emblée   à   toute   entreprise une
concurrence  à  l’échelle  internationale.  Le  schéma  traditionnel  qui  consiste  à  vendre  un  
catalogue de produits à une clientèle locale et fidèle à la marque cède régulièrement le
pas à une stratégie de « niche grand public » où un produit ou service, en compétition
avec  ses  concurrents  internationaux,  se  doit  d’être  excellent  sur  son  segment  et  peut  
alors  prétendre  à  gagner  des  parts  de  marché  à  l’international.  Les  niches  deviennent  
profondes grâce à leur dimension internationale. Une société comme Criteo, fondée fin
2005 à Paris, a ainsi pu devenir, en 9 ans, leader mondial dans le domaine de la
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
178
publicité personnalisée sur Internet avec une valorisation de plus de 2 milliards
d’euros   au   NASDAQ,   un   chiffre   d’affaires   réalisé   en   majorité   sur   les   continents
américain et asiatique et près de 1300 employés.
Le numérique représente un vivier de création et de renouvellement des emplois, avec
un   potentiel   de   900   000   nouveaux   emplois   d’ici à 2020 au niveau européen84. En
France, plusieurs études font le constat
d’un   désappariement   du   marché   du  
travail sur les compétences et profils
numériques : alors que la demande des
entreprises et des startups augmente, le
nombre   d’emplois   non   pourvus   dans   le  
numérique est croissant85. Pour contrer
ce risque de pénurie des talents et des
ressources,  la  France  et  l’Europe  doivent  
être compétitives, attirer et retenir les
talents, les entrepreneurs, les
innovateurs,   les   chercheurs,   les   développeurs,   les   managers,   les   investisseurs…   qui  
sont  bien  plus  mobiles  qu’ils  ne  l’étaient  auparavant.
Le  troisième  impératif  de  l’économie  à  l’ère  numérique  est  la  diffusion  des  capacités  et  
des pratiques   d’innovation,   au   sein   de   toutes   les   organisations : la recherche et le
développement  ont  longtemps  été  perçus  comme  l’unique  levier  pour  innover.  S’ils  en  
restent   une   dimension   clé,   il   convient,   ainsi   que   l’ont   montré   BpiFrance   et   la  
Fondation Internet Nouvelle Génération (FING), exemples à l'appui, dans leur livret
de référence « Innovation Nouvelle Génération86 », de diffuser un nouveau référentiel
de   l’innovation,   en   y   incluant :   les   innovations   d’usage,   de   modèle   d’affaires,   de  
commercialisation et les innovations organisationnelles et sociales.
L’innovation agile et multidimensionnelle doit se diffuser massivement
dans nos économies
La   France   doit   montrer   la   voie   et   pousser   l’Europe   à   adopter   une   vision   et   des  
principes  d’action  communs  autour  de  l’innovation,  déclinés  dans  leur  réglementation  
et leurs stratégies industrielles de soutien aux entreprises de croissance. Il est urgent
84 Etude  de  la  Commission  européenne  :  “e-Skills for Jobs in Europe. Measuring Progress and
Moving  Ahead”,  2014  http://eskills-
monitor2013.eu/fileadmin/monitor2013/documents/Country_Reports/Brochure/e-
Skills_Monitor_Broschuere.pdf
85 Par exemple, dans le secteur des logiciels et des services informatiques, près de 35 000 offres
d’emplois  ne  trouvent  pas  de  candidats  (APEC, 2013).
86 Innovation Nouvelle Génération : BPI, en partenariat avec la FING :
http://www.bpifrance.fr/Actualites-Bpifrance/Innovation-Nouvelle-Generation-Bpifrance-en-
partenariat-avec-la-FING-presente-un-nouveau-referentiel-de-l-Innovation-pour-mieux-
accompagner-les-futures-pepites-francaises
Le numérique représente
un vivier de création d'emplois,
avec un potentiel de 900 000
nouveaux emplois d’ici à 2020
au niveau européen.
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179
que   les   systèmes   publics   deviennent   des   contributeurs   exemplaires   de   l’innovation  
“nouvelle   génération” :   l’État, en tant   qu’acteur   économique87 et régulateur, doit
adapter son fonctionnement et ses politiques publiques en direction des innovateurs.
Les dispositifs publics de soutien doivent être rééquilibrés et mieux adaptés à
l’économie  de  l’innovation.
Le numérique bouleverse les manières de produire, de penser et de diffuser le
changement. Il  nourrit  de  nouvelles  relations  entre  l’homme  et  la  technique,  entre  les  
hommes et les organisations. Il aplanit les hiérarchies, introduit plus de souplesse,
d’agilité,   et   pousse   au  
développement de schémas
participatifs de production et de
décision. C’est   en   intégrant   ces  
nouvelles polarités que les
entreprises   d’hier   pourront  
s’affirmer   en   futurs   champions.  
L’exemple  de  la  biscuiterie  Poult,  
entreprise   familiale   créée   en   1883   illustre   la   puissance   de   l’innovation  
organisationnelle comme vecteur de croissance. En refondant son organisation pour
faire   contribuer   l’ensemble   de   ses   salariés   au   processus   de   création   de   biscuits  
(suppression  de  deux  couches  de  hiérarchie,  mise  en  œuvre  de  process  d’innovation  
managériale88), Poult a réussi à gagner 5 % de parts de marché dans un secteur
mature.  L’État doit prendre en compte ces nouvelles opportunités de transformation
en incitant les entreprises et le monde académique à renouveler leurs pratiques de
formation, de recrutement et de partenariat avec des acteurs tiers, et en leur offrant un
cadre   propice   et   équilibré   à   l’innovation   agile   et   partagée.   Pour   faire   émerger   de  
nouvelles formes de participation, tant dans la création de valeur que dans la décision,
les   contours   d’un   dialogue   social   modernisé   doivent   être   dessinés   à   l’aune   de   ces  
transformations numériques.
Reconcevoir la structure du financement de l’économie de l’innovation
Ces nouveaux paradigmes obligent les entreprises à investir de plus et plus vite. La
réussite des modèles économiques numériques dépend en grande partie des
investissements  réalisés,  qui  sont  au  moins  équivalents  si  ce  n’est  supérieurs  à  ceux  
réalisés   dans   les   industries   “traditionnelles”.   Il   serait   illusoire   de   considérer   que   la  
baisse de certains coûts de développement liés au progrès technologique (cloud, APIs,
marketing  à  la  performance,  etc.)  diminuerait  le  besoin  d’investissement  dans  d’autres  
activités   liées   à   l’innovation,   surtout   lorsque   cette   dernière   devient  
multidimensionnelle.
87 actionnaire, investisseur, et acheteur
88 voir rapport Innovation Nouvelle Génération cité plus haut
Le numérique bouleverse les
manières de produire, de penser
et de diffuser le changement.
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VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
180
Ces  types  d’investissements,  par  nature  risqués et projetés sur le moyen/long terme,
sont le plus souvent financés par le capital. La disponibilité et la bonne circulation du
capital déterminent ainsi la capacité des entreprises à se financer, et de facto, à
innover.  Or  une  étude  d’EY  (Ernst  &  Young)  « Funding the Future89 », montre que les
PME américaines se financent à 80 % par du capital et 20 % par de la dette. En
revanche, la situation est inversée en Europe et notamment en France où cette même
étude montre que 92 % des PME françaises se financent par de la dette et 8 % par du
capital. On observe par ailleurs que les entreprises qui affichent plus de capitaux
propres  dès  leur  création  sont  également  celles  qui  génèrent  le  plus  d’emplois,  laissant  
à   penser   que   le   niveau   de   capital   est   l’un   des   facteurs déterminant de la création
d’emplois90.
Il est donc urgent de penser la finance comme outil de reconstruction économique au
niveau européen, et de consolider la chaîne de financement en fonds propres sur tout
le cycle de développement des entreprises, des business angels91 à   l’introduction   en  
bourse,  aux  niveaux  français  et  européen.  Cette  reconstruction  ne  sera  possible  qu’en  
adaptant  les  incitations  fiscales  et  le  cadre  réglementaire  des  produits  d’épargne,  afin  
qu’ils  privilégient  les  investissements  dans  l’économie  réelle,  par  nature  long  terme  et  
risqués, et non les placements sans risque. Ces réflexions pourraient être mises en
débat  lors  des  Assises  de  l’Entrepreneuriat.
Il   sera   également   important   d’engager   une   discussion   sur   l’adaptation   de   la  
réglementation Solvabilité II92 si   elle   s’avère   être   un   frein   trop   important   à  
l’investissement   en   capital   dans   les   entreprises   innovantes.   De   plus,   les   banques  
restent  des  acteurs  incontournables  du  financement  de  l’économie.  Il  est  nécessaire  de  
les impliquer dans la définition de nouveaux produits à destination des modèles
d’affaires  numériques  et  définir  des  relations  stables  avec  les  startups.  La  contribution  
des investisseurs privés doit être soutenue, via le  crowdfunding  et  l’investissement  des  
business angels.
Il  est  indispensable  de  mobiliser  la  finance  au  service  de  l’économie  pour  que celle-ci
réussisse sa mue et saisisse les opportunités de disruption et de création de valeur
offertes  par  le  numérique.  C’est  ainsi  que  nous  reconstruirons  une  économie  franco-
européenne innovante, dynamique et conquérante.
89 http://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/EY_G20_-_Funding_the_future:/$FILE/EY-
g20-Funding-the-future.pdf
90 Bases de données réalisées par le pH Group en 2003, http://www.irdeme.org/Ou-sont-les-
gazelles-francaises-10035.html
91 investisseurs individuels fortunés ou expérimentés
92 projet  de  réforme  européenne  s’appliquant  au  secteur  de  l’assurance,  fixant  des  exigences  en  
matière  de  fonds  propres,  d’organisation  et  d’informations  prudentielles.  Date  d’entrée en appli-
cation fixée au 1er janvier 2016 http://acpr.banque-france.fr/solvabilite2/actualites/la-reforme-
solvabilite-ii.html
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
181
L’urgence de la compétitivité internationale
Les filières numériques   se   structurent   progressivement.   C’est   le   dernier   constat   de  
cette révolution industrielle en cours. Sa réussite est consubstantielle à la formation
d’écosystèmes   ouverts   et   dynamiques,   et   souvent   spécialisés.   Malgré   la  
dématérialisation de cette économie,   jamais   les   territoires   et   les   talents   n’ont   été  
autant   indispensables   au   développement   d’une   économie   attractive,   créatrice  
d’emplois,  y  compris  dans  des  secteurs  qui  semblent,  de  prime  abord,  les  plus  éloignés  
du numérique.
Le   développement   d’écosystèmes identifiés et puissants est par ailleurs le meilleur
levier  pour  structurer  un  marché  unique  numérique,  tant  l’Europe  doit  assurer  la  mise  
en réseau de ses écosystèmes, en fluidifier les échanges, appréhender la spécialisation
économique de certains clusters régionaux,  et  accompagner  l’émergence  de  champions  
créateurs  de  valeur  et  d’emplois.
“Poule   et   œuf”   de   notre   compétitivité,   l’attractivité   de   la   France   dépend   de   son  
ouverture à tout talent, investisseur, ou citoyen qui souhaite développer des
innovations numériques. Leur
accès doit être facilité par une
politique   inclusive   d’accueil   des  
innovateurs étrangers. Ce
volontarisme est applicable en sens
inverse. Les startups et innovateurs
français   ont   besoin   d’un   soutien  
affirmé des institutions françaises
pour  se  développer  à  l’international  
et conquérir des marchés. Les
procédures doivent être plus
accessibles, plus simples, plus harmonisées. Elles doivent faciliter les initiatives
communes entre grands et petits acteurs. La France peut enfin faire levier sur ses
atouts   et   son   rayonnement   mondial   pour   être   la   figure   de   proue   d’une   diplomatie  
numérique  francophone  porteuse  de  valeurs  et  d’audace.
« Poule et œuf » de notre
compétitivité, l’attractivité
de la France dépend de
l’ouverture de notre pays à tout
talent, investisseur, ou citoyen
numérique.
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
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182
L’impératif
de l’innovation agile
Redéfinir le principe d’innovation à tous les niveaux
La  conception  actuelle  de  l’innovation  est  encore  trop  caractérisée  par  une  
approche restrictive, si bien que les entreprises et les organisations ont tendance à
considérer  l’innovation  comme  moins  importante  que  la  Recherche & Développement,
ou à simplement la réduire à sa dimension technologique. Or, les entreprises qui
réussissent leur transformation numérique sont justement celles qui ont développé
une   véritable   stratégie   d’intégration   de   l’innovation,   et   ce   de   manière   transversale.  
Pour   elles,   innover   c’est   à   la   fois   réaliser   des   acquisitions   stratégiques,   prendre   des  
risques en achetant différemment, accepter de décloisonner les activités et les équipes,
et   mettre   l’innovation   au   même   niveau   que   la   Recherche & Développement. Aussi,
pour être performante, une organisation a-t-elle   besoin   d’intégrer   une   fonction  
d’innovation  à  son modèle de développement, associée à un bouleversement de son
organisation.
Il   est   crucial   d’étendre   la   définition   de   l’innovation   pour   y   inclure   de  
nouveaux aspects - organisationnels,   marketing,   sociaux,   modèles   d’affaires   (cf.
encadré) - et inviter les entreprises à les intégrer dans leurs stratégies de
transformation. De cette typologie nouvelle et élargie doivent émerger de nouveaux
référentiels  d’innovation,  permettant de mieux saisir les dimensions multiples de
la création de valeur, aux côtés de l’innovation  technologique  classique.
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
183
LE LIVRET JAUNE “INNOVATION
NOUVELLE GENERATION”
Le livret jaune “Innovation Nouvelle Génération” BPI France/FING propose de
nouveaux référentiels en se fondant sur de nouveaux critères :
Innovation technologique : création, amélioration, intégration d’une
nouvelle technologie
Innovation de produit, de service, d’usage : création ou amélioration d’un
produit ou service
Innovation de commercialisation : ciblée autour de la mise en vente, de
la promotion, et du développement d’une offre ou d’un produit
Innovation organisationnelle : organisation du travail au sein de
l’entreprise, développement de la chaîne logistique
Innovation de modèle d’affaires (business model) : changement de la
structure des gains de l’entreprise
Innovation sociale : réponse à un besoin social, aussi bien dans le
produit considéré que dans les méthodes de vente
Les auteurs du livret jaune évaluent également l’intensité d’une innovation à
partir d’une échelle à deux dimensions, prenant en compte le caractère
“radical” (impliquant un changement durable pour l’ensemble des acteurs
économiques) ou “incrémental” (créant un avantage comparatif pour l’acteur
innovant, sans forcément créer de répercussions sur les autres acteurs de
l’économie) d’une innovation.
En savoir plus : http://www.bpifrance.fr/Actualites-Bpifrance/Innovation-
Nouvelle-Generation-Bpifrance-en-partenariat-avec-la-FING-presente-un-
nouveau-referentiel-de-l-Innovation-pour-mieux-accompagner-les-futures-
pepites-francaises
33. Adopter une définition commune de l’innovation en Europe
La  compétitivité  internationale  de  l’Union  européenne  dans  le  secteur  de  
l’économie   numérique   suppose   le   soutien   et   le   développement  
d’entreprises   innovantes,   capables   de   s'affirmer   en   champions  
industriels.
Le Conseil recommande   d’adopter   une   approche   et   une   définition   communes   de  
l’innovation93 en Europe, qui servent de base à une politique de soutien volontariste de
l’Union   européenne.   Elle   ouvrirait   la   voie   à   la   reconnaissance   européenne   des  
entreprises innovantes, à l’optimisation  des  dispositifs  de  soutien  et  de  financement,  et  
à  l’ouverture  des  marchés  publics.
93 Base de définition intéressante dans la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du
Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics – article 2 § 22 : « la mise en
œuvre  d’un  produit,  d’un  service  ou  d’un  procédé  nouveau  ou  sensiblement amélioré, y compris
des  procédés  de  production  ou  de  construction,  d’une  nouvelle  méthode  de  commercialisation  
ou  d’une  méthode  organisationnelle  dans  les  pratiques,  l’organisation  du  lieu  de  travail  ou  les  
relations  extérieures  de  l’entreprise »
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
184
Définir un statut d’entreprise européenne innovante pour favoriser
l’émulation de champions européens et la constitution de marchés
transnationaux
Le statut de société européenne a été créé afin de faciliter les activités transfrontalières
des   grandes   sociétés   souhaitant   se   développer   à   l’échelle   européenne   (cf. encadré).
L’objectif   était   également   de   régler   les   conflits   de   mobilité   en   permettant   le  
déplacement  du  siège  statutaire  de  la  société  européenne  sans  que  cela  n’entraîne  sa  
dissolution.
LE STATUT DE LA SOCIETE EUROPEENNE
La directive n°2001/86/CE du 8 octobre 2001 établit un statut de
“société européenne”, autorisant les sociétés créées dans des États-membres à
fusionner ou à former une société holding ou une filiale commune, leur évitant
les contraintes liées à des ordres juridiques différents.
Le statut tel que défini aujourd’hui ne permet pas à une jeune entreprise
innovante d’y souscrire, en raison de plusieurs contraintes et “barrières à
l’entrée” (conditions de capital social minimum, de durée d’existence minimum
notamment ainsi qu’un manque d’harmonisation du droit européen en matière
fiscale…). Il n’existe à ce jour que 34 sociétés européennes en France.
En savoir plus :
http://europa.eu/legislation_summaries/employment_and_social_policy/so
cial_dialogue/l26016_fr.htm, http://ecdb.worker-participation.eu/
Il   est   nécessaire   de   s’inspirer   du   statut   de   société   européenne   et   de   l’adapter   aux  
jeunes entreprises innovantes. Ce statut permettrait à une entreprise d’affirmer   son  
identité   européenne   au   niveau   international,   de   trouver   des   associés   dans   d’autres  
États-membres,  et  d’être  plus  mobile.  Les  contraintes  liées  à  l’installation  d’antennes  
locales pourront ainsi être levées, et les échanges transfrontaliers facilités par des
démarches administratives plus simples.
Un tel statut suppose par ailleurs que les États-membres engagent une
réflexion  sur  l’harmonisation  de  règles,  en  matière  de  fiscalité  et  de  droit  
des contrats, envers les startups.
Dès lors, il est nécessaire de :
Compléter la directive n°2001/86/CE instituant la société européenne et créer
le statut de société innovante européenne94 :
-­‐ Élargir les critères permettant de définir une société innovante
(au-delà   de   l’innovation   technologique,   considérer   l’innovation  
94 ou a minima, introduire un volet innovation dans la directive : sans créer un nouveau statut,
intégrer des exceptions spécifiques pour les jeunes entreprises innovantes.
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
185
ouverte,   déjà   reconnue   par   l’Union   européenne,   l’innovation  
d’usages,  de  services,  de  procédés,  d’organisation) ;
-­‐ Assouplir les contraintes juridiques et fiscales (diminuer le capital
social  minimum,  supprimer  l’obligation  d’avoir  une  filiale  depuis  
au moins deux ans dans un autre État membre, définir un régime
fiscal simplifié) ;
-­‐ Renforcer la directive sur les manques juridiques européens qui
renvoient  au  droit  national  afin  d’éviter  les  disparités  juridiques  
entre États membres.
Accompagner   la   création   d’un   nouveau   statut   d’entreprise   innovante   de   me-
sures incitatives pour le rendre accessible et opérant auprès de jeunes pépites,
par exemple :
-­‐ Créer  un  “European  Tech  Pass”  comprenant : un accès privilégié à
des  appels  à  projets  de  l’Union  européenne  et  des  marchés  publics  
dans les États-membres ;;   un   service   d’accompagnement   des  
démarches   des   startups   souhaitant   bénéficier   d’aides   conjointes
de   la   part   d’États-membres ; un accès à des incubateurs et
laboratoires de recherche au sein des États, un accès plus direct
aux procédures administratives au niveau européen, etc. ;
-­‐ Mettre à disposition une plateforme publique européenne
répertoriant des projets de startups et mettant en relation
investisseurs, grands groupes, acheteurs publics, etc. ;
-­‐ Faciliter le recours à des levées de fonds dans des pays différents,
en rapprochant les fonds de capital-risque (notamment en phase
de développement) ; faciliter la conclusion de joint-venture avec
des sociétés implantées localement.
Élaborer un “Innovation Act” européen
Cet « Innovation Act » pourrait intégrer plusieurs mesures et paquets réglementaires
en   faveur   d’un   soutien   plus   efficient à l’innovation.   Il   pourrait   comprendre   des  
mesures  plus  spécifiques  en  matière  d’achats  publics afin  d’encourager  l’innovation  et  
d’instaurer   plus   de   concurrence   entre   des   petits   acteurs   et   des   plus   grandes  
entreprises. En autorisant les États-membres à réserver une part de leurs appels
d’offres   à   des   entreprises   européennes   ayant   acquis   le   statut   d’entreprise   innovante  
européenne,   l’Union   européenne   peut   construire   une   véritable   stratégie autour de
l’innovation  et la croissance de ses pépites, dans le respect des règles de concurrence.
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
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186
Développer   un   “Innovation   Act”,   introduisant   plus   de   souplesse  
dans  les  politiques  d’achat  public  des  États-membres.  S’inspirer  du  
modèle américain95 afin de :
-­‐ Réserver effectivement une part des marchés publics aux sociétés
européennes innovantes (avec des modulations de seuils en
fonction du nombre de salariés, un assouplissement des
conditions de recevabilité financière);
-­‐ Développer   l’échange   de   bonnes   pratiques   entre   États-membres
(rédaction  d’appels  d’offre,  procédures  de  sélection, etc.) afin de
développer un vocabulaire partagé autour des achats
d’innovation.
SMALL BUSINESS ACT ET BUY AMERICAN ACT AUX
ETATS-UNIS
Le Small Business Act réserve certains marchés publics aux PME (entre 23 %
et 43 % des marchés publics), ce qui encourage l’innovation locale tout en
permettant aux petits acteurs de concurrencer les grandes entreprises.
Le Buy American Act impose l'achat de biens produits sur le territoire
américain pour les achats directs effectués par le gouvernement américain.
En savoir plus : https://www.sba.gov/content/small-business-act &
http://www.canadainternational.gc.ca/sell2usgov-
vendreaugouvusa/procurement-marches/buyamerica.aspx?lang=fra
Réfléchir, en parallèle de l’”Innovation Act”, à un assouplissement des
règles relatives aux aides d’État soutenant l’innovation
Les  règles  relatives  aux  aides  d’État  sont  définies  dans  les  articles  107  et  108  du  traité  
sur  le  fonctionnement  de  l’Union  européenne  (TFUE).  Elles  prévoient  notamment  une  
obligation de notification de la part des États-membres lorsqu’ils   prévoient   des  
dispositifs  de  soutien  à  l’innovation  susceptibles  de  s’apparenter  à  des  aides  d’État.  Par  
voie de règlement, la Commission européenne peut déclarer que certaines catégories
d’aides  sont  compatibles  avec  le  marché  commun  et  n’ont  pas  à être  notifiées,  à  l’instar  
des aides en faveur des petites et moyennes entreprises, de la recherche et du
développement.
Il  est  nécessaire  de  compléter  les  catégories  d’aides  en  faveur  de  petites  et  
moyennes   entreprises   en   prenant   en   compte   l’innovation   dans sa
globalité, et non uniquement au niveau de la recherche et le
développement.
95
par  l’adoption  d’une  directive  ou  d’un  corps  de  textes  normatifs  s’inspirant  des  mesures du
Buy American Act et du Small Business Act aux États-Unis
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
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VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
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Articuler la création de ce statut avec les priorités industrielles de
l’Union européenne en capitalisant sur les initiatives au sein des États-
membres
Créer  des  concours  d’innovation au niveau européen : pousser la créa-
tion   de   projets   européens   via   des   appels   à   projets   s’inspirant   du   Concours  
Mondial  d’Innovation96 ;
S’appuyer  sur  le  fonds  entrepreneurs  nouvelles  technologies du Plan
Horizon 2020 pour financer des projets paneuropéens innovants (cf. encadré)
PLAN HORIZON 2020 - ENTREPRENEURS
NOUVELLES TECHNOLOGIES
Dans le cadre du Plan Horizon 2020 visant à développer la recherche et
l'innovation, l'Union Européenne a créé un fonds de 15 Mds€ pour aider les
entrepreneurs des nouvelles technologies. Selon Bruxelles, cette démarche a été
mise en place pour transformer la culture de l'entreprise, donner aux étudiants la
confiance, le savoir-faire et le soutien pour créer leurs propres entreprises, ainsi
que pour aider les startups européennes prometteuses à se développer sur le
marché international.
Le fonds est divisé en deux parties :
Les 5 premiers milliards d'euros sont destinés aux accélérateurs et aux
incubateurs pour aider les jeunes entrepreneurs à créer leur société dès la fin de
leurs études. Il est prévu d'organiser des concours sur 10 pays européens au
minimum pour trouver les meilleures idées, ainsi que des universités d'été visant
à inspirer et développer la future génération d'entrepreneurs du numérique. La
Commission européenne veut également soutenir les labs qui permettent à des
étudiants, des entrepreneurs, des designers, des universités et des enseignants
de se rencontrer dans le cadre d'espaces expérimentaux.
Les 10 milliards restants seront consacrés aux startups qui placent les
technologies web et mobiles au cœur de leur modèle économique mais aussi,
plus largement, aux entreprises créées à partir d'incubateurs, d'accélérateurs ou
de plateformes de crowdfunding.
En savoir plus : http://www.horizon2020.gouv.fr/pid29976/plan-site.html
Réaliser des projets pilotes sur des secteurs spécifiques : par exemple,
imaginer la fusion de certains plans et programmes industriels nationaux -
“Usine  du  Futur97”  au  niveau  français  et  “Industrie  4.098”  au  niveau  allemand  
(cf. encadré).
96 http://www.entreprises.gouv.fr/innovation-2030/accueil-innovation-2030
97 http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/17721.pdf#page=47
98 http://www.plattform-i40.de/
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
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PLAN INDUSTRIE 4.0
(ALLEMAGNE)
À l’origine, il s’agit d’un concept poussé par des grands représentants de
l’industrie allemande, qui évoque l’émergence d’une 4e révolution industrielle
basée sur des chaînes de valeur plus horizontale, des industries plus
ergonomiques, flexibles et efficientes organisées en réseau, moins
consommatrices de ressources, par l’utilisation des smart grids (“smart factory”)
ou encore des objets connectés.
Dans le but de dessiner les contours du concept, une instance représentative,
l’Union pour la recherche (“Forschungsunion”), composée de personnalités du
monde scientifique et industriel, a été créée. L’initiative s’est transformée en une
plate-forme « Industrie 4.0 », portée par les syndicats de l’industrie elle-même,
pensée comme outil de mobilisation du tissu économique dans sa totalité et
comme la voix d’une vision en co-construction pour la politique industrielle du
futur. Cette vision a notamment alimenté la Stratégie High-Tech de l’Allemagne.
En savoir plus : http://www.plattform-i40.de/
http://lemonde.fr/economie/article/2014/11/14/la-france-doit-s-inspirer-du-
projet-industrie-4-0-allemand_4523865_3234.html
34. Une meilleure interaction entre entreprises et monde
académique : ouvrir la formation à l’innovation, diversifier
le recrutement et développer la recherche collaborative
Trois conditions essentielles doivent être réunies pour accroître
l’innovation   au   sein   de   l’entreprise,   et   toutes   nécessitent une forte
interaction   avec   le   monde   académique,   de   l’enseignement   et   de   la  
recherche.
L’entreprise   doit   d’abord   pouvoir   disposer   d’un   vivier   de   personnels   bien   formés   à  
l’innovation,  qui  ont  commencé  à  la  pratiquer,  notamment  au  sein  de  projets  ouverts  
et  collaboratifs.  L’entreprise  doit  effectivement  recruter  des  profils  innovants,  inciter  
ses   équipes   à   maintenir   leur   potentiel   d’innovation   tout   au   long   de   leur   vie   et   leur  
donner   les   moyens   de   le   faire,   et   promouvoir   un   management   de   l’innovation  
valorisant les soft skills et  le  sens  de  l’initiative.  Un  contact  étroit  avec  le  monde  de  la  
recherche académique est également nécessaire. Une telle interaction apporte à
l’entreprise   un   meilleur   accès   aux   connaissances,   une   meilleure   maîtrise des
démarches de recherche et une ouverture aux compétences transdisciplinaires, qui
sont  les  clefs  d’une  innovation  continue  et  performante.  Enfin,  les  filières  numériques  
doivent   faire   preuve   d’exemplarité   en   matière   d’égalité   entre   les   femmes   et   les  
hommes,  tant  dans  l’accès aux formations que dans le monde professionnel99.
99 Selon une étude du Syntec, le numérique compte environ 28% de femmes (voir enquête 2013 :
http://www.syntec-numerique.fr/content/edition-2013-de-lenquete-femmes-du-numerique).
Dans  les  écoles  d’ingénieurs,  le  pourcentage  des  femmes  dépasse  rarement  les  30%  (voir  l’outil  
de  l’Usine  Nouvelle  :  http://www.usinenouvelle.com/comparatif-des-ecoles-d-ingenieurs-2014)
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
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Mieux former et impliquer les innovateurs
Mieux valoriser les filières techniques et professionnelles :
-­‐ Développer des passerelles entre ces formations et les formations
classiques
-­‐ Lancer des campagnes de promotion de ces filières dans les
écoles,  en  mettant  l’accent  sur  leur  accessibilité  et  leur  potentiel,  y  
compris pour les femmes
Valoriser les filières de recherche, les formations et les initiatives
universitaires en reconnaissant les dimensions multiples de
l’innovation :
-­‐ Reconnaître la thèse comme formation professionnelle
-­‐ Intégrer  au  sein  des  Contrats  d’objectifs  et  de  moyens  des  
universités  un  chapitre  en  faveur  de  l’innovation  ouverte,  à  
destination  d’entreprises  et  de  startups  innovantes
-­‐ Instituer des équivalences de diplômes pour des profils innovants,
valorisant par exemple les autodidactes en matière de numérique,
les entrepreneurs, etc.
Impliquer les entrepreneurs dans la définition des cursus pédago-
giques des universités, des grandes écoles et des écoles
d’ingénieurs, généraliser leur présence dans les équipes pédagogiques, déve-
lopper leurs interventions et leurs contacts directs avec les étudiants, et valori-
ser cette participation dans les grilles salariales :
-­‐ À cette fin, consacrer un véritable  statut  d’entrepreneur-
enseignant par  l’extension  du  décret  n°87-889 du 29 octobre
1987, qui prévoit déjà la possibilité de faire intervenir les
entrepreneurs dans les enseignements des établissements
d’enseignement  supérieur ;
-­‐ Créer des centres de développement pédagogique, où
interviendraient à la fois des académiques et des professionnels
extérieurs  à  l’enseignement,  afin  de  mieux  répondre  aux  besoins  
de formation et de définir des pratiques pédagogiques
innovantes100.
100 Voir le rapport de la StraNES (P.36) : http://cache.media.enseignementsup-
recherche.gouv.fr/file/STRANES/05/3/Rapport_etape_StraNES_8_juillet_-
_17h04_339053.pdf
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
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Intégrer dans toutes les formations initiales des projets collabora-
tifs, transdisciplinaires, développant la créativité, ancrés sur le territoire, réali-
sés avec les grandes entreprises et les startups. Reconnaître ces projets par
l’obtention  de  crédits  ECTS  (cf. encadré).
DISPOSITIFS DE PROJETS OUVERTS
POUR LES ETUDIANTS
Le FacLab de l’Université de Cergy-Pontoise est un lieu ouvert, mettant à la
disposition de tous des machines, des infrastructures et du soutien dans la
réalisation de projets ou dans l’apprentissage de nouvelles techniques et
pratiques. Etudiants, enseignants, habitants de la ville, porteurs de projets et
entreprises peuvent venir transformer leurs idées en projet et/ou en objet très
rapidement. Cette démarche favorise la mutualisation, le partage des
compétences, et l’interdisciplinarité. En savoir plus : http://www.faclab.org
L’OpenLab est l'atelier de création scientifique du CRI (Centre de Recherches
Interdisciplinaires). Il accueille les projets des étudiants et enseignants et, sans
exclusivité, les projets de tout citoyen qui relèvent des objets connectés et
capteurs et des EdTech (Education & Technologie). Il offre également un
accélérateur destiné principalement aux étudiants entrepreneurs. L'OpenLab
offre des machines de prototypage rapide, des formations et de
l'accompagnement. C'est un lieu universitaire de fertilisation entre technologie,
recherche, éducation, sciences citoyennes, design et entrepreneuriat. En savoir
plus : http://lopenlab.github.io/
L’Université de Roskilde a été créée en 1972 au Danemark dans l’idée de
rénover l’université, jusqu’alors perçue comme inadaptée. Elle a fait preuve
d’une innovation pédagogique radicale en développant « l’apprentissage par
problèmes et par projets » dans tous les cursus de formation à tous les
niveaux. La moitié des crédits ECTS est délivrée via des projets de groupe, les
sujets sont choisis par les étudiants et le suivi est réalisé par un superviseur.
En savoir plus : http://cache.media.enseignementsup-
recherche.gouv.fr/file/STRANES/05/3/Rapport_etape_StraNES_8_juillet_-
_17h04_339053.pdf (page 35 du rapport)
Développer  dans  les  cursus  d’ingénieurs  une  formation  minimale  à  
et par la recherche.
Développer dans les cursus de thèses, y compris académiques, des
stages dans le monde de l’entreprise (doctorat-conseil), mieux mettre en
lumière la formation professionnelle généraliste présente dans ce cursus, la
faire  reconnaître  explicitement  et   inciter  le  doctorant  à  faire  aussi  du  “grand  
public”  et  des  thèses  collaboratives  (ex : Philoweb.org101, ma thèse en 180 se-
condes102, nouveau chapitre de la thèse, (cf. encadré  sur  les  procédures  d’aide  
à  l’insertion  des  doctorants  dans  l’entreprise)
101 http://hackyourphd.org/2014/01/interview-dalexandre-monnin-une-these-augmentee-avec-
philoweb-org/
102 http://mt180.fr/
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LE STATUT NATIONAL
ETUDIANT-ENTREPRENEUR
Le statut national d'étudiant-entrepreneur permet aux étudiant(e)s et aux jeunes
diplômé(e)s d'élaborer un projet entrepreneurial dans un pôle étudiants pour
l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat (PEPITE).
Le diplôme d'établissement "étudiant-entrepreneur" (D2E) accompagne le statut
d'étudiant-entrepreneur : il offre à l’étudiant un accès à des prestations qui lui
permettront de maximiser les chances de réussite du projet.
En savoir plus : http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid79926/statut-
national-etudiant-entrepreneur.html
Renouveler les pratiques de recrutement et de formation continue
BAROMETRE DES METIERS DU NUMERIQUE -
MULTIPOSTING/CAP DIGITAL, JANVIER 2015
Selon ce baromètre, les tensions sur le marché du recrutement des métiers du
numérique s’expliquent notamment par un manque d’attractivité des offres
d’emploi du numérique, un faible rapprochement du monde de la formation des
attentes des entreprises ainsi qu’un manque de mutualisation et de remontées
des besoins auprès des canaux de recrutement (Pôle emploi, groupement
d’entreprises, etc.).
En savoir plus : http://www.capdigital.com/wp-
content/uploads/2015/01/barometre_7pages.pdf
Diversifier  les  profils  au  sein  de  l’entreprise :
-­‐ Valoriser les compétences en matière de numérique et
d’innovation,  en  opérant  notamment  une  refonte  des  grilles  
salariales.
-­‐ Améliorer  la  représentation  des  femmes  et  l’égalité  
professionnelle,  soutenir  les  initiatives  “souples”  promouvant  la  
présence de femmes dans le numérique et incitant à leur
meilleure valorisation.
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
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192
INITIATIVES DE PROMOTION DES FEMMES
DANS LE NUMERIQUE
Girlz In Web : cette association française créée en 2009 agit pour la promotion
et la valorisation des femmes dans le domaine du numérique et des nouvelles
technologies. Des événements mensuels (master class, tables-rondes, soirées
networking, etc.) sont régulièrement organisés. En octobre 2014, l’association
a mis en place une plateforme mettant en réseau les expertes du numérique.
Cette plateforme constitue une initiative constructive car elle rend visible la
présence des femmes dans le secteur et invite à une reconnaissance pair à pair
de ces profils. Par ce moyen, il est attendu que davantage de femmes soient
invitées à s’exprimer publiquement sur le numérique (interviews, auditions,
interventions, etc.).
En savoir plus : http://expertes.girlzinweb.com/
Autres initiatives :
Commission “Femmes numériques” du Syntec :
http://www.femmesdunumerique.com/
Réseau Girls in Tech : http://gitparis.com/
Former  l’ensemble  du   personnel  de  l’entreprise  aux   enjeux   numé-
riques, et développer la formation continue au code et aux mé-
thodes agiles,  à  l’exemple  de  Simplon   qui  a  formé   les  membres  du  Comité  
exécutif  d’Orange103 ou du Groupe La Poste, qui a formé tous les collaborateurs
de la branche numérique du groupe. Pour les responsables ressources
humaines et autres décideurs stratégiques, instaurer une formation
annuelle obligatoire aux enjeux et aux compétences du numérique.
Systématiser la participation du monde académique à la formation
continue  dans  l’entreprise et valoriser cette participation dans les cursus
des enseignants-chercheurs.
Déployer une meilleure interface entre formation et recrutement,
par la possibilité :
-­‐ de  périodes  de  formation  pour  les  personnels  de  l’entreprise,  
notamment en milieu académique ;
-­‐ de programmes de recrutement-formation,  afin  d’intégrer  dans  
l’entreprise,  de  manière  évolutive,  des  profils  non  spécialisés  dans  
le  cœur  de  métier  initial  de  l’entreprise ;
-­‐ d’intégration  de  chercheurs  et  doctorants  dans  les  entreprises,  via  
une  campagne  de  promotion  et  d’incitation (CIFRE, NCT,
doctorants conseils - cf. encadrés).
103 Simplon.co,”Le  Comex  d’Orange  prend  les  lignes  de  commandes”,  14  janvier  2015  
http://simplon.co/blog/2015/1/14/le-comex-dorange-prend-les-lignes-de-commandes
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
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193
LES PROCEDURES D’AIDE A L’INSERTION
DES DOCTORANTS DANS L’ENTREPRISE
Les conventions CIFRE (Conventions Industrielles de Formation par la Recherche)
subventionnent toute entreprise de droit français qui embauche un doctorant
pour le placer au cœur d’une collaboration de recherche avec un laboratoire
public. En savoir plus : http://www.anrt.asso.fr/
Le nouveau chapitre de la thèse (NCT) conduit les docteurs à considérer leur
thèse non plus uniquement comme un sujet scientifique mais comme une
expérience personnelle et professionnelle, comme un véritable projet, leur
permettant une meilleure insertion professionnelle. Ce dispositif offre aux
doctorants un accompagnement individualisé avec un spécialiste en ressources
humaines ou en recrutement, une formation courte. Leurs travaux sont présentés
à un public non spécialiste.
En savoir plus :
http://www.intelliagence.fr/page/cms/ViewSection.aspx?SectionId=65
Les doctorants-conseils : ce dispositif permet à des doctorants d’effectuer des
missions en entreprise parallèlement à la réalisation de leur thèse. L’objet d’une
mission devra se situer dans le domaine de compétence du doctorant mais n’aura
pas nécessairement de lien direct avec son sujet de recherche. Ainsi, le doctorant
a la possibilité d’acquérir une réelle première expérience en entreprise et
l’entreprise dispose d’un nouveau moyen pour s’ouvrir à l’innovation. En savoir
plus : http://www.univ-paris-est.fr/fr/entreprises-et-partenaires/document-
1121.html
RAPPORT D’ETAPE DU COMITE STRANES
PROPOSITION POUR INCITER LE RECRUTEMENT
DE DOCTEURS
Pour inciter les entreprises à recruter davantage de docteurs dans les
entreprises, le rapport de la StraNES proposait de conditionner le crédit impôt
recherche à l’atteinte d’une proportion minimale de docteurs ou à un
engagement d’embauche de docteurs dans les entreprises.
En savoir plus : http://cache.media.enseignementsup-
recherche.gouv.fr/file/STRANES/05/3/Rapport_etape_StraNES_8_juillet_-
_17h04_339053.pdf
Mutualiser davantage le recrutement, en développant des struc-
tures  de  type  “groupements  d’employeurs”  permettant à des TPE/PME
de recruter plus rapidement des profils spécifiques en fonction de leurs besoins
de transformation numérique à court et moyen termes (ex : mise à disposition
d’un   ou   plusieurs   salariés   d’une   entreprise   à   une   autre,   conseils   en   matière  
d’emploi  et  de  gestion  de  ressources  humaines,  cf. encadré)104.
104 A  cet  égard  les  chambres  de  commerce  et  d’industrie,  les  pôles  de  compétitivité et les DI-
RECCTE doivent être mobilisées pour proposer des débouchés à de nouveaux métiers, comme
celui de médiateur, de mentor, etc. (cf.  recommandations  pour  l’inclusion  du  rapport)
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
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194
GEMPLOI
PARIS REGION
GEmploi est un groupement d’employeurs (association à but non lucratif)
qui répond aux problématiques spécifiques de l’emploi dans les TPE et
PME en Île de France. Selon un fonctionnement tripartite (groupement
d’employeurs, entreprise adhérente, collaborateur), le groupement met à
disposition des collaborateurs - le plus souvent en CDI - par le biais d’une
mise à disposition pour une entreprise ayant un besoin de recruter pour
une mission donnée.
Ce type de portage salarial permet à des entreprises de favoriser une
certaine flexibilité et une mobilité des talents via la mutualisation d’une
partie des efforts de recrutement.
En savoir plus : http://www.gemploi.fr/
Stimuler les collaborations en matière de recherche
Le  décloisonnement  du  monde  et  l’entreprise  et  du   monde académique engendre un
meilleur accès aux connaissances. Le numérique, par son organisation
intrinsèquement réticulaire, encourage le partage des ressources, des compétences et
pousse  à  l’interdisciplinarité.  Ces  dynamiques  sont  sources  de  fertilisation croisée et
favorisent  ainsi  l’émergence  de  stratégies  innovantes  pour  l’entreprise,  mais  aussi  de  
nouvelles sociabilités, elles-mêmes  sources  d’innovation.
Soutenir et promouvoir la recherche partenariale entre le milieu
académique  et  le  monde  de  l’entreprise, avec ses trois niveaux : ac-
tivités de consultation, recherche contractuelle, recherche collabo-
rative (cf. encadré). Une telle collaboration accroît à la fois la performance
économique des entreprises - qui bénéficient ainsi des dernières avancées de la
recherche - et   l’excellence   scientifique   des   chercheurs,   car   elle   leur   ouvre   de  
nouvelles perspectives de recherche et leur permet de mieux valoriser leurs tra-
vaux.
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
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195
LA RECHERCHE
PARTENARIALE
La recherche partenariale comprend :
la recherche collaborative : un partenaire extérieur s’associe avec un
laboratoire public pour réaliser un projet de recherche et dont les résultats
seront partagés entre les deux partenaires
la recherche contractuelle : un commanditaire finance la recherche sans y
participer
les activités de consultation : un commanditaire emploie un chercheur
afin de bénéficier de son expertise dans le cadre d’un problème précis
En savoir plus : http://cache.media.enseignementsup-
recherche.gouv.fr/file/2013/01/0/recherche_partenariale_rapport_254010.pdf
Favoriser le développement de passerelles entre monde universi-
taire  et  monde  de  l’entreprise,  par  l’obtention  plus  simple  de  déta-
chements :
-­‐ du  milieu  académique  vers  l’entreprise : étendre la loi
Allègre  de  1999  sur  “l’innovation  et  la  recherche”
prévoyant la possibilité pour les universitaires et chercheurs de
créer  une  startup  et  de  déposer  des  brevets.  Il  s’agit  de  fluidifier  et  
d’ouvrir  le  processus  permettant  l’obtention  d’un  statut  de  
“chercheur-entrepreneur”  (simplification  administrative,  
flexibilité des règles en matière de capital, etc.)105 ;
-­‐ de  l’entreprise  vers  le  milieu  académique : étendre le
dispositif  “Congé  pour  création  ou  reprise  d’entreprise  
ou  participation  à  la  direction  d’une  jeune  entreprise  
innovante106” et  donner  la  possibilité  à  un  cadre  d’effectuer  un  
détachement dans un laboratoire de recherche académique. Cette
possibilité  doit  naturellement  pouvoir  s’appliquer  aussi  dans  le  
domaine de la fonction publique.
Ouvrir davantage les structures en région (pôles de compétitivité ou
French Tech par exemple) au monde académique afin  d’en  faire  des  lieux  
de rencontres transdisciplinaires, où peuvent se développer une culture mixte
et émerger des fertilisations croisées.
105 voir à ce titre les initiatives développées par le groupe AEF (concours de docteurs entrepre-
neurs et rencontres entre investisseurs et chercheurs-entrepreneurs) : http://www.rue-
aef.com/start-up-connexion/ et http://www.rue-aef.com/concours-docteurs-entrepreneurs-3/
106http://travail-emploi.gouv.fr/informations-pratiques,89/les-fiches-pratiques-du-droit-
du,91/creation-d-entreprise,128/le-conge-pour-creation-ou-reprise,1169.html
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
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196
35. Adapter le dialogue social et la gouvernance des entreprises
aux enjeux numériques
La transformation numérique des entreprises introduit de nouvelles opportunités et
de  nouvelles  contraintes  à  la  modernisation  du  dialogue  social.  D’un  côté,  elle  offre  de  
nouveaux outils de travail et de participation   des   salariés   à   la   vie   de   l’entreprise  
(réseaux   sociaux   d’entreprise,   consultation,   outils   de   communication   interne)   et  
favorise  ainsi  l’innovation  sociale.  De  l’autre,  les  projets  de  transformation  numérique  
des entreprises peuvent inquiéter les salariés, du fait de leurs impacts potentiels en
matière  d’emplois,  d’environnement  de  travail,  de  bien  être,  etc.
La modernisation du dialogue social implique une plus forte imprégnation des enjeux
numériques au sein des instances de représentation du personnel, notamment par la
formation des élus, la valorisation des pratiques collaboratives et une gouvernance
plus ouverte au sein des enceintes de décision. Au-delà,   le   développement   d’un  
dialogue social numérique au niveau national renforcera la prise en compte de ces
enjeux sur le long terme.
Ces problématiques pourront être approfondies par le Conseil national du
numérique,  dans  le  cadre  d’une  saisine  ad hoc du Ministre du Travail, de
l’Emploi  et  de  la  Formation  professionnelle  et  du  Dialogue  social  sur les
liens entre numérique, travail et emploi107.
Rendre les syndicats acteurs de la transformation numérique
par la formation et la consultation
Développer les formations au numérique dans les entreprises et au
sein des centrales syndicales à destination des élus syndicaux et des
salariés syndiqués. Il  s’agit  de  garantir  l’accompagnement  de  la  transforma-
tion numérique au sein des entreprises, en complément des formations réali-
sées par les pôles de formation ou les ressources humaines.
Intégrer dans la loi l’obligation  pour  les  élus  syndicaux  de  réaliser  
des formations numériques, sur le modèle des formations requises pour
siéger  au  Comité  d’Hygiène,  de  Sécurité  et  des  Conditions  de  travail  (CHSCT),  
en définissant un référentiel de compétences numériques. De la même manière
que les formations au CHSCT comprennent des savoir-être relatifs à la repré-
sentation du personnel, des savoir-être numériques pourraient être déclinés
dans les instances représentatives du personnel, tels que :
-­‐ Comprendre la stratégie numérique  de  l’entreprise ;
107 pour accéder à la lettre de saisine : http://www.cnnumerique.fr/wp-
content/uploads/2012/02/saisine-travail.pdf
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
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-­‐ Être  acteur  d’un  changement  des  pratiques  sociales  dans  une  
perspective de numérisation durable des métiers ;
-­‐ Connaître et comprendre les principaux concepts et enjeux du
numérique, etc.
Inclure un volet numérique dans les phases obligatoires du dialogue
social : dès  qu’un  (ou  plusieurs)  syndicat  le  souhaite,  il  doit  pouvoir  informer  
les salariés concernés par un dossier en discussion dans les instances représen-
tatives  du  personnel  (orientation  stratégique  de  l’entreprise,  changement im-
pactant,  etc.),  par  l’intermédiaire  d’un  courrier  électronique  ou  via  des  outils  
spécifiques  (outils  collaboratifs,  garantie  de  l’anonymat  possible,  etc.).
Garantir  un  droit  d’information  aux  syndicats  dans  les  entreprises :
par exemple, leur donner la possibilité   d’envoyer   des   courriers   électroniques  
aux  salariés  (avec  une  option  de  désinscription),  leur  donner  accès  à  l’intranet  
de  l’entreprise  pour  qu’ils  développent  des  sites  d’information  des  salariés  en  
interne, etc.
Encourager tous les salariés et les instances représentatives du per-
sonnel à développer des réflexions prospectives sur les questions de
bien-être   au   travail,   l’évolution   des   métiers   et   des   compétences   à   l’heure   du  
numérique et à contribuer en ce sens à la stratégie numérique des entreprises.
L’IMPLICATION DES INSTANCES DE REPRESENTATION
DES SALARIES ET LA FORMATION DES REPRESENTANTS
La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi crée une
nouvelle consultation du Comité d’entreprise sur les orientations stratégiques des
entreprises ainsi qu’une base de données économiques et sociales de l’entreprise,
visant à permettre de mieux comprendre la création et la répartition de la valeur
au sein de l’entreprise, de remettre dans son contexte la situation de l’entreprise
et de mettre en perspective sur plusieurs années desdites données.
En savoir plus : www.travailler-mieux.gouv.fr/IMG/doc/Refer_Comp_CHSCT.doc
Valoriser les démarches collaboratives et ouvertes
au sein des entreprises
Des travaux récents préconisent de rendre plus visibles les initiatives des entreprises
en  matière  de  gouvernance  et  d’innovation  ouverte  (cf. encadré). Au même titre que la
responsabilité   sociale   des   entreprises   a   permis   d’inciter   celles-ci à davantage
s’impliquer  dans  le  développement  durable,  une  forme  de  “responsabilité  numérique  
des  entreprises”,  mise  en  valeur  dans  les  rapports  annuels,  pourrait  voir  le  jour.
Il  s’agit  de  rendre  visibles  les  efforts  de  l’entreprise  en  matière  d’innovation  “nouvelle  
génération” :
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-­‐ Par la description des projets ouverts développés et des bénéfices
qu’ils  ont  engendrés ;
-­‐ La  contribution  de  l’entreprise  à  l’innovation  sociale  et  aux  
communautés du libre (mise en ligne de certaines données, degré
d’ouverture  de  certaines  APIs,  etc.) ;
-­‐ La  mesure  des  impacts  liés  à  l’acquisition  de  startups  innovantes,  
à  l’adoption  de  nouvelles  méthodes  de  management,  au  
développement de formations au numérique ;
-­‐ La mise  en  valeur  d’une  gouvernance  diversifiée  (intégration  
d’entrepreneurs  dans  les  Conseils  d'Administration  et  Conseil  de  
Surveillance par exemple), etc.
PROPOSITIONS ISSUES DU DEBAT PUBLIC POUR UNE
GOUVERNANCE NUMERIQUE DES ENTREPRISES
Le rapport de Philippe Lemoine sur la transformation numérique de l’économie
française met en valeur l’importance du dialogue social dans la conduite de la
transformation numérique des entreprises.
Recommandation M12 : “Mettre l’accent sur la transformation numérique dans
le dialogue social, à l’occasion du dialogue annuel sur les orientations
stratégiques institué par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de
l’emploi.”
Il s’agit de permettre aux partenaires sociaux de se saisir des enjeux liés aux
nouveaux rapports entre l’entreprise et son environnement engendrés par la
transformation numérique en réfléchissant aux impacts du numérique sur les
orientations stratégiques, la formation des salariés, et l’accompagnement des
vocations entrepreneuriales des salariés.
Plus généralement, il s’agit d’intégrer un principe de Responsabilité Numérique
des Entreprises (RNE), permettant d’évaluer et de valoriser l’implication des
entreprises dans des démarches d’open innovation :
Recommandation M14 : “Créer un classement des entreprises valorisant leur
implication dans des démarches open : notion de Responsabilité Numérique
des Entreprises (RNE).”
La RNE pourrait être introduite par la modification de l’article 116 de la loi
n°2001-420 du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques.
En savoir plus : http://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/rapport_TNEF.pdf
Le rapport de Corinne Erhel et Laure de La Raudière sur le développement de
l’économie numérique française préconise l’intégration d’un fondateur d’une
startup innovante au sein des conseils d’administration de chacune des
entreprises du CAC 40, via des dispositifs incitatifs.
En savoir plus : http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i1936.asp
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Développer un dialogue social numérique au niveau national
Organiser une conférence sociale du numérique avec les parte-
naires sociaux, incluant les syndicats de salariés, les syndicats patronaux et
les syndicats du numérique, pour aborder les enjeux de transformation de
l’emploi  et  des  stratégies  d’entreprises  à  moyen  et  long  terme.  Une  réflexion so-
ciale  et  prospective  sur  l’évolution  de  l’emploi  et  du  travail  au  sein  de  la  société  
permettrait  d’anticiper  l’adaptation  du  droit  et  de  l’organisation  du  travail,  de  
l’employabilité   de   développer   et   observer   les   nouvelles   pratiques   (télétravail,
BYOD,  etc.),  et  inciterait  à  la  création  d’espaces  de  concertation  dans  les  ins-
tances traditionnelles de représentation.
Impulser la création de syndicats représentant les startups et les jeunes entre-
prises dans les instances du dialogue social (conférence sociale, accords inter-
professionnels,  Assises  de  l’Entrepreneuriat,  etc.).
36. Offrir un cadre propice à l’innovation et aux partenariats
entre entreprises
Développer un nouveau référentiel d’innovation dans la politique de
développement des entreprises :
Pour les PME et ETI :
Communiquer   sur   ce   nouveau   référentiel   d’innovation   et   sa   décli-
naison   dans   les   dispositifs   de   soutien   public   à   l’innovation, au sein
des  chambres  de  commerce  et  des  syndicats  de  PME  afin  d’orienter  la  trans-
formation numérique des entreprises.  Le  caractère  innovant  d’une  organisation  
constitue un levier non négligeable en matière de commercialisation et de re-
crutement de talents.
Pour les grandes entreprises :
Définir des indicateurs boursiers intégrant le nouveau référentiel
d’innovation. Cela inciterait les entreprises cotées à mieux communiquer leur
stratégie   numérique   auprès   des   analystes   boursiers,   afin   d’être   positivement  
notées. De nouveaux comparables de valorisation boursière pourraient être
ainsi diffusés sur les places de marché.
Une   discussion   pourrait   être   engagée   avec   l’Autorité   des   marchés  
financiers,   les   associations   et   syndicats   d’analystes,   les   banques,   les  
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intermédiaires financiers et les entreprises afin de définir ces nouveaux
indicateurs.
Guider les stratégies d’entreprises   en   matière   de   partenariats   et  
d’investissements :
-­‐ Diffuser  les  nouveaux  critères  d’innovation  pour  
transformer les méthodes de valorisation financière afin
de mieux estimer la valeur des actifs immatériels, la protection
des  données,  les  bénéfices  des  stratégies  d’innovation  sociale,  etc.
-­‐ Diversifier les critères de sélection des startups dans les
incubateurs  d’entreprises, les accélérateurs, les pôles de
compétitivité, en fonction de ce nouveau référentiel.
-­‐ Étendre  le  régime  d’amortissement  fiscal  délivré  aux  
entreprises réalisant un investissement en capital-
investissement  d’entreprise  (corporate venture)108 à la
prise  de  participation  ou  le  rachat  d’entreprises innovantes selon
ces  nouveaux  critères.  Cela  favoriserait  l’acquisition  de  startups  
innovantes et dynamiserait les exits109 industriels.
Améliorer l’accessibilité des activités de propriété industrielle
aux PME et startups
Développer la médiation et le conseil aux startups dans les do-
maines touchant à la propriété industrielle, afin de la rendre plus
accessible :
-­‐ Former et mieux accompagner les startups dans leurs démarches
de  propriété  industrielle  (dans  le  dépôt  et  l’après  dépôt) : rendez-
vous individualisés  avec  des  conseillers  de  l’Institut  National  de  la  
Propriété Industrielle (INPI)110, formulaires, plateformes de
requêtes, etc.;
-­‐ Lancer  une  campagne  d’information  auprès  des  startups  sur  le  
brevet  européen,  mais  aussi  sur  les  possibilités  d’innovation, de
modèle  d’affaire  et  de  valorisation  hors  du  système  de  brevet,  
108 voté dans le Projet de Loi de Finances Rectificative pour 2014, voir : http://proxy-
pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/18408.pdf
109 Un  exit  industriel  la  sortie  des  premiers  actionnaires  de  l’entreprise  par  son  acquisition  par  
une autre entreprise
110 S’inspirer  de  l’initiative  commune  entre  l’INPI  et  le  Paris  Region  Lab  :  un  conseiller  INPI  se  
rend sur place et fournit des sessions de conseil de 45 minutes à des startups.
http://incubateurs.parisregionlab.com/inpi-et-paris-incubateurs-accompagner-
start-ups-demarche-de-propriete-industrielle
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201
ainsi  que  sur  les  avantages  de  l’open  source  (cf.
recommandation 7).
Mettre en place un tarif préférentiel sur les prestations de recherches brevets
(recherches  d’antériorités,  état  de la technique) pour les startups innovantes.
Autoriser un paiement différé des frais liés au dépôt de brevets pour une entre-
prise en création.
Renforcer les missions du médiateur interentreprises
Le médiateur interentreprises peut intervenir pour régler un litige avec une autre
entreprise (cf. encadré).  Il  est  nécessaire  d’adapter  son  rôle  à  l’écosystème  des  startups  
et  à  l’économie  de  l’innovation.
Le CNNum recommande de :
Élargir le périmètre de médiation du médiateur. Aujourd’hui  concentré  
sur les relations   achats   et   fournisseurs,   l’intervention   du   médiateur   pourrait  
être  étendue  aux  relations  liées  à  l’innovation.  Il  serait  alors  compétent  dans  le  
cadre  d’incubations  de  startups  dans  des  entreprises,  des  accélérateurs,  de  mi-
cro-partenariats (hackathons, concours, etc.), de projets moyen terme, etc.
Permettre   un   “appel   en   médiation” : si   le   médiateur   désigné   n’est   pas  
compétent sur le sujet, introduire un recours pour changer de médiateur.
Créer  une  compétence  permettant  d’assurer  une  “obligation  de  pré-
sence” : dès  lors  que  les  parties  s’entendent  par  signature  pour  recourir  à  la  
médiation,  il  faut  qu’elles  puissent  se  rencontrer  au  moins  une  fois  pour  tenter  
de résoudre le litige en cours.
Former les médiateurs et promouvoir leur rôle au niveau local :
-­‐ Intégrer une formation juridique et économique sur les enjeux
numériques à destination des médiateurs ;
-­‐ Intégrer des membres de la FrenchTech au sein de la mission de
médiation et coordonner son action au niveau local avec les
réseaux (Pôles de compétitivité, FrenchTech et CCI).
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202
LA MEDIATION
INTERENTREPRISES
La médiation interentreprises est un dispositif gouvernemental d'aide aux
entreprises qui rencontrent des difficultés contractuelles ou relationnelles avec
un client ou un fournisseur. Elle assure l’indépendance stratégique et la
croissance des entreprises dans un cadre de confiance. Les médiateurs sont
présents sur l’ensemble du territoire (médiateurs nationaux et médiateurs
régionaux au sein des DIRECCTE).
En cas de conflit ou de litige dans l’application d’une clause contractuelle ou le
déroulement d’un contrat, toute entreprise ou groupement professionnel peut
saisir le médiateur, en vue d’aboutir à un accord. Les motifs de saisine sont
multiples : non-respect des délais de paiement, rupture ou modification
unilatérale du contrat, détournement de propriété intellectuelle, activités non
rémunérées, etc.
Trois types de médiation existent :
la médiation individuelle : une entreprise seule et un client ou un
fournisseur
la médiation collective : plusieurs entreprises, un syndicat, ou une
fédération professionnelle se regroupent face à un même client ou
fournisseur.
la médiation de branche : un secteur d’activité entre en médiation avec une
autre branche professionnelle.
Pour en savoir plus : http://www.economie.gouv.fr/mediation-interentreprises
Étendre la Charte PME innovantes à toutes les entreprises
Il  est  nécessaire  d’étendre  le  champ  des  dispositifs  souples  en  matière de
relations interentreprises :
Renforcer  et  étendre  la  charte  PME  innovantes  afin  d’améliorer  et  
d’équilibrer  les  relations  entre  entreprises  (cf. encadré) :
-­‐ Ouvrir la possibilité de signer la charte - initialement
prévue pour les entreprises publiques qui contractent avec des
PME - à toutes les entreprises ;
-­‐ Introduire dans cette charte des critères de relations
équilibrées  en  matière  d’innovation  partagée. Cette charte
engloberait  les  aspects  liés  aux  pratiques  d’achats  des  grands  
groupes111 (délais de paiement, enjeux de propriété intellectuelle,
surtout sur les prototypes) et couvrirait plus largement les
relations entreprises-startups  sur  des  projets  d’innovation.  Cette  
111 L’Electronic   Business   Group   travaille   actuellement   à   la   rédaction   d’une   charte   grands  
groupes/startups sur la partie commande privée. Voir leur contribution :
https://contribuez.cnnumerique.fr/users/propositions-dans-le-d%C3%A9bat-public et leur
“pitch   contributif”   lors   de   la   journée   contributif   à   Lille   (1:35:00)   :  
http://www.dailymotion.com/video/x2bxgx4_pitchs-contributifs-de-la-1ere-journee-
contributive-lille-euratechnologies_tech
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charte pourrait également préconiser un interlocuteur unique au
sein  de  l’entreprise (chef de projet), une liberté de contracter avec
d’autres  entreprises,  sur  d’autres  produits,  et  un  accès  à  des  
ressources et des informations via des interfaces de
programmation.  L’enjeu  est  de  favoriser  une  indépendance  
stratégique des startups ;
Diffuser la charte et la faire adopter dans des conventions collec-
tives   et   auprès   d’organisations   représentatives   (syndicats de grandes
entreprises, de PME, collectivités locales, Pôles de compétitivité, FrenchTech,
etc.). Cette charte pourrait être mise en ligne de manière ouverte afin que les
organisations  puissent  l’adapter.
LA CHARTE PME
INNOVANTES
Cette charte a été mise en place en 2012 afin de renforcer les coopérations et
partenariats autour de l’innovation entre les entreprises publiques et les PME.
Les entreprises s’engagent pour stimuler l’innovation en leur sein et auprès de
leurs fournisseurs, aider les PME à concrétiser leurs projets d’innovation. En
contrepartie, elles bénéficient d’un accès durable à des technologies innovantes
et stabilisent des partenariats économiques.
La Charte PME Innovantes s’appuie sur l’expertise et les travaux de la Médiation
Interentreprises, sur le référentiel de bonnes pratiques de l’association Pacte
PME, et sur les initiatives des entreprises signataires.
Les objectifs que s’engagent à atteindre les signataires de la Charte PME
Innovantes sont les suivants :
Assurer aux PME un accès simple aux orientations prises par les grandes
entreprises en matière d’innovation
Accompagner les PME pour faire aboutir leurs projets d’innovation
Encourager les PME à utiliser leurs résultats pour se développer sur
d’autres marchés
Adapter les processus achat au service de l’innovation
Investir dans les PME innovantes et contribuer à leur développement
Mettre en place un pilotage spécifique au sein des entreprises
Chaque signataire s’engage sur une déclaration d’intention individuelle qui
détaille le plan d’actions qu’il va mettre en place l’année suivante afin d’atteindre
ces objectifs. Chaque année la déclaration d’intention est actualisée et les
signataires fournissent un bilan de mise en œuvre de leur plan d’actions (avec
des éléments chiffrés si pertinent). La Médiation Interentreprises, l’Agence des
participations de l’État, et la Direction générale des Entreprises (DGE) veillent à la
diffusion de la charte et à sa bonne application, en coordination avec les
entreprises signataires.
En savoir plus : http://www.economie.gouv.fr/mediation-interentreprises/charte-
pme-innovantes-0
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37. Renforcer la stratégie numérique de l’État contributeur
de l’innovation
Le   renforcement   de   la   stratégie   numérique   de   l’État,   en   tant   qu’acteur  
économique, est essentiel. L’État   doit   s’engager   et   s’ouvrir aux modèles
économiques  innovants,  en  modernisant  sa  politique  d’achats  publics  et  ses  stratégies  
de participation. Cela suppose une ouverture à la prise de risque et une forme
d’exemplarité  dans  ses  pratiques.
Dans cette optique, le CNNum recommande de :
De la même manière qu’à l’échelle européenne, inscrire clairement, sans
attendre une réforme européenne, le principe d’innovation dans le droit
des marchés publics
L’affirmation  d’un  principe  d’innovation  dans  la  commande  publique  entend  renforcer  
l’accès  des acheteurs publics aux  entreprises  “développant des activités innovantes”  
(comme  le  décrit  le  rapport  de  l’OPECST  sur  le  principe  d’innovation112). La révision
des directives   marchés   publics   de   l’Union   européenne   offre   justement   aux   États-
membres   l’opportunité   d’affirmer   l’innovation   comme   le   fil   conducteur   de   l’achat  
public.
Si   la   récente   transposition   du   partenariat   d’innovation,   le   développement   de  
plateformes dédiées   à   l’achat   public   innovant,   et   l’incitation   faite   aux   ministères   de  
renouveler  leurs  pratiques  d’achat  en  direction  de  l’innovation  constituent  des  signaux  
positifs, il  convient  d’approfondir  les  efforts,  pour  éviter  que  la  rigidité  de  
la commande publique ne conduise les startups et PME à ne plus y
répondre :
Définir  le  principe  d’innovation  dans  la  loi :
-­‐ Introduction  d’un  titre  additionnel  dans  le  code  de  la  recherche ;
-­‐ Introduction  du  principe  d’innovation  dans  la  commande  
publique (au même titre que les objectifs de développement
durable113).
112Rapport  au  nom  de  l’Office  Parlementaire  de  l’évaluation  des  choix  scientifiques  et  technolo-
giques, Le   principe   d’innovation,   27 novembre 2014 - http://www.senat.fr/rap/r14-133/r14-
1331.pdf
113 article 5 du code des marchés publics
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006204297&cidT
exte=LEGITEXT000005627819&dateTexte=20150407
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
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VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
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Ouvrir  davantage  les  marchés  publics  à  l’innovation :
-­‐ Dans le cadre de marchés de partenariats, les candidats à un appel
d’offres devraient indiquer la part de sous-traitance  qu’ils  
souhaitent confier à des entreprises développant des
activités innovantes (au même titre que la part confiée à des
PME ou des artisans114) et définir un montant minimum annuel
dédié à ces entreprises ;
-­‐ Réserver de manière directe un pourcentage des
marchés publics aux entreprises développant des
activités innovantes115. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur
passe le marché en lots séparés, prévoir des dispositions
permettant  d’assouplir  les  règles  et  de  réserver  une  part  des  lots  à  
des entreprises développant des activités innovantes116 ;
-­‐ Dans  les  conditions  d’exécution  d’un  marché  ou  d’un  accord-
cadre, intégrer des éléments relatifs au principe
d’innovation117;
-­‐ Étendre  le  dispositif  de  partenariat  d’innovation  (cf.
encadré) à des activités plus larges que la recherche et le
développement, et  l’appliquer  à  des  innovations  de  services,  
d’usage,  d’organisation,  de  changement  de  pratiques  sociales  et  de  
procédés, etc.
Clarifier   l’articulation des plans industriels du ministère de
l’Économie   avec   la   politique   de   l’État   en   matière   d’achats   publics,
afin de répondre aux impératifs de massification et de diversification de la
commande publique.
114 article 48 du code des marchés publics.
115 applicable par ministère et opérateur et non en global.
116 articles 10 et 27 du code des marchés publics.
117 article  14  du  code  des  marchés  publics  :  “les  conditions  d'exécution  d'un  marché  ou  d'un  ac-
cord-cadre peuvent comporter des éléments à caractère social ou environnemental qui prennent
en compte les objectifs de développement durable en conciliant développement économique,
protection et mise en valeur de l'environnement et progrès social. Ces conditions d'exécution ne
peuvent pas avoir d'effet discriminatoire à l'égard des candidats potentiels. Elles sont indiquées
dans  l'avis  d'appel  public  à  la  concurrence  ou  dans  les  documents  de  la  consultation”.
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
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LE PARTENARIAT D’INNOVATION
Transposant de nouvelles directives européenne, le décret n° 2014-1097
du 26 septembre 2014 portant mesures de simplification applicables aux marchés
publics a introduit le partenariat d'innovation. L’objectif est de faciliter la
passation de marchés publics à visée innovante et d’aider les acheteurs publics
à faire une meilleure utilisation stratégique de leurs marchés pour stimuler
l’innovation. L’acquisition de solutions innovantes joue en effet un rôle essentiel
dans l’amélioration de l’efficacité et de la qualité des services publics.
Le partenariat d’innovation vise à pallier les difficultés structurelles des actuels
marchés de recherche et de développement (R&D). La procédure de passation
est souple. Elle permet aux acheteurs publics de mettre en place un partenariat
structuré de long terme couvrant à la fois la R&D et l’achat de produits, services
ou travaux innovants sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle mise
en concurrence.
Exécution d’un partenariat d’innovation avec 3 partenaires
En savoir plus : http://www.economie.gouv.fr/daj/partenariat-innovation
Faire de l’Agence des participations de l’État (APE) un soutien actif à la
transformation numérique des entreprises publiques
Incarnation  de  l’État  actionnaire,  l’Agence  des  participations  de  l’État  (APE)  joue  un  
rôle   stratégique   dans   l’accompagnement   du   développement   et   de   la   transformation  
des entreprises.
L’APE  doit  être  proactive  dans  la  définition  de  stratégies  numériques  au  
sein   des   entreprises   dans   lesquelles   l’État   a   une   participation. Certaines
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entreprises peuvent être freinées par les actionnaires pour racheter des startups ou
PME innovantes, car ces dernières ne remplissent pas totalement les exigences
financières  “traditionnelles”  (en  termes  de  rentabilité,  de  risque,  et  d’amortissement),
si bien que souvent des acquisitions stratégiques pour la transformation numérique
des entreprises sont abandonnées.
Plusieurs mesures pourraient inverser la tendance :
L’assouplissement  de  certains  critères  d’amortissement  et  de  valorisation,  afin  
d’encourager  les  entreprises publiques à acquérir des entreprises innovantes ;
La   diversification   des   profils   des   administrateurs   de   l’État   dans   les   conseils  
d’administration   et   de   surveillance   des   entreprises118 : profils entrepreneurs,
analystes   spécialisés   dans   l’économie   numérique, chercheurs en sciences so-
ciale.  Il  serait  également  intéressant  de  réfléchir  à  l’introduction  de  règles  rela-
tives   au   renouvellement   des   administrateurs   de   l’État au sein des conseils
d’administration  (durée  de  mandat  maximale,  limite  d’âge,  etc.).
L’obligation,  dans  les  rapports  annuels  des  sociétés  ayant  une  participation  de  
l’État,  de  publier  des  informations  sur  la  stratégie  numérique  de  leur  entreprise  
(acquisitions   d’entreprises   innovantes,   investissements,   changement  
d’organisation,  etc.),  selon  des  critères  d’innovation  élargis.
Par  ailleurs,  il  serait  judicieux  de  réserver  une  partie  du  capital  de  l’APE  pour  l’investir  
directement dans des entreprises développant des activités innovantes et en phase
avec la stratégie industrielle de la France. Au niveau européen, il serait judicieux
d’imaginer  la  création  d’un  fonds  souverain  dont  les  missions  seraient  de  prendre  des  
participations   dans   des   entreprises   “non   européennes”   qui   conquièrent le marché
européen (notamment dans les secteurs du tourisme).
118 Ordonnance °2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le
capital des sociétés à participation publique :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029391551&categorieLi
en=id
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
208
Développer des méthodes d’achat public et d’investissements
innovantes
En ce qui concerne les achats publics :
Diffuser  la  plateforme  des  achats  d’innovation  de  l’État et des Éta-
blissements publics119 et permettre à des PME de présenter plus directe-
ment leurs services. Cette plateforme pourrait être un levier efficace pour les
TPE et PME qui peuvent répondre aux besoins des administrations. Le salon
inversé de 2014 a montré que ces dispositifs agiles sont utiles à une meilleure
communication   entre   l’acheteur public et ses partenaires120. Ce type
d’événement  devrait  se  multiplier.  
Approfondir la politique de dématérialisation de la commande pu-
blique. Aujourd’hui,  moins  de  5 % de la commande publique se passe en ligne.
L’État et les collectivités territoriales pourraient inciter les entreprises à davan-
tage   l’utiliser   en   assouplissant   certaines   procédures   en   ligne   pour   rendre   la  
dématérialisation incitative : délais de réponse supplémentaires, annonces de
marché  exclusivement  en  ligne  lorsqu’elles  concernent des prestations de ser-
vices numériques.
Assouplir les conditions de recevabilité financière pour les petites
entreprises (en  s’inspirant  de  la  directive  européenne  et  du  Small  Business  
Act aux États-Unis,  qui  subventionne  la  garantie  d’un  prêt  en  cas  de difficultés
financières), et communiquer sur ces critères allégés ;
Créer   un   droit   à   l’expérimentation   de   la   part   de   l’acheteur   public,  
permettant de tester des solutions développées par des startups, PME, ou
autres entreprises sur des périodes données, grâce à des procédures simpli-
fiées, sous conditions de réversibilité ;
Sur  la  politique  d’investissement  de  l’État :
Le développement du financement participatif pourrait servir
d’inspiration. Les stratégies des investisseurs publics (APE, BPI, CGI, etc.) envers
l’innovation   sont   de   plus   en   plus   convergentes,   en   témoignent   les   initiatives  
communes  portées  par  les  34  Plans  Industriels,  le  Concours  Mondial  d’Innovation  et  
les  offres  développées  par  la  BPI  (notamment  envers  l’innovation  non  technologique).
119 http://www.achatspublics-innovation.fr/
120 http://www.entreprises.gouv.fr/politique-et-enjeux/salon-inverse-achats-publics-innovants
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209
Cette convergence pourrait être approfondie par :
La   réserve   de   certaines   capacités   financières   de   l’État   (APE,   BPI,  
CGI), qui seraient abondées dans des projets respectant les critères
d’innovation  “nouvelle  génération”,  dans  le  cadre  de  campagnes  de  
financement participatif présentées sur des plateformes agréées.
Cette recommandation fait écho à plusieurs réflexions engagées dans des tra-
vaux précédents et des propositions de contributeurs et suppose des lignes di-
rectrices  à  dessiner  en  commun  avec  l’APE,  la BPI et le CGI121.
La   création   d’un   mécanisme   permettant   à   des   Établissements pu-
blics industriels et commerciaux et à des Établissements publics
administratifs,  d’acquérir  directement  une  startup en développement
et/ou  une  PME  innovante,  tout  en  leur  laissant  un  minimum  d’indépendance  
stratégique.   Ce   dispositif   offrirait   à   ces   opérateurs   des   marges   de   manœuvre  
supplémentaire pour réaliser leur transformation numérique. À titre
d’exemple,  les  politiques  publiques  en  matière  d’emploi  pourraient  être  accom-
pagnées de ce type de mécanismes, permettant à des opérateurs publics, im-
plantés sur le territoire, de remplir leur mission de service public tout en ac-
compagnant  le  développement  d’entreprises  à  très fort potentiel.
Renforcer la littératie des agents publics
Lancer un travail de conduite de changement au sein de
l’administration,   sensibiliser   les   futurs   agents   publics   aux   achats   et   à  
l’innovation  dans  les  cursus  de  l’État  (École  nationale  d’administration, Institut
national  des  études  territoriales,  Institut  régional  d’administration,  École  des  
hautes études en santé publique, École nationale supérieure de Sécurité So-
ciale, etc.) ;
Renforcer  et  professionnaliser  les  équipes  en  charge  de  l’achat  pu-
blic et des contrôles, former  les  administrateurs  de  l’État, compte te-
nu des économies pouvant être effectuées grâce à une meilleure gestion de ces
services. Les acheteurs pourraient également être formés dans les entreprises
publiques ;
Renforcer   l’échange   de bonnes pratiques122 et le retour
d’expérience   entre   acheteurs   publics.   Améliorer   par   exemple   le  
121 Without  Models  “14  propositions  pour  une  économie  open”  :  
http://www.withoutmodel.com/without-model/14-propositions-economie-open/. Voir la
proposition  7  :  “abonder  systématiquement  par  des  fonds  publics  à  1  pour  1  toute  campagne  de  
crowdfunding  respectant  certains  critères”.  
Voir aussi : http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/55/avis/1598
122 Parmi  les  bonnes  pratiques  à  développer  :  L’acheteur  qualifié  doit  prendre  en  compte  le  coût  
complet  du  cycle  de  vie  de  son  achat  (la  première  année  d’une  innovation  peut  coûter  plus  cher  
qu’une  solution  standard  mais  très  rentable  sur 3 ou 4 ans)
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210
guide  de  l’achat  public  innovant123 : le réaliser en format ouvert et réutili-
sable, permettre aux agents publics de poster publiquement leurs questions ou
propositions.  Créer  une  plateforme  d’échange,  ouverte  aux  TPE/PME,  sur  la-
quelle  pourrait  se  développer  le  tutorat  entre  entreprises  afin  d’accompagner  
les  nouveaux  entrants  dans  la  réponse  à  des  appels  d’offre.
Renforcer   l’observation   de   l’innovation   dans   la   commande pu-
blique : l’Observatoire   des   marchés   publics   (OEAP)   pourrait   être   chargé   de  
produire des données sur la part des marchés publics obtenus par des entre-
prises développant des activités innovantes124, sur la part des marchés publics
conclus en ligne, etc. (article 131 du code des marchés publics)125.
38. Ajuster les dispositifs fiscaux aux besoins des innovateurs
L’adaptation  des  dispositifs  fiscaux  de  soutien  à  l’innovation  (Statut  Jeune  
Entreprise   Innovante,   Crédit   d’impôt   recherche,   Crédit   d’impôt  
innovation,) doit intégrer les nouveaux référentiels définis dans le livret
jaune   “Innovation   Nouvelle   Génération”   de   Bpifrance   et   la   FING. Cette
adaptation   doit   être   l’occasion   d’uniformiser   et   de   rendre   plus   lisibles   ces   outils,  
d’accompagner   leur   appropriation par les entreprises (notamment petites), et
d’améliorer  leurs relations avec les administrations.
Dans cette optique, le CNNum recommande de :
Adapter les dispositifs juridiques et fiscaux aux nouvelles formes
d’innovation
Les propositions et réflexions développées ci-dessous pourront être
abordées  et  approfondies  lors  des  prochaines  Assises  de  l’Entrepreneuriat  
et dans le cadre de la saisine du CNNum par le ministère du Travail, de
l’Emploi  et  du  Dialogue  social. Le  CNNum  entend  fournir  des  axes  d’actions, qui
doivent, en tout état de cause, être cohérents avec les orientations budgétaires et
économiques choisis.
123 Voir  le  guide  pratique  de  l’achat  public  innovant  :  
http://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/actualites/p
rojet-guide-achat-public-innovant.pdf
124 Pour  le  moment  l’OEAP  fournit  des  données  sur  la  part  des  PME  dans  les  marchés  publics.  
Pour consulter les chiffres de 2013 :
http://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/oeap/recen
sement/place_pme_dans_mp_2013.pdf
125 S’inspirer  du  portail  d’information  développé  par  l’association  Breizh  Small  Business  Act  :  
http://breizhsmallbusinessact.fr/my-breizh-open-data-marches-publics/
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211
Clarifier et redéfinir le périmètre des dépenses éligibles au statut de
Jeune  Entreprise  Innovante  (JEI),  et  au  Crédit  d’Impôt  Innovation
(CII)126,   en   intégrant   les   nouveaux   référentiels   d’innovation   - innovation de
commercialisation, de service, innovation organisationnelle, innovation de
modèle  d’affaire,  innovation  sociale.  Le  statut  JEI  semble  être  le  levier  le  plus  
simple et le plus efficace à saisir pour adapter les politiques de soutien à
l’innovation.
Rééquilibrer  les  plafonds  des   dépenses  éligibles  au   Crédit  d’Impôt  
Recherche  (CIR)  et  au  Crédit  d’Impôt  Innovation  (CII) :
-­‐ Aujourd’hui,  le  taux  de  30 % du  CIR  s’applique  aux  dépenses  de  
recherche  jusqu’à  100  millions  d’euros  (5 % au-delà de ce seuil)
alors que le taux de 20 % du  CII  s’applique  aux  dépenses  
nécessaires  à  la  conception  de  prototypes  ou  d’installations  pilotes  
jusqu’à  400  000  euros.
-­‐ Un rééquilibrage relatif des plafonds de dépenses
éligibles à ces deux dispositifs,  ainsi  qu’une  reglobalisation  
du CIR en fonction de la taille et de la structure des entreprises,
permettraient  d’harmoniser  et  de  pérenniser  la  fiscalité  des  
entreprises innovantes.
-­‐ Il  conviendrait  également  d’évaluer  l’efficacité  et  la  
stabilité du recours au CIR, notamment dans le cadre de
contrats de sous-traitance ou lorsqu’une  entreprise  fait  
l'acquisition  d’une  startup  ou  entreprise  innovante.  
L’amélioration  du  contrôle  et  du dialogue  entre  l’administration  
fiscale et les entreprises permettraient de leur garantir une
stabilité  dans  la  déclaration  de  leurs  dépenses  d’innovation.
Engager  une  réflexion  autour  de  l’adaptation  du  droit  du  travail  et  
du dialogue social aux particularités des jeunes entreprises. Le fu-
tur projet de loi sur la modernisation du dialogue social, la saisine
sur le lien entre numérique et travail du CNNum, et les Assises de
l’Entrepreneuriat semblent être les vecteurs appropriés pour aborder ces
problématiques.
-­‐ L’agilité  des  startups  et  jeunes  entreprises,  tant  dans  leur  modèle  
économique et que dans leurs modes de recrutement et leur
environnement de travail, se heurte souvent à un cadre juridique peu
flexible,  reposant  sur  des  critères  de  taille  d’entreprises et non de durée
126 Article 244 quater B du Code général des impôts
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=78376D05FD3AB2A4311151670
FA295DB.tpdila16v_3?idArticle=LEGIARTI000030023561&cidTexte=LEGITEXT0000060695
77&categorieLien=id&dateTexte=20150210
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212
d’existence.  Cela  peut  introduire  des  barrières  à  l'embauche  et  à  la  
croissance des jeunes entreprises, quand bien même elles favorisent le
recrutement en CDI pour constituer une équipe et que leurs modes de
travail  sont  sources  d’inspiration pour les entreprises en quête de
transformation (usage du télétravail, agilité dans les horaires, etc.).
-­‐ Il  serait  opportun  d’étudier  la  possibilité  de  moduler  certaines  
obligations et dispositifs en matière de droit du travail (contrats, seuils,
cotisations, obligations en matière de dialogue social, procédures
prudhommales, etc.) pour les jeunes entreprises leur donnant la
possibilité  d’anticiper  certains  changements  en  matière  de  droit  et  
d’organisation  du  travail.  Parmi  les  modulations  à  examiner : introduire
des  délais  de  mises  en  conformité,  revoir  les  délais  de  préavis  lorsqu’une  
startup recrute un talent, assouplir les clauses de non-concurrence, etc.
Une expérimentation pourrait être conduite avec les
entreprises JEI et/ou des jeunes PME, en concertation avec
les partenaires sociaux.
BAROMETRE EY/FRANCE DIGITALE 2014
SUR LA PERFORMANCE ECONOMIQUE ET SOCIALE DES
STARTUPS
Les startups comptent 7566 salariés en 2013. 1376 emplois ont été créés dans
les startups en 2013, en croissance de 22 % par rapport à 2012.
Typologie de contrats de travail (2013) dans les startups :
91 % de contrats à durée indéterminée
4 % de contrats temporaires (CDD et intérims)
3 % de contrats d’apprentissage et de professionnalisation
1 % de stages
Recours aux dispositifs fiscaux de soutien à l’innovation (2013) :
46 % des startups interrogées n’ont pas le statut de Jeune Entreprise
Innovante (JEI)
77 % ont recours au Crédit Impôt Recherche (CIR)
75 % ont recours au Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi (CICE)
Seulement 17 % des startups ont recours au Crédit Impôt Innovation
(CII)
En savoir plus :
http://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/barometre-EY-performance-
economique-sociale-startup-numeriques-2014/$FILE/barometre-EY-
performance-economique-sociale-startup-numeriques-2014.pdf
Voir aussi la fiche d’informations et de statistiques sur le dispositif JEI
publié par la Direction générale des entreprises:
http://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-et-
statistiques/4_pages_Dgcis/4pages_N41-JEI-DGE.pdf
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213
Simplifier les services administratifs et les rendre plus accessibles aux
startups
Améliorer la lisibilité des aides à l’innovation  par  la  création  d’une  
plateforme   publique   des   aides   à   l’innovation. Plusieurs dimensions
peuvent être intégrées à cet outil :
-­‐ Information et lisibilité :  développement  d’un  annuaire  
recensant  l’ensemble  des  aides  disponibles  aux  entreprises  
(s’inspirer  de  la  base  APCE,  cf.  encadré)  et  d’un  outil  de  
simulation  (s’inspirer  de  la  plateforme  “mes-aides.gouv.fr”,  
cf. encadré), publication en open data des rescrits fiscaux.
-­‐ Simplification  des  relations  avec  l’administration :
-­‐ création  d’un  dossier  déclaratif unique pour les
différentes aides (CIR, CII, JEI, aides à
l’internationalisation),  dans  la  continuité  du  Guichet  
Entreprises127 et  du  programme  “Dites-le nous une
fois128” ;
-­‐ création  d’un  dispositif  simplifié  (type  fast-track -
procédure accélérée) permettant à des entreprises de
moins de 10 ans de faire une demande de rescrit en ligne
pour leurs dépenses éligibles au CII/CIR, pour
l’obtention  du  statut  JEI,  etc. ;
-­‐ simplification du dispositif de rescrit fiscal : idéalement,
l’administration  se  coordonnerait afin de ne procéder
qu’à  une  seule  expertise  menée  conjointement  entre  le
ministère de la Recherche et la DGFIP129. Le délai de
réponse  de  l’administration  fiscale  pourrait  être  réduit  à  
2 mois.
Ce projet de modernisation pourrait être piloté par la Direction générale
des entreprises et associer les administrations et établissements publics
compétents (Etalab, BPI France, DGFIP, ministère de la Recherche, etc.).
L’implication   des   startups   et   fédérations   professionnelles   est   également  
indispensable à la logique de co-construction.
127 https://www.guichet-entreprises.fr/
128http://www.modernisation.gouv.fr/les-services-publics-se-simplifient-et-innovent/par-des-
simplifications-pour-les-entreprises/dites-le-nous-une-fois-un-programme-pour-simplifier-la-
vie-des-entreprises
129 le   recours   à   l’expertises   s’avère essentiel dans certains cas, il conviendrait de fluidifier les
échanges  entre  le  MESR  et  la  DGFIP  afin  de  clarifier  les  recours  à  l’expertise  pour  les  entreprises
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214
BASES D’INFORMATIONS RECENSANT LES AIDES A
L’INNOVATION & MES-AIDES.GOUV.FR
Synthèse des différentes aides liées à la création d’entreprise et à l’innovation
développée par l’APCE (Agence pour la création d’entreprises) :
http://www.apce.com/pid823/les-aides-a-l-innovation.html
Plateforme “Semaphore” développée par les Chambres de Commerce et
d’Industrie qui rassemble les aides à l’innovation en France et en Europe :
http://les-aides.fr/
Mes-aides.gouv.fr : outil de simulation permettant de calculer et de déterminer
les aides sociales d’un foyer familial. Ce service expérimental a été développé
en suivant une démarche de co-construction ouverte : le Secrétariat Général à
la Modernisation de l’Action Publique a fait appel à des agences de l’État, des
fonctionnaires et des citoyens pour élaborer le dispositif. Le site exploite un
logiciel libre. La mise en place d’un dispositif équivalent dans le domaine des
aides à l’innovation, co-construit avec des startups, des agences de l’État et
des fédérations professionnelles permettrait de développer un service
accessible, flexible et évolutif.
Voir : https://mes-aides.gouv.fr/.
Renforcer la médiation et la formation en matière fiscale
L’accompagnement  opérationnel  des  jeunes  entreprises  innovantes   dans  
le recours à ces dispositifs est essentiel. Pour renforcer l’accessibilité  et  la  
médiation :
Introduire, dans la formation des agents des services fiscaux, des
modules   relatifs   à   l’innovation,   afin   d’engager   une   meilleure   appropria-
tion de ces enjeux. Les chambres de commerce peuvent également devenir des
lieux de médiation   en   la   matière,   afin   d’accompagner,   au   même   titre   que   la  
création  d’entreprises,  les  procédures  administratives  des  startups  et  PME.
Doter   l’Agence   du   Numérique   d’une   mission   de   médiation   auprès  
des entreprises au niveau local dans leurs relations avec
l’administration.
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
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39. Élaborer la stratégie industrielle de la France en matière
d’innovation ouverte
Dans leurs stratégies de transformation numérique, les acteurs
économiques   ont   de   plus   en   plus   recours   à   l’innovation   ouverte130. Les
entreprises sont amenées à repenser leurs modes de gouvernance et de management
de  l’innovation,  en  la  considérant  non  plus  comme  une  discipline  isolée,  mais  comme  
un levier structurant de leur modernisation en interne (organisation, production,
marketing, business model, mode de participation des salariés) comme en externe
(partenariats avec des tiers, externalités positives en matière sociale, éthique, et
environnementales). La France peut en ce sens promouvoir et construire une véritable
stratégie industrielle en matière  d’innovation  ouverte  et  occuper  un  nouveau  segment  
de compétitivité.
Pour ce faire, il est nécessaire de :
Accompagner les entreprises qui mettent en place des stratégies
d’innovation ouverte
Intégrer dans le compte personnel de formation (cf. encadré) un
droit   individuel   à   la   contribution,   autorisant   la   participation   d’un  
salarié  à  des  projets  “ouverts” (innovation sociale, fab lab, startup, etc.).
Développer  le  “1 % open131”  pour  encourager  les  entreprises  à  déve-
lopper  des  projets  d’innovation  ouverte : par  exemple,  l’intégrer  dans  les  
critères de définition de la responsabilité numérique des entreprises (utilisa-
tion  de  ressources  libres,  contribution  à  l’open  source,  développement  de  par-
tenariats,  investissement  dans  l’innovation  sociale,  etc.).
Encourager   la   constitution   de   places   de   marché   pour   l’innovation  
ouverte par les entreprises, permettant la rencontre entre la demande de
recherche   et   d’innovation   des   entreprises   et   l’offre   d’innovation   de   contribu-
teurs132.
130 L’innovation   ouverte   suppose,   selon   Henry   Chesbrough,   que   l’entreprise   aille   chercher   à  
l’extérieur,   les   idées   et   connaissances   dont   elle   a   besoin   pour   innover,   et   permette   à   d’autres  
acteurs de créer de la valeur à partir de ces innovations (Henry Chesbrough,  “Open  Innovation  :  
The   New   Imperative   for   Creating   and   Profiting   from   Technology”,   Harvard   Business   School  
Press, 2003)
131 Abordé   dans   le   rapport   de   la   mission   Lemoine   sur   “La   transformation   numérique   de  
l’économie  française”,  le  “1%  open”  désigne  la  part  d’activités  que  les  entreprises  consacrent  en  
matière   de   projets   ouverts.   Le   1%   peut   désigner   1%   du   chiffre   d’affaires.   Voir   :  
http://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/rapport_TNEF.pdf
132 Des  plateformes  sont  d’ores  et  déjà  en  développement  comme  http://www.idexlab.com/fr/.
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216
LE COMPTE PERSONNEL
DE FORMATION
Le compte personnel de formation est une nouvelle modalité d’accès à la
formation. II est prévu à l’article L611-1 du Code du travail et a été créé par la loi
n° 2014-288 du 5 mars 2014, relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à
la démocratie sociale. L’objectif est donc d’insérer dans ce droit universel
d’évolution professionnelle un droit à la contribution, donnant la possibilité aux
salariés de participer à des projets ouverts et collaboratifs. Les bénéfices sont
aussi bien personnels (développement des compétences de l’individu), que
collectifs par le partage du savoir nouvellement acquis au sein de l’entreprise.
En savoir plus
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=B9993EA30B34FD2D27
C67B9EACF37857.tpdila16v_3?cidTexte=JORFTEXT000028683576&dateTexte=2
0150217
Mettre en œuvre une politique publique de l’innovation “nouvelle
génération” et porter une vision française de l’innovation ouverte
Évaluer   et   promouvoir   l’impact   économique   et   industriel   de  
l’innovation  ouverte :
-­‐ Mettre  en  œuvre  des  programmes  de  recherche-action
dans une visée pluridisciplinaire afin de mesurer les
externalités  produites  par  le  recours  à  l’innovation  ouverte :
analyse des business model, mesure de la valeur, transformation
des partenariats en matière de propriété industrielle, etc. ;
-­‐ Cartographier les types de brevets, licences, y compris
les licences libres et / ou ouvertes, et les regroupements
d’acteurs  sur  une  plateforme  publique  ouverte  afin  
d’observer  l’évolution  des  pratiques. Cartographier les
ressources placées sous des régimes de propriété partagée et/ou
de dérogation au droit de la propriété intellectuelle (communs)
dans  l’optique  de  constituer  des  écosystèmes  locaux  et  visibles  à  
l’international ;
-­‐ Mettre à disposition des acteurs économiques des
contrats  types  de  “partenariats  d’innovation” : disponibles
en open source, ces contrats guideraient les entreprises vers des
bonnes pratiques de partenariats (investissement, prestations de
services, partage de propriété intellectuelle). Élaborer ces contrats
types en concertation avec les acteurs.
Encourager la constitution de pools de brevets (cf. encadré) :
-­‐ Flécher ces expérimentations vers des secteurs stratégiques,
comme  l’automobile,  la  santé  et  les  biotechnologies,  l’éducation,  
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
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217
les objets connectés, la robotique. Conduire ces expérimentations
en partenariat avec les pôles de compétitivité, les instituts de
recherche  (INRIA,  instituts  du  CNRS),  l’INPI,  et  les  autorités  de  
régulation (Autorité de la concurrence notamment).
LES “POOLS”
DE BREVETS
Un pool de brevets - ou patent pool - est une mise en commun par plusieurs
sociétés, personnes ou organisations, d’inventions brevetées, considérées
comme indispensables à la mise en œuvre d’une technologie ou d’un objet
industriel. Les pools de brevets ont été développés dès le milieu du XIXème siècle
dans l’industrie (pour la fabrication de la machine à coudre ou des avions par
exemple). Délaissés après la Seconde Guerre Mondiale, ils semblent reprendre
une place importante avec le développement des technologies de l’information et
la transformation des secteurs industriels plus classiques.
Des pools de brevets essentiels à la constitution d’un standard se sont ainsi
développés, à l’instar du MPEG-LA en 1997 (standard de compression vidéo
MPEG-2), du One-Blue en 2009 (standard Blu-Ray), ou du Medicine Patent Pool
(en 2011, l’Organisation mondiale de la santé a ouvert ce pool pour donner accès
aux pays en développement aux brevets en matière de trithérapie).
Le principe de constitution d’un pool est le suivant : plusieurs sociétés
rassemblent leurs brevets via un contrat de licence unique, réduisant ainsi les
coûts de transaction (bien plus élevés lorsque sont conclus des accords
bilatéraux). Ils permettent de constituer un guichet unique pour vérifier la validité
du caractère essentiel du brevet, lorsqu’il s’agit d’un brevet essentiel à un
standard. Dans ce cas également, le prix de la redevance diminue, ouvrant
l’utilisation de la licence à des petites entreprises, des centres de recherche, etc.
Un article de recherche du Prix Nobel Jean Tirole et de Josh Lerner encourage
l’utilisation de pools de brevets, tant dans les industries du logiciel que dans
l’économie plus traditionnelle. D’après cet article, les pools de brevets permettent
l’innovation et ne sont pas un frein à la conclusion par les entreprises de contrats
bilatéraux indépendants de ces pools. Les pools sont également plus efficaces
lorsque les brevets regroupés dans le pool sont complémentaires et non
substituables.
En savoir plus :
“Efficient Patent Pools”, National Bureau Economic Research Working
Paper Series, 2002, Working Paper 9175,
http://www.nber.org/papers/w9175
“Le rôle économique des pools de brevets”, La Jaune et la Rouge, La
propriété intellectuelle : Défendre la création, Magazine N°672 Février
2012 : http://www.lajauneetlarouge.com/article/le-role-economique-des-
pools-de-brevets#.VQhPly6YvuA
“Patent pools : a solution to the problem of access in biotechnology
patents ?”, United States Patent and Trademark Office December 5, 2000 :
http://www.uspto.gov/web/offices/pac/dapp/opla/patentpool.pdf
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
218
-­‐ La France pourrait ainsi développer une politique
proactive  de  soutien  à  l’innovation  ouverte  en  
encourageant le développement de pools de brevets dans
des secteurs stratégiques. Cette politique pourrait
éventuellement être intégrée aux orientations des 34 plans
industriels  et  s’accompagner  d’une  réflexion  autour  de  la  
prévention des pratiques anticoncurrentielles et la promotion de
standards technologiques auprès des organisations
internationales.
Doter   l’INPI   de   missions   de   promotion   de   l’innovation   ouverte   et  
des technologies libres. Par exemple :
-­‐ Confier  à  l’INPI  le  pilotage  d’un  fonds  public  soutenant  
l’open  source et les communautés du libre, en
coordination avec France Brevets (cf. encadré) ;
-­‐ Renforcer ses missions de sensibilisation et de
médiation  autour  de  l’innovation  ouverte  et  l’usage  des  
technologies et ressources libres : valoriser le partage de
brevets par des partenariats concertés avec les entreprises
détentrices de brevets et celles qui ne les déposent pas,
promouvoir  les  licences  à  réciprocité,  de  type  “share-alike” ;
-­‐ Créer  des  concours  “Open  innovation”  avec des startups en
partenariat avec des entreprises qui possèdent de nombreux
brevets. À minima,  garantir  l’ouverture  du  brevet  aux  gagnants  de  
ces concours.
LE FONDS SOUVERAIN DE LA PROPRIETE
INTELLECTUELLE
Initié en 2014 par une convention entre l’État et la Caisse des Dépôts, ce fonds a
pour objectif de mettre en place le premier instrument de marché européen dans
le domaine du transfert de connaissances, de mieux protéger les entreprises
contre les revendications potentielles. Doté de 100 millions d'euros
(11 investisseurs européens), ce fonds devrait être géré par France Brevets. Il
pourra acquérir des brevets d'entreprises françaises et européennes, et aider les
entreprises françaises à porter leurs brevets aux normes internationales.
En savoir plus :
http://www.legifrance.gouv.fr/eli/convention/2014/12/23/PRMI1427303X/
jo/texte
L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE
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VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
219
Placer   l’INPI   au   cœur   des   négociations   européennes   et   internatio-
nales pour :
-­‐ Coordonner  l’adoption  de  la  nouvelle  réglementation  relative  au  
brevet européen et clarifier les règles liées aux infractions de
brevet133 (cf. encadré). À ce titre, il est nécessaire  que  l’Europe  
maintienne sa position sur la non brevetabilité des logiciels,
principale  source  de  procès  par  les  “patent  trolls”  outre  
Atlantique ;
-­‐ Porter et défendre les positions françaises auprès des
organisations internationales (Organisation mondiale du
commerce, Organisation mondiale de la propriété intellectuelle,
Organisation internationale de normalisation, Comité européen
de  normalisation,  etc.)  sur  les  sujets  d’innovation  ouverte  
notamment.
LA REFORME DU SYSTEME DE BREVET :
UNE PROTECTION PAR BREVET UNITAIRE
ET LA JURIDICTION UNIFIEE DU BREVET
En 2012, les États-membres (à l’exception de l’Espagne et de l’Italie) et le
Parlement européen se sont accordés sur un “paquet brevet”, établissant
notamment une juridiction unique et spécialisée pour le brevet, “la Juridiction
Unifiée du Brevet”.
Lorsque l’accord et les règlements entreront en vigueur, il sera possible d’obtenir
un brevet européen à effet unitaire, assurant une protection uniforme pour une
invention dans les 25 États-membres, sur la base d’un guichet unique, avec
d’importants avantages économiques et une diminution des charges
administratives.
Ce système commun introduit toutefois le risque que des “patent trolls” se
développent en Europe. Les “patent trolls” sont des sociétés qui acquièrent des
portefeuilles de brevets non pour les exploiter mais pour négocier des licences, le
cas échéant sous la menace d’un procès pour contrefaçon. Le manque de règles
de conduite sur ce point serait une incitation à de nombreux procès.
En savoir plus :
http://ec.europa.eu/growth/industry/intellectual-property/industrial-
property/patent/index_fr.htm
133 le règlement prévoit en effet que la validité du brevet et son infraction peuvent être décidées
dans deux endroits, créant une insécurité
RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
220
Reconcevoir la structure
de financement
de l’économie de l’innovation
40. Élargir les sources de financement de l’économie de l’innovation
Les recommandations proposées ci-après   supposent   d’engager une
discussion plus approfondie avec les investisseurs institutionnels
(banques, assureurs) et les acteurs publics. Certaines mesures proposées
pourront  être  abordées  lors  des  prochaines  Assises  de  l’Entrepreneuriat.
Le  dynamisme  de  l’écosystème  innovant français suppose de véhiculer des dispositifs
de  financement  pérennes  et  adaptés.  Si  l’environnement  du  capital  investissement  et  
du financement134 semble être plus favorable - en 2014, le capital-investissement a
connu un fort rebond avec une augmentation des investissements (+35 %), et de levées
de fonds (+24 %)135 - la chaîne de financement est encore partiellement inadaptée au
développement  de  l’innovation et au monde numérique.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène :
Une trop forte dépendance des entreprises au financement bancaire
entraînant  une  compression  des  capacités  d’innovation  des  plus  petites  entre-
prises. Contrairement aux États-Unis,  le  financement  de  l’économie  en  Europe  
est assuré pour près de 80 % par du financement bancaire, et pour 20 % par les
marchés financiers. En France, le financement des PME/ETI est quasi-
exclusivement bancaire136. Si un rééquilibrage est nécessaire, le rôle des
banques ne doit pas être sous-estimé. Elles font partie du paysage européen de
l’intermédiation  et  il  convient  d’imaginer  des  dispositifs  les  guidant  vers  le  fi-
nancement des nouveaux modèles économiques.
134 L’univers  de  taux  bas  doit  pousser  à  la  réallocation  de  fonds  propres  dans  l’économie
135 voir   l’étude   de   l’AFIC   pour   2014   :   http://www.afic.asso.fr/fr/Les-chiffres-cles-du-capital-
investissement/Les-etudes-cles-du-capital-investissement/Activite-du-capital-
investissement.html
136 D’après  les  recommandations du groupe de travail de Paris Europlace sur le financement des
PME/ETI  (mars  2014)  :  en  2013,  le  crédit  bancaire  aux  PME/ETI  représentait  690Md€,  dont  
PME   (413Md€)   et   ETI   (274Md€),   soit   près   de   90%   de   leurs   sources   de   financement   :  
http://www.paris-europlace.net/files/Rapport_PEP_PME_100314.pdf
RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
221
Une  faible  mobilisation  de  l’épargne  des  ménages vers le segment de
l’innovation   et   des   startups. Les dispositifs récemment mis en place,
comme le PEA-PME137, ne semblent pas répondre aux besoins de financement
des entreprises de croissance. Le développement de nouveaux modes de réallo-
cation  de  l’épargne  est  nécessaire.  L’adaptation  des  produits  d’épargne  et  ban-
caires - et de leur fiscalité - aux modèles économiques numériques permettrait
de diversifier et renouveler les sources de financement des entreprises inno-
vantes sur le long terme.
Une dépendance du capital-investissement au financement public,
compensant en partie la désaffection des capitaux privés (provenant notam-
ment des assurances138) et étrangers à destination du capital-risque. Entre
2007 et 2013, la part des fonds privés alimentant le capital-investissement est
passé de 40 % à 15 %.  Or  l’efficacité  des  fonds  publics  est  supérieure  lorsque  le  
capital public vient en co-investissement  d’argent  privé  professionnel,  surtout  
en  phase  d’amorçage,  et  lorsque  le  fonds  est  porté  par  des  investisseurs privés
expérimentés139.
Le manque de liquidités sur le marché européen, associé à une per-
sistance   de   l’equity gap140 au niveau du capital-développement,
n’offrent  pas  aux  entreprises  de  croissance  des  capacités  suffisantes  pour  con-
tinuer son expansion, financer son internationalisation, et se donner du temps
avant de viser une sortie plus ambitieuse, souvent boursière.
137 Comme le PEA-PME - portefeuille  d’actions  à  destination  du  financement  des  PME  et  des  
ETI, créé en mars 2014. Voir le décret n° 2014-283 du 4 mars 2014 relatif au plan d'épargne en
actions et au plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entre-
prises et des entreprises de taille intermédiaire :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028680701&dateTexte
&categorieLien=id
138 Voir  les  chiffres  de  l’Association  française  des  investisseurs  pour  la  croissance. En 2014, le
secteur public (fonds souverains compris) a concentré 25% des levées contre 16% pour les com-
pagnies  d’assurance  et  mutuelles  :  
http://www.afic.asso.fr/fr/Les-chiffres-cles-du-capital-investissement/Les-
etudes-cles-du-capital-investissement/Activite-du-capital-investissement.html
139Voir   l’étude   “Venture-Capital: Policy Lessons   from   the   VICO   Project”,   Septembre   2011    
http://www.vicoproject.org/doc/policy/VICO_FinalPolicyBrief.pdf
140 l’equity  gap  correspond  à  un  “trou  de  financement”.  En  Europe,  il correspond principale aux
phases  de  développement  et  d’expansion  de  l’entreprise  (tickets  autour  de  10  millions  d’euros).  
Voir  le  rapport  de  France  Digitale  à  la  Commission  européenne  “Web  Investors  Forum:  Boosting  
digital   startup   financing   in   Europe”   : http://fr.slideshare.net/frenchweb/final-report-of-cap-
digital-web-investors-forum
RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION
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VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
222
LA STRUCTURE ET LA GESTION DE L’EPARGNE
EN FRANCE - CHIFFRES CLEFS
Un taux d’épargne à 15,8 % fin 2014, parmi les plus élevés d’Europe,
pour un volume total des encours atteignant 4075 milliards d’euros
au premier trimestre 2014.
Des titres d’assurance-vie très dynamiques : la France en est la
championne européenne, avec un encours moyen de 20 994
euros/habitant et un encours total à 1 546,9 milliards d'euros (fin
février 2015).
Sources :
http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=nattef08148
https://www.ffsa.fr/sites/jcms/p1_1503101/fr/assurance-vie-collecte-nette-
positive-en-fevrier-2015?cc=fn_7348
http://www.oee.fr/105-0-Vue+generale.html.
Répartition du patrimoine financier des ménages en 2013
Source :
http://www.lafinancepourtous.com/html/IMG/pdf/chiffres_cles/IEFP_epargne_
menages.pdf
Gestion :
65 % des actifs du Livret A et du Livret Développement Durable sont
détenus par la Caisse des Dépôts et des Consignations.
La loi de modernisation de l’économie précise la règle de
centralisation des fonds détenus par la Caisse des Dépôts : ces
derniers ne doivent pas descendre en dessous d’un seuil
correspondant à 125 % des encours des prêts au logement social et
à la politique de la ville, afin d’en assurer les capacités de
financement.
Principaux bénéficiaires des fonds : prêts pour le logement social (60 %),
grands travaux d’infrastructures (20 %), prêts aux collectivités (8 %).
Assurance vie
et fonds de
pension
Epargne ban-
caire (dépôts
et liquidités)
Actions Titres
d’OPCVM
Titres de dette
40 % 32 % 19 % 7 % 2 %
RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION
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VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
223
Actions à court terme : remobiliser l’épargne vers le financement de long
terme et favoriser l’investissement en « circuits courts »
En ce qui concerne l’épargne :
Réadapter   la   fiscalité   de   l’épargne   afin   d’inciter   l’épargne   de   long  
terme. La   structure   actuelle   favorise   davantage   l’épargne   de   court   terme,  
moins   risquée   et   moins   liquide,   alors   que   l’innovation   nécessite   des   finance-
ments de long terme.
Mobiliser  l’assurance-vie en renforçant sa nature de long terme (no-
tamment sur la fiscalité) :
-­‐ Étendre  les  dispositifs  d’avantages  fiscaux attribués aux
contrats Euro-Croissance et Vie-génération141. Allonger
notamment  la  durée  des  placements  de  l’assurance-vie, en créant
de  nouveaux  produits  d’investissements  de  long  terme.
-­‐ Prévoir à ce titre une adaptation de la fiscalité patrimoniale des
produits  d’épargne  incitatifs  pour  assurer  des  niveaux  de  collecte  
souhaitables (par exemple : exonération ou abattement
proportionnel d’ISF  pour  un  contrat  Vie-génération)
Viser   la   réorientation   et   le   regroupement   de   classes   d’actifs  
d’épargne  et  d’assurance  pour  les  mobiliser  auprès  des  PME  et  ETI :
-­‐ Redéployer les fonds des caisses de retraites
complémentaires  vers  le  financement  de  l’innovation. À
ce titre, la mission confiée à René Ricol semble aller dans ce sens
(projet  d’autoriser  les  caisses  de  retraites  complémentaires  à  
investir  5  milliards  d’euros  dans  des  PME  et  ETI,  contre  1  milliard  
aujourd’hui,  ce  qui  représente  0,5 % des fonds). Une orientation
des investissements des caisses vers des entreprises innovantes
pourrait  être  imaginée,  à  condition  d’encadrer  les  risques  
potentiels.
-­‐ À terme,  créer  un  fonds  regroupant  des  classes  d’actifs  
afin  de  financer  l’économie  française  sur  le  long  terme
141 Nouveaux  contrats  d’assurance  créés  en  2014  suite  au  rapport  Berger-Lefebvre  sur  l’épargne  
financière (http://www.economie.gouv.fr/rapport-berger-lefebvre-sur-l-epargne-financiere). Le
contrat  Eurocroissance  est  garanti  qu’au  terme  de  8  ans  d’investissement  sur  des  supports  di-
versifiés  pour  assurer  le  financement  de  l’économie,  avec  un  rendement  supérieur  attendu.  Il  
peut être mixte (fonds en euros garantis et fonds en unité de compte non garanti en capital) ou
monosupport. Le contrat Vie-génération   n’offre   aucune   garanti   en   capital,   un   tiers   doit   être  
investi  dans  l’économie  réelle  (économie  sociale  et  solidaire,  capital-risque, ETI), et les deux-
tiers peuvent être investis librement.
RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
224
(de  l’ordre  de  20  à  30  milliards  d’euros).  Ce  fonds  serait  
complémentaire aux initiatives publiques142.
Étendre  le  Plan  d’Epargne  en  Actions  PME  (PEA-PME)143 :
-­‐ Élargir le spectre des titres éligibles au PEA-PME aux obligations
afin  d’aligner  le  PEA-PME avec les méthodes de financement des
entreprises et encourager la constitution de fonds mixtes
(obligations et actions).
-­‐ Créer des passerelles entre les produits financiers, permettant par
exemple de transférer des sommes de comptes monétaires vers
des PEA-PME, sans impact fiscal. Par exemple, encourager
l’articulation  avec  les  nouveaux  contrats  d’assurance-vie,
Eurocroissance et Vie Génération et faciliter le choix de fonds
PEA-PME comme unité de compte dans ces contrats.
-­‐ Amplifier  l’effort  de  commercialisation  de  ce  produit  et  améliorer  
l’accompagnement  des  épargnants.
En ce qui concerne l’investissement en « circuit courts » :
Encourager et accompagner les ménages mobilisant le financement participatif
dans  leurs  placements  d’épargne  et l’ouvrir  aux  personnes  morales :
-­‐ Faciliter  l’intégration  des  participations prises sur une plateforme
de crowdfunding dans des  produits  d’épargne  (PEA-PME,
assurance-vie). À titre  d’exemple,  le  Royaume-Uni prévoit
d’intégrer  les  participations  en  crowdfunding  à  l’”Individual  
Saving Account144”  (équivalent  de  l’assurance-vie et du PEA).
-­‐ Appliquer  les  mesures  d’aménagement  de  l’Impôt de Solidarité
sur la Fortune au financement participatif et aux investissements
dans  l’innovation  (en  suivant  les  critères  d’innovation  exposés  
dans la Recommandation n°1)145.
142“Financement  en  dette  des  PME  et  ETI  :  Nouvelles  Recommandations”,  Paris  Europlace,  mars  
2014 http://www.paris-europlace.net/files/Rapport_PEP_PME_100314.pdf et   “Fonds   de   fi-
nancement  de  l’économie  française  :  un  enjeu  de  croissance  et  de  souveraineté  pour  la  France”,  
Philippe Tibi et Christian Dargnat, Revue Banque, novembre 2012 : http://www.revue-
banque.fr/banque-investissement-marches-gestion-actifs/article/fonds-financement-economie-
francaise-un-enjeu-c
143 Pour en savoir plus : http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/55/avis/182#subavis-644
144 https://www.gov.uk/individual-savings-accounts
145 50% des montants investis pendant 5 ans dans des PME - Article 885-0 V bis I. et II. du Code
général des impôts :
RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
225
-­‐ Ouvrir le prêt participatif aux personnes morales.
Anticiper les modifications   des   dispositifs   d’incitations   fiscales   liées   à  
l’investissement   dans   les   PME   et   les   flécher   vers   le   financement   de  
l’innovation.
-­‐ Le  règlement  européen  sur  les  aides  d’État  “compatibles  avec  les  
règles  du  marché  intérieur”  modifié  en  juin  2014  et  rentré  en
vigueur le 1er juillet 2014146 oblige la France à revoir plusieurs
dispositifs  existants,  notamment  les  Fonds  d’Investissements  de  
Proximité  et  les  Fonds  Communs  de  Placements  dans  l’Innovation  
(réductions  d’ISF147 et  réduction  d’impôt  sur  le  revenu148) ;
-­‐ La refonte de ces dispositifs doit être réalisée en prenant en
considération  la  nécessité  d’attirer  des  business angels et des
investisseurs expérimentés vers les entreprises non cotées et les
jeunes entreprises innovantes.
Actions à moyen terme : mobiliser les acteurs bancaires et les
investisseurs institutionnels en adaptant les pratiques et les produits
Le   modèle   économique   d’une   startup   apparaît   de   prime   abord   difficilement  
compatible avec les méthodes de financement bancaire en matière de calcul de risque
et  de  produits.  En  effet,  les  besoins  en  capital  d’une  startup  s’inscrivent  dans  la  durée  
(dans   l’hypothèse   d’une   croissance   future),   alors   que   le   financement   par   la   dette  
repose sur une prévisibilité de liquidité à court-terme.   D’un   autre   côté,   les  
investisseurs institutionnels ont délaissé les fonds de capital-investissement depuis la
crise financière, mettant en danger le financement des startups sur le haut de bilan.
Il est essentiel de mobiliser les banques et les investisseurs institutionnels
(assurances notamment) en les attirant vers le financement des nouveaux
modèles économiques :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;?idArticle=LEGIARTI000026950784&cidT
exte=LEGITEXT000006069577
146 voir http://eur-lex.europa.eu/legal-
content/FR/TXT/HTML/?uri=OJ:L:2014:187:FULL&from=FR
147 Voir article 885-0 V bis III. du CGI
148 Déduction  de  l’IR  de 18% des investissements dans des FCPI et les FIP, avec limites de
réduction (10 000 euros pour un contribuable, 20 000 euros pour un ménage) - Article 238 bis
AB du Code général des impôts
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006303974&cidT
exte=LEGITEXT000006069577 Exonération  de  l’IR pour les sommes auxquelles donnent
droit des parts de FCPR (fonds commun de placement à risques) ou FCPI - Article 163 quinquies
B du Code général des impôts
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006069577&idAr
ticle=LEGIARTI000027795200.
RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION
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226
Renforcer les partenariats entre banques et startups : leur rappro-
chement  est  essentiel  pour  les  banques,  qui  peuvent  s’inspirer  des  jeunes  en-
treprises pour se transformer et proposer des solutions de financement adap-
tées. Il est impératif pour les startups de communiquer leurs projets et leurs
besoins   sur   la   base   d’une   vision   et   d’un   vocabulaire   partagés149. Parmi les
bonnes pratiques à développer : renforcer la dématérialisation, le partage
d’informations,  les  conseils  en  temps  réel,  assouplir  les  règles  en  matière  de  dé-
couverts, retards, etc. Encourager les banques à recruter des profils adaptés et
à créer des guichets dédiés aux startups ;
Impliquer les acteurs bancaires dans le financement participatif : les
banques pourraient accompagner leurs épargnants vers ce type
d’investissements,  en  définissant  des  profils  de  risque  et  des  stratégies  de  por-
tefeuille pour leurs clients. Les banques pourraient aussi proposer aux entre-
prises qui demandent un crédit bancaire des stratégies de financement via des
plateformes de crowdfunding. À titre  d’exemple,  le  Royaume-Uni prévoit, dans
un projet de loi intitulé “Small   Business,   Enterprise   and   Employment   Bill”,  
une régulation obligeant les banques ayant refusé un crédit à une PME à
transmettre  les  informations  sur  l’entreprise  à  des  plateformes  en  ligne150.
Inventer  des  produits  financiers  adaptés  à  l’innovation :
-­‐ Réfléchir à une adaptation du PEA-PME, comprenant un volet lié
à l’innovation ;
-­‐ Créer des nouveaux types de prêts aux entreprises. Aux États-
Unis se développent par exemple des crédits bancaires adaptés au
modèle économique SaaS (Service as a Platform) : le montant du
prêt  est  aligné  sur  le  revenu  mensuel  de  l’entreprise et le
remboursement  se  fait  en  fonction  de  la  croissance  de  l’entreprise.  
Ce  type  de  produit  flexible  permet  à  l’entreprise  de  se  financer  par  
de  la  dette  en  complément  d’un  investissement  en  capital  et  
apporte une visibilité sur les cash-flows dans le futur151 ;
-­‐ Imaginer la constitution de fonds commun de placement à risque
qui se lèveraient uniquement en ligne.
149 Voir le guide des bonnes relations banques-startups du Crédit Mutuel Arkéa :
http://www.arkea.com/banque/assurance/credit/upload/docs/application/pdf/2015-
03/livre_blanc_relations_banques-startups_mars_2015.pdf
150 Voir  le  dossier  législatif  (mesure  détaillée  dans  la  partie  I  “Access  to  Finance”  au  point  5  
“Small  and  medium  sized  businesses:  information  to  finance  platforms”):  
http://services.parliament.uk/bills/2014-
15/smallbusinessenterpriseandemployment/documents.html
151 voir par exemple : http://www.saas-capital.com/
RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
227
Engager   une   réflexion   au   niveau   européen   sur   l’efficacité   et  
l’adaptation  des  règles  de  Solvabilité  II152 :
-­‐ Intégrer  des  espaces  d’expérimentation  où les ratios prudentiels
de Solvabilité II seraient assouplis. Réfléchir à la création de
produits  d’investissement  de  long  terme  qui  échapperaient,  au  
moins partiellement, au cadre prudentiel.
-­‐ Développer des dispositifs incitant les assureurs à investir un
certain pourcentage dans les entreprises innovantes.
Accompagner l’évolution du financement participatif
Le crowdfunding constitue un levier alternatif pour les startups de lever
des fonds autrement que par le financement bancaire, notamment en
phase   d’amorçage   et   de   développement. Comme en témoignent les récentes
études, de plus en plus de particuliers soutiennent des projets de crowdfunding sur les
plateformes françaises. Ce mode de diversification des sources de financement pour
les  startups  et  d’investissement  direct  dans  l’économie  tend  à  être  soutenu  au  niveau  
national et étendu au niveau européen.
LE CROWDFUNDING : DEFINITIONS
ET CADRE JURIDIQUE
Le financement participatif (crowdfunding) est un nouveau mode de financement
de projets permettant de lever des fonds auprès du public, le plus souvent via
une plateforme en ligne.
Il se présente sous plusieurs formes :
le mécénat participatif, ou crowd sponsoring (don sans contrepartie, don
avec contrepartie non financière)
l’investissement participatif ou crowd investing (modes de financement
participatif avec contrepartie financière, c’est-à-dire soit avec partage de
bénéfices, soit par l’émission de titres financiers)
le prêt participatif ou crowd-lending (avec ou sans remise d’intérêts).
L’ordonnance du 30 mai 2014 fait du crowdfunding un nouveau canal de
financement, reconnu et régulé, qui complète les modes de financements
traditionnels. Elle contient 3 mesures principales :
Relèvement du seuil d'exemption de prospectus153
de 100 000 € à 1 000
000 € et l'accès au crowdfunding pour les SAS.
Suppression du monopole bancaire sur les prêts rémunérés. Des
particuliers peuvent donc financer des projets en prêtant de l'argent contre
152 voir : http://acpr.banque-france.fr/solvabilite2.html
153 Document  établi  par  la  société  lors  de  son  introduction  en  bourse,  d’une  augmentation  de  
capital,   d’une   émission   ou   d’une   admission   de   titres   financiers.   Le   prospectus   est   soumis   au  
préalable  au  visa  de  l’AMF.  Il  contient  des  informations  concernant  la  société,  l’opération  finan-
cière
RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
228
un intérêt dans la limite de 1 000 € par investisseur et 1 000 000 € par
projet.
Création du statut de conseiller en investissements participatifs pour les
plateformes qui proposent des titres aux investisseurs (crowd-equity) et
un statut d'intermédiaire en financement participatif pour les plates-
formes qui proposent aux particuliers des financements sous formes de
prêts rémunérés ou non.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT00002900
8408
BAROMETRE 2014 DU CROWDFUNDING
EN FRANCE
Quelques chiffres :
152 millions d’euros de fonds ont été levés en 2014 contre 78,3 millions en
2013 (le marché a quasiment doublé en un an) pour 64 500 projets (depuis le
lancement des plateformes). Les fonds collectés augmentent surtout pour :
les dons en capital (de 10,3 millions d’euros à 25,4 millions d’euros)
les prêts (de 47,9 millions d’euros à 88,4 millions d’euros)
les dons avec récompenses (de 17,5 millions d’euros à 33,5 millions
d’euros)
On recense près de 1,3 million de financeurs depuis le lancement des
plateformes en France.
En savoir plus :
http://www.compinnov.com/wp-
content/uploads/2015/02/Barometre_annee_2014.pdf
Le crowdfunding, qui constitue à la fois une source de financement de l’économie  
numérique   et   un   moyen   “numérique”   de   financer   l’économie,   est   un   acteur   à   part  
entière   du   financement,   au   même   titre   que   l’industrie   bancaire   et   que   le   capital-
investissement154.  Il  convient  de  l’intégrer  dans  la  chaîne  de  financement  et  de  mieux  
coordonner les interactions entre ces différents acteurs.
Outre   les   propositions   précitées,   afin   d’accompagner,   de   sécuriser,   et  
d’amplifier  le  financement  participatif,  le  CNNum  recommande  de :
Engager une réflexion, avec les parties-prenantes155, pour assurer
une meilleure représentation des actionnaires dans le cadre de finan-
cements en equity : la formation de collèges représentatifs, ou le partage de
bonnes pratiques entre les acteurs du financement participatif et du capital in-
vestissement   permettrait   d’assurer une bonne coordination des projets et
154 En  France,  la  plupart  des  plateformes  sont  d’ailleurs  soutenues  par  des  établissements  ban-
caires
155 Notamment   impliquer   l’AFIC,   l’association   Financement   Participatif   France,   l’AMF,   et  
l’ACPR
RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
229
d’anticiper   les   risques   potentiels   lorsqu’un   projet   financé   sur   une   plateforme  
élargit son capital par des levées de fonds plus classiques.
Renforcer   l’observation   et   l’évaluation   des   investissements   en  
crowdfunding156 :
-­‐ Définir des indicateurs spécifiant, par exemple, le caractère non-
marchand,  l’impact  social,  sociétal,  environnemental  et  éthique  
des  investissements,  en  complément  de  l’indicateur  de  rentabilité  
financière, afin de sensibiliser les ménages à ces pratiques
alternatives ;
-­‐ Développer une plateforme ouverte de données ouvertes et
réutilisables, fournies par les acteurs du crowdfunding sur : le
taux  de  réussite  et  de  concrétisation  des  projets,  l’évaluation  du  
risque  a  priori  de  l’investissement,  la  participation de business
angels ou fonds reconnus à des projets157,  le  taux  d’utilisation  
effective des fonds, etc. ;
-­‐ Revoir de manière régulière les règles de bonne conduite des
plateformes de crowdfunding et publier les remontées
d’expériences,  d’échecs,  de réussite, en concertation avec les
acteurs.
La  construction  d’un  cadre  réglementaire  au  niveau  européen  est  cruciale  pour  assurer  
l’internationalisation   des   acteurs   du   financement   participatif.   De   nombreux   défis  
juridiques sont à relever, par exemple en matière de régulation bancaire et financière,
d’application  du  droit  de  la  consommation  et  du  commerce  électronique,  de  droit  des  
sociétés et de fiscalité158.
Parmi les réflexions à engager159 :
156 S’inspirer  des  baromètres  annuels  réalisés  par  l’AFIC  :  http://www.afic.asso.fr/fr/les-
chiffres-cles-du-capital-investissement/les-etudes-cles-du-capital-investissement/les-
barometres-du-capital-investissement.html
157 La  mise  en  valeur  de  business  angels  constitue  un  élément  non  financier  permettant  d’évaluer  
le  risque  d’un  projet.  Une  meilleure  visibilité  des  investissements  réalisés  par  des  professionnels  
sur les plateformes de crowdfunding pourrait guider les choix des particuliers. Voir :
https://angel.co/ et https://fr.fundme.co/.
158 Les   avancées   européennes   pour   la   création   d’un   cadre   de   développement   du   financement  
participatif au sein du marché européen : dans sa communication du 27 mars 2014, la Commis-
sion  européenne  annonce  la  réalisation  d’études  évaluant  le  potentiel  du  financement  participa-
tif  (examen  des  projets  financés  via  ce  mécanisme,  potentiel  pour  la  recherche  et  l’innovation,
défis  en  matière  d’intégration  dans  le  marché  unique  et  l’écosystème  financier,  etc.),  appuyé  par  
la  mise  en  place  d’un  forum  européen  du  financement  participatif  (incluant  un  groupe  d’experts  
se réunissant régulièrement).
En savoir plus : http://ec.europa.eu/internal_market/finances/docs/crowdfunding/140327-
communication_fr.pdf & http://ec.europa.eu/finance/general-
policy/crowdfunding/index_fr.htm
159 Voir les réflexions du réseau Trans Europe Experts :
http://www.transeuropexperts.eu/index.php?part=4&sujet=263 et
http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/55/avis/1665
RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
230
-­‐ Comment  renforcer  l’information  destinée  aux  investisseurs  
apportant des fonds en contrepartie de titres financiers ?
-­‐ Faut-il créer un code de bonne conduite des plateformes et un
label  européen,  en  s’inspirant  des  avancées  françaises ?
-­‐ Comment  accompagner  la  création  d’un  marché  secondaire  (avec  
la possibilité de revendre  des  titres  achetés  en  “private  equity”  sur  
les plateformes de crowdfunding) et, à terme, la constitution
d’une  bourse  du  crowdfunding ?
Sur ces sujets, une concertation, pilotée par les réseaux européens du
crowdfunding, dont le European Crowdfunding Stakeholders Forum160 de
la Commission européenne et le European Crowdfunding Network161
pourrait être engagée.
41. Déployer un réseau européen des places de marché
des valeurs numériques et d’innovation
Le   développement   d’un   écosystème   de   l’innovation   au   niveau européen, offrant un
cadre favorable à la croissance des entreprises innovantes, est ralenti par plusieurs
facteurs :
-­‐ La diversité des règles (en matière de fiscalité, de droit des
contrats, de droit bancaire et financier) freine la continuité de la
chaîne de financement et alimente les asymétries entre les États-
Unis  et  l’Europe.  Les  fonds  présents  dans  la  Silicon  Valley  sont  en  
mesure de répondre aux besoins de financement des entreprises
matures si bien que les startups européennes se tournent
directement vers les États-Unis pour se financer en capital-
développement162.
-­‐ Les informations et documentations relatives au
financement bancaire et financier ne sont pas
suffisamment standardisées entre États-membres,
réduisant  l’accès  des  PME  et  startups  au  financement européen.
160
http://ec.europa.eu/finance/general-policy/crowdfunding/index_fr.htm
161 http://www.eurocrowd.org/
162 D’après  la  contribution  de  l’AFDEL  “les  entreprises  technologiques  de  la  Silicon  Valley  ont  
levé 22 milliards de dollars en 2014. En comparaison, les investissements dans les startups ont
représenté seulement 1,4 milliards de dollars à Londres et 1,1 milliards   de   dollars   à   Berlin”.  
Voir :
https://contribuez.cnnumerique.fr/sites/default/files/media/afdel_reponse_consultation_num
erique.pdf
RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
231
La  base  d’investisseurs  européens  et  étrangers  peut  difficilement  
s’élargir  et  développer  des  synergies.
-­‐ L’absence  d’indices  financiers  pour  les  valeurs  
d’innovation  et  de  numérique  sur  les  marchés  financiers  
européens réduit leur attractivité, et pousse les entreprises
innovantes à se tourner vers les bourses étrangères - notamment
le Nasdaq - pour réaliser leur sortie financière. La fragmentation
et  l’opacification  des  marchés  financiers  au  niveau  européen  ont  
diminué leur attractivité  auprès  d’investisseurs  étrangers.  Le  
faible  nombre  d’acquéreurs  industriels  réduit  les  chances  pour  
une  startup  européenne  de  se  faire  racheter  en  Europe  et  l’oriente  
de  fait  vers  des  investisseurs  et  des  places  de  marché  à  l’étranger.
-­‐ La crise du financement liée aux conséquences de la
crise économique et financière de 2008, a ralenti le
financement  de  long  terme  de  l’économie,  pourtant  facteur  
indispensable de compétitivité
QUELQUES CHIFFRES SUR LA SITUATION DU
FINANCEMENT DES ENTREPRISES EN EUROPE
Un sondage réalisé par la Commission européenne fait état des difficultés
suivantes pour le financement des PME : Détérioration du soutien financier
public (-13 %) ; détérioration de l’accès au crédit (-11 %) ; baisse des crédits
commerciaux (-4 %) ; baisse de la propension des investisseurs à prendre des
participations dans les entreprises (-1 %).
En savoir plus : http://ec.europa.eu/enterprise/policies/finance/files/2013-
safe-analytical-report_en.pdf
Pour y remédier, le Conseil national du numérique propose plusieurs
pistes pour redynamiser les échelons du financement et construire un
écosystème   d’innovation   européen   en   cohérence   avec   les   ambitions
industrielles   de   l’Union   Européenne. Les récents chantiers lancés par la
Commission européenne - Plan   Juncker,   Union   des   marchés   de   capitaux,   “Digital  
Single  Market”  - pourront être alimentés par ces propositions.
L’Europe   a   les   capacités   de   devenir une véritable place financière
mondiale  pour  les  valeurs  technologiques  et  l’innovation. L’environnement  
actuel est plutôt favorable, car, depuis la mise en valeur de succès comme Sigfox, de
plus  en  plus  d’investisseurs  étrangers  s’intéressent  à  des  startups européennes.
Des  propositions  pour  la  création  d’un  “Nasdaq européen”  ont  déjà  été  versées  dans  
le  débat  public.  Si  les  motivations  d’un  telle  mesure  sont  partagées  par  bon  nombre  
d’acteurs,   le   Conseil   national   du   numérique   en   propose   une   adaptation, qui
RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
232
correspond  davantage  à  l’état  des  marchés  financiers  et  l’environnement  concurrentiel  
des bourses en Europe.
Redynamiser le financement de long terme au niveau européen
Mobiliser  l’épargne  européenne  pour augmenter les ressources des fonds
de capital-risque européens et favoriser la constitution de fonds et de fonds de
fonds pan-européens.  Cela  pourrait  se  matérialiser  par  la  création  d’un  statut  
fiscal unique pour les fonds pan-européens ou a minima une harmonisation de
certaines  règles  autour  de  la  fiscalité  de  l’épargne.
Mobiliser   des   ressources   financières   de   l’Union   européenne   pour  
cibler et résoudre certains equity gaps et favoriser la constitution
de fonds bi/multinationaux.
LE PAYSAGE REGLEMENTAIRE EUROPEEN EN MATIERE DE
CAPITAL-RISQUE ET D’INVESTISSEMENT
European Investment Fund (EIF) - Fonds européen d’investissement (FEI) : créé
en 1994, ce fonds a pour vocation de soutenir le développement de PME au
niveau européen.
Actionnariat : Banque européenne d’investissement (63,7 %), Commission
européenne (24,3 %) et institutions financières publiques et privées (au
nombre de 26, 12 %)
Missions : investissement en capital-risque dans des PME, notamment des
jeunes sociétés et des entreprises technologiques, octroi de garanties aux
institutions financières pour couvrir leurs prêts aux PME
Activité : États-membres de l’UE, Turquie, Islande, Liechtenstein, Norvège
Quelques chiffres :
L’EIF investit 700 millions d’euros par an
Dans le portefeuille de l’EIF en 2013 : 17 exits pour des valorisations
dépassant 100 millions de dollars, générant 7,3 milliards de dollars
En savoir plus : http://www.eif.org/, Brochure annuelle de l'EIF - 2014 , L'EIF
en France
ELTIF - European Long Term Investment Funds : proposition de règlement de la
Commission européenne (encore en projet), créant un nouveau fonds
d’investissement. Il s’adresse aux investisseurs souhaitant placer leur argent
dans des projets de long terme. Les fonds européens d’investissements de long
terme (FEILT) sont de nature privée.
En savoir plus : http://eur-lex.europa.eu/legal-
content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52013PC0462&from=FR
ESFI/FEIS - Fonds européen pour les investissements stratégiques (proposition
législative de la Commission examinée en juin 2015 par le Parlement européen) :
véhicule du Plan d’investissement pour l’Europe annoncé par le Président
RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
233
Juncker, la création de ce fonds, en partenariat avec la Banque Européenne
d’Investissement (5 milliards d’euros), et les investisseurs publics et privés
volontaires, entend mobiliser 315 milliards d’euros d’investissement auprès PME
et ETI et des investissements de long terme et vise à dynamiser l’industrie du
capital risque en Europe.
Concrètement, le fonds sert de protection de crédit aux nouvelles activités de la
BEI et du FEI et s’adresse aux fonds privés (capital-risque, titrisation, etc.) pour
investir dans des projets de financement des PME :
L’effet multiplicateur permet qu’1 euro de contribution publique génère 3
euros de financement pour 15 euros d’investissement total (les 21
milliards d’euros généreraient donc 315 milliards d’euros).
Les États-membres s’engagent sur le co-financement national apporté (la
France, l’Allemagne, et l’Italie se sont engagées à participer à hauteur de 8
milliards d’euros) et soumettent des projets à la Commission européenne.
La France entend porter des projets communs avec plusieurs États-
membres, notamment l’Allemagne et l’Italie.
Le pilotage du financement des projets sera effectué via des guichets
nationaux (en France, la Caisse des dépôts semble être l’institution la plus
appropriée).
En savoir plus : http://ec.europa.eu/priorities/jobs-growth-
investment/plan/index_fr.htmhttp://eur-lex.europa.eu/legal-
content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52013PC0462&from=FR
Autre initiative : règlement (UE) n°345/2013 du Parlement européen et du
Conseil relatif aux fonds de capital-risque européens (17 mars 2013) : mise en
place d’un label “fonds européen de capital-risque” (EuVECA) permettant aux
gestionnaires de fonds de les commercialiser à travers l’Union européenne et
d’évoluer dans un ensemble de règles unique.
En savoir plus :
http://ec.europa.eu/finance/investment/venture_capital/index_fr.htm
Soutenir la création de places de marché des valeurs d’innovation
La  consolidation  boursière  au  niveau  européen  en  matière  d’innovation  pourrait  être  
réalisée   par   la   création   d’un   réseau   européen   des   places   de   marchés   des   valeurs  
d’innovation.  Dès lors, il est nécessaire de :
Définir des indices/comparables boursiers communs en concerta-
tion avec les analystes et opérateurs de marché.
Déployer plusieurs bourses spécialisées dans les valeurs
d’innovation,   implantées   dans   des   États-membres en fonction des
politiques industrielles européennes et de chaque État. Par exemple,
en  France,  la  constitution  d’une  bourse  spécialisée  dans  les  biotechnologies  a  
fonctionné  car  l’État  a  construit  une  politique  de  soutien  constante  envers  le  
RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique
234
secteur  depuis  plusieurs  dizaines  d’années163. On pourrait ainsi imaginer que
des bourses sectorielles se développent dans chaque État-membre en fonction
de leur spécialisation (objets connectés, données, infrastructures, etc.).
Cette configuration a plusieurs intérêts :
-­‐ elle  permet  d’identifier,  au  niveau  international,  des  places  de  
marchés de référence et d’attirer ainsi des entreprises mondiales ;
-­‐ elle  évite  de  concentrer  la  présence  d’une  bourse  unique  dans  un  
État choisi, introduisant un avantage certain en matière
d’attractivité ;
-­‐ elle permet aux opérateurs financiers (bourses, places de marché)
de définir leur implantation et leur stratégie sectorielle de
manière indépendante.
163 Capital,  “Panorama  des  biotechs,  les  nouvelles  stars  de  la  Bourse  de  Paris”,  13  janvier  2015
http://www.capital.fr/bourse/actualites/panorama-des-biotechs-les-nouvelles-stars-de-la-
bourse-de-paris-912017
L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 235
L’urgence
de la compétitivité
internationale
42. Renforcer territorialement et sectoriellement
les écosystèmes numériques
Les filières numériques trouvent leur force dans leur intégration à un écosystème ou
cluster164. Les politiques publiques engagées par la France en ce sens (mise en place de
pôles   de   compétitivité,   label   French   Tech)   démontrent   à   quel   point   l’animation,  
l’ouverture  et  le  rayonnement  de  ces  écosystèmes  sont  un  atout  industriel,  renforçant  
l’attractivité   et   la   compétitivité   des   territoires   et   des   métropoles. Il convient de
renforcer cette politique en encouragent les territoires à attirer toujours plus
d’entrepreneurs,  de  chercheurs  et  d'experts  sur  des  problématiques  de  développement  
d'entreprises innovantes (marketing stratégique, développement international,
expertises  technologiques)  dans  ces  espaces  innovants.  Il  est  indispensable  d’associer  
tous les territoires à ces initiatives, afin de stimuler la transformation numérique de
secteurs  traditionnels  comme  l’agriculture,  le  tourisme,  ou  l’artisanat, qui se trouvent,
eux aussi, confrontés à une concurrence globale, dans laquelle la bonne maîtrise des
outils et des enjeux numériques fait une différence considérable.
Approfondir la politique d’aménagement numérique des territoires
Les territoires sont des acteurs essentiels de la transformation numérique
de   l’économie.   En   constituant   des   écosystèmes   vertueux,   créateurs   de  
valeur  et  d’emplois,  ils  pourront  s’affirmer  sur  la  scène  internationale  et  
renforcer la compétitivité des entreprises françaises.
164 Regroupement, sur un même territoire, d’entreprises,  d’établissements  d’enseignement  supé-
rieurs,   d’organismes   de   recherche   publics   ou   privés,   qui   ont   vocation   à   travailler   en   synergie  
pour  mettre  en  oeuvre  des  projets  de  développement  économiques  pour  l’innovation
L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique236
Le CNNum recommande de :
Créer une plateforme nationale de mise en relation entre les star-
tups et les collectivités (en métropole et en outre-mer) qui souhaite-
raient accueillir des entreprises innovantes sur leur territoire :
-­‐ Cette plateforme permettrait aux collectivités de faire des appels à
manifestation  d’intérêt  avec  une  véritable  visibilité  des  offres  
d’accueil  (une  mise  à  disposition  de  bureaux  à  des  coûts  
inférieurs, proches des réseaux de transports et des quartiers
d’affaires,  la  fourniture  d’équipements  en  infrastructure  et  
connectivité, un accompagnement commercial, médiation en
matière de procédures administratives, etc.).
-­‐ La plateforme offrirait la possibilité pour les acteurs privés
implantés de participer au projet en y apportant une contribution
financière  pour  accompagner  l’installation  de  l’entreprise  (en  
s’inspirant  du  dispositif  “Réinventer Paris”,  cf. encadré).
-­‐ Le  pilotage  de  cette  politique  d’appel  à  projets  pourrait  être  confié  
à  l’Agence  du  Numérique  (cf. encadré), qui participe à
l’aménagement  numérique  des  territoires.
Promouvoir la création de lieux dits "tiers" pour l'animation des fi-
lières et des communautés du numérique, assurer leur proximité
avec le réseau à venir de la "grande école du numérique165".
Développer des appels à projets unifiés combinant équipement en
réseaux, développement de services et diffusion des usages pour des
territoires géographiquement isolés :
-­‐ Unifier  ces  dimensions  dans  un  volet  “services et stratégies de
développement économique”  dans  les  appels à projet
d’équipement  en  réseau  des  collectivités  territoriales.  L’objectif  
est de conforter la stimulation économique et la formation aux
usages (en ayant notamment recours aux médiateurs numériques)
sur  le  long  terme,  en  sus  de  l’équipement  réseau.
-­‐ L’Agence  du  Numérique  pourrait  piloter  ces  appels  à  projets  dans  
la mesure où elle a vocation à connecter les usages, les
équipements et les services, conformément à ses missions
d’intégration  et  de  diffusion  du  numérique  dans  les  territoires.
165 Lettre de mission : http://www.youscribe.com/catalogue/tous/grande-ecole-du-numerique-
la-lettre-de-mission-du-premier-ministre-2562235
L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 237
“REINVENTER PARIS” : APPEL A PROJETS
URBAINS INNOVANTS
En novembre 2014, la Ville de Paris a lancé un concours mondial de créations
urbaines innovantes sur 23 sites immobiliers lui appartenant. Ces projets
urbains innovants permettront de "réinventer Paris” et d’imaginer la
construction du Paris de demain en innovant.
D’après son règlement, les critères de sélection des projets sont tournés vers
l’innovation et la collaboration entre organisations. L’appel à projet insiste en
effet sur le caractère multidimensionnel de l’innovation (innovation sociale,
innovation d’usages, etc.). Les candidatures doivent se faire par groupement et
assortir le projet innovant d’une offre d’acquisition du site, incitant des grandes
entreprises à s’associer avec des plus petites organisations pour qu’elles
puissent développer leurs projets.
“L’objectif de l’Appel à Projets Urbains Innovants est, en outre, de susciter
l’émergence de partenariats nouveaux à travers l’association d’acteurs peu ou
rarement associés à l’ensemble d’un projet urbain comme des chercheurs,
scientifiques, designers, artistes, ainsi que des représentants de la société civile,
utilisateurs, associations etc.”
En savoir plus : http://www.paris.fr/accueil/urbanisme/grand-concours-de-
projets-urbains-pour-reinventer-paris/rub_9650_actu_150211_port_23751
L’AGENCE
DU NUMERIQUE
L’Agence du Numérique est un service à compétence nationale créé au sein du
ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique. Elle est directement
rattachée au directeur général des entreprises. Cette agence est chargée de
l'impulsion, de l'animation et de l'accompagnement des projets et des initiatives
numériques développés dans les territoires par les collectivités publiques, les
réseaux d'entreprises, les associations et les particuliers.
À cet égard, l’Agence du Numérique se charge de la mise en œuvre du
déploiement du plan France très haut débit (mission THD), des actions du
programme French Tech et de l'accompagnement des initiatives candidates à
l'octroi du label. Enfin, elle favorise la diffusion des outils numériques et le
développement de leur usage auprès de la population par l’action de la Délégation
aux Usages de l’Internet (DUI).
La création de l’agence traduit la nécessité d'une approche globale du numérique
dans les territoires, qui conviendrait d’être déclinée dans la logique d’appels à
projets unifiés.
En savoir plus : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=
JORFTEXT000030189016
L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique238
S’appuyer sur les Pôles de compétitivité et sur la French Tech
Les atouts des pôles de compétitivité et des métropoles French Tech
doivent être pleinement utilisés, en particulier en matière de formation et de
promotion  de  l’innovation :
Renforcer les missions des Pôles de compétitivité et de la French
Tech autour du développement  et  de  l’accompagnement  des  écosys-
tèmes  d’innovation :
-­‐ Engager la valorisation, la mise en réseau et le rapprochement des
meilleurs pôles de compétitivité clusters et organisations de
soutien à l'innovation pour gagner en visibilité, en efficacité et
éviter au maximum la démultiplication et la concurrence inutile
entre structures de développements économiques et/ou de
valorisation de la recherche, aux niveaux local et national ;
-­‐ Investir  dans  la  relation  entre  le  monde  de  l’enseignement  
supérieur et de la recherche et le monde de l'entreprise, pour en
faire un levier du développement des écosystèmes numériques,
par le maintien des appels à projets FUI166 et des concours type
Concours  Mondial  d’Innovation167. S'appuyer sur l'ingénierie des
pôles de compétitivité et leurs capacités de labellisation dans la
définition et l'obtention de nouveaux dispositifs de soutien (par
exemple le Pass French Tech)
-­‐ Renforcer les volets formation et emploi dans les missions des
pôles de compétitivité. Ce volet vise tant la formation opérante
des TPE et des PME au numérique, que le mentorat auprès de
startups et le renforcement des liens avec les agences de Pôle
emploi,  les  chambres  de  commerce,  les  écoles  d’ingénieurs  et  les  
universités.
-­‐ Assurer  un  volet  “accompagnement  et  échanges  d’informations”  
entre écosystèmes : démarches administratives (fiscalité,
subventions, internationalisation), de prospection client,
d’événementiel,  etc.  Le  partage  d’expériences,  de  bonnes  
pratiques  et  d’informations,  réalisé  de  manière  “bottom  up”,  est  
une ressource utile au développement de jeunes pousses.
Encourager les formats de coopérations entre PME et startups
pour  accompagner  l’essor  d’écosystèmes  locaux.
-­‐ Améliorer la gouvernance des organismes du
développement économique des territoires : les agences
166 Fonds unique interministériel finançant les projets des pôles
167 http://www.entreprises.gouv.fr/innovation-2030/accueil-innovation-2030
L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 239
qui se consacrent à cet objectif sont déjà nombreuses, et ont
tendance  à  se  superposer.  Afin  d’assurer  l’efficacité  de  leurs  
missions, les efforts doivent donc se concentrer en priorité sur
leur pilotage et leur lien avec les services  déconcentrés  de  l’État  
(notamment les DIRECCTE).
LA TASK FORCE EUROPE EMC2 -
PAYS DE LA LOIRE
La Task Force se veut une communauté ouverte à tous ceux qui souhaitent
s’informer et s’impliquer dans des projets européens de recherche et
développement. La Task Force Europe est animée par le pôle de compétitivité
EMC2, en collaboration avec l’Institut de Recherche Technologique Jules Verne
et le service Europe de l’UNAM (Université de Nantes, Angers et Le Mans). La
Task Force met en place des actions spécifiques pour l’émergence de projets
dans le domaine de l’Advanced Manufacturing en région Pays de la Loire.
Ce réseau est un support pour :
Partager des informations et retours d’expérience sur les programmes
européens
Diffuser les bonnes pratiques de chacun en vue d’agir collectivement sur
la scène européenne
Rassembler les efforts de R&D en région dans la perspective de faire
émerger des projets d’envergure associant des partenaires industriels et
académiques.
Aujourd’hui, 56 personnes participent à cette Task Force et représentent à la
fois des grands groupes, des PME ou ETI et des universités et centres de
recherche.
http://www.pole-emc2.fr/rejoignez-la-task-force-europe-emc2.html
En savoir plus : http://www.pole-emc2.fr/rejoignez-la-task-force-europe-
emc2.html
L’AGENCE NATIONALE POUR LE DEVELOPPEMENT
ECONOMIQUE SUR LES TERRITOIRES
Lors d’une conférence de presse le jeudi 5 février 2015, le Président de la
République a annoncé la création d'une « Agence nationale pour le
développement économique sur les territoires ». Cette nouvelle organisation
aurait pour but de « susciter la création d'entreprises ».
En tout état de cause, la création de cette agence doit être guidée par la
nécessité d’organiser la gouvernance des dispositifs existants afin de répondre
aux exigences de cohérence et d’efficacité.
En savoir plus : http://www.elysee.fr/conferences-de-presse/article/5e-
conference-de-presse-du-president-francois-hollande-2/
L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique240
Soutenir la transformation numérique de secteurs clefs pour le
développement économique des territoires (agriculture, tourisme,
artisanat, etc.)
La French Tech peut jouer un rôle déterminant dans le soutien à la transformation
numérique de secteurs traditionnels, qui sont essentiellement présents dans des zones
plus rurales.
Pour ce faire, le CNNum recommande de :
Intégrer à la stratégie de la French Tech, la mutation numérique de
nouvelles filières : développer une plateforme assurant la promotion d'ini-
tiatives locales et la mise en réseau d’acteurs  innovants  (associations,  entrepre-
neurs, universités, etc.) :
-­‐ Mobiliser les ministères concernés par la transformation
numérique  dans  les  secteurs  de  l’agriculture,  du  tourisme,  de  
l’artisanat,  pour  soutenir  ces  initiatives  et  les  intégrer  à  leurs  
politiques publiques :
-­‐ Renforcer les interactions entre ces ministères et la
French Tech.
-­‐ Soutenir les événements ouverts avec les universités, des
entrepreneurs et des professionnels de secteurs
traditionnels (cf. encadré  “Agri  French  Tech”).
-­‐ S'inspirer de ce qui aura le mieux fonctionné dans le cadre des 34
plans industriels et du Concours Mondial d'Innovation pour
l'adapter au sujet de la transformation numérique de ces secteurs
clés.
AGRI FRENCH TECH
La chambre d’agriculture de la Vendée et son salon Techélevage ont voulu
regrouper sous un même concept “Agri FrenchTech” des initiatives en faveur de
l’innovation dans le domaine de l’agriculture et de l’élevage (Agreenstartip et
Agreenproto).
L’objectif est ainsi de prendre en compte le secteur agricole innovant pour
favoriser l’émergence de startups accompagnant les agriculteurs dans leurs
besoins autour d’une plateforme agro-numérique qui reste à créer.
En savoir plus : http://www.techelevage.fr/agreen-startup-sia-paris/
L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 241
43. Structurer un réseau des écosystèmes numériques européens
La   construction   d’un   marché   unique   numérique   européen   compétitif   au   niveau  
mondial nécessite de faire émerger des écosystèmes numériques paneuropéens.
Aujourd’hui,  les  écosystèmes  nationaux  ne  sont  pas  toujours  en  capacité  de  passer  à  
l’échelle   et   conquérir   les   marchés   en   tant   “qu’acteurs   européens”,   et   se   retrouvent  
parfois en concurrence les uns avec les autres. La forte spécialisation de certains
écosystèmes dans les grandes villes européennes ne doit pas conduire à une
fragmentation du marché. Elle peut au contraire faciliter la coopération et les
synergies entre écosystèmes, à condition de les fédérer autour de projets
paneuropéens et de favoriser la mobilité des entreprises, des chercheurs, des
innovateurs et des investisseurs.
Le CNNum recommande à ce titre de :
Créer une plateforme européenne de l’innovation
Ouvrir la plateforme Startup Europe Partnership aux réseaux na-
tionaux (type Tech City, FrenchTech), universités, incubateurs, ac-
célérateurs, VCs européens, etc. Cette plateforme pourrait constituer un
lieu  d’échanges  entre  acteurs  de  l’innovation  européens,  et  permettrait  de  créer  
davantage de projets transnationaux.
Augmenter les appels à projets paneuropéens, notamment dans le
cadre du Plan Horizon 2020. Soutenir des initiatives fédératrices au ni-
veau européen168.
STARTUP EUROPE
PARTNERSHIP (SEP)
Initiative qui est née de startups qui ont ressenti le besoin de se regrouper, le
SEP a pour objectif est de construire des passerelles entre les startups
européennes, les entreprises, les institutions chargées de l’éducation et les
communautés d’investissement. Les startups européennes peuvent ainsi lever
des fonds et dépasser la barrière de la langue pour atteindre une dimension
économique globale.
SEP vise à offrir la première plateforme pan-européenne ouverte aux startups
européennes. Ce support leur permet de rencontrer et de nouer des relations
d’affaires avec les meilleures entreprises et grands groupes, que ce soit pour
des logiques : d’approvisionnements, d’investissements stratégiques ou encore
d’acquisition de société.
La Commission européenne a homologué en janvier 2014 le Startup Europe
Partnership (SEP).
En savoir plus : http://startupeuropepartnership.eu/about-sep/
168 ex : Open Data Incubator soutenu par le fonds Horizon 2020 : http://opendataincubator.eu
L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique242
Renforcer les liens entre écosystèmes
Favoriser les échanges et les coopérations entre écosystèmes :
-­‐ Créer un  Erasmus  de  l’entrepreneuriat, pour faciliter la
possibilité de réaliser un stage (stage simple ou apprentissage)
dans une startup européenne ;
-­‐ Mettre  en  place  des  “jumelages  numériques” entre villes
européennes pour établir des relations et créer des coopérations
numériques  (échanger  de  connaissances,  d’expériences,  de  savoir-
faire, accompagnement dans les procédures administratives, etc.)
-­‐ Créer  une  plateforme  “European  innovation”  référençant
les initiatives et bonnes pratiques entre les réseaux de startups,
les pôles de compétitivités, les clusters, les universités, etc. de
pays différents.
Mettre  en  place  des  référents  “startup”  européens  dans  les  métro-
poles en lien avec la Commission européenne afin de faciliter le partage de
bonnes pratiques entre pays (droit des contrats, droit fiscal, etc.) :
-­‐ Par département/région pour pouvoir échanger avec un acteur
numérique  d’un  État  membre  qui  cherche  à  avoir  des  
informations sur le territoire ;
-­‐ Entre  les  “capitales  numériques  européennes”,  mobiliser  la  
French Tech : mise en place de réunions mensuelles pour créer les
partenariats.
L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 243
44. Intensifier la stratégie d’attractivité numérique française
auprès d’acteurs internationaux
L’ATTRACTIVITE DE LA FRANCE AUPRES D’ENTREPRISES
ET D’INVESTISSEMENTS ETRANGERS
Près de 20 000 entreprises étrangères ont choisi de s’installer et de se
développer en France. Par leur présence, elles contribuent directement à la
vitalité de l’économie française et emploient 2 millions de personnes. Elles
représentent un tiers des exportations et près de 30 % de la R&D nationale. La
France est au quatrième rang mondial du stock des investissements directs
étrangers, deuxième en Europe après le Royaume Uni et première en Europe pour
les investissements créateurs d’emplois industriels.
Source : http://www.gouvernement.fr/conseil-des-ministres/2014-10-22
Le dynamisme numérique de la France peut être davantage promu et reconnu auprès
d’acteurs  internationaux.  Il  s’agit  de  démontrer  les  atouts  de  la  France  en  matière  de  
numérique - ingénieurs très bien formés, entreprises prometteuses tant dans les
briques  logicielles  que  dans  les  modèles  disruptifs,  culture  de  l’entrepreneuriat,  etc.169
- afin  d’attirer des talents, des investisseurs, et des entreprises.
À ce titre le CNNum recommande de :
Favoriser  l’accueil  des  innovateurs
Adapter  la  politique  d’immigration :
-­‐ Mettre  en  œuvre  les  “passeports  jeunes  talents” pour
attirer les jeunes talents internationaux souhaitant travailler en
France ;
-­‐ Développer le visa développeurs pour répondre aux besoins
du secteur (ingénieurs, programmeurs, développeurs, designers) ;
-­‐ Réformer, a minima,  l’obtention  de  titres  de  séjour pour
des chercheurs, étudiants, développeurs, entrepreneurs cherchant
à créer ou à rejoindre une startup en France. Inclure dans les
conditions  d’accès  au  titre  de  séjour  un  volet  spécifique  pour  les  
travailleurs du numérique ;
-­‐ Étendre les bourses CIFRE aux doctorants étrangers.
Favoriser   le   retour   des   talents   français   rentrant   d’expatriation   à  
l’étranger : lancer des campagnes de communication sur les dispositifs appli-
169 Voir le rapport de Tariq Krim, Les développeurs, un atout pour la France, mars 2014 :
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/144000190/
L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique244
cables au retour des expatriés170 afin  d’attirer  des  talents  et  cadres  de  haut  ni-
veau en France ;
Créer une e-citoyenneté : s’inspirer  des  initiatives  du  gouvernement  esto-
nien (cf. encadré)  en  ouvrant  l’attribution  de  certaines  aides  et  statuts  au  béné-
fice  d’investisseurs  et  développeurs  étrangers  (aide  à  la  création  d’entreprises,  
accès aux dispositifs   de   soutien   à   l’innovation,   accompagnement   juridique,  
mise à disposition de bureaux, etc.)
L’E-CITOYENNETE DU GOUVERNEMENT ESTONIEN
L’Estonie est le premier État dans le monde à avoir accordé une e-
citoyenneté, soit une identité numérique permettant à distance de réaliser de
nombreuses démarches en ligne et de bénéficier de certains avantages. Elle
offre, entre autres, la possibilité de créer une entreprise, d’obtenir un compte
en banque, et d’être pleinement intégré au monde économique estonien. Elle
simplifie en outre les démarches administratives. L’acquisition de l’e-
citoyenneté s’effectue par une simple pré-inscription sur le site et un
enregistrement à l’ambassade du pays concerné. Le gouvernement se charge
ensuite de transmettre une carte d’e-citoyenneté à puce, afin de certifier les
futures identifications et signatures.
Bilan : le premier jour de la période de pré-enregistrement, 5600 personnes se
sont inscrites à l’e-citoyenneté estonienne dont un tiers d’américains. Cette
politique pourrait étendre le nombre d’e-citoyens jusqu’à 10 millions, ce qui
pose de nombreux défis en termes d’équipements et d’infrastructures.
Source : http://www.renaissancenumerique.org/publications/rn/722-2015-
02-03-14-47-21
Attirer les investissements internationaux
Attirer les fonds internationaux :
-­‐ Affirmer  une  politique  d’attractivité  envers  les  business  
angels et les capital-risqueurs internationaux :
-­‐ Favoriser  la  création  d’espaces  de  rencontre  entre  
investisseurs français et étrangers pour créer un climat
de confiance ;
-­‐ Inciter les investisseurs institutionnels à investir dans
des  fonds  étrangers  à  condition  qu’ils  investissent  dans  
des entreprises en France ;
170 voir :
http://www.impots.gouv.fr/portal/dgi/public/popup;jsessionid=3ADPVOFV1BSJLQFIEIQCFE
Y?espId=1&typePage=cpr02&docOid=documentstandard_5829
L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 245
-­‐ Cibler les business angels reconnus  à  l’international  et  
les inviter à promouvoir les co-investissements entre
acteurs français et internationaux.
-­‐ Attirer les fonds souverains vers le financement de
l’innovation  et faire de Paris une place financière internationale.
L’implantation  à  Paris  de  l’Institutional  Investors  Roundtable171
pourrait faire levier sur les initiatives existantes.
Renforcer la stratégie de communication :
-­‐ Organiser une exposition universelle annuelle sur le
numérique faisant converger les initiatives bénéficiant déjà
d’une  forte  notoriété,  telles  que  Futur  en  Seine,  Tech  Days,  Osons  
la France, etc.172) et y inviter des investisseurs étrangers ;
-­‐ Créer une plateforme ouverte de promotion des
innovations françaises mettant en avant les histoires
entrepreneuriales françaises. Se  baser  sur  les  “pépites”  
françaises telles que Sigfox, BlablaCar, etc. et promouvoir celles
émergentes ;
-­‐ Encourager les agences de communication à créer des
partenariats avec la French Tech pour donner de la
visibilité  aux  startups  à  l’échelle  internationale.
AACC CAP DIGITAL
STARTUP PROJECT
L’AACC Cap Digital Startup Project est un programme de promotion des
startups. Porté par des agences membres de l’AACC (Association des Agences-
Conseils en Communication), de l'UDECAM (Union des Entreprises de Conseil et
Achat Media) et par Cap Digital, il conjugue le mentorat par des professionnels
de la communication, l’hébergement d’équipes et le développement de cursus
de formation.
Une startup conclut un contrat de partenariat de 9 mois (non financier) avec
une agence. Ce modèle collaboratif permet à une startup d’être accompagnée
dans la formalisation de son offre et d’acquérir une culture marketing. Les
agences valorisent leur rapprochement avec des startups dans leurs
propositions commerciales, en y intégrant des offres de services et/ou de
technologies émanant des startups partenaires.
En savoir plus sur : http://startupproject.aacc.fr
171 IIR – une   plateforme   et   communauté   internationale   d’investisseurs   de   long-terme. Voir :
http://iiroundtable.com/about.php
172 voir http://www.futur-en-seine.paris/ - https://techdays.microsoft.fr -
http://osonslafrance.com
L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE
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VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique246
LA CAISSE DES DEPOTS, INTERLOCUTEUR ET
PARTENAIRE DE REFERENCE DES INVESTISSEURS
INTERNATIONAUX DE LONG TERME ET DES FONDS
SOUVERAINS
La Caisse des Dépôts est un acteur essentiel dans la construction de réseaux
internationaux d’investisseurs de long terme. Depuis 2007, sa filiale CDC
International (détenue à 100 % par la Caisse des Dépôts), engage de nombreuses
actions en ce sens.
Parmi elles :
Le Club des investisseurs de long terme (CILT) : créé en 2009 par la Caisse
des Dépôts, la Cassa Depositi e Prestiti (Italie), la Banque européenne
d’investissement, la kfW (banque publique et de développement
allemande), il rassemble des institutions financières et investisseurs
institutionnels au niveau mondial. L’objectif est de définir des solutions
alternatives au financement des projets de grande ampleur au sein des
États. Il représente un bilan combiné de 5,4 milliard de dollars.
L’Institutional Investors Roundtable (IIR) : structure réunissant des fonds
souverains et fonds de pension. L’objectif est de créer des coopérations
entre fonds pour identifier des opportunités d’investissements.
En savoir plus : http://www.caissedesdepots.fr/activite/terrains-
daction/international/un-groupe-international.html
45. Faciliter le développement à l’international des entreprises innovantes
L’internationalisation  est  devenue  un  facteur  déterminant  de  croissance  et  de  réussite  
des  entreprises  numériques.  Dès  leur  création,  les  entreprises  se  retrouvent  d’emblée  
dans une concurrence internationale, les obligeant à avoir une proposition de valeur
compétitive afin de commercialiser leur produit ou service partout dans le monde. Les
startups créées en Israël illustrent parfaitement cette tendance.
Pour intensifier le développement international des entreprises, le
CNNum recommande de :
Simplifier les aides à l’internationalisation et mieux accompagner les
entreprises souhaitant s’implanter à l’étranger
Simplifier  l’accès  aux  volontariats internationaux en entreprises (VIE) pour les
startups  (durée  d’existence  de l’entreprise,  obligations  comptables,  etc.).  Dans  
certains pays, les conditions requises pour la délivrance des visas (bureau sur
place de l'entreprise ayant recours au VIE, nombre de salariés de l'entreprise
déjà sur place etc.) limitent fortement l'accès au programme (par exemple aux
États-Unis).
Renforcer l’accompagnement   des   entreprises   dans   leur   stratégie  
d’internationalisation :
L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 247
-­‐ Mettre à disposition en open data une partie des
informations  d’aides  à  l’internationalisation  des  réseaux  
diplomatiques français, de la French Tech et
d’UbiFrance. Ouvrir les informations du Pass French Tech (cf.
encadré).
-­‐ Créer un lien dynamique entre écosystèmes locaux et
internationaux, en mettant en relation directe les
French Tech Hubs173 avec les clusters territoriaux pour
faire venir des talents, solliciter des travaux de recherche. Établir
des entretiens à échéance régulière (conseils, formation,
résolutions de problèmes).
LE PASS
FRENCH TECH
Le Pass French Tech est un programme d’accompagnement des entreprises
en hypercroissance, déployé depuis 2014 sur le territoire avec les métropoles
labellisées French Tech.
L’objectif est d’offrir à des entreprises (entre 100 et 300) une offre de services
sur-mesure comprenant :
une offre premium et coordonnée : disposition d’un interlocuteur dédié
auprès de chaque partenaire du programme (Bpifrance, UbiFrance,
Coface, INPI et AFIC)
un accompagnement dans la mise en relation avec des investisseurs et
des opérations de levées de fonds
une mise en avant via des relais de communication
Pour en être bénéficiaire, les entreprises doivent candidater via les opérateurs
régionaux de la French Tech. Aujourd’hui, près de 30 startups ont reçu ce Pass.
Le fléchage des entreprises selon des secteurs identifiés (biotech, medtech,
clean tech, industrie) permet également d’articuler des priorités industrielles
avec des politiques d’accompagnement.
En savoir plus : http://www.lafrenchtech.com/attractivite-internationale
Renforcer la coopération entre entreprises à l’étranger
Créer un organisme de semi-portage entrepreneurial permettant
aux   grands   groupes   d’accompagner   les   startups   qui   veulent  
s’internationaliser  sur  des  marchés sur  lesquels  ils  n’ont  pas  ni  la  capaci-
té ni  les  compétences.  La  mise  en  relation  pourrait  s’opérer  par  une  plateforme  
relayée   par   l’État,   les   syndicats   des   entreprises,   les   fédérations   profession-
nelles, les pôles de compétitivité, etc.
173 équivalents  des  métropoles  French  Tech  à  l’étranger.  Voir  :  
http://www.lafrenchtech.com/content/internationalisation-de-la-french-tech
L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique248
Flécher des partenariats avec des entreprises et investisseurs inter-
nationaux ou français implantées localement pour ouvrir des mar-
chés aux startups et les y accompagner,  dans  une  logique  de  “filiale”.
Tisser des partenariats avec les marchés émergents (Asie, Afrique)
en multipliant les événements de rencontres entre startups fran-
çaises et investisseurs étrangers (cf. encadré). Systématiser la participa-
tion de startups françaises dans les délégations lors de déplacements ministé-
riels.
FORUM DIGITAL
ET CREATION FRANCE-CHINE 50
Premier événement organisé en Chine par la France sur le numérique, le forum
franco-chinois Digital et Création a promu les entreprises françaises du secteur
numérique auprès de leurs homologues chinoises. Le forum s’est déroulé à
Pékin les 22 et 23 janvier 2015. Après sélection, les PME et startups françaises
des secteurs de la culture, de l’éducation et du tourisme, inconnues en Chine,
ont été accompagnées par de grands groupes français.
Le succès d’un tel événement s’explique par plusieurs facteurs :
Du côté français d’une part : une sélection stricte des entreprises par un
comité professionnel du secteur, une souplesse dans l’appel à
candidature, un appui sur les investisseurs privés, un mix entre
technologie et services dans les offres des entreprises, une préparation
travaillée en amont de l'événement, un accompagnement des
entreprises par des interprètes, la mise en place de mécénats de
communication pour couvrir l'événement.
Du côté chinois d’autre part : financement par sponsoring chinois,
préparation individualisée des pitchs et présence d’investisseurs
chinois, nombreuses rencontres avec les professionnels chinois, appui
politique sur place
En savoir plus : http://forumparispekin.com/
LE DYNAMISME DES ECOSYSTEMES
NUMERIQUES EN AFRIQUE
D’ici 2050, plus de 700 000 personnes parleront français, dont 85% en Afrique.
Ce continent émergent représente une opportunité pour le développement
d’écosystèmes numériques, en témoignent les communautés tech africaines,
dont la structure et le dynamisme sont très prometteurs et attirent de
nombreux investisseurs, en premier lieu les Etats-Unis. La Chine, la Russie, le
Brésil et l’Inde mènent également une politique offensive.
De nombreux secteurs sont présentés comme des filières d’avenir - objets
connectés, mobilité, e-santé, paiements, etc. - et de nombreux incubateurs et
espaces de production voient le jour sur ce continent. A titre d’exemple : la
startup Obami dans le secteur de l’éducation, la startup Cardiopad dans le
secteur de la santé, ou encore la startup M-louma dans le secteur de
l’agriculture, etc. Des incubateurs et fablabs comme le m:lab à Nairobi, le
L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 249
WoeLab au Togo ou encore le FabLab Majiwa au Kenya sont désormais des
références internationales et symbolisent le dynamisme des écosystèmes
d’innovations en Afrique.
La France, par l’intermédiaire d’instances internationales de coopération et de
financement (Organisation internationale de la francophonie, Banque Mondiale,
etc.) pourrait être davantage actrice dans le soutien au développement du
numérique en Afrique. Deux axes d’action sont souvent cités par de nombreux
acteurs :
Un meilleur accompagnement de la transition numérique : via des programmes
de formation à distance, de mentorat, des voyages d’études et des échanges.
Cela permettrait d’accélérer l’appui technique et le transfert de technologies ;
Un appui financier approfondi : via la création de fonds gouvernementaux, de
fonds d’investissement dédiés au financement de projets numériques, et de
réseaux d’investisseurs, qui suivraient les mêmes orientations que des
initiatives comme le fonds Lions@frica (http://www.africa.co) ou le Global
Innovation Network (http://www.global-innovation-network.org).
46. Incarner une diplomatie numérique française
La France dispose du deuxième réseau diplomatique au monde. Ses représentations
implantées  à  l’étranger  sont  des   relais précieux pour les entreprises numériques qui
souhaitent   s’exporter.   Il   est   essentiel   que   la   France   s’appuie   sur   ce   réseau   pour  
renforcer   l’accompagnement   des   entreprises   et   renouveler   ses   partenariats  
économiques dans des régions stratégiques, et notamment les pays émergents et en
développement.   La   francophonie   doit   être   l’une   des   valeurs   guidant   la   diplomatie  
numérique française tant les opportunités de croissance et de partenariats sont
nombreuses au sein des pays francophones.
L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique250
À ce titre, le CNNum recommande de :
Organiser la présence numérique française à l’international
Multiplier les French Tech Hubs (cf. encadré) en les faisant reposer sur
des interactions plus fortes avec les écosystèmes territoriaux (soutien au recru-
tement au   niveau   local,   accompagnement   auprès   d’investisseurs,   aide   à  
l’obtention  de  marchés  publics  et  privés).
Renforcer   les   missions   de   Business   France   (fusion   d’UbiFrance   et  
de  l’AFII,  cf.  encadré)  en  faveur  de  l’accompagnement  des  startups  à  
l’étranger : support juridique ciblé, accompagnement commercial, soutien
auprès des investisseurs, mentorat de startups, services de traduction, etc.
Coordonner   et   améliorer   l’expertise   numérique   des   services   éco-
nomiques et scientifiques des ambassades : veille technologique, forma-
tion  des  conseillers,  recrutement  de  talents.  Systématiser  la  présence  d’un  atta-
ché numérique au sein des ambassades.
LES FRENCH TECH
HUBS
Le programme des French Tech Hubs fait partie de l’Initiative French Tech,
pilotée par la Mission French Tech au sein du ministère de l’Économie, de
l’Industrie et du Numérique. Ce programme s’inscrit pleinement dans la stratégie
de soutien au commerce extérieur et aux exportations des entreprises françaises.
L’objectif est de développer des écosystèmes entrepreneuriaux au sein de
grandes métropoles internationales, offrant une opportunité de développement
aux startups françaises. Les French Tech Hub seront labellisés par l’État (projet
et cahier des charges). Le premier French Tech Hub a été inauguré en janvier
2014 à San Francisco.
En savoir plus : http://www.lafrenchtech.com/content/internationalisation-de-la-
french-tech & http://www.frenchtechhub.com/
L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 251
BUSINESS
FRANCE
Business France est la fusion de l'Agence française pour les investissements
internationaux (Afii) et de l'Agence française pour le développement international
des entreprises (UbiFrance), constituant un réseau de 1500 personnes, en France
et dans 70 pays. Elle vise à favoriser le développement international des
entreprises implantées en France, promouvoir les exportations françaises et de
développer l’attractivité du territoire national.
Dans le cadre de l’Initiative French Tech, Business France a été chargé de
développer une plateforme d’attractivité de la French Tech comprenant plusieurs
modules à disposition des entrepreneurs (communication, relations presse
internationale, coordination, opération de découverte, réseau international). Une
première version sera présentée en juin 2015.
En savoir plus : http://www.businessfrance.fr/
& http://sayouitofrance-innovation.com/wp-content/uploads/2015/02/
FrenchTechAttractivite2PlateformeBusinessFrance.pdf
Développer la francophonie numérique
Axe stratégique pour le rayonnement culturel et diplomatique de la France, la
francophonie constitue également un vecteur de développement économique
réciproque pour la France et les pays francophones. La construction de partenariats
économiques numériques entre pays francophones apparaît en ce sens plus que jamais
déterminante,   tant   en   matière   de   nouveaux   débouchés   que   d’affirmation   de   valeurs  
portées   par   l’écosystème   français   (inclusion,   ouverture   des   données,   innovations  
sociales).
Dès lors, il est nécessaire de :
Multiplier  les  appels  à  projets  “francophonie  numérique”  couplant  
des   projets   d’infrastructures   à   des   projets   de   services   et  
d’innovations  numériques,  par  l’intermédiaire  de  la  French  Tech  ou  des  ré-
férents numériques du  Quai  d’Orsay,  et  en  partenariat  avec  l’Organisation  In-
ternationale de la Francophonie (cf. encadré).
L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE
METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE :
VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique252
INITIATIVES POUR LA FRANCOPHONIE DE L’INNOVATION
ET DU NUMERIQUE (OIF)
L’organisation internationale de la francophonie agit de la francophonie de
l’innovation et du numérique, souvent en coopération avec la société civile. Par
exemple :
Le Fonds francophone des inforoutes : promotion de la production de
contenus et d’applications numériques via le financement d’initiatives
multilatérales. En 2015, le fonds est supposé être renommé « fonds
francophone de l’innovation numérique »)
Appui aux initiatives de communautés : soutien aux associations type
OpenStreetMap (cartographie libre), KINO (cinéma numérique, transferts
de compétences dans les logiciels libres audio vidéo)
Réseau francophone de l’innovation (FINNOV) : lancé en 2014, ce réseau a
pour objectif de valoriser les initiatives en faveur de l’innovation et de
développer les échanges entre acteurs. Une plateforme collaborative a été
mise en place pour favoriser la diffusion des ressources et bonnes
pratiques au sein de la communauté francophone -
www.francophonieinnovation.org
En savoir plus :
http://www.francophonieinnovation.org/data/sources/users/2/docs/dfnforuminn
ovationnamur2014finale.pdf
Construire  des  lieux  d’innovation  francophones et en assurer la promo-
tion en y invitant des étudiants réalisant un Erasmus entrepreneurial, des cher-
cheurs-entrepreneurs ou tout autre salarié réalisant un Volontariat internatio-
nal en Entreprise (VIE).
Développer des échanges entre startups francophones et rapprocher
les pôles de compétitivité des différentes zones francophones via des jume-
lages.
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
L’ambition se joue dans notre
capacité à prendre en compte
la dualité du numérique, qui peut être
à la fois cette force vitale, source
d’innovations, d’émancipation
et un facteur de déshumanisation,
de creusement des inégalités.
Volet 4
Solidarité, équité,
émancipation : enjeux
d'une société numérique
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
Sommaire
Économie collaborative 265
47. Améliorer notre compréhension des activités et des statuts porteurs de valeur
économique, sociale et environnementale, y compris hors du cadre marchand classique 266
48. Encourager l'économie collaborative tout en la régulant 268
49. Rendre visible et accompagner une économie contributive, coopérative, facteur de
cohésion et d’innovation sociales 271
Biens communs et numérique 274
50. Encourager le développement des communs dans la société 276
51. Définir une politique de mise en commun des contenus produits par les collectivités et
acteurs publics 277
52. Définir positivement et non par exception le domaine public et favoriser son
élargissement 278
53. Faire de la publication ouverte une obligation légale pour la recherche bénéficiant de
fonds publics 279
Société numérique inclusive 281
54. Valoriser et structurer les métiers de la médiation numérique 282
55. Développer la médiation numérique dans les services publics locaux 286
56. Faire de l’accès à Internet et ses ressources essentielles un droit effectif 289
Systèmes de solidarités 292
57. S’appuyer sur le numérique pour faciliter l’accès et le recours aux droits sociaux 294
58. Développer (et mettre en débat) des capacités préventives et anticipatrices,
dans le respect de la vie privée des assurés 296
59. Explorer de nouvelles manières de mettre les solidarités en mouvement et d’en
reconnaître les acteurs 297
Santé et numérique 300
60. Acter et outiller un droit à l’autodétermination informationnelle en santé 302
61. Inciter au cas par cas les acteurs économiques détenteurs de données de santé
à les partager tout en tenant compte de leur caractère concurrentiel 305
62. Utiliser le levier numérique pour permettre au grand public de comprendre les défis
de santé publique et de devenir acteurs de leur résolution 307
63. Former les professionnels de santé aux enjeux et aux usages du numérique en santé 309
Éducation et formation 311
64. Faire évoluer et clarifier l’exception pédagogique pour une meilleure adéquation
avec les usages numériques 317
65. Anticiper les révolutions de la certification 319
66. Passer d’une logique de l’équipement à une logique de l’environnement 322
Justice et numérique 324
67. Renforcer l’accès des justiciables à l’information juridique avec le numérique 325
68. Informatiser enfin le fonctionnement quotidien de la justice 327
69. Encourager les modes alternatifs de résolution des litiges 328
Ethique et numérique 331
70. Instruire la place des questions d’éthique dans la société numérique 331
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 259
Le numérique n'est pas automatiquement la clé d'une transition vers une
société meilleure. Il peut être mis au service d'une société plus équitable, plus juste,
plus solidaire, plus émancipatrice - mais à condition qu’une   vision   et   une   ambition  
politiques  accompagnent  le  développement  du  “pouvoir  d'agir”  des citoyens, favorisent
l'émergence   de   nouvelles   solidarités   et   soient   garantes   de   l’espace   public,   des  
communs174 et du vivre ensemble.
L’ambition   se   joue   aussi   dans   notre   capacité   à   prendre   en   compte   la   dualité   du  
numérique, qui peut être à la fois cette force   vitale,   source   d’innovations,  
d’émancipation,  de  création,  que  l’on  veut  soutenir,  et  un  facteur  de  déshumanisation,  
de creusement des inégalités, voire de radicalisation.
Répondre  à  ce  défi  impose  d’agir  pour  promouvoir  des  valeurs,  des   possibilités,   des
espaces,  des  formes,  que  le  seul  jeu  du  marché  numérique  ne  saura  pas  produire.  C’est  
une  des  fonctions  essentielles  du  “politique”.  En  revanche,  cette  fonction  doit  s’exercer  
en pleine conscience du fait que le numérique outille autant les individus que les
organisations,  qu’il  distribue  l’information  et  le  pouvoir  d’agir : ce nouveau potentiel
d’action   individuelle,   micro-communautaire et collective est une ressource à la fois
incroyablement riche et incroyablement déstabilisatrice, son développement tout
comme  sa  canalisation  doivent  faire  partie  des  priorités  de  l’action  publique.
Plusieurs regards sur la relation « numérique-­‐société »   coexistent   aujourd’hui.   La  
perception   politique   de   cette   relation   s’est   stabilisée   autour   de   trois   points   de   vue  
distincts,  souvent  empreints  d’un  certain  déterminisme  technologique.
Le  numérique  réduit  à  l’accès  et  aux  équipements. Cette approche considère
que  la  technologie  doit  être  accessible  à  tous,  quelles  que  soient  les  conditions  d’âge,  
d’habitat,   de   revenus…   L’objectif   premier   est   la   généralisation   de   l’équipement,   de  
l’accès  et  des  pratiques.  On  cherchera  à  éviter  que  le  numérique  ne  vienne  renforcer  
des  facteurs  d’inégalité  déjà  existants ; on visera aussi à former des individus capables
de contribuer à une économie informationnelle dont on attend beaucoup en termes de
croissance.   Il   s’agit   alors   d’amener massivement les populations « au
numérique », par des politiques européennes, nationales ou territoriales de lutte
contre la fracture numérique.
Le   numérique   levier   du   pouvoir   d’agir   et   source   d’innovation   tous  
azimuts. La   seconde   approche   met   l’accent   sur   le   nouveau   potentiel   dont   le  
numérique   serait   porteur   pour   les   individus   comme   pour   les   sociétés.   Il   s’agit   de  
libérer ce potentiel, en mobilisant le numérique pour améliorer les dispositifs sociaux
174 Les communs (ou biens communs) :   Les   “communs”   (ou   biens   communs)   sont   des  
ressources gérées par une communauté, qui en définit les droits d'usage, organise son propre
mode de gouvernance, et défend les ressources contre les risques d'enclosure. Il peut s'agir
d'une communauté locale gérant une ressource matérielle (ex : un jardin partagé) ou d'une
communauté déterritorialisée gérant une ressource immatérielle (ex : Wikipedia). L'approche
par les communs constitue une alternative à la gestion par l'État ou par des acteurs privés.
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique260
(entraide sociale, liens sociaux, médiations), politiques (administration, citoyenneté),
économiques (e-commerce,   innovation   ouverte,   compétitivité).   L’introduction   du  
numérique, considérée implicitement comme vertueuse par nature, est supposée
améliorer ainsi la vie quotidienne des individus et le fonctionnement des organisations
publiques comme privées. Cette approche du changement « par le numérique »
délègue   en   grande   partie   à   l’innovation   techno-­‐économique du secteur marchand le
soin de penser des services mobilisables par une large partie de la population. Les
usages massifs et viraux de certains services comme ceux de réseaux sociaux
accréditent   l’idée   que   nous   serions   dans   un   cycle   naturel   de   socialisation et de
créativité   par   le   numérique   qui   n’appellerait   pas   d’action   publique   particulière,   ou  
même,  qui  inviterait  l’action  publique  au  retrait.
Le numérique source de menaces pour la société en tant que tel. Une
troisième approche, également répandue auprès des décideurs comme des citoyens,
serait celle qui considère la transformation numérique en premier lieu comme une
menace,   comme   le   symbole   d’un   vaste   ensemble   de   mutations   déstabilisatrices,   et  
synonyme à la fois de déshumanisation, de rationalisation,  d’individualisation  et  bien  
sûr, de surveillance. La métamorphose numérique accompagnerait et renforcerait les
tendances aliénantes de la société contemporaine, notamment par le renforcement des
techniques de surveillance et de conditionnement. Il s’agit   alors   de   défendre la
société  “face  au  numérique”.
Ces  trois  approches,  qui  ont  tendance  à  s’opposer  tout  en  constituant  chacune  une  part  
de  vérité,  doivent  s’intégrer  dans  une  compréhension  commune  du  numérique.  Seule  
une vision politique basée sur cette compréhension permettra de dépasser le
déterminisme technologique pour penser une société « avec le
numérique »,  ce  numérique  qui  a  d’ores  et  déjà  pénétré  la  vie  d’une  large  majorité  
d’individus,  dans  leurs  sociabilités,  leur  travail,  leurs  loisirs, leurs activités collectives,
etc.
Il  s’agit  alors  d’opérer  les  choix  individuels  et  collectifs  qui  nous  permettront  de  tirer  
parti du numérique pour refaire société, de repenser le fonctionnement de notre
modèle social tout en préservant les fondements - la solidarité, la redistribution,
l’égalité   d’accès,   la   protection   des   plus   faibles   - et de réinventer certains piliers de
l’action  collective,  en  matière  d’éducation  et  de  santé  par  exemple.
Dans   ce   contexte,   le   CNNum   considère   que   l’action   publique   doit   s’orienter   selon  
quatre grands principes.
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 261
Mettre le numérique au service du pouvoir d’agir et de
l’activation des droits et libertés des individus
Le numérique permet de concrétiser des droits et libertés qui
demeuraient soit trop théoriques, soit (dans certaines régions du monde)
fort limitées ;;   la   liberté   d’expression   en   est   un   exemple   frappant.   Ce   potentiel   du  
numérique, comme activateur ou catalyseur des droits et libertés, doit être investi par
les entités responsables de nos grands systèmes collectifs - santé, éducation, justice,
protection sociale - dans un contexte où le non-recours au droit atteint des niveaux
alarmants175.
Un  paradoxe  du  numérique  est  qu’il  peut  dans  un  même  temps  et  à  travers  le  même  
usage, fournir une plus grande autonomie à l’individu  (dans  la  définition  des  services  
qui le concernent, dans la gestion de ces services, etc.) et contribuer à une forme
d’aliénation,   par   la   collecte   de   données   personnelles   à   son   insu,   ou   par   une  
personnalisation de services qui ne tiendrait plus compte de sa volonté et de son
contrôle. Il faut donc prendre au sérieux, non pas seulement les droits mais les
conditions de leur exercice réel. Et il faut sans doute aller plus loin en affirmant un
objectif  politique  d’empowerement des individus : développer, non pas seulement leur
pouvoir  de  contrôle,  mais  leur  pouvoir  d’agir  individuellement  ou  collectivement ; non
pas seulement leur information, mais leurs compétences, leurs capacités et leur
outillage.
C’est   pour   ces   raisons-là que nous plaçons au premier plan la littératie numérique,
mais  aussi  l’”autodétermination  informationnelle”  en  matière  de  santé  ou  encore,  la  
possibilité pour les individus de contribuer aux politiques publiques qui les concernent
directement.
Enfin, il nous faut également
empêcher le contournement
de certaines règles collectives,
rendu lui aussi possible par le
numérique. Tout en soutenant
l’innovation   y   compris  
lorsqu’elle   dérange   l’ordre  
établi, on ne peut accepter
que   l’enjeu   économique  
du développement du
numérique soit le vecteur
d’une  renonciation  à  tous  les  droits,  protections  ou  solidarités. De ce point
de   vue,   nous   préférerons   toujours   l’application   du   droit   commun   à   la   définition   de  
175 Odenore (observatoire du non recours aux droits et services)
On ne peut accepter que l’enjeu
économique du développement
du numérique soit le vecteur d’une
renonciation à tous les droits,
protections ou solidarités.
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique262
règles spécifiques - quitte,  bien  sûr,  à  faire  évoluer  le  droit  commun  lorsqu’il  apparaît  
trop en décalage avec les besoins de la société. Cette approche requiert, dans de
nombreux domaines, une clarification sur les enjeux éthiques, économiques, sociaux et
environnementaux,  afin  de  guider  l’action  publique  dans  cette  démarche.
Refaire société par les communs : vers une promotion
des pratiques collaboratives et de la réciprocité
Le  numérique  renforce  le  pouvoir  d’agir  individuel ; en rendant possibles de nouvelles
formes de sociabilité, il ouvre également des voies nouvelles pour refaire société. La
création  même  d’Internet,  comme  la  réalisation  de  nombreux  logiciels  ou  projets  en  
ligne,   s’appuient   sur   une   culture   et   des   valeurs   de   réciprocité,   de   partage   et   de  
coopération très fortes. Le numérique
a   permis   l’expansion   des   pratiques  
associées, essentiellement des
échanges pair à pair, revivifiant les
modes  de  gestion  collectifs  par  l’essor  
de communautés auto-organisées,
alternatives économiques et politiques
aux modes de régulation traditionnels.
Que   ce   soit   à   l’échelle   globale   ou  
locale,  il  s’agit  d’une  culture  que  l’État, en tant que défenseur du Bien Commun176, doit
soutenir et diffuser.
La co-création, facilitée par le numérique, doit donc être reconnue comme
mode de cohésion, d’inclusion   et   d’éducation. La participation à un projet
collectif,  plus  qu’une  simple  mise  en  réseau,  est  en  effet  l’occasion  de  créer  des liens
entre individus, de redonner du sens à leurs actions et de nouer ainsi de nouvelles
relations non aliénantes entre   individu   et   collectif.   C’est   autour   de   ces   projets  
collectifs, ces communs, que les réseaux peuvent se structurer et devenir des
communautés agissantes.
L’État   peut   soutenir   directement   le   champ   des   communs,   notamment   via   la  
contribution de ses agents et ressources, mais aussi inciter tous les acteurs à la
contribution, en aidant à insuffler une culture de la réciprocité et du partage,
profitable à tous sur le long terme.
176 Le Bien Commun : Le Bien Commun est ce qui est profitable à long terme pour l'ensemble
des membres de la société. Il se rapproche de la notion d'intérêt général. Si l'intérêt général est
l'enjeu de la politique, le Bien Commun est une notion transcendante dont chacun s'estime por-
teur.
La co-création, facilitée par le
numérique, doit donc être reconnue
comme mode de cohésion,
d’inclusion et d’éducation.
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 263
S’appuyer sur le numérique pour réduire les inégalités
La période historique de numérisation  de  nos  sociétés  est  aussi  celle  d’un  creusement  
des   inégalités   économiques   et   sociales.   Sans   faire   de   lien   de   cause   à   effet,   il   s’agit  
toutefois de faire de la lutte contre ces inégalités un enjeu essentiel de la
métamorphose numérique. Plus que jamais, il nous faut réaffirmer la
nécessité   d’une   solidarité   à   toutes   les   échelles,   nationale,  
interprofessionnelle et intergénérationnelle, basée sur un système social
qui assume son caractère redistributif.
La question des inégalités structurelles en lien avec le numérique doit être posée en
dépassant   celle   des   équipements,   afin   de   penser   l’e-inclusion de manière
multidimensionnelle, mais surtout positive et offensive. Entre autres dimensions, la
littératie qui est « l'aptitude à comprendre et à utiliser le numérique dans la vie
courante,  à  la  maison,  au  travail  et  dans  la  collectivité  en  vue  d’atteindre  des  buts  
personnels  et  d’étendre  ses  compétences  et  capacités »177,  doit  être  au  cœur  de  cette  
démarche. Elle permet ainsi de faire du numérique un moteur d'ascension sociale.
Les   transformations   numériques   redessinent   enfin   l’importance   des   fonctions   de  
médiation.   D’une   part,   les   citoyens   ont   besoin   d’être   accompagnés   dans   cette  
transition  qui  touche  notre  façon  de  travailler,  de  nous  soigner,  d’apprendre, de nous
déplacer,  de  produire,  de  créer,  de  partager.  D’autre  part,  plus  nous  serons  invités  à  
gérer nous-mêmes, en ligne, notre vie administrative comme notre consommation,
notre  argent,  voire  notre  travail,  plus  l’existence  de  médiateurs  humains  gagnera en
importance,  en  particulier  pour  les  plus  fragiles  ou  vulnérables  d’entre  nous.
Repenser nos systèmes collectifs : entre optimisation, réforme
et rupture
La métamorphose numérique en marche - de  l’économie  comme  de  la  société  - nous
oblige   aujourd’hui à interroger nos systèmes collectifs : santé, éducation, protection
sociale, justice… Le numérique agit sur eux de différentes manières : comme un
facteur   de   rationalisation   et   d’optimisation,   également   dénoncé   sous   l’angle   de   la  
déshumanisation ou de la surveillance ;;   comme   l’opportunité   d’un   changement  
culturel   et   “managérial”   (ouverture,   horizontalité,   partenariats…),   également   vécu  
comme une externalisation et une perte de légitimité ;;  comme  la  source  d’alternatives  
“disruptives”   portées,   soit   par   des entreprises innovantes, soit par les pratiques des
citoyens, soit par les deux à la fois.
177 OCDE, « La littératie à l'ère de l'information », 2000,
http://www.oecd.org/fr/Éducation/etudespays/39438013.pdf
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique264
Si  l’on  doit  naturellement  demander  à  nos  services  publics  de  fonctionner  comme  des  
services  “modernes”,  en  tirant  parti  de  l’efficacité  informatique  - c’est  en  particulier ce
que nous demandons à la Justice -, on doit également reconnaître que la
“numérisation”  de  nos  systèmes  collectifs  n’est  pas  un  projet  neutre.  Elle  peut  se  faire  
au  strict  service  d’une  logique  gestionnaire,  ou  bien  faire  plus  de  place  à  la  parole voire
à  l’action  des  usagers  et  des  bénéficiaires.  Elle  peut  subordonner  toutes  les  valeurs  à  sa  
mission, ou bien considérer que la protection des libertés ou encore, la vie privée,
interdit  certaines  choses  même  aux  acteurs  publics,  y  compris  lorsqu’ils sont animés
des meilleures   intentions.   Elle   peut,   ou   non,   considérer   la   transparence,   l’ouverture  
des  informations  comme  des  processus  (les  “algorithmes”),  comme  une  priorité.  Elle  
peut,  enfin,  s’abandonner  à  l’étreinte  des  grandes  plateformes  du  Net,  qui peuvent se
montrer tellement plus efficaces, ou bien engager avec elles et plus largement, tous les
innovateurs numériques, un dialogue exigeant au service du pluralisme, de
l’innovation  continue  et  de  l’intérêt  général.
On voit où se situent les préférences du Conseil national du numérique. Le
numérique nous contraint à repenser le fonctionnement de nos systèmes
collectifs, mais pour en retrouver  l’essence :  l’émancipation  de  citoyens  rendus  
libres et autonomes, tant par leur
éducation   que   par   le   fait   d’être  
protégés  des  pires  aléas  de  l’existence  
et insérés dans un tissu social
solidaire.   Cet   objectif   s’atteindra  
autrement, mais jamais sans volonté
publique. En revanche, il exigera de la
part des acteurs en charge de ces
systèmes, une vraie dynamique de transformation - que nous décrivons par ailleurs
dans  le  volet  précédent  du  présent  rapport  “Vers  une  nouvelle  conception  de  l’action  
publique :  ouverture,  innovation,  participation”.
Le numérique nous contraint
à repenser le fonctionnement
de nos systèmes collectifs
pour en retrouver l’essence.
ÉCONOMIE COLLABORATIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 265
Économie
collaborative
L’économie  collaborative  désigne  “les pratiques et les modèles économiques organisés
en   réseaux   ou   communautés   d’usagers”   (OuiShare,   2012).   Elle   comprend   la  
consommation collaborative178, le crowdsourcing, le crowdfunding, les monnaies
virtuelles, ou encore la production en commun. Le périmètre du phénomène et sa
qualification même (économie pair à pair, économie collaborative, économie du
partage…)   sont   très   discutés,   mais   encore mal connus, difficiles à cerner et peu
mesurés.
Actuellement,   l’attention   se   focalise   sur   la   dimension   entrepreneuriale   de   cette  
économie qui est puissante, créative, féconde et qui, selon les avis et les domaines,
renouvelle, dépoussière ou détruit certaines des formes économiques et sociales qui lui
préexistaient.   Il   s’agit   ici   d’adopter   une   approche   favorable   à   l’innovation   mais  
défavorable  à  l’utilisation  de  l’argument  “collaboratif”  pour  détricoter  les  protections  
sociales, sanitaires, des consommateurs, etc.
Mais   l’économie   collaborative   appuyée   sur   le   numérique   peut   aussi   se   relier   à   deux  
autres   dimensions   qui   n’auront   pas   aussi   spontanément   la   faveur   des   marchés  
financiers,  et  auxquels  une  politique  publique  devrait  s’efforcer  de  ménager  une  place :
Le  lien  entre  production  et  consommation  collaborative  d’une  part,  les  modes  
coopératifs   d’organisation   et   de   financement   tels   qu’on   les   rencontre   dans  
l’Économie sociale et solidaire et que la loi du 31 juillet 2014 cherche à étendre
et moderniser d’autre  part ;
Le développement de formes non marchandes de collaboration, de coproduc-
tion  et  de  contribution,  allant  jusqu’aux  “communs”.
L’anticipation  de  formes  de  plus  en  plus  diverses  de  travail,  d’activité  et  d’emploi  devra  
peut-être aller également jusqu’à  réinventer  les  manières  de  mesurer  la  production  et  
la   croissance   économique.   Pour   ne   prendre   qu’un   exemple : deux personnes qui
s’échangent   une   heure   de   cours   de   guitare   en   ligne   contre   une   heure   de   plomberie  
178 Consommation collaborative : “La   consommation   collaborative   est   un   modèle   écono-
mique  favorisant  l’usage  sur  la  possession  et  permettant  d’optimiser  les  ressources via le par-
tage,  le  troc,  la  revente,  le  prêt  ou  le  don  de  biens  et  services”  (Source  :  Rachel  Botsman,  What's
Mine Is Yours: The Rise of Collaborative Consumption, 2010).
ÉCONOMIE COLLABORATIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique266
détruisent-elles du PIB ou produisent-elles de la richesse sociale ? Or le numérique
rend  possibles  de  telles  formes  d’échange  à  des  échelles  sans  comparaison  avec  celles  
d’aujourd’hui.
Comment  faire  pour  que  le  développement  de  l’économie  collaborative  ne  désigne  pas  
uniquement le contournement de réglementations professionnelles, fiscales et/ou
sociales, que ces réglementations soient ou non dépassées ? Comment faire pour
qu’elle  soit  porteuse  d’externalités  positives  pour  l’économie  et pour la société ?
47. Améliorer notre compréhension des activités et des statuts
porteurs de valeur économique, sociale et environnementale,
y compris hors du cadre marchand classique
Chaque secteur concerné par le phénomène collaboratif produit ses propres mesures,
mais il   n’existe   pas   d’indicateurs   partagés   permettant   de   mieux   comprendre   cette  
forme   économique   et   d’éclairer   les   débats   qui   l’entourent.   Il   est   donc   essentiel   que  
l’action   publique   dans   cette   nouvelle   économie   soit   éclairée   préalablement   par   des  
études  d’impact précises et objectives.
Il  s’agit  essentiellement  de :
Établir une typologie des modèles et  des  acteurs  de  l’économie  collabora-
tive ;
Quantifier   l’économie   collaborative, notamment le nombre
d’entreprises,  d’associations,  d’individus  concernés,  selon  les typologies préa-
lablement établies. Mesurer également les flux financiers concernés et la ré-
partition de la valeur entre les parties prenantes ;
Qualifier  l’impact  de  l’économie  collaborative  sur :
-­‐ l’économie :   comment   en   mesurer   l’impact   en   termes   de  
croissance   et   d’emplois,   sachant   qu’une   part   (elle-même à
mesurer)   de   l’économie   collaborative   peut   faire   sortir   certains  
échanges de la sphère marchande ? Quels déplacements de valeur
entre entreprises installées et nouveaux acteurs, entre
professionnels et particuliers ? Quels effets sur les dépenses et sur
les revenus des ménages ? Quelle captation de valeur et de
pouvoir au bénéfice des plateformes de cette économie
collaborative ? Une telle captation est-elle problématique ?...
-­‐ la société : quel est le bénéfice   social   dégagé   par   l’économie  
collaborative ? Quelle est la nature des liens sociaux créés selon
ÉCONOMIE COLLABORATIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 267
les différents modèles de cette économie ? Quel impact sur le
“bien-être  social” ? Y a-t-il,  à  l’inverse,  des  risques  (quantification  
des solidarités, nouvelles  formes  d’exploitation…) ?
-­‐ l’environnement : l’économie   collaborative   est   souvent  
présentée   comme   plus   durable,   proche   de   “l’économie   de  
fonctionnalité”,  opposant  également  un  vaste  marché  de  seconde  
main   à   l’”obsolescence programmée”.   Qu’en   est-il réellement ?
Est-ce une motivation significative de ceux qui participent à des
formes  d’économie  collaborative ? Des effets mesurables peuvent-
ils être observés dans un sens ou un autre ?
Afin   d’offrir   des   réponses   à   ces   nombreuses   interrogations,   qui demeurent
partiellement   voire   entièrement   sans   réponses   aujourd’hui,   le   CNNum   estime  
nécessaire   d’associer   institutions   scientifiques   et   acteurs   de   l’économie   collaborative  
autour  d’un  vaste  programme  d’étude  et  de  recherche.  Il  est  essentiel  que  ces  études
d’impact   associent   économistes   et   sociologues,   et   qu’elles   soient   menées   en   réseau  
avec les projets existants, en France comme à l'international. Ces études pourraient
être  supervisées  par  un  “observatoire  de  l’économie   collaborative”  qui  pourrait  être
basé sur un réseau ouvert de contributeurs.
ECHOS DANS LA CONCERTATION
Plusieurs catégorisations par sous-ensembles de l’économie collaborative ont
émergé dans les différentes contributions de la consultation :
Certaines contributions proposent de distinguer l’économie
contributive marchande et non marchande : l’association d’individus
autour d’un objectif commun s’analyse différemment de
l’organisation d’échanges marchands pair à pair par des
plateformes.
D’autres contributions insistent sur la nécessaire distinction entre
consommation collaborative et production collaborative : les
rapports collaboratifs ne peuvent se concevoir uniquement dans le
cadre de rapports de consommation entre particuliers, mais doivent
également être pris en compte dans celui de la production
collaborative, s’organisant autour de contributions multiples de
différents individus.
Le critère de la modalité de participation à la structure collaborative
permettrait de développer et de préciser ce qui précède en
distinguant :
-­‐ La consommation entre pairs relevant d’échanges de
valeurs d’usages, de biens ou de services suivant une
prestation et un tarif définis à l’avance.
-­‐ La collaboration micro-productive relevant d’une
contribution volontaire (avis, note, co-création, photo, vidéo,
article) ou implicite (clic, déplacements de la souris, profil)
ÉCONOMIE COLLABORATIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique268
au bénéfice d’une plateforme. Ce modèle s’organise sur
l’inversion de la relation entre client et fournisseur.
-­‐ La production contributive relevant d’une contribution
intentionnelle dans l’objectif de construire un bien (fab lab,
open hardware) ou un service (Wikipedia, Doctissimo)
commun.
Il peut être intéressant d’ajouter à ces catégorisations des distinctions en
termes de modèle économique, notamment pour la consommation
collaborative, qui ont déjà été développées, pour différencier :
“Les systèmes de redistribution, qui permettent aux particuliers de
s’adonner à la revente, au don ou au troc d’objets divers (Le Bon Coin,
Etsy).
Les systèmes produit-services, qui décrivent toutes les pratiques de
location, de prêt et de partage de ressources matérielles entre
particuliers (ici, pas de transfert de propriété). On parle également
d’économie de la fonctionnalité (Airbnb, Peerby).
Les services pair-à-pair (« on-demand services »), qui concernent les
services entre particuliers en général, du covoiturage (BlaBlaCar) au
jobbing (TaskRabbit) en passant par les cours entre particuliers
(LiveMentor).
Les systèmes locaux coopératifs, qui comptent sur la mobilisation des
communautés locales sans recourir systématiquement à une
plateforme en ligne (La Ruche qui dit Oui, La Louve, circuits courts,
etc.).”
Source: http://magazine.ouishare.net/fr/2015/03/sharevolution-la-
consommation-collaborative-et-apres/
http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/111/avis/3370
48. Encourager l'économie collaborative tout en la régulant
Préférer autant   que   possible   l’application   (ou   l’évolution)   du   droit  
commun
Les entreprises se réclamant de "l'économie collaborative" portent certes, pour
beaucoup d'entre elles, des modèles d'affaires ou des manières de faire qui tranchent
d’une  manière  très  féconde avec les habitudes de leur marché, mais cela ne suffit pas à
les différencier de manière radicale des autres startups, numériques ou non. Le
caractère  “collaboratif”  du  service  proposé  par  une  entreprise  ne  la  rend  en  tant  que  
telle ni meilleure, ni  pire  qu’une  autre  entreprise  innovante  qui  ne  s’appuierait  pas  sur  
un  tel  modèle.  Si  elle  mérite  d’être  soutenue,  c’est  au  même  titre  que  toutes  les  autres  
entreprises  à  potentiel.  C’est  pourquoi,  pour  l'essentiel,  il  n’apparaît  pas  souhaitable  de  
leur appliquer des règles spécifiques. Au contraire, il apparaît plus important
d'appliquer le droit commun, qu'il s'agisse du droit de la concurrence, de la
consommation ou du travail.
ÉCONOMIE COLLABORATIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 269
S’agissant  en  particulier  des  réglementations  sectorielles  (on  pense  naturellement aux
transports publics, à l'hôtellerie, aux auto-écoles,   etc.),   l’émergence   de   concurrents  
“collaboratifs”   ne   devrait   pas   donner   lieu   à   la   création   d’autant   de   sous-
réglementations spécifiques, forcément ad hoc et peu durables. Elle nous invite en
revanche à revisiter ces réglementations afin, soit de les adapter, soit, si elles
apparaissent obsolètes, de les adapter pour tout le monde.
Vers  une  responsabilisation  des  plateformes  d’intermédiation
En accord avec la définition proposée par le CNNum dans le présent rapport, une
plateforme   est   un   service   occupant   une   fonction   d’intermédiaire   dans   l’accès   aux  
informations, contenus, services ou biens édités ou fournis par des tiers. Les
plateformes  d’intermédiation  de  l’économie  collaborative,  tout  comme  leurs modèles
de développement basés sur la constitution de véritables écosystèmes dont elles
occupent le centre, doivent donc également être soumises à un principe général de
loyauté, à la fois envers les consommateurs et envers les professionnels, afin de
préserver  un  espace  propice  à  l’innovation.
Ce principe pourrait servir à créer une obligation de transparence accrue pour les
plateformes  d’intermédiation  de  l’économie  collaborative  envers  les  travailleurs  qui  en  
font la valeur, notamment sur les modes de rémunération, les tarifications et plus
globalement leur modèle économique, afin de permettre à chaque utilisateur de
connaître sa part de contribution dans l'ensemble des revenus générés de la
plateforme.
Reconnaître les droits et les responsabilités des  travailleurs  de  l’économie  
collaborative
Le fait que les utilisateurs participent eux-mêmes à la production du bien ou du service
peut avoir des répercussions importantes :
D’une  part,  cela  peut  conduire  à  des  logiques  de  professionnalisation  de  ce  qui  
était au départ une pratique amateur ;
D’autre   part,   l’économie   collaborative   entre   de   fait   en   concurrence   avec   les  
secteurs  traditionnels  de  l’économie.  Cette  concurrence  est  d’ailleurs  considé-
rée par certains comme déloyale : des différentiels de charges et de réglemen-
tations sont souvent pointés comme facteurs de distorsions de marché. Elle
pourrait  également,  à  long  terme  entraîner  la  migration  d’une  partie  du  travail  
vers  un  secteur  plus  ou  moins  informel,  au  détriment  de  l’emploi  salarié.
La reconnaissance   de   l’exercice   de   fait   d’une   activité   de   « travailleur collaboratif »
permettrait aux personnes dont tout ou partie des revenus proviennent des
plateformes de mise en relation de pair-à-pair,  d’avoir  accès  à  une  protection  sociale  
(avec des modalités de déclaration simplifiées) mais aussi de contribuer aux charges
ÉCONOMIE COLLABORATIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique270
sociales   et   fiscales   sous   des   régimes   qui   pourraient   selon   les   cas   être   celui   d’auto-
entrepreneur voire de salarié.
On pourrait alors distinguer  trois  types  d’activité :
La prestation de services à la demande à titre onéreux entre pairs (exemple :
UberPop),  pour  laquelle  le  statut  s’appliquerait  dès  le  premier  euro  gagné ;
La   vente   de   valeurs   d’usage,   pour   laquelle   le   statut   s’appliquerait   lorsque   le  
prix  d’une  vente  de  valeur  d’usage  dépasse  le  coût  d’usage  (type  barème  kilo-
métrique) ;
La  vente  d’objets  entre  pairs,  pour  laquelle  le  statut  s’appliquerait  lorsqu’un  
certain  chiffre  d’affaires  est  dépassé  (cf.  “jurisprudence  eBay”).
L’EXEMPLE D’EBAY POUR LA DEFINITION
D’UN SEUIL D’ACTIVITE PROFESSIONNELLE
“Juridiquement, une activité professionnelle se définit par un ensemble de
critères : chiffre d'affaires, vitesse de rotation des stocks, but lucratif,
régularité des ventes, etc. Sur cette base, nous avons retenu les critères les
plus accessibles et les plus importants au regard des règles fiscales et
sociales : le chiffre d'affaires réalisé sur le site et la régularité des ventes.
Nous avons ainsi créé des seuils d'alerte permettant une première détection de
présomption d'activité professionnelle : 2000 euros de volume d'affaire
pendant 3 mois consécutifs.”
Source : http://actualites.ebay.fr/showitem&id=437
Lorsque de nouveaux entrants recourent en majorité à des entrepreneurs
indépendants, le risque est que ces derniers soient mécaniquement incités à enchérir
toujours plus bas le prix de leurs prestations. Cela en dépit des règles de protection
sociale et alors même  qu’il  leur  est  plus  difficile  de  s’organiser  en  syndicats.  Le  cas  des  
graphistes et des designers est fréquemment cité en exemple. Ce problème risque de
s’étendre   avec   les   plateformes   de   services   à   la   demande.   La   question   pourrait  
également se poser sur la   contribution   de   l’employeur   de   fait   à   l’acquisition   et  
l’entretien  de  l’outil  de  travail  (une  automobile,  du  matériel  de  dessin,  etc.) : si ces frais
sont entièrement pris en charge par les individus, il y a de fait un transfert des risques
vers eux et une  distorsion  possible  de  concurrence  avec  les  employeurs  “classiques”.
S’il  s’avère  que  ces  nouvelles  formes  de  travail  se  généralisent,  la  question  des  formes  
d’action  collective  accessibles  à  ces  “travailleurs collaboratifs”  deviendra  donc  de  plus  
en plus  pressante.  Certaines  associations  de  “conducteurs basés sur des applications”  
ont  par  exemple  d’ores  et  déjà  vu  le  jour  aux  États-Unis. Dans ces conditions, il faudra
donc engager une réflexion sur un aménagement du droit du travail afin que ce dernier
puisse être appliqué. Cet aménagement pourrait notamment concerner les droits tels
ÉCONOMIE COLLABORATIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 271
que   le   recours   collectif   (l’action   de   groupe   en   droit   français),   la   représentation  
syndicale ou encore le droit de grève, autant de droits qui permettrait aux utilisateurs
des plateformes de faire-valoir leurs intérêts.
49. Rendre visible et accompagner une économie contributive,
coopérative, facteur de cohésion et d’innovation sociales
Les   nouvelles   relations   de   particulier   à   particulier   induites   par   l’économie  
collaborative sont parfois des occasions de générer de nouvelles formes de sociabilité :
Fab labs,  plateformes  de  partage  d’objets  entre  voisins,  systèmes  d’échanges  locaux,  
etc. Ces innovations sociales qui vont souvent de pair avec un ancrage local fort,
remplissent à la fois des fonctions économiques, sociales et territoriales, même - voire
surtout - lorsqu’elles  ne  s’appuient  pas  sur  des  échanges  marchands.
Les formes de production collaboratives se rapprochent des modes coopératifs
d’organisation   et   de financement   des   entreprises   de   l’économie   sociale   et   solidaire.  
Bien que présentant des synergies potentielles avec les objectifs des politiques de la
ville ou plus largement des politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale,
ces modèles sont souvent mal compris donc mal pris en compte par  l’action  publique.  
Des   évaluations   de   politiques   publiques   incluant   dans   leurs   études   d’impact   les  
facteurs économiques, fiscaux, environnementaux et sociaux de ces modèles doivent
donc être réalisées, tout comme un état des lieux des projets réalisés en France comme
à   l’international,   afin   de   pouvoir   lancer   une   sensibilisation   et   une   formation   des  
acteurs publics, notamment locaux, à ces enjeux.
On   pourrait   à   cette   fin   s’appuyer   sur   les   définitions   qui   s’affinent   de   “l’innovation  
sociale”,  pour  qualifier  une  “économie collaborative sociale”,  pour  partie  distincte  de  
l’économie   collaborative   “capitaliste”.   La   Commission   européenne   décrit   en   effet  
l’innovation  sociale  comme  "le  développement  et  la  mise  en  œuvre  de nouvelles idées
(produits, services et modèles) pour répondre à des besoins sociaux et créer de
nouvelles relations ou collaborations sociales." Elle ajoute que ces innovations "sont
sociales à la fois dans leurs finalités et dans leurs moyens" : les moyens de produire
de la valeur et la répartition de cette valeur sont également importants. Cette
définition  permet  d’intégrer  - sans  pour  autant  s’y  limiter  - les  modèles  de  l’économie  
sociale et solidaire traditionnelle, basés sur la non-lucrativité ou une lucrativité limitée
et des modes de gouvernance démocratique.
Penser   et   inscrire   l’économie   collaborative   sociale   dans   les   politiques  
publiques locales
À cette   fin,   il   est   essentiel   de   reconnaître   l’importance   des   territoires   comme  
laboratoires  d’expérimentation, pour des politiques publiques intégrant plus fortement
les modèles de consommation et de production mutualisés ou en pair à pair, et donc
ÉCONOMIE COLLABORATIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique272
l’initiative   des   particuliers   dans   la   création   d’innovation   et   de   bien   social.   Le  
développement du partage et de la gestion de ressources en commun dans le domaine
de la mobilité (covoiturage, flottes partagées), de la création, des loisirs, du logement,
des espaces de travail (coworking, makerspaces), des services à la personne, des
monnaies (monnaies locales), voire  encore  de  l’agriculture  urbaine  (jardins  partagés)  
ou  de  l’énergie  (production  décentralisée  et  d’échange  sur  une  base  communautaire),  a  
d’ores   et   déjà   été   reconnu   par   certaines   villes   comme   un   outil   pour   une   meilleure  
utilisation   des   “capacités dormantes”,   comme   créateur   de   nouveaux   liens   entre   les  
individus et comme moyen de favoriser des circuits économiques plus courts, qui
relocalisent  une  partie  de  l’économie  dans  les  territoires.
Les initiatives en ce sens doivent être soutenues et diffusées, afin   d’accompagner  
l’accès   au   plus   grand   nombre   à   ces initiatives. Ces considérations devraient
notamment faire partie des projets en matière de smart cities, ainsi que des actions
publiques   (par   exemple   dans   le   cadre   des   “Investissements   d’avenir”)   qui   en
soutiennent le développement.
LE PROGRAMME “SHARING CITY”
DE LA VILLE DE SEOUL
Dans un contexte de densité urbaine extrêmement forte, de chômage des
jeunes, d’une population vieillissante en manque de soins, de problèmes de
pollution, mais aussi de hauts degrés de littératie numérique et d’une
couverture réseau très large, la ville de Séoul a décidé de lancer un plan
ambitieux de promotion du partage, avec comme objectifs principaux de
redonner un sens à la communauté, de créer une plus grande connectivité, un
cadre de confiance, de renforcer les relations sociales locales, de permettre
une véritable résilience à tous les niveaux, et d’augmenter les opportunités
d’innovation sociale à l’échelle « hyper locale ». Ainsi, la ville souhaite
également permettre d’augmenter les revenus locaux, de créer de l’emploi, de
promouvoir une consommation plus durable et de réduire les déchets. La ville a
donc lancé plusieurs programmes depuis 2013, notamment sur la mise à
disposition gratuite d’immeubles publics pendant les périodes d’inactivité
(utilisés plus de 20 000 fois par an), un programme de mise en relation
intergénérationnelle, de partage de voiture, de promotion du troc ou encore du
recours à des monnaies locales. Le bureau de l’innovation de la ville travaille
également directement avec les acteurs de l’économie collaborative par la
création d’un programme d’incubation ou encore l’élaboration commune de
système d’assurances adaptées à ces nouvelles formes de partage.
Source: “Seoul Metropolitan Government Act for Promoting Sharing”;
“Seoul Sharing City - Executive Summary” (texte en anglais)
ÉCONOMIE COLLABORATIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 273
dapter les schémas de promotion des achats publics socialement
responsables  aux  externalités  positives  de  l’économie  collaborative
Comme  prévu  dans  la  loi  ESS,  il  est  essentiel  d’inciter  plus  fortement  à  l’utilisation  de  
clauses sociales qui figurent déjà dans le code des marchés publics et représentent un
levier non négligeable de la puissance publique. Il est important de les adapter pour
qu’elles  intègrent  toutes  les  formes  d’externalités  positives  sociales. En attribuant des
marchés publics à des acteurs proposant des services basés sur le partage, l'échange de
pair à pair, la coproduction, etc., les autorités publiques serviraient la
responsabilisation   et   l’augmentation   du   pouvoir   d’agir   des   citoyens,   tout en
bénéficiant de nouveaux choix pour la commande publique. Une telle mesure serait un
vecteur  fort  d’inclusion  et  de  cohésion  sociale.
Un prérequis à cet aménagement serait bien entendu la démonstration, par les études
d’impact  citées  dans  la  recommandation  précédente,  de  synergies  effectives  entre  les  
systèmes  locaux  coopératifs  de  l’économie  collaborative  et  la  notion  de  développement  
durable,   telle   que   définie   dans   l’article   5   du   code des marchés publics.
BIENS COMMUNS ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique274
Biens communs
et numérique
Les   communs   désignent   l’activité   des   communautés   qui   s’organisent   et   se   régulent  
pour protéger et faire fructifier des ressources matérielles ou immatérielles, en marge
des régimes de propriété publique ou privée. Jardins partagés, ateliers de réparation,
pédibus179, semences libres, cartes participatives enrichies par les habitants, savoirs
versés dans Wikipédia par des milliers d'internautes, logiciels libres, science ouverte,
échanges de savoirs, ... les initiatives fleurissent. En générant et partageant des
ressources en dehors des régimes classiques de propriété, en s'appuyant sur
l'innovation sociale des individus et des collectifs, les communs ouvrent des approches
alternatives qui privilégient la valeur   d’usage   des   ressources   (l’intérêt   pour   les  
individus   et   les   collectivités)   plutôt   que   leur   valeur   d’échange   (leur   monétisation),  
pour répondre aux grands enjeux auxquels nos sociétés doivent faire face dans cette
période de transition.
L’avènement   de   l’informatique et le développement des premiers logiciels ont été
accompagnés   de   l’essor   d’une   culture   du   partage   et   de   la   coopération,   incarnée  
notamment par le mouvement du logiciel libre. Une culture qui se retrouve aussi dans
les protocoles ouverts d'échanges, bases du réseau internet. Les contributions de
communautés de développeurs à la réalisation de logiciels largement utilisés ou la
rédaction  collaborative  d’articles  d’encyclopédie  montrent  l'efficacité  et  la  robustesse  
de ce mode de production. Les règles de gouvernance qui y sont associées en
permettent le libre usage, l'amélioration continue et la pérennité, tout en facilitant la
diffusion des ressources produites.
L’irruption  massive  du  numérique  dans  la  plupart  des  champs  de  l’activité  humaine  
crée   des   situations   nouvelles   où   les   réseaux   facilitent   l’émergence   de   larges  
communautés distribuées, susceptibles de se mobiliser pour créer et partager les
savoirs.   Ces   communs   de   la   connaissance   sont   autant   de   gisements   d’initiatives,   de  
créativité et de mobilisation des individus dans un but collectif. Le numérique, qui
permet  la  copie  et  la  diffusion  à  un  coût  très  faible,  a  en  effet  permis  de  s’affranchir  des  
limites territoriales et de changer d'échelle. Les communs, qu'il s'agisse de logiciels ou
de contenus,  ne  sont  pas  pour  autant  synonymes  de  “gratuité” : les sociétés de services
en logiciel libre (SSLL) commercialisent par exemple des services en adaptant les
179 Autobus pédestre, principalement utilisé dans le cadre du ramassage scolaire.
BIENS COMMUNS ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 275
logiciels à des besoins spécifiques. Une entreprise comme Sésamath vend par exemple
ses manuels papiers.
Les  communs  numériques  sont  aujourd’hui  reconnus  comme  un  moteur  d’innovation  
économique et sociale qui a favorisé le développement de tout un secteur d'activités
(comme celui des SSLL basées sur les services plutôt que sur les redevances,
particulièrement   vivant   en   France).   Les   potentiels   d’une   diffusion   ouverte   de  
l’information  réutilisable  sont  par  ailleurs  au  cœur  du  mouvement  de  l’open data, qui
promeut la mise à disposition des données publiques, tant pour le libre accès des
citoyens à l’information  que  pour  le  développement  de  nouveaux  services.
Les  bénéfices  de  cette  diffusion  ouverte  sont  aujourd’hui  encore  trop  peu  exploités  par  
la  société  dans  son  ensemble.  Bien  souvent,  ils  sont  captés  pour  l’essentiel  par  les  plus  
grands acteurs, notamment les plateformes web déjà bien établies, qui, en croisant les
apports des communs avec leurs propres ressources, font de la prédation un risque
bien   réel.   La   réponse   à   ce   risque   ne   peut   être   celle   d’un   retour   en   arrière,   d’une  
renonciation au mouvement   d’ouverture.   Il   s’agit   bien   d’avantage   de   viser   le  
développement   de   la   capacité   d’un   plus   grand   nombre   d’entreprises,   associations,  
acteurs publics, chercheurs, médias, etc. à contribuer et participer aux communs, et
surtout à en utiliser les ressources.
La  contribution  de  l’État,  des  services  publics  et  des  collectivités  aux  communs  ne  doit  
effectivement pas se limiter à un soutien financier, mais également passer par une
promotion  et  une  démocratisation  d’une  culture  de  la  réciprocité,  du  partage  et de la
contribution aux communs. En valorisant le domaine public180, en élargissant des
communs, les services publics participent à ce mouvement vers une société
contributive où chacun - à son niveau et selon son envie - peut participer à enrichir un
patrimoine mis en communs.
Le  développement  des   biens  communs  du  numérique  est  aussi  l’occasion  d'inventer  
des coopérations fructueuses entre acteurs publics, contributeurs et acteurs
économiques,  comme  le  montre  l’exemple  de  la  collaboration  entre  l'Institut  national
de l'information géographique et forestière (IGN), la Poste et OpenStreetMap autour
de la constitution de la Base adresse nationale (BAN). Enfin, l'implication des pouvoirs
publics passe par une adaptation de certains cadres juridiques afin de favoriser ce
nouveau mode de production, notamment dans les marchés publics, les études et les
délégations de service public.
180 Domaine public : Le domaine public désigne  toutes  les  inventions,  les  œuvres  de  l’esprit,  
les données, les découvertes, les démonstrations scientifiques et les informations brutes, dispo-
nibles pour toute publication, réutilisation ou modification, sans la nécessité de négocier une
autorisation. Par extension, on parle de domaine public consenti quand les auteurs ou inven-
teurs décident volontairement, par le biais de licences, de placer leurs travaux sous un régime
autorisant les réutilisations, sans attendre l'expiration de l'exclusivité des droits patrimoniaux.
BIENS COMMUNS ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique276
Le rôle de la puissance publique consiste donc à ménager une place aux communs en
suscitant leur développement et leur valorisation. Son  rôle  est  également  d’assurer  une  
protection des biens communs et du domaine public (notamment contre les
phénomènes  d’enclosure181)  tout  comme  elle  protège  les  droits  d’auteur,  car  ces  deux  
protections ont vocation à coexister.
50. Encourager le développement des communs dans la société
Dans des domaines émergents comme la fabrication numérique ou les ressources
éducatives, les communs sont un élément structurel de développement. Les projets
autour des communs doivent être encouragés et valorisés. Cela peut passer par :
L'encouragement de la participation des acteurs publics à la pro-
duction de communs, numériques ou non : contributions des archives,
des  musées  et  des  universités  à  Wikipedia,  des  services  d’information  géogra-
phique (SIG) des collectivités territoriales et administrations à OpenStreet-
Map,   numérisation   de   contenus   mis   en   “communs”…   mais   aussi   l'extension  
des open data, des opérations de numérisation d'archives par les utilisateurs,
etc. ;
Une meilleure compréhension et la promotion des licences ou-
vertes telles que Creative Commons, General Public Licence (GPL), ou Open
Database Licence (ODBL), qui permettent d'ouvrir les libertés d'usage sans
déposséder le contributeur. Une réflexion spécifique sur les manières
d'en sécuriser les conditions de réutilisation doit être entamée ;
Comme le préconise le rapport Lemoine, un soutien public aux orga-
nismes  à  but  non  lucratifs  (associations,  fondations…)  contribuant  
de façon importante aux communs, dans le respect des valeurs de la Ré-
publique, de liberté, d’égalité,   de   fraternité,   de   laïcité   et   d’égalité   entre   les  
femmes et les hommes ;
Garantir la liberté de panorama pour  les  photographies  d'œuvres  visibles  
depuis   l'espace   public,   à   l’instar   de   ce   qui   a   été   consacré   en   Allemagne,   au  
Royaume-Uni, en Espagne… et une majorité de pays en Europe.
181 L’enclosure  désigne  à  l’origine  l’action  d’enclore  un  champ.  Le  mouvement  d’enclosure  fait  
plus généralement référence à l'appropriation par des propriétaires privés d'espaces préalable-
ment dévolus à l'usage collectif.
BIENS COMMUNS ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 277
51. Définir une politique de mise en commun des contenus
produits par les collectivités et acteurs publics
Le mouvement des données ouvertes a fait reconnaître le partage et la réutilisation des
informations publiques à la fois comme un facteur de transparence, une source
d'efficience et un accélérateur de l'innovation. Cette ouverture concerne aussi les
contenus produits par les collectivités et les acteurs publics : études, enquêtes, sites
web, etc.
Les informations, archives, données ou logiciels produits par les administrations dans
le  cadre  de  leurs  missions  ne  doivent  plus  se  gérer  comme  du  patrimoine  qu’il  faudrait  
administrer mais comme des biens communs informationnels dont il est nécessaire de
maximiser la diffusion auprès des citoyens.
Le partage et la réutilisation de l'information publique participe à une mission
d’intérêt   général.   Cette   reconnaissance des informations publiques comme
un bien commun est un changement qui doit être accompagné dans une culture où
la  rétention  d’information  confine  à  l’habitude.
La mise en communs peut être développée par la mise en place de clauses dans les
marchés publics ainsi que dans les appels à projets, assurant le caractère public,
partagé et réutilisable des études et contenus financés par l'argent public.
LA MISE EN COMMUN DES PRODUCTIONS PEDAGOGIQUES
DES ACTEURS PUBLICS
Tout un mouvement de l'éducation ouverte avec des plateformes dont les
contenus sont réutilisables se développe (Open education, Khan Academy,
Sésamath, FUN, ou encore Openclassroom), mouvement auquel l’enseignement
français doit se joindre.
Les productions pédagogiques des enseignants destinées à la classe sont
indispensables à l’activité des établissements d’éducation, et à ce titre ne sont
pas couvertes par le droit d’auteur (Article L131-3-1) En revanche les productions
pédagogiques éditées par les enseignants sous la responsabilité d’un éditeur,
sont régies par le droit d’auteur car elles ne sont pas indispensables à leur
activité d’enseignement (article L111-1 du CPI). Pour les productions
pédagogiques directement utilisées en classe, le partage à l’intérieur d’un
établissement devrait être systématisé (intranet de collège, de lycée…). Plus
largement, les enseignants doivent être encouragés au partage et aux pratiques
collaboratives au-delà de l’établissement (cf. Rapport du CNNum Jules Ferry 3.0)
BIENS COMMUNS ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique278
52. Définir positivement et non par exception le domaine
public et favoriser son élargissement
Le domaine public est une source de richesse dans un monde numérique qui facilite la
diffusion,  la  réutilisation  et  la  réappropriation  des  œuvres  par  tous.  Mais  il  n'est  défini  
que de manière négative dans le code de propriété intellectuelle : on y entre lorsque la
durée de protection du droit d'auteur prend fin.
Le CNNum souscrit à l'approche présentée dans rapport de la juriste Valérie-Laure
Benabou sur les « créations transformatives »182 remis au CSPLA en octobre 2014, qui
propose « d'initier une réflexion publique sur la définition positive du domaine public
“immatériel”,   son   régime   et   son   opposabilité   pour   éviter   le   développement   des  
pratiques  d’appropriation  ou  d’intimidation  qui  conduisent  à  compliquer,  sans  cause  
légitime,  voire  à  interdire  l’accès  à  des  ressources  culturelles  communes. » Le rapport
Lescure183 avait adopté une position similaire en 2013, en suggérant « de renforcer la
protection  du  domaine  public  dans  l’univers  numérique  et  d’établir  dans  le  code  de  la  
propriété intellectuelle une définition positive du domaine public. »
La numérisation des contenus culturels du domaine public, détenus par les
établissements   publics,   ne   peut   conduire   à   l’imposition   de   nouvelles   limitations   à  
l’usage   des   œuvres   (cf. copyfraud184).   Il   s’agit   d’un   travail   porté   par   la   puissance  
publique  et  non  d’un acte créatif.
Par ailleurs, les données publiques produites par les institutions culturelles
(ex :   métadonnées   sur   les   œuvres,   statistiques   de   fréquentation…)   devraient
rejoindre le régime général des données publiques.
Disposer   d’une   définition   positive du domaine public présente plusieurs
intérêts :
Alors   que   le   domaine   public   immatériel   est   menacé   par   l’évolution   du   droit  
(extension des durées et des champs de la propriété intellectuelle) et des tech-
niques (DRM185,  dépendance  des  œuvres  à  leur  plateforme de diffusion), cela
permettrait  de  garantir  le  maintien  de  l’usage  collectif ;
Cela favoriserait le travail des acteurs du service public dans la prise de déci-
sion concernant le patrimoine dont ils ont la charge ;
182 http://static.pcinpact.com/medias/rappport-oeuvres-transformatives.pdf
183
http://www.culturecommunication.gouv.fr/var/culture/storage/culture_mag/rapport_lescure/
index.htm#/1
184 La  “copyfraud”  est  une  fausse  déclaration  de  possession  de  droit  d'auteur  faite  dans  le  but  
d'acquérir  le  contrôle  d'une  œuvre  quelconque.
185 Le digital rights management (DRM), ou la gestion numérique des droits (GND) désignent
des dispositifs  techniques  destinés  à  contrôler  l'utilisation  qui  est  faite  des  œuvres numériques.
Ces dispositifs peuvent s'appliquer à tous types de supports numériques physiques (disques,
DVD, Blu-ray, logiciels, etc.) ou de transmission (télédiffusion, services Internet, etc.).
BIENS COMMUNS ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 279
Les cas de copyfraud et en particulier  de  réappropriation  indue  d’œuvres  ap-
partenant au domaine public seraient plus facilement identifiables ;
Un débat national portant sur cette définition positive du domaine public
permettrait   de   définir   collectivement   les   différentes   formes   d’entrée   dans le
domaine public :  extinction  de  la  durée  d’exclusivité,  nature  des  travaux  intel-
lectuels concernés (ex :  théorèmes…)  ou  de  la  décision  des  auteurs  de  placer  
leurs  œuvres  sous  des  licences  ouvertes.
Une définition positive du domaine public favoriserait sans doute un alignement des
textes avec la pratique du droit. En tout état de cause, l'application faite par les juges
du droit va dans le sens de la défense du domaine public contre des tentatives de
réappropriations  frauduleuses  détournant  l’essence  et  le fondement même des droits
d’auteur.
En parallèle, le CNNum recommande de mettre en place et de développer des outils
maintenus collectivement par la puissance publique avec la participation des individus
intéressés,  permettant  de  déterminer  le  statut  d’une  œuvre,  à  l’instar  du  Calculateur  
du  domaine  public  initié  par  l’Open  Knowledge  Foundation  France  et  le  ministère  de  
la Culture et de la Communication (http://calculateurdomainepublic.fr/) ou encore du
répertoire de la SACEM (http://www.sacem.fr/oeuvres/oeuvre/index.do).
53. Faire de la publication ouverte une obligation légale
pour la recherche bénéficiant de fonds publics
L’information  scientifique   produite  par  les  chercheurs  des  universités et organismes
de recherche constitue une part fondamentale du patrimoine scientifique commun de
l’humanité.   Cette   information,   dont   la   communication   et   l’accessibilité   sont   une  
condition   vitale   de   l’activité   de   recherche,   est   aujourd’hui   publiée   dans   des revues
scientifiques spécialisées qui coûtent des dizaines de millions d'euros aux institutions
de recherche françaises et dont le prix d'accès augmente de près de 7 % par an depuis
10 ans186.
La conservation et la diffusion des résultats de la recherche sont des missions de
service public. Un mouvement de publication ouverte existe déjà via les entrepôts
d’archive  ouverte  des  universités  et  organismes,  ou  via  la  plateforme  HAL.  Aujourd’hui  
un   cadre   législatif   adapté   permettrait   d’encourager   ce   mouvement   amorcé par des
membres de la communauté scientifique.
La loi française doit prévoir que :
186 Académie des sciences - Les  nouveaux  enjeux  de  l’édition  scientifique - Octobre
2014. http://www.academie-sciences.fr/presse/communique/rads_241014.pdf
BIENS COMMUNS ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique280
la   version   de   l’auteur   déposée   dans   une   archive   institutionnelle  
reste en accès libre, quelles que soient les suites éditoriales données à ces
travaux  (à  l’image  du  “droit  d’exploitation  secondaire”  reconnu  dans  la  loi  al-
lemande) ;
après   un   court  délai   d’embargo  permettant  l’activité  commerciale  
de   l’éditeur,   toutes   les   publications   scientifiques   financées   sur  
fonds publics doivent être librement accessibles, soit dans des revues
ouvertes  soit  dans  un  dépôt  institutionnel  (à  l’instar  des  lois  votées  en  Alle-
magne, Italie et du programme Horizon 2020 de la commission européenne).
Enfin, le CNNum encourage les chercheurs à mettre en accès libre des
données brutes et anonymisées de la recherche à chaque fois que cela ne se
heurte pas à des questions déontologiques ou de vie privée.
SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 281
Société numérique
inclusive
Plus   d’un   an   après   le   rapport   du   Conseil   national du numérique sur
l’inclusion,   “Citoyens   d’une   société   numérique”187, les idées développées
ont  fait  leur  chemin.  Beaucoup  d’entre  elles  sont  issues  des  pratiques  des  
acteurs de la médiation. Le CNNum avait insisté sur la nécessité de ne pas aborder
les enjeux de l'accès au numérique uniquement par le prisme de l'idée de fracture
numérique, réductrice par rapport à l'ampleur des enjeux. Face au numérique, chacun
est "à risque" puisque tout le monde est mis en situation d'apprentissage permanent.
Ces enjeux   appellent   une   ambition   d'ensemble   s’ajoutant   aux   efforts   particuliers  
indispensables vis-à-vis des publics éloignés du numérique, des problématiques
d'équipement   et   de   couverture   du   territoire.   Les   questions   d’accès   et   d’équipement  
sont  aujourd’hui  perçues comme la partie émergée de problèmes plus profonds, qui ne
concernent   pas   uniquement   les   personnes   éloignées   du   numérique.   Aujourd’hui  
chacun   comprend   que   l’action   à   mener   se   trouve   au   niveau   des   usages,   de  
l’appropriation   d’un   pouvoir   d’agir   augmenté   par   le   numérique.   L’ambition   doit   se  
situer au niveau de la compréhension par chacun de la révolution numérique en cours
et de la construction de nouvelles formes de sociabilité et de solidarité.
Une certitude partagée a émergé de la concertation : la médiation est
incontournable. Les besoins d'accompagnement au numérique concernent déjà
tous les contextes : entreprise, administration, famille, école, associations… Les
besoins de médiation apparaissent aussi dans tout ce qui a trait à la mise en œuvre des
services publics. La médiation ne peut plus être conçue comme une fonction "de
rattrapage”.  À l’heure  de  la  dématérialisation,  du  pouvoir  croissant  des  machines  et  
de la désintermédiation des secteurs traditionnels par des plateformes et des services
toujours plus influents, son importance s'accroît en tant que besoin social. Elle est au
cœur   de   la   métamorphose   numérique   de   la   société :   les   citoyens   ont   besoin   d’être  
accompagnés dans cette transition qui touche notre façon de travailler, de nous
soigner,   d’apprendre,   de   nous   déplacer,   de   produire,   de   créer,   de   partager.   Ils   ont  
besoin  d’en  comprendre  les  codes  et  d’identifier  les  leviers  vecteurs  de  pouvoir  d’agir.  
Les   contributeurs   ont   eux   aussi   mis   l’accent   sur   ce   besoin   d’investir  
réellement dans la diffusion de la culture numérique à tous les niveaux, y
187 http://www.cnnumerique.fr/inclusion/
SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique282
compris chez les décideurs publics et privés ;;   c’est-à-dire investir dans la littératie
numérique188.   Ils   ont   aussi   souligné   la   myriade   d’initiatives   existantes   sur   les  
territoires, qui restent souvent trop peu visibles et isolées les unes des autres. Se
posent  dès  lors  des  questions  d’organisation,  de  la  mutualisation  des  initiatives  et  de  
leur  passage  à  l’échelle.  Comment  les  pérenniser  dans  le  temps,  soutenir  les  acteurs  
qui les portent tout en encourageant  l’implication  d’un  plus  grand  nombre  d’acteurs,  y  
compris en dehors du spectre traditionnel de la médiation ?
Dans  la  lignée  de  son  rapport  “Citoyens  d’une  société  numérique”  et  compte  tenu  du  
contexte et des avancées en cours, le Conseil estime   que   l’action   prioritaire   doit  
consister à :
54. Valoriser et structurer les métiers de la médiation numérique
L’activité   de   médiation   est   trop   souvent   comprise   comme   une   fonction   sociale  
transitoire, amenée à prendre de moins en moins de place au fil de  l’amélioration  des  
services  (simplification,  réactivité,  ergonomie…),  de  la  montée  en  compétences  et  de  
l’autonomisation   des   citoyens.   Or   les   évolutions   des   technologies,   des   usages,   des  
services nous montrent le besoin croissant et de plus en plus diversifié
d’accompagnement  des  citoyens  face  à  cette  révolution  numérique  qui  bouleverse  les  
codes,  la  façon  de  recevoir  et  d’acquérir  l’information,  et  de  coopérer.  L’installation  de  
médiations  durables  qui  s’appuient  sur  le  numérique  est  aujourd’hui  plus  que jamais,
une exigence.
La   diversification   et   l’intensification   des   besoins   de   médiation   numérique   sont  
proportionnelles à celles des usages numériques.
Le  CNNum  recommande  d’adresser  ces  besoins  par  une  action  centrée  sur  
quatre volets prioritaires :
Reconnaître et pérenniser les métiers de la médiation numérique sous
toutes ses formes et sur l’ensemble du territoire :
La fonction de médiateur est insuffisamment reconnue sur le plan
professionnel. La médiation numérique demande des compétences spéci-
fiques : accompagnement   et   attentions   aux   personnes,   capacités   d’initiative,  
capacité  à  susciter  l’intérêt,  savoirs  faires  pédagogiques…  Sa  valorisation  pour-
ra   s’appuyer   sur   la   création   d’une   fiche   métier   et   d’un   code   ROME  
188 L'OCDE définit la littératie comme « l'aptitude à comprendre et à utiliser le numérique dans
la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité  en  vue  d’atteindre  des  buts  person-
nels  et  d’étendre  ses  compétences  et  capacités  ».  (OCDE,  «  La  littératie  à  l'ère  de  l'information  »,  
2000, http://www.oecd.org/fr/Éducation/etudespays/39438013.pdf)
SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 283
(Répertoire Opérationnel des Métiers et des Emplois), voire
l’intégration  d’une  spécificité  métier  de  médiateur  numérique  dans  
les filières et les concours de la fonction publique territoriale. Qui
dit nouveau métier, dit aussi création  d’un  référentiel  de  certification  
propre à la médiation numérique en formation initiale et continue.
Cette filière de formation pourrait être conçue avec des dispositifs de compa-
gnonnage au sein des Espaces publics numériques (EPN), des services publics
et des tiers lieux ;
Les travailleurs sociaux se retrouvent souvent en première ligne
pour répondre à la demande croissante de médiation numérique.
Or, ceux-ci ne sont ni formés à la médiation numérique, ni toujours utilisa-
teurs  du  numérique  dans  l’exercice  quotidien  de  leurs  métiers  où  la  priorité  est  
donnée   à   l’accompagnement individuel. La dématérialisation des services
amène   pourtant   de   nouvelles   problématiques   d’accès   aux   droits   sociaux.   Il  
faut  reconnaître  et  valoriser  l’importance  de  la  médiation  numérique  dans  les  
métiers  des  travailleurs  sociaux,  en  l’intégrant dans leur formation initiale et
en assurant la formation des travailleurs sociaux déjà en poste. Il est égale-
ment  important  d’inciter  et  d’outiller  le  travail  en  réseau,  l’échange  de  bonnes  
pratiques  entre  acteurs  du  tissu  associatif  et  de  l’action  sociale, et le dévelop-
pement des pratiques collaboratives.
Pour aller au bout de la démarche, de nombreux contributeurs proposent de constituer
une  filière  métier  à  part  entière,  avec  la  mise  en  place  d’une  convention  collective  de  la  
médiation numérique. Mais les besoins en médiation numérique sont extrêmement
variés.  Chacun  reconnaît  en  effet  qu’une  approche  “one size fits all”  est  irréaliste.  C’est  
pourquoi   le   CNNum   recommande   de   préserver   des   portes   d’entrée   diverses   à   la  
fonction et aux lieux de médiation numérique.
Un socle commun de compétences, déclinées dans la diversité des
contextes pour une intégration plus globale et diffuse des fonctions
de médiation dans la société :
-­‐ Définir un socle commun de compétences des médiateurs du
numérique. Celles-ci devront évoluer, avec le développement des
usages et des technologies, et être une base de la formation
initiale et continue des médiateurs. Il pourra aussi être intégré à
différents niveaux (sensibilisation, capacité à, etc.) dans les
formations des acteurs du service public ;
-­‐ Décliner et enrichir les référentiels de compétences pour prendre
en compte la diversité des métiers concernés (travailleurs sociaux,
services  publics,  acteurs  associatifs,  formation  continue…) ;
SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique284
-­‐ Mettre en place des référents de la médiation numérique dans les
services publics locaux.
Cette valorisation des profils de la médiation ne pourra se faire
sans   un   travail   d’attractivité   sur   ces   métiers, le plus souvent exercés
aujourd’hui  par  des  acteurs  eux-mêmes en situation précaire :
-­‐ Élargir les champs de la médiation à de nouveaux secteurs,
notamment du côté des TPE et PME qui ont besoin
d’accompagnement  pour  leur  transformation  digitale,  en  lien  avec  
les  chambres  de  commerce  et  d’industrie ;
-­‐ Valoriser les profils de la médiation par des campagnes nationales
de communication (TV locales et nationales, PQR, presse
générale), des assises nationales et régionales de la médiation
numérique   et   par   l’organisation   de   rencontres   et   d’événements  
locaux, donnant à voir les innovations du territoire.
Une mise en réseau des lieux et initiatives de la médiation :
À l’image   des   écosystèmes   FrenchTech   qui   ont   su   regrouper   l’ensemble   des   acteurs  
concernés   par   l’entrepreneuriat   numérique,   il   s’agit   ici   d’identifier,   de   faire   se  
rencontrer, les acteurs de la médiation numérique pour développer les réseaux
coopératifs territoriaux, facteur de mutualisation et de diffusion.
Le CNNum recommande une organisation de ces lieux autour de quatre principes :
Établir  un  état  des  lieux  de  l’existant : si les EPN (Espaces publics numé-
riques) sont un élément structurant de la médiation numérique, celle-ci  s’est  
aujourd’hui   largement   diversifiée.   Il   importe   donc   d’en   établir   l’inventaire  
dans la diversité des lieux et métiers. En établissant une cartographie, la col-
lectivité locale rend accessible aux habitants des lieux de médiation qu’ils  ne  
connaissent pas forcément ;
Élargir la médiation numérique à des lieux à proximité des habi-
tants : on ne peut pas attendre que des personnes non sensibilisées à
l’importance  du  numérique  se  déplacent  jusqu’à  des  EPN.  La  médiation  nu-
mérique concerne aujourd’hui  toute  une  série  de  services  publics  et  de  lieux  
associatifs  (bureaux  de  poste,  équipements  de  quartiers,  bibliothèques…)  qui  
peuvent   aussi   accompagner   les   habitants   dans   la   recherche   d’informations,  
l’accès  aux  services  publics  et  l’usage  d’un ordinateur ;
Miser sur la mobilité : en milieu rural, les tiers-lieux et les EPN mobiles
(notamment   avec   les   bus)   permettent   un   maillage   territorial   de   l’inclusion  
numérique à proximité des habitants, dans une dimension intercommunale ;
SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 285
Organiser des réseaux coopératifs territoriaux des acteurs de la
médiation numérique : le  développement  d’un  écosystème  de  la  médiation  
numérique passe par un travail en réseau où les acteurs se connaissent, se
rencontrent,   s’épaulent   dans   une   dynamique   qui   favorise   la   diffusion de la
médiation en proximité et dans la diversité des lieux concernés.
UNE PLATEFORME INTERACTIVE
DE L’OFFRE EN MEDIATION NUMERIQUE
Il s’agit de mettre en œuvre une plateforme dédiée au réseau national de la
médiation numérique, comprenant une part d’évaluation par les usagers eux-
mêmes; pour faciliter la visibilité des acteurs leur mise en relation, et l’accès à
ces services pour les collectivités demandeuses.
Ce projet de portail de la médiation numérique ou “Tripadvisor de la médiation
numérique” est actuellement en cours d’étude à la DUI (Délégation aux usages
de l’Internet) suite à la consultation nationale sur la médiation numérique dans
les territoires lancée par Axelle Lemaire.
EN REGION PACA, L’ASSOCIATION REGIONALE DE
SOUTIEN AUX ESPACES NUMERIQUES DE
L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION (ARSENIC)
Le sigle ERIC -­‐ Espaces Régionaux Internet Citoyen -­‐ désigne le label des EPN
de la région PACA en même temps qu’un programme qui vise à
l’accompagnement pour l’appropriation des usages Internet et multimédia par
la population locale. Il a été initié en 2001 en partenariat avec l’Union
européenne (FEDER), la préfecture de région et la Caisse des dépôts. Le
programme se matérialise par la création du réseau des 150 ERIC, lieux de
proximité fixes ou itinérants, ouverts à tous les citoyens.
Les actions menées recouvrent des démarches d’accompagnement de
l’expression citoyenne (Web TV participative, Web magazine, sites Web
collaboratifs, rencontres-­‐débats), de lien social en zone rurale (site participatif
intergénérationnel, espaces multimédias ambulants), de services aux
personnes en situation de handicap, d’appui aux acteurs de l’insertion, de
l’emploi et de la formation (ateliers, découverte des métiers),
d’accompagnement aux TPE et artisans (formations) ou de création artistique
et culturelle (initiations retouche image, production vidéo, audio, etc.).
L’Association Régionale de Soutien aux Espaces Numériques de l’Information
et de la Communication -­‐ ARSENIC -­‐ fédère les acteurs de la médiation
numérique en région PACA, représentés majoritairement par les 150 ERIC.
Créée en 2009, elle poursuit un objectif de valorisation et de
professionnalisation des médiateurs et d’adaptation à la mutation des besoins
socio-économiques et culturels.
Elle met en place des rencontres professionnelles entre médiateurs, acteurs de
l’économie sociale et solidaire, de la culture ou de la formation pour l’échange
de bonnes pratiques. Son projet phare est l’organisation annuelle des REUNIC,
rencontres ouvertes à tous, autour de thématiques telles que l’innovation
sociale et les tiers lieux.
SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique286
Renforcer le modèle économique des Espaces publics numériques (EPN)
et des lieux de médiation :
Aujourd’hui  de  nombreux  EPN  ont  une  existence  précaire.  Trop  souvent,  les  moyens  
humains  et  matériels  dépendent  d’appels  à   projets   incertains  et  coûteux  en  énergie.  
Dans les services publics et associations assurant une médiation numérique, cette
fonction  est  fragilisée  par  les  contraintes  budgétaires  et  d’emploi.
Le CNNum préconise de :
Inciter les collectivités locales à définir une politique cohérente des médiations
numériques de leur territoire ;
Rémunérer  les  médiations  numériques  liées  à  l’accès  aux  services  
publics (Pôle  Emploi…)  et  à  la  formation  (visa  Internet,  badge…) :  lorsqu’un  
demandeur   d’emploi   est   accompagné   par   un   EPN   pour   l’accès   aux   offres  
d’emploi  sur  Internet  ou  la  rédaction  de  CV,  l’EPN  doit  pouvoir  être  rémunéré  
pour cet accompagnement. Lorsqu'un habitant valide un certificat de compé-
tences dans un EPN, la structure assure une mission de formation qui doit être
rémunérée ;
Attribuer  la  Reconnaissance  d’Utilité  Publique aux structures associa-
tives de médiation numérique afin de permettre aux particuliers de bénéficier
de déductions fiscales sur leurs dons à ces associations ;
Inciter   les   entreprises   à   s’engager   dans   la   médiation   numérique :
créer des partenariats pour que les salariés qui en ont la volonté et les compé-
tences  puissent  dédier  une  partie  de  leur  temps  à  l’aide  à  ces  structures.  Les  
entreprises   pourraient   par   exemple   s’inspirer   des   dispositifs   adoptés   par   les  
entreprises aux États-Unis   et   au   Canada   autour   du   “bénévolat appuyé par
l’employeur”   (ex : heures de travail souples, congé rémunéré, permission
d’utiliser  les  installations  ou  l’équipement  etc.).
55. Développer la médiation numérique dans les services
publics locaux
Malgré une offre de services publics numériques jugée très satisfaisante, seulement
29 % des Français déclarent privilégier internet pour réaliser leurs démarches
administratives contre 34 % en 2013189. Les raisons sont multiples (méconnaissance,
impossibilité technique, incompréhension de la démarche jugée trop compliquée,
189 http://www.bva.fr/data/sondage/sondage_fiche/1556/fichier_almerys_-
_presentation_-_les_francais_et_la_confiance_numerique_-
_16_juin_201455ab6.pdf
SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 287
informations   incomplètes   et   besoin   d’un   interlocuteur   humain…).   Ces   chiffres  
montrent  que  les  efforts  accomplis  en  termes  de  dématérialisation,  d’ergonomie,  et  de  
design  ne  peuvent  se  passer  d’une  médiation  numérique.  Sans  cette  médiation, émerge
le  risque  d’assister  à  la  création  de  nouvelles  inégalités  selon  les  habilités  numériques  
des uns et des autres, avec un risque de non-recours aux droits et services.
Face à ce constat, le CNNum préconise une action concentrée sur 4 axes :
Généraliser la médiation numérique dans l’ensemble des services publics
et en particulier :
Intégrer la médiation numérique dans les missions des services publics lo-
caux ;
S’assurer  des  capacités  effectives  de  médiation  numérique  en  faveur  des  ac-
teurs locaux pour accompagner la dématérialisation de services publics.
Intégrer les usagers dans un processus de co-construction des services
publics avec un double objectif d'amélioration des services et de
formation par la participation :
Par   exemple,   l’appel   à   la   participation des citoyens à des activités de cartographie
collective, à des open labs et hackathons a  aussi  pour  vertu  de  les  inciter  à  s’approprier  
ces   nouveaux   usages   tout   en   contribuant   à   l’amélioration   et   la   construction   de  
nouveaux services publics.
Ces réflexions sont spécifiquement traitées dans le volet 3 du présent rapport sur la
transformation  numérique  de  l’action  publique.
Favoriser la création d’un réseau d’innovation territoriale dans les
services de proximité :
Encourager la coopération entre les services publics et les acteurs de la
société civile qui couvrent des besoins en médiation numérique sur la prise
en main des services dématérialisés (impôts, CAF,…).
ECHOS DANS
LA CONCERTATION
Certains contributeurs proposent de créer une plateforme d’entraide
numérique directement entre pairs et de généraliser la possibilité de partage
d’écran pour l’accompagnement à distance des citoyens ayant des difficultés
de prise en main d’un service public numérisé (collectivités, pôle emploi,...).
SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique288
S’INSPIRER
L’association Emmaüs Connect qui travaille en partenariat avec la CAF du
département de Seine-Saint-Denis pour accompagner plus d’un millier de
personnes par an dans l’appropriation des services par Internet de cette
administration.
L’ADRETS (Association pour le développement en réseau des territoires et des
services) chargée de développer le réseau des points d’accueil de proximité
dans les Alpes du Sud, a développé les « visio-rendez-vous » qui consistent à
équiper des lieux d’accueil de matériels de visioconférence pour mettre en
relation les usagers en zone isolée avec un service public en milieu urbain. Ce
dispositif est pensé de manière à ce que l’usager et l’agent puissent réaliser
l’intégralité des démarches lors de cet entretien à distance. Dans le cadre de
l’opération « + de services », le conseil général des Hautes-Alpes a équipé 25
points de contacts conventionnés avec une vingtaine de services publics.
Expérimenter   de   nouvelles   formes   d’engagement   des   acteurs   privés   ou  
semi-publics dans une dynamique de projet territorial autour de la
médiation numérique.
En  particulier,  ces  projets  menés  à  l’échelle  territoriale  pourraient  s’appuyer  
sur les services de proximité, les ressources disponibles, les infrastructures à
disposition et fréquentées par le public (les bureaux de poste, les gares et gui-
chets SNCF, les hôpitaux,…) ;
La  réflexion  doit  également  être  engagée  sur  l’apport  des  services  innovants  
(startups…)  au  réseau  de  la  médiation.  Un  exemple  probant : alors que seuls
17 % des demandeurs   d’emploi   sont   inclus   dans   la   CVthèque   de   Pôle   Em-
ploi190,  une  myriade  de  startups  est  positionnée  sur  l’emploi  et  l’agrégation  de  
profils à partir des réseaux sociaux, etc. Des interactions sont à inventer.
LA POSTE, NOUVEL ACTEUR
DE LA MEDIATION NUMERIQUE
En février 2015, La Poste a annoncé son projet de transformer certains bureaux
de poste en « maisons de services au public » et de les ouvrir à des opérateurs
et à des collectivités pour créer des synergies avec d’autres services tels que
EDF, la CAF, Pôle emploi… Le rapport du député socialiste du Lot Jean Launay
à l’origine de cette proposition rappelle le formidable maillage territorial des
bureaux de poste, qui grâce à ses 17 052 points de contact, permet à 96,7 % de
la population de se trouver à moins de 5 kilomètres en voiture ou à moins de
vingt minutes d'un bureau de poste. Cet atout de proximité, combiné à la mise
à disposition d'équipements connectés et d’un accompagnement humain
qualifié, permettrait une avancée importante sur le plan de la médiation
numérique de proximité dans les services publics.
190 http://www.latribune.fr/technos-medias/20141107trib7b70da14b/la-
transformation-numerique-presente-plus-d-opportunites-que-de-risques-pour-la-
france-philippe-lemoine.html
SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 289
56. Faire de l’accès à Internet et ses ressources essentielles
un droit effectif
Alors   que   l’étude   annuelle   sur   les   pratiques   des   Français   sur   Internet   publiée   par  
Médiamétrie le 25 février dernier donne à voir une société « ultraconnectée », avec
82,6 % des foyers connectés à Internet et une tendance croissante pour le multi-
écrans191,  la  question  de  l’accès  n’en  reste  pas  moins  prégnante.  Comme  l’ont  souligné  
une majorité de contributeurs,  l’accès  à  un  réseau  et  à  un  équipement  de  bonne  qualité  
(vitesse, robustesse, sécurité,…)  est  loin  d’être  un  acquis  pour  tous,  en  particulier  dans  
les   territoires   en   zone   blanche.   Le   même   constat   s’impose   quant   aux   usages   et   à  
l’accessibilité  des  ressources et des services.
Compte   tenu   que   l’accès   à   Internet   a   été   considéré   comme   un   droit   fondamental  
découlant   de   la   liberté   d’expression   et   de   communication192, le CNNum souhaite
mettre  l’accent  sur  les  points  suivants  pour  assurer  l'effectivité  de  ce  droit :
Assurer la couverture du territoire en THD par une politique volontariste :
La couverture équitable du territoire en Très Haut Débit (THD)193 fait depuis
longtemps   l’objet   de   travaux,   missions   et   programmes   ad hoc194, tant au niveau de
l’État  qu’à  celui des collectivités territoriales. Le problème a été plusieurs fois soulevé
par  les  contributeurs  lors  de  la  concertation.  Le  CNNum  souscrit  à  l’objectif  affiché  par  
le Gouvernement (100 % des foyers accédant au très haut débit fixe en 2022 et 50 % en
2017, une couverture 3G complète du territoire) et insiste pour que les ressources
mobilisées soient à la hauteur.
La couverture THD du territoire est un enjeu d’inclusion   à   plusieurs  
titres :
économique :  il  est  difficile  de  “fixer”  une  entreprise  (et  un  travailleur) sur
son territoire sans lui proposer une connectivité de bon niveau ;
191 Médiamétrie, 2014 http://www.mediametrie.fr/internet/communiques/l-annee-
internet-2014-d-ecrans-de-contenus-d-interactivite-de-complementarite-entre-
ecrans.php?id=1213
192 Conseil Constitutionnel, Décision n° 2009-­‐580 DC du 10 juin 2009
193 La notion de « très haut débit » est relative dans la mesure où les technologies évoluent.
Néanmoins, conformément à la règlementation européenne, le très haut débit est défini par le
Plan France Très Haut Débit comme celui supérieur à 30 mégabits par seconde.
194 La   mise   en   place   de   la   “Mission   Très   Haut   Débit”   par   le   Gouvernement   avait   conduit   à  
l’instruction  et  l’analyse  de  différentes  options  ainsi  qu’une  vaste  concertation  avec  les  acteurs  
intéressés.  Le  cahier  des  charges  du  Plan  France  Très  Haut  Débit  dispose  également  qu’un  “Co-
mité de   concertation   France   Très   haut   débit”,   consulté   par   le   Commissariat   général   à  
l’investissement,  puissent  auditionner  les  collectivités  territoriales.
SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique290
social :  en  termes  d’égalité,   mais  aussi  de   qualité  des  services  essentiels   en  
matière  de  santé,  d’éducation,  etc.
Toutefois,  comme  l’a  indiqué  le  CNNum  dans  le  rapport  “Citoyens  d’une  société  numé-
rique”,  la  fécondité  économique  et  sociale  du  déploiement  du  THD  fixe  et  mobile  ne  se  
démontrera pleinement que si celui-ci  s’accompagne  d’un  effort  délibéré  en  matière  de  
“littératie  numérique”,  d’inclusion  et  d’innovation  sociale appuyés sur le numérique.
Engager un plan d’action ambitieux pour l’accessibilité des services en
ligne, sur la base d’une démarche transparente :
Faire  de  l’accessibilité  des  sites  et  des  APIs  une  obligation :
-­‐ Rendre 100 % des sites publics accessibles comme cela est
mentionné   par   l’article   47   de   la   loi   du   11   février   2005195 - et en
faire une priorité196 ;
-­‐ Étendre  le  référentiel  général  d’accessibilité  aux  services  mobiles  
publics (applications mobiles et sites en version mobile) ;
-­‐ Faire évoluer la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la
liberté de communication pour étendre les obligations de sous-
titrage pour les personnes sourdes ou/ malentendantes et
d’audio-description aux éléments diffusés sur le web par le biais
des plateformes de replay ou de vidéos à la demande, aux
contenus diffusés en direct sur le web, aux productions
spécifiques destinées à être diffusées uniquement sur le web. Le
traitement des plaintes relatives à ces éléments pourrait être géré
de  manière  conjointe  entre  le  CSA,  l’ARCEP et la future Agence du
Numérique.   Le   CSA   et   l’ARCEP   pourraient   publier   de   manière  
annuelle  l’état  de  la  prise  en  compte  de  ces  nouvelles  obligations  
par les chaînes et diffuseurs de contenu vidéo sur le web et le
mobile.
Intégrer des objectifs chiffrés   concernant   l’accessibilité   des   ser-
vices en ligne dans le cadre de la loi NOTRe (Nouvelle organisation ter-
ritoriale de la République). Définir et publier des objectifs pluriannuels, et
rendre  accessibles  et  commentables  les  résultats  de  l’évaluation ;
Intégrer  les  questions  d’accessibilité  dans  les  cursus  de  formation  
initiale des agents de la fonction publique en charge de la conception et
du déploiement de services publics numériques ;
195 Article  47  de  la  loi  du  11  février  2005  pour  l’égalité  des  droits  et  des  chances,  la  participation  
et la citoyenneté des personnes handicapées et la ratification par la France de la Convention des
Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées
196 En  mai  2014,  l’association  Braille  Net  indiquait  que  moins  de  4  %  des  sites  publics  respec-
taient le  référentiel  général  d’accessibilité  des  sites.
SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 291
Créer un fonds de recherche et développement pour le développe-
ment de solutions techniques adaptées à tous.  La  création  d’un  baro-
mètre  de  l’accessibilité  numérique,  tel  qu’il  existe  déjà  pour  l’accessibilité,  an-
nualisé et rythmé par des remises de trophées pourrait contribuer à donner de
la visibilité à ces avancées ;
Étendre  les  dispositifs  incitatifs  sous  la  forme  de  crédit  d’impôts  ou  de  prêts  
aux  entreprises  privées  sur  l’accessibilité  des  bâtiments  à  l’accessibilité  numé-
rique (services intranet, etc.).
S’assurer de l’accès à l’équipement et aux services essentiels pour tous :
Mettre en place une obligation de réemploi (dons, reventes, ...) du
matériel amorti et déclassé des organisations - publiques ou pri-
vées.
ORDI 2.0
Ordi 2.0 est une filière de collecte et de rénovation de matériel informatique à
coût réduit, destinée à des publics défavorisés. Elle associe une chaîne
d’acteurs : entreprises donatrices, collectivités, structures de
reconditionnement, et organismes de réinsertion sociale et professionnelle (la
DUI estime à environ 100 000 le nombre d’ordinateurs redistribués chaque
année dans cette filière).
En savoir plus : http://ordi2-0.fr/
Développer  l’offre  sociale  pour  les  abonnements  Internet
À KEROURIEN, INTERNET POUR
TOUS EN HABITAT SOCIAL
Le quartier de Kerourien (Brest) fait l’objet du programme “Internet de quartier”
qui recouvre des actions de type accompagnement scolaire, services publics
en ligne, recherche d’emploi, incitation à l’utilisation des outils multimédias ou
de logiciels libres. Parmi les actions prioritaires de ce programme, la mise en
œuvre d’une solution mutualisée d’accès triple Play à faible coût pour l’habitat
social, qui se concrétise par la prise en charge en totalité par la collectivité
durant la période d’expérimentation de neuf mois, puis facturation à l’habitant
au prix de 1 € par mois à partir de 2011. Un projet de rénovation d’ordinateurs
pour l’équipement des foyers est aussi à l’étude.
Poursuivre  une  politique  ciblée   de  soutien   à  l’accès  à  l’internet et
d’accompagnement  des  usages  (formation,  soutien…)  par  la  média-
tion numérique (cf. supra).
Créer un trousseau numérique mis à disposition de tous les ci-
toyens, tel que prévu dans le deuxième volet du présent rapport.
SYSTÈMES DE SOLIDARITÉS
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique292
Systèmes
de solidarités
Attention : Les questions relatives au lien entre numérique, travail et emploi faisant l’objet d’une
saisine ad hoc du Ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue
social197
, le Conseil national du numérique ne proposera pas ici de recommandations sur ce sujet.
Une partie du troisième chapitre du présent rapport, issue des consultations du thème « Croissance,
innovation, disruption », formule néanmoins des recommandations sur une adaptation du dialogue
social et de la gouvernance des entreprises aux enjeux numériques.
La suite de ce document se concentrera par conséquent sur les transformations des systèmes de
solidarités et du “modèle social français”. Compte tenu de l’ampleur du sujet et du faible nombre de
contributions reçues sur ce sujet, les orientations qui suivent doivent être considérées comme un
point de départ qui mériterait d’autres développements.
Par ailleurs, les contributions des participants à la concertation portant sur le travail et l’emploi sont
bien intégrées à la synthèse dédiée disponible en ligne ; elles contribueront également à nourrir la
réflexion que le CNNum engagera à la suite de la saisine dont il est l’objet.
Les effets de la transformation numérique toucheront toute la société, à commencer
naturellement par le travail et nos systèmes sociaux.
Du   point   de   vue   de   l’emploi,   le   numérique   outille   d’abord   une   nouvelle   vague  
d’automatisation   qui   touche   désormais   les   emplois   de   service, de relation et de
conception.  Il  est  à  la  source  d’une  transformation  rapide  et  probablement  continue  
des  métiers.  Enfin,  il  contribue  à  un  raccourcissement  général  des  cycles  d’emploi  au  
détriment des contrats de travail longs (voire à durée indéterminée) et au profit de
statuts  temporaires,  “intermittents”,  “auto-entrepreneurs”  ou  plus  informels  encore,  
comme  le  travail  “gratuit”  des  internautes  sur  les  grandes  plateformes  du  Net.
Du point de vue du travail, le numérique produit au quotidien une tension de plus
en  plus  forte  entre,  d’un  côté,  un  mouvement  de  rationalisation,  de  contrôle,  voire  de  
“prolétarisation”   de   certains   postes   devenus   simples   terminaisons   du   système  
d’information ;;   et   de   l’autre,   une   demande   managériale   d’engagement,   d’autonomie,  
de réactivité et de disponibilité. Cette contradiction se renforce par le fait que les
individus  apportent  également  dans  l’entreprise  leurs  pratiques  et  même  leurs  outils,  
gagnant   ainsi   de   nouvelles   capacités   d’action,   d’organisation,   d’autodétermination.
197 Lien vers la saisine: http://www.cnnumerique.fr/wp-content/uploads/2012/02/saisine-
travail.pdf
SYSTÈMES DE SOLIDARITÉS
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 293
Dans leurs itinéraires professionnels, enfin, les individus sont de plus en plus en
situation  d’être  seuls  responsables  d’entretenir  et  développer  leurs  compétences,  leur  
capital  social  et  leur  “employabilité”  - une responsabilité que certains vivent comme
une libération et beaucoup comme une précarité que les récents progrès en matière de
“sécurisation des parcours professionnels”  n’atténuent  qu’à  peine.
Le  travail  et  les  revenus  qu’il  procure  forment,  dans  une  large  mesure,  le  fondement  du  
“modèle social français”.   Leurs transformations invitent par conséquent à
repenser  tout  ou  partie  dudit  modèle,  que  d’autres  tendances  mettent  également  sous  
tension : la situation économique et celle des finances publiques, la démographie, la
montée des inégalités, la fragilité du lien social, la prévalence des maladies chroniques
et le coût des nouvelles thérapies, etc.
Mais le numérique a également des effets propres sur nos systèmes sociaux, qui sont
au moins de trois ordres :
Des  effets  “gestionnaires”,  liés  à  l’informatisation massive (et né-
cessaire) de ces systèmes.  D’un  côté,  ces  systèmes  sont  devenus  plus  effi-
caces, avec parfois des réussites spectaculaires comme la dématérialisation des
échanges en matière de santé ou la reconstitution de carrière en vue du calcul
de  la  retraite.  De  l’autre,  la  numérisation  des  canaux  a  accompagné  la  réduc-
tion  des  points  de  contact  physiques,  créant  de  nouveaux  facteurs  d’inégalité  
allant,  pour  certains  individus,  jusqu’à  aggraver  le  phénomène  déjà  préoccu-
pant de non-recours aux droits sociaux.
Un   début   d’évolution   vers   plus   de   personnalisation et la prise en
compte de nouvelles réalités : allongement de la durée de la vie ; prévalence
des maladies chroniques ; transformations des parcours professionnels ; mo-
dification des structures familiales, etc. Mais cette évaluation peine naturelle-
ment à suivre une demande sociale de plus en plus individualisée.
Une critique de la pertinence des grands systèmes sociaux. Ceux-ci
sont d'abord contestés au nom de la plus grande efficience des grandes entre-
prises,  ou  de  l’agilité  et  la  capacité  innovatrice  des  startups.  Au  plan  local,  les  
acteurs   locaux   et   communautaires   s’estiment   souvent   mieux   à   même   de   ré-
pondre à la réalité des besoins sociaux.
Trois principes
En  l’état  actuel  de  sa  réflexion issue de la Concertation, le CNNum souhaite affirmer
trois principes sur lesquels il fondera ses recommandations :
1. Le  CNNum  réaffirme  la  nécessité  d’une  solidarité  à  grande  échelle,  nationale,  
interprofessionnelle et intergénérationnelle.
2. Le CNNum est attaché aux aspects redistributifs du système social,
ne se satisfaisant pas de constater (sans y associer un quelconque lien de
SYSTÈMES DE SOLIDARITÉS
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique294
causalité) que la période historique de la numérisation de nos sociétés est
aussi   celle   d’une   explosion   sans   précédent   des   inégalités de revenu et de
patrimoine. La modification continue du partage des revenus entre les salaires
d’une  part  (sur  lesquels  notre  système  social  est  presque  exclusivement  bâti)  
et  d’autre  part  les  autres  revenus,  y  compris  du  capital,  devrait  inviter à revoir
les conditions de fonctionnement du modèle, mais non ses principes.
3. Le   CNNum   considère   qu’au-delà de leur informatisation, les systèmes
sociaux   peuvent   et   doivent   s’appuyer   plus   profondément   sur   le  
numérique pour mieux répondre aux contraintes auxquels ils sont soumis et
aux   demandes   sociales   qui   s’adressent   à   eux.   Cinq   chemins   de   progrès  
paraissent plus particulièrement féconds :
-­‐ Vers une prise en compte de toutes les sources de revenu et de
richesse ;
-­‐ Vers plus de souplesse et de personnalisation ;
-­‐ Vers  plus  d’évaluation  et  de  proactivité,  dans  le  respect  de  la  vie  
privée des bénéficiaires,
-­‐ Vers plus de transparence et de démocratie dans le
fonctionnement des systèmes ;
-­‐ Vers une meilleure prise en compte de la participation des
individus et des collectifs dans la production de bénéfices sociaux,
du care en amont des soins en passant par les systèmes
d’échanges  locaux.
Trois recommandations
Au   sortir   de   la   concertation,   et   en   pleine   conscience   de   l’ampleur   du   travail   qu’il  
resterait à effectuer sur ce seul sujet, le CNNum recommande trois orientations
prioritaires  pour  l’action  publique :
57. S’appuyer sur le numérique pour faciliter l’accès
et le recours aux droits sociaux
Dans de nombreux cas, les personnes pouvant bénéficier de droits sociaux  l’ignorent,  
ne  parviennent  pas  ou  renoncent  à  les  obtenir.  Il  s’agit  naturellement  en  priorité  des  
personnes auxquelles ces droits sont les plus indispensables.
SYSTÈMES DE SOLIDARITÉS
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 295
LES CHIFFRES DU NON-RECOURS
AUX DROITS
L’Observatoire du non-recours aux droits et services (Odenore) est une Equipe de
Recherche Technologique basée à Grenoble dont l’objectif est de chiffrer le non-
recours, d’en analyser les causes et de proposer des solutions pour y remédier.
Leurs études évaluent à plusieurs milliards d’euros le montant des aides qui
chaque année ne sont pas demandées par les bénéficiaires potentiels. Ainsi en
2012, le taux de non-recours pour les différentes formes du RSA atteignait 50 %
en moyenne, et jusqu'à 68 % pour le RSA activité.
Au-delà de la gestion administrative des droits, les organismes sociaux
commencent à prendre conscience du potentiel d’exploitation des données qu’ils
détiennent pour détecter les situations de non-recours et l’on observe déjà un
certain nombre d’expérimentations territoriales dans ce sens. Pour autant, cela
est encore loin d’être un réflexe malgré les bénéfices qui en résulteraient. Les
études de l’Odenore montrent ainsi que la détection du non-recours permet de
réduire d’autres dépenses par la suite (prévention des situations d’urgence
sanitaires, sociales…). Une diminution du nombre de non-recours serait
également un facteur d’inclusion sociale : bien souvent, les individus concernés
n’ont pas conscience des effets que le non-recours peut avoir sur bien d’autres
aspects de leur vie quotidienne (accès au travail, au logement…).
Source : Odenore (observatoire du non-recours aux droits et services)
Le   numérique   fait   parfois   partie   des   raisons   pour   lesquelles   l’accès   aux   droits   est  
devenu plus difficile : réduction du nombre de points de contacts sur les territoires,
rigidité  ou  côté  intimidant  des  procédures  informatisées…  Il  doit  aussi  faire  partie  des  
solutions,  y  compris  pour  des  personnes  qui  n’y  ont  pas  personnellement  accès :
Par   le   développement   d’approches   proactives   des droits   (comme   c’est   le   cas  
dans la reconstitution des carrières et comme ce pourrait être le cas pour mes-
droits.gouv.fr) ;
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MES-DROITS.GOUV.FR
“Ici l'État innove avec la société civile pour offrir aux usagers le service public de
demain”, c’est ainsi que se présente le site mes-aides, un service public
numérique pour le moment en version bêta qui permet aux citoyens de
connaître leur éligibilité aux principales prestations sociales : Revenu de
Solidarité Active (RSA) socle et activité, Allocation Spécifique de Solidarité
(ASS), Couverture Médicale Universelle (CMU), Aide Complémentaire Santé
(ACS), Allocation de Solidarité aux Personnes âgées (ASPA), Allocation
Familiales (Allocation Soutien Familial, Complément Familial), et Allocations
Logement (Allocation Logement Social, Allocation Logement Familial, Aide
Personnalisée au Logement).
Le dispositif se définit comme une « startup d’État », coproduit par une petite
équipe autonome hébergée par le Secrétariat Général à la Modernisation de
l'Action Publique (SGMAP) et aidée d'une communauté d'agents publics et de
citoyens. Le code de l'outil est disponible en Open Source sur GitHub et chacun
est invité à rejoindre la communauté des développeurs pour aider à améliorer
l’outil.
En savoir plus : https://mes-aides.gouv.fr/
Par une simplification des accès numériques aux droits et une attention quant
à leur accessibilité ;
En outillant les services sociaux et leurs agents, comme le recommandait déjà
le  rapport  du  CNNum  “Citoyens  d’une  société  numérique” ;
Par   la   constitution   d’une   filière   de   la   “médiation   numérique”   (voir   chapitre  
dédié  à  l’inclusion).
58. Développer (et mettre en débat) des capacités préventives
et anticipatrices, dans le respect de la vie privée des assurés
On le sait, prévenir vaut mieux que guérir et détecter un problème (social ou sanitaire)
au moment où il survient rend sa solution plus aisée et moins coûteuse. Par exemple,
les nouvelles thérapies évoluent déjà dans ce sens.
Les systèmes administratifs et sociaux détiennent des informations qui, souvent,
pourraient permettre de repérer  les  “signaux faibles”  annonciateurs  de  problèmes  plus  
graves : non-recours à des droits (cf. supra), non-respect de rendez-vous avec certains
services sociaux, absences scolaires, etc. Le numérique peut améliorer le suivi des
personnes dans la durée,  l’analyse  de  l’évolution  de  leur  situation,  la  détection  précoce  
de  problèmes  de  santé,  d’emploi,  de  logement,  etc.  jusqu’à  repérer,  par  exemple,  un  
risque   de   basculement   dans   la   précarité.   Toutefois,   l’utilisation   “proactive”   des  
SYSTÈMES DE SOLIDARITÉS
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 297
informations que détiennent les systèmes sociaux suscite à juste titre une inquiétude :
peut-on le faire dans le respect de la vie privée et de la dignité des personnes ?
La réponse nous paraît positive si deux conditions indiscutables sont
remplies :
Les traitements proactifs et   préventifs   d’informations   portent   exclusivement  
sur des données dont le service considéré dispose déjà, et ne reposent par con-
séquent pas sur le croisement de données personnelles issues de plusieurs
dispositifs administratifs ou sociaux.
L’interprétation  et  la  décision  d’agir  n’émanent  pas  d’un  traitement  informa-
tique,  mais  d’un  individu.
Deux questions devront par ailleurs être traitées :
D’une  part,  la  détection  à  elle  seule  ne  sert  à  rien  si  elle  n’est  pas  suivie  d’une  
décision (humaine) puis, souvent,  d’une  action.  La  partie  complexe  est  bien  la  
gestion  de  l’alerte  et  le  suivi  de  ses  résultats.
D’autre  part,  il  existera  aussi  une  pression  sociale  en  faveur  d’un  usage  proac-
tif de données croisées :  parce  qu’il  peut  sauver  des  vies,  parce  qu’il  faut  faire
des  économies,  parce  qu’il  serait  absurde  de  nous  obliger  à  ignorer  ce  qu’on  
pourrait savoir, parce que les grandes entreprises le font déjà… Il apparaît
souhaitable   d’ouvrir   rapidement   un   débat   éthique   sur   l’usage   prédictif,   pré-
ventif ou en réaction rapide  des  “big data”  sanitaires  et  sociales.
59. Explorer de nouvelles manières de mettre les solidarités en
mouvement et d’en reconnaître les acteurs
De nombreuses expériences de par le monde s'intéressent à l'usage du numérique pour
remettre les gens en lien, pour outiller les échanges de pair à pair ou les communautés
de proximité, pour fédérer ces communautés à des échelles plus larges, etc. Il y a là
l'opportunité de mobiliser les personnes et leur entourage en les associant à la
conception voire à la production du soin, du care et des prestations sociales qui les
concernent : permettre aux bénéficiaires eux-mêmes de décider de ce dont ils ont
besoin, combiner l'intervention de voisins et d'amis avec celle de professionnels auprès
de personnes dépendantes, favoriser l'entraide (et reconnaître le travail des aidants),
développer et valoriser la résilience et les micro-solidarités, etc.
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CANCERCONTRIBUTION.FR
La plateforme cancercontribution.fr est un réseau d’entraide alternatif créé par
le pôle citoyen de Cancer Campus (Institut Gustave Roussy, Villejuif) et
soutenu par les institutions. Ce dispositif met le collaboratif au cœur de la
réflexion sur les parcours de soin. Tous les acteurs concernés d’une façon ou
d’une autre par la maladie (patients, médecins, responsables politiques, monde
associatif, citoyens) sont invités à échanger, témoigner, expertiser pour penser
et co-construire un certain nombre de mesures concrètes pour la prise en
charge des patients. Ces échanges sont ensuite conceptualisés par une équipe
de chercheurs puis soumis au vote de la communauté pour finaliser une vision
qui servira de base de propositions de politiques publiques.
En savoir plus : http://www.cancercontribution.fr/
Le numérique peut fournir les outils à partir desquels des formes beaucoup plus
diversifiées,   personnalisées   et   coopératives   d’aide   sociale   peuvent   se   produire,   se  
piloter  et  s’évaluer.  Il  s’agit  cependant,  sauf  dans  un  petit  nombre  de  domaines,  d’un  
changement  d’attitude  assez  profond  de  la  part  des  systèmes  sociaux. Il nécessite en
particulier :
De   donner   aux   bénéficiaires   un   vrai   pouvoir   de   décision   et   d’action   sur   les  
prestations dont ils bénéficient, en préférant le dialogue et le contrôle a poste-
riori à la sollicitude autoritaire et au contrôle a priori ;
De considérer les associations, voire certaines entreprises, comme des acteurs
à part entière des systèmes sociaux plutôt que comme des auxiliaires ou des
acteurs périphériques ;
De  reconsidérer,  reconnaître  et  soutenir  le  rôle  des  “aidants”  non  profession-
nels,  y  compris  lorsqu’ils  font  partie  de la famille des bénéficiaires ;
De   favoriser   la   diversité   des   formes   d’assistance   et   l’innovation (sociale ou
non) dans les prestations sociales.
SYSTÈMES DE SOLIDARITÉS
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 299
L’EXEMPLE STIMULANT
D’INCONTROL (ROYAUME-UNI)
Depuis plusieurs années, le programme inControl [www.in-control.org.uk], qui
s'adresse aux personnes âgées dépendantes et aux grands handicapés,
expérimente des "plans d'assistance auto-dirigé" (self-directed support plans)
qui mettent le bénéficiaire en situation de contrôle presque total du dispositif
social qui l’entoure. À partir d’un travail conjoint d’évaluation et de co-
conception fondé sur des questionnaires précis, l’individu, sa famille et les
services sociaux approuvent ensemble un plan d’assistance personnalisé. Sur
cette base, le bénéficiaire reçoit directement l'aide financière des services
sociaux et la dépense conformément au plan convenu, avec un contrôle a
posteriori plutôt qu'a priori. Le plan est régulièrement évalué et révisé.
Ainsi, une femme souffrant d'insuffisance respiratoire a pu équiper son
domicile de l'air conditionné, économisant des mois d'hospitalisation chaque
année. Un malade souffrant de la sclérose en plaques a même été autorisé à
acheter, avec l'argent auquel il avait droit, deux abonnements au club de
football de sa ville, pour continuer à profiter de sa passion avec ses amis plutôt
que de rester seul chez lui…
SANTÉ ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique300
Santé et numérique
En  matière  de  santé,  le  potentiel  d’innovation  que  porte  le  mariage  du  numérique  avec  
les avancées de la médecine, de la biologie, de la pharmacie, des nouveaux matériaux
ainsi que de la robotique est considérable. Il nous projette dans un monde où les
problèmes de santé seraient mieux anticipés voire prévenus, puis mieux soignés avec
moins   d’effets   secondaires,   tandis   que   les enjeux de santé publique seraient plus
facilement   maîtrisés,   à   défaut   d’être   résolus.   Ce   potentiel   cristallise   pourtant   autant  
d’espoirs   que   de   nouvelles   inquiétudes   au   regard   des   questions   qu’il   pose   pour   le  
respect des libertés individuelles, mais aussi pour la préservation de notre modèle
social,   dans   la   perspective   d’une   société   où   le   citoyen   serait  
“capté”   en   permanence,   rendu   “prédictible”   pour   des   tiers  
publics ou privés, et laissé seul responsable de son état de santé.
Notre modèle de santé solidaire est quant à lui questionné par
une individualisation extrême du risque rendue possible par le
numérique mais pas seulement, faisant naître la tentation de
renoncer à la mutualisation des risques et des coûts de santé.
Le numérique, un atout pour moderniser notre système de santé
À plus court terme, le numérique constitue indéniablement une opportunité majeure
pour  moderniser,  si  ce  n’est  repenser  le  modèle  de  santé  français,  en  soutenant  des  
objectifs de santé publique ambitieux tout en amplifiant un nouveau paradigme de la
santé  basé  sur  la  personnalisation,  l’accompagnement  et  les  démarches  préventives.
Alors  que  les  inégalités  sociales  de  santé  s’accroissent,  la  télémédecine198 ap-
paraît en élément de réponse aux déserts médicaux et les plateformes partici-
patives se développent au service de la démocratie sanitaire.
Alors que le vieillissement démographique et la croissance des maladies chro-
niques constituent les prochains défis de santé publique, les dispositifs médi-
caux connectés fournissent des éléments  de  solution  pour  l’autonomisation.
Alors que la question du financement du système de santé français se pose
avec  acuité,  le  numérique  laisse  entrevoir  des  gains  d’efficience  et  de  nouvelles  
opportunités pour le financement de notre modèle de solidarité, à travers
198 Voir la définition  dans  le  livre  blanc  sur  la  télémédecine  du  Conseil  national  de  l’Ordre  des  
médecins http://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/telemedecine2009.pdf
SANTÉ ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 301
l’optimisation   du   parcours   de   soins,   des   retours   plus   rapides   quant   à  
l’efficacité  des  traitements,  la  facilitation  du  maintien  à  domicile,  la  détection  
de fraudes, etc.
Une formidable opportunité économique
Les   perspectives   d’innovation   autour de la santé connectée et du traitement de
données de santé, le potentiel économique des filières avancées de la médecine, sont
immenses.
La  France  dispose  à  ce  titre  d’un  atout  majeur  dans  la  conquête  de  l’e-santé sur le plan
international avec son historique et sa profondeur de données médico-administratives
uniques au monde199.
Le numérique invite en revanche à repenser la place de chacun dans la chaîne de soins
autant que dans la chaîne de valeur, dans un contexte où des acteurs investissent la
santé comme  un  nouveau  marché  de  l’économie  numérique  mondialisée.
Une reconfiguration des rôles
Au premier rang des acteurs dont la place est modifiée se trouvent les citoyens, car le
fait  nouveau  numérique  se  traduit  d’abord  par  la  montée  en  puissance  des  patients à
travers leurs usages et leurs connaissances (voire de leur connaissance médicale qui
peut être parfois réelle, et parfois inexacte ou incomplète), bousculant au passage la
relation patient-médecin. Le numérique nourrit en effet un rapport des individus à la
santé  qui  dépasse  le  cadre  du  “colloque  singulier”  (la  relation  bilatérale,  exclusive  et  
couverte par le secret médical, du médecin et de son patient). Cette extension se
développe  au  cœur  des  sujets  de  santé  comme  en  leur  périphérie  (la  gestion  du bien
être, le wellness),  se  matérialise  dans  l’utilisation  d’objets  connectés,  la  consultation  de  
sites  d’informations  médicales,  ou  encore  la  contribution  aux  sites  de  communautés  de  
patients.
Les professionnels de santé ne peuvent pas ignorer ces nouvelles  pratiques,  d’ailleurs  
la   prise   de   conscience   s’amorce   au   sein   du   corps   médical   français.   Il   s’agit   d’aller  
encore   plus   loin,   de   généraliser   cette   prise   de   conscience   afin   d’accepter,   de  
comprendre  et  s’adapter  à  ce  nouveau  rapport  à  la  santé  pour  apporter la meilleure
réponse aux devoirs envers les patients tels   qu’ils   s’inscrivent   dans   le   Code   de  
199 La   France,   pays   centralisé   de   65   millions   d’habitants   dispose   aujourd’hui   avec   l’ensemble  
SNIIRAM-PMSI  d’une  des  plus  grandes,  voire  de  la  plus  grande  base  médico-administrative au
monde : elle regroupe par an 1,2 milliard de « feuilles de soins  »,  500  millions  d’actes  médicaux  
et 11 millions de séjours hospitaliers23 (en médecine, chirurgie et obstétrique), avec potentielle-
ment  une  profondeur  historique  de  14  ans  (20  ans  pour  l’EGB  et  le  PMSI).
Source  :  Rapport  sur  la  gouvernance  et  l’utilisation  des  données  de  santé,  Pierre-Louis BRAS
(Igas)  avec  le  concours  d’André  LOTH  (Drees)  - http://www.social-
sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_donnees_de_sante_2013.pdf
SANTÉ ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique302
déontologie médicale200. Cela passe par une priorité : la formation des professionnels
de   santé   aux   enjeux   et   usages   du   numérique   en   santé,   et   l’accompagnement des
patients dans ce contexte. Le statut de référent des professionnels de santé doit bien
sûr être préservé. Cette légitimité va de pair avec un haut niveau de qualification, qui
pour   se   maintenir   à   l’heure   de   la   santé   numérique   connectée   ou   mobile,   nécessite
l’acquisition  de  nouvelles  compétences.
Le défi des données
L’ensemble   du   système   de   santé   génère   des   volumes   de   données   de   plus   en   plus  
considérables. Si la valeur de ces données est incommensurable, tant du point de vue
économique que du point de vue  de  la  recherche  ou  pour  l’amélioration  des  politiques  
de santé, leur partage et leur exploitation ne sont pas sans soulever des inquiétudes
fortes pour les individus (au titre des libertés fondamentales) comme pour les
professionnels de santé (automatisation des décisions médicales, médecine prédictive,
etc.).  Cette  tendance  impose  donc  l’affirmation  et  l’outillage  des  droits  du  patient,  qui  
s’exercent   différemment   à   l’ère   numérique,   ainsi   que   l’acquisition   de   nouvelles  
compétences pour ce faire.
Un cadre   éthique   puissant   et   adapté   aux   nouveaux   enjeux   de   la   santé   à   l’heure   du  
numérique doit également garantir les libertés et la dignité du patient, comme son
droit à garder le contrôle de sa vie et à être acteur de sa santé.
Sur ces considérations, le CNNum recommande de :
60. Acter et outiller un droit à l’autodétermination
informationnelle en santé
L’accès   à   l’historique   personnel   des   données   de   santé   d’un   individu   relève   encore  
d’une   approche   trop   disparate.   La   numérisation   de   l’ensemble   des   actes   et   leur  
stockage sur une plateforme unique et individuelle constituent un vrai levier de
simplification d’accès  aux  historiques  de  santé  et,  in fine, de meilleurs diagnostics et
un échange plus performant pour les professionnels. En cela, les ressources du Dossier
Médical Partagé (DMP) constituent une avancée significative.
Cependant, même si le DMP était enfin généralisé, nous resterions loin de fournir au
patient   les   moyens   d’une   autodétermination   informationnelle   sur   sa   propre   santé,  
voire   même   d’un   dialogue   réellement   équilibré   avec   les   professionnels   de   santé.   Le  
DMP   répond   assez   bien   à   l’objectif   qui   lui   avait   été   assigné,   à   savoir   d’améliorer   la  
coordination   des   soins   (c’est   le   dossier   médical   “partagé”,   entre   professionnels  
200 Notamment  articles  32  et  33  du  titre  II  “Devoirs  envers  les  patients”
(Source : http://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/codedeont.pdf)
SANTÉ ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 303
d’abord) ; mais il reste très peu informatif et encore moins capacitant pour les usagers.
À ce titre, le fait que le projet de loi  de  santé  en  cours  abandonne  l’adjectif  “personnel”  
au  bénéfice  de  “partagé”  peut  inquiéter.
En effet, le DMP permet de partager des documents, utiles aux professionnels qui en
connaissent le sens, mais pas des données : données de base telles que présentes dans
le carnet de santé (vaccins, courbes de croissance, etc.), données relatives aux actes des
professionnels médicaux (consultations, hospitalisations, prescriptions), aux résultats
d’analyses,  aux  radios,  aux  allergies,  aux  remboursements,  etc.  L’accès à ces données
pourrait  par  exemple  permettre  à  des  applications  dédiées  d’en  faciliter  la  lecture ; à
des   patients,   de   solliciter   plus   aisément   d’autres   avis   professionnels   s’ils   le   jugent  
nécessaire ;;  à  d’autres,  de  les  utiliser  au  moment  d’achats  alimentaires pour éviter des
contre-indications ;;   à   d’autres   encore,   de   choisir   en   toute   connaissance   de   cause   de  
contribuer  à  des  études  cliniques…
À ces  données  produites  par  les  institutions  et  les  professionnels  de  santé,  s’ajouteront  
celles  qui  proviendront  des  nouveaux  appareils  de  “mesure de soi”  - le quantified self,
dont  la  qualité  et  la  précision  s’améliorent  de  mois  en  mois.  Ces  données  captées par
les individus eux-mêmes vont voir leur volume et leur usage décuplés à très court
terme : elles constitueront une sorte de pôle de ressources santé personnelles utiles à
la  formulation  d’un  diagnostic  plus  ciblé  et  personnalisé,  à  la  meilleure  connaissance
par  l’individu  de  ses  ressources  santé  et  - on  peut  l’espérer  - à  l’amélioration  du  bien-
être et, in fine, à la réduction de la morbidité. Ces données deviendront donc très vite
utiles   aux   professionnels   de   santé,   à   la   prévention,   au   suivi   de   l’observance, à la
coordination des soins : mais peut-on imaginer de priver le patient de leur accès et
même  de  leur  usage  alors  qu’il  en  sera  à  l’origine ?
En  s’inspirant  de  l’exemple  américain  du  Blue Button tout  en  l’adaptant  au  contexte  
européen, le Conseil national du numérique propose par conséquent de fixer comme
objectif prioritaire de mettre à disposition des patients les données médicales qui les
concernent.  Cette  mise  à  disposition  sécurisée  pourra  ou  non  s’appuyer  sur  le  DMP,  
selon  que  cet  outil  s’avère adapté ou non à cet objectif.
Ce  dossier  de  santé  personnel  pourrait  s’appuyer  sur  l’émergence  actuelle  des  
PIMS,  “Personal Information Management Systems”,  aussi  nommés  “clouds
personnels”,  qui  visent  à  reconstituer  pour  les  individus  des  espaces  de  gestion
de leurs données personnelles, sécurisés et indépendants des plateformes dont
le  modèle  économique  repose  sur  l’exploitation  de  ces  données.
Un  tel  outil  de  gestion  de  la  “vie numérique”  en  santé  des  individus  permet-
trait de relocaliser la maîtrise des données personnelles et de rééquilibrer
l’asymétrie   entre   les   détenteurs   de   données   et   les   individus.   Il   aurait   égale-
ment pour fonction centrale de faciliter les échanges (de données, mais aussi
de messages, de documents, de rendez-vous…)  avec  les  professionnels de san-
SANTÉ ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique304
té  et  l’administration.  En  s’appuyant  sur  les  propres  données  des  individus,  il  
serait également propice à la sensibilisation et à la prévention en santé.
Enfin,  un  tel  dispositif  permettrait  ainsi  aux  citoyens  d’avoir  une  vision  plus  
globale sur leurs données de santé, administratives et financières, médicales et
bien-être, tout en étant un levier essentiel pour la portabilité des données et
leur interopérabilité.
Des garanties techniques et protectrices du citoyen doivent bien sûr être assorties au
développement  d’un  tel  outil,  par  exemple :
Des  standards  d’interopérabilité  et  de  portabilité  des  données ;
Le respect des exigences légales applicables pour ce qui concerne
l’hébergement  des  données  sur  le  périmètre  des  données  de  santé  personnelles
médicales et administratives ;
Un  droit  à  l’effacement  se  matérialisant  par  des  fonctionnalités  de  type  “opt-
out form”   (formulaire   de   désinscription),   de   suppression   cyclique   des   don-
nées, etc.
En  particulier,  en  ce  qui  concerne  les  modalités  d’accès et de traitement des données
de  l’usager  par  des  tiers,  des  dispositions  pourraient  prévoir :
Que  l’accès  aux  données  de  l’usager  et  l’exécution  de  traitement  sur  ces  don-
nées  s’effectuent  dans  des  environnements  sécurisés,  empêchant  leur  circula-
tion incontrôlée sur le Net ;
Une labellisation des applications, sites, personnes, organismes habilités à
demander  l’accès ;
Que  l’autorisation  d’accès  à  un  tiers  par  l’usager  se  fasse  segment  par  segment  
de données, ce qui éviterait le choix binaire entre bloquer l’accès  à  toutes  les  
données  ou  en  livrer  l’intégralité ;
L’assurance  d’un  consentement  éclairé  et  explicite  du  citoyen  passant  en  prio-
rité  par  des  exigences  de  lisibilité  et  de  clarté  des  CGU  d’une  part,  par  un  ac-
compagnement  à  l’usage  et  aux  enjeux  par  des acteurs de la médiation du nu-
mérique en santé - dont les professionnels de santé eux-mêmes - d’autre  part.
Enfin,   il   va   sans   dire   que   la   qualité   de   l’expérience   utilisateur   des   outils   - sur
l’ensemble  des  terminaux  possibles,  mobile  compris  - par les professionnels de santé
comme par les individus constitue une condition sine qua non pour leur
appropriation.
Il faut  dépasser  les  considérations  limitées  à  la  qualité  de  l’interface  ou  même  
de  l’ergonomie  de  l’outil  et  penser  l’ensemble  outil-usager-processus. Pour ce-
la, il faut adopter une vraie démarche de design de service. Cela signifie
SANTÉ ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 305
s’appuyer  sur  des  designers qualifiés pour co-construire avec les usagers du
service,  à  travers  des  cas  d’utilisation  concrets.
L’EXPERIENCE “SELF DATA”
MESINFOS
Le think-do tank Fing (Fondation Internet Nouvelle Génération) conduit depuis
2012 le projet MesInfos, qui explore “la production, l'exploitation et le partage de
données personnelles par les individus, sous leur contrôle et à leurs propres fins”
- également désignée par l’expression “Self Data”. L’objectif est de réduire
l’asymétrie de pouvoir et d’information entre les entreprises et organismes
détenteurs de données et les individus, en mettant les individus en capacité,
non seulement de contrôler l’usage par d’autres de leurs données, mais
également de développer leurs propres usages des données personnelles qui
les concernent : pour mieux se connaître, prendre de meilleures décisions,
évaluer leurs décisions passées, se faciliter la vie, etc.
De novembre 2013 à avril 2014, MesInfos a donné lieu à une expérimentation
auprès de 300 volontaires, avec lesquels 7 grandes entreprises partenaires
avaient choisi de partager les données qu’elles détenaient sur eux : banques,
télécoms, grande distribution, assurance. Les données étaient reçues, stockées
et rendues utilisables à l’utilisateur sur une plateforme sécurisée de “cloud
personnel” créée par la startup française Cozy Cloud. Des applications,
installées et activées par les utilisateurs exclusivement, pouvaient alors
accéder à ces données pour en effectuer des traitements utiles aux individus.
Voir : http://mesinfos.fing.org/
L’initiative américaine Blue Button
Lancé en 2010 par l’administration américaine, le Blue Button devait d’abord
constituer une plateforme de suivi, de contrôle et de téléchargement des
données personnelles de santé des vétérans (anciens combattants et ex-
soldats) américains. Il leur permet ainsi d’accéder à leurs comptes rendus de
prise en charge, leurs données d’assurance maladie et leur historique de santé
(allergies, analyses médicales, etc.), puis de les télécharger. Cette initiative a
été rendue accessible à plus de 150 millions d’Américains en 2014 et a
essaimé avec l’apparition d’autres “buttons” (pour l’énergie, l’éducation, etc.).
Source : http://www.healthit.gov/patients-families/your-health-data
61. Inciter au cas par cas les acteurs économiques
détenteurs de données de santé à les partager tout
en tenant compte de leur caractère concurrentiel
Il  s’agit  de  faire  en  sorte  que  les  acteurs  privés  comme  publics  s’engagent  dans  une  
approche  de  la  santé  comme  un  enjeu  d’intérêt  général  et  de  mettre  en  valeur  le  rôle  
sociétal des entreprises pour faire converger les objectifs de santé publique et les
intérêts économiques. Cette incitation devra néanmoins prendre en compte le
caractère concurrentiel que ces données peuvent avoir pour certains acteurs privés et
d’autre  part  ne  pas  freiner  l’installation  d’acteurs  privés  qui  souhaiteraient  investir  sur  
SANTÉ ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique306
notre territoire. Le coût des développements informatiques seront aussi à prendre en
compte.
Les  recommandations  du  CNNum  pour  encourager  l’ouverture  des  données  collectées  
par les acteurs économiques sont développées dans le deuxième volet du présent
rapport “Vers  une  nouvelle  conception  de  l’action  publique : ouverture, innovation,
participation”.  Le  CNNum  préconise  pour  principe  d’adopter  une  approche  au  cas  par  
cas. En particulier, il convient de faire une première distinction entre les données
produites dans   le   cadre   d’une   mission   de   service   public   et   hors   mission   de   service  
public. Dans ce dernier cas, un travail conjoint entre acteurs privés et publics doit être
encouragé, pour répondre à des situations spécifiques comme la gestion de crises
sanitaires ou   plus   largement,   dans   le   cadre   d’une   politique   de   RSE   (responsabilité  
sociale des entreprises) ambitieuse. Les recommandations sont résumées ci-après :
Prévoir  la  voie  contractuelle  pour  l’ouverture  de  certaines  données  
collectées / produites par des organismes   dans   le   cadre   d’un   ser-
vice dont la puissance publique participe à la mise en place, au
fonctionnement ou au financement, plutôt   que   la   création   d’une   nou-
velle   catégorie   juridique   de   “données   d’intérêt   général”.   Une   telle   catégorie  
semble trop floue et large pour être applicable aisément, et contribuerait sans
doute à créer une insécurité juridique chez les acteurs privés, fragilisant la
construction  de  services  et  de  modèles  d’affaires  intégrant  la  donnée.
Encourager la mise en commun, sur la base du volontariat, de cer-
taines données collectées par les acteurs privés pour concourir à
un programme de recherche ou une politique publique. Les données
mises en commun seraient collectées par un organisme publics puis agrégées
et  randomisées  avant  d’être  réutilisées ou redistribuées. Des expérimentations
pourraient  également  être  menées  afin  d’initier  la  dynamique.
Penser un cadre juridique adapté pour la mise à disposition de
données  d’acteurs  privés  à  des  fins  d’intérêt  général,  sur  demande  
des pouvoirs publics. Il  s’agit  de  définir  clairement  le  cadre  et  les  condi-
tions  d’une  mise  à  disposition  imposée,  qui  constituent  des  prérequis  impéra-
tifs. Le contexte de la mise à disposition doit être apprécié au regard de
l’équilibre  entre  impératifs  d’intérêt  général et intérêts économiques des dé-
tenteurs ; le dispositif doit inclure des garanties juridiques fortes pour
l’organisme  détenteur  et  reposer  sur  une  phase  de  dialogue  systématique  entre  
les parties prenantes.
L’approche  circonstanciée,  basée  sur  la  finalité tout en tenant compte des intérêts de
toutes les parties prenantes, doit a fortiori s’appliquer   au   domaine   des   données   de  
santé.  Parce  qu’elles  touchent  à  l’intimité  et  à  l’identité  des  individus,  leur  ouverture  
doit  en  outre  relever  d’une  décision  collective  de  l’ensemble  des  acteurs  de  santé,  ce  
SANTÉ ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 307
qui inclut les pouvoirs publics, les professionnels de santé, les acteurs économiques,
mais aussi et surtout les usagers, les associations, la société civile.
62. Utiliser le levier numérique pour permettre
au grand public de comprendre les défis de santé publique
et de devenir acteurs de leur résolution
La   métamorphose   numérique   de   la   société   s’accompagne   d’un   changement   de  
paradigme  en  matière  d’expression  citoyenne  et  de  mobilisation  collective,  y  compris  
dans le champ des politiques de santé. Si on ne peut encore parler de véritable co-
construction,   le   numérique   participe   à   la   transition   d’une   politique   descendante   en  
santé vers une démarche plus inclusive et horizontale, en mettant à disposition de
chacun de   nouveaux   espaces   d’expression   et   de   participation,   en   démultipliant   les  
capacités  de  suivi  et  d’évaluation  en  temps  réel,  par  et  pour  les  citoyens  eux-mêmes. Il
porte  aussi  l’espoir  d’une  plus  grande  transparence  et  efficience  de  l’action  publique  en  
santé, dans un contexte où les récents scandales sanitaires ont contribué à un
sentiment de défiance ;;  d’une  plus  grande  agilité  dans  la  mise  en  œuvre  des  politiques  
de santé en créant un canal de retour des citoyens. Cette dynamique doit être
renforcée :
En  matière  de  démocratie  sanitaire,  l’outil  numérique  doit  être  ex-
ploité  pour  mettre  en  place  une  boucle  d’amélioration  continue  des  
politiques de santé publique :
-­‐ Une phase de débat citoyen devrait être rendue systématique dans
le processus de prise de décision en matière de politique de santé
publique   (à   l’exclusion   de   certaines   situations   d’urgence   où  
l’exigence   de   réactivité   l’emporte),   notamment   à   l’échelle   du  
territoire.   Cette   étape   pourrait   s’appuyer   sur   les   outils   de  
concertation innovants qui ouvrent des espaces de contribution et
de débat en ligne entre les différentes parties prenantes (citoyens,
autorités sanitaires, pouvoirs publics, professionnels de santé,
etc.) ;
-­‐ Tout   au   long   de   la   mise   en   œuvre   des   politiques   de   santé,   une  
interface doit être déployée afin de permettre un retour
d’expérience   de   la   part   des   parties   prenantes,   et   d’engager   ainsi  
des  actions  d’ajustement.
En matière de pharmacovigilance, de veille épidémiologique, de crise sani-
taire, et plus globalement, pour tout projet portant une  dimension  de  “diffu-
SANTÉ ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique308
sion parmi les citoyens”,  l’appel  à  la  mobilisation  collective  - en amont comme
en aval - doit devenir un réflexe :
-­‐ À l’instar   de   l’application   FixmyStreet   destinée   à   faciliter   le  
reporting des dysfonctionnements ou incidents urbains auprès
des autorités locales, les pouvoirs publics pourraient faire
participer les citoyens à la pharmacovigilance et à la veille
sanitaire en mettant à leur disposition une interface dédiée à la
remontée   d’informations   sur   leur   propre   utilisation   de  
médicaments,  ainsi  qu’à  l’observation  de  dangers  sanitaires  et/ou  
environnementaux. Cette remontée en temps réel des signaux
faibles et alertes - qui  doit  en  revanche  s’arrêter  en  amont  de  tout  
ce qui ressemblerait à de la délation - démultiplierait les
informations à la disposition des pouvoirs publics, permettrait
une meilleure gestion des anomalies (priorisation, surveillance et
suivi de leur développement, étude de scénarios, etc.), et un
ajustement en continu des mesures prises.
-­‐ Dans les opérations de cartographie par exemple, les pouvoirs
publics  pourraient  lancer  des  sites  dédiés  à  l’inventaire  collectif  à  
l’image  de www.defibrillateur.org/ ou se faire les partenaires des
associations   et   organismes   qui   en   sont   à   l’initiative,   tels   que  
Openstreetmap.
L’INITIATIVE OPENSTREETMAP
POUR EBOLA
(sous l’impulsion de la Croix-Rouge US et de MSF Suisse, depuis mars 2014).
L’initiative Openstreetmap pour Ebola a permis la cartographie des principaux
foyers d’épidémie en Sierra Leone et au Liberia. 700 cartographes ont été
mobilisés sur le terrain et dans le monde entier afin de répertorier en temps
réel des cas potentiels, confirmés, des décès, centres de secours, en plus de
fournir des informations détaillées sur le terrain, les bâtiments, etc. Des
partenariats avec d’autres initiatives, comme Ewer sur Crisis.net, (Ushahidi,
spécialiste de la cartographie de crise) ont également pu être noués.
Pour plus d’informations :
Voir :
http://wiki.openstreetmap.org/wiki/2014_West_Africa_Ebola_Respo
nse
Voir : http://healthmap.org/ebola/#timeline
Voir : http://crisis.net/
SANTÉ ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 309
63. Former les professionnels de santé aux enjeux
et aux usages du numérique en santé
Alors   qu’ils   exercent   des   activités   demandant   une   haute   technicité   dans   les  
équipements utilisés comme dans le niveau de connaissances acquis, quelques
professionnels de santé semblent entretenir des relations contrariées avec le
numérique. Or, le rôle et les pratiques des professionnels de santé sont appelés à
évoluer en parallèle des nouveaux usages numériques des individus, en lien direct ou
indirect  avec  leur  état  de  santé.  L’appétence  massive   des  usagers  pour  des  sites  tels  
que  Doctissimo.fr  pour  s’informer,  l’existence  de  communautés  de  patients  en  ligne,  la  
production  d’une  connaissance  scientifique  citoyenne  grâce  à  internet,  ou  le  quantified
self ne  peuvent  pas  être  ignorés  des  professionnels  de  santé.  Il  s’agit  a minima de les
comprendre pour en tenir compte dans les pratiques médicales et garder la faculté de
tenir un dialogue de qualité avec des patients encapacités par le numérique et sa
multitude  d’informations  de  santé  disponibles  en  dehors  du  cadre  médical,  y  compris  
sur eux-mêmes.  Il  faudrait  même  apprendre  à  s’en  saisir  pour  apporter  la  meilleure  
réponse globale possible au cas du patient. À titre  d’exemple,  certaines  applications  
mobiles  et  certains  “jeux sérieux”  pourraient  véritablement  faire  partie  de  la  palette  
d’outils   dont   disposent   les   professionnels   de   santé   pour   sensibiliser,   diagnostiquer,  
traiter, suivre les patients.
Enfin, dans un contexte où les communautés de patients en ligne sont des cibles
privilégiées pour les porteurs de théories complotistes ou sectaires, les professionnels
de santé ont un vrai rôle à jouer en tant que porteurs de contre-discours, et plus
généralement, face à la désinformation en santé. Parce que leur haut niveau de
qualification leur confère un rôle de référence en matière de santé pour la plupart des
citoyens  et  parce  qu’ils  incarnent  parfois  le  dernier  lien  avec  la  société  pour  les  publics  
les plus fragiles (personnes âgées, handicapés, etc.), cette légitimité doit persister, à
plus forte raison dans un contexte où les rapports des citoyens à leur santé sont
modifiés par le numérique.
Pour se saisir du potentiel des outils numériques, pour contribuer à faire barrage à la
malveillance de certains acteurs  s’adressant  aux  individus  par  le  biais  de  leur  santé  et  
pour continuer à assurer leur rôle dans la cohésion sociale, les professionnels de santé
doivent absolument acquérir de nouvelles compétences adaptées :
à  l’instar  du  référentiel  de  compétences SI des métiers des établissements de
santé, un référentiel de compétences numériques des professions de santé de-
vrait être réalisé, inscrit et enseigné dans les formations initiales et continues ;
ces compétences numériques couvriraient notamment : les usages en informa-
tique de gestion, les usages numériques en santé et bien être en complément
des traitements médicaux traditionnels. Ils comprendraient aussi des compé-
SANTÉ ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique310
tences de médiation, notamment la capacité à orienter les individus vers des
outils de référence et le dialogue en ligne avec des patients ou des communau-
tés de patients…
les modalités de formation des professionnels de santé pourraient elles-
mêmes  s’appuyer  sur  le  numérique : MOOCs, outils de simulation, etc.
CROWDMED AU SERVICE DU DIAGNOSTIC
DE MALADIES RARES
Il existe des milliers de maladies et de nouvelles formes évolutives de celles-ci
apparaissent régulièrement. Il arrive que des patients soient face à une
absence de diagnostic, ou à des diagnostics contradictoires. [...] CrowdMed
permet à tout un chacun de soumettre sur la plateforme, le cas d’une maladie
rare dont un médecin n’aurait pu livrer un diagnostic ou sur lequel le patient
aurait un doute. La personne en question doit alors fournir des informations
sur ses symptômes, son histoire médicale ou sur les maladies précédemment
subies. Par la suite, la communauté des “détectives médicaux” enregistrée sur
le site, suggère des diagnostics et tente de supposer quel remède serait le plus
adapté. [...] CrowdMed propose donc un modèle où les utilisateurs doivent faire
confiance à l’intelligence collective de la foule pour régler ce que des
personnes auxquelles la société fait confiance, mais qui ne sont pas infaillibles,
n’ont pas nécessairement été capables de solutionner.
Source :
http://www.atelier.net/trends/articles/crowdmed-utilise-crowdsourcing-
resoudre-cas-medicaux-rares_418895
ÉDUCATION ET FORMATION
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 311
Éducation
et formation
En tant que pilier de notre modèle social, il est impératif que le système éducatif,
entendu au sens large et sous ses formes multiples, fasse corps et intègre les enjeux de
la  métamorphose  numérique  pour  accomplir  sa  raison  d’être : préparer les individus à
la société.
La consultation porte en filigrane la question   centrale   de   la   capacité   de   l’école   à  
accompagner   et   éclairer   une   métamorphose   sociale   chargée   d’incertitudes.   Notre  
école, conçue pour une transmission de savoirs assurés, se retrouve à la peine dans
une  période  d’instabilité  des  idées,  de  perte  de  sens,  d’ambiguïtés  dans  les  moindres  
faits techniques et phénomènes sociaux. Il sera difficile de mettre la société numérique
“au programme”.  Il  est  difficile  de  “faire cours”  sur  les  faits  structurants  de  la  société  
numérique, les affiliations, le rôle des cooptations et des réputations, les coopérations.
La   meilleure   façon   de   former   au   numérique   serait   que   l’expérience  
scolaire soit une expérience qui reflète les métamorphoses sociales. Pour
que   l’école   l’incarne   et   en   donne   l’expérience   aux   élèves,   il   faudra une
métamorphose de la société scolaire elle-même, et des rôles de ses
administrations, de ses décideurs, professeurs, parents et élèves.
Mais   l’inquiétude   est   grande   de   changer   des   équilibres   historiques   pour   ce   qui   ne  
serait, certains le croient encore,  qu’un  simple  phénomène  de  mode.  C’est  parce  que  
l’école   a   une   promesse   républicaine   d’égalité   à   tenir   qu’elle   doit   se   saisir   du   risque  
d’inégalités  accrues  entre  ceux  qui  s’approprient  la  culture  numérique  et  ceux  qui  en  
demeurent   exclus.   C’est   parce que chaque citoyen est introduit dans la société par
l’école  qu’il  doit  y  découvrir  les  ressorts  de  la  société  numérique.  Le  rôle  qu’y  tiennent  
les   talents   humains,   le   pouvoir   d’agir,   la   résolution   de   problèmes,   le   pouvoir   de  
l’intuition  et  l’expérimentation sont des thèmes familiers du monde scolaire. Il suffirait
d’infléchir   les   exercices   stimulant   ces   qualités,   d’atténuer   la   vérification   des  
connaissances  et  de  rendre  les  évaluations  moins  “solo”,  pour  initier  aux  mécanismes  
ascendants et collectifs du monde numérique et apporter une formation à la littératie
numérique.
La   transformation   numérique   de   l’école   ne   peut   s’amorcer   que   sous   la   forme   d’une  
expérience   vécue   par   les   élèves   et   les   professeurs.   Si   le   pouvoir   d’agir   de   chacun,  
l’apprentissage  de  pair  à  pair,  l’économie  collaborative,  la  valeur  des  communs  et  la  
ÉDUCATION ET FORMATION
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique312
compétence informatique pour tous sont des constituants de notre société, si
comprendre  ces  dynamiques  est  une  condition  d’inclusion  pour  une  société  plus  juste,  
il est normal que les futurs citoyens se familiarisent avec ces rapports sociaux, ces
modes de création de valeurs et ces savoirs scientifiques et techniques dès leur
formation initiale. Ce qui suppose des renversements culturels difficiles et peut
susciter de fortes résistances et incompréhensions, quand le délitement des autorités,
la dévalorisation des   processus   classiques   de   l’effort,   de   la   mémoire,   de   l’exercice  
quotidien  sont  agités  comme  autant  de  risques  possibles.  Face  à  l’abondance  quelque  
peu piégeuse de ressources éducatives disponibles, comment faire partager à tous les
exigences du travail de  l’esprit,  les  hypothèses,  les  analyses,  la  recherche  de  preuves,  
l’argumentation,   l’établissement   d’un   jugement ? Comment préparer au monde
présent, quand précisément certaines caractéristiques de ce monde - par exemple la
surinformation qui peut être le véhicule de la désinformation, les dangers de
manipulation  de  la   pensée,  la  destruction  des  capacités  d’attention   - font partie des
menaces  qui  pèsent  sur  le  concept  même  d’école ?
On touche ainsi à un second niveau de la responsabilité des systèmes scolaires. Il
incombe  à  l’Éducation,  comme  lieu  de  la  pensée  critique  et  de  la  recherche,  d’apporter  
aux citoyens des voies pour que cette société soit décrite, analysée, interprétée de sorte
que la nature des transformations soit progressivement ressentie et évaluée par tous.
Cela  concerne  aussi  une  extension  du  domaine  de  l’éducation,  la  société  numérique  se  
caractérisant  par  une  forme  continue  d’apprentissage,  un  travail  quotidien  de  chaque  
individu,  qui  nécessite  en  prérequis  “d’apprendre  à  apprendre”.
N’oublions  pas  que  l’éducation  promet  ses  bénéfices  dans  un  contexte  historique  où  la  
majorité   des   emplois,   y   compris   les   emplois   les   plus   qualifiés,   sont   menacés   d’être  
absorbés  par  une  automatisation  issue  de  l’intelligence  artificielle  et  de  la  robotique.  
N’oublions  pas  que  les  savoirs  disciplinaires  purs  en  sortiront  dévalorisés  et  que  des  
compétences,   aujourd’hui   reléguées   au   second   plan,   vont   gagner   en   valeur,   parce  
qu’elles  ne  sont  pas  automatisables :  l’intuition,  la  curiosité,  la  capacité  à  donner  du  
sens,  l’intelligence  face  à  des  informations  inédites,  la  capacité  à  poser  et  résoudre  des  
problèmes jamais posés.
Quand   on   parle   de   la   responsabilité   de   l’éducation   pour   éclairer   la   transformation  
(numérique)  des  sociétés,  il  ne  s’agit  pas  d’adopter  une  approche qui voudrait que les
sphères  défavorisées  de  la  société  seraient  celles  à  “éduquer”,  il  ne  s’agit  pas  de  dire  
que  ceux  qui  ont  “moins”  sont  moins  capables  de  comprendre  ce  qui  se  joue.  Dans  les  
quartiers   prioritaires,   au   sein   des   minorités,   l’intuition   de   l’étendue   de   ces  
transformations  est  forte.  La  conscience  de  ce  que  peut  le  Web  ne  demande  qu’à  être  
orientée   et   potentialisée,   en   particulier   par   une   éducation   à   l’informatique   et   à   la  
littératie  numérique.  Le  besoin  d’éducation  à  la  société  numérique concerne aussi ceux
qui  n’ont  ni  problèmes  d’accès,  ni  problèmes  d’usages  mais  demeurent  déconnectés  de  
la métamorphose numérique. En particulier, les systèmes éducatifs et les grandes
ÉDUCATION ET FORMATION
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 313
écoles   ont   la   responsabilité   essentielle   de   lever   les   œillères   de   tous les décideurs et
futurs décideurs qui sous-estiment  encore  l’importance  de  la  transformation  à  l’œuvre.
Jules Ferry 3.0
Le Conseil National du Numérique a publié en octobre 2013 le rapport Jules Ferry
3.0 : Bâtir une école créative et juste dans un monde numérique201, dont certaines
recommandations ont été discutées au cours de la concertation et que nous
rappellerons ici, à la lumière des contributions et des avancées en cours ou à venir.
Enseignement l’informatique : maintenir le cap
Un certain nombre de mesures concrètes sont en train de voir le jour (enseignement
d’informatique   pour   les   élèves   des   classes   préparatoires   aux   grandes   écoles  
scientifiques,  généralisation  de  l’option  ISN  - Informatique et Science du Numérique -
en  terminale,  enseignement  d’exploration ISN en seconde, programmation au collège
dans   le   cadre   des   cours   de   mathématiques,   mesures   pour   l’enseignement   de  
l’informatique   en   primaire   notamment   par   le   biais   des   NAP   - Nouvelles activités
périscolaires,   ...),   notamment   sous   l’impulsion   d’associations historiques
(Enseignement   Public   de   l’Informatique)   et   du   succès   de   nouvelles   approches   de  
formation   (Simplon.co,   Magic   Makers,   Web@cademy…).   Ces   premiers   pas   doivent  
être encouragés par des mesures à la hauteur de nos ambitions. Pour cela un cap doit
être  clairement  fixé  afin  que  chacun  comprenne  l’importance  de  l’enjeu  et  dépasse  les  
idées  reçues.  La  généralisation  de  l’enseignement  de  l’informatique  de  l’école  jusqu’au  
lycée   n’a   pas   pour   but   de   former   des   armées   de   développeurs   afin   de   répondre aux
besoins   du   marché   du   travail,   mais   bien   de   former   des   citoyens   d’une   société  
numérique.
Une   maîtrise   des   bases   de   l’informatique   est   devenue   indispensable   pour   se  
familiariser  avec  le   monde  numérique  dans  lequel  nous  vivons.  L’informatique  peut  
également  être  un  formidable  vecteur  de  l’apprendre  à  apprendre.  Le  développement  
n’est  qu’une   partie  d’un   processus  itératif  de  création  et  de  réflexion   qui  caractérise  
l’informatique.  À ce  titre,  l’enseignement  de  l’informatique  doit  être  considéré  comme  
une  opportunité  d’acter  l’importance  de  pratiquer  de  nouveaux  modes  d’apprentissage  
plus agiles, expérimentaux, basés sur le projet, par essai-erreur.
Dans   un   contexte   où   l’informatique   (les   langages,   les   domaines   d’application,   les  
infrastructures, etc.) évolue très rapidement, il faut aussi insister sur le fait que la
réussite de son enseignement dépend en grande partie de la formation du corps
enseignant. À cet égard le CNNum réitère202 le  besoin  de  s’appuyer  sur  des  enseignants  
201 “Jules  Ferry  3.0  :  bâtir  une  école  créative  et  juste  dans  un  monde  numérique”, oc-
tobre 2014
202 Conseil national du numérique, Rapport Jules Ferry 3.0 : bâtir une école créative et juste
dans   un   monde   numérique.   Chapitre   1,   Enseigner   l’informatique   :   une   exigence   - pp.20-33
ÉDUCATION ET FORMATION
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique314
déjà  en  poste  tout  en  faisant  appel  à  d’autres  viviers  potentiels  (chercheurs,  ingénieurs,  
etc.), et le besoin de développer la   formation   et   le   recrutement   d’enseignants   en  
informatique de niveau master.
Pour   les   contributeurs,   le   principal   risque   à   éviter   est   celui   d’un   enseignement   de  
l’informatique  par  des  pédagogies  “classiques”,  descendant  et  individuel.  Ils  proposent  
de   s’appuyer plutôt sur des approches ludiques de découverte de la logique
informatique (serious games, Scratch, Robozzle, MinecraftEdu203,  “coding  goûters”…)
et de favoriser un apprentissage contextualisé et problématisé de la programmation en
lien   avec   d’autres matières (par exemple, créer ses propres cartes en ligne en
géographie plutôt que de simplement les colorier).
Enfin,  il  est  essentiel  d’ajouter  à  ce  constat  celui  de  la  sous-représentation des femmes
dans  le  monde  “numérique”,  révélée  par  leur  part  dérisoire  dans  les  écoles  d’ingénieur,  
notamment  celles  spécialisées  dans  l’informatique.  Une  étude  a  par  exemple  montré  
qu’en  2013  on  ne  comptait  que  28 % de femmes dans le numérique, contre 48 % pour
le reste de l'économie204.  L’éducation  - et  de  surcroît  l’école pour tous - est un levier
majeur pour dépasser cette situation.
Installer à l’école la littératie de l’âge numérique, une exigence
La littératie désigne « l'aptitude à comprendre et à utiliser le numérique dans la vie
courante, à la maison, au travail et  dans  la  collectivité  en  vue  d’atteindre  des  buts  
personnels  et  d’étendre  ses  compétences  et  capacités »205. Elle englobe les méthodes,
les connaissances et les savoir-faire  nécessaires  à  l’exercice  des  droits  et  devoirs  dans  
la société numérique. Deux exemples de référentiel ont été portés dans la
concertation : le référentiel sur la Webliteracy et les Makers206 de la Mozilla
Foundation, et les travaux menés par le collectif SavoirsCom1 pour définir les contours
d’une  littératie  des  communs207. Ce type de référentiels  doit  inspirer.  L’approche  “par  
les   compétences”   doit   être   généralisée   dans   le   monde   scolaire   et   les   contenus   des  
socles  de  compétences  de  l’école  doivent  s’inspirer  de  ce  type  de  référentiels.
http://www.cnnumerique.fr/wp-
content/uploads/2014/10/Rapport_CNNum_Education_oct14.pdf
203 http://lesclesdedemain.lemonde.fr/revue-de-web/minecraft-s-invite-dans-4000-ecoles-a-
travers-le-monde_a-75-4752.html
204 MARKESS International pour Femmes du Numérique, Juin 2013. http://www.syntec-
numerique.fr/sites/default/files/related_docs/2013_06_06_-_femmes_du_numerique_-
_indicateurs_2012_-_etude_complete.pdf
205 OCDE, « La littératie à l'ère de l'information », 2000,
http://www.oecd.org/fr/Éducation/etudespays/39438013.pdf
206
https://webmaker.org/fr/literacy
207
http://www.savoirscom1.info/2014/11/definir-litteratie-des-communs/
ÉDUCATION ET FORMATION
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 315
Concevoir l’école ouverte sur son époque, en réseau sur son territoire
L’urgence   est   de   décloisonner   l’école   afin   d’encourager   la   fertilisation   croisée   et  
construire ainsi une nouvelle alliance éducative, rassemblant des acteurs dans et hors
les  murs  de  l’école.
Concrètement, les contributeurs ont insisté sur   l’importance   du   champ   périscolaire  
pour   faire   bouger   les   lignes,   par   exemple   en   investissant   les   TAP   (Temps   d’activité  
périscolaire). Dans ce contexte, une attention toute particulière doit être portée au rôle
que peuvent jouer les systèmes éducatifs en lien avec les politiques de la ville et de
cohésion   sociale.   On   pense   ici   à   cet   élève   de   Simplon.co,   qui   face   à   l’insatisfaction  
engendrée   par   l’unique   ouverture  
hebdomadaire   de   l’office   HLM   de   son  
quartier, a créé une application mobile
de recueil des doléances. Suite à une
expérimentation   fructueuse,   l’office  
HLM a décidé  de  racheter  l’application.
Mettre en place un cadre de confiance pour l’innovation
Face  à  l’arrivée  de  nouveaux  entrants  de  l’économie  numérique  mondialisée,  l’un  des  
rôles de la puissance  publique  consiste  à  réorganiser  le  marché  de  l’éducation  français  
et   francophone   tout   en   maintenant   l’ambition   de   transformation   pédagogique   et  
culturelle  de  la  refondation  de  l’éducation  à  l’heure  du  numérique.  Pour  réaliser  cet  
objectif, il nous faut   disposer   rapidement   d’un   cadre   de   confiance   permettant   de  
garantir le respect des droits individuels des usagers sans pour autant brider
l’innovation  et  dessiner  un  paysage  dans  lequel  l’édition  scolaire  trouve  sa  place  aux  
côtés des opérateurs publics, des pure players et  d’autres  acteurs.  Cela  induit  aussi  de  
trouver   de   nouveaux   modèles   économiques   soutenables   et   d’engager   plus   de  
financements privés face au système de financement public à bout de souffle. Des
contributeurs  ont  d’ailleurs  émis  des  propositions dans ce sens.
ÉDUCATION ET FORMATION
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique316
ECHOS DANS
LA CONCERTATION
L’idée de la création d’un fond à l’innovation des pédagogies du numérique
agrégeant capitaux publics et privés a été apportée au débat public à travers la
concertation et semble faire écho à une tendance se dessinant mondialement,
celle de l’EdTech, ce secteur qui en 2014 a atteint outre-Atlantique des levées
de fonds de plus de 1 milliards de dollars208
.
Donner la parole aux enseignants pour construire ensemble l’école de la
société numérique
Le fonctionnement normatif et les pédagogies descendantes ne correspondent plus à la
demande de la communauté éducative - élèves comme enseignants - qui revendiquent
davantage  de  marge  de  manœuvre.  La  France  dispose  globalement  de  professeurs  bien  
formés, volontaires et innovants. Si certains ont su spontanément se saisir du potentiel
du   numérique   au   service   de   leur   pédagogie,   d’autres   doivent   aujourd’hui   s’engager  
dans une véritable mue culturelle et prendre conscience des multiples façons de tirer
parti du numérique sans en avoir peur. Le numérique remet en question le rôle de
l’enseignant   qui   n’est   plus   le   “maître”   de   la   connaissance   avec   pour   fonction  
l’évaluation  sanction  d’une  restitution  de  savoirs  “par  cœur”,  il  devient  celui  dont  le  
rôle est de questionner,  d’enrichir,  d’interagir  avec  ses  apprenants  et  d’accompagner  le  
développement des savoirs et des savoir-faire de chacun.
Expérimenter rapidement le bac HN Humanités numériques
Faut-il ou non accorder une place spécifique au numérique dans le parcours de
formation ?   Si   certains   contributeurs   estiment   qu’il   ne   faut   pas   créer   de   formation  
dédiée   car   le   numérique   est   par   essence   transdisciplinaire,   d’autres   le   considèrent  
comme un ensemble de sciences et techniques dont il faut faire une discipline à part
entière, avec des dimensions techniques, historiques, économiques, politiques,
juridiques, etc. Dans le rapport Jules Ferry 3.0, le CNNum avait émis la proposition
d’un  “bac HN Humanités numériques”,  réconciliant  les  deux  visions : une filière et un
diplôme bien identifiés, mais à travers lesquels seraient enseignées les disciplines des
filières   dites   “généralistes”   à   l’aune   du   numérique.   Un   symbole   fort   serait  
d’expérimenter  rapidement  un  tel  bac,  moderne,  en  phase  avec  son  temps,  au  niveau  
d’un  établissement pilote avec des acteurs territoriaux motivés.
NB : Au cours de nos échanges et rencontres lors des travaux sur le rapport Jules
Ferry  3.0,  l’importance  de  lancer  un  vaste  plan  de  recherche  pour  comprendre  les  
208 “EdTech : la France peut-elle  rattraper  son  retard  ?”,  ledudiant.fr,  27.02.2015
http://www.letudiant.fr/educpros/entretiens/edtech-la-france-peut-elle-rattraper-
son-retard.htmlv
ÉDUCATION ET FORMATION
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 317
mutations du savoir et éclairer les politiques   publiques   s’était   clairement   dégagée.  
Cette  recommandation  ne  faisant  pas  partie  du  périmètre  de  la  consultation,  elle  n’a  
pas  fait  l’objet  de  débats.
Recommandations
Au regard des sujets plébiscités par les contributeurs dans la concertation et des
échanges  avec  le  Ministère  de  l’Éducation nationale depuis la publication du rapport
Jules  Ferry  3.0,  le  CNNum  souhaite  ici  mettre  l’accent  sur  les  trois  axes  concentrant  
une   partie   du   débat   et   sur   les   propositions   complétant   utilement   l’analyse   du  
précédent rapport :
64. Faire évoluer et clarifier l’exception pédagogique
pour une meilleure adéquation avec les usages numériques
L’application  de  l’exception  pédagogique209 a été introduite dans le droit français en
2006 par la loi DADVSI210 et  s’organise autour  de  protocoles  d’accord  conclus  entre  les  
établissements   et   les   organismes   représentants   les   titulaires   des   droits.   Dans   l’état  
actuel,   l’exception   pédagogique   est   perçue   par   les   enseignants   comme   un   dispositif  
trop complexe pour pouvoir être pleinement compris et exploité. Les enseignants
s’inquiètent   d’une   insécurité   juridique   qui   freine   les   usages,   en   particulier  
numériques ;;   les   éditeurs   estiment   que   l’action   du   Centre   Français   de   la   Copie   a  
désormais   clarifié   le   paysage,   ce   que   démontrerait   l’usage massif du dispositif. À
minima, un bilan serait à établir en commun, avant un travail de communication
auprès de toutes les parties prenantes.
Le numérique risque de rendre cette tâche encore plus compliquée pour les
enseignants,  dans  le  cadre  de  l’utilisation du potentiel des TICE (blogs, wikis, réseaux
sociaux, etc.) et de la production de MOOCs ou autres cours en ligne, qui ont vocation
à être mise en ligne et donc en accès libre. Il  semble  donc  nécessaire  d’engager  
une réflexion collective sur le recours   à   l’exception   pédagogique   dans   le  
cadre de formations ouvertes à tous.
Pour soutenir la production de ressources éducatives par les enseignants et asseoir
leur sécurité juridique, le CNNum recommande de :
209http://eduscol.education.fr/internet-responsable/se-documenter-publier/visualiser-projeter-
des-contenus/faire-jouer-lexception-pedagogique.html
210 Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.
ÉDUCATION ET FORMATION
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique318
Donner les moyens aux enseignants de mettre en œuvre et de respecter
l’exception pédagogique selon des critères simplifiés, lisibles,
transparents et homogènes :
Clarifier le périmètre des ressources librement utilisables par les
enseignants ;
Formaliser de façon compréhensible le périmètre des contenus
couverts  par  l’exception  pédagogique,  et  expliciter  les  conditions  de  
leur libre réutilisation. Rendre cette information facilement accessible aux
enseignants, par exemple en la publiant sur les différents sites qui leur sont
dédiés, notamment les sites  institutionnels  de  l’Éducation nationale ;
Apporter aux enseignants une aide juridique émanant de leur établis-
sement,   de   leur   tutelle   ou   d’une   médiation   à   inventer,   qui   les   accompagne-
raient  dans  leur  pratique  de  l’exception  pédagogique  et  dans  la  recherche de
solutions alternatives lorsque celle-ci  ne  s’applique  pas ;
Favoriser et outiller les pratiques de création de contenus pédago-
giques par les enseignants à partir de ressources existantes dans le
respect  du  droit  d’auteur ;
Améliorer la lisibilité des offres en termes de droits via la signalétique,
labels, boutons, filtrage des moteurs de recherche, etc. pour faciliter la com-
préhension  des  conditions  de  réutilisation  et  des  licences  s’appliquant  par  les  
enseignants ;
Former les enseignants, en formation initiale dans les ESPE comme en
formation  continue,  à  la  compréhension  et  à  l’utilisation  des  licences,  notam-
ment les licences Creative Commons, aux outils de gestion (agrégation, cura-
tion, indexation, etc.) des ressources disponibles en ligne.
Assouplir et inscrire dans la durée l’exception pédagogique :
Assouplir  les  autorisations  d’usage  des  œuvres  dans  des  objets  pédago-
giques non-marchands pour assurer la sécurité juridique des enseignants ;
Rendre pratique la citation de source pour  les  œuvres  utilisées dans les
produits  pédagogiques,  à  l’image  du  modèle  automatique  de  génération  des  ci-
tations utilisé par Wikicommons ;
Favoriser le dialogue entre les ayants droit et les usagers de façon à développer
l'usage de licences Creative commons au service de la créativité pédagogique.
ÉDUCATION ET FORMATION
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 319
LE CANADA
En 2013 le Canada a introduit une exception pédagogique favorable aux usages
numériques : le législateur canadien a considéré, à l’occasion de sa
transposition du Traité de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle
de 1996, qu’au nom de l’intérêt général les usages pédagogiques et de
recherche des œuvres ne constituaient pas un préjudice infligé aux titulaires de
droits et qu’il n’y avait pas de compensation financière à verser. Cette loi a
donc permis aux établissements d’enseignement canadiens d’utiliser plus
librement tous types d'œuvres, mais aussi d’alléger leurs dépenses, en ne
renouvelant plus leurs accords auprès des sociétés de gestion collective.
Cependant, les éditeurs de manuels scolaires au Canada affirment avoir subi
des pertes importantes à la suite de l’introduction de cette réforme du droit
d’auteur : les ventes dans le secteur scolaire ont décliné de 11 %, générant des
pertes directes pour les éditeurs et les auteurs estimées à 15,5 millions
d’euros. L’éditeur Oxford University Press a même choisi de quitter le marché
canadien.
Sources :
http://scinfolex.com/2015/01/05/nouvel-accord-sur-lexception-pedagogique-
quelques-avancees-mais-un-dispositif-toujours-inadapte/
IPA (International Publisher Association)
65. Anticiper les révolutions de la certification
Le   numérique   est   au   centre   de   nouveaux   processus   d’acquisition   et   d’appropriation  
des savoirs, plus agiles, plus partagés, moins descendants. Cette dynamique couplée à
la  démultiplication  des  possibilités  d’accès  à  la  formation  via des dispositifs en ligne
conduit à la tentation de parcours moins linéaires et plus personnalisés. Cette réalité,
déjà  en  cours,  exhorte  le  système  éducatif  à  s’adapter  dès  aujourd’hui  pour  éviter  sa  
désintermédiation,  si  ce  n’est  son  remplacement,  par  de  futurs  géants  internationaux
en  ligne,  car  il  ne  s’agit  ni  plus  ni  moins  que  de  préserver  notre  souveraineté  en  termes  
d’éducation.   Cette   urgence   est   par   ailleurs   prégnante   à   l’heure   où   la   réputation   des  
universités sur la scène internationale dépend très largement de leur offre en ligne et
soulève a fortiori des enjeux de soft power.
À cet égard, la certification des savoirs et des savoir-faire par les instances de
formation (Education nationale, Enseignement supérieur, instances de formation
professionnelles…)   constitue   un   enjeu majeur.   Aujourd’hui,   l’offre   de   formation   à  
distance explose en direction de tous les publics. Les plateformes de MOOCs, souvent
d’origine  américaine,  proposent  de  plus  en  plus  des  solutions  de  certification  gratuites  
ou payantes. Certains étudiants tendent à délaisser certains cours magistraux, ayant
trouvé ces mêmes cours parfois mieux présentés ou tenus par un professeur davantage
renommé en ligne grâce aux ressources éducatives libres (REL, ou OER pour Open
Education Ressources en anglais). Dans ce contexte de mondialisation et de
ÉDUCATION ET FORMATION
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique320
marchandisation de la certification, il est urgent de réaffirmer le rôle certificateur de
l'École.
Dans la lignée des éléments avancés par les contributeurs, le CNNum propose
plusieurs chemins de progrès :
Encourager les institutions de formation à s’engager dans la mise en
ligne de leurs contenus :
Prévoir  des  indicateurs  de  résultats  et  un  espace  d’échange  des  bonnes   pra-
tiques ;
Adresser le marché de la francophonie en proposant des contenus coproduits
avec le soutien des  organisations  afférentes  (AUF,  OIF…);;
Engager une réflexion collective sur la construction de modèles économiques
pérennes et non-discriminants  sur  l’accès  à  la  formation  certifiante  en  ligne.
S’appuyer sur le système ECTS (Système européen de transfert et
d’accumulation de crédits) pour créer un vaste espace d’échange et
d’apprentissage certifiant en ligne au niveau européen :
Le système des crédits ECTS constitue un moyen efficace de reconnaissance
académique  sous  la  forme  d’un  label  octroyé  aux  établissements qui ont mis
en  place  le  système  et  l’utilisent  convenablement  et  avec  transparence.  Si  son  
extension   aux   grandes   plateformes   de   MOOCs   d’origine   américaine   paraît  
complexe,   le   système   ECTS   pourrait   être   la   pierre   angulaire   d’un   réseau  
d’universités   et   de   grandes   écoles   européennes   partageant   l’accès   à   leurs  
MOOCs et à leurs ressources pédagogiques en ligne ;
Un   point   d’attention   sur   le   choix   des   contenus : il ne   s’agit   pas  
d’assigner   de   façon   unilatérale   tel   MOOC   pour   “remplacer”   tel   cours,   au  
risque d’engendrer   de   graves   risques   à   la   fois   pour   la   diversité   de  
l’enseignement   et   l’inclusion   des   étudiants   déjà   en   difficulté,   qui   ont   besoin  
d’un   suivi   particulier211.   Il   s’agit   davantage   d’inventer   des   processus   de   re-
commandations de ressources plus souples, en peer-to-peer, sur la base de la
participation.
211
Voir Anderson, Terry. Promise and/or Peril: MOOCs and Open and Distance Edu-
cation. Athabasca University, 2013.
http://www.col.org/SiteCollectionDocuments/MOOCsPromisePeril_Anderson.pdf
http://www.tonybates.ca/wp-content/uploads/2008/07/castell4.pdf ou encore Bates,
Tony. The Promise and the Myths of e-Learning in Post-Secondary Education. In Ma-
nuel Castells (ed.), The Network Society - A Cross-cultural perspective. Cheltenham &
Northampton: Edward Elgar Publishing, 2004.http://www.tonybates.ca/wp-
content/uploads/2008/07/castell4.pdf
ÉDUCATION ET FORMATION
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 321
LE SYSTEME ECTS OU SYSTEME EUROPEEN DE
TRANSFERT ET D'ACCUMULATION DE CREDITS
L'ECTS a été créé en 1988 par l'Union européenne. Depuis 1999, il est un des
principaux outils du Processus de Bologne. La création de l'ECTS découle d'une
volonté d'instaurer une Europe des connaissances. Dans ce cadre ont été créés les
programmes Socrates et Erasmus - programmes d'échanges. L'ECTS a été mis en
place en 1989 dans le cadre du programme Erasmus. Il facilitait alors la
reconnaissance académique des périodes d'études réalisées à l'étranger. [...]
Ce système permet d'attribuer des points à toutes les composantes d'un
programme d'études en se fondant sur la charge de travail à réaliser par
l'étudiant. Il offre ainsi une meilleure lisibilité européenne des programmes
d'études nationaux, et constitue par ce moyen un outil, complémentaire au
supplément au diplôme, facilitant la mobilité d'un pays à l'autre et d'un
établissement à l'autre. [...]
En France, un an d'études est représenté par 60 crédits, soit entre 1 500 et 1 800
heures de travail des étudiants. Un crédit correspond donc à un volume de travail
étudiant d'environ 25 à 30 heures. Les crédits ne sont accordés qu'aux étudiants
réussissant leurs examens.
Source: :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A8me_europ%C3%A9en_de_transfert_et_d
%27accumulation_de_cr%C3%A9dits
Améliorer la flexibilité des dispositifs de formation et de certification
tout au long de la vie pour valoriser les parcours atypiques et les
changements de métier :
Encourager les structures de formation initiale à développer leur
offre de formation continue en   afin   de   faciliter   l’accès   à   leurs   cursus   à  
tous les publics sortis du système scolaire ;
Faciliter et valoriser la VAE (Validation des acquis de
l’expérience) : simplifier le dispositif, notamment vis-à-vis du dossier de
présentation et de la lisibilité des critères de certification, et lancer une cam-
pagne  d’information  nationale  sur  la  VAE,  en  impliquant  les  partenaires  so-
ciaux ;
Favoriser le développement de modalités pédagogiques plus
souples dans le cadre de la formation continue ou professionnelle,
au sein des entreprises qui investissent dans des plateformes de formation
dites « Learning Management Services » (LMS), ou au sein des organismes
de formation (e-learning, classes virtuelles, blended learning, serious
games…).
ÉDUCATION ET FORMATION
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique322
66. Passer d’une logique de l’équipement à une logique
de l’environnement
Tous  les  instruments  qui  permettent  aux  élèves  de  créer,  de  fabriquer,  d’expérimenter
constituent   de   potentiels   outils   au   service   de   l’innovation   pédagogique.   Si   les  
équipements restent un prérequis, il faut penser leur usage dans un cadre complet,
incluant   des   connexions   et   l’accès   aux   réseaux,   au   service   d’un   projet   pédagogique  
s’intégrant  dans  une  stratégie  globale  d’éducation  des  citoyens  en  devenir.  L’injonction  
de  “passer au numérique”  ne  doit  pas  être  comprise  dans  un  sens  réducteur,  limité  à  
l’équipement  en  nouvelles  technologies,  ni  même  au  recours  au  numérique  pour  une  
nouvelle   pédagogie.   Il   s’agit   au   fond   de   s’inscrire   dans   une   ambition   commune   de  
former tous les élèves à vivre dans la société à venir, dans laquelle le numérique a
reconfiguré tous les processus du savoir, de la recherche, de la production et des
rapports sociaux.   Pour   cela,   il   est   nécessaire   d’adopter   une   logique   de  
l’environnement,  c’est-à-dire  de  penser  cet  objectif  et  de  s’adapter  à  un  contexte  où  les  
élèves  sont  en  grande  partie  déjà  équipés  et  connectés,  où  l’utilisation  de  ressources  
numériques de sources multiples fait déjà partie des usages.
Le CNNum propose ici plusieurs chemins de progrès :
Modifier   l’article   L.515.5   du   code   de   l’éducation212 interdisant
l’utilisation  du  téléphone  portable  pendant  les  heures  de  cours  pour  donner  la  
possibilité  aux  élèves  d’utiliser  leurs  équipements  personnels  (on  parle  aussi  
de BYOD – Bring Your Own Device) ;
Systématiser la disponibilité de connexions Internet (avec ou sans fil)
dans chaque salle de classe ;
Rechercher des solutions nouvelles pour répondre aux enjeux de
maintenance de proximité, en  s’appuyant  par  exemple  sur  la  mutualisa-
tion  avec  d’autres  structures ;
S’assurer   de   la   mobilité   et   de   la   modularité des espaces
d’apprentissage ;
Garantir   en   amont   l’usage   de   normes   ouvertes   et   interopérables  
sur les supports, les logiciels et les contenus :
-­‐ La   France   doit   devenir   un   pays   leader   dans   l’élaboration   et   la  
diffusion de standards internationaux de contenus pédagogiques
comme   EDUPUB   issu   des   travaux   d’IDPF   (International   Digital  
Publishing Forum) ;
212
www.legifrance.gouv.fr%2FaffichCodeArticle.do%3FidArticle%3DLEGIARTI0000224
94861%26cidTexte%3DLEGITEXT000006071191&sa=D&sntz=1&usg=AFQjCNFIeU
DD8b0VdwQA55QIdg3U8DAy3A
ÉDUCATION ET FORMATION
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 323
-­‐ Approfondir   le   RGI   (référentiel   général   d’interopérabilité)   pour  
prendre  en  compte  l’éducation  nationale  et  encourager  les  normes  
ouvertes aussi bien en matière de supports que de logiciels
dédiés ;
-­‐ Promouvoir les ressources éducatives libres notamment leur
diffusion sous licence Creative Commons ;
-­‐ Privilégier   les   logiciels   libres   ou   open   source   chaque   fois   qu’il  
existe  une  offre  de  qualité  équivalente  à  l’offre  propriétaire.
INTEROPERABILITE DANS L’EDUCATION NATIONALE :
UNE ACTION A POURSUIVRE
L’État recommande déjà l’utilisation et le partage libres des ressources
pédagogique :
Septembre 2012 : circulaire concernant l'utilisation des logiciels libres
et des formats ouverts ;
Adoption de l’expression Ressources Educatives Libres (REL) en 2002
lors du Forum de l’UNESCO sur l’impact des logiciels de cours libres
pour l’enseignement supérieur dans les pays en voie de
développement ;
2012 : Déclaration de Paris sur les REL qui recommande aux États de
“soutenir les institutions, former et motiver les enseignants, ainsi que
tout autre personnel, à produire et partager des ressources éducatives
(libres)”.
Appel de l’APRIL pour l’interopérabilité dans l’Éducation nationale :
http://formatsouverts.education/
JUSTICE ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique324
Justice
et numérique
D’enquête  en  enquête,  les  Français  n’expriment  pas  une  défiance  de  principe vis-à-vis
de leur justice, mais une insatisfaction croissante vis-à-vis de son mauvais
fonctionnement :  lenteur,  coût,  complexité,  déficience  de  l’information.
Ces enquêtes expriment un besoin quasiment unanime de modifier en profondeur les
relations entre la justice et les citoyens :  vers  davantage  de  proximité,  d’intelligibilité  et  
d’accessibilité.  Aujourd’hui,  de  fait,  ni  le  droit  ni  le  service  public  de  la  justice  ne  sont  
réellement accessibles à tous les Français.
Le numérique peut-il contribuer à améliorer la situation ? Selon les termes mêmes du
ministère  de  la  Justice,  “les deux tiers des Français (66 %) considèrent que la justice
n’a   pas   un   fonctionnement   moderne,   et   ils   sont   favorables   à   l'introduction   de  
démarches numériques dans la gestion des tribunaux. Ainsi, plus de 80 % des
Français pensent que des démarches pratiques telles que prendre ou confirmer un
rendez-vous, télécharger des documents à remplir ou recevoir un rappel des pièces
justificatives à fournir devraient pouvoir être faites par internet.”
L’étonnant,  en  réalité,  est  que  ceci  ne  soit  pas  déjà  fait.
Le numérique, ne serait-ce   qu’en   favorisant   l’accès   à   l’information   juridique   (brute  
et/ou   vulgarisée   ou   mise   en   contexte),   en   permettant   l’échange   et   le   stockage   de  
documents   de   façon   dématérialisée,   en   offrant   la   possibilité   d’automatiser   certaines  
étapes   des   procédures,   en   facilitant   les   échanges   entre   les   acteurs   d’une   procédure,  
constitue une opportunité inédite de renouveler la pratique du droit et de moderniser
notre  système  judiciaire  au  bénéfice  des  citoyens.  En  cela,  il  porte  déjà  l’espoir  d’une  
justice plus efficace, plus transparente, plus proche des justiciables et moins coûteuse
pour eux.
La  priorité  nous  semble  par  conséquent  aller  à  l’informatisation  “basique”  
et   générale   d’un   service   public   de   la   justice   qui   fonctionne   encore   trop  
souvent comme au XIXe siècle. Des projets tels que la preuve ou la signature
électroniques, ou encore la dématérialisation de certaines procédures, sont positifs si
et seulement s’ils  s’inscrivent  dans  la  perspective  de  ce  jalon  essentiel  au  déploiement  
d’une  stratégie  numérique  globale  de  la  justice.  Il  s’agit  en  effet  d’établir  les  prérequis  
JUSTICE ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 325
à  l’amélioration  de  la  qualité  de  services  aux  usagers,  avant  de  discuter  de  sujets  plus  
“avancés”   tels   que   l’ouverture   vers   les   terminaux   mobiles,   la   virtualisation   des  
tribunaux,  la  vidéoconférence  dans  les  salles  d’audience,  etc.
Le développement du numérique dans la justice cristallise cependant de nouvelles
inquiétudes :   comment   s’assurer   du respect des droits processuels fondamentaux
(droit à un procès équitable, principe du contradictoire, etc.) ? Comment prévenir les
effets collatéraux de la dématérialisation des procédures (risque de déshumanisation
de la justice, danger d'exclusion des citoyens non équipés ou non rompus aux usages,
etc.) ?
Il est plus que temps de faire entrer notre système   judiciaire   dans   l’ère   numérique.  
L’objectif  est  d’abord  et  avant  tout  de  rendre  le  service  public  de  la  justice  accessible  
aux justiciables ordinaires, dans le respect des droits fondamentaux. Tous les autres
objectifs en matière de lien entre justice et numérique, ou presque, nous semblent
devoir être subordonnés à celui-ci.
Les recommandations du CNNum portent donc sur trois axes prioritaires.
67. Renforcer l’accès des justiciables à l’information juridique
avec le numérique
Par sa nature technique,   sa   densité   et   sa   structuration   complexe,   l’information  
juridique se trouve hors de portée de la compréhension de la majorité des citoyens. Le
CNNum  est  donc  d’avis  de :
Homogénéiser la mise à disposition de l'information juridique, en
renforcer la visibilité et outiller la navigation : Les portails existants
(notamment   Legifrance)   constituent   déjà   un   service   commun   d’information  
juridique.  Il  s’agit  de  dépasser  la  simple  navigation  et  permettre  à  l’usager  de  
véritablement exploiter la documentation à disposition à travers des fonction-
nalités   d’indexation,   de   curation   et   d’agrégation.   La   mise   en   place   d’un   sys-
tème-expert   faciliterait   également   l’orientation   des   usagers   dans   leur   re-
cherche.
Garantir  l’intelligibilité  et  la   cohérence   de  l’information juridique
officielle :
-­‐ À l’instar   des   praticiens   du   droit,   les   producteurs   d’information  
juridique   officiels   pourraient   faire   appel   à   des   outils   d’analyse  
sémantique et statistique afin de compiler et de résumer des
textes de lois bruts, ces derniers restant facilement accessibles via
des liens.
JUSTICE ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique326
-­‐ Des groupes de travail réunissant linguistes, professionnels du
droit, usagers, etc. pourraient également retravailler et valider
non   seulement   l’intelligibilité,   mais   aussi   l’exactitude   de   ces  
“versions simplifiées”  de  textes bruts avant leur publication.
-­‐ Les   actions   indépendantes   d’associations,   professionnels,   etc.  
visant à une meilleure intelligibilité des textes juridiques par les
justiciables (vulgarisation,...) doivent être soutenues. Ce soutien
pourrait notamment prendre la forme de liens directs entre les
portails officiels et les sites proposant une version vulgarisée des
textes bruts ou autres actions en faveur de leur compréhension,
assurant à ces initiatives une meilleure visibilité.
IMAGIDROIT
Imagidroit accompagne les entreprises et les acteurs du secteur public pour
améliorer la communication du Droit pour un public non-juriste grâce à des
outils visuels créés sur mesure. L’initiative vise à transformer du jargon
juridique en schémas synthétiques.
En savoir plus : http://oz-imagidroit.tumblr.com/
http://oz-imagidroit.tumblr.com/
LA GRANDE BIBLIOTHEQUE
DU DROIT
Le Barreau de Paris a constitué une Grande bibliothèque du droit depuis un an -
en partenariat avec Wikipedia et Legifrance. Librement accessibles et
réutilisables, les contenus actuellement publiés sur la plateforme sont le fruit
des contributions de nombreux acteurs du droit - juristes, Ordres des avocats,
éditeurs spécialisés, universitaires, etc. - dans le monde.
Inciter les structures offrant un service de consultation juridique
gratuit (Mairies, Palais de justice, CCAS, etc.) à compléter leur
offre par un dispositif en ligne. Une telle solution permettrait de démul-
tiplier  les  capacités  de  service,  en  faisant  abstraction  des  plages  horaires  d’une  
part, en ouvrant à  d’autres  volontaires  la  possibilité  de  contribuer  selon  leur  
disponibilité  et  leur  niveau  d’expertise  d’autre  part.
-­‐ Ce   service   s’adresserait   en   priorité   aux   publics   exclus : des
conditions liées aux revenus, à la distance et à la possibilité ou
non d’être  représenté  par  un  avocat,  pourraient  par  exemple  être  
fixées dans un premier temps afin de réguler les demandes
JUSTICE ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 327
-­‐ Le traitement des demandes effectuées en ligne pourrait
s’appuyer  sur  le  volontariat  des  élèves  avocats,  et  des  professeurs  
et étudiants en  droit  en  fonction  du  niveau  d’expertise  nécessaire
Encourager  les  barreaux  d’avocats  à  organiser  et  proposer  des  ser-
vices de consultation juridique en ligne.
LE SERVICE WWW.MESDROITSMONAVOCAT.FR DU
BARREAU DE NANTES
Au travers du site www.mesdroitsmonavocat.fr, le barreau de Nantes permet à
tout justiciable de faire appel en ligne au conseil juridique d’un avocat, avec
des conditions définies à l’avance quant au délai de réponse (72H) et au tarif
applicable.
68. Informatiser enfin le fonctionnement quotidien de la justice
En matière d'informatisation des procédures et du fonctionnement quotidien de la
justice, il faut désormais sortir de l'expérimentation permanente et passer à la
généralisation. Les procédures juridiques, très formalisées, se prêtent particulièrement
bien à l'informatisation : "workflow", échanges de documents, communications
sécurisées, agendas, archives… Alors que tous les tribunaux et les professionnels se
plaignent à la fois de leurs moyens et de leurs conditions de travail, il paraît
incompréhensible que ce travail élémentaire ne soit pas plus poussé.
Il  nous  faut  toutefois  insister  sur  le  fait  qu’une  vraie  stratégie  de  dématérialisation  des  
processus et procédures judiciaires est absolument nécessaire, que cela ne peut être
mené sans une vision holistique, un plan  d’action  pensé  de  bout  en  bout.  Il  s’agit  de  ne  
surtout  pas  saupoudrer  la  dématérialisation  dans  les  procédures,  ce  qui  n’apporterait  
que   peu   de   gain   d’efficience   voire   ajouterait   de   la   complexité.   C’est   dans   un   cadre  
global que doivent être prises les pistes  d’action  suivantes.
Organiser la transmission des justificatifs et documents entre les
auxiliaires de justice, les juridictions, les autres acteurs de la jus-
tice (ex : police et gendarmerie, pour les contraventions, convoca-
tions notamment) et les justiciables de façon dématérialisée et sé-
curisée :
-­‐ À court terme, sécuriser davantage les échanges par voie
numérique par le recours à des solutions de cryptographie.
-­‐ À moyen terme :
JUSTICE ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique328
-­‐ Tendre vers l'accès sécurisé et authentifié des
justiciables aux décisions et éléments de procédure par
voie numérique au moyen de comptes personnels
sécurisés et interconnectés avec le système des
tribunaux et professions du droit. Un tel espace
permettrait à un justiciable de suivre le parcours de son
dossier, de détenir un archivage de tous les documents
administratifs   et   justificatifs   divers,   et   d’avoir   la  
possibilité de les transmettre facilement.
-­‐ Créer   des   guichets   d’accueil   et   d’accompagnement  
personnalisé à la numérisation des documents papiers.
Le déploiement de dispositifs territorialisés semble être
une mesure nécessaire à la bonne réalisation de cet
objectif et pour cela, des moyens légaux doivent être
mobilisés afin que des guichets territorialisés soient
créés.  L’accompagnement  et  la  formation  au  numérique  
des professions du droit et plus largement, de ces futurs
centres  d’accueil,  constituent  bien  sûr  des  prérequis.
69. Encourager les modes alternatifs de résolution des litiges
En matière de droit de la consommation, une dynamique européenne autour de
l’Alternative Dispute Resolution est  d’ores  et  déjà  lancée.  Sa  généralisation  à  d’autres  
champs du droit en lien avec le quotidien des particuliers (droit du travail, etc.)
contribuerait au désengorgement des tribunaux, à un gain de temps certain, et
permettrait aux justiciables  d’aborder  les  litiges  de  façon  plus  sereine.
Développer la médiation pour régler les litiges :  La  médiation  permet  d’offrir  
des voies de recours simples, souples, rapides et efficaces. Par exemple, la Fé-
dération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD) a mis en place un
service de médiation du e-commerce, l'Association Médiation Communica-
tions Électroniques (AMCE) a fait de même en matière de communications
électroniques.
-­‐ Pour   y   parvenir,   l’accompagnement   et   la   formation des
professionnels du droit aux modes alternatifs de résolution des
litiges doivent être encouragés.
JUSTICE ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 329
LE PARTENARIAT DE LA COUR D'APPEL DE PARIS AVEC
L'ANCIEN FORUM DES DROITS DE L'INTERNET
“La Cour d'appel de Paris et le Forum des droits sur l'internet ont
signé un protocole d'accord en vue du développement de la médiation en ligne.
[...] Le protocole d’accord, qui a été signé le mardi 7 avril 2009 au Forum des
droits sur l’internet, vise à améliorer le service aux Français en matière de
règlement des litiges de la vie courante impliquant l’usage de l’internet. Il porte
sur le développement de la médiation en ligne et un meilleur accès aux
informations juridiques. [...] Dès mai 2009, les personnes ayant des questions
liées à l’internet seront orientées par les greffes des tribunaux pilotes vers le
service d’information du public du Forum des droits sur l’internet. Ils auront
ainsi accès à une base d’informations juridiques et pratiques leur permettant
de mieux maîtriser l’univers numérique. En outre, les greffes inviteront
également les particuliers à recourir à la médiation du Forum des droits sur
l’internet , soit avant toute action en justice, soit dans le cadre d’une instance
en cours, l’accord prévoyant la possibilité pour le juge, avec l’agrément des
parties, de désigner le service du Forum, Médiateur Du Net, comme médiateur.”
Source : http://www.ca-paris.justice.fr/index.php?rubrique=11048&article=17107
-­‐ La médiation pourrait elle-même être effectuée en ligne (online
dispute resolution) :
-­‐ À ce titre, les maisons de justice et du droit (MJD) et des
points  d’accès  aux  droits  (PAD)  pourraient  devenir  des  
tiers lieux de la médiation numérique en matière de
justice.
-­‐ La médiation en ligne doit être proposée aux justiciables
dès  lors  que  la  situation  s’y  prête  - en particulier dans les
cas de litiges mineurs - et   s’accompagner   d’une  
explication quant aux avantages comme aux
inconvénients afin de permettre une décision éclairée.
JUSTICE ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique330
LA SOCIETE
NEGOSTICE213
“La société Negostice à fait le choix de mettre en avant la médiation pour une
"résolution par le haut" des conflits rencontrés tant par des professionnels
(entreprises, collectivités publiques) que des particuliers. Cette structure
d’exercice de la médiation est assez innovante en France. La médiation est une
solution efficace de résolution des conflits, car elle est généralement plus
rapide, plus simple, moins chère que le procès. Partant de ce constat, il est
intéressant de voir une telle structure se développer dans le secteur de l’IT. La
société Negostice propose à ces clients deux façons d’accéder à la médiation
afin de répondre de façon adaptée aux souhaits des clients.
La médiation classique dite en présentiel : les parties en différent se
rendent au sein des bureaux de Negostice pour échanger avec les
médiateurs.
La médiation en ligne : les parties concernées par la médiation
échangent avec les médiateurs lors de vision conférences. Ce type
de médiation permet plus de souplesse, de rapidité et est plus
économique.
La médiation en ligne peut-être couplée avec une médiation classique.”
Source : http://www.lawinfrance.com/articles/Innovation-creation-d-une.html
http://www.lawinfrance.com/articles/Innovation-creation-d-une.html
Enfin, les modèles de collaboration en pair-à-pair autour de la production de
“communs”  du  numérique,  qui  ne  s’appuient  plus  sur  des  organisations  verticales  pour  
coopérer, peuvent servir de source d’inspiration   pour   la   résolution   de   litiges.   Plus  
qu’une  approche  passive  face  au  droit,  une  posture  qui  attendrait  de  l’État  qu’il  trouve  
une solution à toute situation, ces nouvelles cultures revendiquent les possibilités pour
les   individus   d’inventer   des réponses juridiques, notamment contractuelles. Les
licences Creative Commons,  qui  ont  été  cruciales  dans  l’adaptation  du  cadre  juridique  
du  droit  d’auteur  aux  nouvelles  pratiques  de  partage  et  de  réutilisation  des  œuvres  sur  
le Web, en sont un exemple probant.
SHARELEX
ShareLex est une association fédérant une communauté de personnes
(utilisateurs du droit, experts du droit, développeurs, designers,
entrepreneurs…) engagées pour faire de l’accès au droit une réalité. Par la
collaboration en ligne mais aussi l’organisation de rencontres en présentiel,
ShareLex permet de réunir différentes expertises pour expérimenter et
développer des solutions juridiques innovantes. Les “LaboLex” sont organisés
spontanément par des communautés autonomes, afin d’élaborer des solutions
rencontrées ou soulevées localement.
213 Retrouvez   l’ensemble   des   pitchs,   dont   celui   de   Negostice,   sur   da-
ta.contribuez.cnnumerique.fr.
ETHIQUE ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 331
Ethique
et numérique
70. Instruire la place des questions d’éthique dans la société
numérique
La  métamorphose   numérique  transforme  la  vie   quotidienne  de  millions  d’individus,  
remet en question les modèles économiques traditionnels, renouvelle le rôle des États.
Elle  impacte  de  nombreux  domaines  comme  la  santé,  le  travail,  l’économie,  l’individu  
et sa   vie   privée,   la   citoyenneté,   les   interactions   de   l’individu   avec   les   artefacts   du  
numérique,   l’éducation,   la   culture   et   la   communication,   les   transports,   la   ville   (en  
particulier les villes intelligentes) et les territoires. Cette métamorphose est duale, à la
fois   source   de   progrès   et   porteuse   d’inquiétudes.   Certains   qualifient   ces   progrès  
d’exponentiels  et  prônent  l’amélioration  voire  le  dépassement  de  l’humain,  dans  des  
considérations  mêlant  modèles  d’affaires,  utopies  et  idéaux.  Pour  d’autres,  la  situation
où « tout devient possible » constitue une menace. Cette fracture ne pourra être
comblée   qu’en   instaurant,   à   travers   l’action   politique,   des   espaces   de   débat   et   de  
réflexion éthique sur la transformation de nos sociétés par les technologies et les
innovations numériques.
Dans son rapport sur « Le numérique et les droits fondamentaux » publié en
septembre   2014,   le   Conseil   d’État   préconise   la   création   d’une   mission   permanente  
d’animation   de   la   délibération   collective   sur   les   enjeux   éthiques   liés   au   numérique.
Dans  les  domaines  de  la  vie  et  de  la  santé,  la  France  a  montré  l’exemple  en  créant  dès  
1983 le CCNE, comité consultatif national sur les questions éthiques.
Alors  que  l’influence  de  la  métamorphose  numérique  sur  la  condition  humaine  est  tout  
aussi importante   que   celle   de   la   biologie   et   la   médecine,   il   se   pose   aujourd’hui   le  
problème   de   l’instruction   des   questions   d’éthique   liées   au   numérique,   et   de   leur  
rapport au droit et au politique.
Ces questions sont nombreuses, comme :
Quel modèle développer pour une société numérique inclusive et soutenable ?
Quelle influence les technologies numériques ont-elles   sur   l’évolution   des  
normes et des lois ?
ETHIQUE ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique332
Quelles sont les conséquences   d’une   robotisation   de   la   société   (incluant   les  
questions  de  l’autonomie,  du  pouvoir  décisionnel,  de  l’affectivité  des  robots) ?
Quelle importance ont les algorithmes dans notre société ? Quels sont les im-
pacts sur les prises de décisions ? Quelles sont les conséquences sur le carac-
tère contestable de ces décisions ?
Quels sont les risques  du  transhumanisme,  de  l’  « homme augmenté », de la
longévité  infinie,  ces  disruptions  prônées  aujourd’hui  par  les  grands  acteurs  de  
la Silicon Valley ?
Quelle  articulation  entre  l’éthique  de  la  recherche  et  les  conséquences  sur  les  
usages ?
Comment peut-on  s’inspirer  de  la  pensée  morale  et  de  ses  grandes  traditions  
dans  l’analyse  des  questions  éthiques  posées  par  la  nouveauté  technologique  
et la métamorphose numérique ?
Comment prendre en compte les différences culturelles dans la réflexion
éthique sur le numérique ?
Quelles sont les influences mutuelles entre le souci de compétitivité écono-
mique et les positions éthiques dans le domaine du numérique ?
Face  à  ces  grandes  questions  de  société  et  dans  la  ligne  suggérée  par  le  Conseil  d’État,
nous proposons  qu’une  réflexion  soit  menée  courant  2015  afin  de  délibérer  de  la  place  
des   questions   éthiques   dans   le   monde   numérique   et   de   leur   mode   d’instruction,  
notamment  de  l’opportunité  d’un  dispositif  dédié.
Trois raisons majeures justifient cette proposition.
D’une  part,  les  recherches  et  l’innovation  dans  le  domaine  du  numérique  intégrant  des  
considérations éthiques, des réflexions sur les usages potentiels de ces nouvelles
technologies et sur leur impact sur la société constitueraient une source de forte
création  de  valeur  et  nourriraient  la  construction  d’une  société  numérique  soutenable.
D’autre  part,  dans  un  monde  numérique  où  les  questions  de  confiance,  de  protection  
des  données  personnelles,  de  croissante  capacité  d’agir  des  internautes  mais  aussi  de  
fragilisation de certaines populations à faible niveau de littératie numérique, la France
pourrait   porter   un   modèle   de   société   numérique   fondée   sur   des   valeurs   d’éthique,  
suscitant  d’une  part  une  plus  grande  confiance  chez  les  utilisateurs  et  d’autre  part  un  
environnement  source  d’avantage  concurrentiel  pour  les  acteurs  économiques  face  à  
des  modèles  aujourd’hui  dominants  qui  laissent  interrogatifs  sur  leurs  finalités.
Enfin, la veille éthique doit être continue, et la France doit pouvoir capitaliser sur sa
vision et ainsi la porter sur la scène européenne et internationale.
ETHIQUE ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 333
Les enjeux ci-dessus ne pouvant se réduire à des réponses juridiques, les questions
éthiques pourraient être traitées par différents dispositifs possibles, comme par
exemple un programme de recherche, un forum public permanent (en ligne et hors
ligne), des conférences citoyennes, un "1 % éthique" (obligation de traiter le sujet en
amont de programmes de recherche, de débats législatifs etc.), une commission
temporaire, une collaboration entre le CCNE et le CNNum pour créer une section
commune dédiée à l'éthique, ou encore la création d'un comité d'éthique indépendant
sur la société numérique.
L’un  ou  l’autre  de  ces  dispositifs  pourrait  contribuer  à  créer  un  environnement  propice  
et différenciant pour les acteurs économiques français et européens, à nourrir la
stratégie   numérique   de   l’État, et enfin à porter un modèle de société numérique
inclusive et soutenable au niveau européen.
ETHIQUE ET NUMÉRIQUE
SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique334
POSTFACE Ambition numérique 335
Postface
Ce rapport du Conseil national du numérique est exceptionnel par sa vaste couverture
des domaines impliqués dans la révolution numérique. Il propose des méthodes
nouvelles et de nombreux exemples d'applications collectés en divers pays, preuve de
la vitalité des initiatives locales partout dans le monde.
Du fait de cette richesse de contenu, les points de vue et les options proposés ne feront
sûrement pas l'unanimité des lecteurs. Ce sera donc une source précieuse pour susciter
une suite de débats innovants entre citoyens du monde.
Ces  débats  sont  d’autant  plus  nécessaires  que  la  gouvernance  d’Internet  instituée  au  
niveau  mondial  n’offre  pas  une  place  effective  aux  citoyens.  De  plus  le  fonctionnement  
des forums et institutions  de  la  gouvernance,  ne  permet  pas,  à  l’heure  actuelle,  l’étude  
réelle des positions divergentes et des options alternatives. Les paradigmes techniques
du futur paysage numérique dessinent la société dans laquelle nous allons vivre. Ces
décisions ne peuvent   pas   être   préemptées   par   le   jeu   des   groupements   d’intérêts  
industriels,  pas  plus  qu’elles  ne  doivent  être  un  levier  au  service  d’intérêts  nationaux  
particuliers,   comme   c’est   le   cas   aujourd’hui   du   fait   de   la   stratégie   d’influence  
américaine. Ainsi,   l’influence   importante   qu’exerce   le   gouvernement   américain   sur  
l’organisme  qui  attribue  les  noms  de  domaine  de  premier  niveau  conduit  de facto à sa
main  mise  sur  ces  ressources  rares  et  essentielles.  Ce  sont  les  fondements  d’une  forme  
de colonisation numérique de   l’Europe   :   le   contrôle   de   ces   ressources   appuie   les  
logiques de puissance des Etats-Unis, notamment en favorisant la surveillance, ainsi
que les positions dominantes de ses grands acteurs économiques.
C’est  pourquoi  recouvrer  une  souveraineté  numérique  est  une  exigence.  Contrairement
à   ce   qui   est   souvent   affirmé,   elle   n’est   ni   absurde   ni   fantasmatique   mais   tout   à   fait  
réalisable. En 2005, la Chine a démontré la possibilité de retrouver sa souveraineté
dans  le  monde  numérique  en  mettant  en  place  un  système  alternatif  d’attribution  et  de  
gestion  des  noms  de  domaine.  Bien  sûr,  cet  exemple  est  loin  d’être  un  modèle,  puisque  
la Chine a constitué un réseau constamment surveillé, censuré et largement séparé du
reste  de  l’Internet.  Mais  ce  scénario  ne  doit  pas  amener  à  conclure  que  toute  volonté  
de souveraineté numérique aura pour conséquence de limiter les libertés individuelles
et   de   “balkaniser”   l’Internet   !   La   décentralisation   de   la   gestion   des   ressources  
numériques  critiques  peut  tout  à  fait  s’accompagner  du  maintien  de  l’interopérabilité  
et  de  l’ouverture  du  réseau.  C’est  d’ailleurs  précisément  le  projet  initial  d’Internet  que  
de fonctionner comme un réseau des réseaux !
POSTFACE Ambition numérique336
Pour lutter contre la colonisation numérique   qu’elle   subit   et   retrouver   son  
indépendance  politique,  juridique  et  économique,  l’Europe  a  l’opportunité  historique  
d’être  à  l’origine  d’un  mouvement  global  de  redistribution  des  pouvoirs  dans  le  monde  
numérique. La première étape de ce mouvement est   la   construction   d’un   Internet  
européen, ni dominé par les États-Unis, ni fermé sur lui-même à la manière de
l’Internet   chinois.   C’est   en   retrouvant   le   contrôle   sur   les   ressources   nécessaires   au  
fonctionnement   d’Internet,   en   premier   lieu   les   noms   de   domaine, mais également
d’autres   éléments   comme   l’énergie,   la   bande   passante,   les   infrastructures,   l'espace  
juridique   et   la   diversité   culturelle   et   linguistique   que   l’Europe   pourra   dessiner   une  
troisième   voie   pour   Internet.   Cette   voie   est   celle   d’une   souveraineté retrouvée sur
Internet qui permette de redonner une effectivité aux règles de droit et de préserver la
possibilité de décider collectivement de la forme que prendra la transition numérique.
Elle   n’est   donc   ni   celle   d’une   fermeture   ni   celle   d’un   cloisonnement des réseaux
locaux : au contraire elle permet, en soustrayant le réseau à la domination américaine,
de redonner aux sociétés européennes les clefs de leur destin numérique.
Par   conséquent   je   pense   que   le   rapport   “Ambition   numérique”   fait   œuvre   utile en
proposant  une  vision  et   en  formulant  un   grand   nombre  d’idées  visant  à  redonner  à  
chacun la possibilité de décider à quoi ressemblera notre société numérique. En ce
sens, nous partageons la même ambition.
Louis Pouzin
Louis Pouzin (né en 1931 à Chantenay-Saint-Imbert,
Nièvre, France) est un ingénieur français en informatique.
Louis Pouzin a inventé le datagramme et a contribué au
développement des réseaux à commutation de paquets,
précurseurs d'Internet. Ses travaux ont été largement
utilisés par Vint Cerf pour la mise au point de l'Internet
et du protocole TCP/IP. Il a obtenu en 2013 le prix
de  la  Reine  Elizabeth  pour  l’ingénierie.
ANNEXES Ambition numérique 337
LA CONCERTATION
Lettre de saisine du Premier Ministre 339
Le processus de concertation 345
Les sujets de consultation 349
Les temps forts de la concertation 353
Les ateliers et événements relais 361
Le kit contributif en libre réutilisation 365
Les pitcheurs contributifs 369
Les partenaires 373
Les membres du CNNum et le Secrétariat Général 377
Le glossaire 381
ANNEXES Ambition numérique338
ANNEXES Ambition numérique 339
Lettre de saisine
du Premier Ministre
ANNEXES Ambition numérique340
M. Benoît THIEULIN
Président du Conseil National Numérique
5, place des Vins-de-France 75573 Paris Cedex 12
Paris, le
Monsieur le Président,
J’ai décidé de mobiliser tout le Gouvernement autour du numérique, et d’en faire l’une des
priorités de notre action dans l’année à venir.
Le numérique fait désormais partie de la vie quotidienne d’une majorité de Français. Il est
porteur de mutations profondes et d’opportunités décisives, dans l’émergence d’une économie
nouvelle comme pour la modernisation de nos entreprises. Il renouvelle les modes d’accès et
de production de la connaissance, de l’information et de la culture. Il est un formidable outil
au service de l’inclusion sociale et territoriale. Le gouvernement doit accompagner ces
mutations, et faire du numérique un outil de croissance, de compétitivité, d’éducation, de
culture, de justice et d’égalité.
Le numérique représente de surcroît une formidable opportunité de renouvellement de la
démocratie, en établissant de nouveaux liens et interactions entre les pouvoirs publics et les
citoyens.
Depuis mai 2012, le gouvernement a privilégié une approche pragmatique, lucide et
ambitieuse quant à sa politique en matière de numérique, comme outil de la reconquête
industrielle et du redressement économique du pays ou en mobilisant ses possibilités pour la
simplification et l’amélioration de l’action publique, tout en prenant la mesure des difficultés
engendrées dans certains secteurs.
Je souhaite aujourd’hui lancer une démarche qui mobilisera tout le gouvernement, pour placer
la France à la tête des nations qui s’approprient les possibilités offertes par le numérique et
qui portent des valeurs novatrices en termes de politique publique dans le respect de notre
tradition républicaine. La secrétaire d’Etat en charge du numérique, Axelle Lemaire, et le
secrétaire d’Etat en charge de la réforme de l’Etat et de la simplification, Thierry Mandon,
auront la charge d’animer ce travail interministériel.
Ces questions complexes appellent un large débat au sein de la société. Je souhaite donc que
le Conseil national du numérique mène une concertation, jusqu’au début de l’année 2015,
pour recueillir et analyser les avis et contributions des citoyens et des acteurs de la société
civile, associatifs, économiques et institutionnels sur les besoins et les démarches à adopter en
matière de numérique, notamment en ce qui concerne le développement économique,
l’innovation, les droits et libertés fondamentaux.
Ce travail devra aboutir à des propositions d’actions pour le gouvernement, mais aussi les
entreprises et l’écosystème. Elles pourront trouver une traduction dans la loi nationale, dans
des choix stratégiques ou dans des dispositifs opérationnels. Parce qu’internet déborde, par
construction, les frontières de notre géographie et de notre législation, la concertation visera
également à proposer les positions que la France pourra tenir auprès des instances
européennes et internationales. Vous prendrez soin d’identifier clairement dans vos
propositions celles qui relèvent de dispositions législatives, d’outils opérationnels, de
réglementation européenne ou de stratégie internationale.
Vous pourrez, dans votre démarche, vous appuyer sur les travaux déjà menés par les
ministères, en particulier les secrétariats d’Etat en charge du numérique et de la réforme de
l’Etat et de la simplification, sur la contribution de la France sur le numérique au Conseil
européen d’octobre 2013 ainsi que sur l’étude annuelle du Conseil d’Etat sur « le numérique
et les droits fondamentaux » à paraître, sur les pistes d’action proposées par la mission sur la
transformation numérique de l’économie menée actuellement par Philippe Lemoine, et sur les
propositions de la mission parlementaire sur l’adaptation du service universel des
télécommunications confiée au député Fabrice Verdier et au sénateur Pierre Camani.
Vous pourrez notamment concerter sur les problématiques suivantes :
- la protection des données et des communications, droits et libertés publiques à l’heure
numérique (renforcement des autorités de protection, simplification de
l’accompagnement des entreprises, territorialité, tiers de confiance, confidentialité des
communications privées) ;
- les données comme moteur de la transformation de l’action publique et de l’économie,
au-delà de la seule transposition de la directive européenne concernant la réutilisation
des informations du secteur public (nouveaux services, pilotage des politiques
publiques, données d’intérêt public comme le transport, l’énergie ou la santé) ;
- le renforcement de notre économie (transformation numérique des entreprises,
économie collaborative, adaptations réglementaires, promotion et encadrement des
mégadonnées) ;
- le statut des grandes plateformes numériques (droit de la consommation, droit du
commerce et de la concurrence, cybersécurité et protection des données) ;
- la promotion de standards et d’architectures ouverts et interopérables, la neutralité des
réseaux ;
- la gouvernance de l’internet et les coopérations internationales ;
- les impacts sectoriels du numérique (éducation, santé, travail, tourisme, culture,
transports, etc.).
Vous conduirez ces travaux en lien avec les services des administrations concernées par ces
différents volets, et notamment la Direction générale des entreprises, la Direction générale du
Trésor et le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, et pour les volets
européens et internationaux, le secrétariat général des affaires européennes et le ministère des
affaires étrangères et du développement international. Vous associerez à vos travaux
l’ensemble des administrations susceptibles d’y contribuer.
J’ai toute confiance en la capacité du Conseil National du Numérique à organiser cette
concertation de manière exemplaire, ouverte et participative, afin de permettre à tous les
acteurs de notre pays de s’approprier les enjeux numériques. Je souhaite que les débats
puissent s’engager dès le mois de septembre et s’achever au plus tard à la fin du mois de
janvier 2015.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de ma considération distinguée.
Manuel VALLS
ANNEXES Ambition numérique344
ANNEXES Ambition numérique 345
Le processus
de concertation
ANNEXES Ambition numérique346
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
ANNEXES Ambition numérique348
ANNEXES Ambition numérique 349
Les sujets de consultation
ANNEXES Ambition numérique350
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
ANNEXES Ambition numérique352
ANNEXES Ambition numérique 353
Les temps forts
de la concertation
ANNEXES Ambition numérique354
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
ANNEXES Ambition numérique 361
Les ateliers
et événements relais
ANNEXES Ambition numérique362
http://contribuez.cnnumerique.fr/agenda
4 journées contributives : +40 ateliers sur place
...et en simultané à :
BPI France, La Boate Marseille, Brest
Métropole, Saclay, TCRM Metz-Blida,
Grenoble Minatec, Marseille, Perpignan,
Institut Mines-Telecom
+70 ateliers relais et stands contributifs :
- Numa Paris
- La Cantine numérique
brestoise, Brest Métropole
océane, la Ville de Brest et
Mégalis Bretagne
- Agora Nanterre
- Minatec à Grenoble
- SavoirsCom1 - au festival du
domaine public
- France Stratégie
- Le Conseil de la culture, de l’
éducation et de l’environnement
de La Réunion et Solidarnum
- Télécom Paris Sud et Télécom
Ecole de Management
- ARTIC MRST, Saint Denis de la
Réunion
- à Bron, avec e-magine,
la FING et les territoires
Rhône-Alpes et Auvergne
- Conférence des
Présidents d’Universités
- voeux de l’Internet à
Angouleme, Nice et Paris
- Club de la Presse
- le Député Bertrand
Pancher, en visio depuis
Buxerolles
- Atlanpole et Datalab
- Les Petits Débrouillards
- After Work Grand Est
- Décider ensemble
- HEC Paris
- LIFT Marseille
- Cap Digital
- Groupement des
professionnels du numérique
Centraliens
- PROTO 204,
- SGMAP, semaine de l’
innovation publique
- Open Law - le droit ouvert
- Les Entretiens de Varsovie
- Arignon et EGB Summit on
Digital Innovation
- Université de Perpignan Via
Domitia
- IEP Lille, Audencia Nantes
et le SGMAP
- Congrès des Maires de
France
- Le café du web de Thonon
les Bains
Lille Métropole,
Euratechnologies
Strasbourg Métropole,
Conseil de l’Europe
Nantes MétropoleBordeaux Métropole
Retrouvez toutes les contenus de la concertation sur : data.contribuez.cnnumerique.fr
ANNEXES Ambition numérique364
ANNEXES Ambition numérique 365
Le kit contributif
en libre réutilisation
ANNEXES Ambition numérique366
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
ANNEXES Ambition numérique368
ANNEXES Ambition numérique 369
Les pitcheurs contributifs
ANNEXES Ambition numérique370
CNNUM 2015 Rapport Ambition Numérique
ANNEXES Ambition numérique372
ANNEXES Ambition numérique 373
Les partenaires
ANNEXES Ambition numérique374
adesias.fr
ANNEXES Ambition numérique376
ANNEXES Ambition numérique 377
Les membres du CNNum
et le Secrétariat Général
ANNEXES Ambition numérique378
Le Président
Les Membres
Les Vice-Présidents
Christine Balagué
Vice-présidente libertés
et droits fondamentaux,
titulaire de la Chaire « réseaux
Télécom
Godefroy Beauvallet
Vice-président services
publics et vie citoyenne,
directeur du fonds AXA pour
la recherche et maître de
ParisTech
Tariq Krim
Vice-président écosystème
et innovation, PDG-fondateur
de Jolicloud
Serge Abiteboul
Directeur de recherche
Cachan
Nathalie Andrieux
de surveillance et du comité
Ludovic Blecher
Directeur du Fonds
Michel Briand
de réseaux coopératifs
Virginia Cruz
Directrice adjointe
Pascal Daloz
et du développement
Marylène
Delbourg-Delphis
PDG de Talent Circles
Virginie FauvelStéphane Distinguin
Fondateur et Président
et Président du pôle
Marie Ekeland
Co-Présidente de France
de Daphni
Cyril Garcia
Directeur Général de
Audrey Harris Francis Jutand Laurence le NyDaniel Kaplan
Valérie Peugeot
Vice-présidente transition
connaissance, chercheuse
Vecam
Benoît Thieulin
Fondateur et Directeur
Coordinateurgénéral
Coord
inatricethématique
Coord
inatricethématique
Coord
inateurthématique
Coord
inateurthématique
Le Secrétariat Général
Sophie Pène
Descartes, co-responsable
Nathalie Bloch-Pujo
Tourisme
Lara Rouyrès
et co-fondatrice
Jean-Baptiste Rudelle
Fondateur et Président
de Criteo
Tristan Nitot
Directeur produit
Bernard Stiegler
Philosophe, président de
Pompidou
Marc Tessier
Administrateur
de VidéoFutur, président
Brigitte Vallée
Directrice de recherche
Cécile Russeil
Camille Hartmann Judith HerzogCharly Berthet Mathilde Bras
Rosemarie
Césaire-GédéonYann Bonnet Somalina Pa
Mike Fedida Jan Krewer Hugo MeunierFrançois Levin
Coord
inateurthématique
Coord
inatricegénérale
Coor
dinateurgénéral
ANNEXES Ambition numérique 381
Le glossaire
ANNEXES Ambition numérique382
ANNEXES Ambition numérique 383
Algorithme En informatique, un algorithme se définit de manière générale par une
séquence   d’instructions   et   d’étapes   qu’on   applique   à   un   ensemble   de  
données  afin  d’en  produire  un  résultat.
Architecture
distribuée (mesh
networking)
Une architecture d'un environnement informatique ou d'un réseau est dite
distribuée quand toutes les ressources ne se trouvent pas au même endroit
ou   sur   la   même   machine.   Ce   mode   d’organisation   permet   une   résilience  
plus  importante  du  réseau  que  l’architecture  centralisée  traditionnelle.
Autodétermination
informationnelle
La Cour constitutionnelle allemande, qui a introduit le concept en 1983,  l’a  
caractérisé  comme  étant  “le  pouvoir  de  l’individu  de  décider  lui-même [...]
quand et dans quelle mesure une information relevant de sa vie privée peut
être   communiquée   à   autrui”.   Dans   le   contexte   de   la   prolifération   d’une  
économie de la donnée, notamment des données personnelles, ce droit à
l’autodétermination   implique   que   les   individus   puissent   avoir   accès   à   ces  
données,   qu’ils   puissent   les   lire,   les   modifier,   les   effacer,   choisir   ce   qu’ils  
veulent  en  faire  ;;  mais  aussi  qu’ils  puissent  décider  des  services qui y ont
accès.
Bien Commun Le Bien Commun est ce qui est profitable à long terme pour l'ensemble des
membres de la société. Il se rapproche de la notion d'intérêt général. Si
l'intérêt général est l'enjeu de la politique, le Bien Commun est une notion
transcendante dont chacun s'estime porteur.
Bien public En  économie,  il  s’agit  de  ressources  - matérielles ou immatérielles - qui sont
non   rivales   et   non   exclusives   :   cela   signifie   que   le   fait   qu’une   personne  
utilise   cette   ressource   n’a   pas   pour   conséquence de priver une autre
personne  de  cette  même  utilisation  et  qu’il  n’est  pas   possible  d’en  limiter  
l’accès.   Certaines   de   ces   ressources   peuvent   être   gérées   par   la   puissance  
publique (ex. : les phares, le réseau électrique), d'autres non (ex : la
biodiversité).
Big Data
(mégadonnées)
Les Big Data (terme  traduit  par  “mégadonnées”)  désignent  des  ensembles  
de données numériques dont le volume augmente de manière
exponentielle. Ces données peuvent par exemple être issues de recherches
climatiques ou géologiques, de la surveillance routière ou encore de nos
activités   en   ligne.   La   masse   des   données   générées   dans   l’environnement  
numérique rend leurs traitements plus difficiles avec les outils classiques de
gestion   de   base   de   données   ou   de   gestion   de   l’information.   Elles   peuvent  
ANNEXES Ambition numérique384
néanmoins être fouillées, liées et analysées à l'aide de technologies
modernes. Cette analyse permet la création de nouvelles connaissances,
peut générer pour les entreprises des avantages concurrentiels, ou alors
offrir de nouvelles possibilités de contrôle ou de surveillance aux Etats.
Blocage de sites Le   blocage   de   sites   consiste   à   bloquer   l’accès   d’un   site   au   niveau   des  
fournisseurs  d’accès  internet  (FAI),  sans  pour  autant  supprimer  le  contenu  
incriminé - celui-ci étant techniquement stocké par un hébergeur, qui est le
seul en mesure de supprimer le contenu. La décision du blocage peut
émaner   d’une   autorité   judiciaire   ou   administrative   (en   matière  
pédopornographique   ou   d’apologie   du   terrorisme,   par   exemple).   Dans   ce  
dernier   cas,   l’internaute   qui   souhaite   accéder   à   un   site   bloqué est le plus
souvent  redirigé  vers  une  page  web  d’avertissement.
Blue Button Lancé   en   2010   par   l’administration   américaine,   le   Blue Button est une
plateforme ouverte aux citoyens permettant le suivi, le contrôle et le
téléchargement de ses données personnelles de santé.
Brevet Un brevet est un titre de propriété industrielle qui confère à son titulaire un
droit d'interdiction de l'exploitation par un tiers de l'invention ou le procédé
brevetés, à partir d'une certaine date et pour une durée limitée (20 ans en
général). (Source : Wikipédia).
Capital-
investissement
Activité financière consistant à investir dans des sociétés (cotées ou non
cotées) sélectionnées selon leur potentiel. Cette prise de participation
permet de financer leur démarrage (capital-risque), leur croissance (capital-
développement), la cession à une autre entreprise (capital-transmission ou
LBO), et leur redressement (capital-retournement). Les opérations de
capital-investissement sont constituées soit par un achat de titres soit par
un apport de capital.
Les acteurs du capital investissement sont :
- des  sociétés  ou  fonds  d’investissements  publics  ou  privés  :  fonds  de  
corporate-venture (voir définition), fonds de pension (capital-
investissement institutionnel avec les assureurs), fonds constitués
ad hoc ;
- des   “business angels”   :   investisseurs   individuels   fortunés   ou  
expérimentés.
ANNEXES Ambition numérique 385
Cloud Le cloud computing (informatique en nuage) permet de stocker des
données  et  d’exécuter  des  applications  à  partir  d’un  serveur  distant  et  d’y  
avoir  accès  en  ligne.  Il  s’est  développé  de   manière   importante  auprès  des  
entreprises et des particuliers.
Cluster Regroupement,   sur   un   même   territoire,   d’entreprises,   d’établissements  
d’enseignement   supérieurs,   d’organismes   de   recherche   publics   ou   privés,  
qui  ont  vocation  à  travailler  en  synergie  pour  mettre  en  œuvre  des  projets  
de   développement   économiques   pour   l’innovation. Les pôles de
compétitivité constituent à ce titre des clusters en   ce   qu’ils   fédèrent   des  
organisations dans le but de spécialiser un territoire sur un secteur
d’innovation  identifié.
Coffres forts
numériques
Les coffres forts numériques sont des espaces de stockage en ligne destinés
à conserver des documents numériques de manière sécurisée.
Communs (ou biens
communs)
Les   “communs”   (ou   biens   communs)   sont   des   ressources   gérées   par   une  
communauté, qui en définit les droits d'usage, organise son propre mode de
gouvernance, et défend les ressources contre les risques d'enclosure (voir
définition). Il peut s'agir d'une communauté locale gérant une ressource
matérielle (ex : un jardin partagé) ou d'une communauté globale gérant une
ressource immatérielle (ex : Wikipédia). L'approche par les communs
constitue une alternative à la gestion par l'État ou par des acteurs privés.
Consommation
collaborative
“La   consommation   collaborative   est   un   modèle   économique   favorisant  
l’usage  plutôt  que  la  possession  et  permettant  d’optimiser  les  ressources  via  
le  partage,  le  troc,  la  revente,  le  prêt  ou  le  don  de  biens  et  services.”  (Source:
Rachel Botsman, What's Mine Is Yours: The Rise of Collaborative
Consumption, 2010)
Copyfraud La   “copyfraud”   est   une   pratique   frauduleuse   consistant   à   effectuer   une  
déclaration   de   droit   d’auteur   pour   acquérir   le   contrôle   d’un   contenu  
normalement accessible librement.
Corporate venture
(ou capital-
Le corporate-venture est une forme spécifique de capital-investissement,
définie  comme  l’investissement  d’une  entreprise  dans  une  autre  entreprise,  
ANNEXES Ambition numérique386
investissement
d’entreprise)
en   général   d’un   grand   groupe   dans   une   PME   ou   startup   innovante.   On  
distingue   les   dispositifs   d’investissement   directs   dans   une   entreprise des
dispositifs   indirects   par   l’intermédiaire   des   fonds   d’entreprises,   auxquels  
elle délègue la gestion des investissements, et qui, le cas échéant, peuvent
rassembler plusieurs grandes entreprises (réalisant ainsi des synergies).
Démocratie
sanitaire
La démocratie sanitaire est une démarche qui vise à associer l'ensemble des
acteurs   du   système   de   santé   dans   l'élaboration   et   la   mise   en   œuvre   de   la  
politique de santé, dans un esprit de dialogue et de concertation (Source :
ARS  d’Ile  de  France).
Design des services
publics
Le design des services publics est entendu comme un mode de conception
qui   part   de   l’expérience   (besoins,   émotions,   contextes   d’usages,   supports)  
de   l’ensemble   des   utilisateurs   (citoyens,   agents   publics…),   intègre  
différentes expériences et expertises dans le processus de génération des
idées,   et   procède   par   tests   successifs   dans   l’optique   d’améliorer   en  
permanence les services.
Disruption La   disruption   renvoie   à   l’introduction   de   ruptures   dans   les   manières   de  
penser, de construire, de présenter, de distribuer un produit ou un service
(via  une  innovation  technologique,  un  changement  de  modèles  d’affaires,  de  
procédés, etc.). Le produit ou service devient beaucoup plus accessible et
moins   coûteux   et   bouleverse   le   marché   jusqu’alors stabilisé. Cette
transformation de marché implique alors une adaptation des acteurs établis
sur le marché.
Documents
administratifs
Sont considérés comme des documents administratifs, quels que soient leur
date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents
produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat,
les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit
public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Les
données publiques sont contenues dans les documents administratifs.
Domain Name
System (DNS)
Le  Domain  Name  System  est  un  système  permettant  d’associer  des  noms  en  
langage courant (par exemple www.contribuez.fr) à des adresses
numériques (type une adresse  IP,  composée  d’une  suite  de  chiffres).  
Domaine public Le  domaine  public  désigne  toutes  les  inventions,  les  œuvres  de  l’esprit,  les  
données, les découvertes, les démonstrations scientifiques et les
informations brutes, disponibles pour toute publication, réutilisation ou
ANNEXES Ambition numérique 387
modification, sans la nécessité de négocier une autorisation. Par extension,
on parle de domaine public consenti quand les auteurs ou inventeurs
décident volontairement, par le biais de licences, de placer leurs travaux
sous un régime autorisant les réutilisations, sans attendre l'expiration de
l'exclusivité des droits patrimoniaux.
Données de
référence ou
données pivots
Les données pivots sont des données de référence servant à nommer ou à
identifier des entités (notamment des produits, des entités économiques,
des territoires ou des acteurs - personnes physiques et morales). Ces
référentiels sont indispensables pour lier des bases de données de nature
hétérogène et construire une architecture informationnelle unifiée.
L’ouverture  en  open  data  de  ces  données  permettrait  de  donner  sa  pleine  
efficacité au projet du web des données (Linked Open Data).
DRM Le digital rights management (DRM), ou la gestion numérique des droits
(GND) désignent des dispositifs techniques destinés à contrôler l'utilisation
qui  est  faite  des  œuvres  numériques.  Ces  dispositifs peuvent s'appliquer à
tous types de supports numériques physiques (disques, DVD, Blu-ray,
logiciels, etc.) ou de transmission (télédiffusion, services Internet, etc.).
Économie
collaborative
L’économie  collaborative  désigne  “les  pratiques  et  les  modèles économiques
organisés   en   réseaux   ou   communautés   d’usagers.”   (Source:   OuiShare,  
2012). Elle comprend la consommation collaborative, le crowdsourcing, le
crowdfunding, les monnaies virtuelles, ou encore la production en
commun. Le périmètre du phénomène et sa qualification même (économie
pair   à   pair,   économie   collaborative,   économie   du   partage…)   sont   très  
discutés, mais encore mal connus, difficiles à cerner et peu mesurés.
Economie sociale et
solidaire
Le concept d'économie sociale et solidaire (ESS) désigne un ensemble
d'entreprises organisées sous forme de coopératives, mutuelles,
associations, ou fondations, dont le fonctionnement interne et les activités
sont fondés sur un principe de solidarité et d'utilité sociale.
Empreinte
normative
Elle consiste   à   “joindre   à   tout   texte   normatif   la   liste   des   personnes  
entendues et des contributions reçues dans le cadre de son élaboration, sa
rédaction  et  son  entrée  en  vigueur  à  l’échelle  législative  et  réglementaire“  
(Source : étude de Transparency International  France  sur  “Transparence  et  
intégrité   du   lobbying,   un   enjeu   de   démocratie”   et   rapport   Nadal   sur   “La  
transparence  de  la  vie  publique”).
ANNEXES Ambition numérique388
Enclosure L’enclosure désigne  à  l’origine  l’action  d’enclore  un  champ.  Le  mouvement  
d’enclosure   fait   plus   généralement   référence   à   l'appropriation   par   des  
propriétaires privés d'espaces préalablement dévolus à l'usage collectif.
Equity En anglais, le terme equity correspond aux   actions   d’une   société.   Il  
représente   donc   les   apports   des   actionnaires   de   l’entreprise   lors   de   sa  
création,  ou  lors  d’augmentations  de  capital.  Les   private equity désignent
les actions non cotées sur des marchés boursiers conventionnels (public
equity : actions  qui  font  l’objet  de  cotations  sur  un  marché).  Le  terme  equity
gap souvent employé dans le monde du capital-investissement correspond
à   un   “trou   de   financement”   des   entreprises.   En   Europe,   il   correspond  
principale   aux   phases   de   développement   et   d’expansion   de   l’entreprise  
(tickets  autour  de  10  millions  d’euros).
Espace public
numérique (EPN)
Destiné à l'accompagnement de tous les publics aux usages numériques, un
espace public numérique (EPN) propose des activités d'initiation ou de
perfectionnement  variées  et  encadrées,  par  le  biais  d’ateliers  collectifs,  mais  
également dans le cadre de médiations individuelles et de plages réservées à
la libre consultation.
Exception
pédagogique
L'exception pédagogique, ou plus exactement « l'exception à des fins
d'enseignement et de recherche » régie par l'article 122-5 3° de la loi
DAVDSI   du   1er   août   2006   déroge   au   principe   du   droit   d’auteur   en  
permettant à l'utilisateur d'effectuer des représentations ou des
reproductions sans l'accord de l'auteur. Cette dérogation a pour objectif de
légitimer   les   actes   de   reproductions   et   de   représentations   d'œuvres  
protégées sans l'accord de leur auteur, à des fins d'enseignement et de
recherche (source : Centre national de documentation pédagogique).
Fab lab Un fab lab (contraction de l'anglais fabrication laboratory, « laboratoire de
fabrication ») est un lieu ouvert au public où il est mis à sa disposition
toutes sortes d'outils, notamment des machines-outils pilotées par
ordinateur, pour la conception et la réalisation d'objets.
Financement
participatif
(crowdfunding)
Le financement participatif est un mode de financement de projets
désintermédié, permettant de lever des fonds, le plus souvent via une
plateforme en ligne. Il se présente sous plusieurs formes :
ANNEXES Ambition numérique 389
- le mécénat participatif, ou crowd sponsoring (don sans
contrepartie, don avec contrepartie non financière) ;
- l’investissement   participatif   ou   crowd investing (modes de
financement   participatif   avec   contrepartie   financière,   c’est-à-dire
soit avec partage   de   bénéfices,   soit   par   l’émission   de   titres  
financiers) ;
- le prêt participatif ou crowd-lending (avec ou sans remise
d’intérêts).
Fournisseur d’accès
à distance (FAI)
Un fournisseur d'accès à Internet (FAI), est un organisme (généralement
une entreprise mais parfois aussi une association) offrant une connexion à
Internet.
France Connect France Connect est un projet mené par la Direction interministérielle des
systèmes  d’information  et  de  communication  (DISIC)  qui  a  pour  objectif  de  
mettre en place un   système   d’authentification   et   d’identification   unique  
pour les démarches administratives en ligne et de faciliter les échanges
d’informations  entre  les  administrations.
Gouvernement
ouvert
Le gouvernement ouvert est un mode de gouvernance qui promeut la
transparence  et  la  participation  citoyenne.  Il  s’appuie  sur  l’open  data  et  les  
méthodes de co-construction des politiques publiques. L’Open  
Governement Partnership est une initiative multilatérale (que la France a
rejoint en mai 2014) qui vise à obtenir des engagements concrets de la part
des gouvernements pour promouvoir le gouvernement ouvert.
Gouvernementalité
algorithmique
Mode   de   gestion   qui   repose   sur   le   traitement   par   des   algorithmes   d’un  
grand nombre de données brutes et quantifiables. Trois caractéristiques
principales de la gouvernementalité algorithmique peuvent être définies :
- la détermination des décisions ne fait pas appel à une déduction
humaine mais uniquement à une logique inductive et statistique
assumée  par  l’algorithme  ;;
- la gouvernementalité algorithmique fait appel davantage à la
prévision  statistique  des  comportements   qu’à  l’analyse  des  causes  
et des conséquences ;
- la gouvernementalité algorithmique entraîne une personnalisation
des décisions.
ANNEXES Ambition numérique390
Hackathons Événements où des développeurs et des innovateurs se réunissent, autour
d’un   objectif   défini,   pour   faire   de   la   programmation   informatique  
collaborative, sur plusieurs jours.
Hébergeurs L'hébergement internet est un service qui consiste à stocker des contenus
dans ses serveurs et à les mettre à disposition via Internet.
Incubateur Désigne une structure accompagnant la création et le développement
d’entreprises  innovantes  (pour  passer  de l’idée  à  l’entreprise).  L’incubateur  
apporte  à  l’entreprise  un  savoir-faire, un réseau et des moyens logistiques
(locaux, salles de réunion, accès à Internet). Il existe plusieurs types
d’incubateurs,   publics   ou   privés.   Depuis   le   milieu   des   années   2000,   sont
apparus  les  “incubateurs  de  deuxième  génération”  ou  accélérateurs  (comme  
le Y-Combinator aux Etats-Unis ou le SeedCamp au Royaume-Uni), qui
proposent  des  aides  à  la  création  d’entreprise  en  échange  d’actions.
Innovation ouverte L’innovation  ouverte  suppose  que  l’entreprise  aille  chercher  à  l’extérieur  ou  
autrement, les idées et connaissances dont elle a besoin pour innover, et
permette  à  d’autres  acteurs  de  créer  de  la  valeur  à  partir  de  ces  innovations.
Deux types :
Selon la modalité outside-in,   l’entreprise va chercher des ressources à
l’extérieur  pour  améliorer  ses  capacités  d’innovation  ;;
Selon la modalité inside-out, l’entreprise  développe   de  nouveaux  modèles  
de valorisation de sa propriété intellectuelle (ouverture de ses brevets, open
data, nouvelles licences, etc.).
Différentes   manière   de   “faire”   de   l’innovation   ouverte   existent   :   la  
résolution  de  problèmes,  le  concours  d’idées,  les  plateformes  participatives  
et   les   réseaux   sociaux   d’entreprises,   les   communautés   de   bêta-testeurs,
l’utilisation   de l’open   data   et   des   APIs,   les   partenariats   avec   les  
entrepreneurs,  le  “corporate-venturing”.
Innovation sociale Le   Conseil   supérieur   de   l’économie   sociale   et   solidaire   (CSESS)   définit  
l’innovation  sociale  comme  “des  réponses  nouvelles  à  des  besoins  sociaux
nouveaux ou mal satisfaits dans les conditions actuelles du marché et des
politiques sociales, en impliquant la participation et la coopération des
acteurs concernés, notamment des utilisateurs et usagers. Ces innovations
ANNEXES Ambition numérique 391
concernent aussi bien le produit ou  le  service,  que  le  mode  d’organisation,  
de distribution, dans des domaines comme le vieillissement, la petite
enfance,   le   logement,   la   santé,   la   lutte   contre   la   pauvreté,   l’exclusion,   les  
discriminations, etc. Elles passent par un processus en plusieurs
démarches :   émergence,   expérimentation,   diffusion,   évaluation.”   (Source:  
Rapport de synthèse du groupe de travail innovation sociale du CSESS)
Interface de
programmation
(API)
Interface  qui  permet  à  un  logiciel  d’offrir  des  services  à  d’autres  logiciels. Ce
système  est  principalement  utilisé  pour  permettre  l’intégration  de  nouveaux  
services  à  une  plateforme  et  l’interrogation,  par  un  programme,  d’une  base  
de données externe.
Interopérabilité Capacité que possède un produit ou un système à fonctionner avec d'autres
produits ou systèmes existants ou futurs sans restriction d'accès ou de mise
en  œuvre  (Source  :  Wikipédia).
Lanceurs d’alertes Le  lanceur  d’alerte  est  «  tout  employé  qui  signale  un  fait  illégal,  illicite  ou  
dangereux pour autrui, touchant   à   l’intérêt   général,   aux   instances   ou   aux  
personnes   ayant   le   pouvoir   d’y   mettre   fin”   (Source   :   Transparency  
international).
Liberté de
panorama
La liberté de panorama est une exception au droit d'auteur par laquelle il
est permis de reproduire et   de   diffuser   l’image   d’une   œuvre   protégée   se  
trouvant   dans   l'espace   public,   notamment   les   œuvres   d’architecture   et   de  
sculpture.
Licences ouvertes Une licence de libre diffusion ou licence ouverte est une licence s'appliquant
à  une  œuvre  de  l'esprit  par  laquelle l'auteur concède certains des droits que
lui offre le droit d'auteur quant à l'utilisation, à la modification, à la
rediffusion  et  à  la  réutilisation  de  l'œuvre  dans  des  œuvres  dérivées.
Littératie La   littératie   désigne   “l'aptitude   à   comprendre   et à utiliser le numérique
dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue
d’atteindre  des  buts  personnels  et  d’étendre  ses  compétences  et  capacités”  
(Source : OCDE).
Logiciel libre Un logiciel libre est un logiciel dont l'utilisation, l'étude, la modification et
la duplication en vue de sa diffusion sont permises, techniquement et
légalement. Ceci afin de garantir certaines libertés induites, dont le contrôle
du programme par l'utilisateur et la possibilité de partage entre individus.
ANNEXES Ambition numérique392
Un   logiciel   libre   n’est   pas   nécessairement   gratuit.   L’open source, qui
implique   également   que   le   code   source   d’un   logiciel   est   ouvert   et  
réutilisable, est un concept similaire.
Loyauté La loyauté est un principe  du  droit,  réinterprété  à  l’aune  des  plateformes  de  
services   sur   Internet.   Pour   ces   grands   acteurs   d’Internet,   la   loyauté   se  
décline  dans  des  obligations  générales  de  transparence,  d’information  et  de  
non-discrimination : à la fois vis-à-vis de leurs clients et utilisateurs,
particuliers comme professionnels. En tant que principe transverse, la
loyauté   vise   à   pallier   certaines   difficultés   du   droit   à   s’appliquer   dans   un  
environnement numérique extrêmement mouvant.
Marché public Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre des
pouvoirs adjudicateurs (Etat, établissements publics administratifs,
collectivités territoriales, établissements publics locaux) et des opérateurs
économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de
travaux, de fournitures ou de services.
Médiation La médiation humaine est un accompagnement des usagers dans le but de
les  aider  à  s’approprier  les  services  numériques  publics  ou  privés,  dans  le  
cadre de la dématérialisation croissante d’un   certain   nombre   de   ces  
services.
Métadonnées Une métadonnée est une donnée servant à décrire ou à définir une autre
donnée. Pour les communications électroniques, cela désigne donc les
traces   laissés   par   une   personne,   à   l’exception   du   contenu   des   échanges
(coordonnées géographiques et temporelles relatives à une communication
par exemple).
Modes alternatifs
de résolution des
litiges
Les modes alternatifs de règlement des litiges (MARL) constituent un
ensemble de dispositifs et de pratiques qui, tout à la fois, se distinguent des
procédures judiciaires classiques et les complètent. Plusieurs MARL
existent  :  la  conciliation,  la  médiation,  la  transaction  et  l’arbitrage.
MOOC / SPOC MOOC (massive open online course) : cours en ligne ouvert à tous et à
distance car enseignants et élèves communiquent uniquement par Internet.
SPOC (small private online course) : la différence réside dans le fait que les
participants sont moins nombreux car seulement une trentaine sont
sélectionnés en amont et que ces formations à distance sont diplômantes.
ANNEXES Ambition numérique 393
Neutralité du net La   neutralité   d’Internet   est   le   principe   selon   lequel   l'ensemble   du   trafic  
Internet est traité de façon égale, sans discrimination et indépendamment
de l'expéditeur, du destinataire, du type de contenu, de l'appareil, du service
ou de l'application.
Open hardware L’open hardware (ou matériel libre) consiste à transposer les principes du
logiciel  libre  aux  matériels  tangibles  (machines,  outils,  objets,  dispositifs…),  
en rendant leurs plans publics, utilisables et modifiables.
Open lab Les open labs sont des laboratoires ouverts qui facilitent les collaborations
et la créativité afin de diffuser plus largement la culture de
l’expérimentation  (prise  de  risque  mesurée,  observation  de  terrain,  droit  à  
l’erreur,  etc.)  et  de  l’innovation  ouverte.  Dans  le  cadre  de  l’action  publique,  
ils ont pour vocation de mettre en relation des agents publics et des acteurs
externes   à   l’administration   (acteurs   privés,   chercheurs   en   sociologie,   en  
sciences politiques, designers) pour la conduite de projets collaboratifs. Ces
laboratoires   fonctionnent   sur   la   base   d’une   grande   souplesse  
organisationnelle et permettent à chacun de contribuer de manière libre et
autonome à un projet.
(Ouverture) des
données publiques
Les données publiques sont toutes les données collectées ou produites par
un État, une collectivité territoriale ou un organe parapublic, lors de leurs
activités de service public et qui doivent être publiées ou mises à disposition
du public.
Plateformes Une plateforme  est  un  service  occupant  une  fonction  d’intermédiaire  dans  
l’accès  aux  informations,  contenus,  services  ou  biens  édités  ou  fournis  par  
des tiers. Au-delà de sa seule interface technique, elle organise et
hiérarchise les contenus en vue de leur présentation et leur mise en relation
aux   utilisateurs   finaux.   A   cette   caractéristique   commune   s’ajoute   parfois  
une dimension écosystémique caractérisée par des interrelations entre
services convergents.
Portabilité La portabilité consiste en la possibilité, pour un individu, de se voir
restituer  les  données  collectées  dans  le  cadre  de  son  utilisation  d’un  service  
afin   de   d’en   faire   usage   personnellement   ou   de   le   partager   à   d’autres  
services.
ANNEXES Ambition numérique394
Pure players Désigne  les  entreprises  dont  l’activité  est  exercée uniquement sur Internet.
Quantified self Le quantified self est un mouvement qui regroupe les outils, les principes et
les méthodes permettant à chacun de mesurer ses données personnelles, de
les analyser et de les partager. Les outils du quantified self peuvent être des
objets connectés, des applications mobiles ou des applications Web.
Rétroingénierie La rétro-ingénierie consiste à étudier un objet pour en déterminer le
fonctionnement interne ou la méthode de fabrication.
Service de
contournement -
Distribution Over
the top (OTT)
Le service de contournement est un service de livraison d'audio, de vidéo et
d'autres médias sur Internet sans la participation d'un opérateur de réseau
traditionnel (comme une compagnie de câble, de téléphone ou de satellite)
dans le contrôle ou la distribution du contenu (Source : Wikipédia).
Services
spécialisés
Ces   services,   offerts   par   les   opérateurs,   ne   font   pas   partie   d’Internet   :   ils  
sont délivrés sur des canaux dédiés, fonctionnent en vases clos et ne
pâtissent pas d’un   réseau   qui   peut   être   temporairement   surchargé   ou  
inaccessible. Le recours à ces services se justifie pour le développement de
services innovants, qui nécessitent une qualité garantie, que ce soit pour des
raisons de sécurité, de confidentialité ou encore de temps de latence
(télévision et téléphonie sur IP et à terme opérations chirurgicales à
distance,  voitures  autonomes…)
Spectre L’ensemble   des   fréquences   sur   lesquelles   peuvent   opérer   les   systèmes   de  
radiocommunications constitue le "spectre hertzien". Il fait partie du
domaine  public  immatériel  et  appartient  à  l’Etat.
Startup Une startup désigne une jeune entreprise à fort potentiel de croissance.
Pour la plupart, ces entreprises développent une idée, un produit, un
modèle économique ou une technologie sur le marché et réalisent des
prototypes sur du moyen ou du long terme. Leur potentiel de croissance
s’éprouve  dans  la  capacité  de  l’entreprise  à  déployer  rapidement  leur  idée  
sur   le   marché,   et   ce   à   l’échelle   internationale,   afin   de   s’imposer   comme  
leader mondial dès le départ.
Télémédecine La  télémédecine  est  une  des  formes  de  coopération  dans  l’exercice  médical,  
mettant  en  rapport  à  distance,  grâce  aux  technologies  de  l’information  et  de  
la communication, un patient (et / ou les données médicales nécessaires) et
un ou plusieurs médecins et professionnels de santé, à des fins médicales de
ANNEXES Ambition numérique 395
diagnostic, de décision, de prise en charge et de traitement dans le respect
des règles de la déontologie médicale (Source : livre blanc sur la
télémédecine du Conseil  national  de  l’Ordre  des  médecins).
THD La notion de « très haut débit » est relative dans la mesure où les
technologies évoluent. Néanmoins, conformément à la réglementation
européenne, le très haut débit est défini par le Plan France Très Haut Débit
comme celui supérieur à 30 mégabits par seconde.
Tiers-lieux Lieu  ne  relevant  ni  de  l’espace  domestique  ni  de  l’espace  professionnel.  De  
nombreux tiers lieux se sont développés dans le domaine du numérique et
du travail collaboratif : fab labs, espaces de coworking, incubateurs de
startups, etc. Par leur ouverture, ils favorisent la rencontre de profils divers
et sont ainsi des lieux privilégiés de partage, de socialisation, mais aussi
d’innovation  et  d’entrepreneuriat.
Web sémantique Le Web sémantique, aussi   appelé   “Web   des   données”   (ou   Web   3.0),   est  
décrit comme une des prochaines évolutions majeures du développement
du World Wide Web. Son objectif est de mettre en place une nouvelle
manière de relier les contenus sur le web : par exemple, alors
qu’aujourd’hui  une  requête  sur  un  moteur  de  recherche  est  traitée  via  une  
combinaison  syntaxique,  il  s’agirait,  avec  le  web  sémantique,  de  permettre  
une recherche par le sens des mots. Cette architecture fonctionnerait par la
mise   en   place   d’ontologies   (un   ensemble de mots, de relations entre les
mots et de règles exprimant des contraintes) qui permettrait aux agents
automatiques   d’avoir   une   approche   sémantique   et   non   simplement  
syntaxique.  L’objectif  du  web  sémantique  est  de  favoriser  l’interconnexion  
des contenus  et  donc  la  facilité  d’accès  à  ces  contenus  ainsi  que  l’émergence  
de nouvelles connaissances.
ANNEXES Ambition numérique396
ANNEXES Ambition numérique 397
Conseil national du numérique
Bâtiment Atrium
5 place des vins de France
75573 Paris Cedex 12
info@cnnumerique.fr - @CNNum
01 53 44 21 27
Contact presse:
Yann Bonnet
0153442003
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COSPACE, Nico as, Ecrelinf, Mickael Clement, Mercure, Orange, Inria, Alcatel-Lucent, UDA, Fabienne Brilland, Capgemini, Florence Rivière, Florie Fauche, Sabine Delaplace, Legal Start, Rémy Fayon, Laure Curien, Eutelsat, Pôle Systematic, Yvan Beraud, CFDT, Anne Rabot, Louis-Alexandre Louvet, Philippe Koch, Stéphane Clauzonnier, CSA, Kilian Bazin, OMPI/Unistra, Isabelle Clep-Guetny, Toucan Toco, Colette Gissinger, Olivia Zarcate, Chaire Valeurs, Beenome, Julien Blanc, Inès Galland, CNIL, Frank Guisnet, Jean-Marie Gilliot, Michèle Pasteur, Stéphane Kau, GESTE, Arnaut Tessier, Ouistock, Gabriel Plassat, ICOMP, Christian Pasco, Gildas Stenzhorm, Karine Foret, UDECAM, Jeanne-Marie Laurendeau, Ericsson France, PNNA, Juriconnexion, Anahid Hanimyan, Julien Boye, Laurent Prott, Michèle Tillard, Défenseur des droits, IGN, AFISI, Simon Templar, Louisa Melbouci, Olivier Mehani, Marché de Raymond, GS1 France, Yann Petit, Mastercard, Negostice, Jean Marie Coulin, Institut National de l’Audiovisuel, Jaidemaville, CGT, Patrick Richard, Association des petites villes de France, Conseil général de la Meuse, Ville de Brest, ARTIC, CDC Caisse des Dépôts, Association des maires ruraux de France, Emmanuel Gaudin, FING, Coalition IGF pour la neutralité du net, NOVEA, Bouziane Antoinette, eLamp, Eric Cherel, La Quadrature du Net, Alain Pothin, Projet VLC, SCAM, SNE, Open Data France, Edouard Schlumberger, AFA, Science Po Lille, Stéphane Clauzonnier, Mes droits mon avocat, David Rubin, SNITEM, Décider Ensemble, Crij, Philippe Lemoine, Regards Citoyens, Luca Belli, Breizh Small Business Act, Olivier Tizio, BSN, Bertrand Pancher, Francesca Musiani, Mutinerie, Creative Commons France, Renata Avila, Fédération Française des Télécoms, Ludovic Boudi, France Digitale, Pierre Bonis, BlaBlaCar, Jacques Rossard, Deways, MonEcocity, Nicolas de Taeye, La Poste, Justine Marg, Showroom Privé, Arthur Bonhême, Patrick Waelbroeck, Solidarnum, Koolikar, Quéméner Myriam, MyCookr, Jean-Pierre Archambault, David Roche, SavoirComm1s, Open Law, Emmaüs Connect, Délégation aux Usages Internet, Nicolas Krameyer, Florette Eynemier, IMPGT, Vincent Pretêt, Seoxis, Amalyste, Pierre Chrzanowski, Imagidroit, Justine Marg, Jacky Grisey, Alice Robert, ASIP, Conférence des Présidents d’Universités, Commission nationale consultative des droits de l’homme, Chris Delepierre, CCI Paris Ile de France, Martine Pergent, Hélène Casado, Accenture, Chloé Lebon, Eurovision, EBU, Fabien Cauchi, Isoc France, Jordan Tourneur, Groupement des comparateurs d’assurances, Monique Joly, Quentin Grimaux, Sticky Ads, Raphael Jolivet, HEC, Benoit Maujean, Nathalie Van de Wiele, Qwant, Facebook, ARCEP, Eric Wacquez, Eric Brunel, Dominique Hebert, Sébastien Bonnegent, Louisa Melbouci, Christophe Fialeix, Simplon.co, Philippe Saint-Aubin, Direction RSE Vivendi, Lot Jean-Baptiste Dézard, FGI France, Cogniteev, Armen Katchatourov, Guyon Benoît, Manuel Francois, J-Alpha, PierreMetivier, Alexis Normand, FIEEC, Marie-Pierre Border, Gustav Malis, Abdel Kander, Rebecca Lecat, Saniya al Saadi, Spiil, Marc, Assemblée des Directeurs d’IUT-ADIU, Marine Saudreau, Thomas F, Jean-Baptiste Kempf, Francois Sillion, AACC, Lara Tomas, Aurel Daniel, Jérôme Dupré, Pierre P ster, Flobu09, Cécile Coudriou, Giroptic, Vincent Ricard, UPE, Pierre Langlais, Matthieu Giroux, Fifty Five, Guillaume Maillard, CERNA, Service interministériel des Archives de France, Amnesty International France, Music Wont Stop, Pascal Greliche, Adrien Fabre, Christian Quest, Barreau de Paris, Microsoft France, Laurence Malherbe, Francisco Ordas, Cibul, Jacky Grisey, Telecom ParisTech, Kilian Bazin, Université de Nantes, Pierre Aïdan, Guillaume Champeau, Sony, PMU, Frédéric Bos, Audiens, Frédéric Maupin, Adopt a CTO, Helene Monnie, Henri Verdier, Romain Pradeau, Catherine Anterrieu, AirDur, Antoine Achard, Citeez, Publiez Ce Que Vous Payez, Jean-Philipp Gouigoux, AACC, Loïc Gervais, Finance Innovation, Romain Lange, Thierry Rault, Céline Faivre, Marie Pierre Border, SACEM, Eric Pommereau, Emmanuel Cauvin, CNAC, Ronan James, Etienne Beatrix, Lucien Pauliac, DISIC, Sylvie Péron, WestCoastCanada, pixocode, Loïc Pajot, Nathanaël Martel, Tri-D, Michaël SMK, Fabiano Durimel, Cédric André, AAF, Florian Lorber, Lighthouse Europe, Lucie Milou, Google France, SFIB, Chantal Enguehard, EnterNext, Gaël Deperpi, Pascale Jouy, Démocratie ouverte, Yves Buisson, Béatrice Grimonpont, Direction générale des entreprises, AFNIC, Jean-Yves Tillier, Cap Digital, Pierre Pezet, Fabrice Van Borren, Lim-Dûl, Laurent-Pierre Gilliard, CIGREF Réseau des grandes entreprises, Christian Casenave, Karine Foret, Mourad Hammoud, Syndicat des Régies Internet, AFMM, Said El Ouazzani, SILLAGES, Clionautes, Cédric André, Société informatique de France, Léonard de Tilly, FEVAD, Stéphane Savouré, SACD, Armelle Gilliard, Open-Root, Open Internet Project, Leïla Atmani, FixMaVille, Yann de Pinieux, Godefroy Ponsinet, Saïda, Luis-Manuel Duvault, Eric van den Broek, Saniya al Saadi, CTM Pub TV, Bouygues Telecom, Nicolas Chagny, Fabien Dronkert, Chris Blanchard, @rchives, Moustapha Diagne, SNPTV, Forum d’Avignon, IGN, Brest Métropole, Mégalis Bretagne, Université Perpignan, Colin Lorrain, Michel de Rougemont, Cyril Lage, Cashway, Dominique Rérat, CRI, Alliance Sciences Société, Patrick Hayere, Les Petits Débrouillards, Marília Maciel, Hugo Roy, Fondation Getulio Vargas, Nanterre Digital, Christophe Dumais, Jacques Rossard, Gautier Mariage, Gilles Babinet, Patricia Lemarchand, Nicolas Brignol, IUT de Bordeaux, Constance Parodi, BIME, Jérôme Humbert, IAB France, François Folch, Dania Saleh, Aurelien Vanwelden, Association PiNG, Chaire Valeurs et politiques des informations personnelles, Club JADE, Umberto Di Venosa, CSDEM, Vincent Bouthors, Ozzers, Cyril Garrech, André Marin, Destination Quebec, eduMedia, ellis-car, EnovFormation, Nathalie Laurent, Innorama, Richard Ollier, Rectutement Pôle Emploi, Gilles Chetelat, Brigeek, Simon Ryckembusch, Neville Ricour, Service interministériel des Archives de France, TEMIS, Aurélien Gaucherand, Cédric Houssin, Alexandre Coma, Gilles Le Couster, Olivier Lépine, Nicolas Gilbert, Ubisoft, collectif urban, Les Entrepreneuriales, Cardiologie Tonkin, Patrick Copine, Inès Galland, Raphael Orsini, Indy De Deken, Babgi, FEVeM, Philippe de Tilbourg, Thomas Hennequin, Alissa, Antoine Riche, ... Tous les contributeurs sur contribuez.cnnumerique.fr/participants MERCIAUX CONTRIBUTEURS Rapport remis au Premier Ministre Juin 2015 Pour une politique française et européenne de la transition numérique
  • 2. Sommaire général PRÉFACE DE BENOÎT THIEULIN 3 VOLET 1 . Loyauté et liberté dans un espace numérique en commun 29 VOLET 2 . Vers une nouvelle conception de l’action publique : ouverture, innovation, participation 93 VOLET 3 . Mettre en mouvement la croissance française : vers une économie de l'innovation 173 VOLET 4 . Solidarité, équité, émancipation : enjeux d'une société numérique 255 POSTFACE DE LOUIS POUZIN 335 ANNEXES 337
  • 4. PRÉFACE Ambition numérique 3 Révolution numérique : tenir les promesses d’empouvoirement de la société et de transformation de l’économie. Le voile de la Valley : la dérive californienne du numérique La   Silicon   Valley   fait   aujourd’hui   office   de   modèle   pour   tout  ce  que  l’Europe  compte  d’innovateurs.  Plus  qu’un  lieu,   davantage   qu’un   écosystème   particulier   favorisant   le   dynamisme  entrpreunarial  et  l’invention,  elle  est  devenue   un  état  d’esprit  à  dupliquer : ce sont les arcanes du succès californien que les acteurs publics et privés cherchent à percer   lorsqu’ils   évoquent   le   numérique.   Du   fait   de   ses   réussites éclatantes, on pare la Valley de toutes les vertus : terre promise des inventeurs du monde de demain, aux commandes de la révolution numérique mondiale, elle serait  le  grand  ailleurs  de  la  pensée  européenne,  qui  n’a  de   cesse   de   contempler   ses   propres   faiblesses   sur   l’écran   brillant  qu’elle  lui  tend. Néanmoins il est temps de briser quelques idoles. La Californie  est  aussi  le  nom  d’une   dérive historique du numérique. Une histoire politique du numérique est à produire, de   la   même   manière   que   Smart   de   Frédéric   Martel   nous   a   montré   que   l’on   pouvait   faire  une  géographie  du  numérique.  L’informatique,  dès  son  apparition, le numérique aujourd’hui,   sont   l’enjeu   et   le   théâtre   de   controverses,   de   conflits   intensément   politiques : réseaux ouverts contre réseaux fermés, brevets ou pas sur les logiciels, architectures décentralisées contre centralisées, logiciel libre contre   propriétaire…   L’éternel   présent   de   la   Silicon   Valley,   fait   de   myriades   d’innovations   permanentes   suivant   une   logique   d’écosystème   qui   subsiste   en   se   renouvelant   continuellement,   recèle des évolutions souterraines. Benoît Thieulin, président du CNNum
  • 5. PRÉFACE Ambition numérique4 En effet il est clair que le réseau d’aujourd’hui  ne  correspond  plus  tout  à  fait  à  celui   qu’avaient   imaginé  ses  inventeurs   et  ses  pionniers.   Certains,  jusqu’à  ses  fondateurs,   ont   tôt   fait  de   dire   qu’il   n’en   a   ni   le   goût   ni   l’odeur.   Fruit   d’un   dialogue   permanent   ayant fait se répondre les avancées techniques et les usages sociaux, la trajectoire d’Internet  semble  amorcer  un  retournement  progressif  des  valeurs  qui  ont  présidé  à  sa   conception.  Ouverture,  collaboration,  communs,  accroissement  du  pouvoir  d’agir,  de   l’empouvoirement,  autant  de  promesses annoncées par la mise en réseau de la société, qui laissent de plus en plus la place à une hypercentralisation organisée de manière grandissante par des entreprises parfois guidées par leur seule croissance et à la consommation trop passive de contenus  et  d’applications. A   cet   égard,   l’économie   collaborative,   nouvelle   frontière   en   termes   de   modèle   économique,   en   est   un   exemple   frappant.   Ce   mouvement   s’est   à   l’origine   constitué   autour  de  revendications  alternatives  :  prééminence  de  la  valeur  d’usage  sur la valeur d’échange,  fin  de  la  propriété  privée  exclusive…  Aujourd’hui,  l’économie  collaborative   se reconfigure autour des modèles traditionnels de redistribution de la valeur. Il serait bien   sûr   faux   d’affirmer   d’un   bloc   que   les   modèles   collaboratifs   ne portent plus de projet   alternatif,   dans   la   mesure   où   le   terme   “collaboratif”   recouvre   une   grande   diversité   d’initiatives   et   de   démarches.   Néanmoins,   force   est   de   constater   que   la   couverture   de   Forbes   de   février   2013   à   propos   de   l’économie   collaborative,   “Who   wants  to  be  a  billionaire  ?”,  paraît  de  moins  en  moins  décalée  à  mesure  qu’explosent   les   capitalisations   des   géants   de   l’économie   collaborative,   à   l’image   d’Airbnb,   qui   a   supplanté  Couchsurfing.  Cette  industrialisation  du  collaboratif,  n’est  pas  sans  évoquer la  reprise,  par  le  capitalisme,  de  la  critique  artiste  qu’avait  porté  le  mouvement  de  mai   1968  autour  des  concepts  de  liberté  au  travail  et  d’autonomie  dans  l’entreprise,  comme   l’ont   expliqué   Luc   Boltanski   et   Eve   Chiapello   dans   Le   Nouvel   esprit   du   capitalisme. Néanmoins  elle  contribue  à  diffuser  des  pratiques  nouvelles.  Il  reste  que  l’inscription   de   ces   usages   nouveaux   dans   des   modèles   d’organisation   et   de   partage   de   valeur   traditionnels   referme   le   débat   que   tentent   d’ouvrir   les   défenseurs   du   modèle collaboratif à propos des nouvelles formes de travail, de vie et de partage de la valeur à inventer dans un contexte de rétractation des emplois et de crise économique et écologique persistantes. Ne  nous  laissons  pas  pour  autant  abuser  par  les  chimères  d’un récit originel opposant systématiquement   les   valeurs   positives   des   débuts   d’Internet   à   leur   dévoiement   contemporain : ce qui est en jeu est moins une lutte de valeurs que la redéfinition de leur portée politique émancipatrice. Les nouveaux sachants de la Silicon Valley, qui construisent la société de demain sans toujours rendre des comptes à celle d’aujourd’hui,  ont  en  effet  moins  abandonné  les  valeurs  fondatrices  qu’ils  ne  les  ont   vidées  de  leur  sens  politique.  L’ouverture,  l’empouvoirement  individuel  et la nécessité permanente   de   renverser   l’ordre   établi   (la   désormais   fameuse   disruption)   tiennent   toujours  lieu  de  religion  chez  les  dirigeants  et  les  chiefs  evangelists.  C’est  l’inspiration  
  • 6. PRÉFACE Ambition numérique 5 politique, généreuse, qui sous-tendait   ce   discours   qui   s’est   progressivement diluée dans la conquête de parts de marché et les levées de fonds - plus que nécessaires, par ailleurs - , consommant ainsi le divorce entre certains geeks et la politique. Se sont ainsi reconstituées dans le monde numérique les barrières, les dominations et les aliénations dénoncées dans le monde économique et politique traditionnel. Les digital natives   sont   bien   des   enfants   du   numérique   et   traités   comme   tels   :   loin   d’être   en   position  de  construire  en  conscience  les  outils  de  demain  et  de  s’émanciper vis-à-vis des nouvelles aliénations, ils les subissent le plus souvent davantage que leurs aînés. Voilà  pourquoi  le  Conseil  national  du  numérique  s’est  tant  intéressé  à  la  question  de   l’éducation   tout au long de son mandat : si le numérique peut être utilisé pour modifier   l’école   de   l’intérieur,   celle-ci doit se voir confier la mission de diffuser la littératie  numérique,  c’est-à-dire de permettre aux jeunes générations de développer leur  maîtrise  des  savoirs  et  des  compétences  numériques,  afin  qu’elles puissent faire du  numérique  un  lieu  d’émancipation et  d’engagement. La plateformisation ambivalente du Web : empouvoirement et domination Internet   a   été   marqué   par   l’apparition,   assez   récente,   des   grandes   plateformes. Catalyseurs   d’innovation,   elles   impulsent les interactions sociales et proposent des fonctionnalités de grande valeur. Ainsi participent-elles positivement au développement   du   numérique,   de   l’économie   et   de   la   société   en   général   :   Apple   et   Google ont indéniablement changé nos vies. Elles ont contribué à transformer les entreprises et les institutions plus puissamment que bien des décisions de nos gouvernements   depuis   20   ans,   ce   qui,   avec   d’autres   facteurs,   contribue   à   ronger   le   levier politique traditionnel de nos sociétés démocratiques. Néanmoins cette poignée d’acteurs   incontournables   centralisent   entre   leurs   mains   une   partie   croissante   du   réseau,   à   l’origine   très   décentralisé   :   la   reverticalisation   du   Web   est   en   marche.   L’environnement   numérique   s’y   prête   particulièrement,   caractérisé   par les effets de réseaux. Dans L’Abeille  et  l’économiste,  Yann Moulier-Boutang analyse le modèle de création de la valeur qui est propre au Web, celui de la pollinisation : de la même manière que le calcul de la valeur créée par les abeilles ne peut se résumer à la seule production   de   miel   mais   doit   prendre   en   compte   le   travail   de   pollinisation   qu’elles   effectuent (pour ⅓ de la production agricole mondiale), sur le Web la valeur est issue de la multiplicité des interactions, des traces et des clics des utilisateurs du numérique, qui   modifient   en   permanence  les  services   et  l’architecture  générale  du  réseau.   Ainsi   bascule-t-on  d’une  économie  de  l’échange  et  de  la  production  à  une  économie   de  la   pollinisation et de la contribution. Les plateformes jouent un rôle ambivalent dans la structuration de cette nouvelle économie   et   c’est   ce   qui   rend   si   malaisée   la   critique   tranchée   des   GAFA,   terme   stigmatisant qui oublie un peu vite leur gigantesque contribution à la transformation
  • 7. PRÉFACE Ambition numérique6 du monde par la révolution numérique. Cette ambivalence fondamentale tient à ce que les   plateformes   contribuent   positivement   à   l’empouvoirement   des   individus,   à   la   diffusion   des   connaissances,   à   l’ouverture   des   possibles   aux   niveaux   individuel   et   collectif,  mais  qu’en  même  temps  elles  prennent un ascendant sur les individus et les institutions  traditionnelles  (Etats,  entreprises).  Pour  reprendre  l’analogie,  si  elles  sont   les moyens privilégiés de la pollinisation, elles sont également les lieux de l’exploitation  du  travail  des  abeilles-internautes.  Cette  domination  résulte  tout  d’abord   de  la  captation  de  la  valeur  issue  du  “travail”  des  internautes  et  de  la  récolte  massive   des  données  personnelles,  notamment  pour  les  exploiter  commercialement  :  elle  n’est   donc pas uniquement un problème de redistribution de la valeur, dans la mesure où elle induit également un rapport de consommation passive aux choses, fondée sur un marketing envahissant. La plateformisation entraîne en outre une verticalisation grandissante qui va de pair avec la reconstitution  de  silos  et  l’émergence  de  très  grands   groupes   qui   ont   les   moyens   d’imposer   leurs   règles   aux   autres   acteurs.   Cette   domination,  qui  prend  souvent  la  forme  d’une  situation  quasi-monopolistique sur le marché, conduit à ce que la sénatrice Catherine Morin-Dessailly   a   appelé   “la   colonisation   numérique   de   l’Europe”.   A   cet   égard,   l’Europe   fait justement figure d’exception   :   d’autres   espaces   comme   la   Chine,   la   Russie,   mais   surtout   le   Japon,   la   Corée   du   Sud,   le   Brésil,   l’Indonésie,   sont   parvenus   à   développer   des écosystèmes numériques   locaux   que   l’on   peine   à   voir   se   développer   dans   les   pays   européens.   La   protection que constituent leurs langues, ainsi que le caractère autoritaire des régimes de certains de ces pays, n’expliquent  pas  tout.   Bientôt un droit de vote chez Amazon et Apple ? Néanmoins  ce  qui  est  en  jeu  dans  le  monde  numérique  ne  peut  s’analyser  selon une grille purement économique : en effet la domination qui est exercée a une dimension profondément   politique.   Le   numérique   n’est   pas   un   espace   comme un autre ni seulement un medium d’interaction  :  il  est  le   nouveau  lieu  du   pouvoir  économique,   social et politique. De la même manière que les infrastructures physiques, routes, ponts, ports et relais de poste, ont  permis  aux   Etats  d’organiser  les  territoires et de déployer   une   souveraineté   politique,   ce   sont   maintenant   les   “infostructures”   qui   agencent   les   nouveaux   pouvoirs.   L’organisation,   la   maîtrise   et   l’observation   des   flux   d’informations  permettent  bien  souvent  de  structurer  les  comportements  par  exemple en hiérarchisant les contenus qui circulent, la manière dont ils le font et les publics auxquels   ils   s’adressent.   Les   processus   de   verticalisation,   de   centralisation   et   de   fermeture   qui   sont   partiellement   à   l’œuvre   posent   donc   de   manière   nouvelle   la   question  de  la  démocratie  et  de  l’autonomie  politique. C’est  sous  cet  angle  que  la  montée  en   puissance  du  “big  data”  doit  être  analysée.  Si   celle-ci   est   déjà   à   l’origine   d’un   ensemble   d’innovations   et   de   nouveaux   services,   la   question  qu’elle  soulève  est  aussi  politique  :  de  la  même  manière  qu’il  reposait  hier  sur  
  • 8. PRÉFACE Ambition numérique 7 le   secret   et   la   fermeture,   le   pouvoir   est   aujourd’hui   intelligent   et   ouvert,   fluide   et   connecté. Il est avant tout fondé sur les données, dont le volume est sur le point d’exploser  du  fait  de  l’interconnexion toujours plus élargie des individus et des choses. En ce sens, il est un nouveau type de pouvoir, qui ne passe plus par la régulation, l’instauration  de  règles  verticales,  mais  par  le  contrôle,  l’individualisation,  la  mise  en   profils, la modulation, la surveillance, le traçage. Ce sont plus généralement les modes traditionnels de régulation des pouvoirs qui sont largement remis en question par les grands acteurs du numérique. Osons le dire, les pouvoirs   publics   sont   menacés   d’obsolescence   :   que   ce soit dans leur capacité à encadrer   le   marché   pour   l’intérêt   général   ou   encore   à   fournir   des   services   publics,   garants  de  l’égalité,  au  cœur  du  contrat  social.  Continuons  de  négliger  d’un  revers  de   main   les   modifications   qui   sont   à   l’œuvre   du   haut   des   citadelles fortifiées (mais craquelées)   de   l’administration   et   demain   peut-être Le Bon Coin et Amazon Mechanical Turk assumeront la fonction de Pôle Emploi, YouTube déterminera la politique de financement de la culture et Apple la politique de santé. La simple comparaison  de  l’efficacité  (en  termes  de  conception,  de  mise  en  place  et  de  service   rendu)  de  l’Apple  Health kit et du dossier médical personnel devrait faire vaciller les certitudes   les   plus   ancrées.   Mais   ce   n’est   pas   simplement   une   lutte   pour   plus   d’efficacité et de simplicité des services qui est en jeu, mais bien la capacité de produire   et   de   diffuser   un   agenda   politique,   c’est-à-dire, fondamentalement, la souveraineté. Et donc la démocratie dont elle constitue encore, et malgré tout, le principal cadre, dans le monde actuel. Si ce sont des services privés qui déterminent la forme  que  prendront  les  services  et  les  politiques  publics,  c’est  en  effet  la  possibilité   collective de faire des choix, la souveraineté démocratique, qui disparaîtra. Si les peuples ne veulent pas en être réduits à demander un jour le droit de vote chez Amazon ou Apple, il faudra bien que  l’Union  européenne  mette  en  place  une  stratégie   globale, comme  ont  su  si  bien  le  faire  les  Américains  en  leur  temps.  L’Europe  a  besoin   d’une  vision générale, prospective, qui ne se résume pas à un empilement de normes pour différents secteurs, ni à une harmonisation des règles entre Etats-membres. L’échec   de   la   stratégie   de   Lisbonne   a   montré   la   faible   capacité   qu’avaient   l’Union   européenne et les Etats-membres à se projeter stratégiquement. En ce sens, nous devons imiter les Etats-Unis, non pas tant sur le fond, que sur la forme. Depuis plus de 50   ans,   ils   ont   défini   une   ligne   directrice   pour   le   développement   de   l’information   comme outil de puissance et vecteur de croissance, que ce soit en fixant des priorités pour le développement des infrastructures et les infostructures ou en permettant le développement  d’entreprises  clefs  du  secteur.  En  témoignent  la  libéralisation  du  GPS,   les actions de l’administration Clinton/Gore en faveur des Information SuperHighways,  l’Internet Tax Freedom Act de  1998  et  plus  récemment  l’ouverture   des données publiques, le National Broadband Plan et le programme Startup America. L’accompagnement   du   développement   d’un   grand nombre de startups
  • 9. PRÉFACE Ambition numérique8 prometteuses,  telles  que  Google,  notamment  en  les  finançant  en  phase  d’amorçage,  est   également une preuve éclatante de la vision de long terme du gouvernement américain. La révolution européenne du Web Or rappelons-nous à cet égard ce qu’Internet   et   le   Web   doivent   à   des   ingénieurs   européens  et  que  c’est  ici  que  peut  se  poursuivre  la  révolution  du  pouvoir  d’agir,  qui   est  au  cœur  de  la  révolution  numérique.   Si   le   net   est   d’origine   fortement   américaine,   figurent   parmi   ses   fondateurs   des   Européens, comme Louis Pouzin, qui signe la postface de ce rapport et que je salue. De même, bien que la culture numérique ait longtemps été en gestation dans des communautés pionnières américaines (je pense notamment au réseau The Well, qui existe encore aujourd’hui),   c’est   bien   une   invention   européenne   qui   donna   une   dimension   universelle   à   la   révolution   numérique.   Le   Web,   dont   l’apport   a   été   plus   grand  qu’on  ne  veut  bien  le  dire,  est  en  effet  né  en  Europe  et  est  profondément  marqué   par   ses   valeurs.   Et   c’est grâce au Web et donc à une institution de recherche européenne, le CERN, ainsi   qu’à des grands Européens comme Tim Berners-Lee et Robert Cailliau que le réseau a basculé dans les usages du grand public. Enfin,   l’Europe   a   été   à   la   pointe   des   combats   politiques   décisifs   pour   l’avenir   d’Internet, comme celui pour la non brevetabilité du logiciel dans les années 1990, poursuivie  aujourd’hui  par  celui contre  la  brevetabilité  du  vivant.  C’est  donc  à  partir  de   l’ambition  politique  européenne  qu’il  est  possible de donner un sens nouveau au projet numérique  mondial.  Il  est  urgent  d’agir.  De  piloter  la  révolution  à  l’œuvre  pour  ne  pas   la subir. Pour redonner un sens politique à notre numérique. Pour que les individus reprennent le contrôle sur Internet. Pour réaffirmer les valeurs fondatrices qui ont présidé à sa création. Le   net   a   perdu   son   innocence   :   l’alternative   n’est   plus   entre   ceux   qui   défendent   l’urgence   de   la   transition   numérique   et   ceux   qui   la   négligent   ou   la   retardent.   La   transition numérique est en cours, partout, pour tous. Les positions doivent se cliver : plusieurs numériques sont possibles et il est temps de construire un numérique européen, plus politique, plus  conforme  aux  promesses  d’empouvoirement  comme  à   celles des pères fondateurs. Il revient  à  la  France  et  à  l’Europe  de  définir  ce  numérique   et de mettre en place des politiques publiques pour le construire.
  • 10. PRÉFACE Ambition numérique 9 Une stratégie française et européenne ambitieuse est à construire Cette  stratégie  doit  tout  d’abord  préserver  la  capacité  de  régulation des acteurs publics et la pérennité des services publics.   C’est   la   condition   de la mise en place de tout modèle   alternatif.   Il   s’agit   tout   d’abord   de   retrouver   les   conditions   financières   de   l’action   de   l’Etat,   en   instaurant   une   justice   fiscale   pour   les   grands acteurs du numérique.  C’est  en  s’appuyant  sur  la  capacité  d’innovation  des  agents  publics  et  de   l’ensemble   de   la   société   civile   que   les   pouvoirs   publics   pourront   résister   à   cette   pression   en   fournissant   des   services   correspondant   aux   exigences   d’égalité, de continuité   et   de   neutralité   du   service   public.   L’Etat   et   les   collectivités   territoriales   doivent   se   transformer   intégralement   pour   plus   d’agilité,   d’innovation,   de   mise   en   réseau,  d’intelligence  collective,  de  collaboration... L’Europe  se  doit  également  de  préserver  l’innovation  économique  en  construisant  un   environnement  propice  aux  innovateurs.  Cela  suppose  tout  d’abord  de  restaurer  des   conditions de concurrence loyale entre les acteurs économiques étrangers et européens.  Soutenir  l’innovation  signifie  que  la  priorité  des  Etats  membres  de  l’Union   européenne  et  de  la  Commission  européenne  doit  être  de  favoriser  la  croissance  d’un   écosystème numérique européen : un financement adapté, des mesures de préférence, une diffusion plus importante de la littératie, en sont les instruments premiers. Le   numérique   peut   être,   en   ce   sens,   la   matrice   d’un   renouveau   de   la politique industrielle. L’innovation  à  l’heure  du  numérique,  organisée  autour  du  partage  et  de  la   constitution  d’écosystèmes,  permet  de  dépasser   l’opposition  abstraite  entre  politique   industrielle horizontale, destinée à créer des incitations économiques et des cadres réglementaires  favorables  à  l’industrie  et  politique  industrielle  verticale,  sectorielle  et   soutenant des champions nationaux. En effet   les   conditions   de   croissance   d’une   économie  de  l’innovation  fondée  sur  le  numérique  sont  le  dépassement  des  silos,  les   échanges, les externalités positives. La structuration de filières industrielles dans le monde numérique repose donc sur la mise en place   de   conditions   d’innovations   communes et de transformation générale des modèles de croissance. La stratégie numérique européenne devra rompre avec les actions réactives et le soutien à court terme des stratégies de grands groupes industriels, sans véritable évaluation, sans cohérence et parfois à contretemps. Elle ne saurait avoir pour finalité unique   de   propulser   des   champions   européens   pour   qu’ils   prennent   la   place   des   champions  américains.  Il  ne  s’agit  pas  de  reproduire  les  schémas  de  plateformisation et   de   domination   économique   et   politique.   De   même,   l’Etat   ne   peut   se   contenter   d’adopter,  comme  il  le  fait  trop  souvent,  la  même  rationalité  que  les   grands  acteurs   économiques de la société de contrôle en cédant aux tentations de surveillance généralisée  de  l’Internet.  Avec  une  efficacité  bien  moindre...
  • 11. PRÉFACE Ambition numérique10 C’est  un  modèle  nouveau  qu’il  faut  inventer  :  celui  qui  met  le  numérique  au  service  du   pouvoir   d’agir   et   de   l’émancipation   individuelle   comme   collective.   Il   s’inspirera   des   démarches les plus inventives et les plus généreuses de la Silicon Valley (Code for America)   et   d’Afrique   (Ushahidi).   Ce   n’est   qu’à   cette   condition   que   le   numérique   pourra   servir   une   croissance   partagée   et   durable.   Ce   modèle   est   d’autant   plus   nécessaire que les fondamentaux du numérique ne   sont   pas   aujourd’hui   tous   soutenables, ni tous durables - je  pense  à  l’érosion  fiscale  ou  à  la  destruction  d’emploi,   notamment. Les combats sont donc nombreux mais des solutions politiques existent. La neutralité du   net   est   tout   d’abord   une   condition essentielle pour protéger la diversité des contenus,   préserver   le   “permis   d’innover”   et   lutter   contre   la   centralisation.   Sa   consécration   législative   comme   principe   doit   s’accompagner   d’une   protection   réaffirmée   des   données   personnelles,   permettant   d’éviter à la fois leur marchandisation  unilatérale  et  leur  exploitation  sans  consentement  ni  contrôle,  d’où  le   principe   d’autodétermination   informationnelle   que   nous   défendons.   Enfin   les   plateformes doivent être encadrées : des exigences de loyauté peuvent être établies pour assurer un juste équilibre entre toutes les parties prenantes. Afin que ce principe ne reste pas lettre morte, une agence européenne de notation de la loyauté des plateformes, appuyée sur une expertise juridique et technique ainsi que sur un réseau ouvert de contributeurs, pourrait être mise en place, comme nous le proposons dans notre rapport, afin de faire jouer les leviers de réputation des plateformes et influer sur les décisions des investisseurs. Les communs comme modèle de la société de demain C’est  plus  généralement  autour  de  la  notion  de  communs,  comme  lieu  d’innovation  à   la  fois  politique  économique  et  sociale,  qu’un  nouveau  paradigme  peut  se  structurer.   La notion de communs désigne un modèle de propriété et de gestion collective des ressources   qui   s’inscrit   dans   l’histoire   longue   des   “communaux”,   ces   ressources   naturelles gérées par tous les individus d’une  communauté.  Mais  c’est  le  numérique   qui a réactivé cette notion, socle de discours alternatifs forts, fondés sur la revendication d’une  gouvernance  commune,  d’un  usage  partagé  des  ressources  et  du   développement des échanges y compris non marchands. Ainsi que ce soit pour la production de nouveaux biens et de services, comme les logiciels libres, Wikipédia ou OpenStreetMap   ou   l’échange de compétences hors marché, comme le proposent les banques  de  temps  (qui  offrent  des  crédits  de  temps  pour  la  fourniture  d’un  service  et   non  un  crédit  en  monnaie),  le  numérique  a  permis  à  ces  projets  de  passer  à  l’échelle  et   de faire la démonstration de leur performance. Les   communs   qui   existent   déjà   méritent   d’être   protégés   contre   les   tentatives   de   les   enclore à  nouveau,  mais  il  s’agit  également  de  favoriser  leur  développement  global,  à  la  
  • 12. PRÉFACE Ambition numérique 11 fois  sur   Internet  et   hors  ligne,  et  d’en  faire  la   matrice  d’un  changement général qui redéfinisse les modes de production, de distribution des richesses et de rapport à la valeur. C’est  grâce  à  la  décentralisation  des  moyens  de  production  et  aux  possibilités   inédites que permet la mise en réseau des compétences, des outils et des savoirs, comme   l’explique   Yochai   Benkler   dans   La Richesse des réseaux, que peuvent se structurer  ces  nouveaux  modèles  et  prendre  la  dimension  d’un  paradigme  politique,   économique et social. Ce  n’est  d’ailleurs  pas  un  hasard  si  les  communs  ont  permis de rassembler dans une coalition informelle deux types de revendications principales : celle qui concerne la propriété intellectuelle et les modes de production, en prenant appui sur les nouvelles formes  d’organisation  rendues  possibles  par  le  numérique, et celles qui portent sur la défense  des  biens  communs  naturels,  dans  le  cadre  d’une  lutte  écologique.  Les  deux   transitions majeures de notre époque, numérique et écologique, sont les lieux où les conceptions  héritées  sont  mises  au  travail  et  il  n’est pas étonnant que les discours qui se  forgent  à  leur  propos  combinent  les  mêmes  concepts,  autour  de  la  recherche  d’un   modèle durable pour le monde à venir. Le numérique au service de la prise de pouvoir citoyenne Il est également urgent de ne plus considérer ces combats comme des causes spécifiques, réservées aux experts. Puisque le numérique concerne tout le monde et qu’il  met  en  jeu  des  logiques  de  pouvoir,  tout  le  monde  doit  participer  à  sa  définition   pour que ce pouvoir soit réapproprié par le plus grand  nombre.  C’est  pour  cela  qu’il   n’est   plus   possible   de   se   contenter   du   fonctionnement   politique   traditionnel   :   le   numérique   doit   être   mis   au   service   d’une   prise   de   pouvoir   partagée,   d’un   renouvellement   profond   des   formes   d’action   citoyenne.   L’effectivité   du modèle démocratique est à ce prix. Le numérique permet et exige cette transformation des formes  d’action  citoyenne.  En  effet  il  fournit  des  outils  nouveaux  pour  concevoir  les   politiques publiques et décider ensemble. Plus largement il rend insupportables les fonctionnements   politiques   traditionnels   et   la   réservation   de   l’expertise   aux   seuls   cercles autorisés. Comment est-il possible de concevoir encore la politique comme centralisée,  réservée  à  une  caste  de  professionnels,  alors  même  que  la  liberté  d’action et   d’expression   et   l’accès   aux   connaissances   ont   partout   été   décuplés   grâce   au   numérique  ?  Comment  comprendre  que  l’expertise  soit  encore  confinée  à  des  bastions   alors même que les fractures entre la société civile et les dirigeants révèlent tous les jours que ce modèle ne fonctionne plus ? Comment  concevoir  qu’on  ne  fasse  pas  appel   à la contribution de tous, quand les enjeux que nous avons à affronter collectivement sont  d’une  complexité  redoutable ? Il faut également rappeler à certains prophètes de la Silicon Valley que la politique n’est   pas   un   concept   dépassé   et   que   le   numérique   ne   referme   pas   la   parenthèse  
  • 13. PRÉFACE Ambition numérique12 démocratique   au   profit   d’un   “solutionnisme   numérique”,   qui   consiste   à   traiter   tout   problème social, écologique et économique comme une énigme que   l’on   pourrait   résoudre techniquement, comme le décrit Evgeny Morozov dans Pour tout résoudre, cliquez ici. Les oppositions et la défense de différents modèles dans un espace commun et les luttes qui le poursuivent dans différents lieux, qui caractérisent ce que c’est  le  politique,  ne  sont  pas  rendues  désuètes  par  le  numérique.  Il  doit  pouvoir  être   possible  de  promouvoir  l’agilité,  la  rapidité  et  l’innovation  tout  en  prenant  en  compte   la diversité des enjeux auxquels nous sommes confrontés et sans nier toute légitimité au débat démocratique. Le numérique hors du numérique : un changement de civilisation Le  numérique  que  nous  voulons  défendre  n’est  pas  une  utopie  empreinte  de  nostalgie   à   l’endroit   des   valeurs   héritées   des   pères   fondateurs   d’Internet.   Il   s’appuie sur les millions   d’initiatives,   sur   le   bouillonnement   de   formes   nouvelles   qui   sont   apparues   depuis son invention : elles font pièce aux tentatives de centralisation et dessinent les contours   du   changement   de   civilisation   qui   est   en   marche   et   qu’elles   annoncent. Il s’appuie  également  sur  le  formidable  mouvement  de  renforcement  du  pouvoir  d’agir   qu’il   a   permis   et   qui   a   des   effets   tous   les   jours.   Il   s’appuie   enfin   sur   le   fait   que   la   révolution  numérique  a  largement  débordé  sa  sphère  d’action  initiale  :  les nouvelles formes   d’organisation,   les   nouveaux   moyens   d’émancipation   individuelle,   les   nouveaux modèles politiques et économiques ont largement irrigué le monde analogique.  Pour  ainsi  dire,  le  numérique  est  sorti  du  numérique  et  c’est  désormais  le   logiciel qui est appelé à dévorer le monde. Le mouvement des makers en est le symbole : cette nouvelle génération de hackers réinvente les manières de produire et travailler  en  misant  sur  le  partage  de  l’information,  la  mise  à  disposition  des  plans  et   des schémas techniques en open source ainsi que le travail collaboratif des contributeurs. Wikispeed est un exemple exceptionnel de la vitalité de ce mouvement, qui montre, comme  l’a  écrit  Chris  Anderson,  le  rédacteur  en  chef  de   Wired,   que   “le   Web  n’était   qu’une   démonstration   de   faisabilité”   :   en   trois   mois,   une   dizaine   de   bénévoles   non   expérimentés ont construit une voiture en open source, dotée de performances comparables,  à  la  fois  sur  le  plan  de  la  vitesse  et  de  la  consommation  d’énergie,  à  la   plupart des voitures industrielles, pour un prix modique. Ainsi la démocratisation de la production, le mouvement du libre, le collaboratif servent de matrice pour le monde matériel. Pekka Himanen, dans L’Ethique   hacker, analyse le changement de paradigme  qui  est  à  l’oeuvre  dans  le  monde  du  travail  :  à  l’éthique  protestante,  fondée   sur  le  devoir  et  la  recherche  du  profit,  s’oppose  une  éthique  hacker, qui est construite autour   d’un   désir   personnel   d’agir   et   de   travailler   sans   recherche   première   de   gratification financière. Cette   nouvelle   éthique   n’est   pas   confinée   au   domaine   des   hackers : elle envahit tout le reste de la société. Le fait que les innovateurs et les
  • 14. PRÉFACE Ambition numérique 13 créatifs reprennent le pouvoir dans les entreprises, renouant avec la tradition de l’entrepreunariat  de  la  fin  du  19è  siècle,  où  les  grands  capitaines  d’industrie  étaient  des   ingénieurs et des inventeurs, en est une preuve éclatante. Parce que le modèle des startups repose souvent sur la créativité de leurs dirigeants et la commercialisation d’un  prototype  technologique innovant, il remet en cause la course à la performance financière  sur  l’esprit  entrepreunarial  qui  a  cours  depuis  les  années  1980. A   cet   égard,   le   fait   que   l’invention   et   la   créativité   remettent   à   leur   juste   place   les   indicateurs financiers me semble davantage correspondre aux valeurs de la France et de   l’Europe.   C’est   en   effet   la   création   sous   toutes   ses   formes,   qu’elle   soit   artistique,   artisanale ou industrielle qui dessine les contours de la singularité européenne. La transition numérique au service de la transition écologique : réinventer le monde Adoptons donc, comme nous nous sommes efforcés de le faire dans ce rapport, une attitude qui ne soit pas défensive, mais qui ait pour ambition que le numérique continue de renouveler les formes politiques, économiques,  sociales  et  qu’il  nourrisse   une   croissance   durable   et   inclusive.   C’est   comme   cela   que   nous   pourrons   tenir   les   promesses des visionnaires historiques du numérique pour affronter ce qui constitue la transition la plus importante de notre époque, avec la transition écologique. Le lien entre ces deux transitions, numérique et écologique, est peut-être la clef de compréhension du rôle historique du numérique. Elle peut sembler, au premier abord, prendre   la   forme   d’un   passage   de   relais   :   alors   que   nous   faisons   l’expérience   des   limites  de  l’ambition  prométhéenne  en  nous  heurtant  au  mur  de  la  dette  écologique  et   de   l’épuisement   des   ressources,   nous   construisons   simultanément   un   redoublement   du   monde.   Au   moment   où   nous   nous   heurtons   aux   limites   d’un   monde, nous en constituons un autre, qui est fondamentalement humain, sans limites, au potentiel inépuisable. Toutefois   le   numérique   n’est   pas   un   monde   à   part,   une   utopie   consolante.   Nous   ne   sommes  pas  des  “cerveaux  dans  une  cuve”,  contemplant  les  mirages  que  nous avons nous-mêmes créés, sans conscience des limites du monde matériel. Le cyberespace n’existe   pas.   Le   numérique   est   en   effet   une   mise   en   action   du   monde,   avant   même   d’être  sa  mise  en  discours.  S’il  est  redoublement  du  monde,  c’est  un  redoublement  en   potentialités : alors que le réel est un ensemble de faits, advenus, le virtuel relève du possible. Pour chaque situation réelle, le virtuel est la mise en possibilité de cette situation.  Le  numérique  permet  en  effet  de  d’interroger  le  réel,  de  simuler,  de  tester de nouvelles  hypothèses,  avant  de  les  mettre  en  œuvre... Pour  le  dire  autrement,  c’est  un   formidable  vecteur  de  l’empouvoirement  individuel  et  collectif.
  • 15. PRÉFACE Ambition numérique14 C’est   en   ce   sens   que   le   numérique   est   au   cœur   des   réponses   que   nos   sociétés   attendaient pour faire face à la crise écologique. Pas seulement pour optimiser la consommation  énergétique  ou  améliorer  la  gestion  des  déchets,  ce  qu’il  faudra  faire,   bien au-delà   de   ce   qui   se   fait   aujourd’hui.   Alors   que   l’épuisement   des   ressources   physiques correspond aussi à un épuisement de notre capacité à inventer de nouveaux modèles  théoriques  et  pratiques,  au  moment  où  nous  n’avons  jamais  autant  eu  besoin   de   le   faire.   Ce   que   propose   le   numérique,   loin   d’être   une   fuite   en   avant,   c’est   une   possibilité de tester ces nouveaux modèles. Le numérique est donc un levier majeur de transformation du monde. La France et l’Europe  doivent  être  à  la  tête  de  ce  mouvement  et  faire  des  choix  stratégiques  pour   donner un sens politique à cette transformation et dessiner une voie européenne du numérique. Les 70 propositions du présent rapport donnent corps à cette ambition.
  • 16. Pour une politique française et européenne de la transition numérique.
  • 18. INTRODUCTION Ambition numérique 17 Quarante  ans  après  l’invention  d’Internet,  plus  de  vingt-cinq ans après celle du Web, une pluralité des mondes numériques possibles se dessine. Une créativité économique sans pareille  s’est  construite  autour  des  technologies  numériques,  tandis  qu’émergent   des pratiques transformatrices de la société et du politique, fondées sur une diffusion du  pouvoir  d’agir  et  des  valeurs  d’ouverture.  Le  numérique  peut  néanmoins  conduire  à   des pratiques de prédation économique, favoriser une politique focalisée sur la communication plus que sur le sens commun et la mobilisation des citoyens, voire participer à certains phénomènes de radicalisation. Nous sommes sortis de la période de techno-enthousiasme qui a marqué la fin du 20e siècle. Nous avons maintenant collectivement conscience   de   l’épaisseur   et   de   la   complexité des changements véhiculés par le numérique. Nous sommes en mesure de dépasser aussi bien les discours du réductionnisme technologique qui rabattent le numérique   sur   l’outil,   que   les   discours   qui parent le numérique de valeurs et de vertus intrinsèques en oubliant à quel point celui-ci est un construit social. Plus que jamais les technophobes et les technolâtres doivent être renvoyés dos à dos   et   il   s’agit   de   concevoir   le   numérique comme ce   qu’il   est : un facteur de bouleversements importants auxquels il faut donner un sens, une direction et   des   valeurs.   La   société   numérique   n’est   pas   une   force   qui   va,   mais   procède   au   contraire  d’un  ensemble  de  choix  individuels  mais  aussi  et  surtout  collectifs. Ces choix collectifs appellent simultanément des logiques ascendantes de construction de  nouvelles  formes  d’autorégulations  par  toutes  les  parties  prenantes  de  la  société   - acteurs   économiques   traditionnels,   acteurs   de   l’économie   sociale   et   solidaire,   associations, citoyens…   et   des   interventions   des   acteurs   publics   - instances internationales, Union européenne, État, collectivités territoriales. L’internationalisation  des  enjeux  liés  à  l’économie  numérique  et  à  sa  gouvernance  ne   peuvent   justifier   un   désengagement   de   l’intervention   de   l’État. Bien au contraire, la France   a   un   rôle   majeur   à   jouer   pour   encourager,   à   l’échelle   nationale   et   internationale,   l’innovation   économique   et   la   créativité   de   la   société   tout   en   construisant   un   cadre   fiscal   et   social   équitable   et   en   s’assurant de la protection des droits  de  l’humain  à  l’ère  numérique.  Une  voie  numérique  française  peut  être  définie,   qui respecte nos valeurs et assure la pérennité de notre modèle social et économique. Réaffirmer une souveraineté française et européenne sur le numérique est une condition  nécessaire  pour  asseoir  notre  capacité  d’action  collective. La société numérique n’est pas une force qui va ; elle procède au contraire d’un ensemble de choix individuels mais aussi et surtout collectifs.
  • 19. INTRODUCTION Ambition numérique18 Conscient du besoin de faire évoluer le cadre législatif pour embarquer ces enjeux et de faire entendre une voix de la France sur la scène européenne et internationale qui soit ambitieuse et prospective, le Premier Ministre a demandé au Conseil national du numérique, instance indépendante,  de  l’aider  dans  cette  tâche. Pour  ce  faire  le  Gouvernement  a  chargé  le  Conseil  d’organiser  une  grande  concertation   nationale afin de recueillir   largement   les   avis   de   l’ensemble   des   parties   prenantes ; puis sur la base des contributions recueillies, de lui fournir des recommandations concrètes, pour nourrir le projet de loi sur le numérique, mais également pour poser les  jalons  d’une  stratégie  numérique  française  globale,  ayant  vocation  à  s’appliquer  au   niveau local, national, européen et international. Nouvelles méthodes, nouveaux acteurs Première  en  son  genre  au  regard  de  son  périmètre  national  et  de  l’éventail  des  sujets   traités, cette concertation   s’inscrit   dans   une   volonté   de   poser   les   premières   pierres   d’une  co-construction des politiques publiques. À visée consultative, elle avait un triple objectif :   donner   davantage   d’importance   aux   questions   liées   au   numérique   dans   l’espace  public, les sortir de leur confidentialité et permettre à de nouveaux acteurs de s’en  emparer ;;  exposer  dans  l’espace  public  les  controverses  liées  au  numérique  et  les   points de vue en présence ;;  enrichir  les  voies  d’actions  possibles  par  la  diversité  des   contributions, individuelles ou collectives. Pour mener à bien cette concertation, le Conseil a mis en place un dispositif en quatre volets : Au cœur du dispositif, une plateforme en ligne (contribuez.cnnumerique.fr), en partenariat   avec   l’association   Démocratie Ouverte. Lancée officiellement le 4 octobre 2014 par Manuel Valls, Thierry Mandon et Axelle Lemaire au NUMA à Paris,  elle  avait  pour  fonction  de  recueillir  les  propositions  d’action,  les  avis  et   les votes des citoyens autour de quatre grands thèmes : Croissance, innovation, disruption ;;   Loyauté   dans   l’environnement   numérique ; Transformation numérique  de  l’action  publique ; La société face à la métamorphose numérique. Une journée contributive par thème, soit quatre événements organisés successivement à Lille, Strasbourg, Bordeaux et Nantes dans des lieux représentatifs   de   l’écosystème   numérique   français.   En   parallèle   et   reliés   en   duplex, des ateliers ont été mis en place dans une dizaine de territoires. L’accompagnement   d’événements   contributifs   auto-organisés, outillés par un kit   “do   it   yourself”,   téléchargeable   en   ligne   et   adaptable   à   des   formats   de   réunions citoyennes sur tout le territoire.
  • 20. INTRODUCTION Ambition numérique 19 Au terme de la période initiale de consultation, la publication sur la plateforme des synthèses des contributions, ouvertes aux commentaires, restituant le plus fidèlement possible les propositions et les points de controverse. La consultation a recueilli 17 678 contributions pour 2300 contributeurs (dont 1 435 propositions, 1 973 arguments, 494 sources, 13 759 votes), plus de 1 300 personnes se sont mobilisées lors des journées contributives, tandis que 1 500 personnes suivaient la retransmission en direct organisée par la start-up Glowbl. 5 000 personnes suivaient par ailleurs la concertation grâce à la newsletter. Quelques 70 ateliers-relais ont été organisés   sur   l’ensemble   du   territoire,   de  l’île  de  la  Réunion  à  la  cantine  de  Brest,  de  l’Université  de  Montpellier  au  plateau  de   Saclay, en passant par la municipalité de Nanterre. Si les personnes intéressées professionnellement par les sujets ouverts au débat ont été en toute logique les plus nombreux à contribuer, la concertation a reçu des contributions de profils plus atypiques (collégiens, retraités, chauffeurs de taxi…). De multiples   acteurs   représentatifs   de   l’écosystème   numérique   ont   contribué   au   terme   d’un   travail   collectif   interne   à   leur   entité : des grandes entreprises, des syndicats d’entreprises   et   de   salariés,   des   fédérations   professionnelles,   des   associations, mais aussi de nombreuses communautés de chercheurs, étudiants, développeurs, startupers. Afin de capitaliser sur des travaux antérieurs, différents rapports provenant d'institutions ou missions variées1 (rapport   du   Conseil   d’État, rapport Lemoine, etc.) ont largement nourri les réflexions et leurs propositions et ont pu être discutées par les contributeurs. Les acteurs publics ont également contribué à enrichir le débat en apportant une expertise technique circonstanciée : certaines administrations se sont mobilisées en ligne,   d’autres   “hors-ligne”   lors   de   réunions   interministérielles   ad hoc. En coordination   avec   les   cabinets   ministériels   et   avec   l’appui   de   la   mission   Etalab,   le   Conseil  national  du  numérique  a  sollicité  la  veille,  l’appui  et  l’expertise de nombreuses administrations. Ces allers-retours continus entre le CNNum et les ministères ont permis   de   s’assurer   que   les   fruits   de   la   concertation   nourrissent   réellement   la   préparation du travail législatif et que les impératifs de calendrier des deux processus ne constituent pas un obstacle à la prise en compte de la concertation et du travail du CNNum. 1 Rapport  Lemoine  sur  la  transformation  numérique  de  l’économie  ;;  étude  annuelle  du  Conseil  d’Etat  sur   le  numérique  et  les  droits  fondamentaux  ;;  rapport  de  J.  Toledano  “Une  gestion  dynamique  du  spectre  pour   l’innovation  et   la  croissance”  ;;   rapport  de  C.  Bouchoux  “  Refonder  le  droit  à  l’innovation  publique  à   l’heure  du  numérique”. La consultation a recueilli 17 678 contributions.
  • 21. INTRODUCTION Ambition numérique20 Au terme de cette vaste consultation, et nourris par le matériau qui en est sorti, les membres   du   CNNum   ont   travaillé   à   l’élaboration   des recommandations qui constituent ce rapport. Confronté à des propositions parfois contradictoires, le CNNum a élaboré sa propre doctrine. Aussi ces recommandations sont le fruit d’arbitrages   propres   au   CNNum   et   ne reflètent pas nécessairement le contenu des contributions. Des synthèses  retraçant  de  la  façon  la  plus  neutre  possible  l’intégralité  des  contributions   sont annexées à ce rapport. Malgré des contraintes temporelles serrées, les contributions ont montré une forte diversité et créativité.  Nous  remercions  ici  l’ensemble  des  acteurs  qui  se  sont   investis   dans   cet   exercice   et   sans   lesquels   ce   rapport   n’aurait   pu   voir   le   jour. Le succès de cette concertation est en premier lieu le leur. Au-delà de cette diversité, la concertation a permis de faire bouger les lignes en matière de débat public sur trois fronts : La   logique   de   publicité   et   de   transparence,   voire   d’interactions   systématiques mise en place par la concertation a modifié les pratiques de travail   et   de   construction   de   positions   de   certains   groupes   d’intérêts,   d’entreprises   et   de   fédérations,   en   les   encourageant   à   publier   en   ligne   des   positions et des lignes directrices auparavant réservées aux discussions internes ou aux stratégies de lobbying. Le premier ministre avait, selon ses termes, demandé à ce que l’administration  soit  “hackée”. Mission accomplie : ce processus a permis d’acculturer   à   de   nouveaux   procédés   d’élaboration   certains pans de l’administration   peu   familiers   de   ces   pratiques.   Expérience   d’administration   ouverte,  délibérante  et  à  l’écoute,  la  concertation  a  constitué  la  première  pierre   d’une  transformation  vers  un  gouvernement  plus  ouvert. Certaines collectivités ont saisi  l’opportunité  de  la  concertation  pour   susciter sur leur territoire un débat citoyen,  permettant  ainsi  d’accroître   l’intérêt   local   pour   des   questions   souvent   négligées   parce   que   jugées   trop   techniques ou éloignées. De même de nombreux acteurs universitaires se sont impliqués dans   le   débat,   ce   qui   a   permis   de   l’enrichir   grâce   aux   fruits   indispensables de la recherche. Globalement,  la  concertation  a  confirmé  l’importance  d’une  démarche  de  médiation,   d’accompagnement  et  de  pédagogie,  en  complémentarité  d’une  phase  de  consultation   institutionnelle. Lieu de dialogue et de formation politique, la concertation a voulu Confronté à des propositions parfois contradictoires, le CNNum a élaboré sa propre doctrine.
  • 22. INTRODUCTION Ambition numérique 21 rompre   de   prime   abord   avec   la   sophistication   du   langage   de   l’expertise   et   la   confiscation des futurs possibles par les experts. Elle a préféré emprunter les voies plus  complexes,  parfois  plus  instables,  mais  toujours  plus  riches  d’une  parole  plurielle   et profane. La concertation a eu pour souci de créer un langage partagé, condition sine qua non à la construction de valeurs communes. Dans un même temps, la concertation nous a permis de mieux cerner les limites de ce type   d’exercice   et   d’en   tirer   les   leçons   pour   d’éventuels   processus   consultatifs   ultérieurs. La concertation menée par le Conseil national du numérique est en effet avant tout une expérimentation et un certain nombre de difficultés ont été rencontrées au fil de la concertation : Tout   d’abord   l’investissement   citoyen   a   été   inégal   selon   les   sujets.   On   peut   supposer que le niveau de technicité de certains thèmes a pu constituer un frein important. Bien que de nombreux ministres se soient fait les relais de la concertation dans leur   communication   politique,   la   concertation   n’a   pas   bénéficié   du   niveau   de   visibilité politique à la hauteur des enjeux traités. De manière plus générale et bien que des réunions interministérielles aient été tenues   en   parallèle   de   la   consultation,   certaines   administrations   n’ont   pas   toujours réussi à intégrer les logiques propres de la concertation. Ce nouveau processus de consultation large et de co-élaboration avec le CNNum pose la question  de  l’organisation  des  relations  entre  deux  temporalités  et  deux  types   d’expertise,   celles   de   la   consultation   et   celles   de   l’administration.   La   capacité   d’écoute  croisée  et  la  prise  en  compte  des  spécificités  de  chaque  logique  dans un objectif  d’action  commune  doivent  encore  être  améliorées. Malgré ces difficultés, le bilan global de ce processus confirme que ces consultations sont réellement porteuses d’un  renouvellement  des  pratiques  politiques  et  doivent  être   étendues, sinon généralisées, en amont de la mise en place de politiques publiques. Une préconisation qui reçoit d’ores  et  déjà un certain écho, puisque le ministère de l'Éducation nationale a repris le modèle de la consultation organisée par le Conseil national du numérique pour organiser   une   concertation   nationale   sur   le   numérique   pour   l’éducation   et   que   les   initiatives se multiplient au niveau local et international. Le bilan de ce processus confirme que ces consultations sont porteuses d’un renouvellement des pratiques politiques et doivent être généralisées.
  • 23. INTRODUCTION Ambition numérique22 Les valeurs de la société numérique : une société solidaire, ouverte et fondée sur les droits humains, qui favorise le pouvoir d’agir et l’innovation partagée. Au terme de cinq mois de processus contributif, le Conseil national du numérique a construit un bouquet de recommandations. Celles-ci   s’appuient   sur   un   socle   de   principes qui décrivent la société vers laquelle nous entendons tendre. Le   Conseil   national   du   numérique   réaffirme   la   nécessité   d’une   société   solidaire.  Une  solidarité  qui  doit  se  manifester  aussi  bien  entre  territoires,  qu’entre   générations  et  groupes  sociaux.  Force  est  de  constater  que  l’entrée  du  numérique  dans   nos sociétés a coïncidé avec un accroissement des inégalités de revenus et de patrimoine. Sans établir de lien de causalité, cette corrélation nous interroge et nous invite à repenser le rôle du numérique dans la construction des solidarités du XXIe siècle. Si   le   rôle   du   numérique   à   la   fois   comme   facteur   d’exclusion   et   comme   facteur   d’émancipation  est  évoqué  de  longue  date,  on  observe  que  l’essentiel  des  efforts  des   politiques publiques   a   porté   jusqu’ici   sur   l’appropriation   des   outils   numériques   par   tous,   et   non   sur   le   déploiement   d’un   numérique au service de la solidarité. Certes  une  politique  qui  s’assure  d’une   appropriation par le plus grand nombre, non seulement des outils mais aussi des compétences associées, reste   indispensable.   D’autant   plus   indispensable que les savoirs nécessaires   à   l’exercice   d’une   citoyenneté dans une société numérique se renouvellent en permanence, au fur et à mesure que de nouveaux dispositifs techniques font irruption dans nos vies personnelles et professionnelles. Sans cet accompagnement, sans des médiations  au  plus  près  des  populations  en  souffrance,  le  numérique  ne  serait  qu’un   accélérateur  des  autres  formes  d’inégalités et  d’exclusion.  Mais  une  telle  politique  n’est   pas suffisante pour autant. Le  numérique  ne  sera  facteur  de  solidarité  que  si  l’économie  numérique  ne  se  déploie   pas aux marges des formes de solidarité et de redistribution existantes. Le numérique ne peut être  le  cheval  de  Troie  d’une  précarisation  et  d’une  atomisation  accrues.  Il  doit   au contraire participer à une affirmation dynamique de notre système social et permettre une croissance économique soutenue et durable, notamment en favorisant l’innovation  et les pratiques économiques de collaboration. Sans un accompagnement, sans des médiations au plus près des populations en souffrance, le numérique ne serait qu’un accélérateur d’inégalités et d’exclusion.
  • 24. INTRODUCTION Ambition numérique 23 Et  le  numérique  ne  contribuera  à  une  société  solidaire  que  s’il  est  aussi   le vecteur d’un  pouvoir  d’agir  du  citoyen,  à  la  fois  individuel  et  collectif. La promesse d’une  émancipation  de  l’individu  par  le  numérique a été portée depuis le début par les pionniers de la micro-informatique  et  du  Web.  Sans  que  l’on  sache  toujours  bien  s’il   s’agit   d’un   gain   en   pouvoir   d’agir   individuel   ou   collectif :   c’est   le   fameux   “empowerement”,   que   nous   traduisons   par   “capacité   d’agir”.   Il   s’agit   aujourd’hui   de   sortir  d’un  discours  globalisant  sur  la  capacité  d’agir  et  de  distinguer  plusieurs  degrés   qui correspondent à des appropriations différenciées du numérique par les individus. Pour  l’heure,  sans  doute  aucun,  le  numérique  a  apporté aux individus, à travers toute une  panoplie  de  services,  les  moyens  d’être  plus  mobiles,  de  s’affranchir  des  distances,   de   nouer   de   nouvelles   sociabilités,   de   simplifier   la   vie   quotidienne,   d’accéder   à   de   vastes  champs  de  connaissance…  C’est  là  un  premier gain en capacités, partagé par le plus   grand   nombre.   Un   nombre   plus   restreint   d’individus   peut   et   sait   mobiliser   le   numérique pour créer de nouvelles œuvres   de   l’esprit,   pour   ouvrir   de   nouveaux   territoires artistiques, et pour partager et diffuser des savoirs. Or ce sont ces pratiques qui  sont  à  l’origine  de  la  création  de  la  valeur  ajoutée  économique  et  sociale  à  l’heure   du   numérique.   Le   chemin   reste   long   pour   que   dès   l’enfance,   chaque   citoyen   s’approprie  les  compétences  nécessaires  à  ce  changement  de   posture et devienne un producteur  plus  qu’un  consommateur  de  contenus  et  services. Enfin une portion congrue de la population a pu/su se saisir du numérique pour véritablement, au-delà   du   champ   économique,   produire   de   l’action   collective,   participer à une transformation, même modeste, de la société, et créer des communs. S’il   existe   quelques   formidables   exemples   de   ce   pouvoir   d’agir   collectif,   il   reste   le   parent pauvre du numérique. Notre  ambition  est  que  les  politiques  publiques  s’emparent  du  numérique  pour  que  le   pouvoir   d’agir   s’exerce   dans   sa   complétude : les transformations auxquelles nos sociétés doivent faire face - transformation   du   modèle   de   l’emploi,   changement climatique,… - sont tellement   complexes   qu’elles   appellent   des réponses qui ne peuvent être que le fruit  d’une  créativité  collective,  appuyée   sur  la  transparence  de  l’action  publique   et son ouverture à la participation et à la co-évaluation. Le politique doit traiter des  enjeux  d’une  telle  amplitude  qu’il  ne   peut   se   satisfaire   des   modes   d’élaboration   et   de   décision   historiques : le numérique doit  être  mis  au  service  de  cette  réinvention  de  l’action  politique. Le renforcement du   pouvoir   d’agir   des   citoyens   grâce   au   numérique   ne   peut   donc être ni décrété ni constaté. Il doit être construit. Le renforcement du pouvoir d’agir des citoyens grâce au numérique ne peut donc être ni décrété ni constaté, mais doit être construit.
  • 25. INTRODUCTION Ambition numérique24 L’augmentation   de   la   capacité   d’agir   des   individus   n’a   de   sens   que   si   elle   est   accompagnée par une ouverture simultanée des organisations et des structures, afin de permettre  qu’elles  soient  investies  et  co-construites. Et ceci autant pour les pouvoirs publics que pour les acteurs économiques. Le numérique offre une opportunité de revisiter   les   formes   d’organisation   traditionnelles pour évoluer vers davantage d’horizontalité,  de  participation  des  salariés,  des  agents,  des  clients,  des  utilisateurs  et   usagers. L’innovation   ouverte,   déjà   pratiquée   par   bon   nombre   d’acteurs   du   numérique,   doit   l’être  durablement.  La  reconstruction  d’organisations  en  silos,  tendance  inhérente  au   capitalisme, doit être limitée, au risque de glisser vers des logiques de prédation. Les murailles de Chine héritées qui séparent les différents espaces de la société doivent également être percées, voire détruites afin de favoriser des relations plus étroites entre  l’administration  et  les  acteurs  privés,  les  grandes  entreprises  et  les  startups  ou   encore le monde de la recherche et la société civile. Le numérique est aussi le vecteur de nouvelles formes de création de valeur, de production et de partage de ressources, notamment immatérielles. Ces nouveaux paradigmes constituent le terreau de la réussite des entreprises au XXIe siècle. Pour construire   les   conditions   de   la   compétitivité   et   de   l’attractivité   de   l’économie   de   l’innovation,   garantir   un   meilleur   niveau   d’emploi   et   faire   croître   les   nouveaux   modèles   numériques,   il   est   nécessaire   d’adapter   nos   politiques   publiques,   de   renouveler  les  modèles  de  financement  et  de  soutien  à  l’innovation  et  de  structurer  des écosystèmes numériques aux niveaux national et européen. Ces nouvelles formes de production et de partage peuvent également prendre la forme de   ce   qu’on   appelle   aujourd’hui   les   “communs” : plus   qu’une   catégorie   précise   de   biens, les communs constituent un mode de gouvernance et de production en commun,  fondé  sur  l’agir  collectif  autour  d’un  projet.  Les  communs  ouvrent  ainsi  un   nouvel espace politique et un nouveau rapport à la création de valeur. Les multiples violences qui traversent nos sociétés dans leur diversité peuvent s’interpréter   comme   des   crises   de   sens,   liées   entre   autres   à   l’affaiblissement   des   sociabilités,  aux  inégalités  sociales  mais  également  aux  formes  d’aliénation  propres  à   la  société  de  consommation.  La  sortie  de  logiques  d’affrontements  entre  “civilisations”,   poussées  par  ceux  qui  y  puisent  leur  pouvoir,  ne  pourra  se  faire  qu’autour  d’un  socle   de  valeurs  partagées.  En  sens  contraire,  nous  risquons  de  renforcer  l’individualisme  et   d’augmenter   la   fragmentation   du   corps   social,   voire   sa   dislocation dans le cas des événements   de   radicalisation,   comme   l’ont   montré   tragiquement   les   attentats   de   Charlie Hebdo. La  structuration  dialogique  et  participative  du  réseau  n’assure  pas  nécessairement  que   la connexion de chacun à tous produise une action orientée par des projets et des valeurs communes, en accord avec le socle de nos droits fondamentaux. La perspective
  • 26. INTRODUCTION Ambition numérique 25 d’une  société  de  contrôle,  atomisée  et  en  proie  à  la  concurrence  exacerbée  de  tous  avec   tous  n’est  pas  à  exclure.  La seule invocation des nouveaux  pouvoirs  d’une  multitude   agissante,  tirant  sa  capacité  d’action  de  la  circulation  de  l’information  ne  suffira  pas  à   faire barrage à cette perspective. Quelques   mois   après   les   révélations   d’Edward   Snowden,   il   nous   faut   refuser   la   surveillance  massive  des  flux  et  des  données,  pour  favoriser  l’instauration  d’un  cadre   de   confiance   et   d’un   contrôle   proportionné et légitimé démocratiquement. Au-delà, nous devons nous assurer que les garanties propres au droit commun puissent s’appliquer   également   dans   le   monde   numérique. Ceci appelle une régulation du numérique qui lui soit propre. La préservation   de   l’État de droit sur Internet nécessite que les contraintes, les obligations et les sanctions ne soient pas disproportionnées dans le monde numérique :  si  Internet  n’est  pas  une  zone  de  non- droit,   elle   ne   doit   pas   non   plus   être   une   zone   de   “sur-droit”.   Notamment,   le   renforcement de la lutte contre le terrorisme ou contre le racisme sur Internet ne doit pas  conduire  à  oublier  les  fondamentaux  de  l’État de droit. Présentation des volets du rapport Les recommandations des membres du Conseil national du numérique, nourries par la consultation,  s’organisent  autour  de  quatre  parties  principales : Le  premier  volet,  intitulé  “Loyauté  et  liberté  dans  un  espace  numérique  en   commun” veut fixer un cadre juridique pour assurer les droits individuels et collectifs des consommateurs et des citoyens dans la société numérique. Les relations des acteurs numériques entre eux et avec les utilisateurs doivent être régulées afin d’assurer  la  constitution  d’un  environnement  loyal  et  ouvert  et  de  garantir  le  respect   des  droits  humains  dans  le  monde  numérique.  La  gouvernance  d’Internet  doit  sortir   de sa technicité pour devenir un objet politique à part entière. Le   deuxième   volet,   intitulé   “Vers   une nouvelle   conception   de   l’action   publique :  ouverture,  innovation,  participation” insiste sur la nécessité pour la puissance publique de mettre à profit le numérique pour repenser ses missions et ses modes   d’intervention,   en   promouvant   une   culture   de   l’innovation ouverte et en renouvelant la conception des politiques et des services publics. La perspective d’une société de contrôle, atomisée et en proie à la concurrence exacerbée de tous avec tous n’est pas à exclure.
  • 27. INTRODUCTION Ambition numérique26 Le  troisième  volet,  intitulé  “Mettre  en  avant  la  croissance  française : vers une   économie   de   l’innovation” a pour objectif de promouvoir une économie audacieuse et créative   qui   permette   d’augmenter   la   compétitivité   des   acteurs   numériques  français.  Il  s’agit  donc  de  soutenir  le  tissu  numérique  français  en  facilitant   le   financement   de   l’innovation,   en   élaborant   une   véritable   stratégie   industrielle   française relative au numérique   ainsi   qu’en   menant   une   politique   d’attractivité   à   différentes échelles. Le   quatrième   volet,   intitulé   “Solidarité,   équité,   émancipation : enjeux d’une  société  numérique”, s’engage  à  repenser  les  champs  fondamentaux  du  vivre   ensemble - santé, éducation, citoyenneté, communs - tout en esquissant les premiers contours de chantiers auxquels il nous faudra collectivement nous confronter dans les années à venir - travail, justice, nouveaux modèles de protection sociale…à  l’heure  du   numérique. Méthode d’appropriation Ce rapport a plusieurs objectifs. Il   a   tout   d’abord   pour   vocation   de   nourrir   les   décisions   du   Gouvernement   et   notamment les lois à venir. En ce sens, si le projet de loi sur le numérique est le support naturel pour transposer au niveau législatif les recommandations de ce rapport,  il  ne  doit  pas  être  le  seul.  Ces  recommandations  ont  pour  objectif  d’irriguer   d’autres  projets  de  loi  et  de  permettre  ainsi  une  prise  en  compte  la  plus  large  possible   des enjeux liés au numérique : celui-ci  n’est  pas, en effet, un domaine réservé, mais nécessite  une  appropriation  de  la  part  de  l’ensemble  du  Gouvernement.
  • 28. INTRODUCTION Ambition numérique 27 Par  ailleurs,  les  mesures  prises  ne  peuvent  se  limiter  au  domaine  de  la  loi  et  à  l’échelle   nationale.   C’est   pourquoi   l’ensemble   des   propositions   du rapport a pour objectif de guider   la   mise   en   place   de   plans   d’action   à   l’échelle   locale   ainsi   qu’à   l’échelle   internationale. La double nécessité, accentuée pour les enjeux liés au numérique, d’une   mise   en   œuvre de services et de politiques au plus près des   usages   et   d’une   internationalisation de la régulation rend en effet indispensable la définition de feuilles de route numériques à tous les niveaux de gouvernance. Aux niveaux européen et international, le rapport fournit des principes à défendre pour promouvoir une vision du numérique propre à la France, en phase avec ses valeurs. Au  niveau  national  et  local,  le  rapport  décrit  des  orientations  pour  l’action  publique  et   décline des actions concrètes sur le plan économique comme dans les domaines des services  publics  de  la  santé,  de  la  justice,  de  l’inclusion,  etc. Ce rapport a donc pour objectif de guider les actions des décideurs politiques à différentes   échelles,   mais   également   d’imprégner   en   profondeur   l’ensemble   de   l’administration : les agents publics doivent se saisir des recommandations pour les mettre en œuvre  et  favoriser  l’acculturation  des  pouvoirs  publics  au  numérique.  Enfin   le   rapport   s’adresse   également   aux   acteurs   de   la   société   civile   au   sens   large   dans   la   mesure où la transformation numérique ne peut se limiter à une démarche descendante  mais  doit  être  portée  par  l’ensemble  de  la  société.   Pour ce faire, le mouvement qui a débuté avec la concertation nationale doit être poursuivi et amplifié. Si un projet de loi dédié au numérique constitue un pas important et révèle une certaine prise de conscience, la transformation numérique devra  figurer  à  l’ordre  du  jour  des  prochains  rendez-vous  législatifs  et  électoraux.  C’est   une   question   éminemment   politique   et   il   est   temps   qu’elle   soit   investie   en tant que telle,  pour  que  la  société  numérique  dans  laquelle  nous  voulons  vivre  fasse  l’objet  d’un   véritable choix collectif.
  • 29. Pour qu’internet puisse rester un commun durable, une approche globale doit être portée, reliant neutralité des réseaux et loyauté des plateformes.
  • 30. Volet 1 Loyauté et liberté dans un espace numérique en commun
  • 32. Sommaire Internet est un bien commun 36 1. Affirmer le principe de neutralité du net 36 2. Préserver et renforcer une partie du spectre pour les usages collectifs 42 3. Protéger les libertés fondamentales par une implication renouvelée dans la gouvernance d’Internet 43 Le droit à l’autodétermination informationnelle 48 4. Favoriser la maîtrise et l’usage de leurs données par les individus 49 5. Créer une action collective en matière de protection des données 55 La loyauté des plateformes 56 6. Consacrer le principe de loyauté des plateformes 56 7. Fournir la bonne information, au bon moment 59 8. Assurer la loyauté des algorithmes destinés à la personnalisation, au classement et au référencement 62 9. Loyauté entre acteurs économiques : préserver un espace propice à l’innovation 65 10. Adapter le design institutionnel 71 Réaffirmer l’État de droit 77 11. Contenus illégaux : conforter la place du juge en matière de blocage de sites 77 12. Redéfinir les équilibres et le rôle des plateformes dans le retrait des contenus illicites 81 13. Cadre légal du renseignement : allier efficacité et respect des libertés publiques et individuelles 86 14. Protéger les lanceurs d’alertes 89 15. Promouvoir le chiffrement des données, levier de sécurité 90 16. Réformer le Fichier national des empreintes digitales et le Fichier national des empreintes génétiques 90 17. S’engager contre l’exportation de technologies de surveillance et de censure d’Internet à destination des régimes autoritaires 91
  • 33. LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique32 Internet est un bien commun Internet est devenu une ressource essentielle au développement de nos sociétés, tant du point de vue économique que culturel ou social. À ce titre, il doit être considéré comme un bien commun, ou commun, qui ne peut être préempté par les intérêts de certains acteurs, publics ou privés, mais doit bénéficier à la communauté mondiale des utilisateurs. Un commun ou bien commun est une ressource dont  les  droits  d’usage   sont partagés : une ressource gérée par une communauté qui fixe des règles de gouvernance afin de protéger et faire fructifier cette ressource. Internet désigne ici toutes les applications du réseau informatique mondial, y compris le Web. Cela n’inclut   pas   les   infrastructures   physiques   des   réseaux   ou   des   serveurs,   qui   sont   soumises  à  des  régimes  de  propriété  privée  ou  plus  rarement  aujourd’hui,  publique. Les   communs   sont   au   cœur   des   conceptions   qui   ont   présidées à la naissance  d’Internet.  Ils  ont  permis  sa  dynamique  créative  et  l’émergence   d’une  économie  du  numérique.  Depuis, les communs se sont affirmés comme un   fait   social.   Il   s’agit   aujourd’hui   de   trouver les moyens de continuer à faire grandir ce commun au bénéfice de toute la société. La qualité de bien commun   d’Internet   repose   sur   un   ensemble   de règles politiques et de choix techniques. Ceux-ci se traduisent notamment par des principes, protocoles et normes ouvertes qui garantissent à toute personne, physique ou morale, un accès neutre et égal à ces infrastructures pour bénéficier de services ou en créer de nouveaux. Cette qualité ne pourra être garantie que par une gouvernance élargie et démocratique : les enceintes techniques qui jouent un rôle structurant dans les évolutions   d’Internet   doivent   interagir   avec   les   autres   parties   prenantes   afin   de   co- concevoir le futur de ce commun ; parties prenantes qui incluent entre autres des acteurs de la société civile, des TPE/PME, des collectivités territoriales, etc. De plus, un   mode   de   fonctionnement   décentralisé,   c’est-à-dire une architecture distribuée, constitue  la  condition  d’une  innovation  soutenue,  d’une  résilience  du  réseau  et  d’une   meilleure protection des citoyens contre les tentatives de surveillance de masse. Par   ailleurs,   pour   qu’Internet   puisse   constituer   un   commun   durable,   une   approche   globale équilibrée doit être portée, reliant neutralité des réseaux, loyauté des plateformes   et   refonte   d’une   fiscalité   internationale   du   numérique.   La   conception   d'Internet   comme   un   bien   commun   mondial   doit   être   affirmée   à   l’échelle   internationale. Elle peut, sans attendre, être inscrite en droit français et servir de base à notre diplomatie en la matière. Les communs sont au cœur des conceptions qui ont présidé à la naissance d’Internet et ont permis sa dynamique créative.
  • 34. LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 33 De l’autodétermination informationnelle à la loyauté des plateformes Dans  une  société  numérique,  l’individu  doit  pouvoir  décider  de  la  communication  et   de  l’utilisation  de  ses  données  personnelles.  Plus  qu’une  approche défensive en termes de  protection,  il  s’agit  de  doter  l’individu  des  moyens  d’exercer  une  véritable  maîtrise   sur   ses   données   et   de   tirer   parti   de   leur   valeur   d’usage.   Le   principe   d’autodétermination   informationnelle   recouvre   cet   ensemble   - protection, maîtrise, capacité.  Il  doit  permettre  à  l’utilisateur  de  devenir  acteur  d’une  économie  numérique   qui  met  de  plus  en  plus  les  données  au  cœur  de  ses  modèles  d’affaires.  Il  réduit  ainsi   l’asymétrie  de  pouvoir  entre  l’utilisateur  et  les  services  numériques. Pour  que  ce  droit  soit  effectif,  l’acquisition  d’une  véritable  « littératie »2 de la donnée (comprendre qui recueille quelles données pour en faire quoi, comment en limiter la circulation  ou  au  contraire  choisir  de  les  ouvrir  à  des  tiers…)  est  une  condition sine qua non. Mais la littératie seule ne suffira pas : les fournisseurs de services numériques   doivent   s’engager,   sur   une   base   volontaire,   ou   en   son   absence   sur   incitation et encadrement de la puissance publique, à inclure dans leur conception les dispositifs techniques, juridiques et de design qui outillent les utilisateurs afin de rendre   ce   droit   à   l’autodétermination   effectif.   Les   acteurs   publics,   la   Commission   nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) entre autres, ont un rôle essentiel à jouer dans le développement de solutions innovantes contribuant à cette autonomisation des utilisateurs. Par  ailleurs,  afin  que  l’individu  ne  porte  pas  toujours  seul  la  responsabilité  de  veiller   au bon usage de ses données dans un environnement caractérisé par une asymétrie de pouvoir,  des  dispositifs  d’action  collective  sont  à  prévoir  en  cas  de  non-respect de ce droit   fondamental   à   l’autodétermination   informationnelle.   Ce   droit   a   par   ailleurs   vocation   à   s’exercer   également   dans   les   rapports   de   l’usager   aux   administrations centrales, déconcentrées et décentralisées. La   Cour   constitutionnelle   allemande   a   dégagé   le   principe   de   l’autodétermination   informationnelle,   qui   a   été   repris   par   le   Conseil   d’État français dans son étude annuelle sur le numérique et les droits fondamentaux3. La loi française doit maintenant donner un caractère positif à ce principe et promouvoir son adoption  à  l’échelle  de  l’Union  européenne. En   prolongation   du   droit   à   l’autodétermination   informationnelle,   un   principe de loyauté des plateformes  s’impose. Ce principe se justifie, en effet, 2 En savoir plus - rapport  “Citoyens  d’une  société  numérique  - accès, littératie, médiations, pou- voir  d’agir  :  pour  une  nouvelle  politique  d’inclusion”  :  www.cnnumerique.fr/inclusion 3 Disponible ici : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/144000541/
  • 35. LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique34 par la nécessité de compenser le déséquilibre structurel entre la plateforme et ses utilisateurs   et   celle   de   ne   pas   laisser   l’individu   seul   avec   la   charge   de   protéger   ses   droits.  La  capacité  d’émancipation  restera lettre morte si les acteurs qui proposent des services numériques ne respectent pas les engagements   qu’ils   prennent   à   l’égard   de   leurs utilisateurs. Ceci est particulièrement vrai lorsqu’il   s’agit   d’acteurs   dits   « plateformes », qui sont en situation de monopole   ou   d’oligopole   sur   leur(s)   marché(s) ou qui offrent un service qui a fait  l’objet  d’une  appropriation  massive  par   les utilisateurs, au point de devenir une pratique  quasi  universelle.  En  effet,  dans  ces  derniers  cas,  l’obligation  de  loyauté  est d’autant   plus   importante   que   les   utilisateurs   individuels   n’ont   plus   le   choix   de   se   porter vers des services alternatifs et que les utilisateurs professionnels se trouvent dans une chaîne de dépendance. Par ailleurs, le principe de loyauté trouve une seconde justification dans le besoin de construire de nouveaux équilibres entre les plateformes et leur environnement économique. Cette loyauté doit permettre non seulement de trouver   un   équilibre   plus   durable   entre   les   opérateurs   d’infrastructures   et   les   plateformes mais aussi entre ces dernières et les autres acteurs du marché. Les différents instruments juridiques existants – droit de la consommation, droit de la concurrence,  protection  des  données  à  caractère  personnel…  – peinent à encadrer ces acteurs protéiformes. Cette complexité appelle de nouveaux instruments de vigilance et de régulation. De nombreux services en ligne, en particulier les grandes plateformes qui  sont  aujourd’hui  des  acteurs  dominants  sur  leurs  marchés,  sont  ce  qu’on  appelle   en économie des marchés bifaces  ou  multifaces,  c’est-à-dire  qu’ils  s’adressent  à  deux   (ou plusieurs) clientèles simultanément (ex :   un   moteur   de   recherche   s’adresse aux utilisateurs  qui  le  consultent  mais  obtient  ses  revenus  d’une  clientèle  de  professionnels   qui  achètent  de  la  publicité).  Alors  que  le  Web  s’est  construit  en  s’appuyant  sur  des   ressources distribuées et en communs, certains acteurs tendent à reconstruire des silos qui  empêchent  l’arrivée  de  nouveaux  entrants  et  nuisent  à  l’innovation. Le  principe  de  loyauté  s’appuie  sur deux exigences fondamentales : le service numérique   doit   conformer   son   offre   au   service   qu’il   prétend   rendre   et   maintenir  un  terreau  propice  à  l’innovation  continue.   En prolongation du droit à l’autodétermination informationnelle, la loyauté des plateformes s’impose.
  • 36. LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 35 Réaffirmer l’État de droit Les nouvelles formes de communication facilitées par le numérique complexifient la tâche des acteurs en charge de la sécurité publique. Dans un contexte de forte charge émotionnelle liée à des événements nationaux et internationaux dramatiques, on observe une tendance au renforcement des  pouvoirs  de  l’administration  et  à  une   minimisation du rôle du juge (passage d’un   contrôle   a priori à un contrôle a posteriori) – sous   couvert   d’un   impératif   d’urgence  et  d’efficacité. Le Conseil national du numérique réaffirme que la préservation de la sécurité publique ne se bâtira pas sur des régimes   d’exception   et   que   seule   une justice formée et outillée pour faire face à ces nouveaux enjeux liés au numérique sera  à  même  de  garantir  l’équilibre  entre  sécurité et libertés publiques et individuelles. L’État de droit doit être consolidé pour mieux appréhender les problématiques de sécurité dans un monde connecté, notamment en renforçant de façon pérenne les capacités   d’action   et   les   moyens   de   la   justice   pour   permettre   à   celle-ci   d’être   plus   réactive,  tout  particulièrement  dans  des  situations  d’urgence.  Lorsqu’il  y  a  exception,   le contrôle a posteriori de  la  décision  administrative  doit  s’effectuer  là  encore  en  délai   court   et   avec   des   garanties   fortes.   Enfin,   le   cadre   légal   de   l’action   des   acteurs   du   renseignement et les outils de contrôle démocratique doivent être renforcés. Seule une justice formée et outillée sera à même de garantir l’équilibre entre sécurité et liberté.
  • 37. INTERNET EST UN BIEN COMMUN LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique36 Internet est un bien commun 1. Affirmer le principe de neutralité du net La  neutralité  d’Internet  est  le  principe  selon  lequel  l'ensemble  du  trafic  de  l’internet  est   traité de façon égale, sans discrimination et indépendamment de l'expéditeur, du destinataire, du type, du contenu, de l'appareil, du service ou de l'application. En particulier, la neutralité vise à garantir un traitement identique à tous les fournisseurs de contenus, petits ou grands, consensuels ou non. Symétriquement, les utilisateurs doivent pouvoir accéder aux informations et contenus de leurs choix sans discrimination. Ce principe a été inscrit dans la loi néerlandaise et slovène et réaffirmé par la Federal Communications Commission (FCC) dans son avis rendu en mars 2015. En vertu de ce principe, les fournisseurs   d’accès   ne   doivent   donc   ni   bloquer   ni   à   l’inverse   garantir   un   traitement   préférentiel   à   un   acteur   plutôt   qu’à   un   autre   (ralentissement  du  débit  de  visionnage  des  vidéos  en  fonction  du  fournisseur  d’accès   par exemple). Ce  principe  est  à  l’origine  du  développement  d’un  écosystème  numérique  très  riche,   favorable  à  la  liberté  d’expression,  l’accès  à  l’information  et  l’innovation : la neutralité du   net   valorise   la   liberté   de   création   par   l’ouverture   du   réseau   et   sa   capacité   à   engendrer des innovations par le biais de contributions non filtrées. Dans la lignée de son précédent avis sur la neutralité des réseaux4 et afin de préserver un espace public numérique porteur de liberté et d’innovation,  le  CNNum  recommande  de : 4 http://www.cnnumerique.fr/neutralite/
  • 38. INTERNET EST UN BIEN COMMUN LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 37 Inscrire clairement le principe de neutralité des réseaux dans le droit S’aligner  sur  la  définition  adoptée  par  le  Parlement  européen  le  3   avril 2014 (voir encadré). LE PARLEMENT EUROPEEN RETIENT UNE DEFINITION PROTECTRICE DE LA NEUTRALITE DU NET Dans le cadre de la révision du « paquet télécom » de 2009, le Parlement européen a reconnu et consolidé, le 3 avril 2014, le principe de neutralité du net. Le texte consolidé en donne la définition suivante : « Neutralité du réseau, le principe selon lequel l'ensemble du trafic Internet est traité de façon égale, sans discrimination, limitation ni interférence, indépendamment de l'expéditeur, du destinataire, du type, du contenu, de l'appareil, du service ou de l'application ». « Les utilisateurs finaux sont en droit d'accéder aux informations et aux contenus et de les diffuser, d'exécuter et de fournir les applications et les services et d'utiliser les terminaux de leur choix, quel que soit le lieu où se trouve l'utilisateur final ou le fournisseur, ou quels que soient le lieu, l'origine ou la destination du service, de l'information ou du contenu, par l'intermédiaire de leur service d'accès à l'internet ». « Les fournisseurs d'accès à l'internet, les fournisseurs de communications électroniques au public et les fournisseurs de contenus, d'applications et de services sont libres de proposer des services spécialisés aux utilisateurs finaux. Ces services ne sont proposés que si la capacité du réseau est suffisante pour les fournir en plus des services d'accès à l'internet et s'ils ne portent pas atteinte à la disponibilité ou à la qualité des services d'accès à l'internet. Les fournisseurs proposant un accès à l'internet aux utilisateurs finaux n'opèrent pas de discrimination entre des services ou des applications équivalents sur le plan fonctionnel ».. Encadrer et limiter strictement le recours aux services spécialisés Les opérateurs doivent pouvoir proposer à leurs abonnés des services spécialisés (cf. encadré). Le recours à ces services se justifie pour le développement de services innovants qui nécessitent une qualité garantie, que ce soit pour des raisons de sécurité, de confidentialité ou encore de temps de latence. La définition de ces services doit permettre  aux  opérateurs  de  suppléer  les  limites  de  l’internet  best effort par le recours à des services à la qualité garantie. Il existe déjà des services spécialisés (cf. encadré). À l’avenir,   d’autres   services   pourraient nécessiter des garanties en termes de qualité de service. Opérations chirurgicales  à  distance,  partage  d’imagerie  médicale  en  continu,  voitures  autonomes… pourraient rentrer dans cette catégorie. Ces services spécialisés doivent rester l’exception  et  ne  doivent  en  aucun  cas, par leur multiplication, entamer la qualité de l’Internet  public.  Un  encadrement  strict  de  ces  exceptions  est  nécessaire  pour  prévenir   l’émergence  d’un  Internet  à  plusieurs  vitesses.
  • 39. INTERNET EST UN BIEN COMMUN LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique38 UNE EXCEPTION AU PRINCIPE DE NEUTRALITE DU NET : LES “SERVICES SPECIALISES” Le principe de neutralité des réseaux ne s’applique pas aux services dits “spécialisés”. Ces services, offerts par les opérateurs, ne font pas partie de l’internet. La télévision ou la téléphonie, proposées dans les box triple play, sont autant de services spécialisés : ils sont délivrés sur des canaux dédiés, fonctionnent en vases clos et ne pâtissent pas d’un réseau qui peut être temporairement surchargé ou inaccessible. S’agissant de services premium, l’opérateur gère le service de bout en bout et peut garantir une qualité de service (QoS). Ce n’est pas le cas sur l’internet commun, qui est caractérisé par son fonctionnement en meilleur effort (“best effort” : le réseau ne garantit pas la qualité de l’acheminement des données). Dans   la   lignée   d’une majorité de contributeurs, le Conseil ne saurait cependant trop insister sur la nécessité de limiter strictement le recours à ces services spécialisés : aux services pour lesquels un niveau de qualité (QoS) spécifique nécessite   d’être   assuré   de   bout   en bout pour en assurer le bon fonctionnement. Une opération chirurgicale à distance nécessitera par exemple des garanties en termes de temps de latence. aux services déjà proposés par les opérateurs en tant que services spécialisés dans le cadre des offres triple play : la télévision sur IP ainsi que la voix sur IP (VoIP), notamment. De plus, ces services spécialisés supplémentaires ne devraient pouvoir être déployés que si la capacité du réseau est suffisante et ne doivent en aucun cas porter atteinte à la  disponibilité  ou  à  la  qualité  des  services  d’accès  à  l’internet  généraliste.   Le périmètre des services spécialisés doit pouvoir être déterminé par le régulateur en fonction des évolutions technologiques : Il est nécessaire de confier au régulateur le soin de déterminer quels services ou applications requièrent des garanties spécifiques en termes de qualité de service, lesquels pourraient alors relever de la catégorie des services spécialisés. Le régulateur pourrait tout autant décider de la déspécialisation d’une   classe   de   services   ou   d’applications,   en   particulier   lorsque   les   progrès techniques  de  l’Internet   best effort, les montées en débit et la réduction de l’asymétrie   des   usages   montants   et   descendants   liés   au   très   haut   débit   y   auraient rendu possible un équivalent fonctionnel. De façon générale, pour éviter une premiumisation d’Internet,   il   est   nécessaire  de  donner  les  moyens  au  régulateur  de  s’assurer  que  le  recours   aux   services   spécialisés   n’entame   pas   la   montée   en   qualité   de   l’internet  
  • 40. INTERNET EST UN BIEN COMMUN LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 39 best effort. Il serait pertinent de confier au régulateur un objectif de montée en qualité d’Internet  pour  éviter  l’installation  durable  d’une  divergence  qualitative  entre   les services spécialisés et Internet. Un principe applicable à toutes les technologies de réseau Il ressort principalement de la consultation que le débat sur la neutralité du net évolue au fil des avancées technologiques.   Comme   le   remarquait   l’un   des   contributeurs,  “la question de la neutralité du net agrège des sujets qui viennent sans cesse   s’ajouter   les   uns   aux   autres”.   Ainsi   le   respect   du   principe   ne   dépend-il plus seulement   des   aspects   “infrastructures”,   mais   de   plus   en   plus   des   fournisseurs   de   contenus   (“infostructures”)   qui   peuvent   orienter   et/ou   différencier   l’accès   aux   informations. Dans   la   lignée   de   son   avis   de   janvier   2013,   le   CNNum   recommande   d’adopter   une   définition élargie de la neutralité, au-delà des seuls réseaux physiques, pour viser : les réseaux mobiles, en   particulier   face   aux   pratiques   dites   de   “zero rating”,  qui consistent à proposer certains services en usage illimité et non décomptés du forfait data mobile (ex : YouTube en illimité sur certains forfaits 3G/4G). l’interopérabilité   des   normes   et   standards, notamment des objets connectés. Se donner les moyens de contrôler et observer l’application de la neutralité On  observe  d’ores  et  déjà  différentes  pratiques qui dérogent à la neutralité du net, sur les   réseaux   mobiles   d’une   part,   mais   également   sur   les   réseaux   fixes,   à   travers   les   accords de transit et les accords de peering négociés  entre  opérateurs  d’infrastructures   et fournisseurs de contenus et d’application  (cf. encadré). Ces accords ne doivent pas constituer  le  cheval  de  Troie  d’une  atteinte  à  la  neutralité  des  réseaux.   De manière générale, il est nécessaire de veiller à la transparence et de garantir que les abonnés puissent avoir connaissance des performances techniques  des  offres  d’accès  à  Internet,  y  compris  les  pratiques  de  gestion   du trafic en situation de congestion et de différenciation.
  • 41. INTERNET EST UN BIEN COMMUN LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique40 PEERING ET TRANSIT Lorsqu’un utilisateur souhaite accéder à un contenu ou un service, son fournisseur d’accès à Internet (FAI) se charge de le récupérer depuis le réseau qui le fournit : généralement un hébergeur ou un fournisseur de contenu et d’application (FCA), comme Google. Cet échange peut se faire directement, si les deux réseaux sont liés par un accord d’interconnexion directe, le peering (gratuit), ou par l’intermédiaire d’un ou plusieurs opérateurs de transit (payant), qui prendront en charge l’acheminement du trafic entre les deux acteurs. Ces deux modes d’interconnexion - peering et transit - ont façonné l’Internet depuis ses débuts. Particulièrement dans le cas du peering, ces accords sont très peu formalisés et sont le plus souvent négociés en toute opacité. Une remise en cause progressive de ces règles d’interconnexion est aujourd’hui en cours : les FAI souhaitent en particulier monétiser plus systématiquement les accords de peering qu’ils concluent avec les gros FCA et avec certains transitaires, ce qui conduit fréquemment à de fortes tensions entre les acteurs ; lesquelles peuvent aboutir à une dégradation de la qualité de service perçue par l’utilisateur. Ainsi les abonnés Free ont-ils pu rencontrer des difficultés pour accéder à YouTube avec des débits satisfaisants en raison d’un conflit larvé opposant Free à Google. Imposer des obligations de transparence aux opérateurs : -­‐ Objectiver, par des organismes indépendants, les risques de congestion des réseaux ; -­‐ Soumettre  les  réseaux  mobiles  et  les  réseaux  d’objets  connectés   aux  mêmes  règles  de  contrôle  sur  l’équité  et  la  qualité  de  service que les réseaux fixes ; -­‐ Conférer  à  l’ARCEP  un  droit  de  regard  sur  les  accords  de  peering et  de  transit.  L’autorité  s’assurera  que  ces  accords  ne  sont  pas   sources de déséquilibres dans le traitement des contenus, en particulier au profit des acteurs puissants. Fédérer les remontées sur la qualité de service produites par les différentes   catégories   d’acteurs   (société   civile,   développeurs,   techniciens, internautes, entreprises), agrégées et publiées par l’ARCEP  en  open data.
  • 42. INTERNET EST UN BIEN COMMUN LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 41 ÉCHOS DE LA CONCERTATION Tous les contributeurs s’accordent pour dire que des investissements sont nécessaires pour absorber une explosion des usages de plus en plus tournés vers des services gourmands en bande passante. En revanche, les contributeurs ne s’accordent pas sur les conséquences à en tirer en termes de partage des coûts. Pour certains, les opérateurs devraient être en mesure de faire participer les géants du net, largement responsables de l’explosion du trafic, à l’investissement sur le réseau qu’ils utilisent. Pour d’autres contributeurs, majoritaires, la valeur réside moins dans les infrastructures elles-mêmes que dans les services offerts par Internet. De plus, les investissements dans les infrastructures seraient amortis par les bénéfices générés par l’intensification du trafic facturé à l’utilisateur final. Depuis une dizaine d’années, la hausse du trafic serait par ailleurs compensée par la baisse des coûts en équipement réseau. Pour plusieurs contributeurs, la réalité même de la congestion ne serait attestée par aucune donnée fiable autre que celles des opérateurs eux-mêmes (cf. annexes). Concernant la question du financement des infrastructures, condition indispensable d’un  internet  durable,  le  Conseil  national  du  numérique  réaffirme  que  celui-ci ne peut se penser  dans  une  approche  qui  se  réduirait  à  “faire payer les géants du net”.  Cette   approche déboucherait sur un internet à plusieurs vitesses et impacterait fortement l’innovation,  la  créativité  et  la  liberté  d’expression  sur  Internet.  Il  s’agit  de  penser   un rééquilibrage global des obligations respectives des fournisseurs d’infrastructures   (neutralité   du   net)   et   des   fournisseurs   de   contenus   (loyauté des plateformes). De  plus,  l’urgence  consiste   à  mettre   en  place   une  fiscalité   internationale   susceptible de réintroduire   une  forme  d’équité   entre  les   deux  catégories   d’acteurs.   Une   participation   à   l’impôt   des   seconds   à   la   hauteur   de   leur   poids   économique réel participerait de ce rééquilibrage. Cela permettrait également à la puissance publique de disposer des moyens   d’intervention   le   cas   échéant   dans   le   financement de certaines infrastructures (ex : couverture de territoires peu denses).
  • 43. INTERNET EST UN BIEN COMMUN LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique42 2. Préserver et renforcer une partie du spectre pour les usages collectifs Comme le souligne le rapport de Joëlle Toledano,  “Une gestion dynamique du spectre pour  l’innovation  et  la  croissance”  (2014),  la  partie  du  spectre  qui  est  d’ores  et  déjà  en   usage  libre  a  constitué  un  vecteur  considérable  d’innovation,  en  particulier  autour  des   bandes dédiées au Wi-Fi (2,4 GHz et 5 GHz). Cette   affectation   d’une   partie   du   domaine   public   immatériel   en   bien   commun   reste   plus  que  jamais  nécessaire,  à  l’heure  du  développement  de  l’internet  des  objets  et  de   l’implémentation  de  dispositifs  communicants  dans  les  territoires.  Elle  est  aussi source de   nouveaux   usages   de   l’internet   citoyen,   propices   à   l’innovation   sociale,   à   côté   des   usages de service commerciaux. Il faudra cependant veiller à ce que ces espaces ne soient pas sur-utilisés par quelques acteurs au détriment du plus grand nombre. Par conséquent, le Conseil recommande de : Conforter et étendre la portion du spectre en usage commun : sécurisée,  l’utilisation  en  commun  du  Wi-Fi pourra être étendue à une portion essentielle des bandes blanches ou fréquences interstitielles (cf. encadré), qui permettent  d’accéder  au  très  haut  débit. Encourager le développement de réseaux maillés, portés par des FAI associatifs ou des entreprises spécialisées et utilisant ce spectre commun, afin d’offrir  une  alternative  aux  FAI  traditionnels,  permettant ainsi notamment de couvrir les zones blanches. FOCUS >> Les fréquences sont une ressource rare. Même si elles sont instantanément renouvelables, elles ne sont disponibles qu’en quantité limitée à un moment donné. La gestion du spectre est donc nécessaire, particulièrement à l’heure où le risque de pénurie se fait sentir du fait d’une explosion des usages mobiles et prochainement des objets connectés. >> Bandes blanches : les bandes dites interstitielles ou encore blanches sont celles qui se situent entre les bandes de fréquences allouées aux personnes titulaires d’une autorisation du spectre. >> Réseaux maillés : ce sont des types de réseaux auxquels tous les hôtes sont connectés en mode pair à pair, sans hiérarchie centrale et formant ainsi une structure en forme de filet. Par conséquent, chaque nœud doit recevoir, envoyer et relayer les données.
  • 44. INTERNET EST UN BIEN COMMUN LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 43 3. Protéger les libertés fondamentales par une implication renouvelée dans la gouvernance d’Internet À l’heure   où   la   protection   des   libertés   fondamentales   devient   un   sujet   clé   dans   les   instances  de  la  gouvernance  d’Internet,  la  position  du  gouvernement  français  apparaît   morcelée (positions différentes entre les administrations centrales concernées et selon les enceintes), peu audible et déconnectée des autres parties prenantes (société civile, monde  académique,  entreprises…).   Il est essentiel de ré-impliquer   la   France   dans   l’ensemble   des   instances   de   la   gouvernance, au-delà   de   l’ICANN5 et   de   l’Union   internationale des télécommunications   (UIT).   Cela   passe   d’abord,   au   niveau   national,   par   une   réelle   implication  de  l’ensemble  des  parties  prenantes  dans  le  débat  et  par  le  développement   d’une   stratégie   complète   et   cohérente,   transversale   à   l’ensemble   des   enjeux   et instances  de  la  gouvernance.  Les  enjeux  liés  à  l’ICANN  ont  trop  longtemps  dominé  la   stratégie  française,  l’enfermant  dans  une  approche  trop  étroite  du  sujet  et  l’empêchant   de   porter   une   vision   stratégique   de   futur   d’Internet,   compatible   avec   les   valeurs européennes et les libertés fondamentales. LA GOUVERNANCE D’INTERNET La gouvernance d'Internet est l’élaboration et l’application conjointes, par les États, le secteur privé et la société civile, dans le cadre de leurs rôles respectifs, de principes, normes, règles, procédures de prise de décision et programmes propres à façonner l’évolution et l’usage d'Internet6 . Ce processus se décline à travers plusieurs instances (comme le W3C7 , l’IETF8 , l’UIT, l’ICANN, l’IANA9 …) dans un régime complexe. Certaines de ces instances sont portées sur des enjeux techniques et d’autres davantage sur des discussions juridiques ou commerciales, certaines sont ouvertes à une large participation de la société civile et de la communauté technique, d’autres plus proches d’un mode de travail interétatique. Enfin, il n’est pas toujours facile de comprendre quelle est l’instance référente sur certains sujets transversaux. 5 Internet Corporation for Assigned Names and Numbers. 6 Sources  :  Wikipédia,  groupes  de  travail  du  Sommet  mondial  sur  la  société  de  l’information   7 World Wide Web Consortium. 8 Internet Engineering Task Force. 9 Internet Assigned Numbers Authority.
  • 45. INTERNET EST UN BIEN COMMUN LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique44 Sur  ces  attendus,  le  Conseil  est  d’avis  de : À l’échelle nationale, déployer les efforts nécessaires pour dynamiser le débat et y inclure la société civile, le réseau académique, la communauté technique et les acteurs économiques. La   France   doit   mettre   en   œuvre   une   stratégie   d’actions et déployer les moyens nécessaires à une  réelle  inclusion  de  l’ensemble  des  parties  prenantes,  dans   les mécanismes de décision et les instances de la gouvernance, seule garantie démocratique de ces processus. Cela implique notamment de : Doter les centres de recherche et de formation sur le numérique des ressources pour mobiliser, financer, armer le débat sur la gouvernance  d’Internet (programme  spécifique  de  l’Agence  Nationale  de   la Recherche). Créer un fonds de financement permettant de prendre en charge les déplacements afférents à la participation aux rencontres internationales des   instances   de   la   gouvernance   afin   d’encourager   la   société  civile  française  (ONG,  citoyens,  chercheurs…)  à  s'impliquer  dans  les   instances de la gouvernance mondiale ; Ouvrir un espace de débat multi-acteurs sur les enjeux de la gouvernance à l'échelle française pour clarifier, ouvrir, revivifier, animer et dé-jargonner le débat. L’ensemble   des   institutions   étatiques   clés concernées par les sujets de gouvernance (AFNIC10, CNIL, ARCEP, CSA, Agence du Numérique, etc.) doit se structurer en consortium pour organiser un débat annuel sur  la  Gouvernance  d’Internet.   L’EXEMPLE BRESILIEN POUR FAIRE VIVRE LE DEBAT SUR LA GOUVERNANCE A L’ECHELLE NATIONALE COMME A L’ECHELLE GLOBALE Le Brésil se positionne en champion d’une gouvernance plus démocratique, à travers l’élaboration participative de la loi Marco Civil Da Internet, l’animation d’un débat national inclusif et participatif sur la gouvernance et de son rôle moteur dans une nouvelle dynamique internationale via l’organisation du sommet NetMundial. La France peut s’inspirer des processus et des institutions brésiliennes qui ont permis cela, comme le Comitê Gestor da Internet no Brasil (CGI) ou le partenariat du Ministère de la Justice avec le Centre pour la Technologie et la Société (CTS) de la Fondation Getulio Vargas11 . 10 Association française pour le nommage Internet en coopération. 11 En savoir plus : http://netmundial.br/fr/ ; http://www.cgi.br/about/ ; http://portal.fgv.br/en
  • 46. INTERNET EST UN BIEN COMMUN LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 45 Co-développer une stratégie française complète et cohérente en matière de gouvernance d’Internet Irriguée par un fort débat public national, cette stratégie doit être élaborée de manière transparente et participative en impliquant les différentes administrations concernées, la société civile, le monde académique, la communauté technique et les acteurs économiques (y compris PME, TPE et startups). Il nous semble que trois éléments sont particulièrement à même de guider cette stratégie pour redonner à la France un rôle moteur dans la défense et la promotion d’un  réseau  ouvert,  libre,  sécurisé  et  résilient : La   promotion   d’Internet   comme   un   bien   commun   global, qui doit aiguiller la position française sur les problématiques techniques et politiques de la gouvernance ; Les principes énoncés dans la déclaration multi-acteurs (multi-stakeholders) élaborée à Sao Paulo en avril 2014 lors du sommet NetMundial12 qui sont à la fois des principes qui découlent des droits humains (liberté d’expression,   liberté   d’association,   protection   de   la   vie   privée,   accessibilité,   liberté  d’information  et  d’accès  à  l’information,  inclusion  et  développement)   et des principes spécifiques au réseau (sécurité, stabilité et résilience du réseau, espace unifié et non fragmenté, architecture ouverte et distribuée). Les  principes  du  NetMundial,  minimalistes,  doivent  faire  l’objet  à  la  fois  d’une   implémentation dans les législations nationales   et   d’un   approfondissement dans un cadre international négocié par toutes les parties prenantes et ne peut être confisqué par une enceinte économique et élitiste de type World Economic Forum ou une autre. La promotion de la diversité linguistique et culturelle sur le Net, chère   à   la   France,   et   qui   permet   d’impliquer   la   francophonie   dans   la   gouvernance  d’Internet. L’EXEMPLE ITALIEN S’inspirer de l’Italie où la Chambre des députés avec le soutien d’un réseau d’experts et de commissions spécialisées a pris l’initiative de développer une Déclaration des Droits sur Internet, ensuite soumise à une phase de commentaires et amélioration ouverte en ligne13 . 12 http://netmundial.br/wp-content/uploads/2014/04/NETmundial-Multistakeholder- Document.pdf 13 En savoir plus : http://www.camera.it/application/xmanager/projects/leg17/attachments/upload_file/upload_ files/000/000/189/dichiarazione_dei_diritti_internet_inglese.pdf
  • 47. INTERNET EST UN BIEN COMMUN LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique46 S’engager pour des processus plus inclusifs et démocratiques dans les différentes instances de la gouvernance Cela passe notamment par deux points de vigilance : S’assurer   que   les   implications   sociétales,   économiques   et   sécuritaires des décisions techniques sont mieux prises en compte par les différents acteurs et processus de la gouvernance, et que les instances techniques font preuve de plus de transparence sur les attendus et les conséquences   sociétales   de   leurs   choix   techniques.   Sur   l’internet   des   objets   par exemple, une attention particulière devra être portée aux standards en développement  pour  s’assurer  qu’ils  correspondent  aux  exigences  d’un  réseau   ouvert, libre, sécurisé et interopérable. S’assurer   que   le   multipartisme   soit   réellement   garant   de   l'inclusion de la société civile dans les processus de décisions et non un prétexte pour justifier de l'influence  des  groupements  d’intérêts  (lobbies) dans ces décisions. Construire le cadre international d’une fiscalité de l’économie numérique La  gouvernance  d’Internet  n’est  pas  qu’une  question  technique,  elle  est  éminemment   politique. Ceci implique de réévaluer  le  périmètre  de  ce  qu’on  appelle  couramment  la   gouvernance  d’Internet  et  de  s’autoriser  à  aborder  les  autres  dimensions  politiques  de   ce   régime   complexe.   La   fiscalité   est   pour   l’heure   l’un   des   angles   morts   de   cette   gouvernance,  qu’il  convient  d’investir. En  effet,  le  cadre  international  de  la  fiscalité  a  été  pensé  pour  l’époque  industrielle  et   n’est  pas  adapté  à  l’ère  de  l’immatériel,  privant  ainsi  les  États  d’un  outil  essentiel  de   l’action   publique14.   L’OCDE   et   l’Union   européenne   ont   entamé   des   démarches   pour   construire ce cadre international. Les récentes révélations de LuxLeaks et les SwissLeaks  ainsi  que  les  enquêtes  ouvertes  par  la  Commission  à  l’égard  des  États qui pratiquent la favorisation de l’optimisation   fiscale   pour   les   acteurs   économiques,   notamment du numérique, confirment la nécessité impérative de ce cadre. Le CNNum insiste  sur  l’importance  d’un  diagnostic  partagé  à  l’échelle  européenne  et  d’intensifier   les travaux sur les enjeux clefs de   la   fiscalité   à   l’ère   numérique,   en   particulier : la notion  de  présence  numérique  fiscale,  les  prix  de  transfert  et  l’échange  automatique   d’information.   La France doit être leader dans la reconstruction de mécanismes européens et internationaux fiscaux justes et équitables applicables à 14 Voir Rapport du Conseil National du Numérique sur la fiscalité, http://www.cnnumerique.fr/fiscalite/
  • 48. INTERNET EST UN BIEN COMMUN LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 47 l’économie   numérique   et   porter   ce   projet   dans   les   instances   de   la   gouvernance. Elle  doit  prendre  un  temps  d’avance  en  pensant  de  manière  prospective  une  fiscalité   souple  et  évolutive  susceptible  d’accompagner  les  nouvelles technologies de paiement et  d’échange  de  la  valeur. Un rééquilibrage en faveur des pays en développement (Global South) dans la gouvernance d’Internet Si certains pays émergents ont montré une grande implication dans la gouvernance mondiale   d’Internet,   les pays en développement, notamment les pays les moins avancés,   n’ont   que   peu   ou   pas   voix   au   chapitre.   Ce   déséquilibre   n’est   pas   durable   à   terme,  d’autant  que  ces  pays  sont  considérés  par  les  entreprises  du  Nord  comme  les   principaux secteurs de croissance à moyen et long terme. La France, à travers les institutions de la Francophonie, peut accompagner et encourager la montée en puissance de ces acteurs et de leurs sociétés civiles. Renforcer  les  actions  existantes  portées  par  l’Organisation  Internationale  de la  Francophonie  en  matière  d’inclusion  et  d’échange  des  acteurs  francophones   dans  l’ensemble  des  enceintes  de  la  gouvernance.
  • 49. LE DROIT À L’AUTODÉTERMNATION INFORMATIONNELLE LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique48 Le droit à l’autodétermination informationnelle Le CNNum est favorable à la consécration du droit fondamental à l’autodétermination   informationnelle.   Cette proposition, récemment soumise au   débat   français   par   le   Conseil   d’État15, est déjà reconnue par la Cour constitutionnelle allemande (cf. encadré). Pour  ce  qui  concerne  leurs  données  personnelles,  les  utilisateurs  n’ont  pas  seulement   besoin   d’une   protection,   ils   doivent   pouvoir   disposer   sur   elles   d’une   véritable   maîtrise. Le  droit  à  l’autodétermination  vise  en  cela à renouveler le sens donné à la protection des données personnelles des individus, pour répondre à leur besoin d’exercer   leurs   libertés   dans   le   monde   numérique.   Il   ne   s’agit   plus   de   penser   la   protection des données personnelles comme une finalité en soi, mais plutôt comme un outil essentiel au service du libre développement des personnes. Pour  les  individus,  ce  droit  à  l’autodétermination  implique  qu’ils  puissent  avoir  accès  à   ces  données,  qu’ils  puissent  les  lire,  les  modifier,  les  effacer,  choisir  ce  qu’ils veulent en faire ;;  mais  aussi  qu’ils  puissent  décider  des  services  qui  y  ont  accès.   L’activation   de   ce   droit   suppose   de   mettre   l’individu   en   situation   d’être   acteur de ses droits : à la fois en lui permettant réellement de les faire valoir (notamment en  justice)  et,  sur  un  plan  positif,  d’être  outillé  pour  faire  lui  aussi  usage   des données qui le concernent dans son quotidien (ex : utiliser ses données pour améliorer ses choix alimentaires) ou pour son émancipation personnelle (ex : utiliser ses données pour réduire son empreinte énergétique). 15 Rapport sur  le  numérique  et  les  droits  fondamentaux,  Conseil  d’Etat.
  • 50. LE DROIT À L’AUTODÉTERMNATION INFORMATIONNELLE LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 49 LA NOTION D’AUTODETERMINATION INFORMATIONNELLE TELLE QUE RECONNUE PAR LA COUR CONSTITUTIONNELLE ALLEMANDE Dès décembre 1983, la Cour constitutionnelle fédérale allemande (Bundesverfassungsgerichtshof) déclarait l’inconstitutionnalité de certaines dispositions d’une loi sur le recensement. Cette décision, à l’avant-garde en Europe, reconnaissait, sur la base de l’article 1er (dignité humaine) et de l’article 2 (droit au développement de la personnalité) de la Constitution fédérale “la capacité de l’individu à décider de la communication et de l’utilisation de ses données à caractère personnel”. Ce fut la première et la plus célèbre assertion du droit à l’autodétermination informationnelle, caractérisé par la Cour comme “le pouvoir de l’individu de décider lui-même [...] quand et dans quelle mesure une information relevant de sa vie privée peut être communiquée à autrui”. De la consécration de ce droit comme un droit fondamental découlent plusieurs conséquences : toute restriction au libre exercice du droit à l’autodétermination informationnelle doit être justifiée par un intérêt public essentiel et la restriction doit être absolument nécessaire, notamment pour répondre à un danger : dans ce cas le danger ne doit pas être hypothétique mais concret et imminent ; les restrictions au libre exercice du droit à l’autodétermination informationnelle doivent être fondées sur une loi, elle-même claire et précise ; le moyen utilisé pour parvenir à l’objectif de protection de l’intérêt public doit être le moins attentatoire possible aux libertés de la personne et proportionné au but d’intérêt général poursuivi. Afin  que  l’autodétermination  ne  demeure  pas  à  l’état  de  principe,  plusieurs  mesures   concrètes sont susceptibles de la rendre actionnable : 4. Favoriser la maîtrise et l’usage de leurs données par les individus Le Conseil prend acte du projet de règlement sur la protection des données en discussion  au  niveau  de  l’Union  européenne.  Certaines  recommandations du présent rapport pourraient diverger des directions adoptées dans ce règlement. Néanmoins, le Conseil national du numérique souhaite pouvoir alimenter le prochain débat qui se déroulera au Parlement européen et de façon générale, nourrir la réflexion et le débat public qui se poursuivront nécessairement  après  l’adoption  du  règlement,  compte  tenu   de l'importance que les données sont amenées à jouer dans nos économies.
  • 51. LE DROIT À L’AUTODÉTERMNATION INFORMATIONNELLE LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique50 Par ailleurs, le Conseil salue les avancées prévues dans le projet de règlement tel qu’adopté  par  le  Parlement  européen  en  2014  et  invite  notamment  à  préserver,  dans  la   version finale du texte : Une définition large et flexible des données à caractère personnel, essentielle pour que les règles de protection des données restent pertinentes dans les années à venir :   nouvelles   formes   d’identification,   de   ré-identification, nouveaux  outils  de  croisement  et  d’agrégation  de  données,  etc. ; La limitation par des critères non ambigus de la finalité de la collecte des données, afin que leurs réutilisations soient faites à des fins compatibles avec ce  qui  a  été  indiqué  initialement,  ou  avec  l’autorisation  claire  des  intéressés ; Le droit de  l’individu  au contrôle et à la portabilité sur ses données à caractère personnel. Il oblige les fournisseurs de service à mettre les personnes en situation de pouvoir effectivement exercer leurs droits : maîtriser la diffusion de ces données et pouvoir en faire eux-mêmes usage. Cela découle directement  du  principe  d’autodétermination  informationnelle. Consacrer un droit effectif à la portabilité des données La  portabilité,  découlant  du  droit  à  l’autodétermination  informationnelle,   consiste en la restitution aux individus des données collectées dans le cadre  de  l’utilisation  des  services,  pour  leurs  usages personnels ou pour le partage   vers   d’autres   services. L’objectif   est   notamment   de   permettre   à   l’utilisateur   de   ne   pas   être   enfermé   dans   un   écosystème   captif   et   de   faire   lui-même usage   de   ses   données.   Le   droit   à   la   portabilité   s’insère   donc   dans   le   prolongement direct  du  droit  à  l’autodétermination  informationnelle. Rendre  possible  à  tout  moment  l’export  de  leurs  données  par  les  utilisateurs de services numériques, par eux-mêmes ou au travers d'un service tiers, dans des délais raisonnables. Ceci implique de permettre la portabilité effective de ces   données,   tant   d’un   point   de   vue   technique   (format,   métadonnées   associées), que juridique (licences de droits de réutilisation associés). Elle ouvre   la   possibilité   d’une   réexploitation   dans   un   environnement   différent. Veiller en particulier à : -­‐ La restitution des données dans des formats ouverts, standards et lisibles par des machines ; -­‐ L’accessibilité  du  service  d’export  à  travers  une  API16 et une interface  web  à  l’ergonomie  adaptée  pour  des  utilisateurs  ne   16 Application Programming Interface.
  • 52. LE DROIT À L’AUTODÉTERMNATION INFORMATIONNELLE LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 51 disposant pas de compétences techniques particulières : possibilité de visualisation  (données  tabulaires,  images…) ; -­‐ La restitution des données de façon complète, non dégradée, et sans option « premium » payante ni condition contractuelle particulière ; -­‐ L’introduction,  dans  le  référentiel  général  d’interopérabilité,  de   normes et standards permettant la récupération par le citoyen de l’ensemble  de  ses  données  de  source  administrative. Inclure dans le périmètre de la portabilité : les données générées par l’individu   à   l’occasion   de   l’utilisation   d’un   service,   volontairement   ou   non,   consciemment ou non ; générées ou reconstituées par le service, et qui présentent   une   valeur   d’usage   pour   ce   dernier   (favoris,   mails,   contacts,   métadonnées des photos, playlists, traces   d’usages,   d’achats,   de   communications, graphe social etc.). Prévoir   la   possibilité   d’un   recours   en   cas   d’entrave   au   droit   à   la   portabilité. Préciser   les   conditions   d’usages,   incluant   les   limites   aux   réutilisations,   lorsque   l’opérateur   a,   par   son   traitement, enrichi les données. La   mise   en   place   d’un   référentiel   de   ces   CGR   (conditions   générales  de  réutilisation)  faciliterait  l’usage  des  données.   Rendre ce droit opposable aux grands acteurs. Concernant les PME et TPE, distinguer les structures préexistantes, pour lesquelles il pourrait être prévu un délai de mise en conformité, et les futurs acteurs, tenus de prendre en compte ces exigences dès la conception de leurs services. Afin   d’assurer   l’appropriation   de   la   portabilité   par   les   utilisateurs, les acteurs concernés   devront   notifier   de   façon   claire   l’existence   de   ces   fonctionnalités.   Les   régulateurs  sont  invités  à  publiciser  l’introduction  de  ce  droit  et  valoriser  les  usages   possibles. Soutenir le développement d’une masse critique de services permettant la maîtrise et les usages des individus sur leurs données La   reconnaissance   du   droit   à   l’autodétermination   informationnelle   doit   amener   le   législateur et le régulateur à soutenir les technologies et logiciels qui rendent du pouvoir aux utilisateurs. Soutenir  le  développement  des  systèmes  personnels  de  gestion  d’informations   dits   “PIMS”   (Personal Information Management System) qui proposent notamment  aux  utilisateurs  d’héberger  leurs  informations  où  ils  le  souhaitent,  
  • 53. LE DROIT À L’AUTODÉTERMNATION INFORMATIONNELLE LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique52 de maîtriser la distribution de ces informations vis-à-vis des tiers (particuliers, entreprises, etc.) et de créer eux-mêmes les connexions logiques entre les services :  facture  d’énergie,  listes  de  courses,  billets  de  train,  mails,   etc. Accompagner  l’effort  de  sécurisation  en  s’appuyant sur des solutions de PIMS distribuées et en logiciel libre ou open source. Dans   le   cadre   de   ses   activités   d’innovation   et   prospective,   la   CNIL,   en   partenariats avec les acteurs, de la recherche et des designers, pourra engager des projets pour le développement  d’interfaces  ergonomiques  de  gestion  des   données,  et  des  fonctionnalités  permettant  le  choix  de  l’accès  à  ces  bases  de   donnée par une application tierce. S’INSPIRER Le projet Mes Infos17 : mène une expérimentation sur le modèle du Self data, c’est-à-dire le retour des données personnelles vers les individus qui en sont co producteurs. Le travail porte sur la cartographie des données et de leurs usages associés, l’exploration de services possibles sur la base de données croisées mais aussi l’identification des risques et défis techniques, juridiques, économiques…et la définition de besoins communs aux porteurs de projets : architectures et principes techniques, licences, compétences, fonctions de marché. Il fédère un large écosystème d’acteurs engagés pour que ce nouveau modèle passe à l’échelle. Le Personal Cloud : les utilisateurs déversent leurs données dans un grand nombre de systèmes commerciaux qui reposent aujourd’hui sur une logique de « silos ». Ils sont parfois pris en otage dans les conflits entre environnements concurrents qui s’interposent. Surtout, ils ne peuvent ni maîtriser l’utilisation qui est faite de leurs données, ni en retirer eux-mêmes les bénéfices. Par ailleurs, déléguer toutes ses informations à une seule entreprise peut se révéler coûteux en termes de libertés. En réponse, les « PIMS » (Personal Information Management System)18 proposent aux internautes de reprendre le contrôle de leurs données en devenant en quelque sorte leur propre plateforme : en hébergeant leurs informations où ils le souhaitent, sur serveur cloud en maîtrisant quel tiers a accès à quelles informations (particuliers, entreprises, etc.) et de choisir quels services peuvent s’interconnecter sur cette base, pour créer des services additionnels : une plateforme ne s’interpose plus en répartiteur de données. 17 Le  projet  se  matérialise  par   une  plateforme  donnant  aux  individus   l’accès  à  l’ensemble   des   données personnelles détenues par un ensemble de partenaires (Google, Axa, La Banque Pos- tale,  Les  Mousquetaires…). En savoir plus : http://mesinfos.fing.org/ 18 En savoir plus : http://fr.wikipedia.org/wiki/Gestionnaire_d%27informations_personnelles ; http://www.agence-nationale-recherche.fr/projet- anr/?tx_lwmsuivibilan_pi2%5BCODE%5D=ANR-10-VERS-0014
  • 54. LE DROIT À L’AUTODÉTERMNATION INFORMATIONNELLE LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 53 Décharger les moteurs de recherche de l’édiction des critères de déréférencement Dans  l’application  du  droit  au  déréférencement,  il  faut  veiller  à  préserver  l’équilibre   entre celui-ci  et  la  protection  de  la  vie  privée,  la  liberté  d’expression,  la  liberté  de  la   presse  et  l’intérêt  du  public  à  l’information.   Asseoir sur une base légale (règlement européen ou à défaut loi nationale)   le   fait   que   l’édiction   des   critères   d’instruction   des   demandes de déréférencement appartient aux autorités de protection des données. Le G29 a adopté en novembre 2014 des lignes directrices sur les critères de déréférencement   qu’il   convient   de   conforter   comme cadre de référence auquel les moteurs de recherche devront se conformer. Prévoir   l’élaboration   itérative   de   ces   critères   sur   la   base   des   cas   litigieux   rencontrés. Veiller  à  l’application  uniforme  de  ces  critères  par  l’ensemble  des  moteurs  de   recherche. Assurer une mission pédagogique vis-à-vis des acteurs du secteur et des utilisateurs, notamment afin de lever les ambiguïtés persistantes entre le droit au   déréférencement   et   l’idée   d’un   droit   à   l’effacement   (ou   à   l’oubli),   et   améliorer  l’information  disponible  sur  l’existence  de  recours  devant  le  juge  et   la CNIL. Ce   cadre   pourrait   faire   l’objet   d’un   partage   et   d’une   promotion   auprès   des   “privacy commissioners”  des  pays  hors  Union  européenne,  notamment  lors   des conférences annuelles internationales de la protection des données personnelles et de la vie privée, afin de tendre progressivement vers une adoption généralisée du principe de déréférencement et une harmonisation des critères de celui-ci. Étendre le droit d’accès au marché secondaire de la donnée Lorsque les individus ont consenti initialement à un partage de leurs données par le collecteur initial avec ses partenaires commerciaux, ils doivent pouvoir prendre connaissance des circuits de circulation et de revente de leurs données, au-delà du collecteur initial. En particulier, les courtiers de données doivent être astreints à une forme de transparence sur la revente des données. Cette connaissance est la condition pour  rendre  effectif  le  droit  d’accès,  de  rectification  et  d’effacement.  En  effet,  l’individu   ne sait pas au moment du consentement initial évaluer avec certitude quelles informations le concernant seront connues de tiers. Bénéfice secondaire, cette
  • 55. LE DROIT À L’AUTODÉTERMNATION INFORMATIONNELLE LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique54 transparence contribue à désopacifier les chaînes de valeur ;;   cela   participe   d’une   construction  de  la  confiance  indispensable  à  l’économie  numérique. Afin de rendre plus transparentes les chaînes de reventes de fichiers de données  “en  gros”,  conduire une enquête sur les pratiques des data brokers en Europe, à   l’instar   des   travaux   conduits   par   la   Federal Trade Commission19 (FTC) et le Sénat américain20.  Mettre  l’accent  notamment  sur   l’identification   des   principales   sources   d’acquisition   des   données,   les   types   d’acquéreurs  et  les  utilisations  dérivées. Exiger  des  premiers  collecteurs  qu’ils  informent  clairement  leurs   utilisateurs de la revente ou du transfert de leurs données à des tiers, en précisant leur dénomination. Prévoir   une   possibilité   d’opposition,   de   rectification   et   d’opt-out sur leur partage par   le   premier   collecteur   avec   d’autres   acteurs,   opt out qui doit pouvoir  s’exercer  à  tout  moment,  indépendamment  de  l’opt-in et/ou opt-out opéré auprès du service du premier collecteur. Mettre en place un espace en ligne public dans lequel les collecteurs et courtiers de données se déclarent et fournissent un contact qui peut être directement sollicité par les régulateurs et/ou utilisateurs, pour obtenir des informations sur le type de données collectées   afin   d’exercer   leur   droit   d’accès,   rectification   et   leur   droit à la portabilité. 19 Federal Trade Commission - “Data  brokers  - A  Call  for  Transparency  and  Accountability” - mai 2014 http://www.ftc.gov/system/files/documents/reports/data-brokers-call-transparency- accountability-report-federal-trade-commission-may-2014/140527databrokerreport.pdf 20 Rapport de la Commission du commerce du Sénat américain - A Review of the Data Broker Industry : Collection, Use, and Sale of Consumer Data for Marketing Purposes - décembre 2013 - enquête sur les pratiques de 9 data brokers américains. Ce rapport a notamment montré que les data brokers utilisaient des données collectées pour définir des profils types de per- sonnes  relatifs  à  leur  situation  sociale  difficile,  comme  “Rural  and  Barely  Making  It”,  “Ethnic   Second-City  Strugglers”  ou  “Tough  Start  :  Young  Single  Parents”,  pour  proposer notamment des crédits  à  la  consommation  à  taux  élevé”.  Selon  cette  même  étude  les  banques,  assureurs  et  les   employeurs sont les premiers acquéreurs des données détenues par les data brokers.
  • 56. LE DROIT À L’AUTODÉTERMNATION INFORMATIONNELLE LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 55 5. Créer une action collective en matière de protection des données Le  CNNum  est  favorable  à  la  recommandation  du  Conseil  d’État visant à l’ouverture   d’une action collective destinée à faire cesser les violations de la législation sur les données personnelles et exercée devant le Tribunal de grande instance par les associations agréées de protection des consommateurs. Pour que ce recours soit pleinement activable,  il  devra  s’accompagner : D’une  ouverture  aux  utilisateurs  de  services  numériques  non  payants ; De  l’extension  de  la  capacité  d’agir  à  des  associations  de  défense  des  libertés   numériques ; De la réparation des dommages immatériels, extrapatrimoniaux et des préjudices moraux ; De la possibilité de demander la suspension immédiate des traitements concernés. Pour   rendre   ce   recours   effectif   et   placer   la   charge   de   la   preuve   à   l’avantage   des   individus concernés, le responsable de traitement doit être soumis à une obligation de résultat. Ces recommandations trouvent leur prolongement naturel dans les recommandations liées à la loyauté des plateformes qui suivent.
  • 57. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique56 La loyauté des plateformes 6. Soumettre les plateformes au principe de loyauté Le modèle de développement propre aux plateformes éprouve les schémas classiques de régulation21. Evolution rapide et constante des services, des technologies, des modèle  d’affaires  et  canaux  de  distribution,  exploitation  à  grande  échelle  des  données   et   traces   d’usage…   les   plateformes   interrogent   :   comment   s’adapter   à   un   contexte   technologique et des usages qui évoluent chaque jour ? Comment ce cadre peut-il s’appliquer  à  des  opérateurs  qui  ne  sont  pas  soumis  aux  frontières  physiques  ?   Ce modèle de développement peut créer un déséquilibre structurel. Entre les plateformes et leurs utilisateurs particuliers, ce déséquilibre se traduit notamment par une forte opacité sur le sort des nombreuses informations collectées sur les individus. Parfois, il se traduit également par des coûts de sorties élevés pour migrer  d’une  plateforme  à  une  autre  et  des  obstacles  divers  à  l’utilisation  de  services   issus  d’environnement  concurrents,  enfermant  de  fait  l’utilisateur  dans  un  service.  Par   ailleurs, les plateformes, par leur rôle de prescripteurs, façonnent et déterminent les conditions   d’accès   aux   informations.   Elles   associent   parfois   utilité   et   opacité   sans   permettre de déterminer   facilement   si   ce   qui   est   présenté   relève   de   publicité,   d’une   selection   algorithmique   générique,   d’une   adaptation   personnalisée   ou   d’une   préférence  pour  l’offre  de  la  plateforme  hôte. Dans les relations entre utilisateurs professionnels et plateformes, l’asymétrie   tient   assez   classiquement   à   leur   position   d’intermédiaire,   puisqu’elle   emporte   également   la   possibilité   de   s’interposer,   voire   de   concurrencer   ses   propres   utilisateurs  professionnels.  Le  déséquilibre  est  accru  en  présence  d’acteurs  “chefs de file”   proposant   de   grands   environnements   intégrés   verticalement   et   une   batterie   de   services convergents. 21 Voir notamment les rapports et contributions aux travaux du CNNum sur la fiscalité et les écosystèmes de plateformes : www.cnnumerique.fr/fiscalité et www.cnnumerique.fr/plateformes
  • 58. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 57 COMMENT DEFINIR LES PLATEFORMES ? Une plateforme pourrait être définie comme un service occupant une fonction d’intermédiaire dans l’accès aux informations, contenus, services ou biens, le plus souvent édités ou fournis par des tiers. Au-delà de sa seule interface technique, elle organise et hiérarchise ces contenus en vue de leur présentation et leur mise en relation aux utilisateurs finaux. À cette caractéristique commune s’ajoute parfois une dimension écosystémique caractérisée par des interrelations entre services convergents. Plusieurs plateformes ont en effet adopté des modèles de développement basés sur la constitution de véritables écosystèmes dont elles occupent le centre. Souvent considérées comme des hébergeurs au sens de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) de 2004, les plateformes bénéficient d’un régime de responsabilité limitée. Le CNNum invite à conserver ce régime afin de préserver la liberté de communication, dans la mesure où une responsabilité trop lourde pourrait les pousser à une censure préventive des contenus présents sur leurs sites, par crainte de voir leur responsabilité engagée. Consacrer le principe de loyauté pour les plateformes Le   droit   existant   souffre   d’ineffectivité   :   le   droit   commun   contient   de   nombreuses   dispositions   qui   permettraient   d’adresser   les   problématiques   spécifiques   aux   plateformes mais elles restent difficilement appliquées. En témoignent les controverses  récurrentes  autour  des  pratiques  de  collecte  et  d’exploitation  de  données   personnelles   qui   amènent   parfois   à   un   constat   d’impuissance   pour   les   usagers.   Ou   encore  le  décalage  entre  le  rythme  d’intervention  des  procédures  antitrust et celui de l’évolution  des  marchés. Le principe de loyauté vise à donner un nouveau souffle aux dispositions du droit positif en particulier le droit de la concurrence, le droit commercial, le droit de la consommation et le droit de la protection des donnée, en apportant un nouveau fondement juridique permettant une approche décloisonnée. Le principe général de loyauté vise ainsi à obliger les acteurs économique à assurer de bonne foi les services qu’ils  proposent  sans  chercher  à  les  détourner  à  des  fins  contradictoires  à  l’intérêt  de   leurs  utilisateurs,  qu’ils  soient  particuliers  ou  professionnels.   Pour  la  plateforme,  ce  principe  implique  premièrement  et  d‘une  manière  générale   la transparence de son comportement,  condition  pour  s’assurer  de  la conformité entre la promesse affichée du service et les pratiques réelles. Dans les relations avec les individus, le principe vise également les modes de collecte,   de   traitement   des   données   et   de   restitution   de   l’information, notamment en ce qui concerne les algorithmes de personnalisation. Il implique ensuite  un  respect  d’un  principe  général  de non-discrimination (ex : proposer des services   à   un   prix   supérieur   aux   utilisateurs   d’ordinateurs   de   la   marque   Apple,   supposés  bénéficier  de  revenus  plus  élevés).  Il  s’applique en particulier au filtrage des
  • 59. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique58 formes   d’expressions   et   de   contenus   partagés   des   individus,   hors   contenus   condamnables par la loi (cf. infra). Dans  les  relations  entre  professionnels,  il  s’applique  aux  conditions économiques d’accès aux plateformes et aux conditions  d’ouverture  des  services à des tiers. L’ENCADREMENT DES DISCRIMINATIONS ENTRE PROFESSIONNELS Les règles communes de la régulation économique interdisent aux entreprises en position dominante d’exploiter cette situation de façon abusive : pratiquer des prix excessifs ou exagérément bas, ou encore exercer des discriminations entre leurs partenaires commerciaux… En revanche, cela ne s’oppose pas à leur liberté de fixer leurs prix, d’opérer des choix éditoriaux, de sélectionner leurs partenaires commerciaux… Les autorités de concurrence contrôlent ces aspects. En matière numérique, le Parlement européen a notamment exhorté la Commission européenne à prendre des mesures, en s'appuyant sur le principe de non-discrimination, contre les infractions au droit de la concurrence dans les marchés numériques dynamiques et à évolution rapide tels que les marchés de la recherche et de la publicité en ligne, et à trouver une solution à long terme en faveur d'une structure équilibrée, équitable et ouverte de la recherche en ligne22 . Le droit français contient aussi certaines limitations : équilibre général de la relation, conditions de vente, d’achat, de paiement, clauses interdites, etc. Par ailleurs, une régulation spécifique s’applique parfois à des secteurs d’activité donnés. C’est le cas pour les relations entre la grande distribution et ses fournisseurs : réduction des délais de paiements, transparence des conditions générales de vente, recours obligatoire aux concertations professionnelles, ... Les juges français tranchent les litiges dans ce domaine.23 Le   principe   de   loyauté   a   vocation   à   s’appliquer   aux   plateformes   à   la   fois   dans   leurs   relations avec les particuliers et avec les autres acteurs professionnels : Dans les relations de la plateforme avec ses utilisateurs, le principe de   loyauté   s’applique   à   toutes   les   plateformes,   à   l’instar   des   règles   de   protection des consommateurs qui imposent un devoir général de conseil et d’information  à  tous  les  professionnels vis-à-vis des particuliers. Dans les relations de la plateforme avec ses utilisateurs professionnels,  l’application  du  principe  doit  se  concentrer,  à  l’instar  des   règles communes de la régulation économique, sur les pratiques qui pénalisent  le  plus  l’innovation.  Par  conséquent, il se concentre sur les acteurs 22 En savoir plus : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&reference=P8- TA-2015-0051&format=XML&language=FR 23 En savoir plus : http://www.economie.gouv.fr/cepc/abus-dans-relation-commerciale-sur-notion-desequilibre- significatif
  • 60. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 59 dotés de la plus forte capacité de nuisance. Celles-ci  pourront  s’évaluer  par  le   recours  à  un  faisceau  d’indices  (cf. encadré). UTILISER UN FAISCEAU D’INDICES POUR EVALUER LA CAPACITE DE DISTORSION DES RELATIONS ENTRE PROFESSIONNELS Plutôt que de rechercher un critère unique (ex : nombre d’acteurs sur le marché) ou d’établir un seuil (ex : part de marché, nombre d’utilisateurs), qui serait rapidement obsolète compte tenu de l’évolutivité des usages et insuffisant pour embrasser la diversité et la complexité de situation d’intermédiaires, il s’agit de prendre en compte un faisceau d’indices comprenant, par exemple : L’audience ; L’adoption massive par les utilisateurs du service ou du groupe de services convergents, qui en font un service quasi universel (la pratique sociale conforte la position d’intermédiaire incontournable) ; Le non-respect avéré et récurrent des règles de protection des données (avis du Contrôleur européen de la protection des données24 ) ; Le pouvoir d’un acteur d’évincer ou de nuire à l’innovation : maîtrise de ressources clefs, de points critiques d’accès à la visibilité, à l’information, contrôle d’une API devenue structurante, etc. >> Prévoir la définition régulièrement mise à jour de ces indices par l’agence de notation de la loyauté des plateformes (cf. recommandation n° 10). 7. Fournir la bonne information, au bon moment Rendre   effective   l’expression   de   son   consentement par   l’utilisateur   d’un   service suppose   de   la   part   des   acteurs   l'utilisation   d’un   langage   descriptif   de   leur   politique   d’exploitation  des  données, sans ambiguïtés et accessible au grand public. Les mesures prises pour assurer la protection de la vie privée de leurs utilisateurs appellent une mise en visibilité spécifique. Il est également impératif que cette information soit fournie au bon moment, et permette  à  l’utilisateur  d’opérer  son  choix  en  connaissance  de  cause  quant  aux  usages   et destinataires futurs des données. Cela est actuellement impossible compte tenu de la profusion des sources des données, de la diversification de leur nature, de la sophistication  de  leurs  usages  dérivés,  et  de  l’opacité  des  chaînes  de  revente  de  fichiers   de données. 24https://secure.edps.europa.eu/EDPSWEB/webdav/site/mySite/shared/Documents/EDPS/Pu blications/Speeches/2013/13-06-13_Speech_CB_Brussels_FR.pdf
  • 61. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique60 Obligation d’édicter des CGU lisibles et non ambiguës Définir des standards de lisibilité et de compréhension des conditions  générales  d’utilisation  (CGU),  par un travail sur le design de l’information   et   la   simplicité   de   l’accès   à   ses   droits,   dans   un   objectif   d’alignement   des   efforts   de   design   de   l’accès   au   droit   et   ceux   consacrés   au   design  des  services.  La  construction  d’un  référentiel  harmonisé  faciliterait  le   travail  des  entreprises  dans  l’élaboration  de  leurs  CGUs. Fournir une version compréhensible par le grand public, en complément de la version juridique et de la version lisible par des machines. Développer  le  test  de  leur  lisibilité  par  des  panels  d’utilisateurs ; Assurer   l’emploi   de   la   langue   française   dans   les   CGU   et dans l’ensemble  des  communications  avec  la  plateforme.   Édicter une information plus complète et non ambiguë sur la destination, les utilisations et destinataires des données et fournir aux personnes exerçant leur droit d'accès une liste complète des entités auxquelles leurs données ont été communiquées, même anonymisées, y compris les data brokers (courtiers de données). Faire figurer des critères de retraits de contenus non discriminatoires et explicites (cf. recommandation n°12). S’INSPIRER Le Do Not Track25 : le World Wide Web Consortium (W3C) travaille à l’élaboration d’un standard pour permettre aux utilisateurs d’Internet de signaler leurs préférences en matière de traçage de leurs données, dans un langage universellement reconnu par tous les sites visités. Les privacy icons26 : la fondation Mozilla travaille sur la mise en place d’un système permettant aux éditeurs d’apposer des petites icônes sur leurs sites web pour simplifier la compréhension de leurs politiques sur la vie privée. Il s’agit de plusieurs pictogrammes décrivant la politique d’utilisation des données personnelles du site en question, sur quelques aspects clefs : période de rétention des données, réutilisation par un tiers, partage aux annonceurs. Assurer l’information au bon moment Présenter les informations nécessaires et pertinentes extraites des CGUs au   moment   de   l’expression   du   consentement   par   l’utilisateur, en plus du renvoi aux CGU in extenso. Des outils sémantiques 25 En savoir plus : http://www.w3.org/TR/tracking-dnt/ 26 En savoir plus : https://wiki.mozilla.org/Privacy_Icons ; https://github.com/disconnectme/privacy-icons
  • 62. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 61 peuvent   être   mobilisés   pour   permettre   à   l’utilisateur   d’identifier automatiquement   les   clauses   qui   l’intéressent   (confidentialité,   localisation   géographique, etc.) ; Assurer  l’application  effective  de  l’opt-in pour  l’utilisation  initiale   et générale du service ; Assurer une information concise et claire en push pour   l’activation   des fonctionnalités additionnelles postérieures au consentement initial (géolocalisation,  micro…) ; Assurer un opt-in au cas par cas pour tout recueil de données qui n’est   pas   nécessaire   au   fonctionnement   du   service (ex : lors du téléchargement des apps sur mobile) ; Rendre transparente pour   l’utilisateur   l’« audience » de diffusion des  messages  et  contenus  qu’il  poste : au-delà  de  l’information  fournie   dans les CGUs,  d’autres  pistes  contextuelles  à  l’usage  peuvent  être  explorées,   pour rendre les utilisateurs conscients de la portée de leurs actions, dans le juste  équilibre  entre  norme  (imposée),  fluidité  de  l’usage  et  liberté  de  design   pour   l’entreprise   qui   fournit   le service. Les privacy icons citées ci-dessus, utilisées  dans  les  CGUs  et  en  contexte  d’usage  en  sont  un  exemple.  D’autres   idées peuvent être :  l’indication  du  nombre  d’utilisateurs  à  qui  va  être  envoyé   un   message   que   l’utilisateur   poste   (ex. : 122 contacts),   ou   l’indication   de   la   portée  privée  ou  élargie.  Il  convient  également  d’ajouter  une  indication  des   personnes concernées par la communication qui se verront notifier la publication (ex : les tiers représentés sur une photo de groupe mises en ligne). Cet enjeu  de  l’information  à  fournir  à  l’utilisateur,  condition  de  son  autodétermination   informationnelle, va se répandre au fur et à mesure que de nouveaux services s’appuient  sur  une  interactivité  forte  entre  l’utilisateur  et  les  supports  du  service.  En   effet,   la   mise   en   mémoire   des   actions   de   l’utilisateur   sert   à   créer   un   dialogue   plus   naturel et personnalisé. Les utilisateurs commencent à être sensibilisés à ces questions sur les terminaux qui leur permettent de se connecter à Internet et les recommandations ci-dessus participent à cette littératie. Mais il faut aussi anticiper la question des objets interactifs et connectés qui conservent une mémoire des échanges avec les utilisateurs (ex : TV à reconnaissance vocale, jouet interactif, etc.). Ces derniers doivent être informés de la diffusion de ces informations mises en mémoire : restent-elles dans la sphère privée (terminal et/ou box), « dans »   l’entreprise   qui   délivre le service, sont-elles diffusées à  l’extérieur,  exploitées  par  des  tiers ? Ce  sujet  n’est peut-être  pas  encore  assez  mûr  pour  faire  l’objet  d’une  normalisation. Il doit   être   observé   et   faire   l’objet   d’expérimentations,   notamment   dans   le   cadre   des   activités   d’innovation   et   prospective   de   la   CNIL,   de   programmes   de   recherche  
  • 63. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique62 soutenus  par  l’Agence nationale de la recherche et de débats ouverts réguliers sur la gouvernance  d’Internet. 8. Assurer la loyauté des algorithmes destinés à la personnalisation, au classement et au référencement Malgré  l’évolution  des  usages  et  des  supports  technologiques.  Les  principes  posés  par   la loi dite informatique et libertés de 1978 sont restés pertinents. Toutefois pour accompagner le mouvement des mégadonnées (Big data), il est à présent nécessaire de prendre en compte plusieurs niveaux de complexité : La réintroduction du profilage, désormais sans nécessité d’identification   préalable,   par   recoupement   de   données : les données  comportementales  sont  retraitées  de  façon  non  nominative,  il  n’est   plus nécessaire  de  connaître  l’identité  des  personnes  pour  leur  attribuer  des   profils. Ceci ouvre la porte à des pratiques discriminatoires illégitimes, voire illicites,  contre  lesquelles  les  individus  n’ont  qu’un  recours  limité. LES DISCRIMINATIONS PROHIBEES PAR LA LOI Les discriminations prohibées par la loi sont explicitement et limitativement définies. Dans le domaine de l’emploi, du logement, de l’éducation et de l’accès aux biens et services, on ne peut discriminer selon les critères suivants : l’origine, le sexe, la situation de famille, la grossesse, l’apparence physique, le patronyme, l’état de santé, le handicap, les caractéristiques génétiques, les mœurs, l’orientation sexuelle, l’âge, les opinions politiques, les activités syndicales, l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. LA SUBJECTIVITE DES ALGORITHMES27 En informatique, un algorithme se définit de manière générale par une séquence d’instructions et d’étapes qu’on applique à un ensemble de données afin d’en produire un résultat. En particulier, un algorithme de fouille de données se définit par une séquence de calculs qui partent des données disponibles par exemple sur des produits ou des services et des individus et « découvre » des connaissances sur ces données, par exemple des corrélations entre deux personnes, entre un comportement et un service, entre une personne et un produit, etc. L’idée est fréquemment avancée qu'aucune personne n'intervient dans ce processus pour se réclamer plus ou moins implicitement de son objectivité. On prête aussi parfois à la fouille de données informatisée l’avantage d’être objective en comparaison de l’analyse de donnée par des humains, qui serait, elle, subjective. Il est important de remettre cette affirmation en question puisque les biais des 27 Rapport “Big Data's Disparate Impact", Solon Barocas et Andrew D.Selbst, http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2477899
  • 64. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 63 algorithmes peuvent avoir de nombreuses origines. Comme dans tout traitement statistique, les résultats obtenus contiennent un degré d’incertitude que l’on prend insuffisamment en compte lorsqu’on les réutilise comme données d’entrée dans un autre algorithme. De plus, les données utilisées et disponibles peuvent par exemple être biaisées (on sait par exemple depuis bien avant l'invention de la fouille de données comment biaiser une enquête par le choix des questions). Surtout, l'algorithme lui-même peut refléter les biais de ses concepteurs, leurs opinions politiques, leurs intérêts commerciaux (donner un avantage aux produits du groupe), voire introduire des discriminations interdites par la loi. L'analyse de données (produits achetés, recherches effectuées, etc.) peut par exemple être utilisée pour reconstruire des variables cachées (religion, préférences sexuelles, situation familiale, etc.). Si la lettre de la loi n'a pas été violée (l'identité de la personne est restée cachée), son esprit l'a certainement été. Enfin il est possible que l'algorithme introduise des tels biais sans même que ses concepteurs n'en aient l’intention ou la pleine conscience, ce qui est encore plus difficile à détecter. >> Le principe loyauté appliqué aux algorithmes vise à garantir le respect de l’esprit de la loi. Les   risques   d’enfermement   des   internautes   dans   une   personnalisation des services en fonction de leurs goûts ou dans des   sphères   d’opinions   supposées. Ceci s’oppose   au   libre   épanouissement  de  l’individu,  et  participe  à  une  homogénéisation  réductrice   de  l’information,  en  opposition  au  pluralisme  culturel. Le  risque  d’une  confiance  excessive  dans  les  choix  préconisés  par   les algorithmes,   basés   sur   des   postulats   susceptibles   d’orienter   les   choix   des individus, sans que ceux-ci  en  aient  véritablement  conscience.  D’autant   que tout postulat est un construit social, donc discutable. Un   risque   “solutionniste” d’une   société   qui   encourage   le   recours systématique à des solutions algorithmiques masquant la complexité des enjeux socio-économiques  qui  requièrent  d’autres  types  d’interventions.   Il   est   nécessaire   de   se   doter   d’une   vision   stratégique   sur   le   long   terme   et   d’une   gouvernance  à  même  d’appréhender ces évolutions. Cela nécessite de : Introduire un droit à la transparence et à la conformité aux engagements de la plateforme, des critères de personnalisation, de classement et de référencement Les systèmes de personnalisation opèrent par nature des  choix  pour  l’utilisateur. Ces choix doivent respecter les engagements de la plateforme quant aux critères mobilisés : Reconnaître  un  droit  à  l’information  sur  les  critères  utilisés  par  les   algorithmes. Présenter sur la plateforme, sous une forme compréhensible
  • 65. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique64 pour le grand public, les grands principes de fonctionnement du ou des algorithmes sous-jacents qui participent à la personnalisation, au classement ou au référencement (ex : le PageRank de Google, le choix des contenus mis en  avant  sur  la  page  Facebook  d’un  utilisateur).   “HOW SEARCH WORKS” Le moteur de recherche Google a lancé en 2013 un site28 expliquant sous forme d’infographie animée le fonctionnement de son algorithme. Cette initiative participe d’une démystification de l’algorithme de classement pour les usagers qui effectuent des recherches. Certains acteurs critiquent toutefois l’opacité globale des critères du référencement commercial. Imposer la séparation claire des suggestions organiques, qui font le   cœur   du   service   rendu,   des   suggestions   sponsorisées,   fruits   d’accords  commerciaux. Lorsque le service propose une troisième série de suggestions,   qui   s’appuie   sur   des   sources   internes   à   son   écosystème,   un   signalement explicite est également nécessaire. Obtenir des garanties de la part des acteurs contre l’utilisation discriminante des données dans les politiques de prix Dans la prolongation  des  recommandations  du  Conseil  d’État : Se  doter  de  capacités  d’observation  renforcées,  afin  d’être  en  mesure   de  détecter  l’utilisation  de  critères  discriminants  dans  la  fixation  des  prix  (cf. encadré).   Il   convient   d’octroyer   des   moyens   adaptés   à   cette mission à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF). Poursuivre la réflexion déjà entamée par la CNIL et la DGCCRF afin de clarifier les critères de distinction entre critères licites et illicites de différenciation du prix. Par ailleurs, si les critères précis de différenciation   de   l’offre   restent   protégés,   ils   doivent   pouvoir   être   communiqués et analysés par un tiers de confiance en cas de situation litigieuse (cf. recommandation n° 10). Par ailleurs, on observe une tendance croissante à une personnalisation de services essentiels tels que les mutuelles, les assurances, les organismes de crédit. Cette personnalisation met en cause la mutualisation des risques, au cœur du modèle social français. Il soulève des questions de société 28 https://www.google.com/insidesearch/howsearchworks/thestory/
  • 66. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 65 essentielles qui appellent un débat public. Une  étude  d’impact  sur  cette   transformation doit être conduite conjointement avec les acteurs des secteurs concernés. Garantir l’accès à une information plurielle Il existe aujourd’hui   un   risque   d’enfermement   dans   des   sphères   d’opinions   homogènes. Pouvoir être confronté à des opinions contraires et diverses constitue en effet un enjeu central pour le maintien du fonctionnement démocratique de notre société  à  l’ère  numérique.  Par  ailleurs,  c’est  une  condition  de  maintien  d’une  créativité   globale  de  la  société  et  d’un  pluralisme  culturel.  Pour  limiter  ce  risque : Demander aux grandes plateformes de respecter des engagements de  pluralisme  de  l’information  délivrée  et  d’offrir  la  possibilité de désactiver la personnalisation des résultats de leur service. Introduire dans la formation à la littératie numérique - à  l’école,   comme   dans   l’enseignement   supérieur   ou   la   formation   professionnelle - une   compréhension   des   fonctions   d’orientation des algorithmes. 9. Loyauté entre acteurs économiques : préserver un espace propice à l’innovation La  régulation  des  relations  entre  les  acteurs  économiques  ne  pourra  être  efficace  qu’en   complément   d’une   stratégie   industrielle   effective   de   long   terme   (cf. volet III du rapport), dont certains axes privilégiés29 sont : Les   liens   entre   les   acteurs   de   l’amont   (hôteliers,   etc.)   et   de   l’aval   (clients   finaux) dans un contexte de désintermédiation généralisée : le soutien à la constitution de plateformes métiers dans les secteurs atomisés, faciliterait en effet le rééquilibrage des rapports de force. Inciter   à   la   diversification   des   chaînes   de   valeur   et   des   modèles   d’affaires   contribuerait à ménager des espaces économiques non dépendants des seules logiques d’audience-publicité-données. La recherche économique dédiée à ces questions pourrait contribuer à ce renouvellement. Soutenir  le  développement  d’une  masse  critique  de  services  multiplateformes,   susceptibles   d’opérer   dans   différents   environnement   techniques et 29 Ces recommandations sont extraites du rapport du Conseil National du Numérique consacré aux écosystèmes de plateformes.
  • 67. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique66 commerciaux (ex :   différents   OS),   permettrait   que   l’innovation   ne   se   construise pas uniquement en rattachement à un écosystème donné. La régulation doit quant à elle accompagner ce mouvement, en contribuant à prévenir l’asphyxie  de  l’innovation  face  aux phénomènes oligopolistiques. Le monde numérique est entré depuis plusieurs années dans une phase de concentration et de reconstruction   de   silos   autour   de   quelques   grands   acteurs.   Il   s’agit   de   préserver   les   conditions  d’un  environnement  ouvert  concurrentiel durable, ne fermant pas la porte aux nouveaux entrants. Cela passe notamment par un fonctionnement plus transparent des politiques commerciales des plateformes, et la prévention de l’enfermement  des  acteurs  dans  des  écosystèmes  captifs.
  • 68. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 67 VLC, LE LECTEUR MULTIPLATEFORMES VLC 30 est un lecteur vidéo multimédia issu du projet Video LAN des étudiants de l’Ecole Centrale Paris. Le logiciel est mis en place par des bénévoles, gratuit, libre et multiplateforme : il fonctionne sous environnement Windows, Androïd, IOS, GNU/Linux, BSD…et intègre les codecs nécessaires à la lecture de la plupart des formats audio/vidéo. Il est le logiciel français le plus utilisé au monde (plus de 2 milliards de téléchargements). PLACE DES LIBRAIRES À travers ce réseau les libraires s’organisent pour reconstruire leur lien direct aux utilisateurs. Place des libraires31 est un site de recherche-réservation- achat et géolocalisation des livres disponibles dans un réseau de 200 librairies indépendantes. À cette fin, le CNNum recommande de : Normaliser l’accès aux ressources et espaces de visibilité clefs des plateformes incontournables Instaurer   une   obligation   d’information   préalable   dans   des   délais   raisonnables en cas de modifications majeures, telles que des changements   de   politiques   tarifaires,   de   contenus,   d’accès   aux   API,   ou   de   changements substantiels des critères de classement par algorithmes. Lorsque  ces  changements  sont  susceptibles  d’impacter  négativement  l’activité   économique   d’acteurs   fortement dépendants,   l’entreprise   doit   accompagner   cette  information  d’outils  d’évaluation  d’impact. Appliquer un principe de non-discrimination dans le référencement, sauf en cas de considérations légitimes, vérifiables par   des   tiers   et   conformes   à   l’intérêt   des   internautes (personnalisation, pertinence, qualité, etc.). Une attention particulière doit être accordée aux plateformes qui diversifient leurs activités en proposant des services concurrents de ceux de leurs clients sur une autre face de leur marché. 30 En savoir plus : www.videolan.org - voir aussi le Pitch contributif de Jean-Baptiste Kempf : http://www.dailymotion.com/video/x2f4fbh_pitch-7-jean-baptiste-kempf-a-la-journee- contributive-2-le-9-janvier-a-strasbourg_tech 31 http://www.placedeslibraires.fr/
  • 69. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique68 Ouvrir et maintenir des passerelles entre grands écosystèmes concurrents Imposer  l’abaissement  des  barrières  techniques  et  contractuelles  à   l’interopérabilité,   lorsque   cela   n’entraîne   pas   de   contraintes   ou   de   coûts   supplémentaires prohibitifs, pour permettre   l’émergence   de   services   multiplateformes. Mobiliser le levier de la commande publique pour mettre en avant des  exigences  d’interopérabilité,  de  standards  ouverts  et  d’accès  au   code source : -­‐ Donner priorité aux solutions libres et open source : Mettre en avant, dans les cahiers des charges les fonctionnalités et avantages propres aux solutions libres et open source32, telles que l’accès  au  code  source,  l’auditabilité  du  code  (notamment  la   possibilité de réduire les failles de sécurité), la liberté d’étudier  le   fonctionnement du programme, la libre exécution du logiciel pour tous  les  usages,  la  possibilité  de  l’adapter  et  de  l’enrichir,   l’interopérabilité,  l’évolutivité  ou  les  capacités  de  mutualisation   du code. Pour aller plus loin, envisager à moyen terme  l’ajout  - dans les droits français et européen des marchés publics - d’un   critère  d’ouverture  aux  côtés du critère du caractère innovant déjà existant33.  Prolonger  la  dynamique  actuelle  d’accompagnement34 par  le  développement  de  communautés  d’échange  et de co- construction de logiciels au sein et autour des administrations.; Permettre aux utilisateurs de dissocier les   systèmes   d’exploitation   et   les   applications  natives  du  terminal  et  d’installer  des  solutions  alternatives,  pour   tout  terminal  d’usage  grand  public  (mobile,  tablettes…). Renforcer   le   droit   pour   les   développeurs   d’effectuer   la   rétroingénierie   d’un   logiciel   existant afin de pouvoir créer un logiciel capable   de   s’interopérer,   et   prévenir   plus   efficacement   les   abus   de   position   dominante liés au  secret  des  formats  de  données  et  des  protocoles  d’échange   d’informations. 32 Voir  notamment  la  circulaire  sur  l’usage  du  logiciel  libre  dans  l’administration  de  Septembre 2012: http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2012/09/cir_35837.pdf 33 Voir  notamment  :  l’article  53  du  Code  des  marchés  publics 34 Voir  par  exemple  le  guide  de  l’achat public innovant, de la Direction des affaires Juridiques (DAJ): http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2012/09/cir_35837.pdf, le Guide de rédaction de clauses de propriété intellectuelle pour les marchés de développement et de maintenance de logiciels  libres  de  l’Agence  du  patrimoine  immatériel  de  l’Etat  (APIE)  : http://www.economie.gouv.fr/logiciels-libres-conseils-a-redaction-clauses-propriete- intellectuelle-pour-marches et les propositions de Jacques Marzin, directeur de la Direction interministérielle  des  système  d’information  et  de  communication  (DISIC) : http://www.cio- online.com/actualites/lire-logiciels-libres-vers-une-strategie-publique-renforcee-7605.html
  • 70. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 69 LA RETROINGENIERIE AU SERVICE DE L’INTEROPERABILITE Le droit à l’interopérabilité est reconnu au niveau européen depuis plus de vingt ans. Il découle des articles 5 et 6 de la directive relative à la protection juridique des programmes d’ordinateurs35 , qui reconnaissent à tout développeur de logiciel le droit d’effectuer la rétroingénierie d’un logiciel existant afin de pouvoir créer un logiciel capable d’interopérer avec ce dernier. >> Une reconnaissance plus affirmée de l’interopérabilité au niveau européen permettrait d’empêcher les abus de position dominante liés au secret des formats de données et des protocoles d’échange d’informations. Concrétiser le système des licences FRANDS (fair, reasonable and non discriminatory) pour les brevets détenus sur des normes essentielles fixées notamment dans le cadre des travaux des instances de normalisation.  Lorsqu’un  acteur  dominant  détient  un  brevet  sur  une  norme   essentielle pour entrer  sur  un  marché  et  qu’un  concurrent  a  commencé  à  s’en   servir,  prévoir  l’obligation  pour  son  détenteur  de  proposer  une  licence,  avant   d’engager  une  action  en  cessation  contre  lui  36. LES NORMES ESSENTIELLES ET LES LICENCES “FRAND” L'Avocat général Melchior Wathelet, a proposé à la Cour de justice de l’Union européenne de prévoir que lorsque le titulaire d’un brevet essentiel à une norme (BEN) s’est engagé envers un organisme de normalisation à octroyer aux tiers une licence à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires (FRAND), son action en cessation à l’encontre d’un contrefacteur pourtant désireux de conclure une telle licence, soit constitutive d’un abus de position dominante. Dans le cas d’espèce, l’entreprise Huawei est détentrice d’un brevet européen considéré comme « essentiel » pour l’emploi de la norme LTE (Long term evolution), elle-même indispensable pour les communications 4G. >> Demander au détenteur de brevets sur des normes essentielles de proposer une licence avant d’entamer une procédure permettrait de concrétiser l’intérêt du système des licences FRAND. En effet, pour les nouveaux entrants, ces coûteuses procédures - même lorsqu’elles ont vocation à leur donner raison - peuvent s’avérer plus dissuasives que pour des acteurs bien établis. Lorsqu’une   entreprise   souhaite   placer   ses   données   en   régime   ouvert,   favoriser le recours aux licences ouvertes existantes, déjà largement 35 En savoir plus : Directive 91/250 CE du 14 mai 1991 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31991L0250:FR:HTML 36 En savoir plus : http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2014- 11/cp140155fr.pdf
  • 71. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique70 mobilisées par les acteurs publics (ex : licences ODBL, licences ouvertes,…). À cette fin, confier à la Direction Générale des Entreprises (DGE) une mission de   promotion   et   d’accompagnement   pour   leur   utilisation,   pour   faciliter   la   mise en cohérence des licences. Mettre en place des principes adaptés à l’économie numérique qui s’inspirent du droit des pratiques restrictives de concurrence Il est normal que des acteurs endossent une forme de responsabilité à l’égard   des   écosystèmes   qui   ont   participé   à   leur   succès   tout   en   suscitant   une forme de dépendance pour les tiers (ex : les développeurs pour une boutique  d’applications  mobiles).  Le  régulateur  pourrait  considérer  qu’il  est  nécessaire   de   réguler   spécifiquement   les   plateformes.   Dans   l’hypothèse   contraire   (s’il   juge   les   positions  dominantes  non  durables,  ou  s’il  craint  un  remède pire que le mal, etc..), il devra   du   moins   surmonter   les   difficultés   d’application   des   concepts   des   règles   de   concurrence  aux  plateformes,  distinguer  les  rentes  qui  récompensent  l’innovation  de   celles qui sont déconnectées des mérites et intervenir dans des rythmes qui correspondent aux réalités numériques. Dans   la   mesure   où   il   est   difficile   d’utiliser   le   droit   de   la   concurrence   tel   quel,   ou   d’adapter   directement   le   droit   français   des   pratiques   restrictives   de   concurrence,   le   CNNum recommande de faire preuve de créativité juridique pour appréhender les clauses   et   pratiques   déloyales   entre   les   professionnels,   puisqu’il   a   vocation   à   s’appliquer  à  toute  activité  de  service.  En  particulier : S’inspirer  de  la  notion  de  déséquilibre  significatif,  déjà prévue par le Code  de  commerce,  pour  adresser  l’absence  de  réciprocité  ou  la  disproportion   entre les obligations des parties. Assurer des voies de recours effectives en  utilisant  la  capacité  d’ester  en   justice  du  ministre  de  l’économie.  Introduire  en  complément  une capacité de représentation - non obligatoire - par  une  entité  représentative,  à  l’instar  de   l’habilitation   de   certaines   associations   pour   représenter   les   consommateurs   en justice. L’élaboration   des   moyens   d’action   adaptés   à   l’économie   numérique   appellera un processus  nécessairement  long,  fruit  d’allers  retours  entre  différents  outils  juridiques   (loi,  contentieux,  contrat),  à  l’image  de  ce  que  l’on  observe  dans  le  secteur  de  la  grande   distribution depuis plusieurs décennies.
  • 72. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 71 10. Adapter le design institutionnel La concertation menée par le Conseil a globalement fait ressortir un besoin de créativité institutionnelle, pour être en mesure de faire face à la transversalité des nouveaux défis posés par le numérique. Le design institutionnel et le travail des autorités doivent être repensés dans une démarche décloisonnante. Il  s’agit  de  doter  les  autorités,  quel  que  soit  leur  rôle   (recommandations, régulation, réglementation…), de plus grandes capacités de réactivité   et   d’anticipation, dans   un   contexte   où   les   cycles   d’innovation sont de plus en plus courts et les enjeux sociétaux, toujours plus complexes. Le Conseil recommande à cette fin de : Renforcer l’inter-régulation et la coopération entre autorités Rendre obligatoire la consultation de la CNIL lorsque la mesure envisagée emporte un risque en matière de données personnelles. Il   s’agit   d’avoir   un   réflexe   d’évaluation   des   risques   en   matière   de   données   personnelles  sur  l’ensemble  des  terrains  de  régulation.  Bien  que  prévu  dans  la   loi informatique   et   libertés,   cela   n’est   qu’une   faculté   dans   la   mesure   où   “la CNIL  peut  prêter  son  concours  sur  demande  des  autres  administrations”. Élargir cette obligation de consultation à toutes les autorités administratives indépendantes ou judiciaires lorsque leurs compétences sont concernées. En matière de concurrence, intégrer les risques en matière de données au contrôle des concentrations. Cela se pratique aux États-Unis   sous   l’égide   d’une  autorité  unique  (FTC).  En  Europe,  une  articulation  entre  les autorités compétentes doit être pensée. Renforcer la coopération des offices nationaux des brevets et des autorités de concurrence pour mieux prévenir les préemptions de technologies essentielles, le patent trolling et anticiper le paysage global des stratégies. Deux dispositifs pour rendre les principes de loyauté et d’autodétermination effectifs Les  notions  de  loyauté  et  d’autodétermination  informationnelle  resteront  lettre  morte   si  leur  mise  en  place  ne  s’accompagne  pas  de  moyens  de  contrôle  de  leur   effectivité. L’observation  et  l’évaluation  de  la  loyauté  des  pratiques  des  plateformes  sur  la  couche   des services et des terminaux doivent compléter la transparence nécessaire des
  • 73. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique72 pratiques   des   fournisseurs   d’accès   Internet   en   matière   de   gestion   du   trafic   et de différenciation. Ce contrôle doit en premier lieu - et  il  l’est  déjà  dans  une  certaine  mesure   - être porté par les autorités de régulation dans leur diversité, notamment : la CNIL, l’ARCEP,  le  CSA,  l’Autorité  de  la  concurrence,  la  DGCCRF,  la  Commission des clauses abusives,   la   Commission   d’examen   des   pratiques   commerciales,   le   Défenseur   des   droits, etc. Cependant,   comme   le   Conseil   national   du   numérique   a   pu   l’observer   dans   son   précédent rapport37, ces institutions peinent à encadrer des pratiques protéiformes et mouvantes, dans un contexte qui fait la part belle au droit des contrats sur toile de fond  d’une  asymétrie  forte  de  pouvoir  entre  les  utilisateurs  de  services numériques et les plateformes. De plus, la multiplication attendue dans les années à venir de services mobilisant des algorithmes de personnalisation et de classement et des masses de données  en  circulation  risque  mécaniquement  de  limiter  la  capacité  d’intervention  de   ces autorités. Aussi il est proposé de venir appuyer ces organismes par deux dispositifs complémentaires :  un  dispositif  de  notation  contributive  et  récurrente  d’une  part ; un dispositif  d’expertise  exceptionnelle  d’autre  part. Une agence européenne de notation de la loyauté, appuyée sur un réseau ouvert de contributeurs Dans un univers économique où la réputation des acteurs en termes de qualité de service mais aussi en termes de comportement joue un rôle structurant, une agence de notation à forte visibilité peut constituer une incitation forte pour les plateformes à se conformer à des pratiques respectueuses de leurs utilisateurs, individuels comme professionnels. Cette agence de coordination aura pour double mission : a/   rendre   accessible   via   un   point   d’entrée   unique   toute   une   série   d’informations  déjà  rassemblées  par  les  observateurs et outils existants : les  remontées  d’informations : -­‐ des associations de consommateurs ; -­‐ des  acteurs  de  l’internet  citoyen ; -­‐ remontées des consommateurs et utilisateurs eux-mêmes via des forums, messages adressés aux entreprises via les réseaux sociaux etc. ; 37 www.cnnumerique.fr/plateformes
  • 74. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 73 -­‐ des communautés de technophiles ; -­‐ des entreprises victimes de pratiques discriminatoires ou abusives. les outils : -­‐ de tracking de  la  circulation  des  données  d’un  service  à  l’autre ; -­‐ de comparaison des CGU, et de leur lisibilité ; -­‐ etc. “TERMS OF SERVICE ; DIDN’T READ” (ToS;DR) est un plug-in pour navigateur web qui simplifie des différents contrats d’utilisation des grands services web, et leur attribue une classe couleur, de bon à très mauvais38 . DARK PATTERNS “Dark patterns”39 est un site qui vise à faire remonter les pratiques déceptives liées au design et aux process intégrés dans les interfaces utilisateur : contraindre à révéler plus d’informations, pré-cocher des options, éparpiller ou rendre l’information difficile d’accès, employer des formulations vagues…etc. DO NOT TRACK Do Not Track40 est une expérience conduite sous la forme d’une série documentaire consacrée à la vie privée et à l'économie du Web. Elle explore les différentes manières dont le Web moderne enregistre et traque nos activités, publications, etc. L’expérience demande aux spectateurs de participer avec leurs propres données (goûts, avis, habitudes, etc.), afin de personnaliser les “épisodes” en utilisant les méthodes et outils des trackers sur les personnes qui les visionnent. L’objectif est de permettre une meilleure compréhension des implications du tracking, comme la “valeur cachée derrière un clic” ou, “ce qu’il se passe sans que vous vous en rendiez compte et sans votre consentement”. 38 En savoir plus : https://tosdr.org/ - voir  aussi  le  pitch  contributif  d’Hugo  Roy  à  l’occasion  des   journées contributives de la concertation : http://www.dailymotion.com/video/x2f4ed1_pitch-5-hugo-roy-a-la-journee-contributive-2-le- 9-janvier-a-strasbourg_tech 39 En savoir plus : http://darkpatterns.org/ 40 En savoir plus : http://donottrack-doc.com/fr L’expérimentation  est  conduite  par  un  grou- pement de journalistes, développeurs, graphistes, sociétés de production et médias. Parmi les épisodes : téléphones portables, réseaux sociaux, publicité personnalisée, Big data.
  • 75. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique74 b/ ouvrir un espace de signalement de pratiques contraires à la loyauté et à l’autodétermination  des  individus. Aujourd’hui  les  utilisateurs  constituent  de  formidables  observateurs  des  pratiques  des   acteurs  économiques.  Ils  sont  d’ores  et  déjà  habitués  à  manipuler  certains  dispositifs   de   notation   et   avis   en   ligne.   Lorsqu’ils   observent des pratiques déloyales, les utilisateurs  doivent  pouvoir  disposer  d’un  canal  pour  exercer  une  “voix  de  retour”  et   partager  ces  remontées  avec  les  autorités  compétentes.  Il  ne  faut  pas  se  priver  d’une   source   d’information   essentielle,   au   plus   près   des   difficultés et bonnes pratiques rencontrées. PREMIERS CRITERES POSSIBLES DE LA LOYAUTE Dans les relations de la plateforme avec ses utilisateurs particuliers : -­‐ portabilité, interopérabilité, restrictions techniques, -­‐ transparence des pratiques sur les données collectées, -­‐ clarté et équilibre des CGU, choix contraints, etc. -­‐ politiques éditoriales Dans les relations de la plateforme avec ses utilisateurs professionnels : ouverture des App markets, interopérabilité (terminaux, OS, services massivement utilisés…), conditions d’accès aux APIs, information transparente lors de changement d’algorithme impactant fortement l’utilisateur professionnel. Il sera également possible d’y associer les publications relatives aux comportements de ces acteurs en tant que contribuables (paradis fiscaux ou non, territorialité de l’impôt par rapport au chiffre d’affaires réalisé…). Sur   la   base   de   ces   remontées   indirectes   et   directes,   l’agence   de   notation   disposerait de deux leviers  d’action : 1. La réputation, avec   la   publication   d’avis   à   échéance   régulière   pouvant   déboucher   sur   des   “labels”   ou   notation   du   comportement.   Pour   les   plateformes loyales, cela pourrait être un facteur de différenciation et un avantage compétitif. 2. La prise en compte de la notation par les investisseurs, privés et publics, et la mise à disposition de leurs résultats pour alimenter les décisions stratégiques des entrepreneurs. La France pourrait impulser le mouvement en mettant en place cette agence dans un cadre français. Celle-ci aura nécessairement vocation à devenir européenne à moyen terme.
  • 76. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 75 Un  corps  d’experts  en  algorithmes  (ou  algorithmistes)  mobilisable   sur  demande  exclusive  d’une  autorité  de  régulation Le chercheur Viktor Mayer-Schönberger et le journaliste Kenneth Cukier41 suggèrent de demander aux entreprises de procéder à une évaluation officielle des impacts de la réutilisation des données personnelles sur les personnes concernées et de faire certifier les algorithmes destinés à certaines utilisations sensibles. Un travail de certification  qui  serait  confié  à  une  nouvelle  sorte  d’expert,  les  algorithmistes. Le  Conseil  national  du  numérique  ne  juge  pas  souhaitable  d’imposer  aux  entreprises,   même de grande taille, une forme de certification de leurs algorithmes a priori. En revanche,  il  semble   plus  qu’utile  de  créer  une  nouvelle  profession,  dotée  d’un  statut   légal et de compétences à la fois de data scientist et  de  juriste.  Ce  corps  d’experts  serait   susceptible   d’intervenir   en   cas   de   suspicion   forte   de   non-respect de la loyauté, à la demande  exclusive  d’une  autorité  de  régulation  ou  dans  un  cadre  judiciaire,  pour  aller   examiner  le  fonctionnement  de  l’algorithme  en  question. Sans  attendre  la  création  d’un  statut,  deux  initiatives  peuvent  être  mises   en place : la  création  d’un  cursus  de  formation  à  la  croisée  entre  droit  et  data  science ; l’expérimentation,  avec  l’aide  d’instituts  de  recherche,  de  ce  que  pourrait  être   techniquement  le  contrôle  d’un  algorithme,  afin  d’en  mesurer  la  portée  et  les   limites. Pour   autant,   rien   n’interdit   aux   entreprises   qui   le   souhaitent   de   se   responsabiliser sur la gouvernance des algorithmes : les grandes entreprises sont  invitées  à  étendre  le  champ  de  compétence  de  leur  “administrateur général des données”  ou  équivalent,  afin de veiller plus particulièrement aux impacts éthiques des algorithmes  mobilisés  dans  leurs  services.  Il  s’agirait  ainsi  de  prendre  en  compte  les   principes   d’autodétermination   informationnelle   et   de   loyauté   dès   la   conception   des   services, dans la continuité du principe de privacy by design. Ce dernier pourrait ajouter à ses responsabilités   la   présentation   d’un rapport annuel au Conseil d’administration  sur  le  fonctionnement  des  algorithmes.   Mobiliser la rétro-ingénierie : L’évaluation  de  la  loyauté  doit  s’appuyer  sur  des  moyens  techniques.  La  rétro- ingénierie   peut   être   utilisée   systématiquement   pour   mettre   à   l’épreuve   le   fonctionnement des plateformes, et contrôler les algorithmes. L'observation de leurs résultats doit permettre notamment de détecter des discriminations 41 BIG DATA: A Revolution That Will Transform How We Live, Work, and Think, iktor Mayer- Schönberger, Kenneth Cukier, 2013
  • 77. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique76 illicites ou un non-respect de la promesse affichée du service plateforme à l’égard  de  ses  utilisateurs  individuels  ou  professionnels. Cette mission peut être portée au plan technique, soit par un réseau de laboratoires de recherche soit par les futurs experts en algorithmes (cf. supra). Les   résultats   de   ces   travaux   pourront   nourrir   les   rapports   de   l’agence   de   notation (cf. supra) et les autorités de régulation dans leur diversité. Renforcer les moyens d’action de la CNIL Sur ces aspects, le Conseil  national  du  numérique  rejoint  la  position  du  Conseil  d’État dans son rapport sur le numérique et les droits fondamentaux : Codifier dans la loi la jurisprudence relative à la nullité des transactions portant sur des fichiers non-déclarés ou non autorisés à la CNIL, et inciter les acteurs procédant de manière récurrente aux transactions sur des fichiers de données à en tenir un registre. Mettre en œuvre le droit d'alerte pour les salariés des organismes publics et privés traitant des données personnelles, par des processus d'information et de déclaration placés sous la responsabilité de la CNIL. Introduire  la  possibilité,  lorsque  l’urgence  et  la  gravité  particulière  des  faits  le   justifient,   d’ordonner   la   suspension   du   traitement   le   temps   de   la   mise   en demeure. Mettre en open data les déclarations et autorisations de traitements des données de la CNIL. La publication de ces documents permettrait   d’obtenir   une   vision   complète,   sinon   de   l’ensemble   des   traitements de données mis en œuvre en France, du moins de ceux dont la CNIL  a  connaissance.  “Il  serait  par  exemple  possible  d’identifier  les  secteurs   d’activité   les   plus   consommateurs   de   données,   ou   de   détecter   des   zones   blanches où le nombre de déclarations apparaît peu important, ce qui peut suggérer  l’existence  d’une  sous-déclaration”,  remarque  le  Conseil  d’État.
  • 78. RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 77 Réaffirmer l’État de droit Les deux recommandations suivantes (11 et 12) concernent la question de la lutte contre les propos illicites sur Internet. La première concerne exclusivement la question   du   blocage   d’accès   à   un   site,   tandis   que   la   seconde   vise   à   proposer   des   dispositifs   de   régulation   des   contenus,   en   particulier   à   l’intérieur   des   plateformes   communautaires (réseaux sociaux et autres). Pour ces dernières, une autre distinction doit être opérée entre les contenus illicites, au sens de contraires à la loi, et les contenus  non  conformes  aux  conditions  générales  d’utilisation  (CGU). Les recommandations 13 à 17 concernent principalement les questions de surveillance. Les rares contributions portant spécifiquement sur la cybercriminalité ont insisté sur la  nécessité  de  renforcer  la  coopération  internationale  et  de  s’appuyer  sur  le  réseau  et   les mécanismes issus de la Convention de Budapest afin de rendre cette dernière plus effective. La faible mobilisation des acteurs du secteur dans le cadre de la concertation a conduit le CNNum à se concentrer sur les questions de surveillance pour lesquelles les contributions étaient plus nourries. 11. Contenus illégaux : conforter la place du juge en matière de blocage de sites Par une loi42 de 2011, la France a adopté un système inédit de blocage des sites web concernant les sites pédopornographiques :   la   possibilité   pour   l’administration de bloquer  l’accès  à  un  site,  sur  le  territoire  français,  sans  passer  par  l’intermédiaire  d’un   juge. Trois ans plus tard, le 13 novembre 2014, la loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme a étendu cette possibilité  de  blocage  aux  sites  “provoquant aux  actes  de  terrorisme  ou  en  faisant  l’apologie”.  Depuis le 6 février 2015, date de  parution  des  décrets  d’application  relatifs  à  ces  dispositions,  le  blocage   administratif est effectif en France. Pour rappel, le mode de blocage choisi est un blocage par DNS (nom de domaine), ce qui signifie que le  blocage  s’applique  à  des   42 Loi  d’orientation  et  de  programmation  pour  la  performance  de  la  sécurité  intérieure  (LOPPSI   2) du 14 mars 2011.
  • 79. RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique78 sites entiers. Il est donc en pratique inapplicable aux plateformes (réseaux sociaux, etc.) sauf à les bloquer toutes entières. La problématique spécifique du retrait des contenus illicites sur les plateformes est traitée dans la recommandation suivante (n°12). Saisi de ces dispositions particulières de blocage de sites en matière terroriste, le CNNum a rendu son avis le 15 juillet 201443. Le Conseil a considéré que le dispositif de blocage était techniquement inefficace car facilement contournable,   qu’il   était inadapté aux enjeux de la lutte contre le recrutement terroriste,  qu’il   n’offrait   pas de garanties suffisantes en matière de libertés et que des alternatives plus efficaces et protectrices pouvaient être mises en œuvre. Dans la lignée de ses travaux, le CNNum recommande de : Ne recourir à la solution du blocage qu’en dernier recours, et donc : Privilégier la coopération avec les hébergeurs et les acteurs du web pour  un  retrait  des  contenus  illicites  à  la  source  et  l’identification   des auteurs : plutôt  que  de  chercher  à  bloquer  l’accès  à  un  contenu  par  des   techniques aisément contournables et potentiellement attentatoires aux libertés, les autorités devraient rechercher le retrait de ces contenus à la source,  par  l’hébergeur  - seule solution viable. Renforcer la coopération internationale, et notamment les canaux diplomatiques : -­‐ Réformer le MLAT (Mutual Legal Assistance Treaty) entre la France et les États-Unis,  qui  permet  à  l’autorité  judiciaire   française  d’accéder  à  des  informations  stockées  dans  des   plateformes hébergées aux États-Unis, visant à une plus grande rapidité  dans  l’échange  des  données. -­‐ Entreprendre une action diplomatique forte pour faire signer et ratifier par les États hébergeant des sites diffusant des discours de haine le protocole additionnel n°189 à la Convention cybercriminalité  du  Conseil  de  l’Europe  spécifiquement  dédié  au   racisme  et  à  l’antisémitisme. Soutenir les contre-discours   en   s’appuyant   sur   la   force   de   propagation  d’Internet 43 http://www.cnnumerique.fr/terrorisme
  • 80. RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 79 S’INSPIRER DE : ABDULLAH-X Abdullah-X est un jeune réalisateur qui produit des films d’animation pour lutter contre le recrutement de jeunes Britanniques par des extrémistes religieux. Sa chaîne YouTube44 s’inscrit ainsi dans une démarche de contre- discours visant à construire des communautés actives pour faire contrepoids à l'extrémisme sur le web. Généraliser   les   actions   et   les   outils   d’accompagnement,   d’éducation, de civisme et de littératie : la responsabilisation des internautes  par  l’information  et  l’éducation  doit  être  un  préalable  à  tout  autre   dispositif  d’encadrement.   Ne pas déroger au principe du recours à une autorité judiciaire au préalable de mesures de blocage de sites Préserver le rôle du juge dans les dispositifs de blocage et réaffirmer son rôle de garant des libertés. Renforcer et sécuriser les moyens de la personnalité qualifiée désignée par la CNIL pour le contrôle des demandes de retrait dans les situations dans lesquelles la loi a déjà instauré un système de contrôle par le juge a posteriori (en matière de pédopornographie et de terrorisme). FOCUS SUR : UN CONTROLE DU BLOCAGE ADMINISTRATIF PAR UNE PERSONNALITE DESIGNEE PAR LA CNIL Dans les cas dérogatoires existants (propagande terroriste et contenus à caractère pédopornographique), la loi prévoit que les demandes de blocage de l’administration sont transmises à une personnalité qualifiée désignée par la CNIL, laquelle doit s’assurer de la régularité de ces demandes ainsi que des conditions d’établissement, de mise à jour, de communication et d’utilisation de la liste des sites à bloquer. Consultée pour avis sur le projet de décret relatif au blocage administratif des sites, la CNIL a tenu à appeler l’attention du Gouvernement sur l’importance de doter la personnalité qualifiée, garante de la proportionnalité du dispositif, de moyens spécifiques afin de lui permettre de remplir effectivement les missions qui lui sont confiées par la loi. L’autorité demandait notamment à l’exécutif de préciser “les moyens humains, techniques et financiers” de cette personnalité qualifiée. 44 https://www.youtube.com/user/abdullahx
  • 81. RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique80 Garantir la transparence des décisions de blocage : mettre à disposition du public le nombre de blocages ordonnés ainsi que leurs motifs sur une plateforme éditée par PHAROS45. Introduire une clause de rendez-vous dans les projets de loi instituant des mesures de blocage : prévoir une réévaluation régulière de  l’efficacité  de  la  mesure,  a fortiori lorsqu’il  s’agit  de  dispositifs  d’exception,   comme  c’est  le  cas  du  blocage  administratif. Adapter l’appareil répressif au service d’une réponse judiciaire efficace dans l’environnement numérique Le Conseil est conscient que la réaffirmation du rôle du juge ne peut se faire sans un renforcement  en  profondeur  de  ses  moyens  d’action  visant  à  obtenir  des  décisions  en   temps court, adaptées aux réalités auxquelles elle doit faire face. Dès lors, il recommande de : Spécialiser la chaîne pénale en matière de blocage DNS judiciaire des sites et de retraits de contenus pour une action plus rapide et efficace : -­‐ Créer un parquet spécialisé, sur les questions de contenus illicites en ligne, notamment par la mise en place de magistrats référents au  sein  des  parquets  et  réseaux  d’experts.  La  France  s’est  dotée fin 2013 de moyens renforcés en matière de délinquance financière (création  d’un  parquet  financier  dédié).  Une  démarche  similaire   serait plus que souhaitable en matière de lutte contre les contenus illicites sur Internet. -­‐ Créer un « pôle de compétences numériques » au sein du ministère de la Justice  dédié  à  la  mise  en  œuvre  d’une  politique   pénale en la matière et au suivi des travaux européens et internationaux relatifs à la criminalité en ligne. Ce service 45 Plateforme d'Harmonisation, d'Analyse, de Recoupement et d'Orientation des Signalements.
  • 82. RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 81 pourrait  aussi  avoir  un  rôle  d’expertise  et  de  conseil  auprès  des   magistrats en poste en juridiction. -­‐ Créer une filière de formation ad hoc des juges au numérique : créer des modules spécifiques dans les formations initiale et continue. Réinvestir et capitaliser sur les procédures existantes, trop souvent écartées :  en  particulier  les  procédures  d’urgence  et  le  référé  LCEN. 12. Redéfinir les équilibres et le rôle des plateformes dans le retrait des contenus illicites Il convient de distinguer deux  types  de  contenus  qu’une  plateforme  peut  être   amenée à retirer : -­‐ des contenus illégaux,  c’est-à-dire  contraires  à  la  loi  (l’incitation   à  la  commission  d’actes  terroristes,  par  exemple) ; -­‐ des contenus qui, sans être illégaux, sont non conformes aux CGU propres à la plateforme. Cette partie couvre les deux cas de figure. La responsabilité des hébergeurs en matière de contenus illégaux est déjà largement encadrée par la LCEN (cf. encadré). Les propositions du CNNum visent à préserver ce régime équilibré, pour prévenir un alourdissement de la responsabilité des hébergeurs, tout en facilitant et accélérant le retrait des contenus illicites. UN REGIME DE RESPONSABILITE A DEUX NIVEAUX SUR INTERNET La loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) de 2004 organise la responsabilité des acteurs sur Internet en distinguant les éditeurs (blogs, etc.), responsables du contenu présent sur leur site, des hébergeurs (réseaux sociaux, fournisseurs d’hébergement, etc.). Du fait qu’ils ne sont pas à l’origine du contenu présent dans leurs serveurs, ces derniers jouissent d’une responsabilité limitée : ils ne peuvent être tenus responsables du contenu illicite présent sur leurs sites que : s’ils n’ont pas supprimé “promptement” ; un contenu “manifestement illicite” ; qui a été porté à leur connaissance (notification).
  • 83. RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique82 Renforcer les dispositifs de signalement sur les plateformes L’inefficacité  des  dispositifs  de  signalement  mis  en  place  participe   de la propagation des contenus illicites (illégaux ou non conformes aux CGU) sur les plateformes. Ces outils restent globalement trop peu mobilisés par les utilisateurs  car  difficiles  d’usage (complexes,  parfois  chronophages,  interfaces  peu  intuitives…).  De plus, les décisions de modérer ou non un contenu sont prises au cas par cas par les plateformes, qui semblent allouer à ce travail des ressources limitées. Enfin, les plateformes peinent encore  à  s’adapter  au  droit  et  à  la  culture  locale  quand  elles  décident de modérer un contenu. Le Conseil recommande à cette fin de : Standardiser   l’ergonomie   des   outils   de   signalement   et   de   notification sur les plateformes. Il  s’agit  de  rendre  le  signalement  plus   accessible, sur toutes les pages et si possible en un clic dans une logique plug- in. Rendre les critères de traitement des signalements plus transparents : proposer des critères en termes clairs, accessibles à tous et non-discriminatoires.   Les   critères   retenus,   en   particulier   lorsqu’ils   réfèrent   aux CGU, doivent être clairement énoncés, accessibles à tous, sans marge de décision arbitraires et non-discriminatoires. Renforcer et généraliser les dispositifs de fast track accordés aux associations. Certaines associations de lutte contre les discriminations disposent   d’un   accès   privilégié   aux   outils   de   signalement.   Il   s’agit   de   généraliser ces procédures. Obtenir des obligations de traitement dans des délais donnés pour les signalements opérés par les internautes auprès des plateformes ; Donner plus de visibilité à la plateforme PHAROS auprès des particuliers, notamment dans les interfaces des plateformes. Introduire le principe du contradictoire dans le retrait des contenus illégaux ou non conformes aux CGU Le principe du contradictoire est un principe de droit existant dans toute procédure, qui signifie que chacune des parties à un litige est en mesure de discuter et contester l’énoncé  des  faits  et  des  arguments  que  lui  oppose  son  adversaire.   Le   Conseil   se   prononce   en   faveur   d’une   introduction   de   ce   principe en matière   de   retrait   des   contenus   dès   lors   que   cette   mesure   s’apparente   à   une sanction (à  tout  du  moins  une  limitation  de  la  liberté  d’expression).  Ce  droit  à  
  • 84. RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 83 l’encadrement   du   retrait   des   contenus   découle   de   l’obligation   de   loyauté.   Il   s’agirait   de : Conférer  à  l’auteur  du  contenu  signalé  la  possibilité  de  faire  valoir   ses observations quant à la licéité du contenu litigieux ou sa conformité avec les CGU de la plateforme, dans un délai raisonnable. Informer   systématiquement   l’auteur   d’un   contenu   litigieux du signalement  dont  son  contenu  a  fait  l’objet. S’agissant des contenus contraires à la loi, redéfinir les équilibres Un contenu peut être illégal ou simplement contraire aux conditions générales d’utilisation   (sans   être   contraire   à   la   loi).   Concernant le   premier   cas,   l’objectif   est   d’aboutir   à   un   système   dans   lequel   la   plateforme   n’est   plus   l’unique   juge   du   “manifestement illicite”  et  qui  permet  un  retrait  rapide  des  contenus.  La procédure pourrait ainsi être repensée en ce sens : 1. Double signalement : lorsqu’un  individu  signale  un  contenu  contraire  à  la   loi,   son   signalement   est   transmis   sans   délai   à   la   plateforme   ainsi   qu’à   PHAROS saisi en parallèle. La plateforme effectue un pré-tri pour déterminer si cela relève de la loi ou de ses CGU. 2. Contradictoire : dans   le   même   temps,   l’auteur   du   contenu   litigieux   est   informé  du  signalement  et  du  fait  qu’il  peut  présenter  ses  observations  dans   un délai raisonnable. Ces observations sont transmises à la plateforme ainsi qu’à  PHAROS. 3. Retrait temporaire du contenu manifestement illicite : dès réception du signalement, la plateforme examine le contenu. Si celui-ci est manifestement illicite, elle le retire temporairement en attendant la confirmation formelle de PHAROS en charge du traitement approfondi du signalement. 4. Confirmation de PHAROS : Le cas échéant, après avoir pris connaissance des   éventuelles   observations   de   l’auteur   du   contenu   litigieux,   PHAROS   confirme ou non le caractère manifestement illicite du contenu et se réserve l’opportunité  de  transmettre  le  dossier au parquet. À défaut de confirmation, le contenu est réintégré sur la plateforme. 5. Une plateforme recensant les retraits de contenus en format libre et ouvert : PHAROS devra mettre une plateforme à disposition permettant d’assurer  un  suivi  réel  de  l’effectivité des mesures de blocage en incluant des métadonnées. Cela a pour but de permettre aux citoyens, décideurs,
  • 85. RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique84 chercheurs et journalistes de disposer d'informations fiables et transparentes sur l'étendue et la nature des retraits effectués suite à des signalements par des tiers ou par l'autorité administrative. CHILLING EFFECTS Le site Chilling Effects46 répertorie les demandes de déréférencement adressées aux moteurs de recherche, principalement pour des questions de droit d’auteurs ou de droit à l’oubli. Ce site, créé en 2001 se donne pour ambition de “prendre la température du climat légal sur le web” en hébergeant les notifications de déréférencement. Le site est une collaboration entre des associations et plusieurs départements de droits des différentes grandes universités américaines. Dispositif proposé en matière de lutte contre les contenus illicites dans nos recommandations 46 En savoir plus : http://www.chillingeffects.org/
  • 86. RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 85 S’agissant des contenus contraires aux CGU, redéfinir les équilibres Lorsque  le  contenu  litigieux  s’oppose  aux  CGUs, sans être illégal : 1. L’auteur  du  signalement  (lorsqu’il  ne  s’agit  pas  de  la  plateforme   elle-même) doit être préalablement identifié afin de prévenir des signalements abusifs 2. Information et contradictoire : l’auteur  du  contenu  litigieux  est  informé   du signalement et de son droit de faire valoir ses observations dans un délai raisonnable. 3. Le contenu en question est toujours accessible, mais signalé (pictogramme) comme potentiellement en contradiction avec les CGU, le temps que son auteur puisse faire valoir ses éventuelles observations. Si celles-ci n’aboutissent  pas  (ou  à  l’expiration  du  délai  raisonnable),  la  plateforme  exerce   son droit de modération et tranche sur le caractère non conforme ou pas. Encadrer le recours aux outils de surveillance automatique des contenus Préciser   l’obligation   d’intervention   humaine   concernant   le   filtrage   automatique a priori de contenus : imposer en ce sens une obligation de supervision humaine réelle (et non seulement formelle) et indiquer les critères d'appréciation. Dans les cas où la détection est automatisée, au regard de la masse des contenus à traiter, la décision de retrait doit être prise par un humain. Donner aux associations la capacité d’agir en justice au titre de la défense des intérêts des internautes en matière de liberté d’expression Instaurer une habilitation législative à agir en justice pour les associations de défense des droits sur Internet, en particulier dans les cas où les personnes visées par une mesure restrictive de liberté ne peuvent être représentées à l'audience (par exemple parce qu'elles ont préféré rester anonymes). IMPLIQUER LES UTILISATEURS DANS LES DISPOSITIFS DE REGULATION INTRA-PLATEFORMES Dans une visée plus prospective, impliquer plus largement les utilisateurs dans les dispositifs de régulation intra-plateformes : Impliquer la communauté dans la conception des règles de gouvernance de la gestion des contenus contributifs (community standards) Certaines plateformes présentent leur politique éditoriale comme des community standards, les règles de vie de la communauté des utilisateurs. Il s’agit de les prendre au mot et d’impliquer réellement cette communauté dans l’élaboration de ces politiques, aujourd’hui définies par les seules directions des entreprises (droit souple, charte d’engagement des plateformes), en
  • 87. RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique86 particulier pour ce qui est de la gestion des contenus contributifs. Renforcer les sanctions intra-plateformes en faisant levier sur le capital social des individus Plutôt que de se contenter de la menace lointaine et abstraite d’un juge, repenser les sanctions à l’intérieur même des plateformes, en amont et en complément de la réponse pénale : -­‐ mettre en place un éventail de sanctions proportionnées et graduées : message d’avertissement public ou privé, gel du compte incriminé pour une durée plus ou moins longue (éventuellement accompagné d’une mention publique), utilisation du compte pour diffuser des contre-messages, enfin, fermeture définitive du compte. -­‐ pour des sanctions pédagogiques et dissuasives, faire levier sur le capital social des individus en privant les auteurs de contenus illicites d’une audience qu’ils ont parfois mis longtemps à constituer, en touchant le cœur de la stratégie des producteurs et diffuseurs de ces contenus. 13. Cadre légal du renseignement : allier efficacité et respect des libertés publiques et individuelles Le  gouvernement  s’est  engagé  dans  une  clarification  et  une  redéfinition  du  cadre  légal   des compétences et responsabilités des acteurs du renseignement. Cette démarche mérite   d’être   saluée,   car   elle   contribue   à   rendre   plus   transparente   l’action   de   la   communauté du renseignement. En clarifiant ce cadre et en sortant certaines pratiques   d’une   pénombre   juridique,   elle   permet   aussi   de   dissiper   beaucoup   de   fantasmes sur les actions des services de renseignements. Toutefois, le Conseil réaffirme ses inquiétudes concernant une importante extension du périmètre de la surveillance, sans que des garanties substantielles ne soient apportées. Le Conseil national du numérique souhaite que cette loi contribue  à  rénover  le  cadre  d’action  du  renseignement  tout  en  assurant   sa conformité avec les engagements pris par la France en matière de libertés publiques et individuelles. À cette fin, le Conseil insiste fortement sur la nécessité de : Introduire au plus haut niveau de la hiérarchie des normes un principe selon lequel la surveillance de masse, généralisée et indifférenciée, est étrangère à l'État de droit. Proscrire le recours à une gouvernance algorithmique de la surveillance. Le projet de loi sur le renseignement introduit une détection automatisée   des   “signaux faibles”   liés   à   une   menace   terroriste.   Ce   modèle   suppose une surveillance préalable indiscriminée des métadonnées (données
  • 88. RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 87 de connexion) et confine à une forme de surveillance de masse. Si une limitation   qualitative   du   dispositif   s’avère   impossible,   il   conviendrait   de   renoncer   à   ces   techniques,   dont   l’installation   dans   les   réseaux   (infrastructures, cloud, etc.) est coûteuse pour nos budgets comme pour nos libertés.  L’efficacité  d’une  surveillance de masse des métadonnées est en outre particulièrement remise en cause aux États-Unis. L’EFFICACITÉ DU DISPOSITIF ALGORITHMIQUE DE DÉTECTION EN QUESTION Le dispositif de détection automatisée d’une menace terroriste prévu par le projet de loi interroge quant à son efficacité. En l’état de l’art, les spécialistes sont unanimes : quand bien même le dispositif algorithmique en question serait extrêmement sophistiqué, il ne pourrait pas échapper à une quantité significative de “faux positifs”, i.e. des individus identifiés comme potentiellement suspects et qui se révèleront hors de tout soupçon. En effet, les comportements « terroristes » ne présentent pas une fréquence suffisante pour permettre de nourrir une méthode automatisée. Ce phénomène, très connu, est lié à l’identification statistique d’évènements rares47 . De plus, les individus ciblés par ce dispositif adopteront un comportement visant à échapper aux modèles de comportements (patterns) paramétrés par l’algorithme puisqu’ils s’adaptent en permanence pour échapper à la détection. A ce titre, il apparaît malaisé de comparer ces méthodes de détection automatisées avec les traitements massifs de données opérés par les géants de l’Internet à des fins de ciblage publicitaire : non seulement ces derniers allouent à la recherche et au développement de leurs algorithmes des budgets astronomiques, mais ils utilisent des traces présentant une fréquence beaucoup plus importante - les habitudes de consommation : si les algorithmes d’Amazon sont doués pour recommander des livres qui plairont à ses clients, c’est parce que le géant du net se fonde sur des millions d’objets achetés par le passé. QU’EST-CE QU’UNE METADONNEE ? Une métadonnée est une donnée servant à définir ou décrire une autre données : il s’agit des informations qui décrivent techniquement une communication (“qui ?”, “où ?” et “quand ?”). Elles s’opposent donc au contenu de cette communication (“quoi ?”). Un exemple type de métadonnée est d’associer à une donnée la date à laquelle elle a été produite ou enregistrée, ou à une photo les coordonnées GPS du lieu où elle a été prise. Contrairement à une croyance répandue, les données de connexion peuvent 47 « Supposons que  l’on  recherche  des  terroristes  dans  une  population.  Tout  algorithme   de  détection  a  une  marge  d’erreur  c’est-à-dire va identifier des personnes sans intention  terroriste  (des  «  faux-positifs  »).  Si  la  marge  d’erreur  est  de  1%,  ce  qui  est  considéré  à  ce  jour   comme  très  faible,  l’algorithme  identifiera  quelques  600  000  personnes  sur une population totale de 60 millions de personnes. Si le nombre de vrais terroristes est par exemple de 60, ces  vrais  terroristes  ne  représenteront  que  0,01%  de  la  population  identifiée. » [ Source : http://www.cil.cnrs.fr/CIL/IMG/pdf/265206918-Note-interne-de-l-Inria.pdf].
  • 89. RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique88 être extrêmement révélatrices, prises seules mais surtout par leur agrégat. Enfin, comme le remarque la CNIL – les données collectées par l’algorithme ne sauraient constituer des éléments anonymes dans la mesure où les métadonnées sont indirectement ou directement identifiantes. Il est en effet très facile d’assurer l’identification d’un individu en combinant un petit nombre de traitements de données. De nombreuses études48 , ainsi que la Cour de justice de l’Union européenne l’ont expliqué très clairement : « ces données, prises dans leur ensemble, sont susceptibles de permettre de tirer des conclusions très précises concernant la personne dont les données ont été conservées, telles que les habitudes de la vie quotidienne, les lieux de séjour permanents ou temporaires, les déplacements journaliers ou autres, les activités exercées, les relations sociales de ces personnes et les milieux sociaux fréquentés par celles ci ».49 Si  de  tels  dispositifs  prennent  malgré  tout  une  place  durable  dans  l’appareil   de renseignement français, il est nécessaire de réaffirmer et renforcer l’interdiction   de   prendre   une décision produisant des effets juridiques   à   l’égard   d’une   personne   “sur   le   seul   fondement   d’un   traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l’intéressé  ou  à  évaluer  certains  aspects  de  sa  personnalité”50. Définir plus strictement les finalités générales de recours à la surveillance et encadrer par la loi les missions de chacun des services de renseignement,   aujourd’hui   prévues   par   décret.   Une   formulation large des motifs du renseignement ne peut constituer le prétexte à une extension du champ de la surveillance. Renforcer le contrôle et les garanties démocratiques : -­‐ Donner les moyens budgétaires, humains et techniques à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR)  indispensable  à  l’effectivité  de  son   contrôle et la doter de pouvoirs d’enquête  renforcés : visites à discrétion dans les services, accès en direct aux données et pouvoir  d’audition  sans  limitation,  comme  cela  est  déjà  prévu   pour les contrôleurs d’autres  pays.  Le  CNNum  insiste  sur  la   nécessité  d’un  recrutement  de  compétences  techniques  à  la   hauteur des nouvelles approches de la surveillance. -­‐ Faciliter  le  recours  de  la  CNCTR  devant  le  Conseil  d’État. Le Conseil  d’État  doit  pouvoir  être  saisi  à  la  demande  d’un  seul   membre de la CNCTR. 48 Par exemple : http://webpolicy.org/2014/03/12/metaphone-the-sensitivity-of-telephone- metadata/ 49 CJUE, arrêt du 8 avril 2014 (C-293/12 et C-594/12). 50 article 10 de la loi Informatique et Libertés.
  • 90. RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 89 Organiser un e-G20 pour porter un projet de traité contre la surveillance de masse. La  France  doit  s’appuyer  sur  le  travail  effectué  par   le  large  réseau  impliqué  dans  l’étude  de  l’application des droits humains à la surveillance des communications ayant abouti au texte Necessary and Proportionnate pour porter un traité international contre la surveillance de masse dans une conférence e-G20. La France pourrait se proposer pour accueillir cette rencontre à Paris. 14. Protéger les lanceurs d’alertes QU’EST CE QU’UN LANCEUR D’ALERTE ? Le Conseil emprunte ici la définition proposée par Transparency International France51 . Le lanceur d’alerte est « tout employé qui signale un fait illégal, illicite ou dangereux pour autrui, touchant à l’intérêt général, aux instances ou aux personnes ayant le pouvoir d’y mettre fin”. En résumé, il s’agit donc d’un employé faisant un signalement touchant à l’intérêt général : crime ou délit, erreur judiciaire, corruption, atteintes à la sécurité, la santé publique ou l’environnement, abus de pouvoir, usage illégal de fonds publics, graves erreurs de gestion, conflits d’intérêts ou dissimulation des preuves afférentes.” La loi française n’offre pas de définition globale du lanceur d’alerte, mais seulement une définition partielle, limitée à la santé publique et à l’environnement (art. 1er de la loi du 16 avril 2013 dite loi Blandin,). Depuis  2007,  cinq  lois  de  protection  des  lanceurs  d’alerte  ont  vu  le  jour  en France : malgré ces avancées, le cadre juridique applicable reste lacunaire et disparate. La concertation   souligne   l’importance   d’établir   un   régime   français   de   protection   des   lanceurs  d’alerte  complet,  plus  clair  et  plus  effectif.   Homogénéiser les protections   aujourd’hui   disparates   pour   qu’elles   couvrent l’ensemble des problématiques (santé, fiscalité, renseignement, etc.) et  cesser  l’approche  par  silos  thématiques.   Doter le Défenseur des droits de la compétence nécessaire pour assurer une protection effective   des   lanceurs   d’alerte. Pour les activités de renseignement touchant au secret défense, doter la CNCIS ou future   CNCTR   d’un   pouvoir   d’écoute,   de   réception   des   signalements   et   de   médiation sur le sujet. 51 http://www.agircontrelacorruption.fr/wp-content/uploads/2014/12/GP-a%CC%80-lusage-du-lanceur- dalerte-franc%CC%A7ais-v.5_pages.pdf Voir également : http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Discours- Interventions/Lanceurs-d-alerte-la-securisation-des-canaux-et-des-procedures
  • 91. RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique90 15. Promouvoir le chiffrement des données, levier de sécurité Dans le contexte du débat actuel sur la cryptographie, le Conseil national du numérique se positionne en faveur du déploiement des pratiques de chiffrement des données. Le chiffrement est un levier de sécurité essentiel : il permet en effet une société numérique plus sécurisée, notamment en réduisant les opportunités de vol de données bancaires et personnelles. Il permet également de restaurer la souveraineté numérique de la France, en rendant les communications personnelles des citoyens français  moins  susceptibles  aux  captations  et  interceptions  d’acteurs  étrangers.  Enfin,   le chiffrement est un outil essentiel dans la protection du droit fondamental à la vie privée des citoyens. Partant, le Conseil préconise de : Déployer massivement le chiffrement, à la fois pour les données stockées et pour celles circulant sur les réseaux. Soutenir   l’Agence   nationale   de   sécurité   des   systèmes   d’information   (ANSSI)   dans   ses   efforts   de   contrôle   des   pratiques   de chiffrement et de sécurité des systèmes informatiques dans l’administration, ainsi que dans sa mission de formation aux pratiques de la sécurité informatique vis-à-vis des entreprises et du grand public. Enseigner  le  chiffrement  des  communications  à  l’école. Le recours à des outils en logiciel libre dans cet enseignement doit être systématisé. Par ailleurs, nous devons tirer les leçons des dérives du Computer Fraud and Abuse Act américain de 1986 et prévenir une évolution qui tend à criminaliser toute forme de hacking sans distinction. Enfin, il faut proscrire les approches visant à imposer aux entreprises de confier les clés  de  chiffrement  ou  d’offrir  des  “portes  dérobées”  aux  services  de  renseignement.   Elles ne feraient qu'affaiblir la sécurité des données dans le cas de l'espionnage économique. 16. Réformer le Fichier national des empreintes digitales et le Fichier national des empreintes génétiques La concertation a souligné que la France est trop régulièrement condamnée pour sa gestion des fichiers de police, contraire au respect des droits humains et des libertés fondamentales. Le   Conseil   recommande   d’appliquer les recommandations du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de
  • 92. RÉAFFIRMER L’ÉTAT DE DROIT LOYAUTÉ ET LIBERTÉ DANS UN ESPACE NUMÉRIQUE EN COMMUN Ambition numérique 91 l’Homme   sur   les   fichiers   de   police sur la durée de conservation, la possibilité d’effacement  en  cas  d’innocence  avérée  ou  d’erreur,  la  proportionnalité  de  la  durée  de   conservation  avec  l’infraction  commise,  etc.   17. S’engager contre l’exportation de technologies de surveillance et de censure d’Internet à destination des régimes autoritaires La  France  a  une  responsabilité  dans  l’encadrement  de  l’exportation  des  technologies   de surveillance et de censure déployées pour violer les droits humains des populations des régimes autoritaires. À cette fin, il est nécessaire de : S’engager   au   niveau   national   à   exercer   un   contrôle   plus   strict   et   plus  rigoureux  de  l’export  de  ces  technologies  à  double  usage  vers   les régimes autoritaires ; le passage par des filiales hébergées dans des “paradis   juridiques”   doit   être   pris   en   compte   pour   que   cette   pratique   ne   permette  pas  aux  entreprises  françaises  de  s’affranchir  de  leurs  obligations  à   ce sujet. Travailler, au niveau européen, avec les États membres et la société  civile  pour  que  l’Europe  produise  des  normes exemplaires en la matière. Un premier pas de la Commission européenne doit être salué avec  l’ajout  à  sa  liste  de  contrôle  de  biens  à  double  usage  de  nouvelles  formes   spécifiques de technologies de surveillance :   les   amendements   à   l’accord   de   Wassenaar52 manquent toutefois de précision et restent trop ouverts à l’interprétation.   Un   point   de   vigilance   doit   également   être   observé : il est essentiel   que   la   régulation   n’empêche   pas   la   recherche   indépendante,   et   notamment  les  professionnels  de  la  sécurité,  d’accéder à ces technologies. LE MARCHE GLOBAL DE TECHNOLOGIES DE SURVEILLANCE - IMPACT SUR LES DEFENSEURS DES DROITS HUMAIN Le rapport du Citizen Lab53 de l’Université de Toronto éclaire l’industrie des technologies de surveillance et son dangereux impact sur la société civile et les défenseurs des droits humains à travers le monde. Il montre combien les défenseurs des droits de l’homme à travers le monde sont la cible de technologies de surveillance et d’attaques informatiques. 52 L’arrangement de Wassenaar, établi en 1996, porte sur le contrôle des exportations d'armes conventionnelles et de biens et technologies à double usage. 53 https://citizenlab.org/2013/12/shedding-light-on-the-surveillance-industry/
  • 93. La forme que prendra la transformation numérique de l'action publique n'est pas déterminée à l'avance. Elle peut revêtir des significations politiques très différentes.
  • 94. Volet 2 Vers une nouvelle conception de l’action publique : ouverture, innovation, participation
  • 96. Sommaire 18. Donner une nouvelle impulsion à la transformation numérique de l’action publique 102 S’engager vers un Gouvernement plus ouvert 105 19. Développer la co-élaboration des politiques publiques 106 20. Renforcer la transparence et la traçabilité des processus décisionnels 111 21. Développer de nouveaux modes d’évaluation des politiques publiques 114 Développer des services publics numériques adaptés aux usages, dans un cadre de confiance 116 22. Partir des expériences des usagers pour améliorer la conception des services publics 117 23. Développer la médiation autour des services publics numériques 122 24. Encadrer l’utilisation et l’échange des données personnelles détenues par l’administration 125 25. Favoriser la création d’espaces numériques personnels pour visualiser ses démarches et stocker ses documents administratifs 131 Donner une nouvelle ambition à la stratégie d’ouverture des données publiques 134 26. Opter pour une ouverture par défaut des données publiques, avec un objectif général de gratuité 135 27. Favoriser le développement et la coordination des stratégies d’ouverture des données publiques 143 28. Repenser le droit d’accès aux documents administratifs, dans le contexte d’ouverture des données publiques 146 29. Encourager au cas par cas le partage de données des acteurs économiques et de la société civile, en veillant au respect des droits fondamentaux et à l’équilibre des intérêts des parties prenantes 151 Diffuser une culture de l’innovation au sein de la fonction publique 158 30. Renforcer la littératie numérique des agents publics 159 31. Développer les pratiques collaboratives et le partage d’expériences 162 32. Mieux piloter la commande publique grâce aux données et l’orienter davantage en faveur de l’innovation 167
  • 98. VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 97 Le   numérique   est   un   facteur   de   renouveau   de   l’action   publique   qui   s’impose   à   l’ensemble  des  acteurs  publics  (État,  collectivités  territoriales,  établissements  publics,   etc.) et irrigue toutes les politiques publiques (santé, éducation, formation professionnelle, etc.). Cette transformation numérique est encore à ses débuts et tend à soumettre les acteurs publics   à   une   pression   de   plus   en   plus   grande,   au   croisement   d’une   demande   de   la   société   civile   et   d’une   volonté   de   transformation   de   l’État. Cette pression se traduit tout  d’abord  par  une  volonté  des  citoyens  d’accéder  à  des  informations transparentes sur   la   vie   publique,   et   d’y   participer   de   manière   continue   en   dehors   du   temps   des   élections.  Le  numérique  offre  aux  citoyens  de  nouveaux  moyens  d’exercer  leur  pouvoir   d’agir,  ce  qui  amène  les  acteurs   publics  à  s’ouvrir  davantage  et  à penser de nouvelles méthodes collaboratives  d’élaboration  des   politiques publiques. De même, le développement de services concurrents aux services publics contraint l’administration   à   s’interroger   sur   l’efficacité   de   ses   services   pour les adapter davantage aux besoins des usagers. Un grand nombre   d’acteurs   privés   proposent des services du même ordre que les services publics, sans pour autant obéir aux   mêmes   principes   (égalité   d’accès,   continuité,   etc.)   ni   poursuivre   des   finalités   d’intérêt   général.   Enfin,   la   place   croissante   du   numérique   dans   l’action   publique   soulève   de   nouveaux   enjeux   juridiques.   Elle   oblige   l’administration   à   penser   de   nouveaux  droits  pour  les  citoyens,  comme  le  droit  à  l’ouverture  des  données  publiques   ou encore le droit de regard sur l’utilisation   de   ses   données   personnelles   par   l’administration.   Le développement de nouveaux usages numériques individuels et collectif, en décalage avec les pratiques du secteur public, dynamite le fonctionnement traditionnel de l’administration  et  la  contraint à impulser en interne une dynamique de changement. La   forme   que   prendra   la   transformation   numérique   de   l’action   publique   n’est   pas   déterminée   à   l’avance.   Elle   peut   revêtir   des   significations   politiques   très   différentes   selon les choix effectués. Ainsi, pour que cette transformation corresponde aux principes  de  l’action  publique,  les  acteurs  publics  doivent  mettre  les  nouveaux  outils  et   pratiques   numériques   au   service   de   la   transparence,   de   l’ouverture   et   de   l’agilité   de   leurs  modes  d’intervention.  Cela  suppose  d’aller  au-delà de la simple dématérialisation des   informations   et   des   services   publics,   et   de   repenser   l’ensemble   de   son   Le développement de nouveaux usages numériques dynamite le fonctionnement traditionnel de l’administration et la contraint à impulser en interne une dynamique de changement.
  • 99. VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 98 organisation,   ses   modes   d’action   et   ses   relations   avec   tous   les   acteurs   de   la   société   numérique. Réinventer les formes d'intervention  de  l’action  publique  avec  le  numérique  vise  non   seulement  à  renforcer  l’efficience  des  politiques  publiques,  mais  également  à  mettre  en   œuvre   des   objectifs   sociaux,   politiques   et   économiques.   Les   outils   numériques   permettent en effet de cibler de  manière  plus  fine  les  besoins  et  d’assurer  une  gestion   en temps réel des politiques, dans un objectif de redistribution des moyens et des priorités fixés. Au-delà   de   l’enjeu   d’optimisation   des   moyens   publics,   le   numérique   peut donc être mobilisé au service  de  l’intérêt  général  pour  rendre  l’action  publique   plus agile et in fine tendre  vers  l’optimisation  du  bien-être collectif. La   transformation   de   l’action   publique   doit   donc   s’accompagner   d’une   vision   stratégique  à  l’échelle  locale,  nationale  et  européenne.  Elle  ne  pourra  se  faire  que  si   une instance impulse des orientations prioritaires communes et mobilise l’ensemble   des acteurs  engagés.  Cela  suppose  de  développer  un  plan  d’action  à  long  terme,  tout  en   soutenant   les   initiatives   existantes   et   à   venir.   Ce   n’est   qu’à   cette   condition   que   la   transformation  numérique  de  l’action  publique  ne  se  limitera  pas  à  un  choc  exogène   ou une accumulation de choix techniques, mais permettra de réinventer effectivement les  formes  d’intervention  de  l’action  publique. Partant de ce constat, le Conseil met en évidence trois principes visant à guider la transformation  numérique  de  l’action  publique : L’ouverture des processus décisionnels, au service d’un renforcement du pouvoir d’agir Avec  le  numérique,  l’heure  est  venue  de  développer   des  processus  décisionnels  plus   ouverts et partagés afin de mobiliser la créativité collective autour des enjeux de plus en   plus   complexes   qu’adressent   les   politiques   publiques.   Le   numérique   permet   d’augmenter la transparence et la traçabilité   de   l’action   publique.   Mais   ce   n’est   que   s’il   est   mobilisé   pour   développer de nouveaux modes de participation aux processus décisionnels   qu’il   pourra   renforcer   effectivement   le   pouvoir   d’agir   des   citoyens. Le défi est donc de rompre avec  une  vision  de  l’expertise  verticale   et cloisonnée, et de développer des pratiques de co-construction des politiques publiques   intégrant   l’ensemble   des   acteurs   de   la   société   numérique : citoyens, entreprises, associations, syndicats, chercheurs, etc. Il nous faut rompre avec une vision de l’expertise verticale et cloisonnée pour développer des pratiques de co-construction des politiques publiques.
  • 100. VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 99 Les usages au centre de l’élaboration des politiques et des services publics Si  les  usages  n’ont  jamais  été  absents  des  processus  de  conception  des  services  publics,   le numérique permet de les prendre davantage en compte pour en faire le socle fondamental   de   l’élaboration   de   services   publics   de   demain.   En   effet,   le   numérique   offre de nombreuses potentialités pour dessiner des services qui tiennent compte de la pluralité des usages, proposent à chaque usager un suivi personnalisé et évoluent en permanence  avec  les  retours  d’expérience  selon  une  logique  d’adaptabilité.   Il  s’agit  donc  de  promouvoir  un  ensemble  de  méthodes  favorisant  une  conception  des   services publics orientés par les usages et privilégiant les expérimentations. Cette démarche qualifiée   de   “design   thinking”   à   l’échelle   internationale, est encore à ses débuts et pourrait être diffusée plus largement dans le secteur public. Le développement du design des services publics ne doit évidemment pas se résumer à une approche esthétique, mais doit être un vecteur majeur de simplification et de transformation des procédures administratives. Il doit aller de pair avec la mise en place   d’architectures   techniques   de   qualité   et   éventuellement   conduire   à   un   renouvellement du fonctionnement interne  de  l’administration  (approche  transversale   des expertises, développement de procédures plus agiles, etc.) L’innovation au cœur de l’action publique Diffuser  une  culture  de  l’innovation  au  sein  de  l’administration  est  une  priorité,  qui   doit  s’incarner  tant  au  niveau  de  l’État  qu’à  celui  des  territoires.  Si  la  fonction  publique   compte   des   agents   compétents   et   désireux   d’innover, ce fort potentiel ne peut être libéré   qu’en   permettant   à   chaque   agent   de   s’exprimer,   de   lancer   un   projet   ou   d’y   participer.   L’enjeu   est   donc   de   passer   d’une   administration   fondée   sur   une   organisation hiérarchique pyramidale et un fonctionnement vertical, à une administration  plus  agile   et  ouverte  aux  pratiques  collaboratives.   Ce  n’est   qu’à  cette   condition que les agents publics seront de véritables acteurs et ambassadeurs de la transformation numérique. Par ailleurs, développer l’esprit  d’innovation  invite  l’administration  à  basculer  d’une   culture   de   la   détention   de   l’information   à   une   culture   de   diffusion   de   l’information. L’ouverture   des   données   publiques   est   en   effet   un   levier   pour   soutenir   l’innovation   économique et sociale, mais également pour améliorer le fonctionnement des administrations.   A   rebours   de   l’exploitation   commerciale   des   données,   les   acteurs   publics doivent davantage s’orienter  vers  une  politique  d'ouverture  et  de  gratuité  des   données. Cette politique ne peut néanmoins conduire les pouvoirs publics à renoncer à toute capacité de déterminer des conditions de réutilisation pour réguler certains secteurs  de  l’économie.
  • 101. VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 100 Innover à partir des données présente de nombreuses opportunités. Les acteurs publics   pourraient   décupler   leurs   moyens   d’action   en   ayant   recours   à   une   méthode   innovante de croisement des données publiques avec des données produites par d’autres   acteurs,   sous   réserve   d’un   juste   équilibre   entre   les   intérêts   des   parties   prenantes et du respect des droits fondamentaux. En effet, certaines données détenues par des organismes délégataires de service public justifient que les pouvoirs publics puissent accéder à ces données au cas par cas, pour en faire des biens communs au service   de   l’intérêt   général.   Certaines   données   détenues   par   des   acteurs   privés   en   dehors   de   mission   de   service   public   peuvent   également   être   considérées   d’utilité   publique à des fins de recherches ou dans certaines circonstances (crises sanitaires, environnementales, etc.). La mise en commun de ces données devrait être encouragée sur une base volontaire et au cas par cas. Le Conseil rappelle que : La  transformation  numérique  de  l’action  publique  n’a  de  sens  que  si  elle  respecte  un   certain nombre de principes, inhérents aux fondements du droit public. Ces principes constituent  autant  de  prérequis  pour  l’intégration  de  tous  et  le  respect  des  libertés  et   droits fondamentaux. L’accès de tous aux informations et aux services publics L’ouverture   des   informations   publiques   et   le   développement   de   services   publics   numériques  doivent  s’accompagner  de  mesures  permettant  d’en  garantir  effectivement   l’accès   à   tous.   Les   sites   publics   (sites   d’informations,   plateformes de consultation publique   ou   d’accès   à   un   service,   etc.)   doivent   tout   d’abord   respecter   les   exigences   d’accessibilité   afin   d’en   assurer   l’accès   aux   personnes   en   situation   de   handicap.   La   définition de normes techniques est également un enjeu majeur pour la mise à disposition des informations publiques : des réflexions doivent être menées sur la mise en place de formats lisibles et interopérables pour accéder à une information de qualité, facilement réutilisable. Au-delà   d’un   strict   respect   des   normes techniques   d’accessibilité,   la   question   de   l’égalité  d’accès  aux  services  publics  mérite  d’être  reposée  à  l’heure  du  numérique.  La   personnalisation des services rendue possible par les nouvelles technologies ne porte pas nécessairement atteinte au principe  d’égalité.  Au  contraire,  elle  est  susceptible  de   renforcer  l’accès  de  tous  aux  services  publics  et  à  leurs  droits,  par  une  prise  en  compte   plus ciblée des besoins et un accompagnement sur mesure. Le déploiement de services publics numériques devra être conçu   en   continuité   de   l’offre   de   services   publics   physiques,  en  veillant  à  l’aménagement  numérique  des  territoires  et  au  développement   de   dispositifs   de   médiation   humaine.   Dans   une   logique   d’inclusion,   il   est   en   effet  
  • 102. VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 101 indispensable   d’aider   les   populations   les   plus   éloignées   à   s’emparer   des   nouveaux   usages numériques pour réaliser leurs démarches administratives. Un État garant d’un cadre de confiance pour les relations entre les citoyens et les pouvoirs publics La dématérialisation des services publics et la multiplication des données personnelles collectées  par  l’administration  peuvent  potentiellement  conduire  à  des  dérives  comme   des pratiques de surveillance généralisée. Si les entreprises du numérique sont tenus de respecter des obligations de loyauté vis-à-vis des utilisateurs (cf. volet I du rapport “Assurer  loyauté  et  liberté  dans  un  espace  numérique  en  commun”),  l’État  doit  faire   preuve   d’exemplarité   pour   garantir   les   droits   et   libertés   fondamentaux   numérique.   Dans  le  respect  de  l’État de droit, il doit  établir  un  cadre  de  confiance  pour  l’utilisation,   l’échange   et   la   conservation   des   informations   personnelles   des   citoyens.   Les   recoupements de données doivent être limités et encadrés strictement. Cela suppose d’assurer à chacun un droit de regard sur l’utilisation   de   données   personnelles   collectées  par  l’administration,  ainsi  que  de  prévoir  des  garanties  pour  la  protection  de   données.
  • 103. VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 102 18. Donner une nouvelle impulsion à la transformation numérique de l’action publique La transformation numérique des pouvoirs  publics  ne  peut  s’effectuer  uniquement  par   le  biais  d’un  ensemble  de  normes,  légales  ou  réglementaires,  ni  reposer  sur  la  simple   invocation  d’un  changement  par  le  bas.  Alors  même  que  la  feuille  de  route  pour  un   gouvernement ouvert va être mise en place et que la Commission européenne s’apprête  à  publier  sa  stratégie  numérique,  la  France  doit  plutôt  réaffirmer  la  nécessité   d’une   vision   stratégique   de   la   transformation   numérique   à   tous   les   échelons   de   l’administration.   Afin de promouvoir une acculturation   de   l’administration   et   ancrer   une   véritable   dynamique   de   changement,   l’impulsion   de   la   transformation   numérique   de   l’action   publique doit être renforcée. Les instances de pilotage existantes ont déjà permis de dessiner des lignes directrices et des orientations stratégiques. Néanmoins la gouvernance  de  la  transformation  numérique  de  l’action  publique  reste  encore  éclatée,   et les instances de pilotage sont trop souvent investies de pouvoirs et moyens insuffisants. Cela nuit considérablement à la cohérence,  la  visibilité  et  l’efficacité  des   actions entreprises. C’est   pourquoi   le   Conseil   national   du   numérique   suggère   de   développer   une  vision  stratégique  globale  de  la  transformation  numérique  de  l’action   publique au plus haut niveau, à travers la co-construction  d’une  feuille  de   route comportant des priorités stratégiques à court, moyen et long terme. Il   s’agit   de   promouvoir   une   gouvernance   souple   et   ouverte   de   cette   transformation numérique, en fédérant les diverses initiatives des agents publics tout en préservant leur caractère spontané. Dans ce cadre, une réflexion  pourrait  être  menée  sur  l’évolution  du  rôle  et   des  moyens  du  Secrétariat  général  à  la  modernisation  de  l’action  publique   (SGMAP) afin de donner une nouvelle impulsion à la stratégie numérique : Le  renforcement  du  rôle  d’orientation  stratégique  du SGMAP pour- rait   se   traduire   par   la   mise   en   place   d’une   équipe   chargée   de   réfléchir   aux   grands  enjeux  de  la  transformation  numérique  de  l’action  publique  et  de  pro- poser un ensemble de lignes directrices, co-construites   avec   l’ensemble   des   parties prenantes via des consultations ; Le SGMAP joue également un rôle de fédération des acteurs et des initiatives  dont  l’importance  pourrait  être  réaffirmée. Ainsi le déve- loppement des synergies entre le SGMAP et les différentes administrations pourrait donner lieu à une reconfiguration du réseau des correspondants du SGMAP  au  sein  des  ministères,  voire  à  une  extension  à  d’autres  institutions   publiques locales ou nationales. Une telle approche permettrait de favoriser la
  • 104. VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 103 prise en compte systématique du numérique dans les stratégies de modernisa- tion  de  l’action  publique,  de  renforcer  la  cohérence  des  actions  entreprises  et   d’augmenter  le  partage  des  bonnes  pratiques.   Par ailleurs, il serait opportun de développer le rôle du SGMAP en tant que soutien des stratégies de transformation numérique. -­‐ Des équipes spécialisées pourraient être détachées de manière provisoire dans les directions ou les administrations demandeuses afin de les soutenir dans le pilotage ou la mise en œuvre de leurs projets. -­‐ La mise en place start-ups d’État, pourrait être systématisée. La méthode des start-ups  d’État54 consiste à repérer un agent public ayant  identifié  un  problème  précis,  puis  à  le  doter  d’une  zone   d’autonomie  d’action,  d’une  équipe  réduite,  d’un  budget  pour   développer une solution en quelques mois, en interagissant en permanence avec les usagers concernés. (cf. recommandation n°31 sur le développement des pratiques collaboratives) Donner   une   nouvelle   impulsion   à   la   transformation   numérique   de   l’action   publique   implique en effet de laisser une large place aux initiatives des agents publics ainsi qu’aux   réseaux,   collaborations   et   bonnes   pratiques   qui   existent   dans   les   différentes   administrations. En aucun cas la mise en œuvre   d’une   gouvernance   de   la   stratégie   numérique ne doit éluder la nécessaire  prise  en  compte  de  la  construction  “par  le  bas”   et conduire à une institutionnalisation qui serait facteur de rigidité. En outre, elle ne doit pas aboutir à une centralisation des décisions, mais au contraire intégrer les dynamiques territoriales. Les acteurs publics déconcentrés et décentralisés doivent systématiquement être inclus dans la définition de   la   stratégie   de   transformation   numérique   de   l’action   publique.   Il   s’agit   d’encourager,   valoriser   et   faire   converger   les   énergies   territoriales   en veillant à préserver  une  cohérence  d’ensemble.   54 Une dizaine de startups  d’Etat  ont  ainsi  été  montées  l’an  dernier.  Elles  ont  notamment  permis   de  développer  l’application  “Mes  aides”,  qui  permet  au  citoyen  de  savoir  rapidement  à  quelles   aides   de   l’Etat   il   a   droit   ou   encore   l’outil   “Marchés   publics   simplifiés”   qui   facilite   l’accès   des   entreprises aux marchés publics. (Source : la revue Acteurs publics, n°114, p. 64)
  • 105. VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 104 LA TRANSFO La Transfo est un programme expérimental et inter-administrations initié en 2011 par la 27e région, qui est une association “laboratoire de transformation publique”. Ce programme vise à prototyper avec les collectivités partenaires leur propre fonction « design & innovation » ou « Labo ». À cette fin, une équipe pluridisciplinaire de résidents est intégrée au sein de l’administration pendant dix semaines sur une période de deux à trois ans pour jouer le rôle de laboratoire provisoire. Les résidents travaillent avec les agents, les élus, les citoyens et l’écosystème territorial sur un thème donné afin de tester « en situation réelle » la future fonction innovation, ses méthodes, son équipe, son inscription dans l’organigramme etc. Source : http://www.la27eregion.fr/transfo/
  • 106. S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 105 S’engager vers un gouvernement plus ouvert Le numérique constitue un véritable levier pour améliorer la transparence de la vie publique   et   développer   de   nouveaux   modes   de   participation   favorisant   l’émergence   d’une   société   contributive.   Les   acteurs   publics   doivent   prendre   les   devants   pour   développer des modes de gouvernance plus partagés et inclusifs, en adaptant leurs procédures internes et modes de travail. Cet engagement pourrait trouver une traduction concrète   dans   le   plan   d’action   national   de   la   France   pour   le   Partenariat   pour un gouvernement ouvert (cf. encadré),   mais   également   à   l’échelle   locale   et   européenne. Les   nouvelles   technologies   peuvent   tout   d’abord   être   mobilisées   pour   renforcer   la   transparence de l’action  publique  et  mettre  en  pratique  la  responsabilité  des  décideurs   publics   sur   les   politiques   qu’ils   conduisent.   L’ouverture   des   données   publiques   (recommandations n°26 à 29), la traçabilité numérique des processus décisionnels et les  modes  d’évaluation participatives des politiques publiques (recommandation n°20 et 21) sont  autant  de  voies  pour  augmenter  la  redevabilité  de  l’action  publique.   Par   ailleurs,   le   numérique   peut   être   le   vecteur   d’un   renforcement   du   pouvoir   d’agir   collectif des individus s’il  s’accompagne  d’une  ouverture  concomitante  des  processus   décisionnels (recommandation n°19) et de la mise à disposition des informations publiques (recommandations n°26 à18). Développer des méthodes de co-construction des politiques publiques selon une logique plus horizontale et inclusive aurait pour conséquence de mieux faire coïncider le temps de la participation citoyenne avec le temps administratif et législatif. Au-delà   de   l’objectif   démocratique,   l’élaboration   collaborative des politiques publiques répond également à une double exigence d’efficacité   et   d’efficience   de   l’action   publique.   Il   s’agit   de   rendre   les   politiques   publiques plus adaptées aux besoins de la société dans une logique de design thinking.
  • 107. S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 106 LE PARTENARIAT POUR UN GOUVERNEMENT OUVERT (OPEN GOVERNMENT PARTNERSHIP) Lancé en 2011, le Partenariat pour un gouvernement ouvert est une initiative internationale qui regroupe près de 65 États autour de la promotion de la transparence, de l’intégrité et de l’ouverture de l’action publique à la participation citoyenne. La France a rejoint ce Partenariat en mai 2014 et est appelée à élaborer une feuille de route d’ici le premier semestre 2015, en associant l’ensemble des acteurs de la société civile dans une consultation ouverte et transparente. Elle a rejoint le comité directeur du Partenariat pour un gouvernement ouvert en septembre 2014. Source : http://www.opengovpartnership.org/ Pour en savoir plus : Les rapports d’évaluation des avancées des États membres de l’OGP sont disponibles au lien suivant : http://www.opengovpartnership.org/independent-reporting-mechanism 19. Développer la co-élaboration des politiques publiques Les démarches de co-construction  des  politiques  publiques  ont  pour  objectif  d’ouvrir   des  espaces  d’expression  et  d’échange  avec  l’ensemble  des  parties  prenantes  (acteurs   de la société civile, entreprises, syndicats et associations, etc.) pour concevoir des mesures plus ciblées et adaptées à la réalité de terrain. Ces initiatives des politiques publiques  relèvent  à  l’heure  actuelle  d’une  démarche  expérimentale. Pour favoriser le passage  à  l’échelle  de telles initiatives, le CNNum recommande de développer un cadre méthodologique composé : d’une  ou  plusieurs  structures  pour  fédérer  les  initiatives,  augmenter  leur  visi- bilité et diffuser des bonnes pratiques ; d’outils  et  de  principes   méthodologiques  souples pour guider la conduite de ces projets.
  • 108. S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 107 Définir un cadre méthodologique pour les consultations citoyennes en ligne La mise en place de consultations citoyennes en ligne tend à se développer en amont de  l’élaboration  des  textes  de  loi  présentant  de forts enjeux sociaux, économiques ou environnementaux.   Afin   d’accompagner   cette   dynamique,   il   est   essentiel   de   développer   une   approche   globale   pour   coordonner   l’ensemble   des   consultations   engagées en ligne et dégager un socle commun. Dans ce cadre, le CNNum propose : d’engager   une   réflexion   sur   l’évolution   nécessaire   des   modes   de   fonctionnement   et   d’organisation   de   la   Commission   nationale   du   débat public (CNDP) pour développer et accompagner les consultations ci- toyennes en ligne (cf. encadré); LA COMMISSION NATIONALE DU DEBAT PUBLIC (CNDP) La Commission nationale du débat public (CNDP) est une autorité administrative indépendante dont la mission est d’informer les citoyens et de faire en sorte que leur point de vue soit pris en compte dans le processus de décision. En mars 2015, cet organisme a présenté des propositions d’évolution législative et réglementaire pour améliorer la participation citoyenne à la décision publique. À cet égard, la CNDP envisage notamment d’accroître les possibilités de saisine, limiter les possibilités de découpage de déclaration des maîtres d’ouvrage, s’attribuer un rôle de médiation pour offrir une continuité du dialogue ou encore assurer une meilleure cohérence des débats. Source : http://www.debatpublic.fr/son-role de  mettre  à  disposition  de  tous  un  panel  d’outils  et  d’applications   méthodologiques transverses afin de faciliter le recours aux con- sultations citoyennes. Dans   cette   optique   et   sur   la   base   des   retours   d’expérience   de   la concertation sur le numérique, le Conseil propose de : Mettre  à  disposition  d’une  plateforme  de  consultation  en  accès  ouvert Cette plateforme de consultation serait disponible en code source libre, réutilisable et adaptable au niveau local et national. Cette plateforme pourrait être installée sur un serveur local ou hébergée par une institution publique comme le Secrétariat Général à la  Modernisation  de  l’Action  Publique  ou  la  Commission  nationale  du  Débat  public.   Elle serait mise à la disposition de tous les acteurs publics souhaitant engager une consultation.
  • 109. S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 108 Définir des applications méthodologiques à partir des retours d’expérience  des  consultations  engagées La   concertation   nationale   sur   le   numérique   a   permis   d’identifier   quelques   principes   méthodologiques   qu’il   convient   d’enrichir   avec   les   retours   d’expérience   des   consultations  en  ligne  en  cours  et  à  venir  avec  l’aide  de  la  Commission  Nationale  du   Débat Public. Ces principes communs à adopter consistent notamment à : Faire de la médiation un corollaire indispensable des consultations en ligne : entreprendre des actions de médiation et de communication à l’échelle  des  territoires  pour  renforcer  la  compréhension  des  enjeux  de  la  con- sultation  et  inclure  l’ensemble  des  parties  prenantes ; Penser  l’articulation des débats en ligne avec des échanges en pré- sentiel (débats en groupes de travail, auditions avec des experts, etc.) Ces re- tours devraient être réintégrés sur la plateforme pour assurer une véritable continuité entre les débats en ligne et les discussions en présentiel ; Mobiliser davantage l’expertise  de  l’administration  sur  des  points   techniques : encourager les administrations compétentes à suivre au quoti- dien les consultations en ligne et à instruire certains débats (par exemple, ap- porter des renseignements sur un dispositif existant) ; Garantir  l’interactivité  des  débats  en  ligne, par exemple en développant des pratiques de community management, en adaptant les formats de contri- bution, etc. ; Apporter des garanties aux contributeurs en matière de traçabilité des contributions dans les synthèses des débats : par exemple, prévoir la mise  en  place  d’une  liste  des  contributeurs  actifs  sur  la  concertation,  mention- ner les contributions retenues pour formuler des propositions, intégrer des ou- tils  d’indexation et de recherche par mots-clés, ajouter des métadonnées (info- graphies ou dataviz…) sur les contributions, etc. Recenser et décrire les débats publics La  constitution  d’une  base  des  débats  publics  est  nécessaire  pour  visualiser  l’ensemble   des consultations en cours et garder un historique de ces échanges. Dès lors, le Conseil rappelle que : L’ensemble  des  consultations  passées,  en  cours  et  à  venir  doit  être  recensé  sur   un site commun et accessible à tous, conformément au décret du 8 décembre 2011. À l’heure  actuelle,  le  site  vie-publique.fr héberge  l’ensemble  des  consul- tations des entités publiques. Cet espace pourrait être appelé à évoluer pour permettre   aux   citoyens   d’identifier de manière plus intuitive les enjeux des
  • 110. S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 109 consultations engagées et de proposer sur la base du volontariat des sujets de consultation. Les débats publics gagneraient également à être décrits sur la base des stan- dards du web sémantique55, afin de favoriser une harmonisation de la struc- ture  des  consultations  et  d’améliorer  la  qualité  de  l’information  auprès  des  ci- toyens et des parties prenantes. De nombreux projets vont dans ce sens comme le lancement de norme Debatescore (cf. encadré). LA NORME DEBATESCORE La norme DebatesCore vise à établir un standard de description des débats publics. Elle a été mise en place en novembre 2014 à l’initiative de la Commission nationale du débat public et du site vie-publique.fr. Elle permet d’homogénéiser la présentation des débats publics en proposant une architecture inspirée des ontologies du web sémantique. Elle a pour objectif : d’assurer le partage et la mutualisation des informations entre les acteurs du débat public ; de permettre l’ouverture en open data des données afférentes aux débats. Source : http://www.vie-publique.fr/forums/debatescore/debatescore-3.html Encourager le regroupement des collectivités territoriales autour de projets de “gouvernement ouvert” Le Conseil national du numérique est favorable à la  mise  en  place  d’une  structure   permettant   la   coordination,   la   mutualisation   et   l’échange   de   bonnes   pratiques entre collectivités territoriales autour de projets de gouvernement ouvert.  Cette  structure  pourrait  prendre  la  forme  d’une  association   regroupant sur la base du volontariat des collectivités portant des projets participatifs et   des   institutions   existantes   comme   l’Association   des   maires   de   France   (AMF),   Association des régions de France (ARF), Open data France, les collectivités engagées dans une initiative Territoires Hautement Citoyens, etc. Elle aurait pour objectif de : Regrouper et soutenir les collectivités engagées activement dans une dé- marche de gouvernement ouvert et de projets de co-construction des poli- tiques publiques locales ; Développer  le  partage  d’expériences ; Encourager  la  construction  d’un  ensemble  d’outils  et  d’applications  méthodo- logiques. 55Le Web sémantique est un mouvement collaboratif mené par le World Wide Web Consor- tium(W3C) qui favorise des méthodes communes pour échanger des données. http://fr.wikipedia.org/wiki/Web_s%C3%A9mantique
  • 111. S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 110 Par   exemple,   elle   pourrait   favoriser   le   développement   d‘un   réseau   de   collectivités   territoriales autour de projets de développement de budgets participatifs (cf. encadré). La mise en commun des expériences permettrait de mettre en évidence la diversité des pratiques et des outils mobilisés en matière de budgets participatifs, ainsi que de faire émerger un socle méthodologique commun. Par ailleurs, les collectivités pourraient échanger sur les manières dont les pratiques de budget participatif transforment leur fonctionnement interne en matière de gestion de projet, transparence budgétaire, etc. LES PRATIQUES DE BUDGET PARTICIPATIF Un budget participatif permet aux citoyens de participer à la définition et/ou à l’allocation des fonds publics. Depuis les années 2000, les expériences de budgets participatifs intègrent les nouvelles technologies autour de six domaines : la collecte des propositions de budgets participatifs, la mobilisation en ligne des citoyens, la présentation didactique des enjeux budgétaires, l’utilisation des réseaux numériques pour débattre entre citoyens, le vote et le suivi en ligne du processus de budget participatif. A l’heure actuelle de nombreuses collectivités locales et institutions se sont appropriées le numérique pour développer des pratiques de budget participatif : par exemple, la Ville de Paris a mis en place de plateforme d’appel à projet Madame la maire j’ai une idée56 , certaines collectivités ont également mobilisé des outils de visualisation dynamique des données budgétaires à l’image d’Openspending développé par l’Open Knowledge Foundation. Source : http://www.service-eine-welt.de/fr/images/text_material-4396.img Associer les citoyens à l’examen des textes de loi au Parlement Le   numérique   peut   permettre   de   mieux   associer   l’ensemble   des   parties   prenantes   à   l’examen  et  à  la  discussion  des  textes  de  loi,  ainsi  que  les  textes  préparatoires  à  leur   élaboration (cf. recommandation n°4). Le Conseil   suggère   d’ouvrir   de   manière   progressive les projets et propositions de loi avant leur examen par la commission parlementaire permanente saisie au fond. Des expérimentations ont déjà été mises en place  à  l’Assemblée  nationale  avant  l’examen  de  la  proposition de loi sur la fin de vie par  la  commission  des  affaires  sociales,  et  au  Sénat  pour  l’examen  du  projet  de  loi  pour   la  croissance  et  l’activité.  Cette  démarche  gagnerait  à  être  renouvelée,  voire  à  plus  long terme généralisée. Ouvrir les textes de loi en cours de discussion au Parlement implique d’engager  une   réflexion approfondie sur les outils mobilisés pour recueillir les commentaires des citoyens, sur les modalités des contributions ainsi que sur   le   renouveau   des   méthodes   d’instruction   des   textes   de   loi au Parlement. 56 https://idee.paris.fr/
  • 112. S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 111 20. Renforcer la transparence et la traçabilité des processus décisionnels Le numérique peut être mobilisé pour rendre le contenu des normes plus lisible, ainsi que pour renforcer la traçabilité et la transparence des procédures. Il peut ainsi concourir à la mise en œuvre  de  l’objectif  à  valeur  constitutionnelle  d’intelligibilité  et   d’accessibilité   du   droit   (cf. Décision du Conseil Constitutionnel n°99-241 du 16 décembre 1999). Le Conseil recommande à cette fin de : Généraliser les outils de visualisation des textes normatifs et des processus d’élaboration Les outils numériques de visualisation des procédures et textes normatifs de portée générale (projets de loi, propositions de loi, décrets, règlements etc.) doivent être davantage mobilisés,  en  ce  qu’ils  renforcent  la  transparence  et  la  lisibilité  de  ces  textes   à chaque étape de leur discussion :  lors  de  l’examen  au  fond,  le  débat  contradictoire  et   le vote. Ces dispositifs sont effet des outils essentiels pour permettre une appropriation par tous des enjeux des politiques publiques et constituent donc les fondements  d’une  participation  plus  large  des  citoyens  à  la  décision  publique. Le Conseil souligne que : Ces outils de visualisation devraient cibler en priorité les projets et propositions de loi ainsi que tous les autres textes à portée générale (décrets, règlements etc.). Ils  pourraient  à  terme,  s’étendre  aux  délibéra- tions  à  l’échelle  locale ; Le  développement  de  ces  outils  repose  notamment  sur  l’ouverture   des données publiques57 liées au fonctionnement des institutions publiques telles que les données postées sur data.senat.fr et prochainement sur  le  site  de  l’Assemblée  nationale.58 Des  initiatives  existent  déjà  à  l’instar  de   La Fabrique de la Loi (cf. encadré). LA FABRIQUE DE LA LOI La Fabrique de la Loi est un projet collaboratif mis en place en mai 2014, par Regards Citoyens, le Medialab de Sciences Po Paris et le laboratoire de recherche du Centre d’Études Européennes. La Fabrique de la Loi permet de suivre l’évolution d’un texte de loi depuis sa présentation au Parlement à sa 57 L’ouverture   des   données   publiques   :   sont   toutes   les   données   collectées   ou   produites   par un État, une collectivité territoriale ou un organe parapublic, lors de leurs activités de service public et qui doivent êtres publiées   ou   mises   à   disposition   du   public   dans   le   cadre   d’un   gouvernement   ouvert.   http://fr.wikipedia.org/wiki/Donn%C3%A9e_publique 58 http://www.nextinpact.com/news/90898-lassemblee-nationale-va-se-mettre-a-open-data.htm
  • 113. S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 112 promulgation au Journal Officiel, et de visualiser les amendements parlementaires. La constitution des données est réalisée à partir d'une combinaison de sources : l’open Data59 du Sénat sous Licence Ouverte, les APIs de NosDeputes.fr et NosSenateurs.fr sous licence ODbL, ainsi que les sites officiels du Sénat et de l'Assemblée nationale. Source : http://www.lafabriquedelaloi.fr/ Révéler l’empreinte normative des textes de loi Afin  d’améliorer  la  traçabilité  des  contributions  à  un  texte  de  loi,  le  Conseil  national  du   numérique  préconise  de  mettre  en  évidence  l’empreinte  normative  de ces textes, dans la   continuité   de   l’étude   de   Transparency   International   France   sur   “Transparence   et   intégrité  du  lobbying,  un  enjeu  de  démocratie”  (octobre 2014)60 et du rapport Nadal sur  “La transparence de la vie publique”  (janvier  2015)61. L’empreinte  normative   consiste  à  “joindre  à  tout  texte  normatif  la  liste  des  personnes  entendues   et des contributions reçues dans le cadre de son élaboration, sa rédaction et  son  entrée  en  vigueur  à  l’échelle  législative  et  réglementaire.“   L’obligation   de faire   apparaître   l’empreinte   normative   des   textes   de   loi   pourrait   prendre plusieurs formes : Au niveau gouvernemental, faire figurer la liste des sollicitations et des per- sonnes   rencontrées   par   l’administration   dans   le   cadre   de   la   préparation   de   l’étude  d’impact  et  du  projet  de  loi.  L’empreinte  normative  pourrait  également   être  étendue  à  d’autres  contributions  comme  la  liste  des  personnes  entendues   pour   l’élaboration   des   décrets   ou   encore   les   avis   préparatoires du Conseil d’État ; Au niveau du Parlement, demander aux rapporteurs des projets et des propo- sitions de loi de publier la liste des personnes rencontrées, auditionnées dans le  cadre  de  l’examen et la discussion du texte. L’ensemble  de  ces  informations  devraient  être  publiées  sous  un  format  ouvert   et réutilisable. Le  rapport  sur  les  règles  applicables  au  droit  d’auteur  à  l’heure  d’internet  (2015)  de   l’eurodéputée  Julia  Reda62 constitue  à  cet  égard  un  exemple  intéressant  d’empreinte   normative,   en   ce   qu’il   comprend   en   annexe   des   éléments   quantitatifs   (nombre de contributions  de  représentants  d’intérêt  et  qualitatifs  (liste  des  représentants  d’intérêt   reçus, proportion de chaque groupe représenté, etc.) sur les contributions reçues. 59 http://data.senat.fr/ 60 http://www.transparency- france.org/e_upload/pdf/transparency_france_lobbying_en_france_octobre2014.pdf 61 Jean-Louis  NADAL,  Rapport  au  Président  de  la  République  sur  l’exemplarité  des  responsables   publics,  “Renouer la confiance publique”,  janvier  2015,  p  76.   62 https://juliareda.eu/2015/01/rapport-les-regles-au-droit-dauteur-europeen-sont-inadaptees-a-l- internet/
  • 114. S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 113 FOCUS SUR : L’EMPREINTE NORMATIVE Source : Le Rapport de Jean- Louis Nadal sur l’exemplarité des responsables publics, Renouer la confiance publique (janvier 2015) Constituer un registre public unique et obligatoire des représentants d’intérêt, complété et actualisé à partir des empreintes normatives Le Conseil recommande d’instaurer un registre unique et obligatoire qui permettrait de  cartographier  l’activité  des  représentants  d’intérêt  de  manière  fiable  et  précise. Ce registre aurait pour objectif de : Centraliser  l’ensemble  des  déclarations  des  représentants  d’intérêt   en exercice au Parlement et auprès du Gouvernement dans un es- pace unique ; Visualiser  de  manière  simple  et  intuitive  l’activité  de  chaque  repré- sentant   d’intérêt,   c’est-à-dire les intérêts défendus, les demandes de ren- dez-vous, les rencontres et/ou contributions transmises dans le cadre de l’élaboration   des   textes   de   loi.   Ainsi   il   serait   rendu   possible   de   visualiser : l’activité  de  tous  les  représentants  d’intérêt  pour  chaque  texte  de  loi,  et  pour   chaque   représentant   d’intérêt   les   démarches   effectuées   pour   l’ensemble des textes de loi. Ce registre serait alimenté de manière régulière par les contributions et auditions extérieures enregistrées dans les empreintes normatives, dans le
  • 115. S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 114 cadre   de   la   rédaction   et   de   la   discussion   d’un   texte   de   loi.   La   mise   en   place   de l’empreinte   normative   des   textes   de   loi   conduirait   à   un   effet   de   levier   pour   la   constitution  et  l’actualisation  du  registre 21. Développer de nouveaux modes d’évaluation des politiques publiques Le   numérique   rend   possible   l’émergence   de   nouvelles   méthodes   d’évaluation   des   politiques publiques. En amont de la mise en œuvre  d’une  politique,  les  algorithmes   permettent par exemple de modéliser les impacts sociaux, économiques et environnementaux   d’une mesure.   En   aval,   de   nouvelles   méthodes   d’évaluation   peuvent être développées à partir de la mise en réseau des expertises et de l’amélioration   collective   des   indicateurs   d’évaluation.   Le   Conseil   national   du   numérique propose à cette fin de : Rendre obligatoire la publication des données d’évaluation en open data Les   données   d’évaluation   représentent   l’ensemble   des   données   utilisées   pour   la   préparation   des   rapports   d’évaluation   des   politiques   publiques,   notamment   dans   le   cadre   des   missions   d’évaluations   parlementaires et des évaluations de la Cour des comptes.  L’ouverture  des  données  publiques  d’évaluation  est  un  prérequis   pour  renforcer  le  débat  sur  les  critères  d’évaluation  et  la  construction  des   indicateurs. Elle  permettrait  en  effet  d’améliorer  la  précision et la pertinence de ces indicateurs. Ouvrir les processus d’élaboration des études d’impact et rapports d’évaluation des politiques publiques grâce au numérique Les outils numériques peuvent être utilisés en amont des politiques publiques, pour mieux intégrer  les  acteurs  de  la  société  civile  dans  la  réalisation  des  études  d’impact  et   en  aval,  lors  de  l’élaboration  des  rapports  d’évaluation.  Cette  participation  permettrait   notamment  de  renforcer  l'efficience  de  l’action  publique  en intégrant des contre- expertises  externes  pour  l’évaluation  des  politiques  publiques.  Pour mieux prendre en compte ces expertises extérieures, il est conseillé de : Mettre   en   ligne   le   calendrier   des   études   d’impact   et   des   rapports   d’évaluation de manière anticipée ; Ouvrir  l’écriture  des  études  d’impact  et  rapports  d’évaluation  à  des   contributions extérieures. Sur une période donnée, des contributeurs ex- térieurs pourraient commenter, amender, compléter les études sur le principe du contradictoire ;
  • 116. S’ENGAGER VERS UN GOUVERNEMENT PLUS OUVERT VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 115 Publier  l’avancement  du  rapport en temps réel et garantir la traça- bilité des contributions. Favoriser la recherche collaborative sur les logiciels ouverts de simulation Les   logiciels   ouverts   de   simulation   permettent   de   modéliser   l’impact   économique,   social  et  environnemental  d’une  politique  publique  en  s’appuyant  sur  un  ensemble  de   variables,   à   l’instar   d’OpenFisca (cf. encadré). Les recherches collaboratives sur les logiciels ouverts de simulation devraient être encouragées dans la mesure où : Ces logiciels permettent aux acteurs concernés une meilleure compréhension des conséquences induites par un changement de régulation et renforcent ain- si  leur  capacité  d’anticipation ; Ces logiciels peuvent être mobilisés par les acteurs publics pour faciliter la prise de décision et visualiser les impacts budgétaires des réformes envisagées. LE LOGICIEL OPENFISCA OpenFisca est un moteur ouvert de micro-simulation du système socio-fiscal. Il permet de calculer simplement un grand nombre de prestations sociales et d'impôts payés, par les ménages, et de simuler l'impact de réformes sur leur budget. Il s'agit d'un outil à vocation pédagogique pour aider les citoyens à mieux comprendre le système socio-fiscal. Source : http://www.openfisca.fr/
  • 117. DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 116 Développer des services publics numériques adaptés aux usages, dans un cadre de confiance L’introduction   du   numérique   au   cœur des services publics a permis une dématérialisation   d’un   grand   nombre   de   démarches   et   de   services.   Mais   cette   dématérialisation  ne  peut  se  réduire  à  la  simple  “mise  en  ligne”  des  services  publics.   En effet la conception même des services publics numériques doit être modifiée en prenant davantage en compte les attentes des utilisateurs et en favorisant la co- construction  des  services.  Il  s’agit  donc  de  renverser  les  modes  habituels  de  conception   des services publics, pour partir davantage des besoins des usagers que du mode de fonctionnement et de traitement des administrations. Cette nouvelle méthode de conception des services publics numériques, inspirée par le design,   permet   de   sortir   d’une   logique   qui   considère   le   service   public   comme   un   simple instrument, et de consacrer de nouveaux droits pour les usagers et de nouvelles responsabilités  pour  l’administration.  Cette  approche  du  design  doit  conduire  vers  une   administration décloisonnée, plus réactive et plus proche des citoyens via une architecture technique nouvelle :  l’État plateforme - France Connect. Cette démarche de design des services publics a pour objectif de rendre les services publics numériques plus efficients et plus inclusifs. Elle peut en outre concourir aux politiques de redistribution, en ciblant mieux les besoins et en favorisant une gestion en temps réel des ressources et dispositifs. En parallèle, un certain nombre de prérequis doivent guider le développement des services  publics  numériques.  Ces  derniers  doivent  garantir  que  l’échange  de  données   entre administrations se fasse dans un cadre loyal, respectueux des droits et libertés des citoyens. Ils doivent également assurer que le développement des services publics numériques  ne  conduisent  pas  à  l’exclusion  des  populations  les  plus  fragiles  ou  à  un   accroissement des inégalités entre les territoires. De manière générale, le Conseil national   du   numérique   rappelle   que   l’aménagement   numérique   du   territoire   est   essentiel   au   développement   des   services   publics   numériques   et   l’égalité   entre   les  
  • 118. DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 117 territoires (cf. volet IV du rapport sur Solidarité, équité, émancipation :  enjeux  d’une   société numérique). 22. Partir des expériences des usagers pour améliorer la conception des services publics Le Conseil national du numérique recommande de transformer la conception des services publics en réaffirmant la place centrale des expériences des usagers. Pour ce faire,  il  estime  opportun  de  s’inspirer  des  savoir-faire accumulés en matière de design policy par les pays anglophones (Royaume-Uni, Australie, etc.), asiatiques (Japon, Singapour)  ou  des  pays  d’Europe  du  Nord  comme  le  Danemark. Le design des services publics est entendu comme un mode de conception qui part des expériences   (besoins,   émotions,   contextes   d’usages)   de   l’ensemble   des   utilisateurs   (citoyens, agents publics, etc.), intègre différentes expertises dans le processus de génération des   idées   et   procède   par   tests   successifs   dans   l’optique   d’améliorer   en   permanence les services. Cette recherche de design s’appuie  sur  une  double  démarche :  tout  d’abord  développer   une vision globale du service (les parties prenantes mobilisées, les canaux utilisés) et des différents parcours utilisateurs, en tenant compte de la segmentation des usages (par âge, catégorie sociale, etc.…), puis adapter la conception de chaque moment d’utilisation  du  service  en  cohérence  avec  la  vision  globale.  Le  design a pour objectif principal de permettre aux usagers de bénéficier simplement à des services auxquels
  • 119. DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 118 ils ont droit. En ce sens, le design permet   d’augmenter   l’efficacité   des   services   proposés par les pouvoirs publics. Le Conseil national du numérique insiste sur  la  nécessité  d’inscrire  le  design dans une approche   interdisciplinaire.   La   constitution   d’équipes   pluridisciplinaires   pour   la   conception  des  services  publics  est  en  effet  fondamentale  pour  assurer  le  succès  d’une   approche  centrée  sur  l’utilisateur. Enfin le Conseil rappelle que le design doit être plus largement conçu comme une méthode de co-construction des services publics. Cette méthode ne se résume donc pas  à  l’adaptation  des  services  aux  besoins  des  usagers,  mais  a  pour  fonction  d’être  une   interface entre   les   exigences   particulières   et   l’intérêt   général   dans   la   mesure   où   elle   prend en compte la diversité des expériences usagers. Elle favorise en effet une perception  partagée  de  l’action  publique,  fondée  sur  une  intégration  de  la  diversité  des   expériences individuelles dans la conception des services. Le  Conseil  formule  plusieurs  propositions  dans  l’objectif  de  mieux  prendre  en  compte   les  différentes   expériences  usagers  dans  la  conception  et  l’amélioration   itérative  des   services publics :
  • 120. DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 119 Établir un “Guide pratique des services publics numériques” pour définir les fondements du design dans les services publics numériques. Ce guide pratique des services publics numériques proposerait un ensemble de principes méthodologiques directeurs à prendre en compte pour la conception de services   publics   numériques,   à   l’instar   des   Government Digital Service Design Principles développés au Royaume-Uni (cf. encadré). Dans cette liste de principes, figurerait par exemple la nécessité : d’orienter  la  conception  des  services publics à partir des besoins et des usages des utilisateurs des services publics, notamment ceux des plus fragiles ; de favoriser la co-conception   des   services,   l’itération,   l’agilité   et   l’évolutivité ; d’organiser  la  continuité  entre  les  services  publics en ligne et hors ligne : penser les différents supports du service public (site web, application, lieux  physiques)  de  manière  intégrée  afin  de  prendre  en  compte  l’intégralité   du parcours usager. LES GOVERNMENT DIGITAL SERVICES DESIGN PRINCIPES AU ROYAUME-UNI En 2012, le Royaume-Uni a mis en place une liste ouverte de principes directeurs visant à guider le design des services publics numériques, comme la nécessité de partir des besoins des usagers, d’utiliser les données lors de la conception du service, de procéder par expérimentations, de proposer des services ouverts, etc. Ces principes régissent la mise en place de services sur la plateforme gov.uk, qui concentre un grand nombre de services publics numériques et d’informations publiques. Si ces principes peuvent être une source d’inspiration pour la conception des services publics français, la centralisation des services publics numérique du Royaume-Uni sur la plateforme gov.uk n’est pas exempte de critiques (diminution de la qualité des informations et de la facilité d’utilisation des services, augmentation du coût total…). Les politiques relatives aux services publics numériques ne peuvent donc passer outre la nécessité de mener des études d’impact claires et de prendre en compte le maintien d’une qualité de service. Source : https://www.gov.uk/design-principles http://www.theregister.co.uk/2015/02/18/the_inside_story_of_govuk/ LE DIGITAL SERVICES PLAYBOOK AUX ETATS-UNIS Le Digital Services Playbook a été développé suivant le modèle du guide du Royaume-Uni. Il contient en plus de 13 principes directeurs, une liste des questions opérationnelles et des prérequis (check-list) qui doivent guider le design des services publics. Source : https://playbook.cio.gov/
  • 121. DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 120 Pour chaque principe directeur, le guide pourrait comporter une liste indicative des   questions   opérationnelles   nécessitant   d’être   posées,   des   prérequis   à   respecter   lors   de   la   conception   d’un   service   public   numérique,   des   exemples de bonnes pratiques dans le secteur public ou privé et des propositions  d’outils  de  travail pour les agents. Par exemple, pour permettre aux usagers de formuler leurs retours sur les dysfonctionnements  et  de  proposer  des  pistes  d’amélioration  potentielles,  un bouton d’accès   à   la   plateforme   Faire simple pourrait être intégré à tous les services publics numériques, nationaux ou territoriaux (cf. encadré). Différentes méthodes de travail pourraient être mobilisées en parallèle pour compléter les retours publiés sur la plateforme,     comme   l’analyse   des   données   d’usage   des   services,   les   sondages, les observations directes du terrain, etc. LA PLATEFORME FAIRE SIMPLE La plateforme Faire Simple est une plateforme collaborative de simplification des démarches et de modernisation de l’action publique, développée en 2013 par le SGMAP. Il s’agit d’un lieu d’échanges permettant aux usagers de déposer des propositions pour simplifier l’action publique, de concevoir collectivement des solutions (“La fabrique de solution”) et de se tenir informés des mesures engagées. Source : http://www.faire-simple.gouv.fr/ Ce guide pratique des services publics numériques pourrait être élaboré par un panel multipartite sous la direction du Secrétariat Général à la Modernisation  de  l’Action  Publique  (SGMAP).   Ce panel regrouperait à la fois des  représentants  des  administrations,  de  l’État ou des collectivités, des laboratoires d’innovation   publique   comme   La   27e   Région,   des   associations,   des   citoyens,   des   acteurs privés, des spécialistes du design thinking, etc. Il pourrait   s’appuyer   sur   le   retour  d’expérience  des  travaux  effectués  dans  le  cadre  de  l’initiative  100 % contacts efficaces. Ce guide serait mis à disposition de manière ouverte en version bêta, afin   d’intégrer   des   modifications   complémentaires   en   fonction   des   retours  d’expérience. Mettre en place des stratégies de diffusion du design des services publics Pour favoriser la diffusion du design des services publics, il est nécessaire de mettre en place une stratégie à différentes échelles : nationale, locale et européenne. Favoriser la diffusion du design dans les collectivités territoriales à l’occasion   de   la   réforme   territoriale. La   création   d’institutions  
  • 122. DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 121 régionales nouvelles, dans le cadre de la réforme territoriale, fournit une occasion unique de modification des processus de conception des services publics et de redéfinition des compétences entre collectivités territoriales. À cet égard, les processus de conception itératifs et centrés sur les usages pourraient être largement diffusés lors de la reconfiguration et de la mutualisation  des  services  régionaux.  Des  lieux  ouverts  dédiés  à  l’innovation   publique dans les collectivités territoriales pourraient également être instaurés. Renforcer  l’implication  de  la  France  dans  le  plan  de  la  Commission   en  faveur  de  l’innovation  par  le  design. La France devrait renforcer son implication   dans   l’Action plan for Design-Driven Innovation, afin de bénéficier à la fois des bonnes pratiques des autres États membres et des fonds européens pour des projets innovants dans le secteur public. En effet, la Commission  européenne  a  lancé  en  2013  un  plan  d’action  visant  à  favoriser   l’innovation  guidée par le design pour le secteur privé ainsi que les politiques et les services publics. Ce plan est dirigé par un consortium de labs (notamment le Lab de La 27e Région, cf. encadré),  d’universités  et  de  centres   de   design.   Il   s’appuie   sur   une   plateforme   européenne   de   l’innovation   par   le   design (EDIP) Designforeurope63, qui permet la sensibilisation des décideurs publics  à  l’innovation  par  le  design,  l’échange  de  bonnes  pratiques   entre  les   acteurs   européens,   mais   également   l’accès   à   des   fonds   européens   pour   financer  des  projets  d’innovation  par  le  design. Renforcer le rôle d’accompagnement du SGMAP au sein des administrations Le   rôle   d’impulsion   du   SGMAP   devrait   être   renforcé   afin   de   diffuser   largement   les   méthodes du design au sein des administrations. Dans cette optique : le   détachement   d’une   équipe   resserrée   du   SGMAP,   spécialisée   en   matière de transformation numérique, pourrait être systématisé dans les différents ministères afin  d’accompagner  la  conception  de  nou- veaux services aux usagers. À terme, les ministères pourraient également dé- velopper leur propre équipe en interne ; des laboratoires ouverts de co-création des services publics pour- raient  être  développés  à  l’instar  de  la  27e  Région  à  l’échelle  interministérielle   (cf. encadré). 63 http://designforeurope.eu/
  • 123. DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 122 LA 27e REGION La 27e Région est un laboratoire de transformation publique créé en 2009 et constitué en association depuis 2012. Il est composé d’une équipe pluridisciplinaire entourée de partenaires publics et d’un réseau de praticiens issus du design, des sciences sociales, de l’architecture participative, des sciences politiques, etc. La 27e Région vise à redéfinir la manière dont sont conçues et mises en œuvre les politiques publiques. Sa méthodologie consiste à prendre pour point de départ les pratiques et les usages sur les territoires pour concevoir des projets publics plus fonctionnels, moins coûteux, plus ergonomiques et donc plus adaptés aux besoins des personnes. Source : http://www.la27eregion.fr/ 23. Développer la médiation autour des services publics numériques Dans   la   continuité   du   rapport   “Citoyens   d’une   société     numérique : accès, littératie, pouvoir   d’agir”   (octobre   2013), le Conseil national du numérique affirme que le développement de services numériques - qu’ils  soient  fournis  par  des  services  publics   ou privés - alimentera des besoins durables en médiations humaines64 avec les usagers, afin d’aider   les   usagers   à   s’emparer   des   fonctions   offertes.   Ces   pistes   sont   développées dans le volet IV du présent rapport intitulé Solidarité, équité, émancipation :  enjeux  d’une  société  numérique. Les services publics sont concernés au premier chef par cet enjeu de médiation. Dans un   contexte   de   dématérialisation   globale,   l’accompagnement   est   une   condition pour préserver   l’égalité   d’accès   à   ces   services   et   aux   droits   correspondants. Sans quoi, les publics fragiles subiront des difficultés accrues pour accomplir des démarches essentielles telles que chercher un emploi, se soigner, se loger, etc. La médiation répond donc à une exigence républicaine. De manière générale, une continuité doit exister entre les guichets numériques et les guichets physiques des services publics : en effet la numérisation ne doit pas conduire à supprimer la médiation humaine pour les services publics. La  délégation  pour  les  usages  de  l’internet  (DUI)  a  entrepris,  notamment  à  la  suite  de   la   consultation   médiation   numérique   qu’elle   a   organisée,   de   renforcer   le   maillage   territorial   et   l’outillage   des   instances   de   médiation   ainsi   que   la   formation, la reconnaissance professionnelle et la mise en réseau des acteurs de la médiation 64 La médiation humaine est un accompagnement quotidien des usagers afin de les aider à s’emparer  des  fonctions  offertes  par  le  développement  des  services  numériques  publics  ou  pri- vés.
  • 124. DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 123 numérique, dans leur diversité. Le Conseil se félicite de ces avancées et souligne la nécessité de : Promouvoir et valoriser le rôle de médiateur des agents publics De nombreux  agents  d’accueil  et  conseillers  occupent  déjà  des  fonctions  de  médiation,   en plus de leurs missions quotidiennes. Ces démarches doivent être encouragées, valorisées et outillées par les politiques publiques numériques.  L’effort  de  valorisation  et  de  pérennisation des fonctions de médiation numérique dans les services publics, devrait notamment se traduire en termes de reconnaissance   professionnelle.   Les   référentiels   d’avancement   pourraient   utilement   prendre en compte les compétences et expériences en médiation numérique acquises de  façon  autonome  par  les  agents  d’accueil. Symétriquement,   ces   acteurs   constituent   naturellement   un   “canal”   précieux   de   remontée   d’expériences,   de   problématiques   et   bonnes   pratiques pour les acteurs qui conçoivent les services publics. Ces personnels doivent être considérés comme des interlocuteurs privilégiés pour la co- construction initiale des services et, plus encore, pour leur amélioration continue (cf. recommandation n°24). Dans   un   souci   de   simplification   et   d’efficacité, les médiateurs numériques doivent   être   formés   à   accompagner   l’usager   de   service   public   dans   l’ensemble  de  ses  démarches  de  e-administration et non pas uniquement dans leurs   démarches   liées   à   l’administration   dont   il   ou   elle   relève.   Par   exemple,   un   médiateur   en   caisse   d’allocations   familiales   (CAF)   doit   pouvoir   expliquer   une   démarche  d’actualisation  de  droits  auprès  de  Pôle  emploi  ou  d’obtention  d’une  fiche   d’état  civil. Encourager la constitution d’un réseau de médiateurs Les premiers alliés des médiateurs de services publics se situent au sein des nombreuses initiatives de terrain mises en place par la société civile : médiateurs numériques dans les EPN (Espaces publics numériques), médiateurs du lien social, éducation populaire, et plus particulièrement de  l’action  sociale  auprès  des   publics fragilisés (migrants, précaires, ex-détenus).   L’État doit occuper un rôle d’incitateur   et   de   facilitateur   de   cette   coopération   entre   les   différents   pôles   de   la   médiation. Le Conseil recommande à cet égard de poursuivre les efforts engagés afin de : Coordonner les différents acteurs de la médiation au niveau local et national, en   favorisant   l’identification   des   différentes   parties   prenantes  
  • 125. DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 124 aux activités de médiation et leur constitution en réseau. La coopération entre les différents acteurs de la médiation et les services publics pourraient être ou- tillée : certains contributeurs étaient par exemple demandeurs de fonctions de partage  d’écran  à  distance,  entre  accompagnateurs  sociaux  et  référents  corres- pondants au sein des   services   publics   (Caisse   d’allocations   familiales,   Pôle   Emploi, etc.). Il pourrait également être prévu de mettre à disposition des mé- diateurs  des  comptes  fictifs  utilisables  lors  d’ateliers  de  prise  en  main  de  ser- vices dématérialisés (déclarations de revenus, etc.), pour respecter la confi- dentialité de la situation financière des personnes. Renforcer la collaboration entre les travailleurs sociaux et les mé- diateurs numériques. Les espaces publics numériques pourraient consti- tuer les lieux privilégiés permettant cette collaboration.65 L’agence  numérique  pourra  notamment  contribuer  à  la  production  de  grilles  d’analyse   et  à  l’état  des  lieux  de  l’offre  de  médiation  sur  le  territoire  ainsi  qu’à  l’outillage  et  à  la   mise  en  réseau  des  initiatives.  L’ensemble  de  ces mesures devraient accompagner le déploiement des contrats de plan État-région (CPER). Développer les maisons de services au public, lieux de médiation Afin   d’assurer   une   présence   de   proximité   sur   tout   le   territoire,   compatible   avec   la   contrainte budgétaire,   l’État pourrait favoriser une mutualisation des lieux, des moyens  techniques,  voire   des  personnels  d’accueil,  à  la  fois  dans  des  lieux  d’accueil   physique et dans des plateformes en ligne ou téléphoniques. À ce titre le Conseil soutient le plan de déploiement de maisons de services au public (MSAP) sur le territoire.66 Ces  lieux  permettent  en  effet  d’assurer  un  accompagnement  des  usagers,   en fournissant une information et une orientation pour différents services publics. Néanmoins le Conseil souligne que le rôle des maisons de services au public doit intégrer également des objectifs plus généraux de développement de la littératie numérique  et  d’autonomisation  des  usagers.  Les  liens  qu’entretiennent  ces  maisons  de   services au public avec les tiers-lieux et les autres acteurs de la médiation sur les territoires devraient également être renforcés. Renforcer les exigences en matière d’accessibilité des services publics Enfin,   en   matière   d’accessibilité,   les   services   publics   doivent   être   exemplaires.   La   publication   du   référentiel   général   d’accessibilité   des   administrations   3.0,   encore   en   version bêta, devrait être accompagnée de moyens de contrôle et de sanction plus 65 La cyber-base de Cenon est à ce titre un exemple de collaboration entre les travailleurs so- ciaux et les médiateurs numériques. 66 Ce plan a été annoncé par le Gouvernement en 2013 et a pour objectif de généraliser le dispo- sitif de maisons de services au public.
  • 126. DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 125 importants.   Un   agenda   d’accessibilité   des   services   publics   numériques   pourrait   également être publié   par   l’État, afin de renforcer la visibilité des progrès de l’accessibilité  des  sites  publics. 24. Encadrer l’utilisation et l’échange des données personnelles détenues par l’administration Dans le cadre de la dématérialisation des services publics, les acteurs publics sont amenés à utiliser et à échanger de plus en plus de données personnelles des citoyens. Il est nécessaire que ces usages soient encadrés afin de prévenir toute atteinte aux droits et   libertés   fondamentaux   garantis   par   l’État de   droit.   L’utilisation   et   l’échange   de   données confidentielles des entreprises doivent également être encadrés, de la même manière que les données personnelles. Encadrer l’échange d’informations dans le cadre du projet France Connect - État plateforme Le projet France Connect (cf. encadré), mené par la DISIC, a pour objectif de mettre en  place  un  système  d’authentification  et  d’identification  unique  pour  les  démarches   administratives   en   ligne,   et   à   faciliter   les   échanges   d’informations   entre   les   administrations   par   une   architecture   dite   d’État-plateforme.   L’identifiant   France   Connect permettrait en effet à chaque usager de fédérer plusieurs comptes sous un identifiant  unique  et  donc  de  s’identifier  plus  facilement  auprès  des  administrations   proposant des services en ligne. LE PROJET FRANCE CONNECT - ETAT PLATEFORME La Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication (SGMAP) a lancé en septembre 2014 un projet intitulé France Connect - État plateforme. Ce projet a pour objectif de proposer un système d’identification numérique unique et d’authentification permettant d’accéder plus facilement à des services publics fournis par les administrations (CAF, impôts, sécurité sociale, mairie etc.) et à terme à des services proposés par des acteurs privés. En effet, l’architecture France Connect - État plateforme facilite et sécurise l’échange de données entre les administrations afin de fournir à l’usager un service public sans qu’il ait besoin de récupérer et de procurer des pièces justificatives. Ce projet s’inscrit dans la continuité de l’unification, par décret d’août 2014, de la gouvernance des systèmes d’information de l’État, sous l’autorité du Premier ministre. Source : http://www.action-publique.gouv.fr/projet-france-connect-systeme-d- authentification-unique-pour-l-e-administration
  • 127. DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 126 L’architecture  France Connect - État plateforme sert notamment de support à la mise en œuvre du programme de simplification des démarches administratives, le programme Dites-le-nous une fois (cf. encadré). Dites-le-nous une fois vise à autoriser les   administrations   à   s’échanger   directement   les   informations   nécessaires pour délivrer un service public, et ainsi à diminuer la redondance des informations transmises par les usagers. LE PROGRAMME DITES-LE-NOUS UNE FOIS Le programme Dites-le-nous une fois, mis en place par la Direction de la modernisation de l’action publique (SGMAP), est entré en vigueur pour certaines démarches des entreprises et prochainement pour les particuliers. Le programme repose sur quatre leviers de simplification : L’échange des données entre les administrations : la sollicitation directe de l’usager sera une exception ; La réingénierie des formulaires : seules les informations réellement utiles seront demandées ; La dématérialisation des procédures : le traitement et la soumission d’informations seront simplifiés ; La confiance a priori : les pièces justificatives seront demandées uniquement lorsqu’elles sont nécessaires, non détenues par l’administration et au moment opportun (par exemple, en cas de contrôle). Source : http://www.modernisation.gouv.fr/les-services-publics-se-simplifient-et- innovent/par-des-simplifications-pour-les-entreprises/dites-le-nous-une-fois-un- programme-pour-simplifier-la-vie-des-entreprises Si  le  Conseil  national  du  numérique  souligne  l’importance  du  projet  France Connect - État plateforme tant du point de vue de son impact sur le fonctionnement interne des administrations que sa valeur ajoutée pour la simplification des démarches des usagers,   il   rappelle   que   cette   nouvelle   architecture   pour   l’échange   de   données   entre   administrations doit : Permettre à chaque usager de visualiser les échanges de données entre  les  administrations  pour  la  délivrance  d’un  service,  ainsi  que   leur durée de conservation ; Prévoir   le   consentement   de   l’usager   par   défaut   pour   l’échange   d’informations   personnelles   entre les administrations, sous ré- serve  des  cas  d’échanges  sans  autorisation  prévus  par  la  loi  ou  par   décret (cf. encadré).
  • 128. DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 127 LES DIFFERENTS REGIMES D’AUTORISATION POUR LES ECHANGES D’INFORMATION ENTRE LES ADMINISTRATIONS À l’heure actuelle, plusieurs régimes d’autorisation existent pour encadrer les échanges d’informations personnelles entre les administrations : Scénario 1 : Certains textes normatifs prévoient déjà l’échange massif d’informations entre deux administrations sans autorisation de l’usager. C’est le cas, par exemple, des échanges d’informations entre les administrations de la sphère sociale et celles de la sphère fiscale. Scénario 2 : Les textes normatifs prévoient que les administrations peuvent échanger des données à l’occasion d’une démarche administrative, mais les données ne sont pas fournies de manière automatique d’une administration à l’autre. L’autorisation de l’usager est nécessaire mais peut être implicite via les conditions d’utilisation du service, par exemple. Scénario 3 : Les textes ne prévoient pas explicitement les échanges de données mais ne l’interdisent pas. Dans ce cas, il est impératif de recevoir une autorisation explicite de l’usager pour procéder à tout échange d’informations. Le programme Dites-le-nous une fois vise à simplifier les démarches administratives des entreprises. Pour ce faire, il favorise la dématérialisation des procédures et la réingénierie des formulaires mais a également pour objectif de faciliter l’échange de documents entre administrations en passant d’une autorisation explicite pour l’échange de documents à une autorisation implicite ou à une absence d’autorisation. Ce passage s’effectuera via une évolution des textes réglementaires. Le  Conseil  préconise  que  dans  le  cadre  de  l’extension  de  France Connect à des services fournis par des acteurs privés, aucune transmission automatique de documents à des acteurs privés ne puisse être effectuée sans le consentement   explicite   de   l’usager : l’autorisation   implicite,   via   les   conditions   générales  d’utilisation, ne peut être suffisante. Appliquer le principe d’autodétermination informationnelle aux données personnelles détenues par l’administration, sous réserve de certaines spécificités propres à la puissance publique Dans   le   cadre   de   l’utilisation   de données personnelles des individus par des services privés, le Conseil national du numérique est favorable à la reconnaissance   d’un   droit   à   l’autodétermination   informationnelle (cf. recommandations 4 et 5 du volet I) dont la définition a été précisée par le Conseil d’État   dans   son   étude   annuelle   sur   “Le numérique et les libertés fondamentales67”   (septembre 2014). Ce  droit  à  l’autodétermination  implique  que  chaque  individu  puisse   67 Le  droit  à  l’autodétermination  informationnelle  vise  à    “renforcer  la  place  de  l’individu  dans   le droit à la protection de ses données pour lui permettre de décider de la communication et de l’utilisation  de  ses  données  à  caractère  personnel”.  Conseil  d’Etat,  Rapport  annuel  sur  “le  nu- mérique  et  les  libertés  fondamentales”,  de  septembre  2014  
  • 129. DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 128 avoir  accès  à  ces  données  et  qu’ils  puissent  les  lire,  les  modifier,  les  effacer, choisir ce qu’ils  veulent  en  faire  et  décider  des  services  qui  y  ont  accès. Le   Conseil   considère   que   le   principe   d’autodétermination   informationnelle,   opposable   aux   acteurs   privés,   devrait   s’appliquer   de   manière différenciée aux administrations. En effet, le principe d’autodétermination   informationnelle   ne   peut   ouvrir   les   mêmes   droits   pour   les   individus   que   ceux   prévus   dans   le   cadre   de   la   délivrance   d’un   service   privé,   afin   de   garantir  le  respect  des  principes  directeurs  du  service  public  et  l’exercice  de certaines prérogatives de la puissance publique : Les  contraintes  pesant  sur  l’administration  ne  doivent  pas  entraver   le bon fonctionnement des services publics,  afin  de  respecter  l’exigence   de continuité du service public ; La mise en œuvre du droit à l’autodétermination  informationnelle   doit prendre en compte certaines prérogatives propres à la puis- sance publique. Ainsi,   la   reconnaissance   d’un   droit   à   l’autodétermination   informationnelle   sur   les   données  personnelles  détenues  ou  collectées  par  l’administration se traduirait non pas par un droit absolu de modification, suppression ou autorisation de réutilisation, mais par : Un  droit  d’accès  et  de  visualisation  des  données ; Un droit de demander le cas échéant la correction des données, sous réserve de justification ; Un  droit  d’autoriser  certains  flux  de  données  entre  les  administrations  (cf. su- pra) ; Un  droit  éventuel  à  demander  l’effacement  de  certaines  données,  dans  le  cadre   d’une  procédure  spécifique.
  • 130. DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 129 Le  droit  à  l’autodétermination  informationnelle  pourrait  se    matérialiser  par  la  mise  en   place de différentes fonctionnalités (cf. encadré). Les administrations devraient permettre à chaque usager des services publics de visualiser les données le concernant détenues   par   les   administrations   ainsi   que   d’accéder   à   ces   données.   Le   Conseil   national  du  numérique  propose  de  s’inspirer  de  l’initiative  américaine  du  Blue Button qui   permet   aux   usagers   d’accéder   et   de   télécharger   leurs   données   personnelles   de   santé. Les différents espaces personnels, propres à chaque thématique de service public numérique (cf. recommandation n°25) pourraient proposer, à terme, une  fonctionnalité  permettant  de  suivre  et  de  contrôler  l’usage  qui  est  fait   de ses données personnelles, en prenant la forme de PIMS (Personal Information Management System)68. Cela permettrait aux usagers de : de visualiser les données les concernant détenues ou produites par les admi- nistrations ; de  visualiser  l’historique  des  échanges  de  données  le  concernant  entre admi- nistrations ; de télécharger ces données ; de connaître la durée de conservation des données par les administrations. LA CITOYENNETE ELECTRONIQUE EN ESTONIE Dans la continuité de son accès à l’indépendance en 1991, l’Estonie s’est lancé dans la refonte de leur administration et le développement de ses propres infrastructures réseaux. Au début des années 2000, elle a mis en place un système de citoyenneté électronique qui repose sur un identifiant unique, constituant la clé d’accès à un ensemble de démarches et de services en ligne depuis un support connecté. L’Estonie s’est dotée d’une architecture technique (X-Road) qui garantit l’identification et l’authentification d’une personne physique grâce à un certificat électronique émis par une carte d’identité électronique. À l’heure actuelle, ce système est fortement utilisé : plus de 90 % de la population estonienne possède une carte d’identité électronique et l’architecture X-Road permet d’accéder à près de 2000 services, proposés par plus de 900 organisations publiques ou privées. L’État estonien reconnaît en outre les signatures numériques pour les documents en ligne. Pour accompagner la mise en place de ce dispositif, l’État estonien a instauré un cadre strict de gestion des données. D’une part, les citoyens peuvent télécharger certaines données les concernant. D’autre part, ils disposent d’un registre détaillant la date et l’heure de consultation de ces données. En cas de litige, ils peuvent formuler une plainte auprès d’un médiateur rattaché à 68 Les  PIMS,  “Personal  Information  Management  Systems”,  aussi  nommés  “clouds  personnels”,   qui visent à reconstituer pour les individus des espaces de gestion de leurs données personnelles sécurisés  et  indépendants  des  plateformes  dont  le  modèle  économique  repose  sur  l’exploitation   de ces données.
  • 131. DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 130 l’Inspection de la protection des données, une agence indépendante sous l’autorité du ministère de la Justice. Ce dispositif trouve son fondement dans la Constitution estonienne de 1992 qui garantit le droit à la vie privée, au secret des communications et à la protection des données. Sources : http://www.mckinsey.com/insights/public_sector/innovation_in_government_i ndia_and_estonia https://www.ria.ee/public/x_tee/X-road-factsheet-2014.pdf http://www.renaissancenumerique.org/images/stories/estonie_renaissancenu merique_vdef%201.pdf Encadrer la réutilisation des données personnelles par les administrations La  loi  relative  à  l’informatique,  aux  fichiers  et  aux  libertés  du  6  janvier  1978  prévoit   que certains traitements de données réalisés par des organismes publics doivent nécessairement  recueillir  l’avis  de  la  CNIL  (cf. articles 26 et 27 de la loi informatique et libertés). À cet égard, le Conseil national du numérique rappelle de : La multiplication des données personnelles des usagers détenues par les administrations ne doit pas conduire à des croisements abusifs ; Garantir  l’anonymisation  des  données  personnelles  collectées  par   l’administration   dans   le   cadre   de   leur   diffusion   en   open data. (cf. recommandation n°26) Le   Conseil   soulève   également   plusieurs   enjeux   relatifs   à   l’utilisation   des   données,   appelant à une instruction approfondie : Le  contrôle  de  la  CNIL,  qui  intervient  aujourd’hui  en  amont,  sur  les   projets de services publics numériques, doit évoluer pour prendre en compte leurs nouveaux modes de conception. En effet, ils peuvent être constitués par des API ouvertes aux modifications : les pratiques poten- tielles, notamment au regard des données publiques, ne sont donc pas toutes connues lors du lancement du service. Les modes de conservation des données (formats de fichier, exi- gences de qualité) doivent être définies, notamment au niveau juri- dique et technique, afin  de  permettre  la  constitution  d’archives  intègres  et   lisibles et de favoriser l’utilisation   de   documents   numérisés   comme   preuves   fiables lors de procédures judiciaires.
  • 132. DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 131 25. Favoriser la création d’espaces numériques personnels pour visualiser ses démarches et stocker ses documents administratifs Le   système   d’identification   France Connect pourrait également être le moyen d’accéder  à  des  espaces  de  visualisation  des  démarches  administratives  et  de  stockage   en ligne de documents administratifs afin de faciliter les relations entre les administrations et les usagers. Dans cette optique, le Conseil propose de : Favoriser l’émergence d’espaces personnels thématiques pour les services publics en ligne Un  grand  nombre  de  contributeurs  ont  souligné  la  nécessité  d’unifier  et  de  simplifier   la visualisation des démarches administratives, ainsi que   d’améliorer   la   prise   de   contact avec les agents du service public. Afin de répondre à cette demande croissante, le   Conseil   s’interroge   sur   la   mise   en   place   d’espace(s)   personnel(s)   numérique(s)   permettant   d’accéder   et   de   suivre   en   temps   réel   ses   démarches administratives en ligne. En   premier   lieu,   le   Conseil   considère   que   la   mise   en   place   d’un   espace   personnel   unique  ne  constitue  pas  nécessairement  une  solution  optimale  pour  faciliter  l’accès  des   citoyens à leurs démarches administratives. En effet, cette approche ne prend pas en compte  le  fait  que  l’utilisation  d’un  espace  personnel  dépend  d’un  “scénario  d’usage”,   c’est-à-dire  des  besoins  de  l’usager  exprimés  dans  le  cadre  d’une  démarche  précise,  à   un moment donné de son parcours administratif. De plus,  la  mise  en  place  d’un  espace   personnel unique conduirait à une refonte des sites administratifs proposant des services  en  ligne  à  partir  d’un  site  unique  (à  l’instar  du  site  gov.uk au Royaume-Uni), ce qui serait techniquement complexe et entraînerait des coûts importants pour les pouvoirs publics. Afin   de   faciliter   l’accès   des   citoyens   aux   démarches   en   ligne   ainsi   que   leur   suivi,   le   Conseil recommande de favoriser le développement d’espaces   personnels   thématiques (comme  l’espace  CAF   pour  les  aides  sociales,  l’espace  Améli  pour  les   démarches   d’Assurance   maladie,   l’espace   impots.gouv.fr, etc.) en veillant à leur articulation  et  cohérence  d’ensemble. Ces espaces personnels pourraient être   accessibles   avec   l’identifiant   France Connect (cf. encadré France Connect - État plateforme). Ces  espaces  personnels  serviraient  d’interfaces  de  visualisation  des  démarches     et  des  échanges  en  cours  entre  le  citoyen  et  l’administration  concernée.  Pour chaque  démarche  seraient  indiqués  l’étape  de  la  démarche  en  cours  et  le  ser- vice administratif en charge de cette étape, la personne à contacter au sein de l’administration   instruisant   la   demande   ainsi,   les   documents   déjà   échangés  
  • 133. DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 132 entre les administrations et les documents nécessaires à la poursuite de la dé- marche. À plus  long  terme,    cet  espace  pourrait  permettre  à  l’usager  de  visuali- ser, de contrôler et de télécharger les différentes données le concernant déte- nues  par  l’administration  (cf. recommandation n°24) Encourager le développement de coffres-forts numériques publics ou privés à partir de l’identifiant France Connect, respectant des règles communes de sécurité et de design Le Conseil national du numérique soulève plusieurs enjeux relatifs aux coffres-forts numériques,   c’est-à-dire des espaces de stockage en ligne destinés à conserver des documents numériques de manière sécurisée. Il  s’agit  tout  d’abord  de  mieux  évaluer  la  demande  de  coffre-fort numérique des individus pour stocker leurs documents administratifs à caractère person- nel.  Cela  implique  de  s’interroger  sur  leurs  usages  pour  déterminer  si  la  mise  à   disposition  d’un  coffre-fort répond à un besoin réel ; Se   pose   ensuite   la   question   de   déterminer   s’il   est   de   la   responsabilité   de   la   puissance publique de fournir un coffre-fort numérique public à tous les ci- toyens ou bien à certains segments de la population selon des conditions défi- nies. À l’heure  actuelle,  différents  projets  de  coffres-forts numériques publics ont été annoncés, notamment à destination des personnes en situation de pré- carité et/ou de forte mobilité. D’autre  part,  la  mise  en  place  de  coffres-forts publics ou privés soulève des enjeux de sécurité pour le stockage des données personnelles. De véritables garanties devraient être définies.   Dans   l’hypothèse   d’un   développement   des   coffres-forts numériques à partir  de  l’identifiant  France Connect, le Conseil national du numérique recommande : d’instaurer   des   standards   de   sécurité,   de   design   et   d’interopérabilité  pour  les  coffres-forts numériques publics. En ef- fet,  le  Conseil  juge  opportun  d’unifier  les  règles  de  conception  de  ces  coffres- forts  et  de  favoriser  leur  interopérabilité  afin  d’éviter  que  l’éventuelle  multipli- cation des coffres-forts ne soit un facteur de complexification des démarches pour  l’usager.     de prévoir un agrément pour les coffres-forts numériques privés. Cela   suppose   de   conditionner   l’intégration   des   coffres-forts numériques à France Connect au respect de critères précis, assurant notamment le respect de la vie privée des usagers, des conditions de sécurité importantes et une lo- calisation   des   centres   d’hébergement   des   données   sur   le   territoire   d’un   État membre  de  l’Union  européenne.
  • 134. DÉVELOPPER DES SERVICES PUBLICS NUMÉRIQUES ADAPTÉS AUX USAGES, DANS UN CADRE DE CONFIANCE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 133 De manière plus générale, le Conseil national du numérique insiste sur le fait que l’ensemble  des  outils  numériques  utilisés  par  les  administrations  devrait  répondre  à   des   exigences   communes   de   sécurité,   d’indépendance   et   de   soutenabilité   environnementale. À cet  égard,  l’État pourrait financer ou encadrer le développement d’outils  répondant  à  ces  exigences  s’ils  ne  sont  pas  déjà  disponibles.
  • 135. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 134 Donner une nouvelle ambition à la stratégie d’ouverture des données publiques La   transposition   de   la   directive   2013/37/UE   dite   “directive   PSI”69 est   l’occasion   de   réaffirmer   les   engagements   de   la   France   en   matière   d’ouverture   des   données   publiques, près de quatre ans après la création de la mission Etalab. À cet égard, le Conseil   national   du   numérique   rappelle   l’importance   de   développer   une   stratégie politique  ambitieuse  en  matière  d’ouverture  des  données  publiques  dans  la  continuité   des   dernières   avancées   à   l’échelle   locale   et   nationale   (plateforme   data.gouv.fr, nomination  d’un  Administrateur  général  des  données,  etc.) L’ouverture  des  données  publiques ne constitue pas une fin en soi, mais un levier en faveur  de  la  transparence  démocratique  et  de  l’innovation  économique  et  sociale.  Elle   répond en effet à une exigence démocratique et constitue un puissant vecteur de modernisation   de   l’action   publique,   pour   davantage   d’efficacité   et   d’efficience.   Elle   participe  en  outre  au  développement  de  l’économie  numérique  et  à  la  constitution  d’un   écosystème innovant autour de la donnée. Le   développement   d’une   stratégie   d’open data implique de définir une véritable gouvernance  des  données  publiques  c’est-à-dire  l’ensemble  des  règles,  d’acteurs  et  de   procédures pour animer et encadrer la circulation des données. Le Conseil soulève à cet égard plusieurs enjeux : Tout  d’abord,  le  développement  de  la  stratégie  open data implique de clarifier les   obligations   et   les   conditions   d’ouverture   des   données   (recommandation n°26). Le Conseil soutient que la gratuité des données publiques devrait être affirmée   comme   un   objectif   général,   en   ce   qu’elle   permet   à   toute   personne   d’accéder  facilement  aux  données  pour   exercer  son  droit  à  l’information  sur   l’action  publique  et  innover.  De  manière  générale,  la  gratuité  des  données  pu- bliques  permet  d’augmenter  la  valeur  ajoutée  globale  en  facilitant  la  création   de nouveaux produits et services,  et  en  renforçant  l’attractivité  économique  du   territoire  pour  les  grands  acteurs  économiques.  L’affirmation  de  l’objectif  de   gratuité des données publiques ne peut néanmoins conduire les acteurs pu- 69 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2013:175:0001:0008:FR:PDF
  • 136. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 135 blics à abandonner toute capacité à réguler et structurer certaines filières, en prévoyant à titre exceptionnel et dans un cadre contrôlé certaines contrepar- ties ; D’autre  part,  le  Conseil  rappelle  la  nécessité  de  garantir  l’effectivité  du  droit   d’accès   aux   documents   administratifs   contenant   des   données   publiques (re- commandation n°28). Cela implique de mieux accompagner les individus dans  la  formulation  de  leur  demande  d’accès  et  de  s’assurer  de  l’efficacité  des   voies de recours en repensant le système existant, notamment pour prendre en compte les nouvelles exigences  de  l’open data. Le   Conseil   souligne   que   si   l’ouverture   des   données   concerne   prioritairement   les   données publiques, certaines  données  détenues  par  des  acteurs  chargés  d’une  mission   de service public (EPIC, etc.) ou des acteurs privés peuvent également concourir à l’exercice   d’un   objectif   d’intérêt   général.   Sans   se   prononcer   sur   un   éventuel   statut   juridique  de  ces  données,  le  Conseil  recommande  d’étudier  au  cas  par  cas  leur  possible   ouverture  en  veillant  au  respect  des  droits  fondamentaux  et  à  l’équilibre des intérêts entre les parties prenantes (recommandation n°29). 26. Opter pour une ouverture par défaut des données publiques, avec un objectif général de gratuité Dans le cadre de la transposition de la directive PSI en droit français, le Conseil recommande  de  généraliser  la  mise  à  disposition  des  données  publiques  et  d’autoriser   leur réutilisation à des fins privées ou commerciales, avec des contraintes juridiques, techniques ou financières proportionnées. Instaurer  une  obligation  d’ouverture  par  défaut  des  données  publiques,  en  prévoyant   des garanties techniques et qualitatives pour en faciliter la réutilisation par des tiers. Inscrire   le   principe   d’ouverture   par défaut des informations publiques dans la loi. Le Conseil rappelle la nécessité de donner une valeur légale au principe d’ouverture   par   défaut   des   informations   publiques   détenues   et/ou   collectées par des organismes du secteur public dans le cadre de leur mission de service public administratif, sauf exceptions prévues dans le cadre de la directive (cf. encadré). En ce qui concerne le périmètre des informations publiques concernées par la directive PSI, il serait opportun de clarifier  les  obligations  d’ouverture et de préciser l’étendue  du  périmètre  des  organismes  du  secteur  public  concernés.
  • 137. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 136 - Le  principe  d’ouverture  s’applique  de  fait  pour  les  administrations centrales et  services  déconcentrés  de  l’État,  ainsi  qu’aux  établissements  publics exerçant une mission de service public administratif ; - Le  principe  d’ouverture  devrait  s’appliquer  pleinement  aux  collectivi- tés territoriales. À cet  égard,  le  Conseil  souligne  l’importance  stratégique  de  la   définition et des éventuelles requalifications des missions des collectivités en mis- sions de service public administratif, dans le cadre des discussions sur la loi por- tant nouvelle organisation territoriale de la République ; - À long terme,  ce  principe  d’ouverture  des  données  publiques  devrait   également   s’étendre   aux   données   collectées   et/ou   produites   dans   le   cadre  de  l’exécution  d’un  marché  public. Le Conseil préconise de générali- ser les clauses open data dans les marchés publics rendant obligatoire la publica- tion  des  données  produites  dans  le  cadre  de  l’exécution  de  ce  marché.  Certaines   collectivités comme la Ville de Paris ont, par ailleurs, déjà mis en place des clauses open data pour la passation de marchés publics. LES INFORMATIONS DU SECTEUR PUBLIC CIBLEES PAR LA DIRECTIVE PSI La directive 2013/37/UE du 26 juin 2013 modifiant la directive 2003/98/CE concernant la réutilisation des informations du secteur public propose un cadre juridique harmonisé à l’échelle de l’Union européenne pour la réutilisation des données publiques. Les règles d'ouverture sont renvoyées à la compétence des États membres La directive prévoit la réutilisation des informations détenues par des organismes du secteur public dans le cadre de l’exercice de leur mission de service public administratif. Par conséquent, les informations détenues dans le cadre d’une mission de service public industriel et commercial en sont exclues. La directive prévoit un certain nombre de domaines pour lesquels la directive ne s’applique pas et pour lesquelles les règles nationales prévalent, notamment les informations publiques non accessibles pour des motifs de sécurité nationale ou de confidentialité commerciale, celles dont l’accès est limité conformément aux règles d’accès en vigueur, et celles dont l’accès est exclu ou limité pour des motifs de protection des données à caractère personnel. La directive prévoit également une dérogation complète pour tous les établissements culturels et de recherche à l’exception des bibliothèques universitaires, bibliothèques, musées et archives. Source : Directive 2013/37/UE
  • 138. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 137 Ouvrir en priorité les données de référence et instaurer une infrastructure  informationnelle  publique  à  l’échelle  nationale Le  fonctionnement  de  l’État repose sur un ensemble de données de référence de grande qualité, connectées entre elles et très fréquemment utilisées. Le Conseil recommande de : - Identifier ces données de base (dites données pivots70) à partir d’une   liste   élaborée   à   l’échelle   nationale.   Ces données devraient faire l’objet  d’une  ouverture  prioritaire,  échelonnée  dans  le  temps.  (cf. encadré sur le  plan  d’action du Danemark Basic data for everyone) LE PROGRAMME BASIC DATA FOR EVERYONE (DANEMARK, 2012) Le Danemark a lancé le programme Basic data for everyone en 2012. Ce programme inclut le registre des entreprises, le cadastre, le registre des individus, les cartes topographiques, ainsi que la base des adresses. Excepté le registre des individus, l’ensemble des données sera progressivement mis à disposition en open data. Considérant ces registres clés comme stratégiques, le Danemark a fait le choix du financement public comme principal ressource. Le pays prévoit un bénéfice net pour le secteur public de 34 millions d’euros par an d’ici 2020 et un gain économique de 100 millions d’euros pour les secteurs public et privé cumulés. Source : PowerPoint Basic data for Everyone - Bâtir une infrastructure informationnelle nationale en se dotant de référentiels  pour  les  bases  de  données  pivot,  faisant  autorité  à  l’échelle   internationale. Ces référentiels constituent un système de registres-clés qui forme une infrastructure informationnelle publique. La mise en place  d’une  telle   infrastructure représente : -­‐ Un  enjeu  d’efficacité  pour  les  politiques  publiques.  En  effet,  elle   permet  de  réduire  les  coûts  structurels  de  l’infrastructure  grâce  à   la suppression des bases de données redondantes et l’amélioration  de  la  qualité des registres, de diminuer les procédures administratives et de réaliser des gains sociaux - économiques  à  travers  l’innovation  à  partir  des  données  pivot ; -­‐ Un  enjeu  de  souveraineté.  Il  s’agit  de  garder  la  capacité  de  donner   une description numérique du réel et de produire une information 70 Les « données pivot » ou « données de référence » sont des données considérées comme identifiantes pour nommer ou identifier des produits, des entités économiques, des territoires ou des acteurs (personnes physiques et morales). Ces référentiels sont indispensables pour lier des bases de données de nature hétérogène et construire une architecture informationnelle unifiée au niveau national. Cela permettrait de donner sa pleine efficacité au projet du web des données (Linked Open Data).
  • 139. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 138 d’autorité,  dans  un  environnement  concurrentiel  croissant   (montée en puissance des acteurs privées spécialisés dans le big data, concurrence internationale, etc.). - Développer des modes de gouvernance collaboratifs pour la cons- titution  et  l’entretien  de  ces  référentiels,  afin  de  garantir  la  péren- nité   de   l’infrastructure   informationnelle. En effet, les référentiels ac- tuels se sont parfois complexifiés et restent cloisonnés, ce qui conduit à des productions fragmentées  et  incomplètes.  Le  Conseil  recommande  d’ouvrir  ces   référentiels   et   d’en   faire   des   ressources   communes   collaboratives   en   s’inspirant  de  la  constitution  de  la  Base  d’Adresse  Nationale  (cf. encadré). Les bases de données pourraient ainsi être valorisées gratuitement par les contri- butions des différents acteurs, publics ou privés, institutionnels ou citoyens. LA CONSTRUCTION COLLABORATIVE DE LA BASE D’ADRESSE NATIONALE (BAN) À l’occasion de la Semaine de l’innovation publique (novembre 2014), l’Institut National de l’Information Géographique et Forestière (IGN), La Poste, l’association OpenStreetMap France et la mission Etalab ont lancé la constitution d’une Base Adresses Nationale (BAN). Cette base a pour objectif d’associer à chaque adresse recensée sur le territoire français des données géographiques. Cette base sera notamment constituée à partir de la base adresse commune de La Poste, de l’IGN et de la DGFIP (25 millions d’adresses), puis enrichie par les données produites par les administrations et nourrie des contributions citoyennes. Un nouveau guichet ouvert permettra aux citoyens et aux entreprises de contribuer et d’utiliser cette base. Bien commun essentiel et accessible à tous, la Base Adresse Nationale est depuis avril 2015 disponible gratuitement en licence de repartage, c’est-à-dire imposant aux réutilisateurs d’y contribuer. Source https://www.etalab.gouv.fr/acteurs-publics-et-societe-civile-sassocient- pour-la-constitution-dune-base-adresse-nationale-ban-collaborative Veiller à la qualité de la mise à disposition des informations publiques, sous des formats libres et interopérables. La directive PSI précise les conditions de mise à disposition des informations publiques. Elle spécifie que les informations doivent, dans la mesure du possible, être  diffusées  sous  des  formats  “ouverts  et  lisibles  par  machine”  et  accompagnées de leurs métadonnées. Afin de respecter cette exigence, le Conseil souligne la nécessité de : - Renforcer les exigences sur les formats utilisés pour la transmis- sion des informations publiques ; - Définir un référentiel pour la mise à disposition des informations sous des formats libres et interopérables, en   s’appuyant   par   exemple  
  • 140. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 139 sur  l’expertise  de  la  Direction  Interministérielle  des  Systèmes  d’Information  et   de  Communication  (DISIC)  et  d’Etalab.  À l’échelle  européenne,  des  recherches   devraient être lancées  en  vue  d’une  harmonisation des référentiels nationaux ; - Accompagner les données de leurs métadonnées, notamment celles concernant les licences de réutilisation, afin de renforcer la sécurité juridique des réutilisateurs. Mettre en place de fortes garanties   pour   l’anonymisation   des   données publiques présentant un caractère réidentifiant Le Conseil rappelle la nécessité de garantir l’anonymisation   des   données   publiques identifiantes comme les données publiques de santé, dans le cadre de leur diffusion en open data. - Mettre   en   place   des   standards   d’anonymisation   et   des   pôles   d’expertise  relatifs  à  l’anonymisation  dans  chaque  ministère, afin de garantir une diffusion anonymisée des données en open data. - Garantir   le   respect   de   l’anonymisation   des   données placées en open data lors de leur réutilisation en créant une licence spécifique pour les données anonymisées. Cette licence contiendrait plusieurs clauses  comme  l’obligation  de  mentionner  le  fait  que  le  jeu  de  données  a  fait   l’objet   d’une   anonymisation,   l’interdiction   des   recoupements   d’informations   anonymisées ou toute autre pratique permettant de rendre ces données identi- fiantes,  l’engagement  de  la  responsabilité  du  réutilisateur,  du  fait  de  pratiques   de croisement des données anonymisées. Réaffirmer le principe de gratuité des données publiques comme objectif général, en autorisant au “cas par cas” certaines contreparties dans un cadre contrôlé. Les données publiques constituent des biens communs, ouverts à une libre réutilisation dans les limites imposées par la loi (cf. article 12 de la loi CADA). Pour en faciliter  la  réutilisation,  le  Conseil  est  d’avis  de  poser  un  objectif  général  de  gratuité,  en   autorisant au cas par cas des contreparties. Fixer un objectif général de gratuité des données publiques dans une  logique  d’efficacité Le potentiel des données publiques en matière de transparence démocratique, de développement  économique  et  d’innovation  sociale  justifie  le  fait  qu’on  s’engage  vers   un modèle de gratuité des données publiques. Le Conseil propose de reconnaître cet objectif général de gratuité.
  • 141. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 140 Le Conseil rappelle que le principe de gratuité doit être pensé de manière pragmatique, d’une  part  en  encadrant  les  exceptions  à  ce  principe,  et  d’autre  part  en   développant une stratégie sur les externalités  positives  liées  à  l’ouverture  gratuite  des   données  publiques.  Dès  lors,  il  s’agit  de : - Penser des modèles soutenables de financement, production et mise à disposition des données et accompagner la transition des modèles économiques des organismes producteurs de données ; - Faire  levier  sur  l’ouverture  gratuite  des  données  pour  générer  des  gains  éco- nomiques et sociaux ; - Renouveler   les   modalités   d’intervention   de   l’action   publique   à   partir de nouveaux usages autour de la donnée. En ouvrant gratuite- ment  ses  données,  l’administration  peut  elle-même susciter leur réutilisation et leur enrichissement par des acteurs tiers. Les acteurs publics gagneraient à s’approprier  ces  nouveaux  usages  pour  valoriser  leurs  données  et  adapter  les   politiques publiques  qu’ils  conduisent. LE RAPPORT TROJETTE ET LE PRINCIPE DE GRATUITE Le rapport Trojette (novembre 2013) sur “l’ouverture des données publiques, les exceptions au principe de gratuité sont-elles toutes légitimes ?”, montre que les redevances liées à la commercialisation des données s’élèvent à 35 M€ en 2012 et que ces ressources sont très concentrées. L’INSEE et l’IGN reçoivent 10 M€ chacun tandis que le Ministère de l’intérieur perçoit environ 4 M€. Plusieurs arguments plaident en faveur d’un recours limité aux redevances : Le fait que le modèle économique de certaines administrations repose en grande partie sur les redevances pose la question de la dépendance du financement public à des acteurs privés et donc de sa pérennité. Les redevances sont autant de barrières à l’entrée pour les réutilisateurs potentiels les moins dotés (start-ups, citoyens). Cette situation est préjudiciable par rapport à l’objectif des politiques d’open data, qui est de favoriser les externalités positives de l’utilisation des données publiques pour la société et l’économie. De plus les expériences étrangères montrent que les gains sociaux et économiques pour la collectivité dépassent largement les coûts d’investissement dans la politique de mise à disposition des données. Source : http://www.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/fichiers- attaches/20131105-rapporttrojetteannexes.pdf
  • 142. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 141 Permettre à certains organismes publics de recourir, à titre exceptionnel et dans un cadre contrôlé, à des redevances Le  recours  aux  redevances  doit  demeurer  un  régime  d’exception.  Il  doit  être  justifié  à   rythme régulier par des impératifs économiques substantiels, et encadré par la loi. À cette fin, le Conseil recommande de : - Renforcer la transparence des redevances : il est essentiel de publier en avance et sous format électronique les tarifs des redevances, les conditions applicables et le revenu réel provenant des redevances. En parallèle, les études d’impact  économique  justifiant  le  recours  à  la  redevance  devraient   être ren- dues publiques ; - Moduler le montant des redevances dans le respect des plafonds fixés par la directive (cf. encadré), en fixant un nombre limitatif de critères comme  la  dépendance  économique  de  l’organisme  producteur  de  la   donnée à cette source de financement et les efforts engagés dans la transition de  leur  modèle  économique,  le  coût  d’entretien  de  la  donnée,  etc.  Le  montant   de la redevance pourrait être corrélé positivement au volume de données mis à disposition  ainsi  qu’à  leur  valeur  ajoutée  potentielle. Il pourrait également va- rier selon le type de réutilisateur et les critères de valeur ajoutée de la plate- forme de mise à disposition (cf. encadré sur le rapport Trojette). Ces critères d'autorisation seraient limitatifs et appréciés par un organisme ad hoc, sollici- tés  dans  le  cadre  d’un  avis. - En cas de contentieux, des procédures de recours devraient être prévues. L’ENCADREMENT DES REDEVANCES PREVU PAR LA DIRECTIVE PSI DU 27 JUIN 2013 La directive PSI pose comme principe général que les redevances doivent être limitées aux coûts marginaux. Elle prévoit néanmoins des exceptions. Compte- tenu de la nécessité de ne pas entraver le fonctionnement normal des organismes du secteur public qui sont tenus de générer des recettes destinées à couvrir une part substantielle de leurs coûts liés à l’exécution de leurs missions de service public ou des coûts liés à la collecte, production ou diffusion de leurs documents, la directive précise que ces organismes pourront imposer des redevances supérieures aux coûts marginaux, mais ne dépassant pas les coûts afférents à la collecte, production, reproduction et diffusion. Source : Directive 2013/37/UE .
  • 143. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 142 LES PROPOSITIONS DU RAPPORT TROJETTE SUR L’ENCADREMENT DES REDEVANCES Le rapport de Mohammed Adhène Trojette propose de moduler les redevances dans la limite du coût marginal, suivant le type de réutilisateur et des critères de valeur ajoutée de la plateforme : Espace de gratuité : pour les citoyens et pour les sociétés en phase d’amorçage Espace payant : pour les entreprises en consolidation et les entreprises établies suivant la valeur ajoutée de la plateforme. Les critères de valeur ajoutée de la plateforme sont les suivants : volume de transactions sur la plateforme, volume des accès concurrents souhaités, fraîcheur des données, débit maximal accordé au réutilisateur, type de licence accordée Source : http://www.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/fichiers- attaches/20131105-rapporttrojetteannexes.pdf Prévoir  au  “cas  par  cas”  des  contreparties  non-financières pour la réutilisation des données publiques, en prévoyant un système de double-licence L’ouverture   des   données   publiques   peut   s’accompagner   de   contreparties   non   financières définies dans le cadre de licences de réutilisation. De manière générale, le Conseil affirme que : - Les  licences  doivent  être  “aussi  simples  à  appréhender  et  à  accep- ter  que  possible”. Ce principe est également porté par le rapport Trojette sur  l’ouverture  des  données  publiques ; - Le nombre de licences ne devrait pas être trop important pour ga- rantir   une   cohérence   à   l’échelle   nationale,   et   éviter   ainsi   l’insécurité  juridique  qui  serait  induite  par  la  multiplication  infruc- tueuse des licences. Dès lors, les organismes publics pourraient recourir stratégiquement  à  un  système  de  double  licence  en  s’appuyant  sur : -­‐ La  licence  ouverte  d’Etalab  (LO)  régit  aujourd’hui  la   réutilisation des données présentes sur la plateforme data.gouv.fr et  est  donc  naturellement  l’une  des  plus  utilisées.  Cette  licence   s’inscrit  dans  un  contexte  international  en  étant  compatible  avec   les standards des licences open data développées  à  l’étranger  ainsi   que les autres standards internationaux (ODC-BY, CC-BY 2.0). Cette  licence  autorise  la  reproduction,  redistribution,  l’adaptation   et  l’exploitation  commerciale  des  données  sous  réserve  de   l’obligation  de  faire  expressément  mention de la paternité de la donnée ;
  • 144. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 143 -­‐ Les licences de type ODbL instaurent des contreparties non- financières plus importantes pour la réutilisation des données publiques  par  des  tiers,  notamment  le  partage  à  l’identique,  qui   permet  d’assurer  que  les  données ne sont pas refermées par les utilisateurs et promeut la viralité du libre. Ces licences permettent de copier, modifier et faire un usage commercial des données sous trois conditions complémentaires : citer la source, redistribuer sous des conditions de partage identiques les modifications et maintenir  ouverte  techniquement  la  base  de  données  qu’elle  soit   modifiée ou non. 27. Favoriser le développement et la coordination des stratégies d’ouverture des données publiques Le   développement   d’une   stratégie ambitieuse   d’open data ne   peut   s’effectuer   sans   l’émergence  d’une  culture  de  la  donnée  en  parallèle,  tant  au  sein  de  l’administration   qu’au   sein   de   la   société   civile   et   de   la   sphère   économique.   Il   s’agit   pour   les   acteurs   publics   de   basculer   d’une   culture   de   la   détention   de   l’information   à   une   culture   de   l’ouverture  et  de  la  diffusion.  Les  démarches  à  l’échelle  locale  doivent  être  encouragées   et  accompagnées.  Ce  n’est  qu’à  cette  condition  que  pourra  émerger  constitution  d’une   communauté innovante autour des données publiques. Développer la médiation autour de la donnée publique La  médiation  autour  de  la  donnée  désigne  l’ensemble  des  actions  visant  à  sensibiliser   et former les agents publics, les entreprises et les acteurs de la société civile aux usages de la   donnée.   La   médiation   a   pour   objectif   d’aider   à   mieux   identifier   ce   qu’est   une   donnée   publique,   comprendre   les   modalités   d’accès   et   de   réutilisation   des   données   publiques, et prendre connaissance du potentiel de la donnée et des bonnes pratiques à partir d’exemples  concrets. Le Conseil rappelle que la médiation est un prérequis indispensable au développement de stratégie open data, et préconise les actions suivantes : Développer  des  outils  et  guides  pratiques  sur  l’utilisation  des  don- nées publiques ; Encourager   l’organisation   de   hackathons à partir des données pu- bliques pour créer un écosystème économique innovant ;
  • 145. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 144 Favoriser  la  création  d’infolabs  dans  des  tiers-lieux numériques et au sein même des administrations. Ces infolabs sont des espaces colla- boratifs dédiés à la compréhension et à la co-construction à partir des don- nées. Apporter un accompagnement méthodologique aux collectivités territoriales Il  est  nécessaire  d’encourager  et  de  soutenir  les  collectivités  de  toute  taille  dans  la  mise   en place d’une  stratégie  locale  d’ouverture  des  données.  Ainsi  le  Conseil  considère  qu’il   est important de renforcer les conseils pratiques ou méthodologiques auprès des collectivités territoriales qui en expriment le besoin. Des lignes directrices pourraient être fixées  pour  orienter  les  collectivités  dans  leur  politique  d’ouverture  des  données   publiques locales, sous réserve du respect du principe de libre administration des collectivités territoriales. En partant de ce constat, le Conseil recommande de : Mettre en place une liste indicative des données publiques locales, facilement diffusables et fréquemment sollicitées. Cette liste permet- trait de faciliter le travail de préparation des collectivités en amont de l’ouverture  des  données  (recensement  des  données  susceptibles  d’être  mises  à   disposition,  l’étude  des  fréquences,  délais  et  modalités  de  mise  à  jour,  rédac- tion  des  métadonnées,  garanties  d’anonymisation,  etc.) ; Encourager les collectivités à publier directement leurs données publiques sur la plateforme data.gouv.fr, en  étendant  l’initiative  terri- toire.data.gouv.fr (cf. encadré) à de nouvelles offres comme la mise à disposi- tion  de  supports  d’accompagnement  (par  exemple,  des  tutoriels  sur  comment réutiliser les données) ; Mettre  en  place  des  séminaires  d’information et de formation au- tour de la donnée publique, à destination des agents publics territoriaux, en partenariat avec le Centre de Formation de la Fonction Publique Territo- riale.
  • 146. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 145 L’INITIATIVE TERRITOIRE.DATA.GOUV.FR Pour accélérer la diffusion et le décloisonnement des données aux différents échelons territoriaux et nationaux, la mission Etalab a mis en place l’initiative territoire.data.gouv.fr, en collaboration avec l'association Open Data France. Cette initiative fonctionne de la manière suivante : Un représentant de la collectivité s’inscrit sur data.gouv.fr ou sur une plate-forme open data territoriale. Cette simple inscription permet à la collectivité de visualiser automatiquement les données des administrations centrales et déconcentrées relatives à son territoire : population, logement, comptes publics, emploi, voirie, action sociale, culture, environnement, etc. À partir de cette visualisation, les collectivités sont incitées à enrichir la base de données à leur rythme. Source : http://territoire.data.gouv.fr/ Étendre et mieux outiller le réseau des responsables open data Il est essentiel de favoriser   l’émergence   d’une   communauté   open data structurée, porteuse   d’une   dynamique   plus   globale   sur   l’ensemble   du   territoire. La constitution d’une   communauté   open data a pour   objectif   de   dynamiser   et   étendre   l’échange   d’expériences  autour  de  la  donnée,  mais  également  d’assurer  une  meilleure  cohérence   entre  les  stratégies  d’open data locales, nationales et européennes. Dès lors, le Conseil recommande de : Renforcer et professionnaliser la coopération des chefs de projet open data locaux De   nombreuses   collectivités   se   sont   dotées   d’un   chef   de   projet   open data, dont les missions consistent à coordonner la stratégie open data à  l’échelle  de  la  collectivité,   sensibiliser et renforcer le dialogue entre les services administratifs autour des données  et  s’assurer  de  la  mise  en  œuvre  de  l’ouverture  des  données. Sur la base du volontariat, ces responsables open data locaux se sont réunis en réseaux pour échanger sur les bonnes pratiques  en  matière  d’open data. Le Conseil considère que  cette  mise  en  réseau  devrait  être  encouragée  et  amplifiée,  en  ce  qu’elle  permet  de : - Améliorer  la  coordination  des  stratégies  locales  en  matière  d’open data, en favorisant   l’échange   de   bonnes   pratiques et conseils, et en permettant une meilleure connaissance des projets respectifs ; - Produire des réponses communes face à des questions soulevées par l’ouverture  des  données  publiques,  par  exemple  la  rédaction  d’une  clause  type   de marché public relative à  l’open data,  ou  encore  la  mise  en  place  d’un  guide   open data.
  • 147. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 146 Le   Conseil   propose   de   s’appuyer   sur   les   démarches   existantes   pour   renforcer   les   coopérations   entre   collectivités   et   favoriser   l’émergence   d’un   réseau   structuré   de   responsables open data. - Les associations de collectivités territoriales autour de projets sur l’ouverture   des   données   publiques     devraient   être   encouragées, à l’instar  d’Open  data  France ; - A   l’échelle   nationale,   une   meilleure   représentation   des   respon- sables open data locaux pourrait être garantie au sein du Comité de pilotage des coordinateurs open data, afin de développer des synergies et de mieux faire remonter les besoins des territoires. Faire  émerger  une  “communauté  européenne  d’open  data” Le  Conseil  rappelle  l’importance  de  fédérer  les  différents  projets  liés  à  l’open  data  à   l’échelle  européenne  et  propose  plusieurs  pistes  d’action : - Créer un réseau/think-tank européen réunissant les Chief Data Officers pour coordonner les initiatives open data nationales. Ce ré- seau pourrait par exemple se constituer sur la base du groupe PSI et des coo- pérations bilatérales déjà existantes ; - Améliorer les liens entre les projets locaux, nationaux en cours dans les différents États  membres  en  s’appuyant  sur  le  programme   Open data Support71; - Développer des projets européens communs autour des données pour mieux mobiliser les données publiques européennes : mettre en  place  un  guichet  unique  d’accès  à  la  liste  des  appels  et  programmes  euro- péens open data, lancer des opérations du type Erasmus open data, impulser la  création  de  labs  européens  au  sein  d’organisations  internationales  comme   l’Open Knowledge Foundation ou  l’Open Data Institute. 28. Repenser le droit d’accès aux documents administratifs, dans le contexte d’ouverture des données publiques Avec  le  numérique,  l’exercice  du  droit  d’accès  aux  documents  administratifs  se  pose   sous  un  angle  nouveau.  Tout  citoyen  ou  personne  morale  peut  demander  l’accès  aux   données publiques qui constituent des informations publiques contenues dans des 71 https://joinup.ec.europa.eu/community/ods/description
  • 148. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 147 “documents  administratifs  communicables” au sens de la loi CADA du 17 juillet 1978. (cf.   encadré   sur   l’exercice   du   droit   d’accès   aux   documents   administratifs   communicables). Le  Conseil  s’interroge  sur  l’adaptabilité  de  ce  dispositif  d’accès  aux   documents  administratifs  à  l’heure  du  numérique,    et  ses  évolutions  éventuelles.  Dès   lors, il recommande : Engager une réflexion sur les pouvoirs, les modes d’intervention et les moyens de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) à l’heure du numérique D’après   la   loi   CADA   du   17   juillet   1978,   la   Commission   d’accès   aux   documents   administratifs est a priori compétente pour se saisir des questions liées à la communication des données publiques entendues comme des informations publiques contenues dans des documents administratifs communicables. Cependant, le Conseil souligne que les   modes   d’action   de   la   CADA   sont   peu   adaptés   aux   enjeux   numériques. En   effet,   l’extension   de   son   champ   d’intervention   aux   données   publiques  soulève  la  question  de  l’adéquation  de  ses  moyens  et  modes  d’intervention   aux  objectifs  fixés.  D’autre  part,  la  CADA  est  appelée  à  se  prononcer  de  manière  plus   précise sur les modalités techniques de communication des données afin de garantir leur mise à disposition sous des formats ouverts et interopérables. Dans   cette   optique,   le   Conseil   recommande   d’engager une réflexion sur la transformation de la CADA pour mieux prendre en compte les spécificités des demandes  d’accès  aux  documents  administratifs  à  l’heure  du  numérique.  Il  est  en effet nécessaire  de  repenser  les  compétences  et  l’organisation  de  la  CADA  pour  adapter  ses   modes  d’intervention  aux  enjeux  actuels.  Plusieurs  pistes  de  réflexion  pourraient  être   envisagées  comme  l’extension  de  ses  pouvoirs : L’élargissement  des  pouvoirs de conseil de la CADA avec la mise en place  éventuelle  d’interlocuteurs  spécialisés,  un  système  d’assistance  et  d’aide   à destination des administrations. Le renforcement de la portée des avis de la CADA et la reconnais- sance de pouvoirs de sanction et/ ou d’astreinte  en cas de non-respect par  l’administration  de  l’avis  rendu.  En  effet  à  l’heure  actuelle,  les  avis  de  la   CADA ont une valeur non-contraignante. Un renforcement des pouvoirs de la CADA  aurait  pour  objectif  d’améliorer  l’effectivité  des  avis  rendus. D’autre   part,   cette   réflexion   pourrait   porter   sur   l’évolution   des   pratiques   et   de   la   jurisprudence de la CADA concernant : Les   modalités   techniques   d’accès   aux   documents   administratifs,   notamment  sur  les  conditions  de  mise  en  forme  des  données  qu’ils   contiennent et leur éventuelle mise en ligne, dans la limite des possibi-
  • 149. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 148 lités   techniques   de   l’administration   (cf.   article   4   de   la   loi   CADA)72. Par exemple,  à  l’occasion  d’une  demande  individuelle  d’accès  à  un  document  ad- ministratif, la CADA pourrait demander  à  l’administration  de  publier  en  ligne   les données publiques pour les rendre accessibles au plus grand nombre. À terme,  un  droit  à  l’accès  en  ligne  des  données  publiques  pourrait  être  ainsi  re- connu. Les limitations imposées à la communication de certains docu- ments,  en  raison  de  motifs  d’intérêt  général  et/ou  de  protection  des   droits et libertés fondamentaux (articulation de la loi informatique et li- bertés, et de la loi CADA) Par ailleurs, un éventuel renforcement des pouvoirs de la CADA nécessiterait de s’interroger  sur  l’organisation  et  le  fonctionnement  interne  de  la  CADA  ainsi  que  les   moyens qui lui sont alloués. La composition de la CADA pourrait ainsi évoluer en fonction des nouvelles compétences qui lui seraient accordées. LA MISSION COMMUNE D’INFORMATION “REFONDER LE DROIT A L'INFORMATION PUBLIQUE A L'HEURE DU NUMERIQUE : UN ENJEU CITOYEN, UNE OPPORTUNITE STRATEGIQUE" (Président : Jean-Jacques Hyest, Rapporteur : Corinne Bouchoux) Ce rapport a pour point de départ l’analyse du droit reconnu à toute personne d’obtenir communication des documents de l’administration. La mission s’est attachée à s’assurer de l’effectivité de ce droit puis à évaluer la pertinence et l’efficacité des politiques engagées en matière de diffusion de l’information publique et plus récemment d’ouverture des données publiques. La mission commune d’information a formulé plusieurs recommandations, parmi lesquelles : Créer un "référé communication" devant le juge administratif, sur saisine de la C dès réception de la demande d’avis lorsque la question de la communicabilité du document a déjà été tranchée par la jurisprudence ou par la CADA, ou si le document figure sur une liste fixée par arrêté après avis de cette dernière. Reconnaître à la CADA une capacité d’autosaisine aux fins de poursuite des réutilisations frauduleuses et alourdir significativement le quantum des sanctions Source : http://www.senat.fr/notice-rapport/2013/r13-589-1-notice.html 72 L'article  4  de  la  loi  CADA  pose  le  principe  selon  lequel  l’accès  aux  documents  administratifs   s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administra- tion.
  • 150. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 149 Mieux accompagner les citoyens dans la formulation de leur demande d’accès à des informations publiques communicables. Garantir   l’effectivité   du   droit   d’accès   aux   informations   publiques   communicables   implique   d’anticiper   en   amont   l’ouverture   de   ces   données et de prévoir en aval des procédures de saisine et de recours efficaces. Le Conseil recommande à cette fin de mieux   accompagner   les   citoyens   dans   leurs   démarches   d’accès   aux   informations   publiques communicables vis-à-vis  de  l’administration  et  de  la CADA. Les mesures présentées ci-dessous visent à renforcer la capacité des individus à formuler   leur   demande   d’accès   aux   informations   publiques   communicables,   en   leur   permettant   de   mieux   identifier   leur   localisation   et   l’organisme   détenteur   des   informations communicables. Le Conseil propose de : Mettre à la disposition des citoyens des répertoires substantiels et actualisés des informations publiques communicables.  L’article  17  de   la loi CADA impose aux administrations de mettre à la disposition des usagers un répertoire des principaux documents dans lesquels figurent les données publiques  qu’elles  détiennent.  Cette  obligation  est  appliquée  de  manière  hété- rogène par les acteurs publics. Dans la continuité de la mission commune d’information  “Refonder  le  droit  à  l’information  publique  à  l’heure  du  numé- rique”,  le  Conseil  recommande  d’une  part,  de  s’assurer  du  bon  respect  de  la   mise  en  place  de  tels  répertoires  par  les  organismes  soumis  à  l’obligation  de   publication,  et  d’autre  part  d’élargir  le  contenu  de  ces répertoires aux données publiques  produits  ou  collectées  dans  le  cadre  d’une  mission  de  service  public   administratif,  en  précisant  leur  état  d’ouverture  (ouvert,  en  cours  d’ouverture,   non-ouvrable). Mettre en ligne des guides pratiques et des modèles types de lettre ou  d’e-mail  de  demande  d’accès  à  des  informations  publiques : -­‐ sur le site de la CADA -­‐ sur  les  sites  des  administrations  à  l’exemple  du  guide open data mis en place par La Communauté urbaine de Bordeaux avec l’association  Open  data  France  et  AEC.
  • 151. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 150 L’EXERCICE DU DROIT D’ACCES AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS Toute personne a le droit de demander, sans distinction de nationalité ni justification d’un intérêt à agir, la communication d’un document administratif ne mettant personne en cause. Elle doit identifier le document et formuler par écrit ou par e-mail une demande claire et précise à l’administration qui le détient. Les modalités de communication du document sont au choix du demandeur (consultation gratuite sur place, copie papier ou support électronique…). L’administration dispose d’un mois pour répondre à une demande, faute de quoi le silence est considéré comme une décision implicite de refus de communication. En cas de refus de l’administration, le demandeur peut saisir la CADA pour avis dans un délai de deux mois suite à la notification de refus. il s’agit d’un préalable obligatoire à tout recours contentieux. L’administration dispose d’un mois à compter de la réception de l’avis de la CADA pour lui faire connaître les suites qu’elle entend donner à la demande. En cas d’avis positif de la CADA et de refus de l’administration de communiquer le document souhaité, le demandeur peut saisir le juge administratif d’un recours contentieux. Source : http://www.cada.fr/ Afin  de  faciliter  la  formulation  d’une  demande  d’accès  à  un  document  administratif,  le   Conseil   recommande   dans   la   continuité   de   la   mission   commune   d’information   sur   “Refonder le droit à l'information publique à l'heure du numérique" (cf. encadré) de prévoir   sur   la   page   d’accueil   de   chaque   portail   administratif   un   point   d’entrée  unique  normalisé  pour  les  demandes  de  communication. Ce point d’entrée  serait  assorti  d’un  dispositif  d’envoi  d’avis  de  réception  automatique   valant   preuve de la demande. Sensibiliser les Personnes responsables de l’accès aux documents administratifs (PRADA) aux enjeux liés aux demandes d’accès aux informations publiques et à leur réutilisation Au   sein   de   l’administration,   les   PRADA   (cf. encadré) jouent un rôle central dans l’instruction   et   le   suivi   des   demandes   d’accès   aux   documents   administratifs.   Une   attention particulière devrait être accordée à leur formation aux enjeux juridiques et techniques   liées   à   l’accès   aux   données   publiques   contenues   dans   des   documents   administratifs.  Des  sessions  d’information  spécialement  prévues  à  cet  effet  devraient   être organisées.
  • 152. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 151 LES PERSONNES RESPONSABLES DE L’ACCES AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS (PRADA) Depuis 2005, l’article 24 de la loi CADA prévoit la désignation de “personnes responsables de l’accès aux documents administratifs et des questions relatives à la réutilisation des informations publiques” dans toutes les administrations centrales et les préfectures ainsi que dans les administrations locales (à l'exception des communes de moins de 10 000 habitants), les établissements publics nationaux et locaux et les organismes chargés d'une mission de service public les plus importants. Le réseau des PRADA compte actuellement 1 500 personnes. Les PRADA ont pour mission de réceptionner les demandes de communication et les éventuelles réclamations, de veiller à leur instruction, d’assurer la liaison entre leur administration et la CADA, et éventuellement d’établir un bilan annuel des demandes d’accès aux documents administratifs et de licence de réutilisation des informations publiques. Source : http://www.cada.fr/les-personnes-responsables-de-l-acces-au-sein- des,6152.html 29. Encourager au cas par cas le partage de données des acteurs économiques et de la société civile, en veillant au respect des droits fondamentaux et à l’équilibre des intérêts des parties prenantes Un grand nombre de données, sans être des données publiques, présente de forts enjeux   d’intérêt   général.   L’ouverture   de   ces   données   est   susceptible   de   générer   des   externalités   positives   pour   la   société,   d’un   point   de   vue   économique,   social   et   environnemental. De plus, certaines données peuvent être indispensables pour augmenter   l’efficacité   de   l’action   publique   dans   le   cadre   d’une   mission   d’intérêt   général.   Par   exemple,   l’accès   à   ces   données   pourrait   se   justifier   par   des   projets   de   recherche   à   fort   potentiel,   des   objectifs   d’intérêt   général   fixés   par   des   politiques   publiques  (sécurité,  santé  publique,  énergie,  etc.)  et/ou  des  situations  d’urgence  (crise   environnementale ou sanitaire). Il convient de distinguer deux catégories de données produites par des acteurs privés ou publics en fonction du contexte de la collecte des données. Si celle-ci   s’exerce   dans   le   cadre   d’une   mission   de   service   public,   le   Conseil   considère que eles pouvoirs publics peuvent être amenés au cas par cas à de- mander  à  l’organisme  détenteur  d’ouvrir  ces  données  La  justification  doit  se   faire à la  fois  par  la  finalité  d’intérêt  général,  par  la  valeur  d’usage  attendue  et   par le caractère difficilement contournable de cette source de données. Si la donnée est produite ou collectée hors mission de service public, le Conseil rappelle  qu’elle  n’a  pas  par défaut vocation à être ouverte. Pour autant, cer-
  • 153. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 152 taines situations peuvent justifier que des entreprises souhaitent ponctuelle- ment  ou  durablement  ouvrir  leurs  données,  notamment  dans  le  cadre  d’une   responsabilité  sociale  de  l’entreprise  ambitieuse.  C’est déjà le cas, comme en témoigne   l’initiative   Data4Climate en matière environnementale (cf. enca- dré). Les pouvoirs publics peuvent encourager les acteurs privés à travailler conjointement en anticipation sur certains sujets clés, par exemple sur de grands enjeux sanitaires. Ainsi, pendant la crise Ebola, plusieurs acteurs ont réclamé  l’accès  aux  données  de  mobilité  collectées  par  les  opérateurs  de  télé- phonie  dans  les  zones  où   sévissait  l’épidémie,   mais  les  données   n’étaient   en   aucun cas disponibles sous format sécurisé et exploitable pour un tel usage. C’est  à  ce  type  de  demande  qu’acteurs  publics  et  acteurs  privés  doivent  travail- ler   conjointement,   comme   a   déjà   commencé   à   le   faire   l’ONU,   à   travers   son   programme Global Pulse73. LE PROGRAMME DATA4CLIMATE En 2015, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a mis en place le programme de recherche Data4Climate pour soutenir les actions contre le réchauffement climatique. Ce programme vise à encourager le partage de données collectées ou produites par des acteurs privés (big data), venant de différents pays et d’industries variées, au profit de la recherche sur la résilience climatique. À partir de ces données agrégées et anonymisées, les chercheurs pourraient élaborer des solutions innovantes. Les premiers résultats seront présentés lors de la conférence COP21 de Paris. Source : http://www.unglobalpulse.org/data-for-climate-action-2015 En  l’état,  le  Conseil  national  du  numérique  ne  souhaite pas que soit créée une  nouvelle  catégorie  juridique  dites  de  “données  d’intérêt  général”. En effet, une telle catégorie serait par définition de portée trop large et floue et la qualification juridique des dites données trop complexe pour être mobilisable simplement. Elle risque par ailleurs de créer une insécurité juridique chez les acteurs privés,   fragilisant   la   construction   de   services   et   de   modèles   d’affaires   intégrant   la   donnée. 73 http://www.unglobalpulse.org/ :  Ce  programme  a  été  mis  en  place  par  l’ONU  dans  le  cadre   de son programme humanitaire sur la lutte contre la faim. Une recherche a été lancée pour comprendre les mécanismes de la famine (besoins de la population, mobilité intra-régionale, etc.) à partir des données collectées par les smartphones.
  • 154. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 153 Prévoir l’ouverture de certaines données collectées / produites par des organismes dans le cadre d’un service dont la puissance publique participe à la mise en place, au fonctionnement ou au financement. Lorsqu’un  organisme  participe  à  une  mission  de  service  public,  il  peut  être  prévu,  au   cas par cas par voie contractuelle et /ou législative, que certaines données soient ouvertes   et   réutilisables.   L’ouverture   peut   être   décidée   par   les   pouvoirs   publics   en   fonction  d’une  série  de  critères : des critères organiques :  participation  d’une  personne  publique  à  la  mise  en   place, au fonctionnement ou au financement du service considéré (exemple : établissement public à caractère industriel et commercial, organisme titulaire d’une  délégation  de  service  public  contractuelle  ou  unilatérale,  entreprise  pu- blique, etc.) ; des critères de  finalité  et  de  valeur  d’usage  attendues : évaluation ex ante du potentiel   d’innovation   sociale   et   économique,   de   l’intérêt   en   termes d’approfondissement démocratique le cas échéant, attendu de cette mise à disposition de ces données. Le périmètre des données  concernées  et  la  mise  en  œuvre  de  leur  ouverture  devraient   être clairement délimités.
  • 155. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 154 LE RAPPORT “OUVERTURE DES DONNEES DE TRANSPORT” (FRANCIS JUTAND, MARS 2015) Le rapport suggère d’élargir, au-delà des missions de service public au sens strict, le périmètre des services dont les données pourraient être rendues réutilisables. Il propose de réfléchir à l’opportunité de créer une notion d’information d’intérêt général, applicable à de nombreux domaines (transport, santé, etc.), dans le cadre du projet de loi sur le numérique. Cela permettrait de développer une méthode générale pour rendre les données réutilisables. Deux pistes pourraient être explorées : Une piste organique consistant à tenir compte de la participation d’une personne publique à la mise en place, au fonctionnement ou au financement du service considéré. Cette approche permet d’englober des services ne relevant pas stricto sensu d’une mission de service public Une piste téléologique consistant à considérer les données du point de vue de leur finalité et en introduisant une notion d’«information d’intérêt général » (IIG). Cette approche présente l’avantage de pouvoir englober toutes les données de l’information transport, en fonction des évolutions éventuelles. À l’instar d’une information publique, une « information d’intérêt général » serait réutilisable de droit. Ce droit de réutilisation s’exercerait selon une logique totalement distincte de celle de la loi CADA, puisqu’il ne s’articulerait pas à un droit à communication des documents administratifs. Il pourrait s’étendre à des données produites par des personnes privées dans le cadre d’un service ne relevant pas d’un service public mais faisant l’objet d’une convention avec une personne publique, ou à des données purement privées (exemple : données relatives aux bornes de recharge des véhicules électriques). Source : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Rapport-sur-l-ouverture- des.html
  • 156. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 155 Encourager la mise en commun, sur la base du volontariat, de certaines données collectées par les acteurs privés pour concourir à un programme de recherche ou une politique publique. L’État pourrait encourager différents acteurs à mettre en commun certaines données sur la base du volontariat, afin de concourir à un programme de recherche ou à une politique publique, ponctuellement (situation de crise) ou durablement. Les données mises en commun pourraient être collectées par un organisme public puis agrégées et randomisées   avant   d’être   réutilisées   ou   redistribuées.   Afin   de   préserver   un   cadre   favorable  à  l’innovation  pour  les  entreprises,  le  périmètre  de  ces  données  devrait  être   clairement  circonscrit  et  l’approche  du  volontariat  systématiquement  privilégiée. Dès lors, plusieurs actions pourraient être envisagées : Lancer une étude sur les expérimentations et/ou programmes de mise   en   commun   des   données   menées   à   l’international, en s’appuyant  sur  le  réseau  des  ambassades  et  de  Business  France.  Par  exemple, les États-Unis  ont  expérimenté  l’ouverture  des  données  dans  le  secteur  aérien   avec  l’aide  du  Bureau  of  Transportation  Statistics  (cf. encadré) ; Mettre en place des expérimentations dans des secteurs-clés (san- té, développement durable, logement, transport, etc.) à différentes échelles  de  gouvernance,  pour  évaluer  les  externalités  positives  de  l’ouverture   de ces données tant pour les entreprises impliquées que pour la société dans son ensemble ; Engager un débat sur la place de la mise en commun des données dans les politiques de responsabilité sociale et environnementale (RSE) avec les entreprises, syndicats et fédérations professionnelles. Un groupe de travail pourrait être créé à cet effet sur la plateforme Responsabilité Sociétale des Entreprises74. LE PROGRAMME DE MISE EN COMMUN DES DONNEES DES COMPAGNIES AERIENNES, LANCE PAR LE BUREAU OF TRANSPORTATION STATISTICS (ETATS-UNIS) Le Bureau of Transportation Statistics (BTS) a lancé un programme sur la mise en commun de certains jeux de données des compagnies aériennes sur la fréquentation de lignes de vol domestiques. Les données ainsi récupérées sont agrégées puis soumises à un traitement statistique, avant d’être mises à disposition par le BTS sous la forme d’une base statistique. Les compagnies aériennes peuvent ensuite se saisir de cette base pour construire leur stratégie sur les lignes de vol desservies. Source : http://www.rita.dot.gov/bts/data_and_statistics/databases 74 http://www.strategie.gouv.fr/travaux/plateforme-rse/presentation-de-plateforme
  • 157. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 156 Penser un cadre juridique adapté pour la mise à disposition de données d’acteurs privés à des fins d’intérêt général, sur demande des pouvoirs publics. S’il   est   parfois   dans   l'intérêt   général   de   croiser des données publiques et certaines données   collectées   par   des   acteurs   privés   dans   le   cadre   d’une   politique   publique   donnée,  leur  mise  à  disposition  ne  peut  être  imposée  qu’à  certaines  conditions  et  dans   un cadre clairement défini : Les situations pour lesquelles les pouvoirs publics pourraient de- mander la transmission de certaines données détenues par des ac- teurs privés devraient être limitées et encadrées,  en  veillant  d’une  part   à  préserver  l’équilibre  entre  les  impératifs  d’intérêt  général  et  les intérêts éco- nomiques  de  l’organisme  détenteur,  et  d’autre  part  à  ne  pas  porter  atteinte  aux   droits fondamentaux des individus : -­‐ éventuellement publier par décret une liste limitative de situations  et/ou  d’organismes  publics  pouvant  déposer  une   demande de transmission ; -­‐ prévoir un avis préalable de la CNIL et de toute autre institution compétente en la matière Un  dialogue  devrait  être  systématiquement  engagé  avec  l’ensemble   des parties prenantes pour circonscrire le périmètre des données concernées, préciser les modalités de leur mise à disposition (simple transmission ou ouverture, durée et format de la mise à disposition, etc.) et prévoir des contreparties éventuelles : -­‐ Ce  dialogue  devrait  s’effectuer  en  priorité  dans  le  cadre  de  la   recherche  d’un  accord  à l’amiable,  et  le  cas  échéant  dans  une  loi   sectorielle  habilitant  l’organisme  public  à  demander  la   transmission des données et prévoyant un ensemble de garanties juridiques  pour  l’organisme  détenteur  des  données    (cf. infra) ; -­‐ Une réflexion pourrait être menée  sur  la  définition  d’un  cadre   efficace  de  médiation  entre  l’organisme  public  et  l’organisme   privé détenteur :  intervention  d’un  acteur  tiers  pour  faciliter  la   médiation, obligation de justifier le refus de participer à ce dialogue, etc. La mise à disposition de ces données ne pourrait être imposée que si   elle   s’accompagne   d’un   ensemble   de   garanties   juridiques   dont   l’organisme   détenteur   pourrait   se   prévaloir   dans   le   cadre   d’une   procédure juridique adaptée :
  • 158. DONNER UNE NOUVELLE AMBITION À LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 157 -­‐ Ces garanties juridiques pourraient comprendre notamment des clauses de réutilisation des données indiquant la durée de stockage  des  données,  la  finalité  de  leur  réutilisation,  l’obligation   de non-transmission  à  d’autres  acteurs,  etc. ; -­‐ La  présence  de  voies  de  recours  adaptées  garantirait  à  l’organisme détenteur des données la possibilité de faire valoir ces garanties juridiques devant le juge administratif ou judiciaire.
  • 159. DIFFUSER UNE CULTURE DE L’INNOVATION AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 158 Diffuser une culture de l’innovation au sein de la fonction publique Diffuser   une   culture   de   l’innovation   au   sein   de   l’administration   est   nécessaire   à   la   transformation  numérique  de  l’action  publique. Cette évolution culturelle est en effet un  prérequis  pour  saisir  le  potentiel  de  l’ouverture  des  données  publiques,  encourager   la   mise   en   place   de   services   publics   numériques   agiles   et   s’engager   vers   un   “gouvernement  plus  ouvert”. Le développement du numérique appelle à une véritable transformation culturelle de l’administration.   Par   l’intermédiaire   du   numérique,   l’État est en mesure de faire évoluer  ses  modes  d’action  centralisés  et  hiérarchisés  vers  des  modes  d’intervention   plus agiles et en temps réel.  La  révolution  numérique  offre  l’occasion  de  repenser  en   profondeur  l’organisation  et  le  fonctionnement  interne  de  l’administration.  Le  partage   d’expériences   et   développement   de   pratiques   collaboratives   constituent   de   premiers   pas vers une mise en réseau des différentes expertises et cultures administratives. En parallèle,   l’administration   est   appelée   à   s’orienter   vers   une   culture   du   partage   de   l’information   (cf. supra)   et   de   l’expérimentation   pour   favoriser   l’innovation.   Développer  la  culture  de  l’innovation au sein de l’administration   implique   de   concilier   l’agilité   de   l’action   publique   avec   l’exigence   de   responsabilité des agents publics, en autorisant certaines marges de droit  à  l’erreur. Cette nouvelle grille de lecture est indispensable pour stimuler   l’innovation   publique.   Cette   dernière  devra  être  impulsée  à  l’intérieur  même   de la fonction publique, et être avant tout collective.   Avec   plus   de   5,6   millions   d’agents   publics, les institutions publiques sont à la tête d’un   réseau   d’individus   et   de   compétences d’une  ampleur  inédite.  Le  numérique  peut  être   mobilisé  pour  redistribuer  du  pouvoir  d’agir  aux   fonctionnaires. Les fonctionnaires sont en effet
  • 160. DIFFUSER UNE CULTURE DE L’INNOVATION AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 159 les   premiers   acteurs   de   la   transition   numérique   de   l’action   publique.   C’est   par   leur   implication que viendra  l’appropriation  du  numérique par le secteur public. Dans cette perspective, le Conseil soulève trois leviers majeurs pour renouveler les modalités  de  l’action  publique  en  faveur  de  l’innovation,  à  savoir  le  renforcement  de  la   littératie numérique des agents publics, le développement des pratiques collaboratives et la commande publique. 30. Renforcer la littératie numérique des agents publics La  formation  des  agents  publics  aux  outils,  usages  ainsi  qu’à  la  littératie  numérique  est   un enjeu majeur de la   transformation   numérique   de   l’action   publique.   Le   Conseil   rappelle la nécessité de renforcer la littératie numérique des agents publics entendue comme  “l'aptitude à comprendre et à utiliser le numérique dans la vie courante, à la maison, au travail et dans   la   collectivité   en   vue   d’atteindre   des   buts   personnels   et   d’étendre  ses  compétences  et  capacités”  (cf. définition  de  l’OCDE,  La  littératie  à  l’ère   de  l’information,  2000). D’une  part,  la  place  du  numérique  dans  les  formations  de  la  fonction  publique  doit être posée   dans   le   cadre   de   l’élaboration   des   plans   annuels   de   formation,   que   dans   les   négociations syndicales sur les parcours professionnels et carrières des fonctionnaires. D’autre   part,   il   serait   opportun   que   les   formations   numériques   des   agents   publics s’étendent  aux  nouvelles  pratiques  et  usages  ainsi  qu’aux  enjeux  numériques,  au-delà de   la   seule   maîtrise   des   outils   technologiques.   Cela   implique   de   s’interroger   sur   les   améliorations à apporter aux formations statutaires et continues de la fonction publique   afin   de   permettre   à   chaque   agent   de   libérer   de   l’énergie au profit de l’innovation. Diversifier et renforcer l’offre de formation numérique des agents publics Le Conseil recommande de développer la littératie numérique des agents publics en renforçant la place du numérique dans les formations initiales et continues de la fonction publique. Cela suppose de réfléchir  à  la  mise  en  place  d’un  référentiel   de   compétences   numériques   et   à   l’intégration   de   modules   de   formation   spécifiques aux outils, usages et enjeux numériques : Ces modules pourraient être co-construits   par   des   consortiums   d’acteurs   à   l’exemple  des  cycles  de  réflexion  engagés  dans  le  cadre  du  programme  Réac- teur public (cf. recommandation n°31).
  • 161. DIFFUSER UNE CULTURE DE L’INNOVATION AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 160 Ils pourraient être intégrés dans le catalogue des formations de la fonction pu- blique  de  l’État et de la fonction publique territoriale. Ces modules de forma- tion devraient être proposés de manière systématique à tous les agents en charge  de  la  conduite  de  projet  de  modernisation  de  l’action  publique. À cet égard,   l’Ecole   de   la   Modernisation   de   l’Action   publique75 (SGMAP) pourrait jouer  un  rôle  central  à  l’échelle  interministérielle. En parallèle, le Conseil national du numérique propose de diversifier les lieux et les outils de formation des agents publics : Faciliter   l’accès   à   des   formations   à   distance   de   type   MOOC   ou   SPOC, en complément des formations de terrain. L’offre  de  formation   ouverte  et  à  distance  s’élargit  aujourd’hui  avec  notamment  les  dispositifs  de   type Massive Open Online Course (MOOC) ou Small Private Online Course (SPOC). Ces dispositifs de formation ouverte et à distance (MOOC, etc.) sont aujourd’hui  peu  connus  et  utilisés  dans  la  formation  des  agents  publics.  Leur   utilisation doit être facilitée et encouragée en complément des formations existantes.   La   proximité   et   la   souplesse   dans   l’accès   à   la   formation   est   une   condition sine qua non du développement de la littératie numérique des agents  publics.  Par  des  appels  à  projet,  l’État  pourrait  élargir  l’offre  émergente   de formation ouverte à distance. Diversifier les lieux de formation de la fonction publique en dévelop- pant des formations dans des tiers-lieux numériques (par exemple, des labora- toires  ouverts,  des  incubateurs  d’entreprises,  etc.) accessibles aux agents pu- blics et à toute personne souhaitant se former au numérique. La diversifica- tion des lieux de formation de la fonction publique permettrait de créer de nouvelles interactions entre les agents publics et des acteurs extérieurs, de faire émerger de nouvelles coopérations et d’avoir  une  approche  de  terrain  des   outils et pratiques numériques. Engager une politique d’attractivité et de valorisation des compétences numériques au sein de la fonction publique Les compétences liées aux usages du numérique sont un levier important de transformation   de   l’action   publique.   Internaliser   ces   compétences   au   sein   de   l’administration   serait   un   atout   pour   conserver   la   maîtrise   des   choix   stratégiques   effectués en matière de numérique. Dans ce contexte, il serait important de mener une réflexion sur   la   mise   en   place   d’une   stratégie   d’attractivité   et   de   valorisation   des   compétences numériques au sein de la fonction publique, ainsi que sur les mécanismes incitatifs pour atteindre cet objectif. 75http://www.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/fichiers- attaches/sgmap_cultiverlamap.pdf
  • 162. DIFFUSER UNE CULTURE DE L’INNOVATION AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 161 Investir stratégiquement dans les outils et compétences numériques pour lutter contre les fraudes fiscales et l’optimisation fiscale agressive La  lutte  contre  les  pratiques  fiscales  déloyales  est  un  exemple  où  l’investissement  dans   les  outils  et  compétences  numériques  serait  d’une  utilité  indéniable. L’UTILITE D’UNE MOBILISATION RENFORCEE DES OUTILS ET COMPETENCES NUMERIQUES POUR LUTTER CONTRE LES COMPORTEMENTS FISCAUX DELOYAUX L’investissement dans le matériel technologique, la formation et le recrutement d’effectifs sont autant d’éléments décisifs pour entraver les pratiques agressives d’optimisation fiscale des entreprises et pour détecter les fraudes, principalement fiscales (mais également celles à l'assurance chômage ou encore à la sécurité sociale). La conjoncture économique actuelle limite les propensions de l’État à investir et ce, quels que soient les domaines. Toutefois, au niveau de l’Union européenne, “près de mille milliards d’euros sont perdus chaque année (...) en raison de la fraude et de l'évasion fiscales”76 . Au niveau national, l’ensemble de ces pratiques illégales représente pour l’État un manque à gagner annuel global estimé entre 60 et 80 milliards d’euros77 .Dès lors, l’État détient un intérêt particulier à investir et à s’appuyer sensiblement sur le numérique (outils, formations, recherches, fonctionnaires qualifiés) pour lutter contre les comportements déloyaux de certains acteurs, dans la mesure où le retour sur investissement serait forcément significatif. L’investissement dans les outils numériques présente une utilité aussi bien en amont qu’en aval des stratagèmes fiscaux. En amont : dans la continuité de l’étude de France Stratégie78 , la mise en place d’un appareil statistique pour mesurer l’activité des plateformes Internet est un préalable nécessaire à toute taxe éventuelle. En aval : équiper l’administration fiscale d’outils numériques capables d’analyser et de croiser les données massivement (datamining) est essentiel pour améliorer ses contrôles. Face à la logique de dumping fiscal à laquelle se livrent les entreprises dans leurs déclarations, le croisement et le partage de ces données entre administrations seront de nature à endiguer leurs stratégies d’optimisation, en révélant les incohérences déclaratives. En outre et dans la continuité du rapport du syndicat national Solidaires Finances Publiques, améliorer le contrôle de l’administration fiscale implique nécessairement d'étoffer les moyens humains ainsi que la formation à ces outils. L’objectif est de promouvoir des formations initiales (à l’école nationale des 76 Commission  européenne,  communiqué  de  presse  :  “Réprimer  la  fraude  et  l’évasion  fiscales:   la Commission indique la voie à suivre”,   Bruxelles,   le   6   décembre   2012. Disponible sur http://europa.eu/rapid/press-release_IP-12-1325_fr.htm?locale=FR 77 Syndicat   national   Solidaires   Finances   Publiques,   Rapport   :   “   évasions et fraudes fiscales, contrôle fiscal”,  de janvier 2013. Disponible sur : http://solidairesfinancespubliques.fr/gen/cp/dp/dp2013/120122_Rapport_fraude_evasionfisc ale.pdf 78 France  Stratégie,  Rapport  :  “la fiscalité numérique : quels enseignements tirer des modèles théoriques”,  du  26  février  2015.  Disponible  sur  :  http://www.strategie.gouv.fr/publications
  • 163. DIFFUSER UNE CULTURE DE L’INNOVATION AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 162 finances publique) et continues adaptées pour une montée en compétences des fonctionnaires. L’administration doit poursuivre une acculturation continue des problématiques liées à la fiscalité numérique, en échangent de façon permanente avec des économistes, des ingénieurs etc. Ces prérequis sont indispensables face à la complexité des circuits économiques et financiers en perpétuelle évolution des entreprises. Source : Avis n° 2013-3 du Conseil National du Numérique sur la fiscalité du numérique, septembre 2013 : http://www.cnnumerique.fr/fiscalite/) 31. Développer les pratiques collaboratives et le partage d’expériences Le développement des usages numériques rend possible une transformation en profondeur  de  la  culture  administrative  en  insufflant  une  dynamique  d’ouverture,  de   collaboration  et  de  transdisciplinarité.  Pour  ce  faire,  l’administration  doit  se  saisir  de   ces usages pour promouvoir de nouvelles pratiques de management des projets, des formes   d’organisation   et   des   modes   de   travail   (co-création, innovation ouverte, organisation en étoile, méthode agile, mise en réseau etc.). Cette transformation doit s’effectuer   de manière progressive en encourageant les expérimentations et l’observation   du   terrain   et   en   permettant   aux   agents   de   se   consacrer   à   des   projets   collaboratifs ouverts. Faire un état des lieux des projets collaboratifs et des réseaux coopératifs professionnels de services publics Avant   d’envisager   le   développement   quantitatif   des   espaces   destinés   aux   pratiques   collaboratives  et  coopératives,  un  diagnostic  qualitatif  de  l’existant  est  nécessaire  afin   d’identifier  les  bonnes  pratiques.  Ce  diagnostic  doit  prendre en compte les initiatives portées  à  l’échelle  locale,  comme  le  réseau  Doc@Best,  et  à  l’échelle  nationale. Lancer une plateforme dédiée aux projets ouverts au sein de l’administration Faire  évoluer  la  culture  administrative  en  faveur  de  l’innovation  et  de la coopération est un travail de long terme. Cela implique de faire tomber les barrières techniques qui pourraient  freiner  les  initiatives  d’agents  publics  compétents  et  désireux  de  mobiliser   leur  créativité  pour  participer  à  l’innovation  publique.  Il  est  nécessaire  de  s’interroger   sur   des   mécanismes   permettant   d’inciter   les   agents   à   s’investir   dans   des   projets   collaboratifs. À cet égard, la libération  d’espaces  et  de  temps  de  travail  pour   les agents est donc une réflexion préalable et nécessaire au déploiement de ces pratiques (cf. encadré).
  • 164. DIFFUSER UNE CULTURE DE L’INNOVATION AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 163 LA RECOMMANDATION N°101SUR LA CREATION D’UN DROIT INDIVIDUEL A LA CONTRIBUTION, DU RAPPORT “LA TRANSFORMATION NUMERIQUE DE L’ECONOMIE FRANÇAISE” (PHILIPPE LEMOINE, 2014) Le Rapport de Philippe Lemoine sur “la nouvelle grammaire du succès, la transformation numérique de l’économie française” (Recommandation n°101), propose de créer un Droit Individuel à la Contribution (DIC) pour permettre aux salariés de consacrer du temps à des projets open, par exemple en transformant du Droit Individuel à la Formation (DIF) en DIC. Le DIF est un dispositif qui permet aux salariés du secteur privé et aux fonctionnaires du public le suivi d’une formation continue. Ce droit correspond à une durée de 20 heures de formation par an. Ainsi, l’idée serait de s’appuyer sur ces heures ou d’en libérer de nouvelles spécifiques afin que les agents publics puissent développer leurs créativités autour de projets collaboratifs. Source : Rapport sur “La nouvelle grammaire du succès, la transformation numérique de l’économie française”, Philippe Lemoine (novembre 2014) https://stample.co/assets/transnum/Rapport-Mission-Lemoine-Nov-2014.pdf Le  Conseil  préconise  d’outiller  ces  agents  en  ouvrant  un  espace  de  projets  participatif,   d’échange   de   bonnes   pratiques   et   de   partage   de   compétences.   Cet   espace   pourrait   prendre la forme d’une   plateforme   dédiée   aux   projets   ouverts   directement accessible à partir des espaces intranet de chaque administration. Cette plateforme viserait à faciliter la coopération et la mobilité des agents publics issus de différentes administrations ou services,  autour  d’un  projet  collaboratif  défini.  Elle  permettrait  aux   agents : d’accéder   et   de   répondre   à   une   offre   de   mise   à   disposition   pour   participer au projet, avec   l’accord   préalable   de   sa   hiérarchie. Le Conseil  rappelle  à  ce  titre  que  la  participation  d’un agent public à un projet collaboratif ne devrait pas être imposée, mais supervisée par la direction ; d’échanger  de  bonnes  pratiques  sur  la  mise  en  place  ou  la  conduite   de ce projet.
  • 165. DIFFUSER UNE CULTURE DE L’INNOVATION AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 164 LA PLATEFORME CUBE A SINGAPOUR En 2013, Singapour a mis en place une plateforme de mise en réseau collaborative à destination des agents publics, la plateforme Cube. À partir de cette plateforme, les agents publics peuvent se connecter librement pour échanger leurs idées, partager leurs connaissances en tant qu’expert et travailler ensemble autour de projets communs en constituant des communautés virtuelles de travail. Source : http://www.egov.gov.sg/egov-programmes/programmes-by- government/cube Cette   initiative   pourrait   s’inscrire   dans   le   cadre   du   programme   Réacteur public (cf. encadré) qui   vise   favoriser   les   coopérations   entre   l’État et les collectivités pour développer  l’innovation  publique. LE PROGRAMME REACTEUR PUBLIC Réacteur public est un programme mis en place en mai 2014 par le Ministère de la Décentralisation, de la Réforme de l’État et de la Fonction publique en partenariat avec l’Assemblée des départements de France, l’Association des régions de France et La 27e Région. Il repose sur un consortium d'acteurs territoriaux et nationaux réunissant les services de l'État, des associations d'élus et plusieurs collectivités territoriales pour tester de nouvelles façons de moderniser l’action publique par l’innovation. Les activités de Réacteur Public s’articulent autour de quatre axes principaux : la mise en réseau des acteurs et communautés de l’innovation publique pour le partage des bonnes pratiques, la création des nouveaux supports et objets pour valoriser l’innovation et les innovateurs publics, la construction des formations pour les fonctionnaires à la conception innovante de politiques publiques et l’engagement d’une réflexion sur l’administration du futur. Source http://www.modernisation.gouv.fr/les-services-publics-se-simplifient-et- innovent/par-la-co-construction/reacteur-public-etat-et-collectivites-unis-pour- mieux-innover Encourager la collaboration des collectivités territoriales autour de projets informatiques libres Le   Conseil   considère   qu’il   est   important   d’encourager   les   pratiques   collaboratives entre collectivités territoriales autour de projets informatiques libres, afin de développer des modules communs librement réutilisables et améliorables en continu : Ces modules seraient des logiciels ou des applications conçus de manière col- lective pour rendre un service. En tant que biens communs, ils pourraient être librement réutilisés par toutes les collectivités territoriales ayant participé - ou non - à leur élaboration ;
  • 166. DIFFUSER UNE CULTURE DE L’INNOVATION AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 165 Ces modules seraient directement intégrables dans les interfaces des collectivi- tés (portails, etc.), paramétrables et modifiables pour répondre au mieux à leurs spécificités. Le développement de modules présente en effet de nombreux avantages comme la mutualisation des moyens des collectivités pour développer certains services. Il permet en outre une amélioration continue des solutions développées ainsi que leur pérennité. Le Conseil juge opportun de faciliter le regroupement de collectivités territoriales autour de projets collaboratifs de création ou de développement de modules, en s’appuyant   sur   les   réseaux   existants   comme   l’association   Adullact   (cf. encadré). Par ailleurs,   une   réflexion   pourrait   être   engagée   sur   l’opportunité   de   faire   émerger   un   service   web   d’hébergement   et   de   gestion   de   développement   de   référence   pour ces modules,  afin  d’en  favoriser  l’accès,  la  réappropriation  et  le  développement  en  continu. L’ASSOCIATION ADULLACT L’association Adullact a été fondée en 2002. Elle a pour objectifs d’encourager et de coordonner l'action des administrations et collectivités territoriales dans le but de promouvoir, développer et maintenir un patrimoine de logiciels libres utiles aux missions de service public. Elle a par exemple permis à un ensemble de collectivités de développer Open Cimetière, un logiciel libre qui a pour objectif d’améliorer la gestion des concessions de cimetières (les autorisations, la gestion de place ainsi que l’entretien) L’association Adullact entend améliorer la performance des actions publiques par une mutualisation des ressources, en mettant en place des projets informatiques libres qui répondent aux besoins des adhérents et en coordonnent les compétences territoriales. Source : http://www.adullact.org/ Mettre en place des laboratoires ouverts à titre expérimental au sein des administrations Le   Conseil   recommande   d’expérimenter   la   mise   en   place   d’incubateurs   internes   ou   open labs   au   sein   des   administrations   volontaires,   par   exemple   à   l’échelle   interministérielle (comme le Mind Lab au Danemark, cf. encadré), régionale (La Fonderie en Ile-de-France) ou encore métropolitaine. À ce titre, le Conseil encourage la poursuite des initiatives existantes en la matière telle que le développement de l’espace   Superpublic et le programme interrégional La Transfo79 qui réunissent de nombreux  acteurs  de  l’innovation. 79 http://www.la27eregion.fr/transfo/
  • 167. DIFFUSER UNE CULTURE DE L’INNOVATION AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 166 LE MIND LAB (DANEMARK) Le Mind Lab est une innovation danoise interministérielle impliquant aussi bien les citoyens que les entreprises afin de créer des nouvelles solutions pour la société. Sa particularité tient à sa gouvernance par trois ministères (le ministère des affaires et de la croissance, le ministère de l’éducation et celui de l’emploi) et la municipalité d’Odense. L’ensemble est en collaboration avec le ministère des affaires économiques et de l’intérieur. Concrètement, le Mind Lab est un espace neutre, créé pour inspirer des collaborations dans des domaines tels que l’entreprenariat, le libre service numérique ou encore l’éducation ou l’emploi. L’équipe de ce laboratoire est pluridisciplinaire, elle est composée notamment de six chefs de projet aux formations variées comme le design, la science politique, l'anthropologie, la sociologie ou encore la communication. Source : http://mind-lab.dk/ Ces open labs auraient pour objectif de faciliter les collaborations et la créativité afin de  diffuser   plus  largement  la  culture  de  l’expérimentation  (prise  de  risque  mesurée,   observation   de   terrain,   droit   à   l’erreur,   etc.)   et   de   l’innovation   ouverte   au   sein   de   l’administration. Ils ont pour objectif de mettre en relation des agents publics  et  des  acteurs  externes  à  l’administration  (acteurs privés, chercheurs en sociologie, en sciences politiques, designers) pour la conduite de projets collaboratifs. Ces laboratoires fonctionneraient  sur  la  base  d’une  grande  souplesse   organisationnelle et permettraient à chacun de contribuer de manière libre et autonome   à   un   projet.   Ces   structures   pourraient   intégrer   une   fonction   d’incubateur   permettant de faire émerger des projets pour répondre à des problèmes précis en association avec le secteur privé, sur le modèle de Code for America (cf. encadré). CODE FOR AMERICA Code for America est un incubateur public, installé dans la Silicon Valley, qui a pour objectif de mettre à profit la créativité des développeurs et des entrepreneurs pour améliorer l’accessibilité et la qualité des services publics. Ce lieu permet aux start-up de rencontrer des professionnels du secteur publics et propose des financements et un accès facilité aux partenariats avec la sphère publique. Code for America parraine des hackathons et des start-up afin que soient créés des applications, des plateformes web, des outils de gestion de données favorisant une meilleure qualité de service. Le matériau premier de ces innovations se trouve dans les données publiques ouvertes en open data. Source : http://www.cleantechrepublic.com/2013/01/09/code-for-america- innovation-service-pouvoirs-publics/ Au sein de ces laboratoires, pourraient être développés des projets collaboratifs entre collectivités  ou  avec  d’autres  partenaires.  Ces  projets  pourraient  bénéficier  de  certains   financements  publics  à  l’issu  d’un  appel  à  projet  comme  celui  lancé  par  le  programme Futurs Publics (cf. encadré).
  • 168. DIFFUSER UNE CULTURE DE L’INNOVATION AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 167 LE PROGRAMME FUTURS PUBLICS Le programme Futurs Publics a été mis en place en décembre 2013 par le SGMAP. L’objectif de ce programme est d’expérimenter et de tester « en mode laboratoire » de nouvelles solutions aux défis du service public et de développer au sein de l’administration un écosystème propice à l’innovation. Lancé en décembre 2014, l’appel à projets Futurs Publics permet aux administrations qui s’associent, entre elles ou avec d’autres partenaires, de bénéficier d’un co-financement pour prototyper et expérimenter de nouveaux services ou de nouveaux modes de fonctionnement. Cet appel à projets s’inscrit dans le fonds « Transition numérique de l’État et modernisation de l’action publique » du programme d’investissements d’avenir. Source http://www.modernisation.gouv.fr/les-services-publics-se-simplifient-et- innovent/par-la-co-construction/futurs-publics-innover-pour-moderniser-action- publique 32. Mieux piloter la commande publique grâce aux données et l’orienter davantage en faveur de l’innovation Le numérique constitue un levier pour renforcer l'accès à la commande publique tout en améliorant la transparence   et   l’efficience   dans   un   contexte   budgétaire   contraint. Dès lors, le Conseil souligne les progrès réalisés en la matière dans le cadre de la mise en   œuvre   du programme Marché public simplifié80 (MPS) et des travaux de transposition en cours des nouvelles directives européennes « marchés publics », et appelle  à  l’approfondissement  de  ces  initiatives. En parallèle, les politiques de la commande publique pourraient être davantage orientées vers les services et outils numériques à caractère innovant. En effet, l’acquisition   de   solutions   innovantes   joue   un   rôle   essentiel   dansl’amélioration   de   l’efficacité   et   de   la   qualité   des   services   publics   tout   en   permettant   de   faire   face   aux   enjeux de société. Le Pacte de compétitivité fixe notamment comme objectif d’atteindre  2 % de  la  commande  publique  dédiée  à  l’innovation  d’ici  202081. 80 Dispositif phare du programme « Dites-le-nous une fois » pour les entreprises, le service MPS offre la possibilité à une entreprise de répondre à un marché public avec son seul numéro SIRET. Ainsi, il simplifie radicalement la réponse aux appels d'offres publics pour les entreprises de toutes tailles. Il est ouvert à tout appel  d’offres  public,  quel  qu’en  soit  le  montant,  et  propose  un  dispositif  inédit  de  recueil  de  consentement   dématérialisé des cotraitants dans le cadre de réponses groupées. En savoir plus : http://www.modernisation.gouv.fr/les-services-publics-se-simplifient-et-innovent/par-des-simplifications- pour-les-entreprises/marche-public-simplifie 81 Pacte  national  pour  la  croissance,  la  compétitivité  et  l’emploi.  Décision  n°  32  :  Accompagner  le   développement  des  PME  de  croissance  innovantes  en  mobilisant  l’achat  public.   http://competitivite.gouv.fr/documents/commun/transversal/Dossier-presse-competitivite.pdf
  • 169. DIFFUSER UNE CULTURE DE L’INNOVATION AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 168 S’appuyer sur les données pour renforcer la transparence et l’efficience des politiques d’achat public Le Conseil appelle à revisiter le principe de transparence des procédures de passation des  marchés  publics  prévue  à  l’article  133  du  Code  des  marchés  publics en  s’appuyant   sur  la  démarche  d’open data. La mise à disposition des données essentielles des marchés publics (par exemple, les données relatives aux cahiers des charges) devrait être rendue obligatoire dans le respect du secret industriel et commercial et sous réserve de certaines exceptions justifiées par des motifs de sécurité. Dans cette perspective, il serait opportun de : Mener une réflexion concertée sur le périmètre des données essentielles des marchés publics dont la mise à disposition présenterait une véritable plus-value en termes de transparence et d’efficience   de   l’achat   public. Cette réflexion devrait être menée de concert par le service des achats   de   l’Etat   (SAE)   et   ceux des différentes collectivités  publiques,  la  mission  Etalab  et  l’ensemble  des   parties prenantes concernées. Mettre  en  place  des  outils  de  visualisation  et  d’analyse  des  données   pour les acteurs publics afin   de   faciliter   l’accès,   la   compréhension   et   la   réutilisation de ces données. L’instauration des portails régionaux d’informations   et   de   données   publiques   relatives   aux   marchés   publics constitue un exemple possible (cf. encadré sur le portail de l’association  Breizh  Small  Business  Act). Sensibiliser le service   des   achats   de   l’État (SAE) et les services d’achat  des collectivités publiques au potentiel des données essen- tielles des marchés publics. L’objectif   est   d’encourager   le   recours   à   l’analyse  des  données  pour  optimiser  le  pilotage  des  politiques  d’achat  public.   L’analyse  des  données  permettrait  de  mesurer  le  poids  de  la  commande  pu- blique et de mieux évaluer son impact économique ainsi que les risques de marchés publics infructueux. En outre,  les  services  d’achat  public  pourraient   s’appuyer  sur  les  données  pour  optimiser  la  gestion  des  commandes,  offrir une meilleure perception du tissu et développer des indicateurs de pilotage des po- litiques  d’achats.
  • 170. DIFFUSER UNE CULTURE DE L’INNOVATION AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 169 LE PORTAIL DE MARCHES PUBLICS DE L'ASSOCIATION BREIZH SMALL BUSINESS ACT L'association Breizh Small Business Act a engagé des travaux permettant d’aboutir au prototype d'un portail régional d’informations et de données issues des marchés publics produites par le Conseil régional de Bretagne. Ce portail vise à présenter un état des lieux de la commande publique Bretonne en identifiant les donneurs d’ordres et les opérateurs économiques, ainsi qu’en recensant le montant des marchés publics attribués par segment d’activité. En savoir plus : http://breizhsmallbusinessact.fr/my-breizh-open-data- marches-publics/ Cette  démarche  d’ouverture,  qui  s’inscrit  dans  le  droit  fil  de  l’objectif  de  rétablissement   de la commande publique (cf. Renouer la confiance publique, Jean-Louis Nadal, 201582),   gagnerait   à   être   généralisée   à   l’ensemble   des   contrats   de   la   commande   pu- blique Orienter les achats publics vers des services et outils présentant un caractère innovant La commande publique est un levier déterminant pour soutenir la modernisation des outils et services numériques des institutions publiques. Dans le cadre du volet III du rapport sur Mettre en mouvement la croissance française : vers une économie de l’innovation (cf. recommandation n°37), le CNNum recommande : d’assurer une prise en compte plus importante du principe d’innovation  dans  la  commande  publique et de renforcer sa place de  l’innovation  dans  les  critères  d’attribution  des  marchés  publics. de   s’appuyer davantage sur les potentialités de la plateforme des achats   d’innovation   de   l’État et des établissements publics83 pour guider les acheteurs publics dans la conduite de leurs achats. En ef- fet, en offrant une fonctionnalité additionnelle à la procédure classique des marchés  publics  fondée  sur  le  mécanisme  de  l’appel  d’offres, cet espace per- met  à  l’acheteur  public  de : -­‐ Faciliter en amont de la rédaction des marchés, les rencontres avec les entreprises proposant des outils/services numériques innovants. Cette plateforme est encore trop peu utilisée par le secteur public, alors même que sa fonction de mise en réseau permet  à  l’acheteur  public  de  multiplier  les  clés  de  lectures  pour   un outil ou service souhaité et ainsi mieux cibler la demande. 82 Rapport Jean-Louis Nadal, du 7 janvier 2015 : « Renouer la confiance publique », Proposition 9 :  “Diffuser  en  open  data  les  données  publiques  essentielles”   83 Cette plateforme permet aux entreprises de concrétiser un contact direct avec le secteur pu- blic  en  présentant  une  compétence  différenciée  avant  la  rédaction  d’un  appel  d’offre.  La  mise  en   relation  peut  s’effectuer  soit  en  répondant à un appel à compétences soit en transmettant une proposition spontanée. En savoir plus sur : http://www.achatspublics-innovation.fr/
  • 171. DIFFUSER UNE CULTURE DE L’INNOVATION AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’ACTION PUBLIQUE : OUVERTURE, INNOVATION, PARTICIPATION Ambition numérique 170 -­‐ Comparer en ligne  un  grand  nombre  de  propositions  d’offre  et  in fine être  à  même  de  choisir  avec  plus  de  sécurité  l’offre  “la  plus   économiquement  avantageuse”. Faciliter   l’échange   de   bonnes   pratiques   entre   acheteurs   publics.   Développer  et  soutenir  l’innovation  et  l’efficience  dans  la  conduite  de  l’achat   public, suppose de rechercher des outils capables de diffuser continuellement les bonnes pratiques. Ainsi, le Conseil souligne les avancées constituées par l’essor   des   guides   de   bonnes   pratiques   en   matière   d’achat   public (comme le portail interministériel du Service des achats de l’État, le programme PHARE de  la  Direction  générale  de  l’offre  de  soins  (DGOS) pour le secteur hospitalier, le  guide  pratique  de  l’achat  public  innovant,  etc.).  Le  Conseil  préconise  néan- moins de développer ces guides en format ouvert et réutilisable pour un meil- leur  partage  des  retours  d’expérience  et  d’en  améliorer  leur  visibilité.  De  plus   ces guides devraient intégrer les principes du design dans leurs recommanda- tions visant à guider les politiques  d’achats  publics  (cf. encadré). LE TECHFAR HANDBOOK Le TechFAR Handbook est un guide de bonnes pratiques qui explique comment les agences de l’administration américaine peuvent agir stratégiquement et en cohérence avec les règles de la commande publique fédérale pour acquérir des biens et des services provenant du secteur privé. En effet, le TechFAR Handbook aide les agences de l’administration à mettre en œuvre, dans leur politique d’achat, les principes directeurs du design issus du support “Digital Services Playbook” (f. recommandation n°22). Cette nouvelle méthode part des usages et des expériences des utilisateurs et s’appuie sur une méthode itérative pour définir les services les plus efficaces possibles. Cette approche permet d’améliorer l’efficience de l’achat public par une meilleure gestion des investissements et du risque. En savoir plus : https://playbook.cio.gov/techfar/
  • 173. Le numérique encourage le partage des ressources, des compétences et l’interdisciplinarité. Ces dynamiques sont sources de fertilisation croisée : elles favorisent l’émergence de stratégies innovantes et de nouvelles sociabilités, elles-mêmes sources d’innovation.
  • 174. Volet 3 Mettre en mouvement la croissance française : vers une économie de l'innovation
  • 176. Sommaire L’impératif de l’innovation agile 182 33. Adopter une définition commune de l’innovation en Europe 183 34. Une meilleure interaction entre entreprises et monde académique : ouvrir la formation à l’innovation, diversifier le recrutement et développer la recherche collaborative 188 35. Adapter le dialogue social et la gouvernance des entreprises aux enjeux numériques 196 36. Offrir un cadre propice à l’innovation et aux partenariats entre entreprises 199 37. Renforcer la stratégie numérique de l’État contributeur de l’innovation 204 38. Ajuster les dispositifs fiscaux aux besoins des innovateurs 210 39. Élaborer la stratégie industrielle de la France en matière d’innovation ouverte 215 Reconcevoir la structure de financement de l’économie de l’innovation 220 40. Elargir les sources de financement de l’économie de l’innovation 220 41. Déployer un réseau européen des places de marché des valeurs numériques et d’innovation 230 L’urgence de la compétitivité internationale 235 42. Renforcer territorialement et sectoriellement les écosystèmes numériques 235 43. Structurer un réseau des écosystèmes numériques européens 241 44. Intensifier la stratégie d’attractivité numérique française auprès d’acteurs internationaux 243 45. Faciliter le développement à l’international des entreprises innovantes 246 46. Incarner une diplomatie numérique française 249
  • 178. METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 177 19,5 millions de Français se connectent tous les mois sur leboncoin.fr pour y vendre leur appartement, leur voiture, leurs jouets ou y trouver leur emploi. Le succès de ce site   marque   un   changement   massif   des   usages   et   des   modes   d’interactions   entre   acteurs   économiques.   Si   l’économie   numérique   semble   bouleverser   autant   que   renforcer les modèles capitalistiques et de financement observés lors des révolutions industrielles  précédentes,  elle  ne  s’y  réduit  pas.  De  nouvelles  formes  de  création,  de   production,  de  partage  de  ressources  et  d’usages,  ont  émergé,  et  la  réussite  d’acteurs   comme BlaBlaCar dans le covoiturage permet à la   France   d’y   espérer   des   impacts   bénéfiques   pour   les   ménages   (emploi,   pouvoir   d’achat)   mais   aussi   l’environnement   (meilleure utilisation des ressources) ainsi que l’émergence   de champions économiques (la France serait le deuxième pays le plus créateur de startups après les États-Unis). De nouveaux paradigmes apparaissent et façonnent les clés de succès des entreprises  et  de  l’épanouissement  de  leurs  employés  au  XXIe siècle. À nous de saisir la   chance   et   la   responsabilité   d’en   être   les   moteurs,   pour   construire une économie ouverte, durable et compétitive. Ce qui frappe en premier lieu est la rapidité avec laquelle les réussites numériques se sont développées :   les   GAFA   (Google,   Apple,   Facebook,   Amazon)   ont   22   ans   d’âge   moyen là où le CAC40 affiche 104 ans. Leur valorisation boursière cumulée dépassera bientôt celle des entreprises du CAC40. Elle représente déjà près de 50 % du PIB français.   Cette   rapidité   de   déploiement   est   engendrée   par   l’accélération   des   progrès   technologiques et la maturité des infrastructures numériques (puissance de calcul, algorithmie,  capacité  de  stockage,  connectivité…).  Les  nouveaux  usages  font  désormais   partie intégrante de notre quotidien. Ils sont la base des stratégies de croissance de ces grands   acteurs.   D’un   côté,   les   acteurs   les plus puissants de cette nouvelle économie sont parfaitement armés pour conquérir des marchés et optimiser, parfois de manière agressive,  leurs  obligations  fiscales,  sociales,  et  juridiques.  La  nouveauté  n’est  pas  tant   dans cette optimisation que dans la vitesse  et  la  puissance  de  leur  modèle.  De  l’autre,   les plus petits acteurs sont freinés dans leur développement et parfois même leur accès au marché et au financement. En France, ils sont nombreux à se plaindre de subir la double peine : faire face à une concurrence internationale et devoir respecter des règles parfois inadaptées, souvent instables. Après la vitesse, le deuxième paradigme de cette nouvelle économie se caractérise par l’absence   de   frontières   numériques,   qui   impose   d’emblée   à   toute   entreprise une concurrence  à  l’échelle  internationale.  Le  schéma  traditionnel  qui  consiste  à  vendre  un   catalogue de produits à une clientèle locale et fidèle à la marque cède régulièrement le pas à une stratégie de « niche grand public » où un produit ou service, en compétition avec  ses  concurrents  internationaux,  se  doit  d’être  excellent  sur  son  segment  et  peut   alors  prétendre  à  gagner  des  parts  de  marché  à  l’international.  Les  niches  deviennent   profondes grâce à leur dimension internationale. Une société comme Criteo, fondée fin 2005 à Paris, a ainsi pu devenir, en 9 ans, leader mondial dans le domaine de la
  • 179. METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 178 publicité personnalisée sur Internet avec une valorisation de plus de 2 milliards d’euros   au   NASDAQ,   un   chiffre   d’affaires   réalisé   en   majorité   sur   les   continents américain et asiatique et près de 1300 employés. Le numérique représente un vivier de création et de renouvellement des emplois, avec un   potentiel   de   900   000   nouveaux   emplois   d’ici à 2020 au niveau européen84. En France, plusieurs études font le constat d’un   désappariement   du   marché   du   travail sur les compétences et profils numériques : alors que la demande des entreprises et des startups augmente, le nombre   d’emplois   non   pourvus   dans   le   numérique est croissant85. Pour contrer ce risque de pénurie des talents et des ressources,  la  France  et  l’Europe  doivent   être compétitives, attirer et retenir les talents, les entrepreneurs, les innovateurs,   les   chercheurs,   les   développeurs,   les   managers,   les   investisseurs…   qui   sont  bien  plus  mobiles  qu’ils  ne  l’étaient  auparavant. Le  troisième  impératif  de  l’économie  à  l’ère  numérique  est  la  diffusion  des  capacités  et   des pratiques   d’innovation,   au   sein   de   toutes   les   organisations : la recherche et le développement  ont  longtemps  été  perçus  comme  l’unique  levier  pour  innover.  S’ils  en   restent   une   dimension   clé,   il   convient,   ainsi   que   l’ont   montré   BpiFrance   et   la   Fondation Internet Nouvelle Génération (FING), exemples à l'appui, dans leur livret de référence « Innovation Nouvelle Génération86 », de diffuser un nouveau référentiel de   l’innovation,   en   y   incluant :   les   innovations   d’usage,   de   modèle   d’affaires,   de   commercialisation et les innovations organisationnelles et sociales. L’innovation agile et multidimensionnelle doit se diffuser massivement dans nos économies La   France   doit   montrer   la   voie   et   pousser   l’Europe   à   adopter   une   vision   et   des   principes  d’action  communs  autour  de  l’innovation,  déclinés  dans  leur  réglementation   et leurs stratégies industrielles de soutien aux entreprises de croissance. Il est urgent 84 Etude  de  la  Commission  européenne  :  “e-Skills for Jobs in Europe. Measuring Progress and Moving  Ahead”,  2014  http://eskills- monitor2013.eu/fileadmin/monitor2013/documents/Country_Reports/Brochure/e- Skills_Monitor_Broschuere.pdf 85 Par exemple, dans le secteur des logiciels et des services informatiques, près de 35 000 offres d’emplois  ne  trouvent  pas  de  candidats  (APEC, 2013). 86 Innovation Nouvelle Génération : BPI, en partenariat avec la FING : http://www.bpifrance.fr/Actualites-Bpifrance/Innovation-Nouvelle-Generation-Bpifrance-en- partenariat-avec-la-FING-presente-un-nouveau-referentiel-de-l-Innovation-pour-mieux- accompagner-les-futures-pepites-francaises Le numérique représente un vivier de création d'emplois, avec un potentiel de 900 000 nouveaux emplois d’ici à 2020 au niveau européen.
  • 180. METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 179 que   les   systèmes   publics   deviennent   des   contributeurs   exemplaires   de   l’innovation   “nouvelle   génération” :   l’État, en tant   qu’acteur   économique87 et régulateur, doit adapter son fonctionnement et ses politiques publiques en direction des innovateurs. Les dispositifs publics de soutien doivent être rééquilibrés et mieux adaptés à l’économie  de  l’innovation. Le numérique bouleverse les manières de produire, de penser et de diffuser le changement. Il  nourrit  de  nouvelles  relations  entre  l’homme  et  la  technique,  entre  les   hommes et les organisations. Il aplanit les hiérarchies, introduit plus de souplesse, d’agilité,   et   pousse   au   développement de schémas participatifs de production et de décision. C’est   en   intégrant   ces   nouvelles polarités que les entreprises   d’hier   pourront   s’affirmer   en   futurs   champions.   L’exemple  de  la  biscuiterie  Poult,   entreprise   familiale   créée   en   1883   illustre   la   puissance   de   l’innovation   organisationnelle comme vecteur de croissance. En refondant son organisation pour faire   contribuer   l’ensemble   de   ses   salariés   au   processus   de   création   de   biscuits   (suppression  de  deux  couches  de  hiérarchie,  mise  en  œuvre  de  process  d’innovation   managériale88), Poult a réussi à gagner 5 % de parts de marché dans un secteur mature.  L’État doit prendre en compte ces nouvelles opportunités de transformation en incitant les entreprises et le monde académique à renouveler leurs pratiques de formation, de recrutement et de partenariat avec des acteurs tiers, et en leur offrant un cadre   propice   et   équilibré   à   l’innovation   agile   et   partagée.   Pour   faire   émerger   de   nouvelles formes de participation, tant dans la création de valeur que dans la décision, les   contours   d’un   dialogue   social   modernisé   doivent   être   dessinés   à   l’aune   de   ces   transformations numériques. Reconcevoir la structure du financement de l’économie de l’innovation Ces nouveaux paradigmes obligent les entreprises à investir de plus et plus vite. La réussite des modèles économiques numériques dépend en grande partie des investissements  réalisés,  qui  sont  au  moins  équivalents  si  ce  n’est  supérieurs  à  ceux   réalisés   dans   les   industries   “traditionnelles”.   Il   serait   illusoire   de   considérer   que   la   baisse de certains coûts de développement liés au progrès technologique (cloud, APIs, marketing  à  la  performance,  etc.)  diminuerait  le  besoin  d’investissement  dans  d’autres   activités   liées   à   l’innovation,   surtout   lorsque   cette   dernière   devient   multidimensionnelle. 87 actionnaire, investisseur, et acheteur 88 voir rapport Innovation Nouvelle Génération cité plus haut Le numérique bouleverse les manières de produire, de penser et de diffuser le changement.
  • 181. METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 180 Ces  types  d’investissements,  par  nature  risqués et projetés sur le moyen/long terme, sont le plus souvent financés par le capital. La disponibilité et la bonne circulation du capital déterminent ainsi la capacité des entreprises à se financer, et de facto, à innover.  Or  une  étude  d’EY  (Ernst  &  Young)  « Funding the Future89 », montre que les PME américaines se financent à 80 % par du capital et 20 % par de la dette. En revanche, la situation est inversée en Europe et notamment en France où cette même étude montre que 92 % des PME françaises se financent par de la dette et 8 % par du capital. On observe par ailleurs que les entreprises qui affichent plus de capitaux propres  dès  leur  création  sont  également  celles  qui  génèrent  le  plus  d’emplois,  laissant   à   penser   que   le   niveau   de   capital   est   l’un   des   facteurs déterminant de la création d’emplois90. Il est donc urgent de penser la finance comme outil de reconstruction économique au niveau européen, et de consolider la chaîne de financement en fonds propres sur tout le cycle de développement des entreprises, des business angels91 à   l’introduction   en   bourse,  aux  niveaux  français  et  européen.  Cette  reconstruction  ne  sera  possible  qu’en   adaptant  les  incitations  fiscales  et  le  cadre  réglementaire  des  produits  d’épargne,  afin   qu’ils  privilégient  les  investissements  dans  l’économie  réelle,  par  nature  long  terme  et   risqués, et non les placements sans risque. Ces réflexions pourraient être mises en débat  lors  des  Assises  de  l’Entrepreneuriat. Il   sera   également   important   d’engager   une   discussion   sur   l’adaptation   de   la   réglementation Solvabilité II92 si   elle   s’avère   être   un   frein   trop   important   à   l’investissement   en   capital   dans   les   entreprises   innovantes.   De   plus,   les   banques   restent  des  acteurs  incontournables  du  financement  de  l’économie.  Il  est  nécessaire  de   les impliquer dans la définition de nouveaux produits à destination des modèles d’affaires  numériques  et  définir  des  relations  stables  avec  les  startups.  La  contribution   des investisseurs privés doit être soutenue, via le  crowdfunding  et  l’investissement  des   business angels. Il  est  indispensable  de  mobiliser  la  finance  au  service  de  l’économie  pour  que celle-ci réussisse sa mue et saisisse les opportunités de disruption et de création de valeur offertes  par  le  numérique.  C’est  ainsi  que  nous  reconstruirons  une  économie  franco- européenne innovante, dynamique et conquérante. 89 http://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/EY_G20_-_Funding_the_future:/$FILE/EY- g20-Funding-the-future.pdf 90 Bases de données réalisées par le pH Group en 2003, http://www.irdeme.org/Ou-sont-les- gazelles-francaises-10035.html 91 investisseurs individuels fortunés ou expérimentés 92 projet  de  réforme  européenne  s’appliquant  au  secteur  de  l’assurance,  fixant  des  exigences  en   matière  de  fonds  propres,  d’organisation  et  d’informations  prudentielles.  Date  d’entrée en appli- cation fixée au 1er janvier 2016 http://acpr.banque-france.fr/solvabilite2/actualites/la-reforme- solvabilite-ii.html
  • 182. METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 181 L’urgence de la compétitivité internationale Les filières numériques   se   structurent   progressivement.   C’est   le   dernier   constat   de   cette révolution industrielle en cours. Sa réussite est consubstantielle à la formation d’écosystèmes   ouverts   et   dynamiques,   et   souvent   spécialisés.   Malgré   la   dématérialisation de cette économie,   jamais   les   territoires   et   les   talents   n’ont   été   autant   indispensables   au   développement   d’une   économie   attractive,   créatrice   d’emplois,  y  compris  dans  des  secteurs  qui  semblent,  de  prime  abord,  les  plus  éloignés   du numérique. Le   développement   d’écosystèmes identifiés et puissants est par ailleurs le meilleur levier  pour  structurer  un  marché  unique  numérique,  tant  l’Europe  doit  assurer  la  mise   en réseau de ses écosystèmes, en fluidifier les échanges, appréhender la spécialisation économique de certains clusters régionaux,  et  accompagner  l’émergence  de  champions   créateurs  de  valeur  et  d’emplois. “Poule   et   œuf”   de   notre   compétitivité,   l’attractivité   de   la   France   dépend   de   son   ouverture à tout talent, investisseur, ou citoyen qui souhaite développer des innovations numériques. Leur accès doit être facilité par une politique   inclusive   d’accueil   des   innovateurs étrangers. Ce volontarisme est applicable en sens inverse. Les startups et innovateurs français   ont   besoin   d’un   soutien   affirmé des institutions françaises pour  se  développer  à  l’international   et conquérir des marchés. Les procédures doivent être plus accessibles, plus simples, plus harmonisées. Elles doivent faciliter les initiatives communes entre grands et petits acteurs. La France peut enfin faire levier sur ses atouts   et   son   rayonnement   mondial   pour   être   la   figure   de   proue   d’une   diplomatie   numérique  francophone  porteuse  de  valeurs  et  d’audace. « Poule et œuf » de notre compétitivité, l’attractivité de la France dépend de l’ouverture de notre pays à tout talent, investisseur, ou citoyen numérique.
  • 183. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 182 L’impératif de l’innovation agile Redéfinir le principe d’innovation à tous les niveaux La  conception  actuelle  de  l’innovation  est  encore  trop  caractérisée  par  une   approche restrictive, si bien que les entreprises et les organisations ont tendance à considérer  l’innovation  comme  moins  importante  que  la  Recherche & Développement, ou à simplement la réduire à sa dimension technologique. Or, les entreprises qui réussissent leur transformation numérique sont justement celles qui ont développé une   véritable   stratégie   d’intégration   de   l’innovation,   et   ce   de   manière   transversale.   Pour   elles,   innover   c’est   à   la   fois   réaliser   des   acquisitions   stratégiques,   prendre   des   risques en achetant différemment, accepter de décloisonner les activités et les équipes, et   mettre   l’innovation   au   même   niveau   que   la   Recherche & Développement. Aussi, pour être performante, une organisation a-t-elle   besoin   d’intégrer   une   fonction   d’innovation  à  son modèle de développement, associée à un bouleversement de son organisation. Il   est   crucial   d’étendre   la   définition   de   l’innovation   pour   y   inclure   de   nouveaux aspects - organisationnels,   marketing,   sociaux,   modèles   d’affaires   (cf. encadré) - et inviter les entreprises à les intégrer dans leurs stratégies de transformation. De cette typologie nouvelle et élargie doivent émerger de nouveaux référentiels  d’innovation,  permettant de mieux saisir les dimensions multiples de la création de valeur, aux côtés de l’innovation  technologique  classique.
  • 184. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 183 LE LIVRET JAUNE “INNOVATION NOUVELLE GENERATION” Le livret jaune “Innovation Nouvelle Génération” BPI France/FING propose de nouveaux référentiels en se fondant sur de nouveaux critères : Innovation technologique : création, amélioration, intégration d’une nouvelle technologie Innovation de produit, de service, d’usage : création ou amélioration d’un produit ou service Innovation de commercialisation : ciblée autour de la mise en vente, de la promotion, et du développement d’une offre ou d’un produit Innovation organisationnelle : organisation du travail au sein de l’entreprise, développement de la chaîne logistique Innovation de modèle d’affaires (business model) : changement de la structure des gains de l’entreprise Innovation sociale : réponse à un besoin social, aussi bien dans le produit considéré que dans les méthodes de vente Les auteurs du livret jaune évaluent également l’intensité d’une innovation à partir d’une échelle à deux dimensions, prenant en compte le caractère “radical” (impliquant un changement durable pour l’ensemble des acteurs économiques) ou “incrémental” (créant un avantage comparatif pour l’acteur innovant, sans forcément créer de répercussions sur les autres acteurs de l’économie) d’une innovation. En savoir plus : http://www.bpifrance.fr/Actualites-Bpifrance/Innovation- Nouvelle-Generation-Bpifrance-en-partenariat-avec-la-FING-presente-un- nouveau-referentiel-de-l-Innovation-pour-mieux-accompagner-les-futures- pepites-francaises 33. Adopter une définition commune de l’innovation en Europe La  compétitivité  internationale  de  l’Union  européenne  dans  le  secteur  de   l’économie   numérique   suppose   le   soutien   et   le   développement   d’entreprises   innovantes,   capables   de   s'affirmer   en   champions   industriels. Le Conseil recommande   d’adopter   une   approche   et   une   définition   communes   de   l’innovation93 en Europe, qui servent de base à une politique de soutien volontariste de l’Union   européenne.   Elle   ouvrirait   la   voie   à   la   reconnaissance   européenne   des   entreprises innovantes, à l’optimisation  des  dispositifs  de  soutien  et  de  financement,  et   à  l’ouverture  des  marchés  publics. 93 Base de définition intéressante dans la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics – article 2 § 22 : « la mise en œuvre  d’un  produit,  d’un  service  ou  d’un  procédé  nouveau  ou  sensiblement amélioré, y compris des  procédés  de  production  ou  de  construction,  d’une  nouvelle  méthode  de  commercialisation   ou  d’une  méthode  organisationnelle  dans  les  pratiques,  l’organisation  du  lieu  de  travail  ou  les   relations  extérieures  de  l’entreprise »
  • 185. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 184 Définir un statut d’entreprise européenne innovante pour favoriser l’émulation de champions européens et la constitution de marchés transnationaux Le statut de société européenne a été créé afin de faciliter les activités transfrontalières des   grandes   sociétés   souhaitant   se   développer   à   l’échelle   européenne   (cf. encadré). L’objectif   était   également   de   régler   les   conflits   de   mobilité   en   permettant   le   déplacement  du  siège  statutaire  de  la  société  européenne  sans  que  cela  n’entraîne  sa   dissolution. LE STATUT DE LA SOCIETE EUROPEENNE La directive n°2001/86/CE du 8 octobre 2001 établit un statut de “société européenne”, autorisant les sociétés créées dans des États-membres à fusionner ou à former une société holding ou une filiale commune, leur évitant les contraintes liées à des ordres juridiques différents. Le statut tel que défini aujourd’hui ne permet pas à une jeune entreprise innovante d’y souscrire, en raison de plusieurs contraintes et “barrières à l’entrée” (conditions de capital social minimum, de durée d’existence minimum notamment ainsi qu’un manque d’harmonisation du droit européen en matière fiscale…). Il n’existe à ce jour que 34 sociétés européennes en France. En savoir plus : http://europa.eu/legislation_summaries/employment_and_social_policy/so cial_dialogue/l26016_fr.htm, http://ecdb.worker-participation.eu/ Il   est   nécessaire   de   s’inspirer   du   statut   de   société   européenne   et   de   l’adapter   aux   jeunes entreprises innovantes. Ce statut permettrait à une entreprise d’affirmer   son   identité   européenne   au   niveau   international,   de   trouver   des   associés   dans   d’autres   États-membres,  et  d’être  plus  mobile.  Les  contraintes  liées  à  l’installation  d’antennes   locales pourront ainsi être levées, et les échanges transfrontaliers facilités par des démarches administratives plus simples. Un tel statut suppose par ailleurs que les États-membres engagent une réflexion  sur  l’harmonisation  de  règles,  en  matière  de  fiscalité  et  de  droit   des contrats, envers les startups. Dès lors, il est nécessaire de : Compléter la directive n°2001/86/CE instituant la société européenne et créer le statut de société innovante européenne94 : -­‐ Élargir les critères permettant de définir une société innovante (au-delà   de   l’innovation   technologique,   considérer   l’innovation   94 ou a minima, introduire un volet innovation dans la directive : sans créer un nouveau statut, intégrer des exceptions spécifiques pour les jeunes entreprises innovantes.
  • 186. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 185 ouverte,   déjà   reconnue   par   l’Union   européenne,   l’innovation   d’usages,  de  services,  de  procédés,  d’organisation) ; -­‐ Assouplir les contraintes juridiques et fiscales (diminuer le capital social  minimum,  supprimer  l’obligation  d’avoir  une  filiale  depuis   au moins deux ans dans un autre État membre, définir un régime fiscal simplifié) ; -­‐ Renforcer la directive sur les manques juridiques européens qui renvoient  au  droit  national  afin  d’éviter  les  disparités  juridiques   entre États membres. Accompagner   la   création   d’un   nouveau   statut   d’entreprise   innovante   de   me- sures incitatives pour le rendre accessible et opérant auprès de jeunes pépites, par exemple : -­‐ Créer  un  “European  Tech  Pass”  comprenant : un accès privilégié à des  appels  à  projets  de  l’Union  européenne  et  des  marchés  publics   dans les États-membres ;;   un   service   d’accompagnement   des   démarches   des   startups   souhaitant   bénéficier   d’aides   conjointes de   la   part   d’États-membres ; un accès à des incubateurs et laboratoires de recherche au sein des États, un accès plus direct aux procédures administratives au niveau européen, etc. ; -­‐ Mettre à disposition une plateforme publique européenne répertoriant des projets de startups et mettant en relation investisseurs, grands groupes, acheteurs publics, etc. ; -­‐ Faciliter le recours à des levées de fonds dans des pays différents, en rapprochant les fonds de capital-risque (notamment en phase de développement) ; faciliter la conclusion de joint-venture avec des sociétés implantées localement. Élaborer un “Innovation Act” européen Cet « Innovation Act » pourrait intégrer plusieurs mesures et paquets réglementaires en   faveur   d’un   soutien   plus   efficient à l’innovation.   Il   pourrait   comprendre   des   mesures  plus  spécifiques  en  matière  d’achats  publics afin  d’encourager  l’innovation  et   d’instaurer   plus   de   concurrence   entre   des   petits   acteurs   et   des   plus   grandes   entreprises. En autorisant les États-membres à réserver une part de leurs appels d’offres   à   des   entreprises   européennes   ayant   acquis   le   statut   d’entreprise   innovante   européenne,   l’Union   européenne   peut   construire   une   véritable   stratégie autour de l’innovation  et la croissance de ses pépites, dans le respect des règles de concurrence.
  • 187. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 186 Développer   un   “Innovation   Act”,   introduisant   plus   de   souplesse   dans  les  politiques  d’achat  public  des  États-membres.  S’inspirer  du   modèle américain95 afin de : -­‐ Réserver effectivement une part des marchés publics aux sociétés européennes innovantes (avec des modulations de seuils en fonction du nombre de salariés, un assouplissement des conditions de recevabilité financière); -­‐ Développer   l’échange   de   bonnes   pratiques   entre   États-membres (rédaction  d’appels  d’offre,  procédures  de  sélection, etc.) afin de développer un vocabulaire partagé autour des achats d’innovation. SMALL BUSINESS ACT ET BUY AMERICAN ACT AUX ETATS-UNIS Le Small Business Act réserve certains marchés publics aux PME (entre 23 % et 43 % des marchés publics), ce qui encourage l’innovation locale tout en permettant aux petits acteurs de concurrencer les grandes entreprises. Le Buy American Act impose l'achat de biens produits sur le territoire américain pour les achats directs effectués par le gouvernement américain. En savoir plus : https://www.sba.gov/content/small-business-act & http://www.canadainternational.gc.ca/sell2usgov- vendreaugouvusa/procurement-marches/buyamerica.aspx?lang=fra Réfléchir, en parallèle de l’”Innovation Act”, à un assouplissement des règles relatives aux aides d’État soutenant l’innovation Les  règles  relatives  aux  aides  d’État  sont  définies  dans  les  articles  107  et  108  du  traité   sur  le  fonctionnement  de  l’Union  européenne  (TFUE).  Elles  prévoient  notamment  une   obligation de notification de la part des États-membres lorsqu’ils   prévoient   des   dispositifs  de  soutien  à  l’innovation  susceptibles  de  s’apparenter  à  des  aides  d’État.  Par   voie de règlement, la Commission européenne peut déclarer que certaines catégories d’aides  sont  compatibles  avec  le  marché  commun  et  n’ont  pas  à être  notifiées,  à  l’instar   des aides en faveur des petites et moyennes entreprises, de la recherche et du développement. Il  est  nécessaire  de  compléter  les  catégories  d’aides  en  faveur  de  petites  et   moyennes   entreprises   en   prenant   en   compte   l’innovation   dans sa globalité, et non uniquement au niveau de la recherche et le développement. 95 par  l’adoption  d’une  directive  ou  d’un  corps  de  textes  normatifs  s’inspirant  des  mesures du Buy American Act et du Small Business Act aux États-Unis
  • 188. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 187 Articuler la création de ce statut avec les priorités industrielles de l’Union européenne en capitalisant sur les initiatives au sein des États- membres Créer  des  concours  d’innovation au niveau européen : pousser la créa- tion   de   projets   européens   via   des   appels   à   projets   s’inspirant   du   Concours   Mondial  d’Innovation96 ; S’appuyer  sur  le  fonds  entrepreneurs  nouvelles  technologies du Plan Horizon 2020 pour financer des projets paneuropéens innovants (cf. encadré) PLAN HORIZON 2020 - ENTREPRENEURS NOUVELLES TECHNOLOGIES Dans le cadre du Plan Horizon 2020 visant à développer la recherche et l'innovation, l'Union Européenne a créé un fonds de 15 Mds€ pour aider les entrepreneurs des nouvelles technologies. Selon Bruxelles, cette démarche a été mise en place pour transformer la culture de l'entreprise, donner aux étudiants la confiance, le savoir-faire et le soutien pour créer leurs propres entreprises, ainsi que pour aider les startups européennes prometteuses à se développer sur le marché international. Le fonds est divisé en deux parties : Les 5 premiers milliards d'euros sont destinés aux accélérateurs et aux incubateurs pour aider les jeunes entrepreneurs à créer leur société dès la fin de leurs études. Il est prévu d'organiser des concours sur 10 pays européens au minimum pour trouver les meilleures idées, ainsi que des universités d'été visant à inspirer et développer la future génération d'entrepreneurs du numérique. La Commission européenne veut également soutenir les labs qui permettent à des étudiants, des entrepreneurs, des designers, des universités et des enseignants de se rencontrer dans le cadre d'espaces expérimentaux. Les 10 milliards restants seront consacrés aux startups qui placent les technologies web et mobiles au cœur de leur modèle économique mais aussi, plus largement, aux entreprises créées à partir d'incubateurs, d'accélérateurs ou de plateformes de crowdfunding. En savoir plus : http://www.horizon2020.gouv.fr/pid29976/plan-site.html Réaliser des projets pilotes sur des secteurs spécifiques : par exemple, imaginer la fusion de certains plans et programmes industriels nationaux - “Usine  du  Futur97”  au  niveau  français  et  “Industrie  4.098”  au  niveau  allemand   (cf. encadré). 96 http://www.entreprises.gouv.fr/innovation-2030/accueil-innovation-2030 97 http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/17721.pdf#page=47 98 http://www.plattform-i40.de/
  • 189. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 188 PLAN INDUSTRIE 4.0 (ALLEMAGNE) À l’origine, il s’agit d’un concept poussé par des grands représentants de l’industrie allemande, qui évoque l’émergence d’une 4e révolution industrielle basée sur des chaînes de valeur plus horizontale, des industries plus ergonomiques, flexibles et efficientes organisées en réseau, moins consommatrices de ressources, par l’utilisation des smart grids (“smart factory”) ou encore des objets connectés. Dans le but de dessiner les contours du concept, une instance représentative, l’Union pour la recherche (“Forschungsunion”), composée de personnalités du monde scientifique et industriel, a été créée. L’initiative s’est transformée en une plate-forme « Industrie 4.0 », portée par les syndicats de l’industrie elle-même, pensée comme outil de mobilisation du tissu économique dans sa totalité et comme la voix d’une vision en co-construction pour la politique industrielle du futur. Cette vision a notamment alimenté la Stratégie High-Tech de l’Allemagne. En savoir plus : http://www.plattform-i40.de/ http://lemonde.fr/economie/article/2014/11/14/la-france-doit-s-inspirer-du- projet-industrie-4-0-allemand_4523865_3234.html 34. Une meilleure interaction entre entreprises et monde académique : ouvrir la formation à l’innovation, diversifier le recrutement et développer la recherche collaborative Trois conditions essentielles doivent être réunies pour accroître l’innovation   au   sein   de   l’entreprise,   et   toutes   nécessitent une forte interaction   avec   le   monde   académique,   de   l’enseignement   et   de   la   recherche. L’entreprise   doit   d’abord   pouvoir   disposer   d’un   vivier   de   personnels   bien   formés   à   l’innovation,  qui  ont  commencé  à  la  pratiquer,  notamment  au  sein  de  projets  ouverts   et  collaboratifs.  L’entreprise  doit  effectivement  recruter  des  profils  innovants,  inciter   ses   équipes   à   maintenir   leur   potentiel   d’innovation   tout   au   long   de   leur   vie   et   leur   donner   les   moyens   de   le   faire,   et   promouvoir   un   management   de   l’innovation   valorisant les soft skills et  le  sens  de  l’initiative.  Un  contact  étroit  avec  le  monde  de  la   recherche académique est également nécessaire. Une telle interaction apporte à l’entreprise   un   meilleur   accès   aux   connaissances,   une   meilleure   maîtrise des démarches de recherche et une ouverture aux compétences transdisciplinaires, qui sont  les  clefs  d’une  innovation  continue  et  performante.  Enfin,  les  filières  numériques   doivent   faire   preuve   d’exemplarité   en   matière   d’égalité   entre   les   femmes   et   les   hommes,  tant  dans  l’accès aux formations que dans le monde professionnel99. 99 Selon une étude du Syntec, le numérique compte environ 28% de femmes (voir enquête 2013 : http://www.syntec-numerique.fr/content/edition-2013-de-lenquete-femmes-du-numerique). Dans  les  écoles  d’ingénieurs,  le  pourcentage  des  femmes  dépasse  rarement  les  30%  (voir  l’outil   de  l’Usine  Nouvelle  :  http://www.usinenouvelle.com/comparatif-des-ecoles-d-ingenieurs-2014)
  • 190. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 189 Mieux former et impliquer les innovateurs Mieux valoriser les filières techniques et professionnelles : -­‐ Développer des passerelles entre ces formations et les formations classiques -­‐ Lancer des campagnes de promotion de ces filières dans les écoles,  en  mettant  l’accent  sur  leur  accessibilité  et  leur  potentiel,  y   compris pour les femmes Valoriser les filières de recherche, les formations et les initiatives universitaires en reconnaissant les dimensions multiples de l’innovation : -­‐ Reconnaître la thèse comme formation professionnelle -­‐ Intégrer  au  sein  des  Contrats  d’objectifs  et  de  moyens  des   universités  un  chapitre  en  faveur  de  l’innovation  ouverte,  à   destination  d’entreprises  et  de  startups  innovantes -­‐ Instituer des équivalences de diplômes pour des profils innovants, valorisant par exemple les autodidactes en matière de numérique, les entrepreneurs, etc. Impliquer les entrepreneurs dans la définition des cursus pédago- giques des universités, des grandes écoles et des écoles d’ingénieurs, généraliser leur présence dans les équipes pédagogiques, déve- lopper leurs interventions et leurs contacts directs avec les étudiants, et valori- ser cette participation dans les grilles salariales : -­‐ À cette fin, consacrer un véritable  statut  d’entrepreneur- enseignant par  l’extension  du  décret  n°87-889 du 29 octobre 1987, qui prévoit déjà la possibilité de faire intervenir les entrepreneurs dans les enseignements des établissements d’enseignement  supérieur ; -­‐ Créer des centres de développement pédagogique, où interviendraient à la fois des académiques et des professionnels extérieurs  à  l’enseignement,  afin  de  mieux  répondre  aux  besoins   de formation et de définir des pratiques pédagogiques innovantes100. 100 Voir le rapport de la StraNES (P.36) : http://cache.media.enseignementsup- recherche.gouv.fr/file/STRANES/05/3/Rapport_etape_StraNES_8_juillet_- _17h04_339053.pdf
  • 191. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 190 Intégrer dans toutes les formations initiales des projets collabora- tifs, transdisciplinaires, développant la créativité, ancrés sur le territoire, réali- sés avec les grandes entreprises et les startups. Reconnaître ces projets par l’obtention  de  crédits  ECTS  (cf. encadré). DISPOSITIFS DE PROJETS OUVERTS POUR LES ETUDIANTS Le FacLab de l’Université de Cergy-Pontoise est un lieu ouvert, mettant à la disposition de tous des machines, des infrastructures et du soutien dans la réalisation de projets ou dans l’apprentissage de nouvelles techniques et pratiques. Etudiants, enseignants, habitants de la ville, porteurs de projets et entreprises peuvent venir transformer leurs idées en projet et/ou en objet très rapidement. Cette démarche favorise la mutualisation, le partage des compétences, et l’interdisciplinarité. En savoir plus : http://www.faclab.org L’OpenLab est l'atelier de création scientifique du CRI (Centre de Recherches Interdisciplinaires). Il accueille les projets des étudiants et enseignants et, sans exclusivité, les projets de tout citoyen qui relèvent des objets connectés et capteurs et des EdTech (Education & Technologie). Il offre également un accélérateur destiné principalement aux étudiants entrepreneurs. L'OpenLab offre des machines de prototypage rapide, des formations et de l'accompagnement. C'est un lieu universitaire de fertilisation entre technologie, recherche, éducation, sciences citoyennes, design et entrepreneuriat. En savoir plus : http://lopenlab.github.io/ L’Université de Roskilde a été créée en 1972 au Danemark dans l’idée de rénover l’université, jusqu’alors perçue comme inadaptée. Elle a fait preuve d’une innovation pédagogique radicale en développant « l’apprentissage par problèmes et par projets » dans tous les cursus de formation à tous les niveaux. La moitié des crédits ECTS est délivrée via des projets de groupe, les sujets sont choisis par les étudiants et le suivi est réalisé par un superviseur. En savoir plus : http://cache.media.enseignementsup- recherche.gouv.fr/file/STRANES/05/3/Rapport_etape_StraNES_8_juillet_- _17h04_339053.pdf (page 35 du rapport) Développer  dans  les  cursus  d’ingénieurs  une  formation  minimale  à   et par la recherche. Développer dans les cursus de thèses, y compris académiques, des stages dans le monde de l’entreprise (doctorat-conseil), mieux mettre en lumière la formation professionnelle généraliste présente dans ce cursus, la faire  reconnaître  explicitement  et   inciter  le  doctorant  à  faire  aussi  du  “grand   public”  et  des  thèses  collaboratives  (ex : Philoweb.org101, ma thèse en 180 se- condes102, nouveau chapitre de la thèse, (cf. encadré  sur  les  procédures  d’aide   à  l’insertion  des  doctorants  dans  l’entreprise) 101 http://hackyourphd.org/2014/01/interview-dalexandre-monnin-une-these-augmentee-avec- philoweb-org/ 102 http://mt180.fr/
  • 192. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 191 LE STATUT NATIONAL ETUDIANT-ENTREPRENEUR Le statut national d'étudiant-entrepreneur permet aux étudiant(e)s et aux jeunes diplômé(e)s d'élaborer un projet entrepreneurial dans un pôle étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat (PEPITE). Le diplôme d'établissement "étudiant-entrepreneur" (D2E) accompagne le statut d'étudiant-entrepreneur : il offre à l’étudiant un accès à des prestations qui lui permettront de maximiser les chances de réussite du projet. En savoir plus : http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid79926/statut- national-etudiant-entrepreneur.html Renouveler les pratiques de recrutement et de formation continue BAROMETRE DES METIERS DU NUMERIQUE - MULTIPOSTING/CAP DIGITAL, JANVIER 2015 Selon ce baromètre, les tensions sur le marché du recrutement des métiers du numérique s’expliquent notamment par un manque d’attractivité des offres d’emploi du numérique, un faible rapprochement du monde de la formation des attentes des entreprises ainsi qu’un manque de mutualisation et de remontées des besoins auprès des canaux de recrutement (Pôle emploi, groupement d’entreprises, etc.). En savoir plus : http://www.capdigital.com/wp- content/uploads/2015/01/barometre_7pages.pdf Diversifier  les  profils  au  sein  de  l’entreprise : -­‐ Valoriser les compétences en matière de numérique et d’innovation,  en  opérant  notamment  une  refonte  des  grilles   salariales. -­‐ Améliorer  la  représentation  des  femmes  et  l’égalité   professionnelle,  soutenir  les  initiatives  “souples”  promouvant  la   présence de femmes dans le numérique et incitant à leur meilleure valorisation.
  • 193. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 192 INITIATIVES DE PROMOTION DES FEMMES DANS LE NUMERIQUE Girlz In Web : cette association française créée en 2009 agit pour la promotion et la valorisation des femmes dans le domaine du numérique et des nouvelles technologies. Des événements mensuels (master class, tables-rondes, soirées networking, etc.) sont régulièrement organisés. En octobre 2014, l’association a mis en place une plateforme mettant en réseau les expertes du numérique. Cette plateforme constitue une initiative constructive car elle rend visible la présence des femmes dans le secteur et invite à une reconnaissance pair à pair de ces profils. Par ce moyen, il est attendu que davantage de femmes soient invitées à s’exprimer publiquement sur le numérique (interviews, auditions, interventions, etc.). En savoir plus : http://expertes.girlzinweb.com/ Autres initiatives : Commission “Femmes numériques” du Syntec : http://www.femmesdunumerique.com/ Réseau Girls in Tech : http://gitparis.com/ Former  l’ensemble  du   personnel  de  l’entreprise  aux   enjeux   numé- riques, et développer la formation continue au code et aux mé- thodes agiles,  à  l’exemple  de  Simplon   qui  a  formé   les  membres  du  Comité   exécutif  d’Orange103 ou du Groupe La Poste, qui a formé tous les collaborateurs de la branche numérique du groupe. Pour les responsables ressources humaines et autres décideurs stratégiques, instaurer une formation annuelle obligatoire aux enjeux et aux compétences du numérique. Systématiser la participation du monde académique à la formation continue  dans  l’entreprise et valoriser cette participation dans les cursus des enseignants-chercheurs. Déployer une meilleure interface entre formation et recrutement, par la possibilité : -­‐ de  périodes  de  formation  pour  les  personnels  de  l’entreprise,   notamment en milieu académique ; -­‐ de programmes de recrutement-formation,  afin  d’intégrer  dans   l’entreprise,  de  manière  évolutive,  des  profils  non  spécialisés  dans   le  cœur  de  métier  initial  de  l’entreprise ; -­‐ d’intégration  de  chercheurs  et  doctorants  dans  les  entreprises,  via   une  campagne  de  promotion  et  d’incitation (CIFRE, NCT, doctorants conseils - cf. encadrés). 103 Simplon.co,”Le  Comex  d’Orange  prend  les  lignes  de  commandes”,  14  janvier  2015   http://simplon.co/blog/2015/1/14/le-comex-dorange-prend-les-lignes-de-commandes
  • 194. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 193 LES PROCEDURES D’AIDE A L’INSERTION DES DOCTORANTS DANS L’ENTREPRISE Les conventions CIFRE (Conventions Industrielles de Formation par la Recherche) subventionnent toute entreprise de droit français qui embauche un doctorant pour le placer au cœur d’une collaboration de recherche avec un laboratoire public. En savoir plus : http://www.anrt.asso.fr/ Le nouveau chapitre de la thèse (NCT) conduit les docteurs à considérer leur thèse non plus uniquement comme un sujet scientifique mais comme une expérience personnelle et professionnelle, comme un véritable projet, leur permettant une meilleure insertion professionnelle. Ce dispositif offre aux doctorants un accompagnement individualisé avec un spécialiste en ressources humaines ou en recrutement, une formation courte. Leurs travaux sont présentés à un public non spécialiste. En savoir plus : http://www.intelliagence.fr/page/cms/ViewSection.aspx?SectionId=65 Les doctorants-conseils : ce dispositif permet à des doctorants d’effectuer des missions en entreprise parallèlement à la réalisation de leur thèse. L’objet d’une mission devra se situer dans le domaine de compétence du doctorant mais n’aura pas nécessairement de lien direct avec son sujet de recherche. Ainsi, le doctorant a la possibilité d’acquérir une réelle première expérience en entreprise et l’entreprise dispose d’un nouveau moyen pour s’ouvrir à l’innovation. En savoir plus : http://www.univ-paris-est.fr/fr/entreprises-et-partenaires/document- 1121.html RAPPORT D’ETAPE DU COMITE STRANES PROPOSITION POUR INCITER LE RECRUTEMENT DE DOCTEURS Pour inciter les entreprises à recruter davantage de docteurs dans les entreprises, le rapport de la StraNES proposait de conditionner le crédit impôt recherche à l’atteinte d’une proportion minimale de docteurs ou à un engagement d’embauche de docteurs dans les entreprises. En savoir plus : http://cache.media.enseignementsup- recherche.gouv.fr/file/STRANES/05/3/Rapport_etape_StraNES_8_juillet_- _17h04_339053.pdf Mutualiser davantage le recrutement, en développant des struc- tures  de  type  “groupements  d’employeurs”  permettant à des TPE/PME de recruter plus rapidement des profils spécifiques en fonction de leurs besoins de transformation numérique à court et moyen termes (ex : mise à disposition d’un   ou   plusieurs   salariés   d’une   entreprise   à   une   autre,   conseils   en   matière   d’emploi  et  de  gestion  de  ressources  humaines,  cf. encadré)104. 104 A  cet  égard  les  chambres  de  commerce  et  d’industrie,  les  pôles  de  compétitivité et les DI- RECCTE doivent être mobilisées pour proposer des débouchés à de nouveaux métiers, comme celui de médiateur, de mentor, etc. (cf.  recommandations  pour  l’inclusion  du  rapport)
  • 195. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 194 GEMPLOI PARIS REGION GEmploi est un groupement d’employeurs (association à but non lucratif) qui répond aux problématiques spécifiques de l’emploi dans les TPE et PME en Île de France. Selon un fonctionnement tripartite (groupement d’employeurs, entreprise adhérente, collaborateur), le groupement met à disposition des collaborateurs - le plus souvent en CDI - par le biais d’une mise à disposition pour une entreprise ayant un besoin de recruter pour une mission donnée. Ce type de portage salarial permet à des entreprises de favoriser une certaine flexibilité et une mobilité des talents via la mutualisation d’une partie des efforts de recrutement. En savoir plus : http://www.gemploi.fr/ Stimuler les collaborations en matière de recherche Le  décloisonnement  du  monde  et  l’entreprise  et  du   monde académique engendre un meilleur accès aux connaissances. Le numérique, par son organisation intrinsèquement réticulaire, encourage le partage des ressources, des compétences et pousse  à  l’interdisciplinarité.  Ces  dynamiques  sont  sources  de  fertilisation croisée et favorisent  ainsi  l’émergence  de  stratégies  innovantes  pour  l’entreprise,  mais  aussi  de   nouvelles sociabilités, elles-mêmes  sources  d’innovation. Soutenir et promouvoir la recherche partenariale entre le milieu académique  et  le  monde  de  l’entreprise, avec ses trois niveaux : ac- tivités de consultation, recherche contractuelle, recherche collabo- rative (cf. encadré). Une telle collaboration accroît à la fois la performance économique des entreprises - qui bénéficient ainsi des dernières avancées de la recherche - et   l’excellence   scientifique   des   chercheurs,   car   elle   leur   ouvre   de   nouvelles perspectives de recherche et leur permet de mieux valoriser leurs tra- vaux.
  • 196. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 195 LA RECHERCHE PARTENARIALE La recherche partenariale comprend : la recherche collaborative : un partenaire extérieur s’associe avec un laboratoire public pour réaliser un projet de recherche et dont les résultats seront partagés entre les deux partenaires la recherche contractuelle : un commanditaire finance la recherche sans y participer les activités de consultation : un commanditaire emploie un chercheur afin de bénéficier de son expertise dans le cadre d’un problème précis En savoir plus : http://cache.media.enseignementsup- recherche.gouv.fr/file/2013/01/0/recherche_partenariale_rapport_254010.pdf Favoriser le développement de passerelles entre monde universi- taire  et  monde  de  l’entreprise,  par  l’obtention  plus  simple  de  déta- chements : -­‐ du  milieu  académique  vers  l’entreprise : étendre la loi Allègre  de  1999  sur  “l’innovation  et  la  recherche” prévoyant la possibilité pour les universitaires et chercheurs de créer  une  startup  et  de  déposer  des  brevets.  Il  s’agit  de  fluidifier  et   d’ouvrir  le  processus  permettant  l’obtention  d’un  statut  de   “chercheur-entrepreneur”  (simplification  administrative,   flexibilité des règles en matière de capital, etc.)105 ; -­‐ de  l’entreprise  vers  le  milieu  académique : étendre le dispositif  “Congé  pour  création  ou  reprise  d’entreprise   ou  participation  à  la  direction  d’une  jeune  entreprise   innovante106” et  donner  la  possibilité  à  un  cadre  d’effectuer  un   détachement dans un laboratoire de recherche académique. Cette possibilité  doit  naturellement  pouvoir  s’appliquer  aussi  dans  le   domaine de la fonction publique. Ouvrir davantage les structures en région (pôles de compétitivité ou French Tech par exemple) au monde académique afin  d’en  faire  des  lieux   de rencontres transdisciplinaires, où peuvent se développer une culture mixte et émerger des fertilisations croisées. 105 voir à ce titre les initiatives développées par le groupe AEF (concours de docteurs entrepre- neurs et rencontres entre investisseurs et chercheurs-entrepreneurs) : http://www.rue- aef.com/start-up-connexion/ et http://www.rue-aef.com/concours-docteurs-entrepreneurs-3/ 106http://travail-emploi.gouv.fr/informations-pratiques,89/les-fiches-pratiques-du-droit- du,91/creation-d-entreprise,128/le-conge-pour-creation-ou-reprise,1169.html
  • 197. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 196 35. Adapter le dialogue social et la gouvernance des entreprises aux enjeux numériques La transformation numérique des entreprises introduit de nouvelles opportunités et de  nouvelles  contraintes  à  la  modernisation  du  dialogue  social.  D’un  côté,  elle  offre  de   nouveaux outils de travail et de participation   des   salariés   à   la   vie   de   l’entreprise   (réseaux   sociaux   d’entreprise,   consultation,   outils   de   communication   interne)   et   favorise  ainsi  l’innovation  sociale.  De  l’autre,  les  projets  de  transformation  numérique   des entreprises peuvent inquiéter les salariés, du fait de leurs impacts potentiels en matière  d’emplois,  d’environnement  de  travail,  de  bien  être,  etc. La modernisation du dialogue social implique une plus forte imprégnation des enjeux numériques au sein des instances de représentation du personnel, notamment par la formation des élus, la valorisation des pratiques collaboratives et une gouvernance plus ouverte au sein des enceintes de décision. Au-delà,   le   développement   d’un   dialogue social numérique au niveau national renforcera la prise en compte de ces enjeux sur le long terme. Ces problématiques pourront être approfondies par le Conseil national du numérique,  dans  le  cadre  d’une  saisine  ad hoc du Ministre du Travail, de l’Emploi  et  de  la  Formation  professionnelle  et  du  Dialogue  social  sur les liens entre numérique, travail et emploi107. Rendre les syndicats acteurs de la transformation numérique par la formation et la consultation Développer les formations au numérique dans les entreprises et au sein des centrales syndicales à destination des élus syndicaux et des salariés syndiqués. Il  s’agit  de  garantir  l’accompagnement  de  la  transforma- tion numérique au sein des entreprises, en complément des formations réali- sées par les pôles de formation ou les ressources humaines. Intégrer dans la loi l’obligation  pour  les  élus  syndicaux  de  réaliser   des formations numériques, sur le modèle des formations requises pour siéger  au  Comité  d’Hygiène,  de  Sécurité  et  des  Conditions  de  travail  (CHSCT),   en définissant un référentiel de compétences numériques. De la même manière que les formations au CHSCT comprennent des savoir-être relatifs à la repré- sentation du personnel, des savoir-être numériques pourraient être déclinés dans les instances représentatives du personnel, tels que : -­‐ Comprendre la stratégie numérique  de  l’entreprise ; 107 pour accéder à la lettre de saisine : http://www.cnnumerique.fr/wp- content/uploads/2012/02/saisine-travail.pdf
  • 198. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 197 -­‐ Être  acteur  d’un  changement  des  pratiques  sociales  dans  une   perspective de numérisation durable des métiers ; -­‐ Connaître et comprendre les principaux concepts et enjeux du numérique, etc. Inclure un volet numérique dans les phases obligatoires du dialogue social : dès  qu’un  (ou  plusieurs)  syndicat  le  souhaite,  il  doit  pouvoir  informer   les salariés concernés par un dossier en discussion dans les instances représen- tatives  du  personnel  (orientation  stratégique  de  l’entreprise,  changement im- pactant,  etc.),  par  l’intermédiaire  d’un  courrier  électronique  ou  via  des  outils   spécifiques  (outils  collaboratifs,  garantie  de  l’anonymat  possible,  etc.). Garantir  un  droit  d’information  aux  syndicats  dans  les  entreprises : par exemple, leur donner la possibilité   d’envoyer   des   courriers   électroniques   aux  salariés  (avec  une  option  de  désinscription),  leur  donner  accès  à  l’intranet   de  l’entreprise  pour  qu’ils  développent  des  sites  d’information  des  salariés  en   interne, etc. Encourager tous les salariés et les instances représentatives du per- sonnel à développer des réflexions prospectives sur les questions de bien-être   au   travail,   l’évolution   des   métiers   et   des   compétences   à   l’heure   du   numérique et à contribuer en ce sens à la stratégie numérique des entreprises. L’IMPLICATION DES INSTANCES DE REPRESENTATION DES SALARIES ET LA FORMATION DES REPRESENTANTS La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi crée une nouvelle consultation du Comité d’entreprise sur les orientations stratégiques des entreprises ainsi qu’une base de données économiques et sociales de l’entreprise, visant à permettre de mieux comprendre la création et la répartition de la valeur au sein de l’entreprise, de remettre dans son contexte la situation de l’entreprise et de mettre en perspective sur plusieurs années desdites données. En savoir plus : www.travailler-mieux.gouv.fr/IMG/doc/Refer_Comp_CHSCT.doc Valoriser les démarches collaboratives et ouvertes au sein des entreprises Des travaux récents préconisent de rendre plus visibles les initiatives des entreprises en  matière  de  gouvernance  et  d’innovation  ouverte  (cf. encadré). Au même titre que la responsabilité   sociale   des   entreprises   a   permis   d’inciter   celles-ci à davantage s’impliquer  dans  le  développement  durable,  une  forme  de  “responsabilité  numérique   des  entreprises”,  mise  en  valeur  dans  les  rapports  annuels,  pourrait  voir  le  jour. Il  s’agit  de  rendre  visibles  les  efforts  de  l’entreprise  en  matière  d’innovation  “nouvelle   génération” :
  • 199. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 198 -­‐ Par la description des projets ouverts développés et des bénéfices qu’ils  ont  engendrés ; -­‐ La  contribution  de  l’entreprise  à  l’innovation  sociale  et  aux   communautés du libre (mise en ligne de certaines données, degré d’ouverture  de  certaines  APIs,  etc.) ; -­‐ La  mesure  des  impacts  liés  à  l’acquisition  de  startups  innovantes,   à  l’adoption  de  nouvelles  méthodes  de  management,  au   développement de formations au numérique ; -­‐ La mise  en  valeur  d’une  gouvernance  diversifiée  (intégration   d’entrepreneurs  dans  les  Conseils  d'Administration  et  Conseil  de   Surveillance par exemple), etc. PROPOSITIONS ISSUES DU DEBAT PUBLIC POUR UNE GOUVERNANCE NUMERIQUE DES ENTREPRISES Le rapport de Philippe Lemoine sur la transformation numérique de l’économie française met en valeur l’importance du dialogue social dans la conduite de la transformation numérique des entreprises. Recommandation M12 : “Mettre l’accent sur la transformation numérique dans le dialogue social, à l’occasion du dialogue annuel sur les orientations stratégiques institué par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.” Il s’agit de permettre aux partenaires sociaux de se saisir des enjeux liés aux nouveaux rapports entre l’entreprise et son environnement engendrés par la transformation numérique en réfléchissant aux impacts du numérique sur les orientations stratégiques, la formation des salariés, et l’accompagnement des vocations entrepreneuriales des salariés. Plus généralement, il s’agit d’intégrer un principe de Responsabilité Numérique des Entreprises (RNE), permettant d’évaluer et de valoriser l’implication des entreprises dans des démarches d’open innovation : Recommandation M14 : “Créer un classement des entreprises valorisant leur implication dans des démarches open : notion de Responsabilité Numérique des Entreprises (RNE).” La RNE pourrait être introduite par la modification de l’article 116 de la loi n°2001-420 du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques. En savoir plus : http://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/rapport_TNEF.pdf Le rapport de Corinne Erhel et Laure de La Raudière sur le développement de l’économie numérique française préconise l’intégration d’un fondateur d’une startup innovante au sein des conseils d’administration de chacune des entreprises du CAC 40, via des dispositifs incitatifs. En savoir plus : http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i1936.asp
  • 200. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 199 Développer un dialogue social numérique au niveau national Organiser une conférence sociale du numérique avec les parte- naires sociaux, incluant les syndicats de salariés, les syndicats patronaux et les syndicats du numérique, pour aborder les enjeux de transformation de l’emploi  et  des  stratégies  d’entreprises  à  moyen  et  long  terme.  Une  réflexion so- ciale  et  prospective  sur  l’évolution  de  l’emploi  et  du  travail  au  sein  de  la  société   permettrait  d’anticiper  l’adaptation  du  droit  et  de  l’organisation  du  travail,  de   l’employabilité   de   développer   et   observer   les   nouvelles   pratiques   (télétravail, BYOD,  etc.),  et  inciterait  à  la  création  d’espaces  de  concertation  dans  les  ins- tances traditionnelles de représentation. Impulser la création de syndicats représentant les startups et les jeunes entre- prises dans les instances du dialogue social (conférence sociale, accords inter- professionnels,  Assises  de  l’Entrepreneuriat,  etc.). 36. Offrir un cadre propice à l’innovation et aux partenariats entre entreprises Développer un nouveau référentiel d’innovation dans la politique de développement des entreprises : Pour les PME et ETI : Communiquer   sur   ce   nouveau   référentiel   d’innovation   et   sa   décli- naison   dans   les   dispositifs   de   soutien   public   à   l’innovation, au sein des  chambres  de  commerce  et  des  syndicats  de  PME  afin  d’orienter  la  trans- formation numérique des entreprises.  Le  caractère  innovant  d’une  organisation   constitue un levier non négligeable en matière de commercialisation et de re- crutement de talents. Pour les grandes entreprises : Définir des indicateurs boursiers intégrant le nouveau référentiel d’innovation. Cela inciterait les entreprises cotées à mieux communiquer leur stratégie   numérique   auprès   des   analystes   boursiers,   afin   d’être   positivement   notées. De nouveaux comparables de valorisation boursière pourraient être ainsi diffusés sur les places de marché. Une   discussion   pourrait   être   engagée   avec   l’Autorité   des   marchés   financiers,   les   associations   et   syndicats   d’analystes,   les   banques,   les  
  • 201. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 200 intermédiaires financiers et les entreprises afin de définir ces nouveaux indicateurs. Guider les stratégies d’entreprises   en   matière   de   partenariats   et   d’investissements : -­‐ Diffuser  les  nouveaux  critères  d’innovation  pour   transformer les méthodes de valorisation financière afin de mieux estimer la valeur des actifs immatériels, la protection des  données,  les  bénéfices  des  stratégies  d’innovation  sociale,  etc. -­‐ Diversifier les critères de sélection des startups dans les incubateurs  d’entreprises, les accélérateurs, les pôles de compétitivité, en fonction de ce nouveau référentiel. -­‐ Étendre  le  régime  d’amortissement  fiscal  délivré  aux   entreprises réalisant un investissement en capital- investissement  d’entreprise  (corporate venture)108 à la prise  de  participation  ou  le  rachat  d’entreprises innovantes selon ces  nouveaux  critères.  Cela  favoriserait  l’acquisition  de  startups   innovantes et dynamiserait les exits109 industriels. Améliorer l’accessibilité des activités de propriété industrielle aux PME et startups Développer la médiation et le conseil aux startups dans les do- maines touchant à la propriété industrielle, afin de la rendre plus accessible : -­‐ Former et mieux accompagner les startups dans leurs démarches de  propriété  industrielle  (dans  le  dépôt  et  l’après  dépôt) : rendez- vous individualisés  avec  des  conseillers  de  l’Institut  National  de  la   Propriété Industrielle (INPI)110, formulaires, plateformes de requêtes, etc.; -­‐ Lancer  une  campagne  d’information  auprès  des  startups  sur  le   brevet  européen,  mais  aussi  sur  les  possibilités  d’innovation, de modèle  d’affaire  et  de  valorisation  hors  du  système  de  brevet,   108 voté dans le Projet de Loi de Finances Rectificative pour 2014, voir : http://proxy- pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/18408.pdf 109 Un  exit  industriel  la  sortie  des  premiers  actionnaires  de  l’entreprise  par  son  acquisition  par   une autre entreprise 110 S’inspirer  de  l’initiative  commune  entre  l’INPI  et  le  Paris  Region  Lab  :  un  conseiller  INPI  se   rend sur place et fournit des sessions de conseil de 45 minutes à des startups. http://incubateurs.parisregionlab.com/inpi-et-paris-incubateurs-accompagner- start-ups-demarche-de-propriete-industrielle
  • 202. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 201 ainsi  que  sur  les  avantages  de  l’open  source  (cf. recommandation 7). Mettre en place un tarif préférentiel sur les prestations de recherches brevets (recherches  d’antériorités,  état  de la technique) pour les startups innovantes. Autoriser un paiement différé des frais liés au dépôt de brevets pour une entre- prise en création. Renforcer les missions du médiateur interentreprises Le médiateur interentreprises peut intervenir pour régler un litige avec une autre entreprise (cf. encadré).  Il  est  nécessaire  d’adapter  son  rôle  à  l’écosystème  des  startups   et  à  l’économie  de  l’innovation. Le CNNum recommande de : Élargir le périmètre de médiation du médiateur. Aujourd’hui  concentré   sur les relations   achats   et   fournisseurs,   l’intervention   du   médiateur   pourrait   être  étendue  aux  relations  liées  à  l’innovation.  Il  serait  alors  compétent  dans  le   cadre  d’incubations  de  startups  dans  des  entreprises,  des  accélérateurs,  de  mi- cro-partenariats (hackathons, concours, etc.), de projets moyen terme, etc. Permettre   un   “appel   en   médiation” : si   le   médiateur   désigné   n’est   pas   compétent sur le sujet, introduire un recours pour changer de médiateur. Créer  une  compétence  permettant  d’assurer  une  “obligation  de  pré- sence” : dès  lors  que  les  parties  s’entendent  par  signature  pour  recourir  à  la   médiation,  il  faut  qu’elles  puissent  se  rencontrer  au  moins  une  fois  pour  tenter   de résoudre le litige en cours. Former les médiateurs et promouvoir leur rôle au niveau local : -­‐ Intégrer une formation juridique et économique sur les enjeux numériques à destination des médiateurs ; -­‐ Intégrer des membres de la FrenchTech au sein de la mission de médiation et coordonner son action au niveau local avec les réseaux (Pôles de compétitivité, FrenchTech et CCI).
  • 203. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 202 LA MEDIATION INTERENTREPRISES La médiation interentreprises est un dispositif gouvernemental d'aide aux entreprises qui rencontrent des difficultés contractuelles ou relationnelles avec un client ou un fournisseur. Elle assure l’indépendance stratégique et la croissance des entreprises dans un cadre de confiance. Les médiateurs sont présents sur l’ensemble du territoire (médiateurs nationaux et médiateurs régionaux au sein des DIRECCTE). En cas de conflit ou de litige dans l’application d’une clause contractuelle ou le déroulement d’un contrat, toute entreprise ou groupement professionnel peut saisir le médiateur, en vue d’aboutir à un accord. Les motifs de saisine sont multiples : non-respect des délais de paiement, rupture ou modification unilatérale du contrat, détournement de propriété intellectuelle, activités non rémunérées, etc. Trois types de médiation existent : la médiation individuelle : une entreprise seule et un client ou un fournisseur la médiation collective : plusieurs entreprises, un syndicat, ou une fédération professionnelle se regroupent face à un même client ou fournisseur. la médiation de branche : un secteur d’activité entre en médiation avec une autre branche professionnelle. Pour en savoir plus : http://www.economie.gouv.fr/mediation-interentreprises Étendre la Charte PME innovantes à toutes les entreprises Il  est  nécessaire  d’étendre  le  champ  des  dispositifs  souples  en  matière de relations interentreprises : Renforcer  et  étendre  la  charte  PME  innovantes  afin  d’améliorer  et   d’équilibrer  les  relations  entre  entreprises  (cf. encadré) : -­‐ Ouvrir la possibilité de signer la charte - initialement prévue pour les entreprises publiques qui contractent avec des PME - à toutes les entreprises ; -­‐ Introduire dans cette charte des critères de relations équilibrées  en  matière  d’innovation  partagée. Cette charte engloberait  les  aspects  liés  aux  pratiques  d’achats  des  grands   groupes111 (délais de paiement, enjeux de propriété intellectuelle, surtout sur les prototypes) et couvrirait plus largement les relations entreprises-startups  sur  des  projets  d’innovation.  Cette   111 L’Electronic   Business   Group   travaille   actuellement   à   la   rédaction   d’une   charte   grands   groupes/startups sur la partie commande privée. Voir leur contribution : https://contribuez.cnnumerique.fr/users/propositions-dans-le-d%C3%A9bat-public et leur “pitch   contributif”   lors   de   la   journée   contributif   à   Lille   (1:35:00)   :   http://www.dailymotion.com/video/x2bxgx4_pitchs-contributifs-de-la-1ere-journee- contributive-lille-euratechnologies_tech
  • 204. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 203 charte pourrait également préconiser un interlocuteur unique au sein  de  l’entreprise (chef de projet), une liberté de contracter avec d’autres  entreprises,  sur  d’autres  produits,  et  un  accès  à  des   ressources et des informations via des interfaces de programmation.  L’enjeu  est  de  favoriser  une  indépendance   stratégique des startups ; Diffuser la charte et la faire adopter dans des conventions collec- tives   et   auprès   d’organisations   représentatives   (syndicats de grandes entreprises, de PME, collectivités locales, Pôles de compétitivité, FrenchTech, etc.). Cette charte pourrait être mise en ligne de manière ouverte afin que les organisations  puissent  l’adapter. LA CHARTE PME INNOVANTES Cette charte a été mise en place en 2012 afin de renforcer les coopérations et partenariats autour de l’innovation entre les entreprises publiques et les PME. Les entreprises s’engagent pour stimuler l’innovation en leur sein et auprès de leurs fournisseurs, aider les PME à concrétiser leurs projets d’innovation. En contrepartie, elles bénéficient d’un accès durable à des technologies innovantes et stabilisent des partenariats économiques. La Charte PME Innovantes s’appuie sur l’expertise et les travaux de la Médiation Interentreprises, sur le référentiel de bonnes pratiques de l’association Pacte PME, et sur les initiatives des entreprises signataires. Les objectifs que s’engagent à atteindre les signataires de la Charte PME Innovantes sont les suivants : Assurer aux PME un accès simple aux orientations prises par les grandes entreprises en matière d’innovation Accompagner les PME pour faire aboutir leurs projets d’innovation Encourager les PME à utiliser leurs résultats pour se développer sur d’autres marchés Adapter les processus achat au service de l’innovation Investir dans les PME innovantes et contribuer à leur développement Mettre en place un pilotage spécifique au sein des entreprises Chaque signataire s’engage sur une déclaration d’intention individuelle qui détaille le plan d’actions qu’il va mettre en place l’année suivante afin d’atteindre ces objectifs. Chaque année la déclaration d’intention est actualisée et les signataires fournissent un bilan de mise en œuvre de leur plan d’actions (avec des éléments chiffrés si pertinent). La Médiation Interentreprises, l’Agence des participations de l’État, et la Direction générale des Entreprises (DGE) veillent à la diffusion de la charte et à sa bonne application, en coordination avec les entreprises signataires. En savoir plus : http://www.economie.gouv.fr/mediation-interentreprises/charte- pme-innovantes-0
  • 205. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 204 37. Renforcer la stratégie numérique de l’État contributeur de l’innovation Le   renforcement   de   la   stratégie   numérique   de   l’État,   en   tant   qu’acteur   économique, est essentiel. L’État   doit   s’engager   et   s’ouvrir aux modèles économiques  innovants,  en  modernisant  sa  politique  d’achats  publics  et  ses  stratégies   de participation. Cela suppose une ouverture à la prise de risque et une forme d’exemplarité  dans  ses  pratiques. Dans cette optique, le CNNum recommande de : De la même manière qu’à l’échelle européenne, inscrire clairement, sans attendre une réforme européenne, le principe d’innovation dans le droit des marchés publics L’affirmation  d’un  principe  d’innovation  dans  la  commande  publique  entend  renforcer   l’accès  des acheteurs publics aux  entreprises  “développant des activités innovantes”   (comme  le  décrit  le  rapport  de  l’OPECST  sur  le  principe  d’innovation112). La révision des directives   marchés   publics   de   l’Union   européenne   offre   justement   aux   États- membres   l’opportunité   d’affirmer   l’innovation   comme   le   fil   conducteur   de   l’achat   public. Si   la   récente   transposition   du   partenariat   d’innovation,   le   développement   de   plateformes dédiées   à   l’achat   public   innovant,   et   l’incitation   faite   aux   ministères   de   renouveler  leurs  pratiques  d’achat  en  direction  de  l’innovation  constituent  des  signaux   positifs, il  convient  d’approfondir  les  efforts,  pour  éviter  que  la  rigidité  de   la commande publique ne conduise les startups et PME à ne plus y répondre : Définir  le  principe  d’innovation  dans  la  loi : -­‐ Introduction  d’un  titre  additionnel  dans  le  code  de  la  recherche ; -­‐ Introduction  du  principe  d’innovation  dans  la  commande   publique (au même titre que les objectifs de développement durable113). 112Rapport  au  nom  de  l’Office  Parlementaire  de  l’évaluation  des  choix  scientifiques  et  technolo- giques, Le   principe   d’innovation,   27 novembre 2014 - http://www.senat.fr/rap/r14-133/r14- 1331.pdf 113 article 5 du code des marchés publics http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006204297&cidT exte=LEGITEXT000005627819&dateTexte=20150407
  • 206. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 205 Ouvrir  davantage  les  marchés  publics  à  l’innovation : -­‐ Dans le cadre de marchés de partenariats, les candidats à un appel d’offres devraient indiquer la part de sous-traitance  qu’ils   souhaitent confier à des entreprises développant des activités innovantes (au même titre que la part confiée à des PME ou des artisans114) et définir un montant minimum annuel dédié à ces entreprises ; -­‐ Réserver de manière directe un pourcentage des marchés publics aux entreprises développant des activités innovantes115. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés, prévoir des dispositions permettant  d’assouplir  les  règles  et  de  réserver  une  part  des  lots  à   des entreprises développant des activités innovantes116 ; -­‐ Dans  les  conditions  d’exécution  d’un  marché  ou  d’un  accord- cadre, intégrer des éléments relatifs au principe d’innovation117; -­‐ Étendre  le  dispositif  de  partenariat  d’innovation  (cf. encadré) à des activités plus larges que la recherche et le développement, et  l’appliquer  à  des  innovations  de  services,   d’usage,  d’organisation,  de  changement  de  pratiques  sociales  et  de   procédés, etc. Clarifier   l’articulation des plans industriels du ministère de l’Économie   avec   la   politique   de   l’État   en   matière   d’achats   publics, afin de répondre aux impératifs de massification et de diversification de la commande publique. 114 article 48 du code des marchés publics. 115 applicable par ministère et opérateur et non en global. 116 articles 10 et 27 du code des marchés publics. 117 article  14  du  code  des  marchés  publics  :  “les  conditions  d'exécution  d'un  marché  ou  d'un  ac- cord-cadre peuvent comporter des éléments à caractère social ou environnemental qui prennent en compte les objectifs de développement durable en conciliant développement économique, protection et mise en valeur de l'environnement et progrès social. Ces conditions d'exécution ne peuvent pas avoir d'effet discriminatoire à l'égard des candidats potentiels. Elles sont indiquées dans  l'avis  d'appel  public  à  la  concurrence  ou  dans  les  documents  de  la  consultation”.
  • 207. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 206 LE PARTENARIAT D’INNOVATION Transposant de nouvelles directives européenne, le décret n° 2014-1097 du 26 septembre 2014 portant mesures de simplification applicables aux marchés publics a introduit le partenariat d'innovation. L’objectif est de faciliter la passation de marchés publics à visée innovante et d’aider les acheteurs publics à faire une meilleure utilisation stratégique de leurs marchés pour stimuler l’innovation. L’acquisition de solutions innovantes joue en effet un rôle essentiel dans l’amélioration de l’efficacité et de la qualité des services publics. Le partenariat d’innovation vise à pallier les difficultés structurelles des actuels marchés de recherche et de développement (R&D). La procédure de passation est souple. Elle permet aux acheteurs publics de mettre en place un partenariat structuré de long terme couvrant à la fois la R&D et l’achat de produits, services ou travaux innovants sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle mise en concurrence. Exécution d’un partenariat d’innovation avec 3 partenaires En savoir plus : http://www.economie.gouv.fr/daj/partenariat-innovation Faire de l’Agence des participations de l’État (APE) un soutien actif à la transformation numérique des entreprises publiques Incarnation  de  l’État  actionnaire,  l’Agence  des  participations  de  l’État  (APE)  joue  un   rôle   stratégique   dans   l’accompagnement   du   développement   et   de   la   transformation   des entreprises. L’APE  doit  être  proactive  dans  la  définition  de  stratégies  numériques  au   sein   des   entreprises   dans   lesquelles   l’État   a   une   participation. Certaines
  • 208. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 207 entreprises peuvent être freinées par les actionnaires pour racheter des startups ou PME innovantes, car ces dernières ne remplissent pas totalement les exigences financières  “traditionnelles”  (en  termes  de  rentabilité,  de  risque,  et  d’amortissement), si bien que souvent des acquisitions stratégiques pour la transformation numérique des entreprises sont abandonnées. Plusieurs mesures pourraient inverser la tendance : L’assouplissement  de  certains  critères  d’amortissement  et  de  valorisation,  afin   d’encourager  les  entreprises publiques à acquérir des entreprises innovantes ; La   diversification   des   profils   des   administrateurs   de   l’État   dans   les   conseils   d’administration   et   de   surveillance   des   entreprises118 : profils entrepreneurs, analystes   spécialisés   dans   l’économie   numérique, chercheurs en sciences so- ciale.  Il  serait  également  intéressant  de  réfléchir  à  l’introduction  de  règles  rela- tives   au   renouvellement   des   administrateurs   de   l’État au sein des conseils d’administration  (durée  de  mandat  maximale,  limite  d’âge,  etc.). L’obligation,  dans  les  rapports  annuels  des  sociétés  ayant  une  participation  de   l’État,  de  publier  des  informations  sur  la  stratégie  numérique  de  leur  entreprise   (acquisitions   d’entreprises   innovantes,   investissements,   changement   d’organisation,  etc.),  selon  des  critères  d’innovation  élargis. Par  ailleurs,  il  serait  judicieux  de  réserver  une  partie  du  capital  de  l’APE  pour  l’investir   directement dans des entreprises développant des activités innovantes et en phase avec la stratégie industrielle de la France. Au niveau européen, il serait judicieux d’imaginer  la  création  d’un  fonds  souverain  dont  les  missions  seraient  de  prendre  des   participations   dans   des   entreprises   “non   européennes”   qui   conquièrent le marché européen (notamment dans les secteurs du tourisme). 118 Ordonnance °2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029391551&categorieLi en=id
  • 209. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 208 Développer des méthodes d’achat public et d’investissements innovantes En ce qui concerne les achats publics : Diffuser  la  plateforme  des  achats  d’innovation  de  l’État et des Éta- blissements publics119 et permettre à des PME de présenter plus directe- ment leurs services. Cette plateforme pourrait être un levier efficace pour les TPE et PME qui peuvent répondre aux besoins des administrations. Le salon inversé de 2014 a montré que ces dispositifs agiles sont utiles à une meilleure communication   entre   l’acheteur public et ses partenaires120. Ce type d’événement  devrait  se  multiplier.   Approfondir la politique de dématérialisation de la commande pu- blique. Aujourd’hui,  moins  de  5 % de la commande publique se passe en ligne. L’État et les collectivités territoriales pourraient inciter les entreprises à davan- tage   l’utiliser   en   assouplissant   certaines   procédures   en   ligne   pour   rendre   la   dématérialisation incitative : délais de réponse supplémentaires, annonces de marché  exclusivement  en  ligne  lorsqu’elles  concernent des prestations de ser- vices numériques. Assouplir les conditions de recevabilité financière pour les petites entreprises (en  s’inspirant  de  la  directive  européenne  et  du  Small  Business   Act aux États-Unis,  qui  subventionne  la  garantie  d’un  prêt  en  cas  de difficultés financières), et communiquer sur ces critères allégés ; Créer   un   droit   à   l’expérimentation   de   la   part   de   l’acheteur   public,   permettant de tester des solutions développées par des startups, PME, ou autres entreprises sur des périodes données, grâce à des procédures simpli- fiées, sous conditions de réversibilité ; Sur  la  politique  d’investissement  de  l’État : Le développement du financement participatif pourrait servir d’inspiration. Les stratégies des investisseurs publics (APE, BPI, CGI, etc.) envers l’innovation   sont   de   plus   en   plus   convergentes,   en   témoignent   les   initiatives   communes  portées  par  les  34  Plans  Industriels,  le  Concours  Mondial  d’Innovation  et   les  offres  développées  par  la  BPI  (notamment  envers  l’innovation  non  technologique). 119 http://www.achatspublics-innovation.fr/ 120 http://www.entreprises.gouv.fr/politique-et-enjeux/salon-inverse-achats-publics-innovants
  • 210. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 209 Cette convergence pourrait être approfondie par : La   réserve   de   certaines   capacités   financières   de   l’État   (APE,   BPI,   CGI), qui seraient abondées dans des projets respectant les critères d’innovation  “nouvelle  génération”,  dans  le  cadre  de  campagnes  de   financement participatif présentées sur des plateformes agréées. Cette recommandation fait écho à plusieurs réflexions engagées dans des tra- vaux précédents et des propositions de contributeurs et suppose des lignes di- rectrices  à  dessiner  en  commun  avec  l’APE,  la BPI et le CGI121. La   création   d’un   mécanisme   permettant   à   des   Établissements pu- blics industriels et commerciaux et à des Établissements publics administratifs,  d’acquérir  directement  une  startup en développement et/ou  une  PME  innovante,  tout  en  leur  laissant  un  minimum  d’indépendance   stratégique.   Ce   dispositif   offrirait   à   ces   opérateurs   des   marges   de   manœuvre   supplémentaire pour réaliser leur transformation numérique. À titre d’exemple,  les  politiques  publiques  en  matière  d’emploi  pourraient  être  accom- pagnées de ce type de mécanismes, permettant à des opérateurs publics, im- plantés sur le territoire, de remplir leur mission de service public tout en ac- compagnant  le  développement  d’entreprises  à  très fort potentiel. Renforcer la littératie des agents publics Lancer un travail de conduite de changement au sein de l’administration,   sensibiliser   les   futurs   agents   publics   aux   achats   et   à   l’innovation  dans  les  cursus  de  l’État  (École  nationale  d’administration, Institut national  des  études  territoriales,  Institut  régional  d’administration,  École  des   hautes études en santé publique, École nationale supérieure de Sécurité So- ciale, etc.) ; Renforcer  et  professionnaliser  les  équipes  en  charge  de  l’achat  pu- blic et des contrôles, former  les  administrateurs  de  l’État, compte te- nu des économies pouvant être effectuées grâce à une meilleure gestion de ces services. Les acheteurs pourraient également être formés dans les entreprises publiques ; Renforcer   l’échange   de bonnes pratiques122 et le retour d’expérience   entre   acheteurs   publics.   Améliorer   par   exemple   le   121 Without  Models  “14  propositions  pour  une  économie  open”  :   http://www.withoutmodel.com/without-model/14-propositions-economie-open/. Voir la proposition  7  :  “abonder  systématiquement  par  des  fonds  publics  à  1  pour  1  toute  campagne  de   crowdfunding  respectant  certains  critères”.   Voir aussi : http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/55/avis/1598 122 Parmi  les  bonnes  pratiques  à  développer  :  L’acheteur  qualifié  doit  prendre  en  compte  le  coût   complet  du  cycle  de  vie  de  son  achat  (la  première  année  d’une  innovation  peut  coûter  plus  cher   qu’une  solution  standard  mais  très  rentable  sur 3 ou 4 ans)
  • 211. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 210 guide  de  l’achat  public  innovant123 : le réaliser en format ouvert et réutili- sable, permettre aux agents publics de poster publiquement leurs questions ou propositions.  Créer  une  plateforme  d’échange,  ouverte  aux  TPE/PME,  sur  la- quelle  pourrait  se  développer  le  tutorat  entre  entreprises  afin  d’accompagner   les  nouveaux  entrants  dans  la  réponse  à  des  appels  d’offre. Renforcer   l’observation   de   l’innovation   dans   la   commande pu- blique : l’Observatoire   des   marchés   publics   (OEAP)   pourrait   être   chargé   de   produire des données sur la part des marchés publics obtenus par des entre- prises développant des activités innovantes124, sur la part des marchés publics conclus en ligne, etc. (article 131 du code des marchés publics)125. 38. Ajuster les dispositifs fiscaux aux besoins des innovateurs L’adaptation  des  dispositifs  fiscaux  de  soutien  à  l’innovation  (Statut  Jeune   Entreprise   Innovante,   Crédit   d’impôt   recherche,   Crédit   d’impôt   innovation,) doit intégrer les nouveaux référentiels définis dans le livret jaune   “Innovation   Nouvelle   Génération”   de   Bpifrance   et   la   FING. Cette adaptation   doit   être   l’occasion   d’uniformiser   et   de   rendre   plus   lisibles   ces   outils,   d’accompagner   leur   appropriation par les entreprises (notamment petites), et d’améliorer  leurs relations avec les administrations. Dans cette optique, le CNNum recommande de : Adapter les dispositifs juridiques et fiscaux aux nouvelles formes d’innovation Les propositions et réflexions développées ci-dessous pourront être abordées  et  approfondies  lors  des  prochaines  Assises  de  l’Entrepreneuriat   et dans le cadre de la saisine du CNNum par le ministère du Travail, de l’Emploi  et  du  Dialogue  social. Le  CNNum  entend  fournir  des  axes  d’actions, qui doivent, en tout état de cause, être cohérents avec les orientations budgétaires et économiques choisis. 123 Voir  le  guide  pratique  de  l’achat  public  innovant  :   http://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/actualites/p rojet-guide-achat-public-innovant.pdf 124 Pour  le  moment  l’OEAP  fournit  des  données  sur  la  part  des  PME  dans  les  marchés  publics.   Pour consulter les chiffres de 2013 : http://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/oeap/recen sement/place_pme_dans_mp_2013.pdf 125 S’inspirer  du  portail  d’information  développé  par  l’association  Breizh  Small  Business  Act  :   http://breizhsmallbusinessact.fr/my-breizh-open-data-marches-publics/
  • 212. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 211 Clarifier et redéfinir le périmètre des dépenses éligibles au statut de Jeune  Entreprise  Innovante  (JEI),  et  au  Crédit  d’Impôt  Innovation (CII)126,   en   intégrant   les   nouveaux   référentiels   d’innovation   - innovation de commercialisation, de service, innovation organisationnelle, innovation de modèle  d’affaire,  innovation  sociale.  Le  statut  JEI  semble  être  le  levier  le  plus   simple et le plus efficace à saisir pour adapter les politiques de soutien à l’innovation. Rééquilibrer  les  plafonds  des   dépenses  éligibles  au   Crédit  d’Impôt   Recherche  (CIR)  et  au  Crédit  d’Impôt  Innovation  (CII) : -­‐ Aujourd’hui,  le  taux  de  30 % du  CIR  s’applique  aux  dépenses  de   recherche  jusqu’à  100  millions  d’euros  (5 % au-delà de ce seuil) alors que le taux de 20 % du  CII  s’applique  aux  dépenses   nécessaires  à  la  conception  de  prototypes  ou  d’installations  pilotes   jusqu’à  400  000  euros. -­‐ Un rééquilibrage relatif des plafonds de dépenses éligibles à ces deux dispositifs,  ainsi  qu’une  reglobalisation   du CIR en fonction de la taille et de la structure des entreprises, permettraient  d’harmoniser  et  de  pérenniser  la  fiscalité  des   entreprises innovantes. -­‐ Il  conviendrait  également  d’évaluer  l’efficacité  et  la   stabilité du recours au CIR, notamment dans le cadre de contrats de sous-traitance ou lorsqu’une  entreprise  fait   l'acquisition  d’une  startup  ou  entreprise  innovante.   L’amélioration  du  contrôle  et  du dialogue  entre  l’administration   fiscale et les entreprises permettraient de leur garantir une stabilité  dans  la  déclaration  de  leurs  dépenses  d’innovation. Engager  une  réflexion  autour  de  l’adaptation  du  droit  du  travail  et   du dialogue social aux particularités des jeunes entreprises. Le fu- tur projet de loi sur la modernisation du dialogue social, la saisine sur le lien entre numérique et travail du CNNum, et les Assises de l’Entrepreneuriat semblent être les vecteurs appropriés pour aborder ces problématiques. -­‐ L’agilité  des  startups  et  jeunes  entreprises,  tant  dans  leur  modèle   économique et que dans leurs modes de recrutement et leur environnement de travail, se heurte souvent à un cadre juridique peu flexible,  reposant  sur  des  critères  de  taille  d’entreprises et non de durée 126 Article 244 quater B du Code général des impôts http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=78376D05FD3AB2A4311151670 FA295DB.tpdila16v_3?idArticle=LEGIARTI000030023561&cidTexte=LEGITEXT0000060695 77&categorieLien=id&dateTexte=20150210
  • 213. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 212 d’existence.  Cela  peut  introduire  des  barrières  à  l'embauche  et  à  la   croissance des jeunes entreprises, quand bien même elles favorisent le recrutement en CDI pour constituer une équipe et que leurs modes de travail  sont  sources  d’inspiration pour les entreprises en quête de transformation (usage du télétravail, agilité dans les horaires, etc.). -­‐ Il  serait  opportun  d’étudier  la  possibilité  de  moduler  certaines   obligations et dispositifs en matière de droit du travail (contrats, seuils, cotisations, obligations en matière de dialogue social, procédures prudhommales, etc.) pour les jeunes entreprises leur donnant la possibilité  d’anticiper  certains  changements  en  matière  de  droit  et   d’organisation  du  travail.  Parmi  les  modulations  à  examiner : introduire des  délais  de  mises  en  conformité,  revoir  les  délais  de  préavis  lorsqu’une   startup recrute un talent, assouplir les clauses de non-concurrence, etc. Une expérimentation pourrait être conduite avec les entreprises JEI et/ou des jeunes PME, en concertation avec les partenaires sociaux. BAROMETRE EY/FRANCE DIGITALE 2014 SUR LA PERFORMANCE ECONOMIQUE ET SOCIALE DES STARTUPS Les startups comptent 7566 salariés en 2013. 1376 emplois ont été créés dans les startups en 2013, en croissance de 22 % par rapport à 2012. Typologie de contrats de travail (2013) dans les startups : 91 % de contrats à durée indéterminée 4 % de contrats temporaires (CDD et intérims) 3 % de contrats d’apprentissage et de professionnalisation 1 % de stages Recours aux dispositifs fiscaux de soutien à l’innovation (2013) : 46 % des startups interrogées n’ont pas le statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) 77 % ont recours au Crédit Impôt Recherche (CIR) 75 % ont recours au Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi (CICE) Seulement 17 % des startups ont recours au Crédit Impôt Innovation (CII) En savoir plus : http://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/barometre-EY-performance- economique-sociale-startup-numeriques-2014/$FILE/barometre-EY- performance-economique-sociale-startup-numeriques-2014.pdf Voir aussi la fiche d’informations et de statistiques sur le dispositif JEI publié par la Direction générale des entreprises: http://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-et- statistiques/4_pages_Dgcis/4pages_N41-JEI-DGE.pdf
  • 214. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 213 Simplifier les services administratifs et les rendre plus accessibles aux startups Améliorer la lisibilité des aides à l’innovation  par  la  création  d’une   plateforme   publique   des   aides   à   l’innovation. Plusieurs dimensions peuvent être intégrées à cet outil : -­‐ Information et lisibilité :  développement  d’un  annuaire   recensant  l’ensemble  des  aides  disponibles  aux  entreprises   (s’inspirer  de  la  base  APCE,  cf.  encadré)  et  d’un  outil  de   simulation  (s’inspirer  de  la  plateforme  “mes-aides.gouv.fr”,   cf. encadré), publication en open data des rescrits fiscaux. -­‐ Simplification  des  relations  avec  l’administration : -­‐ création  d’un  dossier  déclaratif unique pour les différentes aides (CIR, CII, JEI, aides à l’internationalisation),  dans  la  continuité  du  Guichet   Entreprises127 et  du  programme  “Dites-le nous une fois128” ; -­‐ création  d’un  dispositif  simplifié  (type  fast-track - procédure accélérée) permettant à des entreprises de moins de 10 ans de faire une demande de rescrit en ligne pour leurs dépenses éligibles au CII/CIR, pour l’obtention  du  statut  JEI,  etc. ; -­‐ simplification du dispositif de rescrit fiscal : idéalement, l’administration  se  coordonnerait afin de ne procéder qu’à  une  seule  expertise  menée  conjointement  entre  le ministère de la Recherche et la DGFIP129. Le délai de réponse  de  l’administration  fiscale  pourrait  être  réduit  à   2 mois. Ce projet de modernisation pourrait être piloté par la Direction générale des entreprises et associer les administrations et établissements publics compétents (Etalab, BPI France, DGFIP, ministère de la Recherche, etc.). L’implication   des   startups   et   fédérations   professionnelles   est   également   indispensable à la logique de co-construction. 127 https://www.guichet-entreprises.fr/ 128http://www.modernisation.gouv.fr/les-services-publics-se-simplifient-et-innovent/par-des- simplifications-pour-les-entreprises/dites-le-nous-une-fois-un-programme-pour-simplifier-la- vie-des-entreprises 129 le   recours   à   l’expertises   s’avère essentiel dans certains cas, il conviendrait de fluidifier les échanges  entre  le  MESR  et  la  DGFIP  afin  de  clarifier  les  recours  à  l’expertise  pour  les  entreprises
  • 215. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 214 BASES D’INFORMATIONS RECENSANT LES AIDES A L’INNOVATION & MES-AIDES.GOUV.FR Synthèse des différentes aides liées à la création d’entreprise et à l’innovation développée par l’APCE (Agence pour la création d’entreprises) : http://www.apce.com/pid823/les-aides-a-l-innovation.html Plateforme “Semaphore” développée par les Chambres de Commerce et d’Industrie qui rassemble les aides à l’innovation en France et en Europe : http://les-aides.fr/ Mes-aides.gouv.fr : outil de simulation permettant de calculer et de déterminer les aides sociales d’un foyer familial. Ce service expérimental a été développé en suivant une démarche de co-construction ouverte : le Secrétariat Général à la Modernisation de l’Action Publique a fait appel à des agences de l’État, des fonctionnaires et des citoyens pour élaborer le dispositif. Le site exploite un logiciel libre. La mise en place d’un dispositif équivalent dans le domaine des aides à l’innovation, co-construit avec des startups, des agences de l’État et des fédérations professionnelles permettrait de développer un service accessible, flexible et évolutif. Voir : https://mes-aides.gouv.fr/. Renforcer la médiation et la formation en matière fiscale L’accompagnement  opérationnel  des  jeunes  entreprises  innovantes   dans   le recours à ces dispositifs est essentiel. Pour renforcer l’accessibilité  et  la   médiation : Introduire, dans la formation des agents des services fiscaux, des modules   relatifs   à   l’innovation,   afin   d’engager   une   meilleure   appropria- tion de ces enjeux. Les chambres de commerce peuvent également devenir des lieux de médiation   en   la   matière,   afin   d’accompagner,   au   même   titre   que   la   création  d’entreprises,  les  procédures  administratives  des  startups  et  PME. Doter   l’Agence   du   Numérique   d’une   mission   de   médiation   auprès   des entreprises au niveau local dans leurs relations avec l’administration.
  • 216. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 215 39. Élaborer la stratégie industrielle de la France en matière d’innovation ouverte Dans leurs stratégies de transformation numérique, les acteurs économiques   ont   de   plus   en   plus   recours   à   l’innovation   ouverte130. Les entreprises sont amenées à repenser leurs modes de gouvernance et de management de  l’innovation,  en  la  considérant  non  plus  comme  une  discipline  isolée,  mais  comme   un levier structurant de leur modernisation en interne (organisation, production, marketing, business model, mode de participation des salariés) comme en externe (partenariats avec des tiers, externalités positives en matière sociale, éthique, et environnementales). La France peut en ce sens promouvoir et construire une véritable stratégie industrielle en matière  d’innovation  ouverte  et  occuper  un  nouveau  segment   de compétitivité. Pour ce faire, il est nécessaire de : Accompagner les entreprises qui mettent en place des stratégies d’innovation ouverte Intégrer dans le compte personnel de formation (cf. encadré) un droit   individuel   à   la   contribution,   autorisant   la   participation   d’un   salarié  à  des  projets  “ouverts” (innovation sociale, fab lab, startup, etc.). Développer  le  “1 % open131”  pour  encourager  les  entreprises  à  déve- lopper  des  projets  d’innovation  ouverte : par  exemple,  l’intégrer  dans  les   critères de définition de la responsabilité numérique des entreprises (utilisa- tion  de  ressources  libres,  contribution  à  l’open  source,  développement  de  par- tenariats,  investissement  dans  l’innovation  sociale,  etc.). Encourager   la   constitution   de   places   de   marché   pour   l’innovation   ouverte par les entreprises, permettant la rencontre entre la demande de recherche   et   d’innovation   des   entreprises   et   l’offre   d’innovation   de   contribu- teurs132. 130 L’innovation   ouverte   suppose,   selon   Henry   Chesbrough,   que   l’entreprise   aille   chercher   à   l’extérieur,   les   idées   et   connaissances   dont   elle   a   besoin   pour   innover,   et   permette   à   d’autres   acteurs de créer de la valeur à partir de ces innovations (Henry Chesbrough,  “Open  Innovation  :   The   New   Imperative   for   Creating   and   Profiting   from   Technology”,   Harvard   Business   School   Press, 2003) 131 Abordé   dans   le   rapport   de   la   mission   Lemoine   sur   “La   transformation   numérique   de   l’économie  française”,  le  “1%  open”  désigne  la  part  d’activités  que  les  entreprises  consacrent  en   matière   de   projets   ouverts.   Le   1%   peut   désigner   1%   du   chiffre   d’affaires.   Voir   :   http://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/rapport_TNEF.pdf 132 Des  plateformes  sont  d’ores  et  déjà  en  développement  comme  http://www.idexlab.com/fr/.
  • 217. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 216 LE COMPTE PERSONNEL DE FORMATION Le compte personnel de formation est une nouvelle modalité d’accès à la formation. II est prévu à l’article L611-1 du Code du travail et a été créé par la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. L’objectif est donc d’insérer dans ce droit universel d’évolution professionnelle un droit à la contribution, donnant la possibilité aux salariés de participer à des projets ouverts et collaboratifs. Les bénéfices sont aussi bien personnels (développement des compétences de l’individu), que collectifs par le partage du savoir nouvellement acquis au sein de l’entreprise. En savoir plus http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=B9993EA30B34FD2D27 C67B9EACF37857.tpdila16v_3?cidTexte=JORFTEXT000028683576&dateTexte=2 0150217 Mettre en œuvre une politique publique de l’innovation “nouvelle génération” et porter une vision française de l’innovation ouverte Évaluer   et   promouvoir   l’impact   économique   et   industriel   de   l’innovation  ouverte : -­‐ Mettre  en  œuvre  des  programmes  de  recherche-action dans une visée pluridisciplinaire afin de mesurer les externalités  produites  par  le  recours  à  l’innovation  ouverte : analyse des business model, mesure de la valeur, transformation des partenariats en matière de propriété industrielle, etc. ; -­‐ Cartographier les types de brevets, licences, y compris les licences libres et / ou ouvertes, et les regroupements d’acteurs  sur  une  plateforme  publique  ouverte  afin   d’observer  l’évolution  des  pratiques. Cartographier les ressources placées sous des régimes de propriété partagée et/ou de dérogation au droit de la propriété intellectuelle (communs) dans  l’optique  de  constituer  des  écosystèmes  locaux  et  visibles  à   l’international ; -­‐ Mettre à disposition des acteurs économiques des contrats  types  de  “partenariats  d’innovation” : disponibles en open source, ces contrats guideraient les entreprises vers des bonnes pratiques de partenariats (investissement, prestations de services, partage de propriété intellectuelle). Élaborer ces contrats types en concertation avec les acteurs. Encourager la constitution de pools de brevets (cf. encadré) : -­‐ Flécher ces expérimentations vers des secteurs stratégiques, comme  l’automobile,  la  santé  et  les  biotechnologies,  l’éducation,  
  • 218. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 217 les objets connectés, la robotique. Conduire ces expérimentations en partenariat avec les pôles de compétitivité, les instituts de recherche  (INRIA,  instituts  du  CNRS),  l’INPI,  et  les  autorités  de   régulation (Autorité de la concurrence notamment). LES “POOLS” DE BREVETS Un pool de brevets - ou patent pool - est une mise en commun par plusieurs sociétés, personnes ou organisations, d’inventions brevetées, considérées comme indispensables à la mise en œuvre d’une technologie ou d’un objet industriel. Les pools de brevets ont été développés dès le milieu du XIXème siècle dans l’industrie (pour la fabrication de la machine à coudre ou des avions par exemple). Délaissés après la Seconde Guerre Mondiale, ils semblent reprendre une place importante avec le développement des technologies de l’information et la transformation des secteurs industriels plus classiques. Des pools de brevets essentiels à la constitution d’un standard se sont ainsi développés, à l’instar du MPEG-LA en 1997 (standard de compression vidéo MPEG-2), du One-Blue en 2009 (standard Blu-Ray), ou du Medicine Patent Pool (en 2011, l’Organisation mondiale de la santé a ouvert ce pool pour donner accès aux pays en développement aux brevets en matière de trithérapie). Le principe de constitution d’un pool est le suivant : plusieurs sociétés rassemblent leurs brevets via un contrat de licence unique, réduisant ainsi les coûts de transaction (bien plus élevés lorsque sont conclus des accords bilatéraux). Ils permettent de constituer un guichet unique pour vérifier la validité du caractère essentiel du brevet, lorsqu’il s’agit d’un brevet essentiel à un standard. Dans ce cas également, le prix de la redevance diminue, ouvrant l’utilisation de la licence à des petites entreprises, des centres de recherche, etc. Un article de recherche du Prix Nobel Jean Tirole et de Josh Lerner encourage l’utilisation de pools de brevets, tant dans les industries du logiciel que dans l’économie plus traditionnelle. D’après cet article, les pools de brevets permettent l’innovation et ne sont pas un frein à la conclusion par les entreprises de contrats bilatéraux indépendants de ces pools. Les pools sont également plus efficaces lorsque les brevets regroupés dans le pool sont complémentaires et non substituables. En savoir plus : “Efficient Patent Pools”, National Bureau Economic Research Working Paper Series, 2002, Working Paper 9175, http://www.nber.org/papers/w9175 “Le rôle économique des pools de brevets”, La Jaune et la Rouge, La propriété intellectuelle : Défendre la création, Magazine N°672 Février 2012 : http://www.lajauneetlarouge.com/article/le-role-economique-des- pools-de-brevets#.VQhPly6YvuA “Patent pools : a solution to the problem of access in biotechnology patents ?”, United States Patent and Trademark Office December 5, 2000 : http://www.uspto.gov/web/offices/pac/dapp/opla/patentpool.pdf
  • 219. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 218 -­‐ La France pourrait ainsi développer une politique proactive  de  soutien  à  l’innovation  ouverte  en   encourageant le développement de pools de brevets dans des secteurs stratégiques. Cette politique pourrait éventuellement être intégrée aux orientations des 34 plans industriels  et  s’accompagner  d’une  réflexion  autour  de  la   prévention des pratiques anticoncurrentielles et la promotion de standards technologiques auprès des organisations internationales. Doter   l’INPI   de   missions   de   promotion   de   l’innovation   ouverte   et   des technologies libres. Par exemple : -­‐ Confier  à  l’INPI  le  pilotage  d’un  fonds  public  soutenant   l’open  source et les communautés du libre, en coordination avec France Brevets (cf. encadré) ; -­‐ Renforcer ses missions de sensibilisation et de médiation  autour  de  l’innovation  ouverte  et  l’usage  des   technologies et ressources libres : valoriser le partage de brevets par des partenariats concertés avec les entreprises détentrices de brevets et celles qui ne les déposent pas, promouvoir  les  licences  à  réciprocité,  de  type  “share-alike” ; -­‐ Créer  des  concours  “Open  innovation”  avec des startups en partenariat avec des entreprises qui possèdent de nombreux brevets. À minima,  garantir  l’ouverture  du  brevet  aux  gagnants  de   ces concours. LE FONDS SOUVERAIN DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE Initié en 2014 par une convention entre l’État et la Caisse des Dépôts, ce fonds a pour objectif de mettre en place le premier instrument de marché européen dans le domaine du transfert de connaissances, de mieux protéger les entreprises contre les revendications potentielles. Doté de 100 millions d'euros (11 investisseurs européens), ce fonds devrait être géré par France Brevets. Il pourra acquérir des brevets d'entreprises françaises et européennes, et aider les entreprises françaises à porter leurs brevets aux normes internationales. En savoir plus : http://www.legifrance.gouv.fr/eli/convention/2014/12/23/PRMI1427303X/ jo/texte
  • 220. L’IMPÉRATIF DE L’INNOVATION AGILE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 219 Placer   l’INPI   au   cœur   des   négociations   européennes   et   internatio- nales pour : -­‐ Coordonner  l’adoption  de  la  nouvelle  réglementation  relative  au   brevet européen et clarifier les règles liées aux infractions de brevet133 (cf. encadré). À ce titre, il est nécessaire  que  l’Europe   maintienne sa position sur la non brevetabilité des logiciels, principale  source  de  procès  par  les  “patent  trolls”  outre   Atlantique ; -­‐ Porter et défendre les positions françaises auprès des organisations internationales (Organisation mondiale du commerce, Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, Organisation internationale de normalisation, Comité européen de  normalisation,  etc.)  sur  les  sujets  d’innovation  ouverte   notamment. LA REFORME DU SYSTEME DE BREVET : UNE PROTECTION PAR BREVET UNITAIRE ET LA JURIDICTION UNIFIEE DU BREVET En 2012, les États-membres (à l’exception de l’Espagne et de l’Italie) et le Parlement européen se sont accordés sur un “paquet brevet”, établissant notamment une juridiction unique et spécialisée pour le brevet, “la Juridiction Unifiée du Brevet”. Lorsque l’accord et les règlements entreront en vigueur, il sera possible d’obtenir un brevet européen à effet unitaire, assurant une protection uniforme pour une invention dans les 25 États-membres, sur la base d’un guichet unique, avec d’importants avantages économiques et une diminution des charges administratives. Ce système commun introduit toutefois le risque que des “patent trolls” se développent en Europe. Les “patent trolls” sont des sociétés qui acquièrent des portefeuilles de brevets non pour les exploiter mais pour négocier des licences, le cas échéant sous la menace d’un procès pour contrefaçon. Le manque de règles de conduite sur ce point serait une incitation à de nombreux procès. En savoir plus : http://ec.europa.eu/growth/industry/intellectual-property/industrial- property/patent/index_fr.htm 133 le règlement prévoit en effet que la validité du brevet et son infraction peuvent être décidées dans deux endroits, créant une insécurité
  • 221. RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 220 Reconcevoir la structure de financement de l’économie de l’innovation 40. Élargir les sources de financement de l’économie de l’innovation Les recommandations proposées ci-après   supposent   d’engager une discussion plus approfondie avec les investisseurs institutionnels (banques, assureurs) et les acteurs publics. Certaines mesures proposées pourront  être  abordées  lors  des  prochaines  Assises  de  l’Entrepreneuriat. Le  dynamisme  de  l’écosystème  innovant français suppose de véhiculer des dispositifs de  financement  pérennes  et  adaptés.  Si  l’environnement  du  capital  investissement  et   du financement134 semble être plus favorable - en 2014, le capital-investissement a connu un fort rebond avec une augmentation des investissements (+35 %), et de levées de fonds (+24 %)135 - la chaîne de financement est encore partiellement inadaptée au développement  de  l’innovation et au monde numérique. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène : Une trop forte dépendance des entreprises au financement bancaire entraînant  une  compression  des  capacités  d’innovation  des  plus  petites  entre- prises. Contrairement aux États-Unis,  le  financement  de  l’économie  en  Europe   est assuré pour près de 80 % par du financement bancaire, et pour 20 % par les marchés financiers. En France, le financement des PME/ETI est quasi- exclusivement bancaire136. Si un rééquilibrage est nécessaire, le rôle des banques ne doit pas être sous-estimé. Elles font partie du paysage européen de l’intermédiation  et  il  convient  d’imaginer  des  dispositifs  les  guidant  vers  le  fi- nancement des nouveaux modèles économiques. 134 L’univers  de  taux  bas  doit  pousser  à  la  réallocation  de  fonds  propres  dans  l’économie 135 voir   l’étude   de   l’AFIC   pour   2014   :   http://www.afic.asso.fr/fr/Les-chiffres-cles-du-capital- investissement/Les-etudes-cles-du-capital-investissement/Activite-du-capital- investissement.html 136 D’après  les  recommandations du groupe de travail de Paris Europlace sur le financement des PME/ETI  (mars  2014)  :  en  2013,  le  crédit  bancaire  aux  PME/ETI  représentait  690Md€,  dont   PME   (413Md€)   et   ETI   (274Md€),   soit   près   de   90%   de   leurs   sources   de   financement   :   http://www.paris-europlace.net/files/Rapport_PEP_PME_100314.pdf
  • 222. RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 221 Une  faible  mobilisation  de  l’épargne  des  ménages vers le segment de l’innovation   et   des   startups. Les dispositifs récemment mis en place, comme le PEA-PME137, ne semblent pas répondre aux besoins de financement des entreprises de croissance. Le développement de nouveaux modes de réallo- cation  de  l’épargne  est  nécessaire.  L’adaptation  des  produits  d’épargne  et  ban- caires - et de leur fiscalité - aux modèles économiques numériques permettrait de diversifier et renouveler les sources de financement des entreprises inno- vantes sur le long terme. Une dépendance du capital-investissement au financement public, compensant en partie la désaffection des capitaux privés (provenant notam- ment des assurances138) et étrangers à destination du capital-risque. Entre 2007 et 2013, la part des fonds privés alimentant le capital-investissement est passé de 40 % à 15 %.  Or  l’efficacité  des  fonds  publics  est  supérieure  lorsque  le   capital public vient en co-investissement  d’argent  privé  professionnel,  surtout   en  phase  d’amorçage,  et  lorsque  le  fonds  est  porté  par  des  investisseurs privés expérimentés139. Le manque de liquidités sur le marché européen, associé à une per- sistance   de   l’equity gap140 au niveau du capital-développement, n’offrent  pas  aux  entreprises  de  croissance  des  capacités  suffisantes  pour  con- tinuer son expansion, financer son internationalisation, et se donner du temps avant de viser une sortie plus ambitieuse, souvent boursière. 137 Comme le PEA-PME - portefeuille  d’actions  à  destination  du  financement  des  PME  et  des   ETI, créé en mars 2014. Voir le décret n° 2014-283 du 4 mars 2014 relatif au plan d'épargne en actions et au plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entre- prises et des entreprises de taille intermédiaire : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028680701&dateTexte &categorieLien=id 138 Voir  les  chiffres  de  l’Association  française  des  investisseurs  pour  la  croissance. En 2014, le secteur public (fonds souverains compris) a concentré 25% des levées contre 16% pour les com- pagnies  d’assurance  et  mutuelles  :   http://www.afic.asso.fr/fr/Les-chiffres-cles-du-capital-investissement/Les- etudes-cles-du-capital-investissement/Activite-du-capital-investissement.html 139Voir   l’étude   “Venture-Capital: Policy Lessons   from   the   VICO   Project”,   Septembre   2011     http://www.vicoproject.org/doc/policy/VICO_FinalPolicyBrief.pdf 140 l’equity  gap  correspond  à  un  “trou  de  financement”.  En  Europe,  il correspond principale aux phases  de  développement  et  d’expansion  de  l’entreprise  (tickets  autour  de  10  millions  d’euros).   Voir  le  rapport  de  France  Digitale  à  la  Commission  européenne  “Web  Investors  Forum:  Boosting   digital   startup   financing   in   Europe”   : http://fr.slideshare.net/frenchweb/final-report-of-cap- digital-web-investors-forum
  • 223. RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 222 LA STRUCTURE ET LA GESTION DE L’EPARGNE EN FRANCE - CHIFFRES CLEFS Un taux d’épargne à 15,8 % fin 2014, parmi les plus élevés d’Europe, pour un volume total des encours atteignant 4075 milliards d’euros au premier trimestre 2014. Des titres d’assurance-vie très dynamiques : la France en est la championne européenne, avec un encours moyen de 20 994 euros/habitant et un encours total à 1 546,9 milliards d'euros (fin février 2015). Sources : http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=nattef08148 https://www.ffsa.fr/sites/jcms/p1_1503101/fr/assurance-vie-collecte-nette- positive-en-fevrier-2015?cc=fn_7348 http://www.oee.fr/105-0-Vue+generale.html. Répartition du patrimoine financier des ménages en 2013 Source : http://www.lafinancepourtous.com/html/IMG/pdf/chiffres_cles/IEFP_epargne_ menages.pdf Gestion : 65 % des actifs du Livret A et du Livret Développement Durable sont détenus par la Caisse des Dépôts et des Consignations. La loi de modernisation de l’économie précise la règle de centralisation des fonds détenus par la Caisse des Dépôts : ces derniers ne doivent pas descendre en dessous d’un seuil correspondant à 125 % des encours des prêts au logement social et à la politique de la ville, afin d’en assurer les capacités de financement. Principaux bénéficiaires des fonds : prêts pour le logement social (60 %), grands travaux d’infrastructures (20 %), prêts aux collectivités (8 %). Assurance vie et fonds de pension Epargne ban- caire (dépôts et liquidités) Actions Titres d’OPCVM Titres de dette 40 % 32 % 19 % 7 % 2 %
  • 224. RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 223 Actions à court terme : remobiliser l’épargne vers le financement de long terme et favoriser l’investissement en « circuits courts » En ce qui concerne l’épargne : Réadapter   la   fiscalité   de   l’épargne   afin   d’inciter   l’épargne   de   long   terme. La   structure   actuelle   favorise   davantage   l’épargne   de   court   terme,   moins   risquée   et   moins   liquide,   alors   que   l’innovation   nécessite   des   finance- ments de long terme. Mobiliser  l’assurance-vie en renforçant sa nature de long terme (no- tamment sur la fiscalité) : -­‐ Étendre  les  dispositifs  d’avantages  fiscaux attribués aux contrats Euro-Croissance et Vie-génération141. Allonger notamment  la  durée  des  placements  de  l’assurance-vie, en créant de  nouveaux  produits  d’investissements  de  long  terme. -­‐ Prévoir à ce titre une adaptation de la fiscalité patrimoniale des produits  d’épargne  incitatifs  pour  assurer  des  niveaux  de  collecte   souhaitables (par exemple : exonération ou abattement proportionnel d’ISF  pour  un  contrat  Vie-génération) Viser   la   réorientation   et   le   regroupement   de   classes   d’actifs   d’épargne  et  d’assurance  pour  les  mobiliser  auprès  des  PME  et  ETI : -­‐ Redéployer les fonds des caisses de retraites complémentaires  vers  le  financement  de  l’innovation. À ce titre, la mission confiée à René Ricol semble aller dans ce sens (projet  d’autoriser  les  caisses  de  retraites  complémentaires  à   investir  5  milliards  d’euros  dans  des  PME  et  ETI,  contre  1  milliard   aujourd’hui,  ce  qui  représente  0,5 % des fonds). Une orientation des investissements des caisses vers des entreprises innovantes pourrait  être  imaginée,  à  condition  d’encadrer  les  risques   potentiels. -­‐ À terme,  créer  un  fonds  regroupant  des  classes  d’actifs   afin  de  financer  l’économie  française  sur  le  long  terme 141 Nouveaux  contrats  d’assurance  créés  en  2014  suite  au  rapport  Berger-Lefebvre  sur  l’épargne   financière (http://www.economie.gouv.fr/rapport-berger-lefebvre-sur-l-epargne-financiere). Le contrat  Eurocroissance  est  garanti  qu’au  terme  de  8  ans  d’investissement  sur  des  supports  di- versifiés  pour  assurer  le  financement  de  l’économie,  avec  un  rendement  supérieur  attendu.  Il   peut être mixte (fonds en euros garantis et fonds en unité de compte non garanti en capital) ou monosupport. Le contrat Vie-génération   n’offre   aucune   garanti   en   capital,   un   tiers   doit   être   investi  dans  l’économie  réelle  (économie  sociale  et  solidaire,  capital-risque, ETI), et les deux- tiers peuvent être investis librement.
  • 225. RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 224 (de  l’ordre  de  20  à  30  milliards  d’euros).  Ce  fonds  serait   complémentaire aux initiatives publiques142. Étendre  le  Plan  d’Epargne  en  Actions  PME  (PEA-PME)143 : -­‐ Élargir le spectre des titres éligibles au PEA-PME aux obligations afin  d’aligner  le  PEA-PME avec les méthodes de financement des entreprises et encourager la constitution de fonds mixtes (obligations et actions). -­‐ Créer des passerelles entre les produits financiers, permettant par exemple de transférer des sommes de comptes monétaires vers des PEA-PME, sans impact fiscal. Par exemple, encourager l’articulation  avec  les  nouveaux  contrats  d’assurance-vie, Eurocroissance et Vie Génération et faciliter le choix de fonds PEA-PME comme unité de compte dans ces contrats. -­‐ Amplifier  l’effort  de  commercialisation  de  ce  produit  et  améliorer   l’accompagnement  des  épargnants. En ce qui concerne l’investissement en « circuit courts » : Encourager et accompagner les ménages mobilisant le financement participatif dans  leurs  placements  d’épargne  et l’ouvrir  aux  personnes  morales : -­‐ Faciliter  l’intégration  des  participations prises sur une plateforme de crowdfunding dans des  produits  d’épargne  (PEA-PME, assurance-vie). À titre  d’exemple,  le  Royaume-Uni prévoit d’intégrer  les  participations  en  crowdfunding  à  l’”Individual   Saving Account144”  (équivalent  de  l’assurance-vie et du PEA). -­‐ Appliquer  les  mesures  d’aménagement  de  l’Impôt de Solidarité sur la Fortune au financement participatif et aux investissements dans  l’innovation  (en  suivant  les  critères  d’innovation  exposés   dans la Recommandation n°1)145. 142“Financement  en  dette  des  PME  et  ETI  :  Nouvelles  Recommandations”,  Paris  Europlace,  mars   2014 http://www.paris-europlace.net/files/Rapport_PEP_PME_100314.pdf et   “Fonds   de   fi- nancement  de  l’économie  française  :  un  enjeu  de  croissance  et  de  souveraineté  pour  la  France”,   Philippe Tibi et Christian Dargnat, Revue Banque, novembre 2012 : http://www.revue- banque.fr/banque-investissement-marches-gestion-actifs/article/fonds-financement-economie- francaise-un-enjeu-c 143 Pour en savoir plus : http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/55/avis/182#subavis-644 144 https://www.gov.uk/individual-savings-accounts 145 50% des montants investis pendant 5 ans dans des PME - Article 885-0 V bis I. et II. du Code général des impôts :
  • 226. RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 225 -­‐ Ouvrir le prêt participatif aux personnes morales. Anticiper les modifications   des   dispositifs   d’incitations   fiscales   liées   à   l’investissement   dans   les   PME   et   les   flécher   vers   le   financement   de   l’innovation. -­‐ Le  règlement  européen  sur  les  aides  d’État  “compatibles  avec  les   règles  du  marché  intérieur”  modifié  en  juin  2014  et  rentré  en vigueur le 1er juillet 2014146 oblige la France à revoir plusieurs dispositifs  existants,  notamment  les  Fonds  d’Investissements  de   Proximité  et  les  Fonds  Communs  de  Placements  dans  l’Innovation   (réductions  d’ISF147 et  réduction  d’impôt  sur  le  revenu148) ; -­‐ La refonte de ces dispositifs doit être réalisée en prenant en considération  la  nécessité  d’attirer  des  business angels et des investisseurs expérimentés vers les entreprises non cotées et les jeunes entreprises innovantes. Actions à moyen terme : mobiliser les acteurs bancaires et les investisseurs institutionnels en adaptant les pratiques et les produits Le   modèle   économique   d’une   startup   apparaît   de   prime   abord   difficilement   compatible avec les méthodes de financement bancaire en matière de calcul de risque et  de  produits.  En  effet,  les  besoins  en  capital  d’une  startup  s’inscrivent  dans  la  durée   (dans   l’hypothèse   d’une   croissance   future),   alors   que   le   financement   par   la   dette   repose sur une prévisibilité de liquidité à court-terme.   D’un   autre   côté,   les   investisseurs institutionnels ont délaissé les fonds de capital-investissement depuis la crise financière, mettant en danger le financement des startups sur le haut de bilan. Il est essentiel de mobiliser les banques et les investisseurs institutionnels (assurances notamment) en les attirant vers le financement des nouveaux modèles économiques : http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;?idArticle=LEGIARTI000026950784&cidT exte=LEGITEXT000006069577 146 voir http://eur-lex.europa.eu/legal- content/FR/TXT/HTML/?uri=OJ:L:2014:187:FULL&from=FR 147 Voir article 885-0 V bis III. du CGI 148 Déduction  de  l’IR  de 18% des investissements dans des FCPI et les FIP, avec limites de réduction (10 000 euros pour un contribuable, 20 000 euros pour un ménage) - Article 238 bis AB du Code général des impôts http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006303974&cidT exte=LEGITEXT000006069577 Exonération  de  l’IR pour les sommes auxquelles donnent droit des parts de FCPR (fonds commun de placement à risques) ou FCPI - Article 163 quinquies B du Code général des impôts http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006069577&idAr ticle=LEGIARTI000027795200.
  • 227. RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 226 Renforcer les partenariats entre banques et startups : leur rappro- chement  est  essentiel  pour  les  banques,  qui  peuvent  s’inspirer  des  jeunes  en- treprises pour se transformer et proposer des solutions de financement adap- tées. Il est impératif pour les startups de communiquer leurs projets et leurs besoins   sur   la   base   d’une   vision   et   d’un   vocabulaire   partagés149. Parmi les bonnes pratiques à développer : renforcer la dématérialisation, le partage d’informations,  les  conseils  en  temps  réel,  assouplir  les  règles  en  matière  de  dé- couverts, retards, etc. Encourager les banques à recruter des profils adaptés et à créer des guichets dédiés aux startups ; Impliquer les acteurs bancaires dans le financement participatif : les banques pourraient accompagner leurs épargnants vers ce type d’investissements,  en  définissant  des  profils  de  risque  et  des  stratégies  de  por- tefeuille pour leurs clients. Les banques pourraient aussi proposer aux entre- prises qui demandent un crédit bancaire des stratégies de financement via des plateformes de crowdfunding. À titre  d’exemple,  le  Royaume-Uni prévoit, dans un projet de loi intitulé “Small   Business,   Enterprise   and   Employment   Bill”,   une régulation obligeant les banques ayant refusé un crédit à une PME à transmettre  les  informations  sur  l’entreprise  à  des  plateformes  en  ligne150. Inventer  des  produits  financiers  adaptés  à  l’innovation : -­‐ Réfléchir à une adaptation du PEA-PME, comprenant un volet lié à l’innovation ; -­‐ Créer des nouveaux types de prêts aux entreprises. Aux États- Unis se développent par exemple des crédits bancaires adaptés au modèle économique SaaS (Service as a Platform) : le montant du prêt  est  aligné  sur  le  revenu  mensuel  de  l’entreprise et le remboursement  se  fait  en  fonction  de  la  croissance  de  l’entreprise.   Ce  type  de  produit  flexible  permet  à  l’entreprise  de  se  financer  par   de  la  dette  en  complément  d’un  investissement  en  capital  et   apporte une visibilité sur les cash-flows dans le futur151 ; -­‐ Imaginer la constitution de fonds commun de placement à risque qui se lèveraient uniquement en ligne. 149 Voir le guide des bonnes relations banques-startups du Crédit Mutuel Arkéa : http://www.arkea.com/banque/assurance/credit/upload/docs/application/pdf/2015- 03/livre_blanc_relations_banques-startups_mars_2015.pdf 150 Voir  le  dossier  législatif  (mesure  détaillée  dans  la  partie  I  “Access  to  Finance”  au  point  5   “Small  and  medium  sized  businesses:  information  to  finance  platforms”):   http://services.parliament.uk/bills/2014- 15/smallbusinessenterpriseandemployment/documents.html 151 voir par exemple : http://www.saas-capital.com/
  • 228. RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 227 Engager   une   réflexion   au   niveau   européen   sur   l’efficacité   et   l’adaptation  des  règles  de  Solvabilité  II152 : -­‐ Intégrer  des  espaces  d’expérimentation  où les ratios prudentiels de Solvabilité II seraient assouplis. Réfléchir à la création de produits  d’investissement  de  long  terme  qui  échapperaient,  au   moins partiellement, au cadre prudentiel. -­‐ Développer des dispositifs incitant les assureurs à investir un certain pourcentage dans les entreprises innovantes. Accompagner l’évolution du financement participatif Le crowdfunding constitue un levier alternatif pour les startups de lever des fonds autrement que par le financement bancaire, notamment en phase   d’amorçage   et   de   développement. Comme en témoignent les récentes études, de plus en plus de particuliers soutiennent des projets de crowdfunding sur les plateformes françaises. Ce mode de diversification des sources de financement pour les  startups  et  d’investissement  direct  dans  l’économie  tend  à  être  soutenu  au  niveau   national et étendu au niveau européen. LE CROWDFUNDING : DEFINITIONS ET CADRE JURIDIQUE Le financement participatif (crowdfunding) est un nouveau mode de financement de projets permettant de lever des fonds auprès du public, le plus souvent via une plateforme en ligne. Il se présente sous plusieurs formes : le mécénat participatif, ou crowd sponsoring (don sans contrepartie, don avec contrepartie non financière) l’investissement participatif ou crowd investing (modes de financement participatif avec contrepartie financière, c’est-à-dire soit avec partage de bénéfices, soit par l’émission de titres financiers) le prêt participatif ou crowd-lending (avec ou sans remise d’intérêts). L’ordonnance du 30 mai 2014 fait du crowdfunding un nouveau canal de financement, reconnu et régulé, qui complète les modes de financements traditionnels. Elle contient 3 mesures principales : Relèvement du seuil d'exemption de prospectus153 de 100 000 € à 1 000 000 € et l'accès au crowdfunding pour les SAS. Suppression du monopole bancaire sur les prêts rémunérés. Des particuliers peuvent donc financer des projets en prêtant de l'argent contre 152 voir : http://acpr.banque-france.fr/solvabilite2.html 153 Document  établi  par  la  société  lors  de  son  introduction  en  bourse,  d’une  augmentation  de   capital,   d’une   émission   ou   d’une   admission   de   titres   financiers.   Le   prospectus   est   soumis   au   préalable  au  visa  de  l’AMF.  Il  contient  des  informations  concernant  la  société,  l’opération  finan- cière
  • 229. RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 228 un intérêt dans la limite de 1 000 € par investisseur et 1 000 000 € par projet. Création du statut de conseiller en investissements participatifs pour les plateformes qui proposent des titres aux investisseurs (crowd-equity) et un statut d'intermédiaire en financement participatif pour les plates- formes qui proposent aux particuliers des financements sous formes de prêts rémunérés ou non. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT00002900 8408 BAROMETRE 2014 DU CROWDFUNDING EN FRANCE Quelques chiffres : 152 millions d’euros de fonds ont été levés en 2014 contre 78,3 millions en 2013 (le marché a quasiment doublé en un an) pour 64 500 projets (depuis le lancement des plateformes). Les fonds collectés augmentent surtout pour : les dons en capital (de 10,3 millions d’euros à 25,4 millions d’euros) les prêts (de 47,9 millions d’euros à 88,4 millions d’euros) les dons avec récompenses (de 17,5 millions d’euros à 33,5 millions d’euros) On recense près de 1,3 million de financeurs depuis le lancement des plateformes en France. En savoir plus : http://www.compinnov.com/wp- content/uploads/2015/02/Barometre_annee_2014.pdf Le crowdfunding, qui constitue à la fois une source de financement de l’économie   numérique   et   un   moyen   “numérique”   de   financer   l’économie,   est   un   acteur   à   part   entière   du   financement,   au   même   titre   que   l’industrie   bancaire   et   que   le   capital- investissement154.  Il  convient  de  l’intégrer  dans  la  chaîne  de  financement  et  de  mieux   coordonner les interactions entre ces différents acteurs. Outre   les   propositions   précitées,   afin   d’accompagner,   de   sécuriser,   et   d’amplifier  le  financement  participatif,  le  CNNum  recommande  de : Engager une réflexion, avec les parties-prenantes155, pour assurer une meilleure représentation des actionnaires dans le cadre de finan- cements en equity : la formation de collèges représentatifs, ou le partage de bonnes pratiques entre les acteurs du financement participatif et du capital in- vestissement   permettrait   d’assurer une bonne coordination des projets et 154 En  France,  la  plupart  des  plateformes  sont  d’ailleurs  soutenues  par  des  établissements  ban- caires 155 Notamment   impliquer   l’AFIC,   l’association   Financement   Participatif   France,   l’AMF,   et   l’ACPR
  • 230. RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 229 d’anticiper   les   risques   potentiels   lorsqu’un   projet   financé   sur   une   plateforme   élargit son capital par des levées de fonds plus classiques. Renforcer   l’observation   et   l’évaluation   des   investissements   en   crowdfunding156 : -­‐ Définir des indicateurs spécifiant, par exemple, le caractère non- marchand,  l’impact  social,  sociétal,  environnemental  et  éthique   des  investissements,  en  complément  de  l’indicateur  de  rentabilité   financière, afin de sensibiliser les ménages à ces pratiques alternatives ; -­‐ Développer une plateforme ouverte de données ouvertes et réutilisables, fournies par les acteurs du crowdfunding sur : le taux  de  réussite  et  de  concrétisation  des  projets,  l’évaluation  du   risque  a  priori  de  l’investissement,  la  participation de business angels ou fonds reconnus à des projets157,  le  taux  d’utilisation   effective des fonds, etc. ; -­‐ Revoir de manière régulière les règles de bonne conduite des plateformes de crowdfunding et publier les remontées d’expériences,  d’échecs,  de réussite, en concertation avec les acteurs. La  construction  d’un  cadre  réglementaire  au  niveau  européen  est  cruciale  pour  assurer   l’internationalisation   des   acteurs   du   financement   participatif.   De   nombreux   défis   juridiques sont à relever, par exemple en matière de régulation bancaire et financière, d’application  du  droit  de  la  consommation  et  du  commerce  électronique,  de  droit  des   sociétés et de fiscalité158. Parmi les réflexions à engager159 : 156 S’inspirer  des  baromètres  annuels  réalisés  par  l’AFIC  :  http://www.afic.asso.fr/fr/les- chiffres-cles-du-capital-investissement/les-etudes-cles-du-capital-investissement/les- barometres-du-capital-investissement.html 157 La  mise  en  valeur  de  business  angels  constitue  un  élément  non  financier  permettant  d’évaluer   le  risque  d’un  projet.  Une  meilleure  visibilité  des  investissements  réalisés  par  des  professionnels   sur les plateformes de crowdfunding pourrait guider les choix des particuliers. Voir : https://angel.co/ et https://fr.fundme.co/. 158 Les   avancées   européennes   pour   la   création   d’un   cadre   de   développement   du   financement   participatif au sein du marché européen : dans sa communication du 27 mars 2014, la Commis- sion  européenne  annonce  la  réalisation  d’études  évaluant  le  potentiel  du  financement  participa- tif  (examen  des  projets  financés  via  ce  mécanisme,  potentiel  pour  la  recherche  et  l’innovation, défis  en  matière  d’intégration  dans  le  marché  unique  et  l’écosystème  financier,  etc.),  appuyé  par   la  mise  en  place  d’un  forum  européen  du  financement  participatif  (incluant  un  groupe  d’experts   se réunissant régulièrement). En savoir plus : http://ec.europa.eu/internal_market/finances/docs/crowdfunding/140327- communication_fr.pdf & http://ec.europa.eu/finance/general- policy/crowdfunding/index_fr.htm 159 Voir les réflexions du réseau Trans Europe Experts : http://www.transeuropexperts.eu/index.php?part=4&sujet=263 et http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/55/avis/1665
  • 231. RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 230 -­‐ Comment  renforcer  l’information  destinée  aux  investisseurs   apportant des fonds en contrepartie de titres financiers ? -­‐ Faut-il créer un code de bonne conduite des plateformes et un label  européen,  en  s’inspirant  des  avancées  françaises ? -­‐ Comment  accompagner  la  création  d’un  marché  secondaire  (avec   la possibilité de revendre  des  titres  achetés  en  “private  equity”  sur   les plateformes de crowdfunding) et, à terme, la constitution d’une  bourse  du  crowdfunding ? Sur ces sujets, une concertation, pilotée par les réseaux européens du crowdfunding, dont le European Crowdfunding Stakeholders Forum160 de la Commission européenne et le European Crowdfunding Network161 pourrait être engagée. 41. Déployer un réseau européen des places de marché des valeurs numériques et d’innovation Le   développement   d’un   écosystème   de   l’innovation   au   niveau européen, offrant un cadre favorable à la croissance des entreprises innovantes, est ralenti par plusieurs facteurs : -­‐ La diversité des règles (en matière de fiscalité, de droit des contrats, de droit bancaire et financier) freine la continuité de la chaîne de financement et alimente les asymétries entre les États- Unis  et  l’Europe.  Les  fonds  présents  dans  la  Silicon  Valley  sont  en   mesure de répondre aux besoins de financement des entreprises matures si bien que les startups européennes se tournent directement vers les États-Unis pour se financer en capital- développement162. -­‐ Les informations et documentations relatives au financement bancaire et financier ne sont pas suffisamment standardisées entre États-membres, réduisant  l’accès  des  PME  et  startups  au  financement européen. 160 http://ec.europa.eu/finance/general-policy/crowdfunding/index_fr.htm 161 http://www.eurocrowd.org/ 162 D’après  la  contribution  de  l’AFDEL  “les  entreprises  technologiques  de  la  Silicon  Valley  ont   levé 22 milliards de dollars en 2014. En comparaison, les investissements dans les startups ont représenté seulement 1,4 milliards de dollars à Londres et 1,1 milliards   de   dollars   à   Berlin”.   Voir : https://contribuez.cnnumerique.fr/sites/default/files/media/afdel_reponse_consultation_num erique.pdf
  • 232. RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 231 La  base  d’investisseurs  européens  et  étrangers  peut  difficilement   s’élargir  et  développer  des  synergies. -­‐ L’absence  d’indices  financiers  pour  les  valeurs   d’innovation  et  de  numérique  sur  les  marchés  financiers   européens réduit leur attractivité, et pousse les entreprises innovantes à se tourner vers les bourses étrangères - notamment le Nasdaq - pour réaliser leur sortie financière. La fragmentation et  l’opacification  des  marchés  financiers  au  niveau  européen  ont   diminué leur attractivité  auprès  d’investisseurs  étrangers.  Le   faible  nombre  d’acquéreurs  industriels  réduit  les  chances  pour   une  startup  européenne  de  se  faire  racheter  en  Europe  et  l’oriente   de  fait  vers  des  investisseurs  et  des  places  de  marché  à  l’étranger. -­‐ La crise du financement liée aux conséquences de la crise économique et financière de 2008, a ralenti le financement  de  long  terme  de  l’économie,  pourtant  facteur   indispensable de compétitivité QUELQUES CHIFFRES SUR LA SITUATION DU FINANCEMENT DES ENTREPRISES EN EUROPE Un sondage réalisé par la Commission européenne fait état des difficultés suivantes pour le financement des PME : Détérioration du soutien financier public (-13 %) ; détérioration de l’accès au crédit (-11 %) ; baisse des crédits commerciaux (-4 %) ; baisse de la propension des investisseurs à prendre des participations dans les entreprises (-1 %). En savoir plus : http://ec.europa.eu/enterprise/policies/finance/files/2013- safe-analytical-report_en.pdf Pour y remédier, le Conseil national du numérique propose plusieurs pistes pour redynamiser les échelons du financement et construire un écosystème   d’innovation   européen   en   cohérence   avec   les   ambitions industrielles   de   l’Union   Européenne. Les récents chantiers lancés par la Commission européenne - Plan   Juncker,   Union   des   marchés   de   capitaux,   “Digital   Single  Market”  - pourront être alimentés par ces propositions. L’Europe   a   les   capacités   de   devenir une véritable place financière mondiale  pour  les  valeurs  technologiques  et  l’innovation. L’environnement   actuel est plutôt favorable, car, depuis la mise en valeur de succès comme Sigfox, de plus  en  plus  d’investisseurs  étrangers  s’intéressent  à  des  startups européennes. Des  propositions  pour  la  création  d’un  “Nasdaq européen”  ont  déjà  été  versées  dans   le  débat  public.  Si  les  motivations  d’un  telle  mesure  sont  partagées  par  bon  nombre   d’acteurs,   le   Conseil   national   du   numérique   en   propose   une   adaptation, qui
  • 233. RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 232 correspond  davantage  à  l’état  des  marchés  financiers  et  l’environnement  concurrentiel   des bourses en Europe. Redynamiser le financement de long terme au niveau européen Mobiliser  l’épargne  européenne  pour augmenter les ressources des fonds de capital-risque européens et favoriser la constitution de fonds et de fonds de fonds pan-européens.  Cela  pourrait  se  matérialiser  par  la  création  d’un  statut   fiscal unique pour les fonds pan-européens ou a minima une harmonisation de certaines  règles  autour  de  la  fiscalité  de  l’épargne. Mobiliser   des   ressources   financières   de   l’Union   européenne   pour   cibler et résoudre certains equity gaps et favoriser la constitution de fonds bi/multinationaux. LE PAYSAGE REGLEMENTAIRE EUROPEEN EN MATIERE DE CAPITAL-RISQUE ET D’INVESTISSEMENT European Investment Fund (EIF) - Fonds européen d’investissement (FEI) : créé en 1994, ce fonds a pour vocation de soutenir le développement de PME au niveau européen. Actionnariat : Banque européenne d’investissement (63,7 %), Commission européenne (24,3 %) et institutions financières publiques et privées (au nombre de 26, 12 %) Missions : investissement en capital-risque dans des PME, notamment des jeunes sociétés et des entreprises technologiques, octroi de garanties aux institutions financières pour couvrir leurs prêts aux PME Activité : États-membres de l’UE, Turquie, Islande, Liechtenstein, Norvège Quelques chiffres : L’EIF investit 700 millions d’euros par an Dans le portefeuille de l’EIF en 2013 : 17 exits pour des valorisations dépassant 100 millions de dollars, générant 7,3 milliards de dollars En savoir plus : http://www.eif.org/, Brochure annuelle de l'EIF - 2014 , L'EIF en France ELTIF - European Long Term Investment Funds : proposition de règlement de la Commission européenne (encore en projet), créant un nouveau fonds d’investissement. Il s’adresse aux investisseurs souhaitant placer leur argent dans des projets de long terme. Les fonds européens d’investissements de long terme (FEILT) sont de nature privée. En savoir plus : http://eur-lex.europa.eu/legal- content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52013PC0462&from=FR ESFI/FEIS - Fonds européen pour les investissements stratégiques (proposition législative de la Commission examinée en juin 2015 par le Parlement européen) : véhicule du Plan d’investissement pour l’Europe annoncé par le Président
  • 234. RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 233 Juncker, la création de ce fonds, en partenariat avec la Banque Européenne d’Investissement (5 milliards d’euros), et les investisseurs publics et privés volontaires, entend mobiliser 315 milliards d’euros d’investissement auprès PME et ETI et des investissements de long terme et vise à dynamiser l’industrie du capital risque en Europe. Concrètement, le fonds sert de protection de crédit aux nouvelles activités de la BEI et du FEI et s’adresse aux fonds privés (capital-risque, titrisation, etc.) pour investir dans des projets de financement des PME : L’effet multiplicateur permet qu’1 euro de contribution publique génère 3 euros de financement pour 15 euros d’investissement total (les 21 milliards d’euros généreraient donc 315 milliards d’euros). Les États-membres s’engagent sur le co-financement national apporté (la France, l’Allemagne, et l’Italie se sont engagées à participer à hauteur de 8 milliards d’euros) et soumettent des projets à la Commission européenne. La France entend porter des projets communs avec plusieurs États- membres, notamment l’Allemagne et l’Italie. Le pilotage du financement des projets sera effectué via des guichets nationaux (en France, la Caisse des dépôts semble être l’institution la plus appropriée). En savoir plus : http://ec.europa.eu/priorities/jobs-growth- investment/plan/index_fr.htmhttp://eur-lex.europa.eu/legal- content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52013PC0462&from=FR Autre initiative : règlement (UE) n°345/2013 du Parlement européen et du Conseil relatif aux fonds de capital-risque européens (17 mars 2013) : mise en place d’un label “fonds européen de capital-risque” (EuVECA) permettant aux gestionnaires de fonds de les commercialiser à travers l’Union européenne et d’évoluer dans un ensemble de règles unique. En savoir plus : http://ec.europa.eu/finance/investment/venture_capital/index_fr.htm Soutenir la création de places de marché des valeurs d’innovation La  consolidation  boursière  au  niveau  européen  en  matière  d’innovation  pourrait  être   réalisée   par   la   création   d’un   réseau   européen   des   places   de   marchés   des   valeurs   d’innovation.  Dès lors, il est nécessaire de : Définir des indices/comparables boursiers communs en concerta- tion avec les analystes et opérateurs de marché. Déployer plusieurs bourses spécialisées dans les valeurs d’innovation,   implantées   dans   des   États-membres en fonction des politiques industrielles européennes et de chaque État. Par exemple, en  France,  la  constitution  d’une  bourse  spécialisée  dans  les  biotechnologies  a   fonctionné  car  l’État  a  construit  une  politique  de  soutien  constante  envers  le  
  • 235. RECONCEVOIR LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 234 secteur  depuis  plusieurs  dizaines  d’années163. On pourrait ainsi imaginer que des bourses sectorielles se développent dans chaque État-membre en fonction de leur spécialisation (objets connectés, données, infrastructures, etc.). Cette configuration a plusieurs intérêts : -­‐ elle  permet  d’identifier,  au  niveau  international,  des  places  de   marchés de référence et d’attirer ainsi des entreprises mondiales ; -­‐ elle  évite  de  concentrer  la  présence  d’une  bourse  unique  dans  un   État choisi, introduisant un avantage certain en matière d’attractivité ; -­‐ elle permet aux opérateurs financiers (bourses, places de marché) de définir leur implantation et leur stratégie sectorielle de manière indépendante. 163 Capital,  “Panorama  des  biotechs,  les  nouvelles  stars  de  la  Bourse  de  Paris”,  13  janvier  2015 http://www.capital.fr/bourse/actualites/panorama-des-biotechs-les-nouvelles-stars-de-la- bourse-de-paris-912017
  • 236. L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 235 L’urgence de la compétitivité internationale 42. Renforcer territorialement et sectoriellement les écosystèmes numériques Les filières numériques trouvent leur force dans leur intégration à un écosystème ou cluster164. Les politiques publiques engagées par la France en ce sens (mise en place de pôles   de   compétitivité,   label   French   Tech)   démontrent   à   quel   point   l’animation,   l’ouverture  et  le  rayonnement  de  ces  écosystèmes  sont  un  atout  industriel,  renforçant   l’attractivité   et   la   compétitivité   des   territoires   et   des   métropoles. Il convient de renforcer cette politique en encouragent les territoires à attirer toujours plus d’entrepreneurs,  de  chercheurs  et  d'experts  sur  des  problématiques  de  développement   d'entreprises innovantes (marketing stratégique, développement international, expertises  technologiques)  dans  ces  espaces  innovants.  Il  est  indispensable  d’associer   tous les territoires à ces initiatives, afin de stimuler la transformation numérique de secteurs  traditionnels  comme  l’agriculture,  le  tourisme,  ou  l’artisanat, qui se trouvent, eux aussi, confrontés à une concurrence globale, dans laquelle la bonne maîtrise des outils et des enjeux numériques fait une différence considérable. Approfondir la politique d’aménagement numérique des territoires Les territoires sont des acteurs essentiels de la transformation numérique de   l’économie.   En   constituant   des   écosystèmes   vertueux,   créateurs   de   valeur  et  d’emplois,  ils  pourront  s’affirmer  sur  la  scène  internationale  et   renforcer la compétitivité des entreprises françaises. 164 Regroupement, sur un même territoire, d’entreprises,  d’établissements  d’enseignement  supé- rieurs,   d’organismes   de   recherche   publics   ou   privés,   qui   ont   vocation   à   travailler   en   synergie   pour  mettre  en  oeuvre  des  projets  de  développement  économiques  pour  l’innovation
  • 237. L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique236 Le CNNum recommande de : Créer une plateforme nationale de mise en relation entre les star- tups et les collectivités (en métropole et en outre-mer) qui souhaite- raient accueillir des entreprises innovantes sur leur territoire : -­‐ Cette plateforme permettrait aux collectivités de faire des appels à manifestation  d’intérêt  avec  une  véritable  visibilité  des  offres   d’accueil  (une  mise  à  disposition  de  bureaux  à  des  coûts   inférieurs, proches des réseaux de transports et des quartiers d’affaires,  la  fourniture  d’équipements  en  infrastructure  et   connectivité, un accompagnement commercial, médiation en matière de procédures administratives, etc.). -­‐ La plateforme offrirait la possibilité pour les acteurs privés implantés de participer au projet en y apportant une contribution financière  pour  accompagner  l’installation  de  l’entreprise  (en   s’inspirant  du  dispositif  “Réinventer Paris”,  cf. encadré). -­‐ Le  pilotage  de  cette  politique  d’appel  à  projets  pourrait  être  confié   à  l’Agence  du  Numérique  (cf. encadré), qui participe à l’aménagement  numérique  des  territoires. Promouvoir la création de lieux dits "tiers" pour l'animation des fi- lières et des communautés du numérique, assurer leur proximité avec le réseau à venir de la "grande école du numérique165". Développer des appels à projets unifiés combinant équipement en réseaux, développement de services et diffusion des usages pour des territoires géographiquement isolés : -­‐ Unifier  ces  dimensions  dans  un  volet  “services et stratégies de développement économique”  dans  les  appels à projet d’équipement  en  réseau  des  collectivités  territoriales.  L’objectif   est de conforter la stimulation économique et la formation aux usages (en ayant notamment recours aux médiateurs numériques) sur  le  long  terme,  en  sus  de  l’équipement  réseau. -­‐ L’Agence  du  Numérique  pourrait  piloter  ces  appels  à  projets  dans   la mesure où elle a vocation à connecter les usages, les équipements et les services, conformément à ses missions d’intégration  et  de  diffusion  du  numérique  dans  les  territoires. 165 Lettre de mission : http://www.youscribe.com/catalogue/tous/grande-ecole-du-numerique- la-lettre-de-mission-du-premier-ministre-2562235
  • 238. L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 237 “REINVENTER PARIS” : APPEL A PROJETS URBAINS INNOVANTS En novembre 2014, la Ville de Paris a lancé un concours mondial de créations urbaines innovantes sur 23 sites immobiliers lui appartenant. Ces projets urbains innovants permettront de "réinventer Paris” et d’imaginer la construction du Paris de demain en innovant. D’après son règlement, les critères de sélection des projets sont tournés vers l’innovation et la collaboration entre organisations. L’appel à projet insiste en effet sur le caractère multidimensionnel de l’innovation (innovation sociale, innovation d’usages, etc.). Les candidatures doivent se faire par groupement et assortir le projet innovant d’une offre d’acquisition du site, incitant des grandes entreprises à s’associer avec des plus petites organisations pour qu’elles puissent développer leurs projets. “L’objectif de l’Appel à Projets Urbains Innovants est, en outre, de susciter l’émergence de partenariats nouveaux à travers l’association d’acteurs peu ou rarement associés à l’ensemble d’un projet urbain comme des chercheurs, scientifiques, designers, artistes, ainsi que des représentants de la société civile, utilisateurs, associations etc.” En savoir plus : http://www.paris.fr/accueil/urbanisme/grand-concours-de- projets-urbains-pour-reinventer-paris/rub_9650_actu_150211_port_23751 L’AGENCE DU NUMERIQUE L’Agence du Numérique est un service à compétence nationale créé au sein du ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique. Elle est directement rattachée au directeur général des entreprises. Cette agence est chargée de l'impulsion, de l'animation et de l'accompagnement des projets et des initiatives numériques développés dans les territoires par les collectivités publiques, les réseaux d'entreprises, les associations et les particuliers. À cet égard, l’Agence du Numérique se charge de la mise en œuvre du déploiement du plan France très haut débit (mission THD), des actions du programme French Tech et de l'accompagnement des initiatives candidates à l'octroi du label. Enfin, elle favorise la diffusion des outils numériques et le développement de leur usage auprès de la population par l’action de la Délégation aux Usages de l’Internet (DUI). La création de l’agence traduit la nécessité d'une approche globale du numérique dans les territoires, qui conviendrait d’être déclinée dans la logique d’appels à projets unifiés. En savoir plus : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte= JORFTEXT000030189016
  • 239. L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique238 S’appuyer sur les Pôles de compétitivité et sur la French Tech Les atouts des pôles de compétitivité et des métropoles French Tech doivent être pleinement utilisés, en particulier en matière de formation et de promotion  de  l’innovation : Renforcer les missions des Pôles de compétitivité et de la French Tech autour du développement  et  de  l’accompagnement  des  écosys- tèmes  d’innovation : -­‐ Engager la valorisation, la mise en réseau et le rapprochement des meilleurs pôles de compétitivité clusters et organisations de soutien à l'innovation pour gagner en visibilité, en efficacité et éviter au maximum la démultiplication et la concurrence inutile entre structures de développements économiques et/ou de valorisation de la recherche, aux niveaux local et national ; -­‐ Investir  dans  la  relation  entre  le  monde  de  l’enseignement   supérieur et de la recherche et le monde de l'entreprise, pour en faire un levier du développement des écosystèmes numériques, par le maintien des appels à projets FUI166 et des concours type Concours  Mondial  d’Innovation167. S'appuyer sur l'ingénierie des pôles de compétitivité et leurs capacités de labellisation dans la définition et l'obtention de nouveaux dispositifs de soutien (par exemple le Pass French Tech) -­‐ Renforcer les volets formation et emploi dans les missions des pôles de compétitivité. Ce volet vise tant la formation opérante des TPE et des PME au numérique, que le mentorat auprès de startups et le renforcement des liens avec les agences de Pôle emploi,  les  chambres  de  commerce,  les  écoles  d’ingénieurs  et  les   universités. -­‐ Assurer  un  volet  “accompagnement  et  échanges  d’informations”   entre écosystèmes : démarches administratives (fiscalité, subventions, internationalisation), de prospection client, d’événementiel,  etc.  Le  partage  d’expériences,  de  bonnes   pratiques  et  d’informations,  réalisé  de  manière  “bottom  up”,  est   une ressource utile au développement de jeunes pousses. Encourager les formats de coopérations entre PME et startups pour  accompagner  l’essor  d’écosystèmes  locaux. -­‐ Améliorer la gouvernance des organismes du développement économique des territoires : les agences 166 Fonds unique interministériel finançant les projets des pôles 167 http://www.entreprises.gouv.fr/innovation-2030/accueil-innovation-2030
  • 240. L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 239 qui se consacrent à cet objectif sont déjà nombreuses, et ont tendance  à  se  superposer.  Afin  d’assurer  l’efficacité  de  leurs   missions, les efforts doivent donc se concentrer en priorité sur leur pilotage et leur lien avec les services  déconcentrés  de  l’État   (notamment les DIRECCTE). LA TASK FORCE EUROPE EMC2 - PAYS DE LA LOIRE La Task Force se veut une communauté ouverte à tous ceux qui souhaitent s’informer et s’impliquer dans des projets européens de recherche et développement. La Task Force Europe est animée par le pôle de compétitivité EMC2, en collaboration avec l’Institut de Recherche Technologique Jules Verne et le service Europe de l’UNAM (Université de Nantes, Angers et Le Mans). La Task Force met en place des actions spécifiques pour l’émergence de projets dans le domaine de l’Advanced Manufacturing en région Pays de la Loire. Ce réseau est un support pour : Partager des informations et retours d’expérience sur les programmes européens Diffuser les bonnes pratiques de chacun en vue d’agir collectivement sur la scène européenne Rassembler les efforts de R&D en région dans la perspective de faire émerger des projets d’envergure associant des partenaires industriels et académiques. Aujourd’hui, 56 personnes participent à cette Task Force et représentent à la fois des grands groupes, des PME ou ETI et des universités et centres de recherche. http://www.pole-emc2.fr/rejoignez-la-task-force-europe-emc2.html En savoir plus : http://www.pole-emc2.fr/rejoignez-la-task-force-europe- emc2.html L’AGENCE NATIONALE POUR LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE SUR LES TERRITOIRES Lors d’une conférence de presse le jeudi 5 février 2015, le Président de la République a annoncé la création d'une « Agence nationale pour le développement économique sur les territoires ». Cette nouvelle organisation aurait pour but de « susciter la création d'entreprises ». En tout état de cause, la création de cette agence doit être guidée par la nécessité d’organiser la gouvernance des dispositifs existants afin de répondre aux exigences de cohérence et d’efficacité. En savoir plus : http://www.elysee.fr/conferences-de-presse/article/5e- conference-de-presse-du-president-francois-hollande-2/
  • 241. L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique240 Soutenir la transformation numérique de secteurs clefs pour le développement économique des territoires (agriculture, tourisme, artisanat, etc.) La French Tech peut jouer un rôle déterminant dans le soutien à la transformation numérique de secteurs traditionnels, qui sont essentiellement présents dans des zones plus rurales. Pour ce faire, le CNNum recommande de : Intégrer à la stratégie de la French Tech, la mutation numérique de nouvelles filières : développer une plateforme assurant la promotion d'ini- tiatives locales et la mise en réseau d’acteurs  innovants  (associations,  entrepre- neurs, universités, etc.) : -­‐ Mobiliser les ministères concernés par la transformation numérique  dans  les  secteurs  de  l’agriculture,  du  tourisme,  de   l’artisanat,  pour  soutenir  ces  initiatives  et  les  intégrer  à  leurs   politiques publiques : -­‐ Renforcer les interactions entre ces ministères et la French Tech. -­‐ Soutenir les événements ouverts avec les universités, des entrepreneurs et des professionnels de secteurs traditionnels (cf. encadré  “Agri  French  Tech”). -­‐ S'inspirer de ce qui aura le mieux fonctionné dans le cadre des 34 plans industriels et du Concours Mondial d'Innovation pour l'adapter au sujet de la transformation numérique de ces secteurs clés. AGRI FRENCH TECH La chambre d’agriculture de la Vendée et son salon Techélevage ont voulu regrouper sous un même concept “Agri FrenchTech” des initiatives en faveur de l’innovation dans le domaine de l’agriculture et de l’élevage (Agreenstartip et Agreenproto). L’objectif est ainsi de prendre en compte le secteur agricole innovant pour favoriser l’émergence de startups accompagnant les agriculteurs dans leurs besoins autour d’une plateforme agro-numérique qui reste à créer. En savoir plus : http://www.techelevage.fr/agreen-startup-sia-paris/
  • 242. L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 241 43. Structurer un réseau des écosystèmes numériques européens La   construction   d’un   marché   unique   numérique   européen   compétitif   au   niveau   mondial nécessite de faire émerger des écosystèmes numériques paneuropéens. Aujourd’hui,  les  écosystèmes  nationaux  ne  sont  pas  toujours  en  capacité  de  passer  à   l’échelle   et   conquérir   les   marchés   en   tant   “qu’acteurs   européens”,   et   se   retrouvent   parfois en concurrence les uns avec les autres. La forte spécialisation de certains écosystèmes dans les grandes villes européennes ne doit pas conduire à une fragmentation du marché. Elle peut au contraire faciliter la coopération et les synergies entre écosystèmes, à condition de les fédérer autour de projets paneuropéens et de favoriser la mobilité des entreprises, des chercheurs, des innovateurs et des investisseurs. Le CNNum recommande à ce titre de : Créer une plateforme européenne de l’innovation Ouvrir la plateforme Startup Europe Partnership aux réseaux na- tionaux (type Tech City, FrenchTech), universités, incubateurs, ac- célérateurs, VCs européens, etc. Cette plateforme pourrait constituer un lieu  d’échanges  entre  acteurs  de  l’innovation  européens,  et  permettrait  de  créer   davantage de projets transnationaux. Augmenter les appels à projets paneuropéens, notamment dans le cadre du Plan Horizon 2020. Soutenir des initiatives fédératrices au ni- veau européen168. STARTUP EUROPE PARTNERSHIP (SEP) Initiative qui est née de startups qui ont ressenti le besoin de se regrouper, le SEP a pour objectif est de construire des passerelles entre les startups européennes, les entreprises, les institutions chargées de l’éducation et les communautés d’investissement. Les startups européennes peuvent ainsi lever des fonds et dépasser la barrière de la langue pour atteindre une dimension économique globale. SEP vise à offrir la première plateforme pan-européenne ouverte aux startups européennes. Ce support leur permet de rencontrer et de nouer des relations d’affaires avec les meilleures entreprises et grands groupes, que ce soit pour des logiques : d’approvisionnements, d’investissements stratégiques ou encore d’acquisition de société. La Commission européenne a homologué en janvier 2014 le Startup Europe Partnership (SEP). En savoir plus : http://startupeuropepartnership.eu/about-sep/ 168 ex : Open Data Incubator soutenu par le fonds Horizon 2020 : http://opendataincubator.eu
  • 243. L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique242 Renforcer les liens entre écosystèmes Favoriser les échanges et les coopérations entre écosystèmes : -­‐ Créer un  Erasmus  de  l’entrepreneuriat, pour faciliter la possibilité de réaliser un stage (stage simple ou apprentissage) dans une startup européenne ; -­‐ Mettre  en  place  des  “jumelages  numériques” entre villes européennes pour établir des relations et créer des coopérations numériques  (échanger  de  connaissances,  d’expériences,  de  savoir- faire, accompagnement dans les procédures administratives, etc.) -­‐ Créer  une  plateforme  “European  innovation”  référençant les initiatives et bonnes pratiques entre les réseaux de startups, les pôles de compétitivités, les clusters, les universités, etc. de pays différents. Mettre  en  place  des  référents  “startup”  européens  dans  les  métro- poles en lien avec la Commission européenne afin de faciliter le partage de bonnes pratiques entre pays (droit des contrats, droit fiscal, etc.) : -­‐ Par département/région pour pouvoir échanger avec un acteur numérique  d’un  État  membre  qui  cherche  à  avoir  des   informations sur le territoire ; -­‐ Entre  les  “capitales  numériques  européennes”,  mobiliser  la   French Tech : mise en place de réunions mensuelles pour créer les partenariats.
  • 244. L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 243 44. Intensifier la stratégie d’attractivité numérique française auprès d’acteurs internationaux L’ATTRACTIVITE DE LA FRANCE AUPRES D’ENTREPRISES ET D’INVESTISSEMENTS ETRANGERS Près de 20 000 entreprises étrangères ont choisi de s’installer et de se développer en France. Par leur présence, elles contribuent directement à la vitalité de l’économie française et emploient 2 millions de personnes. Elles représentent un tiers des exportations et près de 30 % de la R&D nationale. La France est au quatrième rang mondial du stock des investissements directs étrangers, deuxième en Europe après le Royaume Uni et première en Europe pour les investissements créateurs d’emplois industriels. Source : http://www.gouvernement.fr/conseil-des-ministres/2014-10-22 Le dynamisme numérique de la France peut être davantage promu et reconnu auprès d’acteurs  internationaux.  Il  s’agit  de  démontrer  les  atouts  de  la  France  en  matière  de   numérique - ingénieurs très bien formés, entreprises prometteuses tant dans les briques  logicielles  que  dans  les  modèles  disruptifs,  culture  de  l’entrepreneuriat,  etc.169 - afin  d’attirer des talents, des investisseurs, et des entreprises. À ce titre le CNNum recommande de : Favoriser  l’accueil  des  innovateurs Adapter  la  politique  d’immigration : -­‐ Mettre  en  œuvre  les  “passeports  jeunes  talents” pour attirer les jeunes talents internationaux souhaitant travailler en France ; -­‐ Développer le visa développeurs pour répondre aux besoins du secteur (ingénieurs, programmeurs, développeurs, designers) ; -­‐ Réformer, a minima,  l’obtention  de  titres  de  séjour pour des chercheurs, étudiants, développeurs, entrepreneurs cherchant à créer ou à rejoindre une startup en France. Inclure dans les conditions  d’accès  au  titre  de  séjour  un  volet  spécifique  pour  les   travailleurs du numérique ; -­‐ Étendre les bourses CIFRE aux doctorants étrangers. Favoriser   le   retour   des   talents   français   rentrant   d’expatriation   à   l’étranger : lancer des campagnes de communication sur les dispositifs appli- 169 Voir le rapport de Tariq Krim, Les développeurs, un atout pour la France, mars 2014 : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/144000190/
  • 245. L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique244 cables au retour des expatriés170 afin  d’attirer  des  talents  et  cadres  de  haut  ni- veau en France ; Créer une e-citoyenneté : s’inspirer  des  initiatives  du  gouvernement  esto- nien (cf. encadré)  en  ouvrant  l’attribution  de  certaines  aides  et  statuts  au  béné- fice  d’investisseurs  et  développeurs  étrangers  (aide  à  la  création  d’entreprises,   accès aux dispositifs   de   soutien   à   l’innovation,   accompagnement   juridique,   mise à disposition de bureaux, etc.) L’E-CITOYENNETE DU GOUVERNEMENT ESTONIEN L’Estonie est le premier État dans le monde à avoir accordé une e- citoyenneté, soit une identité numérique permettant à distance de réaliser de nombreuses démarches en ligne et de bénéficier de certains avantages. Elle offre, entre autres, la possibilité de créer une entreprise, d’obtenir un compte en banque, et d’être pleinement intégré au monde économique estonien. Elle simplifie en outre les démarches administratives. L’acquisition de l’e- citoyenneté s’effectue par une simple pré-inscription sur le site et un enregistrement à l’ambassade du pays concerné. Le gouvernement se charge ensuite de transmettre une carte d’e-citoyenneté à puce, afin de certifier les futures identifications et signatures. Bilan : le premier jour de la période de pré-enregistrement, 5600 personnes se sont inscrites à l’e-citoyenneté estonienne dont un tiers d’américains. Cette politique pourrait étendre le nombre d’e-citoyens jusqu’à 10 millions, ce qui pose de nombreux défis en termes d’équipements et d’infrastructures. Source : http://www.renaissancenumerique.org/publications/rn/722-2015- 02-03-14-47-21 Attirer les investissements internationaux Attirer les fonds internationaux : -­‐ Affirmer  une  politique  d’attractivité  envers  les  business   angels et les capital-risqueurs internationaux : -­‐ Favoriser  la  création  d’espaces  de  rencontre  entre   investisseurs français et étrangers pour créer un climat de confiance ; -­‐ Inciter les investisseurs institutionnels à investir dans des  fonds  étrangers  à  condition  qu’ils  investissent  dans   des entreprises en France ; 170 voir : http://www.impots.gouv.fr/portal/dgi/public/popup;jsessionid=3ADPVOFV1BSJLQFIEIQCFE Y?espId=1&typePage=cpr02&docOid=documentstandard_5829
  • 246. L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 245 -­‐ Cibler les business angels reconnus  à  l’international  et   les inviter à promouvoir les co-investissements entre acteurs français et internationaux. -­‐ Attirer les fonds souverains vers le financement de l’innovation  et faire de Paris une place financière internationale. L’implantation  à  Paris  de  l’Institutional  Investors  Roundtable171 pourrait faire levier sur les initiatives existantes. Renforcer la stratégie de communication : -­‐ Organiser une exposition universelle annuelle sur le numérique faisant converger les initiatives bénéficiant déjà d’une  forte  notoriété,  telles  que  Futur  en  Seine,  Tech  Days,  Osons   la France, etc.172) et y inviter des investisseurs étrangers ; -­‐ Créer une plateforme ouverte de promotion des innovations françaises mettant en avant les histoires entrepreneuriales françaises. Se  baser  sur  les  “pépites”   françaises telles que Sigfox, BlablaCar, etc. et promouvoir celles émergentes ; -­‐ Encourager les agences de communication à créer des partenariats avec la French Tech pour donner de la visibilité  aux  startups  à  l’échelle  internationale. AACC CAP DIGITAL STARTUP PROJECT L’AACC Cap Digital Startup Project est un programme de promotion des startups. Porté par des agences membres de l’AACC (Association des Agences- Conseils en Communication), de l'UDECAM (Union des Entreprises de Conseil et Achat Media) et par Cap Digital, il conjugue le mentorat par des professionnels de la communication, l’hébergement d’équipes et le développement de cursus de formation. Une startup conclut un contrat de partenariat de 9 mois (non financier) avec une agence. Ce modèle collaboratif permet à une startup d’être accompagnée dans la formalisation de son offre et d’acquérir une culture marketing. Les agences valorisent leur rapprochement avec des startups dans leurs propositions commerciales, en y intégrant des offres de services et/ou de technologies émanant des startups partenaires. En savoir plus sur : http://startupproject.aacc.fr 171 IIR – une   plateforme   et   communauté   internationale   d’investisseurs   de   long-terme. Voir : http://iiroundtable.com/about.php 172 voir http://www.futur-en-seine.paris/ - https://techdays.microsoft.fr - http://osonslafrance.com
  • 247. L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique246 LA CAISSE DES DEPOTS, INTERLOCUTEUR ET PARTENAIRE DE REFERENCE DES INVESTISSEURS INTERNATIONAUX DE LONG TERME ET DES FONDS SOUVERAINS La Caisse des Dépôts est un acteur essentiel dans la construction de réseaux internationaux d’investisseurs de long terme. Depuis 2007, sa filiale CDC International (détenue à 100 % par la Caisse des Dépôts), engage de nombreuses actions en ce sens. Parmi elles : Le Club des investisseurs de long terme (CILT) : créé en 2009 par la Caisse des Dépôts, la Cassa Depositi e Prestiti (Italie), la Banque européenne d’investissement, la kfW (banque publique et de développement allemande), il rassemble des institutions financières et investisseurs institutionnels au niveau mondial. L’objectif est de définir des solutions alternatives au financement des projets de grande ampleur au sein des États. Il représente un bilan combiné de 5,4 milliard de dollars. L’Institutional Investors Roundtable (IIR) : structure réunissant des fonds souverains et fonds de pension. L’objectif est de créer des coopérations entre fonds pour identifier des opportunités d’investissements. En savoir plus : http://www.caissedesdepots.fr/activite/terrains- daction/international/un-groupe-international.html 45. Faciliter le développement à l’international des entreprises innovantes L’internationalisation  est  devenue  un  facteur  déterminant  de  croissance  et  de  réussite   des  entreprises  numériques.  Dès  leur  création,  les  entreprises  se  retrouvent  d’emblée   dans une concurrence internationale, les obligeant à avoir une proposition de valeur compétitive afin de commercialiser leur produit ou service partout dans le monde. Les startups créées en Israël illustrent parfaitement cette tendance. Pour intensifier le développement international des entreprises, le CNNum recommande de : Simplifier les aides à l’internationalisation et mieux accompagner les entreprises souhaitant s’implanter à l’étranger Simplifier  l’accès  aux  volontariats internationaux en entreprises (VIE) pour les startups  (durée  d’existence  de l’entreprise,  obligations  comptables,  etc.).  Dans   certains pays, les conditions requises pour la délivrance des visas (bureau sur place de l'entreprise ayant recours au VIE, nombre de salariés de l'entreprise déjà sur place etc.) limitent fortement l'accès au programme (par exemple aux États-Unis). Renforcer l’accompagnement   des   entreprises   dans   leur   stratégie   d’internationalisation :
  • 248. L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 247 -­‐ Mettre à disposition en open data une partie des informations  d’aides  à  l’internationalisation  des  réseaux   diplomatiques français, de la French Tech et d’UbiFrance. Ouvrir les informations du Pass French Tech (cf. encadré). -­‐ Créer un lien dynamique entre écosystèmes locaux et internationaux, en mettant en relation directe les French Tech Hubs173 avec les clusters territoriaux pour faire venir des talents, solliciter des travaux de recherche. Établir des entretiens à échéance régulière (conseils, formation, résolutions de problèmes). LE PASS FRENCH TECH Le Pass French Tech est un programme d’accompagnement des entreprises en hypercroissance, déployé depuis 2014 sur le territoire avec les métropoles labellisées French Tech. L’objectif est d’offrir à des entreprises (entre 100 et 300) une offre de services sur-mesure comprenant : une offre premium et coordonnée : disposition d’un interlocuteur dédié auprès de chaque partenaire du programme (Bpifrance, UbiFrance, Coface, INPI et AFIC) un accompagnement dans la mise en relation avec des investisseurs et des opérations de levées de fonds une mise en avant via des relais de communication Pour en être bénéficiaire, les entreprises doivent candidater via les opérateurs régionaux de la French Tech. Aujourd’hui, près de 30 startups ont reçu ce Pass. Le fléchage des entreprises selon des secteurs identifiés (biotech, medtech, clean tech, industrie) permet également d’articuler des priorités industrielles avec des politiques d’accompagnement. En savoir plus : http://www.lafrenchtech.com/attractivite-internationale Renforcer la coopération entre entreprises à l’étranger Créer un organisme de semi-portage entrepreneurial permettant aux   grands   groupes   d’accompagner   les   startups   qui   veulent   s’internationaliser  sur  des  marchés sur  lesquels  ils  n’ont  pas  ni  la  capaci- té ni  les  compétences.  La  mise  en  relation  pourrait  s’opérer  par  une  plateforme   relayée   par   l’État,   les   syndicats   des   entreprises,   les   fédérations   profession- nelles, les pôles de compétitivité, etc. 173 équivalents  des  métropoles  French  Tech  à  l’étranger.  Voir  :   http://www.lafrenchtech.com/content/internationalisation-de-la-french-tech
  • 249. L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique248 Flécher des partenariats avec des entreprises et investisseurs inter- nationaux ou français implantées localement pour ouvrir des mar- chés aux startups et les y accompagner,  dans  une  logique  de  “filiale”. Tisser des partenariats avec les marchés émergents (Asie, Afrique) en multipliant les événements de rencontres entre startups fran- çaises et investisseurs étrangers (cf. encadré). Systématiser la participa- tion de startups françaises dans les délégations lors de déplacements ministé- riels. FORUM DIGITAL ET CREATION FRANCE-CHINE 50 Premier événement organisé en Chine par la France sur le numérique, le forum franco-chinois Digital et Création a promu les entreprises françaises du secteur numérique auprès de leurs homologues chinoises. Le forum s’est déroulé à Pékin les 22 et 23 janvier 2015. Après sélection, les PME et startups françaises des secteurs de la culture, de l’éducation et du tourisme, inconnues en Chine, ont été accompagnées par de grands groupes français. Le succès d’un tel événement s’explique par plusieurs facteurs : Du côté français d’une part : une sélection stricte des entreprises par un comité professionnel du secteur, une souplesse dans l’appel à candidature, un appui sur les investisseurs privés, un mix entre technologie et services dans les offres des entreprises, une préparation travaillée en amont de l'événement, un accompagnement des entreprises par des interprètes, la mise en place de mécénats de communication pour couvrir l'événement. Du côté chinois d’autre part : financement par sponsoring chinois, préparation individualisée des pitchs et présence d’investisseurs chinois, nombreuses rencontres avec les professionnels chinois, appui politique sur place En savoir plus : http://forumparispekin.com/ LE DYNAMISME DES ECOSYSTEMES NUMERIQUES EN AFRIQUE D’ici 2050, plus de 700 000 personnes parleront français, dont 85% en Afrique. Ce continent émergent représente une opportunité pour le développement d’écosystèmes numériques, en témoignent les communautés tech africaines, dont la structure et le dynamisme sont très prometteurs et attirent de nombreux investisseurs, en premier lieu les Etats-Unis. La Chine, la Russie, le Brésil et l’Inde mènent également une politique offensive. De nombreux secteurs sont présentés comme des filières d’avenir - objets connectés, mobilité, e-santé, paiements, etc. - et de nombreux incubateurs et espaces de production voient le jour sur ce continent. A titre d’exemple : la startup Obami dans le secteur de l’éducation, la startup Cardiopad dans le secteur de la santé, ou encore la startup M-louma dans le secteur de l’agriculture, etc. Des incubateurs et fablabs comme le m:lab à Nairobi, le
  • 250. L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 249 WoeLab au Togo ou encore le FabLab Majiwa au Kenya sont désormais des références internationales et symbolisent le dynamisme des écosystèmes d’innovations en Afrique. La France, par l’intermédiaire d’instances internationales de coopération et de financement (Organisation internationale de la francophonie, Banque Mondiale, etc.) pourrait être davantage actrice dans le soutien au développement du numérique en Afrique. Deux axes d’action sont souvent cités par de nombreux acteurs : Un meilleur accompagnement de la transition numérique : via des programmes de formation à distance, de mentorat, des voyages d’études et des échanges. Cela permettrait d’accélérer l’appui technique et le transfert de technologies ; Un appui financier approfondi : via la création de fonds gouvernementaux, de fonds d’investissement dédiés au financement de projets numériques, et de réseaux d’investisseurs, qui suivraient les mêmes orientations que des initiatives comme le fonds Lions@frica (http://www.africa.co) ou le Global Innovation Network (http://www.global-innovation-network.org). 46. Incarner une diplomatie numérique française La France dispose du deuxième réseau diplomatique au monde. Ses représentations implantées  à  l’étranger  sont  des   relais précieux pour les entreprises numériques qui souhaitent   s’exporter.   Il   est   essentiel   que   la   France   s’appuie   sur   ce   réseau   pour   renforcer   l’accompagnement   des   entreprises   et   renouveler   ses   partenariats   économiques dans des régions stratégiques, et notamment les pays émergents et en développement.   La   francophonie   doit   être   l’une   des   valeurs   guidant   la   diplomatie   numérique française tant les opportunités de croissance et de partenariats sont nombreuses au sein des pays francophones.
  • 251. L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique250 À ce titre, le CNNum recommande de : Organiser la présence numérique française à l’international Multiplier les French Tech Hubs (cf. encadré) en les faisant reposer sur des interactions plus fortes avec les écosystèmes territoriaux (soutien au recru- tement au   niveau   local,   accompagnement   auprès   d’investisseurs,   aide   à   l’obtention  de  marchés  publics  et  privés). Renforcer   les   missions   de   Business   France   (fusion   d’UbiFrance   et   de  l’AFII,  cf.  encadré)  en  faveur  de  l’accompagnement  des  startups  à   l’étranger : support juridique ciblé, accompagnement commercial, soutien auprès des investisseurs, mentorat de startups, services de traduction, etc. Coordonner   et   améliorer   l’expertise   numérique   des   services   éco- nomiques et scientifiques des ambassades : veille technologique, forma- tion  des  conseillers,  recrutement  de  talents.  Systématiser  la  présence  d’un  atta- ché numérique au sein des ambassades. LES FRENCH TECH HUBS Le programme des French Tech Hubs fait partie de l’Initiative French Tech, pilotée par la Mission French Tech au sein du ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique. Ce programme s’inscrit pleinement dans la stratégie de soutien au commerce extérieur et aux exportations des entreprises françaises. L’objectif est de développer des écosystèmes entrepreneuriaux au sein de grandes métropoles internationales, offrant une opportunité de développement aux startups françaises. Les French Tech Hub seront labellisés par l’État (projet et cahier des charges). Le premier French Tech Hub a été inauguré en janvier 2014 à San Francisco. En savoir plus : http://www.lafrenchtech.com/content/internationalisation-de-la- french-tech & http://www.frenchtechhub.com/
  • 252. L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique 251 BUSINESS FRANCE Business France est la fusion de l'Agence française pour les investissements internationaux (Afii) et de l'Agence française pour le développement international des entreprises (UbiFrance), constituant un réseau de 1500 personnes, en France et dans 70 pays. Elle vise à favoriser le développement international des entreprises implantées en France, promouvoir les exportations françaises et de développer l’attractivité du territoire national. Dans le cadre de l’Initiative French Tech, Business France a été chargé de développer une plateforme d’attractivité de la French Tech comprenant plusieurs modules à disposition des entrepreneurs (communication, relations presse internationale, coordination, opération de découverte, réseau international). Une première version sera présentée en juin 2015. En savoir plus : http://www.businessfrance.fr/ & http://sayouitofrance-innovation.com/wp-content/uploads/2015/02/ FrenchTechAttractivite2PlateformeBusinessFrance.pdf Développer la francophonie numérique Axe stratégique pour le rayonnement culturel et diplomatique de la France, la francophonie constitue également un vecteur de développement économique réciproque pour la France et les pays francophones. La construction de partenariats économiques numériques entre pays francophones apparaît en ce sens plus que jamais déterminante,   tant   en   matière   de   nouveaux   débouchés   que   d’affirmation   de   valeurs   portées   par   l’écosystème   français   (inclusion,   ouverture   des   données,   innovations   sociales). Dès lors, il est nécessaire de : Multiplier  les  appels  à  projets  “francophonie  numérique”  couplant   des   projets   d’infrastructures   à   des   projets   de   services   et   d’innovations  numériques,  par  l’intermédiaire  de  la  French  Tech  ou  des  ré- férents numériques du  Quai  d’Orsay,  et  en  partenariat  avec  l’Organisation  In- ternationale de la Francophonie (cf. encadré).
  • 253. L’URGENCE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE METTRE EN MOUVEMENT LA CROISSANCE FRANÇAISE : VERS UNE ÉCONOMIE DE L’INNOVATION Ambition numérique252 INITIATIVES POUR LA FRANCOPHONIE DE L’INNOVATION ET DU NUMERIQUE (OIF) L’organisation internationale de la francophonie agit de la francophonie de l’innovation et du numérique, souvent en coopération avec la société civile. Par exemple : Le Fonds francophone des inforoutes : promotion de la production de contenus et d’applications numériques via le financement d’initiatives multilatérales. En 2015, le fonds est supposé être renommé « fonds francophone de l’innovation numérique ») Appui aux initiatives de communautés : soutien aux associations type OpenStreetMap (cartographie libre), KINO (cinéma numérique, transferts de compétences dans les logiciels libres audio vidéo) Réseau francophone de l’innovation (FINNOV) : lancé en 2014, ce réseau a pour objectif de valoriser les initiatives en faveur de l’innovation et de développer les échanges entre acteurs. Une plateforme collaborative a été mise en place pour favoriser la diffusion des ressources et bonnes pratiques au sein de la communauté francophone - www.francophonieinnovation.org En savoir plus : http://www.francophonieinnovation.org/data/sources/users/2/docs/dfnforuminn ovationnamur2014finale.pdf Construire  des  lieux  d’innovation  francophones et en assurer la promo- tion en y invitant des étudiants réalisant un Erasmus entrepreneurial, des cher- cheurs-entrepreneurs ou tout autre salarié réalisant un Volontariat internatio- nal en Entreprise (VIE). Développer des échanges entre startups francophones et rapprocher les pôles de compétitivité des différentes zones francophones via des jume- lages.
  • 255. L’ambition se joue dans notre capacité à prendre en compte la dualité du numérique, qui peut être à la fois cette force vitale, source d’innovations, d’émancipation et un facteur de déshumanisation, de creusement des inégalités.
  • 256. Volet 4 Solidarité, équité, émancipation : enjeux d'une société numérique
  • 258. Sommaire Économie collaborative 265 47. Améliorer notre compréhension des activités et des statuts porteurs de valeur économique, sociale et environnementale, y compris hors du cadre marchand classique 266 48. Encourager l'économie collaborative tout en la régulant 268 49. Rendre visible et accompagner une économie contributive, coopérative, facteur de cohésion et d’innovation sociales 271 Biens communs et numérique 274 50. Encourager le développement des communs dans la société 276 51. Définir une politique de mise en commun des contenus produits par les collectivités et acteurs publics 277 52. Définir positivement et non par exception le domaine public et favoriser son élargissement 278 53. Faire de la publication ouverte une obligation légale pour la recherche bénéficiant de fonds publics 279 Société numérique inclusive 281 54. Valoriser et structurer les métiers de la médiation numérique 282 55. Développer la médiation numérique dans les services publics locaux 286 56. Faire de l’accès à Internet et ses ressources essentielles un droit effectif 289 Systèmes de solidarités 292 57. S’appuyer sur le numérique pour faciliter l’accès et le recours aux droits sociaux 294 58. Développer (et mettre en débat) des capacités préventives et anticipatrices, dans le respect de la vie privée des assurés 296 59. Explorer de nouvelles manières de mettre les solidarités en mouvement et d’en reconnaître les acteurs 297 Santé et numérique 300 60. Acter et outiller un droit à l’autodétermination informationnelle en santé 302 61. Inciter au cas par cas les acteurs économiques détenteurs de données de santé à les partager tout en tenant compte de leur caractère concurrentiel 305 62. Utiliser le levier numérique pour permettre au grand public de comprendre les défis de santé publique et de devenir acteurs de leur résolution 307 63. Former les professionnels de santé aux enjeux et aux usages du numérique en santé 309
  • 259. Éducation et formation 311 64. Faire évoluer et clarifier l’exception pédagogique pour une meilleure adéquation avec les usages numériques 317 65. Anticiper les révolutions de la certification 319 66. Passer d’une logique de l’équipement à une logique de l’environnement 322 Justice et numérique 324 67. Renforcer l’accès des justiciables à l’information juridique avec le numérique 325 68. Informatiser enfin le fonctionnement quotidien de la justice 327 69. Encourager les modes alternatifs de résolution des litiges 328 Ethique et numérique 331 70. Instruire la place des questions d’éthique dans la société numérique 331
  • 260. SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 259 Le numérique n'est pas automatiquement la clé d'une transition vers une société meilleure. Il peut être mis au service d'une société plus équitable, plus juste, plus solidaire, plus émancipatrice - mais à condition qu’une   vision   et   une   ambition   politiques  accompagnent  le  développement  du  “pouvoir  d'agir”  des citoyens, favorisent l'émergence   de   nouvelles   solidarités   et   soient   garantes   de   l’espace   public,   des   communs174 et du vivre ensemble. L’ambition   se   joue   aussi   dans   notre   capacité   à   prendre   en   compte   la   dualité   du   numérique, qui peut être à la fois cette force   vitale,   source   d’innovations,   d’émancipation,  de  création,  que  l’on  veut  soutenir,  et  un  facteur  de  déshumanisation,   de creusement des inégalités, voire de radicalisation. Répondre  à  ce  défi  impose  d’agir  pour  promouvoir  des  valeurs,  des   possibilités,   des espaces,  des  formes,  que  le  seul  jeu  du  marché  numérique  ne  saura  pas  produire.  C’est   une  des  fonctions  essentielles  du  “politique”.  En  revanche,  cette  fonction  doit  s’exercer   en pleine conscience du fait que le numérique outille autant les individus que les organisations,  qu’il  distribue  l’information  et  le  pouvoir  d’agir : ce nouveau potentiel d’action   individuelle,   micro-communautaire et collective est une ressource à la fois incroyablement riche et incroyablement déstabilisatrice, son développement tout comme  sa  canalisation  doivent  faire  partie  des  priorités  de  l’action  publique. Plusieurs regards sur la relation « numérique-­‐société »   coexistent   aujourd’hui.   La   perception   politique   de   cette   relation   s’est   stabilisée   autour   de   trois   points   de   vue   distincts,  souvent  empreints  d’un  certain  déterminisme  technologique. Le  numérique  réduit  à  l’accès  et  aux  équipements. Cette approche considère que  la  technologie  doit  être  accessible  à  tous,  quelles  que  soient  les  conditions  d’âge,   d’habitat,   de   revenus…   L’objectif   premier   est   la   généralisation   de   l’équipement,   de   l’accès  et  des  pratiques.  On  cherchera  à  éviter  que  le  numérique  ne  vienne  renforcer   des  facteurs  d’inégalité  déjà  existants ; on visera aussi à former des individus capables de contribuer à une économie informationnelle dont on attend beaucoup en termes de croissance.   Il   s’agit   alors   d’amener massivement les populations « au numérique », par des politiques européennes, nationales ou territoriales de lutte contre la fracture numérique. Le   numérique   levier   du   pouvoir   d’agir   et   source   d’innovation   tous   azimuts. La   seconde   approche   met   l’accent   sur   le   nouveau   potentiel   dont   le   numérique   serait   porteur   pour   les   individus   comme   pour   les   sociétés.   Il   s’agit   de   libérer ce potentiel, en mobilisant le numérique pour améliorer les dispositifs sociaux 174 Les communs (ou biens communs) :   Les   “communs”   (ou   biens   communs)   sont   des   ressources gérées par une communauté, qui en définit les droits d'usage, organise son propre mode de gouvernance, et défend les ressources contre les risques d'enclosure. Il peut s'agir d'une communauté locale gérant une ressource matérielle (ex : un jardin partagé) ou d'une communauté déterritorialisée gérant une ressource immatérielle (ex : Wikipedia). L'approche par les communs constitue une alternative à la gestion par l'État ou par des acteurs privés.
  • 261. SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique260 (entraide sociale, liens sociaux, médiations), politiques (administration, citoyenneté), économiques (e-commerce,   innovation   ouverte,   compétitivité).   L’introduction   du   numérique, considérée implicitement comme vertueuse par nature, est supposée améliorer ainsi la vie quotidienne des individus et le fonctionnement des organisations publiques comme privées. Cette approche du changement « par le numérique » délègue   en   grande   partie   à   l’innovation   techno-­‐économique du secteur marchand le soin de penser des services mobilisables par une large partie de la population. Les usages massifs et viraux de certains services comme ceux de réseaux sociaux accréditent   l’idée   que   nous   serions   dans   un   cycle   naturel   de   socialisation et de créativité   par   le   numérique   qui   n’appellerait   pas   d’action   publique   particulière,   ou   même,  qui  inviterait  l’action  publique  au  retrait. Le numérique source de menaces pour la société en tant que tel. Une troisième approche, également répandue auprès des décideurs comme des citoyens, serait celle qui considère la transformation numérique en premier lieu comme une menace,   comme   le   symbole   d’un   vaste   ensemble   de   mutations   déstabilisatrices,   et   synonyme à la fois de déshumanisation, de rationalisation,  d’individualisation  et  bien   sûr, de surveillance. La métamorphose numérique accompagnerait et renforcerait les tendances aliénantes de la société contemporaine, notamment par le renforcement des techniques de surveillance et de conditionnement. Il s’agit   alors   de   défendre la société  “face  au  numérique”. Ces  trois  approches,  qui  ont  tendance  à  s’opposer  tout  en  constituant  chacune  une  part   de  vérité,  doivent  s’intégrer  dans  une  compréhension  commune  du  numérique.  Seule   une vision politique basée sur cette compréhension permettra de dépasser le déterminisme technologique pour penser une société « avec le numérique »,  ce  numérique  qui  a  d’ores  et  déjà  pénétré  la  vie  d’une  large  majorité   d’individus,  dans  leurs  sociabilités,  leur  travail,  leurs  loisirs, leurs activités collectives, etc. Il  s’agit  alors  d’opérer  les  choix  individuels  et  collectifs  qui  nous  permettront  de  tirer   parti du numérique pour refaire société, de repenser le fonctionnement de notre modèle social tout en préservant les fondements - la solidarité, la redistribution, l’égalité   d’accès,   la   protection   des   plus   faibles   - et de réinventer certains piliers de l’action  collective,  en  matière  d’éducation  et  de  santé  par  exemple. Dans   ce   contexte,   le   CNNum   considère   que   l’action   publique   doit   s’orienter   selon   quatre grands principes.
  • 262. SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 261 Mettre le numérique au service du pouvoir d’agir et de l’activation des droits et libertés des individus Le numérique permet de concrétiser des droits et libertés qui demeuraient soit trop théoriques, soit (dans certaines régions du monde) fort limitées ;;   la   liberté   d’expression   en   est   un   exemple   frappant.   Ce   potentiel   du   numérique, comme activateur ou catalyseur des droits et libertés, doit être investi par les entités responsables de nos grands systèmes collectifs - santé, éducation, justice, protection sociale - dans un contexte où le non-recours au droit atteint des niveaux alarmants175. Un  paradoxe  du  numérique  est  qu’il  peut  dans  un  même  temps  et  à  travers  le  même   usage, fournir une plus grande autonomie à l’individu  (dans  la  définition  des  services   qui le concernent, dans la gestion de ces services, etc.) et contribuer à une forme d’aliénation,   par   la   collecte   de   données   personnelles   à   son   insu,   ou   par   une   personnalisation de services qui ne tiendrait plus compte de sa volonté et de son contrôle. Il faut donc prendre au sérieux, non pas seulement les droits mais les conditions de leur exercice réel. Et il faut sans doute aller plus loin en affirmant un objectif  politique  d’empowerement des individus : développer, non pas seulement leur pouvoir  de  contrôle,  mais  leur  pouvoir  d’agir  individuellement  ou  collectivement ; non pas seulement leur information, mais leurs compétences, leurs capacités et leur outillage. C’est   pour   ces   raisons-là que nous plaçons au premier plan la littératie numérique, mais  aussi  l’”autodétermination  informationnelle”  en  matière  de  santé  ou  encore,  la   possibilité pour les individus de contribuer aux politiques publiques qui les concernent directement. Enfin, il nous faut également empêcher le contournement de certaines règles collectives, rendu lui aussi possible par le numérique. Tout en soutenant l’innovation   y   compris   lorsqu’elle   dérange   l’ordre   établi, on ne peut accepter que   l’enjeu   économique   du développement du numérique soit le vecteur d’une  renonciation  à  tous  les  droits,  protections  ou  solidarités. De ce point de   vue,   nous   préférerons   toujours   l’application   du   droit   commun   à   la   définition   de   175 Odenore (observatoire du non recours aux droits et services) On ne peut accepter que l’enjeu économique du développement du numérique soit le vecteur d’une renonciation à tous les droits, protections ou solidarités.
  • 263. SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique262 règles spécifiques - quitte,  bien  sûr,  à  faire  évoluer  le  droit  commun  lorsqu’il  apparaît   trop en décalage avec les besoins de la société. Cette approche requiert, dans de nombreux domaines, une clarification sur les enjeux éthiques, économiques, sociaux et environnementaux,  afin  de  guider  l’action  publique  dans  cette  démarche. Refaire société par les communs : vers une promotion des pratiques collaboratives et de la réciprocité Le  numérique  renforce  le  pouvoir  d’agir  individuel ; en rendant possibles de nouvelles formes de sociabilité, il ouvre également des voies nouvelles pour refaire société. La création  même  d’Internet,  comme  la  réalisation  de  nombreux  logiciels  ou  projets  en   ligne,   s’appuient   sur   une   culture   et   des   valeurs   de   réciprocité,   de   partage   et   de   coopération très fortes. Le numérique a   permis   l’expansion   des   pratiques   associées, essentiellement des échanges pair à pair, revivifiant les modes  de  gestion  collectifs  par  l’essor   de communautés auto-organisées, alternatives économiques et politiques aux modes de régulation traditionnels. Que   ce   soit   à   l’échelle   globale   ou   locale,  il  s’agit  d’une  culture  que  l’État, en tant que défenseur du Bien Commun176, doit soutenir et diffuser. La co-création, facilitée par le numérique, doit donc être reconnue comme mode de cohésion, d’inclusion   et   d’éducation. La participation à un projet collectif,  plus  qu’une  simple  mise  en  réseau,  est  en  effet  l’occasion  de  créer  des liens entre individus, de redonner du sens à leurs actions et de nouer ainsi de nouvelles relations non aliénantes entre   individu   et   collectif.   C’est   autour   de   ces   projets   collectifs, ces communs, que les réseaux peuvent se structurer et devenir des communautés agissantes. L’État   peut   soutenir   directement   le   champ   des   communs,   notamment   via   la   contribution de ses agents et ressources, mais aussi inciter tous les acteurs à la contribution, en aidant à insuffler une culture de la réciprocité et du partage, profitable à tous sur le long terme. 176 Le Bien Commun : Le Bien Commun est ce qui est profitable à long terme pour l'ensemble des membres de la société. Il se rapproche de la notion d'intérêt général. Si l'intérêt général est l'enjeu de la politique, le Bien Commun est une notion transcendante dont chacun s'estime por- teur. La co-création, facilitée par le numérique, doit donc être reconnue comme mode de cohésion, d’inclusion et d’éducation.
  • 264. SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 263 S’appuyer sur le numérique pour réduire les inégalités La période historique de numérisation  de  nos  sociétés  est  aussi  celle  d’un  creusement   des   inégalités   économiques   et   sociales.   Sans   faire   de   lien   de   cause   à   effet,   il   s’agit   toutefois de faire de la lutte contre ces inégalités un enjeu essentiel de la métamorphose numérique. Plus que jamais, il nous faut réaffirmer la nécessité   d’une   solidarité   à   toutes   les   échelles,   nationale,   interprofessionnelle et intergénérationnelle, basée sur un système social qui assume son caractère redistributif. La question des inégalités structurelles en lien avec le numérique doit être posée en dépassant   celle   des   équipements,   afin   de   penser   l’e-inclusion de manière multidimensionnelle, mais surtout positive et offensive. Entre autres dimensions, la littératie qui est « l'aptitude à comprendre et à utiliser le numérique dans la vie courante,  à  la  maison,  au  travail  et  dans  la  collectivité  en  vue  d’atteindre  des  buts   personnels  et  d’étendre  ses  compétences  et  capacités »177,  doit  être  au  cœur  de  cette   démarche. Elle permet ainsi de faire du numérique un moteur d'ascension sociale. Les   transformations   numériques   redessinent   enfin   l’importance   des   fonctions   de   médiation.   D’une   part,   les   citoyens   ont   besoin   d’être   accompagnés   dans   cette   transition  qui  touche  notre  façon  de  travailler,  de  nous  soigner,  d’apprendre, de nous déplacer,  de  produire,  de  créer,  de  partager.  D’autre  part,  plus  nous  serons  invités  à   gérer nous-mêmes, en ligne, notre vie administrative comme notre consommation, notre  argent,  voire  notre  travail,  plus  l’existence  de  médiateurs  humains  gagnera en importance,  en  particulier  pour  les  plus  fragiles  ou  vulnérables  d’entre  nous. Repenser nos systèmes collectifs : entre optimisation, réforme et rupture La métamorphose numérique en marche - de  l’économie  comme  de  la  société  - nous oblige   aujourd’hui à interroger nos systèmes collectifs : santé, éducation, protection sociale, justice… Le numérique agit sur eux de différentes manières : comme un facteur   de   rationalisation   et   d’optimisation,   également   dénoncé   sous   l’angle   de   la   déshumanisation ou de la surveillance ;;   comme   l’opportunité   d’un   changement   culturel   et   “managérial”   (ouverture,   horizontalité,   partenariats…),   également   vécu   comme une externalisation et une perte de légitimité ;;  comme  la  source  d’alternatives   “disruptives”   portées,   soit   par   des entreprises innovantes, soit par les pratiques des citoyens, soit par les deux à la fois. 177 OCDE, « La littératie à l'ère de l'information », 2000, http://www.oecd.org/fr/Éducation/etudespays/39438013.pdf
  • 265. SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique264 Si  l’on  doit  naturellement  demander  à  nos  services  publics  de  fonctionner  comme  des   services  “modernes”,  en  tirant  parti  de  l’efficacité  informatique  - c’est  en  particulier ce que nous demandons à la Justice -, on doit également reconnaître que la “numérisation”  de  nos  systèmes  collectifs  n’est  pas  un  projet  neutre.  Elle  peut  se  faire   au  strict  service  d’une  logique  gestionnaire,  ou  bien  faire  plus  de  place  à  la  parole voire à  l’action  des  usagers  et  des  bénéficiaires.  Elle  peut  subordonner  toutes  les  valeurs  à  sa   mission, ou bien considérer que la protection des libertés ou encore, la vie privée, interdit  certaines  choses  même  aux  acteurs  publics,  y  compris  lorsqu’ils sont animés des meilleures   intentions.   Elle   peut,   ou   non,   considérer   la   transparence,   l’ouverture   des  informations  comme  des  processus  (les  “algorithmes”),  comme  une  priorité.  Elle   peut,  enfin,  s’abandonner  à  l’étreinte  des  grandes  plateformes  du  Net,  qui peuvent se montrer tellement plus efficaces, ou bien engager avec elles et plus largement, tous les innovateurs numériques, un dialogue exigeant au service du pluralisme, de l’innovation  continue  et  de  l’intérêt  général. On voit où se situent les préférences du Conseil national du numérique. Le numérique nous contraint à repenser le fonctionnement de nos systèmes collectifs, mais pour en retrouver  l’essence :  l’émancipation  de  citoyens  rendus   libres et autonomes, tant par leur éducation   que   par   le   fait   d’être   protégés  des  pires  aléas  de  l’existence   et insérés dans un tissu social solidaire.   Cet   objectif   s’atteindra   autrement, mais jamais sans volonté publique. En revanche, il exigera de la part des acteurs en charge de ces systèmes, une vraie dynamique de transformation - que nous décrivons par ailleurs dans  le  volet  précédent  du  présent  rapport  “Vers  une  nouvelle  conception  de  l’action   publique :  ouverture,  innovation,  participation”. Le numérique nous contraint à repenser le fonctionnement de nos systèmes collectifs pour en retrouver l’essence.
  • 266. ÉCONOMIE COLLABORATIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 265 Économie collaborative L’économie  collaborative  désigne  “les pratiques et les modèles économiques organisés en   réseaux   ou   communautés   d’usagers”   (OuiShare,   2012).   Elle   comprend   la   consommation collaborative178, le crowdsourcing, le crowdfunding, les monnaies virtuelles, ou encore la production en commun. Le périmètre du phénomène et sa qualification même (économie pair à pair, économie collaborative, économie du partage…)   sont   très   discutés,   mais   encore mal connus, difficiles à cerner et peu mesurés. Actuellement,   l’attention   se   focalise   sur   la   dimension   entrepreneuriale   de   cette   économie qui est puissante, créative, féconde et qui, selon les avis et les domaines, renouvelle, dépoussière ou détruit certaines des formes économiques et sociales qui lui préexistaient.   Il   s’agit   ici   d’adopter   une   approche   favorable   à   l’innovation   mais   défavorable  à  l’utilisation  de  l’argument  “collaboratif”  pour  détricoter  les  protections   sociales, sanitaires, des consommateurs, etc. Mais   l’économie   collaborative   appuyée   sur   le   numérique   peut   aussi   se   relier   à   deux   autres   dimensions   qui   n’auront   pas   aussi   spontanément   la   faveur   des   marchés   financiers,  et  auxquels  une  politique  publique  devrait  s’efforcer  de  ménager  une  place : Le  lien  entre  production  et  consommation  collaborative  d’une  part,  les  modes   coopératifs   d’organisation   et   de   financement   tels   qu’on   les   rencontre   dans   l’Économie sociale et solidaire et que la loi du 31 juillet 2014 cherche à étendre et moderniser d’autre  part ; Le développement de formes non marchandes de collaboration, de coproduc- tion  et  de  contribution,  allant  jusqu’aux  “communs”. L’anticipation  de  formes  de  plus  en  plus  diverses  de  travail,  d’activité  et  d’emploi  devra   peut-être aller également jusqu’à  réinventer  les  manières  de  mesurer  la  production  et   la   croissance   économique.   Pour   ne   prendre   qu’un   exemple : deux personnes qui s’échangent   une   heure   de   cours   de   guitare   en   ligne   contre   une   heure   de   plomberie   178 Consommation collaborative : “La   consommation   collaborative   est   un   modèle   écono- mique  favorisant  l’usage  sur  la  possession  et  permettant  d’optimiser  les  ressources via le par- tage,  le  troc,  la  revente,  le  prêt  ou  le  don  de  biens  et  services”  (Source  :  Rachel  Botsman,  What's Mine Is Yours: The Rise of Collaborative Consumption, 2010).
  • 267. ÉCONOMIE COLLABORATIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique266 détruisent-elles du PIB ou produisent-elles de la richesse sociale ? Or le numérique rend  possibles  de  telles  formes  d’échange  à  des  échelles  sans  comparaison  avec  celles   d’aujourd’hui. Comment  faire  pour  que  le  développement  de  l’économie  collaborative  ne  désigne  pas   uniquement le contournement de réglementations professionnelles, fiscales et/ou sociales, que ces réglementations soient ou non dépassées ? Comment faire pour qu’elle  soit  porteuse  d’externalités  positives  pour  l’économie  et pour la société ? 47. Améliorer notre compréhension des activités et des statuts porteurs de valeur économique, sociale et environnementale, y compris hors du cadre marchand classique Chaque secteur concerné par le phénomène collaboratif produit ses propres mesures, mais il   n’existe   pas   d’indicateurs   partagés   permettant   de   mieux   comprendre   cette   forme   économique   et   d’éclairer   les   débats   qui   l’entourent.   Il   est   donc   essentiel   que   l’action   publique   dans   cette   nouvelle   économie   soit   éclairée   préalablement   par   des   études  d’impact précises et objectives. Il  s’agit  essentiellement  de : Établir une typologie des modèles et  des  acteurs  de  l’économie  collabora- tive ; Quantifier   l’économie   collaborative, notamment le nombre d’entreprises,  d’associations,  d’individus  concernés,  selon  les typologies préa- lablement établies. Mesurer également les flux financiers concernés et la ré- partition de la valeur entre les parties prenantes ; Qualifier  l’impact  de  l’économie  collaborative  sur : -­‐ l’économie :   comment   en   mesurer   l’impact   en   termes   de   croissance   et   d’emplois,   sachant   qu’une   part   (elle-même à mesurer)   de   l’économie   collaborative   peut   faire   sortir   certains   échanges de la sphère marchande ? Quels déplacements de valeur entre entreprises installées et nouveaux acteurs, entre professionnels et particuliers ? Quels effets sur les dépenses et sur les revenus des ménages ? Quelle captation de valeur et de pouvoir au bénéfice des plateformes de cette économie collaborative ? Une telle captation est-elle problématique ?... -­‐ la société : quel est le bénéfice   social   dégagé   par   l’économie   collaborative ? Quelle est la nature des liens sociaux créés selon
  • 268. ÉCONOMIE COLLABORATIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 267 les différents modèles de cette économie ? Quel impact sur le “bien-être  social” ? Y a-t-il,  à  l’inverse,  des  risques  (quantification   des solidarités, nouvelles  formes  d’exploitation…) ? -­‐ l’environnement : l’économie   collaborative   est   souvent   présentée   comme   plus   durable,   proche   de   “l’économie   de   fonctionnalité”,  opposant  également  un  vaste  marché  de  seconde   main   à   l’”obsolescence programmée”.   Qu’en   est-il réellement ? Est-ce une motivation significative de ceux qui participent à des formes  d’économie  collaborative ? Des effets mesurables peuvent- ils être observés dans un sens ou un autre ? Afin   d’offrir   des   réponses   à   ces   nombreuses   interrogations,   qui demeurent partiellement   voire   entièrement   sans   réponses   aujourd’hui,   le   CNNum   estime   nécessaire   d’associer   institutions   scientifiques   et   acteurs   de   l’économie   collaborative   autour  d’un  vaste  programme  d’étude  et  de  recherche.  Il  est  essentiel  que  ces  études d’impact   associent   économistes   et   sociologues,   et   qu’elles   soient   menées   en   réseau   avec les projets existants, en France comme à l'international. Ces études pourraient être  supervisées  par  un  “observatoire  de  l’économie   collaborative”  qui  pourrait  être basé sur un réseau ouvert de contributeurs. ECHOS DANS LA CONCERTATION Plusieurs catégorisations par sous-ensembles de l’économie collaborative ont émergé dans les différentes contributions de la consultation : Certaines contributions proposent de distinguer l’économie contributive marchande et non marchande : l’association d’individus autour d’un objectif commun s’analyse différemment de l’organisation d’échanges marchands pair à pair par des plateformes. D’autres contributions insistent sur la nécessaire distinction entre consommation collaborative et production collaborative : les rapports collaboratifs ne peuvent se concevoir uniquement dans le cadre de rapports de consommation entre particuliers, mais doivent également être pris en compte dans celui de la production collaborative, s’organisant autour de contributions multiples de différents individus. Le critère de la modalité de participation à la structure collaborative permettrait de développer et de préciser ce qui précède en distinguant : -­‐ La consommation entre pairs relevant d’échanges de valeurs d’usages, de biens ou de services suivant une prestation et un tarif définis à l’avance. -­‐ La collaboration micro-productive relevant d’une contribution volontaire (avis, note, co-création, photo, vidéo, article) ou implicite (clic, déplacements de la souris, profil)
  • 269. ÉCONOMIE COLLABORATIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique268 au bénéfice d’une plateforme. Ce modèle s’organise sur l’inversion de la relation entre client et fournisseur. -­‐ La production contributive relevant d’une contribution intentionnelle dans l’objectif de construire un bien (fab lab, open hardware) ou un service (Wikipedia, Doctissimo) commun. Il peut être intéressant d’ajouter à ces catégorisations des distinctions en termes de modèle économique, notamment pour la consommation collaborative, qui ont déjà été développées, pour différencier : “Les systèmes de redistribution, qui permettent aux particuliers de s’adonner à la revente, au don ou au troc d’objets divers (Le Bon Coin, Etsy). Les systèmes produit-services, qui décrivent toutes les pratiques de location, de prêt et de partage de ressources matérielles entre particuliers (ici, pas de transfert de propriété). On parle également d’économie de la fonctionnalité (Airbnb, Peerby). Les services pair-à-pair (« on-demand services »), qui concernent les services entre particuliers en général, du covoiturage (BlaBlaCar) au jobbing (TaskRabbit) en passant par les cours entre particuliers (LiveMentor). Les systèmes locaux coopératifs, qui comptent sur la mobilisation des communautés locales sans recourir systématiquement à une plateforme en ligne (La Ruche qui dit Oui, La Louve, circuits courts, etc.).” Source: http://magazine.ouishare.net/fr/2015/03/sharevolution-la- consommation-collaborative-et-apres/ http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/111/avis/3370 48. Encourager l'économie collaborative tout en la régulant Préférer autant   que   possible   l’application   (ou   l’évolution)   du   droit   commun Les entreprises se réclamant de "l'économie collaborative" portent certes, pour beaucoup d'entre elles, des modèles d'affaires ou des manières de faire qui tranchent d’une  manière  très  féconde avec les habitudes de leur marché, mais cela ne suffit pas à les différencier de manière radicale des autres startups, numériques ou non. Le caractère  “collaboratif”  du  service  proposé  par  une  entreprise  ne  la  rend  en  tant  que   telle ni meilleure, ni  pire  qu’une  autre  entreprise  innovante  qui  ne  s’appuierait  pas  sur   un  tel  modèle.  Si  elle  mérite  d’être  soutenue,  c’est  au  même  titre  que  toutes  les  autres   entreprises  à  potentiel.  C’est  pourquoi,  pour  l'essentiel,  il  n’apparaît  pas  souhaitable  de   leur appliquer des règles spécifiques. Au contraire, il apparaît plus important d'appliquer le droit commun, qu'il s'agisse du droit de la concurrence, de la consommation ou du travail.
  • 270. ÉCONOMIE COLLABORATIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 269 S’agissant  en  particulier  des  réglementations  sectorielles  (on  pense  naturellement aux transports publics, à l'hôtellerie, aux auto-écoles,   etc.),   l’émergence   de   concurrents   “collaboratifs”   ne   devrait   pas   donner   lieu   à   la   création   d’autant   de   sous- réglementations spécifiques, forcément ad hoc et peu durables. Elle nous invite en revanche à revisiter ces réglementations afin, soit de les adapter, soit, si elles apparaissent obsolètes, de les adapter pour tout le monde. Vers  une  responsabilisation  des  plateformes  d’intermédiation En accord avec la définition proposée par le CNNum dans le présent rapport, une plateforme   est   un   service   occupant   une   fonction   d’intermédiaire   dans   l’accès   aux   informations, contenus, services ou biens édités ou fournis par des tiers. Les plateformes  d’intermédiation  de  l’économie  collaborative,  tout  comme  leurs modèles de développement basés sur la constitution de véritables écosystèmes dont elles occupent le centre, doivent donc également être soumises à un principe général de loyauté, à la fois envers les consommateurs et envers les professionnels, afin de préserver  un  espace  propice  à  l’innovation. Ce principe pourrait servir à créer une obligation de transparence accrue pour les plateformes  d’intermédiation  de  l’économie  collaborative  envers  les  travailleurs  qui  en   font la valeur, notamment sur les modes de rémunération, les tarifications et plus globalement leur modèle économique, afin de permettre à chaque utilisateur de connaître sa part de contribution dans l'ensemble des revenus générés de la plateforme. Reconnaître les droits et les responsabilités des  travailleurs  de  l’économie   collaborative Le fait que les utilisateurs participent eux-mêmes à la production du bien ou du service peut avoir des répercussions importantes : D’une  part,  cela  peut  conduire  à  des  logiques  de  professionnalisation  de  ce  qui   était au départ une pratique amateur ; D’autre   part,   l’économie   collaborative   entre   de   fait   en   concurrence   avec   les   secteurs  traditionnels  de  l’économie.  Cette  concurrence  est  d’ailleurs  considé- rée par certains comme déloyale : des différentiels de charges et de réglemen- tations sont souvent pointés comme facteurs de distorsions de marché. Elle pourrait  également,  à  long  terme  entraîner  la  migration  d’une  partie  du  travail   vers  un  secteur  plus  ou  moins  informel,  au  détriment  de  l’emploi  salarié. La reconnaissance   de   l’exercice   de   fait   d’une   activité   de   « travailleur collaboratif » permettrait aux personnes dont tout ou partie des revenus proviennent des plateformes de mise en relation de pair-à-pair,  d’avoir  accès  à  une  protection  sociale   (avec des modalités de déclaration simplifiées) mais aussi de contribuer aux charges
  • 271. ÉCONOMIE COLLABORATIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique270 sociales   et   fiscales   sous   des   régimes   qui   pourraient   selon   les   cas   être   celui   d’auto- entrepreneur voire de salarié. On pourrait alors distinguer  trois  types  d’activité : La prestation de services à la demande à titre onéreux entre pairs (exemple : UberPop),  pour  laquelle  le  statut  s’appliquerait  dès  le  premier  euro  gagné ; La   vente   de   valeurs   d’usage,   pour   laquelle   le   statut   s’appliquerait   lorsque   le   prix  d’une  vente  de  valeur  d’usage  dépasse  le  coût  d’usage  (type  barème  kilo- métrique) ; La  vente  d’objets  entre  pairs,  pour  laquelle  le  statut  s’appliquerait  lorsqu’un   certain  chiffre  d’affaires  est  dépassé  (cf.  “jurisprudence  eBay”). L’EXEMPLE D’EBAY POUR LA DEFINITION D’UN SEUIL D’ACTIVITE PROFESSIONNELLE “Juridiquement, une activité professionnelle se définit par un ensemble de critères : chiffre d'affaires, vitesse de rotation des stocks, but lucratif, régularité des ventes, etc. Sur cette base, nous avons retenu les critères les plus accessibles et les plus importants au regard des règles fiscales et sociales : le chiffre d'affaires réalisé sur le site et la régularité des ventes. Nous avons ainsi créé des seuils d'alerte permettant une première détection de présomption d'activité professionnelle : 2000 euros de volume d'affaire pendant 3 mois consécutifs.” Source : http://actualites.ebay.fr/showitem&id=437 Lorsque de nouveaux entrants recourent en majorité à des entrepreneurs indépendants, le risque est que ces derniers soient mécaniquement incités à enchérir toujours plus bas le prix de leurs prestations. Cela en dépit des règles de protection sociale et alors même  qu’il  leur  est  plus  difficile  de  s’organiser  en  syndicats.  Le  cas  des   graphistes et des designers est fréquemment cité en exemple. Ce problème risque de s’étendre   avec   les   plateformes   de   services   à   la   demande.   La   question   pourrait   également se poser sur la   contribution   de   l’employeur   de   fait   à   l’acquisition   et   l’entretien  de  l’outil  de  travail  (une  automobile,  du  matériel  de  dessin,  etc.) : si ces frais sont entièrement pris en charge par les individus, il y a de fait un transfert des risques vers eux et une  distorsion  possible  de  concurrence  avec  les  employeurs  “classiques”. S’il  s’avère  que  ces  nouvelles  formes  de  travail  se  généralisent,  la  question  des  formes   d’action  collective  accessibles  à  ces  “travailleurs collaboratifs”  deviendra  donc  de  plus   en plus  pressante.  Certaines  associations  de  “conducteurs basés sur des applications”   ont  par  exemple  d’ores  et  déjà  vu  le  jour  aux  États-Unis. Dans ces conditions, il faudra donc engager une réflexion sur un aménagement du droit du travail afin que ce dernier puisse être appliqué. Cet aménagement pourrait notamment concerner les droits tels
  • 272. ÉCONOMIE COLLABORATIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 271 que   le   recours   collectif   (l’action   de   groupe   en   droit   français),   la   représentation   syndicale ou encore le droit de grève, autant de droits qui permettrait aux utilisateurs des plateformes de faire-valoir leurs intérêts. 49. Rendre visible et accompagner une économie contributive, coopérative, facteur de cohésion et d’innovation sociales Les   nouvelles   relations   de   particulier   à   particulier   induites   par   l’économie   collaborative sont parfois des occasions de générer de nouvelles formes de sociabilité : Fab labs,  plateformes  de  partage  d’objets  entre  voisins,  systèmes  d’échanges  locaux,   etc. Ces innovations sociales qui vont souvent de pair avec un ancrage local fort, remplissent à la fois des fonctions économiques, sociales et territoriales, même - voire surtout - lorsqu’elles  ne  s’appuient  pas  sur  des  échanges  marchands. Les formes de production collaboratives se rapprochent des modes coopératifs d’organisation   et   de financement   des   entreprises   de   l’économie   sociale   et   solidaire.   Bien que présentant des synergies potentielles avec les objectifs des politiques de la ville ou plus largement des politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale, ces modèles sont souvent mal compris donc mal pris en compte par  l’action  publique.   Des   évaluations   de   politiques   publiques   incluant   dans   leurs   études   d’impact   les   facteurs économiques, fiscaux, environnementaux et sociaux de ces modèles doivent donc être réalisées, tout comme un état des lieux des projets réalisés en France comme à   l’international,   afin   de   pouvoir   lancer   une   sensibilisation   et   une   formation   des   acteurs publics, notamment locaux, à ces enjeux. On   pourrait   à   cette   fin   s’appuyer   sur   les   définitions   qui   s’affinent   de   “l’innovation   sociale”,  pour  qualifier  une  “économie collaborative sociale”,  pour  partie  distincte  de   l’économie   collaborative   “capitaliste”.   La   Commission   européenne   décrit   en   effet   l’innovation  sociale  comme  "le  développement  et  la  mise  en  œuvre  de nouvelles idées (produits, services et modèles) pour répondre à des besoins sociaux et créer de nouvelles relations ou collaborations sociales." Elle ajoute que ces innovations "sont sociales à la fois dans leurs finalités et dans leurs moyens" : les moyens de produire de la valeur et la répartition de cette valeur sont également importants. Cette définition  permet  d’intégrer  - sans  pour  autant  s’y  limiter  - les  modèles  de  l’économie   sociale et solidaire traditionnelle, basés sur la non-lucrativité ou une lucrativité limitée et des modes de gouvernance démocratique. Penser   et   inscrire   l’économie   collaborative   sociale   dans   les   politiques   publiques locales À cette   fin,   il   est   essentiel   de   reconnaître   l’importance   des   territoires   comme   laboratoires  d’expérimentation, pour des politiques publiques intégrant plus fortement les modèles de consommation et de production mutualisés ou en pair à pair, et donc
  • 273. ÉCONOMIE COLLABORATIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique272 l’initiative   des   particuliers   dans   la   création   d’innovation   et   de   bien   social.   Le   développement du partage et de la gestion de ressources en commun dans le domaine de la mobilité (covoiturage, flottes partagées), de la création, des loisirs, du logement, des espaces de travail (coworking, makerspaces), des services à la personne, des monnaies (monnaies locales), voire  encore  de  l’agriculture  urbaine  (jardins  partagés)   ou  de  l’énergie  (production  décentralisée  et  d’échange  sur  une  base  communautaire),  a   d’ores   et   déjà   été   reconnu   par   certaines   villes   comme   un   outil   pour   une   meilleure   utilisation   des   “capacités dormantes”,   comme   créateur   de   nouveaux   liens   entre   les   individus et comme moyen de favoriser des circuits économiques plus courts, qui relocalisent  une  partie  de  l’économie  dans  les  territoires. Les initiatives en ce sens doivent être soutenues et diffusées, afin   d’accompagner   l’accès   au   plus   grand   nombre   à   ces initiatives. Ces considérations devraient notamment faire partie des projets en matière de smart cities, ainsi que des actions publiques   (par   exemple   dans   le   cadre   des   “Investissements   d’avenir”)   qui   en soutiennent le développement. LE PROGRAMME “SHARING CITY” DE LA VILLE DE SEOUL Dans un contexte de densité urbaine extrêmement forte, de chômage des jeunes, d’une population vieillissante en manque de soins, de problèmes de pollution, mais aussi de hauts degrés de littératie numérique et d’une couverture réseau très large, la ville de Séoul a décidé de lancer un plan ambitieux de promotion du partage, avec comme objectifs principaux de redonner un sens à la communauté, de créer une plus grande connectivité, un cadre de confiance, de renforcer les relations sociales locales, de permettre une véritable résilience à tous les niveaux, et d’augmenter les opportunités d’innovation sociale à l’échelle « hyper locale ». Ainsi, la ville souhaite également permettre d’augmenter les revenus locaux, de créer de l’emploi, de promouvoir une consommation plus durable et de réduire les déchets. La ville a donc lancé plusieurs programmes depuis 2013, notamment sur la mise à disposition gratuite d’immeubles publics pendant les périodes d’inactivité (utilisés plus de 20 000 fois par an), un programme de mise en relation intergénérationnelle, de partage de voiture, de promotion du troc ou encore du recours à des monnaies locales. Le bureau de l’innovation de la ville travaille également directement avec les acteurs de l’économie collaborative par la création d’un programme d’incubation ou encore l’élaboration commune de système d’assurances adaptées à ces nouvelles formes de partage. Source: “Seoul Metropolitan Government Act for Promoting Sharing”; “Seoul Sharing City - Executive Summary” (texte en anglais)
  • 274. ÉCONOMIE COLLABORATIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 273 dapter les schémas de promotion des achats publics socialement responsables  aux  externalités  positives  de  l’économie  collaborative Comme  prévu  dans  la  loi  ESS,  il  est  essentiel  d’inciter  plus  fortement  à  l’utilisation  de   clauses sociales qui figurent déjà dans le code des marchés publics et représentent un levier non négligeable de la puissance publique. Il est important de les adapter pour qu’elles  intègrent  toutes  les  formes  d’externalités  positives  sociales. En attribuant des marchés publics à des acteurs proposant des services basés sur le partage, l'échange de pair à pair, la coproduction, etc., les autorités publiques serviraient la responsabilisation   et   l’augmentation   du   pouvoir   d’agir   des   citoyens,   tout en bénéficiant de nouveaux choix pour la commande publique. Une telle mesure serait un vecteur  fort  d’inclusion  et  de  cohésion  sociale. Un prérequis à cet aménagement serait bien entendu la démonstration, par les études d’impact  citées  dans  la  recommandation  précédente,  de  synergies  effectives  entre  les   systèmes  locaux  coopératifs  de  l’économie  collaborative  et  la  notion  de  développement   durable,   telle   que   définie   dans   l’article   5   du   code des marchés publics.
  • 275. BIENS COMMUNS ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique274 Biens communs et numérique Les   communs   désignent   l’activité   des   communautés   qui   s’organisent   et   se   régulent   pour protéger et faire fructifier des ressources matérielles ou immatérielles, en marge des régimes de propriété publique ou privée. Jardins partagés, ateliers de réparation, pédibus179, semences libres, cartes participatives enrichies par les habitants, savoirs versés dans Wikipédia par des milliers d'internautes, logiciels libres, science ouverte, échanges de savoirs, ... les initiatives fleurissent. En générant et partageant des ressources en dehors des régimes classiques de propriété, en s'appuyant sur l'innovation sociale des individus et des collectifs, les communs ouvrent des approches alternatives qui privilégient la valeur   d’usage   des   ressources   (l’intérêt   pour   les   individus   et   les   collectivités)   plutôt   que   leur   valeur   d’échange   (leur   monétisation),   pour répondre aux grands enjeux auxquels nos sociétés doivent faire face dans cette période de transition. L’avènement   de   l’informatique et le développement des premiers logiciels ont été accompagnés   de   l’essor   d’une   culture   du   partage   et   de   la   coopération,   incarnée   notamment par le mouvement du logiciel libre. Une culture qui se retrouve aussi dans les protocoles ouverts d'échanges, bases du réseau internet. Les contributions de communautés de développeurs à la réalisation de logiciels largement utilisés ou la rédaction  collaborative  d’articles  d’encyclopédie  montrent  l'efficacité  et  la  robustesse   de ce mode de production. Les règles de gouvernance qui y sont associées en permettent le libre usage, l'amélioration continue et la pérennité, tout en facilitant la diffusion des ressources produites. L’irruption  massive  du  numérique  dans  la  plupart  des  champs  de  l’activité  humaine   crée   des   situations   nouvelles   où   les   réseaux   facilitent   l’émergence   de   larges   communautés distribuées, susceptibles de se mobiliser pour créer et partager les savoirs.   Ces   communs   de   la   connaissance   sont   autant   de   gisements   d’initiatives,   de   créativité et de mobilisation des individus dans un but collectif. Le numérique, qui permet  la  copie  et  la  diffusion  à  un  coût  très  faible,  a  en  effet  permis  de  s’affranchir  des   limites territoriales et de changer d'échelle. Les communs, qu'il s'agisse de logiciels ou de contenus,  ne  sont  pas  pour  autant  synonymes  de  “gratuité” : les sociétés de services en logiciel libre (SSLL) commercialisent par exemple des services en adaptant les 179 Autobus pédestre, principalement utilisé dans le cadre du ramassage scolaire.
  • 276. BIENS COMMUNS ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 275 logiciels à des besoins spécifiques. Une entreprise comme Sésamath vend par exemple ses manuels papiers. Les  communs  numériques  sont  aujourd’hui  reconnus  comme  un  moteur  d’innovation   économique et sociale qui a favorisé le développement de tout un secteur d'activités (comme celui des SSLL basées sur les services plutôt que sur les redevances, particulièrement   vivant   en   France).   Les   potentiels   d’une   diffusion   ouverte   de   l’information  réutilisable  sont  par  ailleurs  au  cœur  du  mouvement  de  l’open data, qui promeut la mise à disposition des données publiques, tant pour le libre accès des citoyens à l’information  que  pour  le  développement  de  nouveaux  services. Les  bénéfices  de  cette  diffusion  ouverte  sont  aujourd’hui  encore  trop  peu  exploités  par   la  société  dans  son  ensemble.  Bien  souvent,  ils  sont  captés  pour  l’essentiel  par  les  plus   grands acteurs, notamment les plateformes web déjà bien établies, qui, en croisant les apports des communs avec leurs propres ressources, font de la prédation un risque bien   réel.   La   réponse   à   ce   risque   ne   peut   être   celle   d’un   retour   en   arrière,   d’une   renonciation au mouvement   d’ouverture.   Il   s’agit   bien   d’avantage   de   viser   le   développement   de   la   capacité   d’un   plus   grand   nombre   d’entreprises,   associations,   acteurs publics, chercheurs, médias, etc. à contribuer et participer aux communs, et surtout à en utiliser les ressources. La  contribution  de  l’État,  des  services  publics  et  des  collectivités  aux  communs  ne  doit   effectivement pas se limiter à un soutien financier, mais également passer par une promotion  et  une  démocratisation  d’une  culture  de  la  réciprocité,  du  partage  et de la contribution aux communs. En valorisant le domaine public180, en élargissant des communs, les services publics participent à ce mouvement vers une société contributive où chacun - à son niveau et selon son envie - peut participer à enrichir un patrimoine mis en communs. Le  développement  des   biens  communs  du  numérique  est  aussi  l’occasion  d'inventer   des coopérations fructueuses entre acteurs publics, contributeurs et acteurs économiques,  comme  le  montre  l’exemple  de  la  collaboration  entre  l'Institut  national de l'information géographique et forestière (IGN), la Poste et OpenStreetMap autour de la constitution de la Base adresse nationale (BAN). Enfin, l'implication des pouvoirs publics passe par une adaptation de certains cadres juridiques afin de favoriser ce nouveau mode de production, notamment dans les marchés publics, les études et les délégations de service public. 180 Domaine public : Le domaine public désigne  toutes  les  inventions,  les  œuvres  de  l’esprit,   les données, les découvertes, les démonstrations scientifiques et les informations brutes, dispo- nibles pour toute publication, réutilisation ou modification, sans la nécessité de négocier une autorisation. Par extension, on parle de domaine public consenti quand les auteurs ou inven- teurs décident volontairement, par le biais de licences, de placer leurs travaux sous un régime autorisant les réutilisations, sans attendre l'expiration de l'exclusivité des droits patrimoniaux.
  • 277. BIENS COMMUNS ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique276 Le rôle de la puissance publique consiste donc à ménager une place aux communs en suscitant leur développement et leur valorisation. Son  rôle  est  également  d’assurer  une   protection des biens communs et du domaine public (notamment contre les phénomènes  d’enclosure181)  tout  comme  elle  protège  les  droits  d’auteur,  car  ces  deux   protections ont vocation à coexister. 50. Encourager le développement des communs dans la société Dans des domaines émergents comme la fabrication numérique ou les ressources éducatives, les communs sont un élément structurel de développement. Les projets autour des communs doivent être encouragés et valorisés. Cela peut passer par : L'encouragement de la participation des acteurs publics à la pro- duction de communs, numériques ou non : contributions des archives, des  musées  et  des  universités  à  Wikipedia,  des  services  d’information  géogra- phique (SIG) des collectivités territoriales et administrations à OpenStreet- Map,   numérisation   de   contenus   mis   en   “communs”…   mais   aussi   l'extension   des open data, des opérations de numérisation d'archives par les utilisateurs, etc. ; Une meilleure compréhension et la promotion des licences ou- vertes telles que Creative Commons, General Public Licence (GPL), ou Open Database Licence (ODBL), qui permettent d'ouvrir les libertés d'usage sans déposséder le contributeur. Une réflexion spécifique sur les manières d'en sécuriser les conditions de réutilisation doit être entamée ; Comme le préconise le rapport Lemoine, un soutien public aux orga- nismes  à  but  non  lucratifs  (associations,  fondations…)  contribuant   de façon importante aux communs, dans le respect des valeurs de la Ré- publique, de liberté, d’égalité,   de   fraternité,   de   laïcité   et   d’égalité   entre   les   femmes et les hommes ; Garantir la liberté de panorama pour  les  photographies  d'œuvres  visibles   depuis   l'espace   public,   à   l’instar   de   ce   qui   a   été   consacré   en   Allemagne,   au   Royaume-Uni, en Espagne… et une majorité de pays en Europe. 181 L’enclosure  désigne  à  l’origine  l’action  d’enclore  un  champ.  Le  mouvement  d’enclosure  fait   plus généralement référence à l'appropriation par des propriétaires privés d'espaces préalable- ment dévolus à l'usage collectif.
  • 278. BIENS COMMUNS ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 277 51. Définir une politique de mise en commun des contenus produits par les collectivités et acteurs publics Le mouvement des données ouvertes a fait reconnaître le partage et la réutilisation des informations publiques à la fois comme un facteur de transparence, une source d'efficience et un accélérateur de l'innovation. Cette ouverture concerne aussi les contenus produits par les collectivités et les acteurs publics : études, enquêtes, sites web, etc. Les informations, archives, données ou logiciels produits par les administrations dans le  cadre  de  leurs  missions  ne  doivent  plus  se  gérer  comme  du  patrimoine  qu’il  faudrait   administrer mais comme des biens communs informationnels dont il est nécessaire de maximiser la diffusion auprès des citoyens. Le partage et la réutilisation de l'information publique participe à une mission d’intérêt   général.   Cette   reconnaissance des informations publiques comme un bien commun est un changement qui doit être accompagné dans une culture où la  rétention  d’information  confine  à  l’habitude. La mise en communs peut être développée par la mise en place de clauses dans les marchés publics ainsi que dans les appels à projets, assurant le caractère public, partagé et réutilisable des études et contenus financés par l'argent public. LA MISE EN COMMUN DES PRODUCTIONS PEDAGOGIQUES DES ACTEURS PUBLICS Tout un mouvement de l'éducation ouverte avec des plateformes dont les contenus sont réutilisables se développe (Open education, Khan Academy, Sésamath, FUN, ou encore Openclassroom), mouvement auquel l’enseignement français doit se joindre. Les productions pédagogiques des enseignants destinées à la classe sont indispensables à l’activité des établissements d’éducation, et à ce titre ne sont pas couvertes par le droit d’auteur (Article L131-3-1) En revanche les productions pédagogiques éditées par les enseignants sous la responsabilité d’un éditeur, sont régies par le droit d’auteur car elles ne sont pas indispensables à leur activité d’enseignement (article L111-1 du CPI). Pour les productions pédagogiques directement utilisées en classe, le partage à l’intérieur d’un établissement devrait être systématisé (intranet de collège, de lycée…). Plus largement, les enseignants doivent être encouragés au partage et aux pratiques collaboratives au-delà de l’établissement (cf. Rapport du CNNum Jules Ferry 3.0)
  • 279. BIENS COMMUNS ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique278 52. Définir positivement et non par exception le domaine public et favoriser son élargissement Le domaine public est une source de richesse dans un monde numérique qui facilite la diffusion,  la  réutilisation  et  la  réappropriation  des  œuvres  par  tous.  Mais  il  n'est  défini   que de manière négative dans le code de propriété intellectuelle : on y entre lorsque la durée de protection du droit d'auteur prend fin. Le CNNum souscrit à l'approche présentée dans rapport de la juriste Valérie-Laure Benabou sur les « créations transformatives »182 remis au CSPLA en octobre 2014, qui propose « d'initier une réflexion publique sur la définition positive du domaine public “immatériel”,   son   régime   et   son   opposabilité   pour   éviter   le   développement   des   pratiques  d’appropriation  ou  d’intimidation  qui  conduisent  à  compliquer,  sans  cause   légitime,  voire  à  interdire  l’accès  à  des  ressources  culturelles  communes. » Le rapport Lescure183 avait adopté une position similaire en 2013, en suggérant « de renforcer la protection  du  domaine  public  dans  l’univers  numérique  et  d’établir  dans  le  code  de  la   propriété intellectuelle une définition positive du domaine public. » La numérisation des contenus culturels du domaine public, détenus par les établissements   publics,   ne   peut   conduire   à   l’imposition   de   nouvelles   limitations   à   l’usage   des   œuvres   (cf. copyfraud184).   Il   s’agit   d’un   travail   porté   par   la   puissance   publique  et  non  d’un acte créatif. Par ailleurs, les données publiques produites par les institutions culturelles (ex :   métadonnées   sur   les   œuvres,   statistiques   de   fréquentation…)   devraient rejoindre le régime général des données publiques. Disposer   d’une   définition   positive du domaine public présente plusieurs intérêts : Alors   que   le   domaine   public   immatériel   est   menacé   par   l’évolution   du   droit   (extension des durées et des champs de la propriété intellectuelle) et des tech- niques (DRM185,  dépendance  des  œuvres  à  leur  plateforme de diffusion), cela permettrait  de  garantir  le  maintien  de  l’usage  collectif ; Cela favoriserait le travail des acteurs du service public dans la prise de déci- sion concernant le patrimoine dont ils ont la charge ; 182 http://static.pcinpact.com/medias/rappport-oeuvres-transformatives.pdf 183 http://www.culturecommunication.gouv.fr/var/culture/storage/culture_mag/rapport_lescure/ index.htm#/1 184 La  “copyfraud”  est  une  fausse  déclaration  de  possession  de  droit  d'auteur  faite  dans  le  but   d'acquérir  le  contrôle  d'une  œuvre  quelconque. 185 Le digital rights management (DRM), ou la gestion numérique des droits (GND) désignent des dispositifs  techniques  destinés  à  contrôler  l'utilisation  qui  est  faite  des  œuvres numériques. Ces dispositifs peuvent s'appliquer à tous types de supports numériques physiques (disques, DVD, Blu-ray, logiciels, etc.) ou de transmission (télédiffusion, services Internet, etc.).
  • 280. BIENS COMMUNS ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 279 Les cas de copyfraud et en particulier  de  réappropriation  indue  d’œuvres  ap- partenant au domaine public seraient plus facilement identifiables ; Un débat national portant sur cette définition positive du domaine public permettrait   de   définir   collectivement   les   différentes   formes   d’entrée   dans le domaine public :  extinction  de  la  durée  d’exclusivité,  nature  des  travaux  intel- lectuels concernés (ex :  théorèmes…)  ou  de  la  décision  des  auteurs  de  placer   leurs  œuvres  sous  des  licences  ouvertes. Une définition positive du domaine public favoriserait sans doute un alignement des textes avec la pratique du droit. En tout état de cause, l'application faite par les juges du droit va dans le sens de la défense du domaine public contre des tentatives de réappropriations  frauduleuses  détournant  l’essence  et  le fondement même des droits d’auteur. En parallèle, le CNNum recommande de mettre en place et de développer des outils maintenus collectivement par la puissance publique avec la participation des individus intéressés,  permettant  de  déterminer  le  statut  d’une  œuvre,  à  l’instar  du  Calculateur   du  domaine  public  initié  par  l’Open  Knowledge  Foundation  France  et  le  ministère  de   la Culture et de la Communication (http://calculateurdomainepublic.fr/) ou encore du répertoire de la SACEM (http://www.sacem.fr/oeuvres/oeuvre/index.do). 53. Faire de la publication ouverte une obligation légale pour la recherche bénéficiant de fonds publics L’information  scientifique   produite  par  les  chercheurs  des  universités et organismes de recherche constitue une part fondamentale du patrimoine scientifique commun de l’humanité.   Cette   information,   dont   la   communication   et   l’accessibilité   sont   une   condition   vitale   de   l’activité   de   recherche,   est   aujourd’hui   publiée   dans   des revues scientifiques spécialisées qui coûtent des dizaines de millions d'euros aux institutions de recherche françaises et dont le prix d'accès augmente de près de 7 % par an depuis 10 ans186. La conservation et la diffusion des résultats de la recherche sont des missions de service public. Un mouvement de publication ouverte existe déjà via les entrepôts d’archive  ouverte  des  universités  et  organismes,  ou  via  la  plateforme  HAL.  Aujourd’hui   un   cadre   législatif   adapté   permettrait   d’encourager   ce   mouvement   amorcé par des membres de la communauté scientifique. La loi française doit prévoir que : 186 Académie des sciences - Les  nouveaux  enjeux  de  l’édition  scientifique - Octobre 2014. http://www.academie-sciences.fr/presse/communique/rads_241014.pdf
  • 281. BIENS COMMUNS ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique280 la   version   de   l’auteur   déposée   dans   une   archive   institutionnelle   reste en accès libre, quelles que soient les suites éditoriales données à ces travaux  (à  l’image  du  “droit  d’exploitation  secondaire”  reconnu  dans  la  loi  al- lemande) ; après   un   court  délai   d’embargo  permettant  l’activité  commerciale   de   l’éditeur,   toutes   les   publications   scientifiques   financées   sur   fonds publics doivent être librement accessibles, soit dans des revues ouvertes  soit  dans  un  dépôt  institutionnel  (à  l’instar  des  lois  votées  en  Alle- magne, Italie et du programme Horizon 2020 de la commission européenne). Enfin, le CNNum encourage les chercheurs à mettre en accès libre des données brutes et anonymisées de la recherche à chaque fois que cela ne se heurte pas à des questions déontologiques ou de vie privée.
  • 282. SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 281 Société numérique inclusive Plus   d’un   an   après   le   rapport   du   Conseil   national du numérique sur l’inclusion,   “Citoyens   d’une   société   numérique”187, les idées développées ont  fait  leur  chemin.  Beaucoup  d’entre  elles  sont  issues  des  pratiques  des   acteurs de la médiation. Le CNNum avait insisté sur la nécessité de ne pas aborder les enjeux de l'accès au numérique uniquement par le prisme de l'idée de fracture numérique, réductrice par rapport à l'ampleur des enjeux. Face au numérique, chacun est "à risque" puisque tout le monde est mis en situation d'apprentissage permanent. Ces enjeux   appellent   une   ambition   d'ensemble   s’ajoutant   aux   efforts   particuliers   indispensables vis-à-vis des publics éloignés du numérique, des problématiques d'équipement   et   de   couverture   du   territoire.   Les   questions   d’accès   et   d’équipement   sont  aujourd’hui  perçues comme la partie émergée de problèmes plus profonds, qui ne concernent   pas   uniquement   les   personnes   éloignées   du   numérique.   Aujourd’hui   chacun   comprend   que   l’action   à   mener   se   trouve   au   niveau   des   usages,   de   l’appropriation   d’un   pouvoir   d’agir   augmenté   par   le   numérique.   L’ambition   doit   se   situer au niveau de la compréhension par chacun de la révolution numérique en cours et de la construction de nouvelles formes de sociabilité et de solidarité. Une certitude partagée a émergé de la concertation : la médiation est incontournable. Les besoins d'accompagnement au numérique concernent déjà tous les contextes : entreprise, administration, famille, école, associations… Les besoins de médiation apparaissent aussi dans tout ce qui a trait à la mise en œuvre des services publics. La médiation ne peut plus être conçue comme une fonction "de rattrapage”.  À l’heure  de  la  dématérialisation,  du  pouvoir  croissant  des  machines  et   de la désintermédiation des secteurs traditionnels par des plateformes et des services toujours plus influents, son importance s'accroît en tant que besoin social. Elle est au cœur   de   la   métamorphose   numérique   de   la   société :   les   citoyens   ont   besoin   d’être   accompagnés dans cette transition qui touche notre façon de travailler, de nous soigner,   d’apprendre,   de   nous   déplacer,   de   produire,   de   créer,   de   partager.   Ils   ont   besoin  d’en  comprendre  les  codes  et  d’identifier  les  leviers  vecteurs  de  pouvoir  d’agir.   Les   contributeurs   ont   eux   aussi   mis   l’accent   sur   ce   besoin   d’investir   réellement dans la diffusion de la culture numérique à tous les niveaux, y 187 http://www.cnnumerique.fr/inclusion/
  • 283. SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique282 compris chez les décideurs publics et privés ;;   c’est-à-dire investir dans la littératie numérique188.   Ils   ont   aussi   souligné   la   myriade   d’initiatives   existantes   sur   les   territoires, qui restent souvent trop peu visibles et isolées les unes des autres. Se posent  dès  lors  des  questions  d’organisation,  de  la  mutualisation  des  initiatives  et  de   leur  passage  à  l’échelle.  Comment  les  pérenniser  dans  le  temps,  soutenir  les  acteurs   qui les portent tout en encourageant  l’implication  d’un  plus  grand  nombre  d’acteurs,  y   compris en dehors du spectre traditionnel de la médiation ? Dans  la  lignée  de  son  rapport  “Citoyens  d’une  société  numérique”  et  compte  tenu  du   contexte et des avancées en cours, le Conseil estime   que   l’action   prioritaire   doit   consister à : 54. Valoriser et structurer les métiers de la médiation numérique L’activité   de   médiation   est   trop   souvent   comprise   comme   une   fonction   sociale   transitoire, amenée à prendre de moins en moins de place au fil de  l’amélioration  des   services  (simplification,  réactivité,  ergonomie…),  de  la  montée  en  compétences  et  de   l’autonomisation   des   citoyens.   Or   les   évolutions   des   technologies,   des   usages,   des   services nous montrent le besoin croissant et de plus en plus diversifié d’accompagnement  des  citoyens  face  à  cette  révolution  numérique  qui  bouleverse  les   codes,  la  façon  de  recevoir  et  d’acquérir  l’information,  et  de  coopérer.  L’installation  de   médiations  durables  qui  s’appuient  sur  le  numérique  est  aujourd’hui  plus  que jamais, une exigence. La   diversification   et   l’intensification   des   besoins   de   médiation   numérique   sont   proportionnelles à celles des usages numériques. Le  CNNum  recommande  d’adresser  ces  besoins  par  une  action  centrée  sur   quatre volets prioritaires : Reconnaître et pérenniser les métiers de la médiation numérique sous toutes ses formes et sur l’ensemble du territoire : La fonction de médiateur est insuffisamment reconnue sur le plan professionnel. La médiation numérique demande des compétences spéci- fiques : accompagnement   et   attentions   aux   personnes,   capacités   d’initiative,   capacité  à  susciter  l’intérêt,  savoirs  faires  pédagogiques…  Sa  valorisation  pour- ra   s’appuyer   sur   la   création   d’une   fiche   métier   et   d’un   code   ROME   188 L'OCDE définit la littératie comme « l'aptitude à comprendre et à utiliser le numérique dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité  en  vue  d’atteindre  des  buts  person- nels  et  d’étendre  ses  compétences  et  capacités  ».  (OCDE,  «  La  littératie  à  l'ère  de  l'information  »,   2000, http://www.oecd.org/fr/Éducation/etudespays/39438013.pdf)
  • 284. SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 283 (Répertoire Opérationnel des Métiers et des Emplois), voire l’intégration  d’une  spécificité  métier  de  médiateur  numérique  dans   les filières et les concours de la fonction publique territoriale. Qui dit nouveau métier, dit aussi création  d’un  référentiel  de  certification   propre à la médiation numérique en formation initiale et continue. Cette filière de formation pourrait être conçue avec des dispositifs de compa- gnonnage au sein des Espaces publics numériques (EPN), des services publics et des tiers lieux ; Les travailleurs sociaux se retrouvent souvent en première ligne pour répondre à la demande croissante de médiation numérique. Or, ceux-ci ne sont ni formés à la médiation numérique, ni toujours utilisa- teurs  du  numérique  dans  l’exercice  quotidien  de  leurs  métiers  où  la  priorité  est   donnée   à   l’accompagnement individuel. La dématérialisation des services amène   pourtant   de   nouvelles   problématiques   d’accès   aux   droits   sociaux.   Il   faut  reconnaître  et  valoriser  l’importance  de  la  médiation  numérique  dans  les   métiers  des  travailleurs  sociaux,  en  l’intégrant dans leur formation initiale et en assurant la formation des travailleurs sociaux déjà en poste. Il est égale- ment  important  d’inciter  et  d’outiller  le  travail  en  réseau,  l’échange  de  bonnes   pratiques  entre  acteurs  du  tissu  associatif  et  de  l’action  sociale, et le dévelop- pement des pratiques collaboratives. Pour aller au bout de la démarche, de nombreux contributeurs proposent de constituer une  filière  métier  à  part  entière,  avec  la  mise  en  place  d’une  convention  collective  de  la   médiation numérique. Mais les besoins en médiation numérique sont extrêmement variés.  Chacun  reconnaît  en  effet  qu’une  approche  “one size fits all”  est  irréaliste.  C’est   pourquoi   le   CNNum   recommande   de   préserver   des   portes   d’entrée   diverses   à   la   fonction et aux lieux de médiation numérique. Un socle commun de compétences, déclinées dans la diversité des contextes pour une intégration plus globale et diffuse des fonctions de médiation dans la société : -­‐ Définir un socle commun de compétences des médiateurs du numérique. Celles-ci devront évoluer, avec le développement des usages et des technologies, et être une base de la formation initiale et continue des médiateurs. Il pourra aussi être intégré à différents niveaux (sensibilisation, capacité à, etc.) dans les formations des acteurs du service public ; -­‐ Décliner et enrichir les référentiels de compétences pour prendre en compte la diversité des métiers concernés (travailleurs sociaux, services  publics,  acteurs  associatifs,  formation  continue…) ;
  • 285. SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique284 -­‐ Mettre en place des référents de la médiation numérique dans les services publics locaux. Cette valorisation des profils de la médiation ne pourra se faire sans   un   travail   d’attractivité   sur   ces   métiers, le plus souvent exercés aujourd’hui  par  des  acteurs  eux-mêmes en situation précaire : -­‐ Élargir les champs de la médiation à de nouveaux secteurs, notamment du côté des TPE et PME qui ont besoin d’accompagnement  pour  leur  transformation  digitale,  en  lien  avec   les  chambres  de  commerce  et  d’industrie ; -­‐ Valoriser les profils de la médiation par des campagnes nationales de communication (TV locales et nationales, PQR, presse générale), des assises nationales et régionales de la médiation numérique   et   par   l’organisation   de   rencontres   et   d’événements   locaux, donnant à voir les innovations du territoire. Une mise en réseau des lieux et initiatives de la médiation : À l’image   des   écosystèmes   FrenchTech   qui   ont   su   regrouper   l’ensemble   des   acteurs   concernés   par   l’entrepreneuriat   numérique,   il   s’agit   ici   d’identifier,   de   faire   se   rencontrer, les acteurs de la médiation numérique pour développer les réseaux coopératifs territoriaux, facteur de mutualisation et de diffusion. Le CNNum recommande une organisation de ces lieux autour de quatre principes : Établir  un  état  des  lieux  de  l’existant : si les EPN (Espaces publics numé- riques) sont un élément structurant de la médiation numérique, celle-ci  s’est   aujourd’hui   largement   diversifiée.   Il   importe   donc   d’en   établir   l’inventaire   dans la diversité des lieux et métiers. En établissant une cartographie, la col- lectivité locale rend accessible aux habitants des lieux de médiation qu’ils  ne   connaissent pas forcément ; Élargir la médiation numérique à des lieux à proximité des habi- tants : on ne peut pas attendre que des personnes non sensibilisées à l’importance  du  numérique  se  déplacent  jusqu’à  des  EPN.  La  médiation  nu- mérique concerne aujourd’hui  toute  une  série  de  services  publics  et  de  lieux   associatifs  (bureaux  de  poste,  équipements  de  quartiers,  bibliothèques…)  qui   peuvent   aussi   accompagner   les   habitants   dans   la   recherche   d’informations,   l’accès  aux  services  publics  et  l’usage  d’un ordinateur ; Miser sur la mobilité : en milieu rural, les tiers-lieux et les EPN mobiles (notamment   avec   les   bus)   permettent   un   maillage   territorial   de   l’inclusion   numérique à proximité des habitants, dans une dimension intercommunale ;
  • 286. SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 285 Organiser des réseaux coopératifs territoriaux des acteurs de la médiation numérique : le  développement  d’un  écosystème  de  la  médiation   numérique passe par un travail en réseau où les acteurs se connaissent, se rencontrent,   s’épaulent   dans   une   dynamique   qui   favorise   la   diffusion de la médiation en proximité et dans la diversité des lieux concernés. UNE PLATEFORME INTERACTIVE DE L’OFFRE EN MEDIATION NUMERIQUE Il s’agit de mettre en œuvre une plateforme dédiée au réseau national de la médiation numérique, comprenant une part d’évaluation par les usagers eux- mêmes; pour faciliter la visibilité des acteurs leur mise en relation, et l’accès à ces services pour les collectivités demandeuses. Ce projet de portail de la médiation numérique ou “Tripadvisor de la médiation numérique” est actuellement en cours d’étude à la DUI (Délégation aux usages de l’Internet) suite à la consultation nationale sur la médiation numérique dans les territoires lancée par Axelle Lemaire. EN REGION PACA, L’ASSOCIATION REGIONALE DE SOUTIEN AUX ESPACES NUMERIQUES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION (ARSENIC) Le sigle ERIC -­‐ Espaces Régionaux Internet Citoyen -­‐ désigne le label des EPN de la région PACA en même temps qu’un programme qui vise à l’accompagnement pour l’appropriation des usages Internet et multimédia par la population locale. Il a été initié en 2001 en partenariat avec l’Union européenne (FEDER), la préfecture de région et la Caisse des dépôts. Le programme se matérialise par la création du réseau des 150 ERIC, lieux de proximité fixes ou itinérants, ouverts à tous les citoyens. Les actions menées recouvrent des démarches d’accompagnement de l’expression citoyenne (Web TV participative, Web magazine, sites Web collaboratifs, rencontres-­‐débats), de lien social en zone rurale (site participatif intergénérationnel, espaces multimédias ambulants), de services aux personnes en situation de handicap, d’appui aux acteurs de l’insertion, de l’emploi et de la formation (ateliers, découverte des métiers), d’accompagnement aux TPE et artisans (formations) ou de création artistique et culturelle (initiations retouche image, production vidéo, audio, etc.). L’Association Régionale de Soutien aux Espaces Numériques de l’Information et de la Communication -­‐ ARSENIC -­‐ fédère les acteurs de la médiation numérique en région PACA, représentés majoritairement par les 150 ERIC. Créée en 2009, elle poursuit un objectif de valorisation et de professionnalisation des médiateurs et d’adaptation à la mutation des besoins socio-économiques et culturels. Elle met en place des rencontres professionnelles entre médiateurs, acteurs de l’économie sociale et solidaire, de la culture ou de la formation pour l’échange de bonnes pratiques. Son projet phare est l’organisation annuelle des REUNIC, rencontres ouvertes à tous, autour de thématiques telles que l’innovation sociale et les tiers lieux.
  • 287. SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique286 Renforcer le modèle économique des Espaces publics numériques (EPN) et des lieux de médiation : Aujourd’hui  de  nombreux  EPN  ont  une  existence  précaire.  Trop  souvent,  les  moyens   humains  et  matériels  dépendent  d’appels  à   projets   incertains  et  coûteux  en  énergie.   Dans les services publics et associations assurant une médiation numérique, cette fonction  est  fragilisée  par  les  contraintes  budgétaires  et  d’emploi. Le CNNum préconise de : Inciter les collectivités locales à définir une politique cohérente des médiations numériques de leur territoire ; Rémunérer  les  médiations  numériques  liées  à  l’accès  aux  services   publics (Pôle  Emploi…)  et  à  la  formation  (visa  Internet,  badge…) :  lorsqu’un   demandeur   d’emploi   est   accompagné   par   un   EPN   pour   l’accès   aux   offres   d’emploi  sur  Internet  ou  la  rédaction  de  CV,  l’EPN  doit  pouvoir  être  rémunéré   pour cet accompagnement. Lorsqu'un habitant valide un certificat de compé- tences dans un EPN, la structure assure une mission de formation qui doit être rémunérée ; Attribuer  la  Reconnaissance  d’Utilité  Publique aux structures associa- tives de médiation numérique afin de permettre aux particuliers de bénéficier de déductions fiscales sur leurs dons à ces associations ; Inciter   les   entreprises   à   s’engager   dans   la   médiation   numérique : créer des partenariats pour que les salariés qui en ont la volonté et les compé- tences  puissent  dédier  une  partie  de  leur  temps  à  l’aide  à  ces  structures.  Les   entreprises   pourraient   par   exemple   s’inspirer   des   dispositifs   adoptés   par   les   entreprises aux États-Unis   et   au   Canada   autour   du   “bénévolat appuyé par l’employeur”   (ex : heures de travail souples, congé rémunéré, permission d’utiliser  les  installations  ou  l’équipement  etc.). 55. Développer la médiation numérique dans les services publics locaux Malgré une offre de services publics numériques jugée très satisfaisante, seulement 29 % des Français déclarent privilégier internet pour réaliser leurs démarches administratives contre 34 % en 2013189. Les raisons sont multiples (méconnaissance, impossibilité technique, incompréhension de la démarche jugée trop compliquée, 189 http://www.bva.fr/data/sondage/sondage_fiche/1556/fichier_almerys_- _presentation_-_les_francais_et_la_confiance_numerique_- _16_juin_201455ab6.pdf
  • 288. SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 287 informations   incomplètes   et   besoin   d’un   interlocuteur   humain…).   Ces   chiffres   montrent  que  les  efforts  accomplis  en  termes  de  dématérialisation,  d’ergonomie,  et  de   design  ne  peuvent  se  passer  d’une  médiation  numérique.  Sans  cette  médiation, émerge le  risque  d’assister  à  la  création  de  nouvelles  inégalités  selon  les  habilités  numériques   des uns et des autres, avec un risque de non-recours aux droits et services. Face à ce constat, le CNNum préconise une action concentrée sur 4 axes : Généraliser la médiation numérique dans l’ensemble des services publics et en particulier : Intégrer la médiation numérique dans les missions des services publics lo- caux ; S’assurer  des  capacités  effectives  de  médiation  numérique  en  faveur  des  ac- teurs locaux pour accompagner la dématérialisation de services publics. Intégrer les usagers dans un processus de co-construction des services publics avec un double objectif d'amélioration des services et de formation par la participation : Par   exemple,   l’appel   à   la   participation des citoyens à des activités de cartographie collective, à des open labs et hackathons a  aussi  pour  vertu  de  les  inciter  à  s’approprier   ces   nouveaux   usages   tout   en   contribuant   à   l’amélioration   et   la   construction   de   nouveaux services publics. Ces réflexions sont spécifiquement traitées dans le volet 3 du présent rapport sur la transformation  numérique  de  l’action  publique. Favoriser la création d’un réseau d’innovation territoriale dans les services de proximité : Encourager la coopération entre les services publics et les acteurs de la société civile qui couvrent des besoins en médiation numérique sur la prise en main des services dématérialisés (impôts, CAF,…). ECHOS DANS LA CONCERTATION Certains contributeurs proposent de créer une plateforme d’entraide numérique directement entre pairs et de généraliser la possibilité de partage d’écran pour l’accompagnement à distance des citoyens ayant des difficultés de prise en main d’un service public numérisé (collectivités, pôle emploi,...).
  • 289. SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique288 S’INSPIRER L’association Emmaüs Connect qui travaille en partenariat avec la CAF du département de Seine-Saint-Denis pour accompagner plus d’un millier de personnes par an dans l’appropriation des services par Internet de cette administration. L’ADRETS (Association pour le développement en réseau des territoires et des services) chargée de développer le réseau des points d’accueil de proximité dans les Alpes du Sud, a développé les « visio-rendez-vous » qui consistent à équiper des lieux d’accueil de matériels de visioconférence pour mettre en relation les usagers en zone isolée avec un service public en milieu urbain. Ce dispositif est pensé de manière à ce que l’usager et l’agent puissent réaliser l’intégralité des démarches lors de cet entretien à distance. Dans le cadre de l’opération « + de services », le conseil général des Hautes-Alpes a équipé 25 points de contacts conventionnés avec une vingtaine de services publics. Expérimenter   de   nouvelles   formes   d’engagement   des   acteurs   privés   ou   semi-publics dans une dynamique de projet territorial autour de la médiation numérique. En  particulier,  ces  projets  menés  à  l’échelle  territoriale  pourraient  s’appuyer   sur les services de proximité, les ressources disponibles, les infrastructures à disposition et fréquentées par le public (les bureaux de poste, les gares et gui- chets SNCF, les hôpitaux,…) ; La  réflexion  doit  également  être  engagée  sur  l’apport  des  services  innovants   (startups…)  au  réseau  de  la  médiation.  Un  exemple  probant : alors que seuls 17 % des demandeurs   d’emploi   sont   inclus   dans   la   CVthèque   de   Pôle   Em- ploi190,  une  myriade  de  startups  est  positionnée  sur  l’emploi  et  l’agrégation  de   profils à partir des réseaux sociaux, etc. Des interactions sont à inventer. LA POSTE, NOUVEL ACTEUR DE LA MEDIATION NUMERIQUE En février 2015, La Poste a annoncé son projet de transformer certains bureaux de poste en « maisons de services au public » et de les ouvrir à des opérateurs et à des collectivités pour créer des synergies avec d’autres services tels que EDF, la CAF, Pôle emploi… Le rapport du député socialiste du Lot Jean Launay à l’origine de cette proposition rappelle le formidable maillage territorial des bureaux de poste, qui grâce à ses 17 052 points de contact, permet à 96,7 % de la population de se trouver à moins de 5 kilomètres en voiture ou à moins de vingt minutes d'un bureau de poste. Cet atout de proximité, combiné à la mise à disposition d'équipements connectés et d’un accompagnement humain qualifié, permettrait une avancée importante sur le plan de la médiation numérique de proximité dans les services publics. 190 http://www.latribune.fr/technos-medias/20141107trib7b70da14b/la- transformation-numerique-presente-plus-d-opportunites-que-de-risques-pour-la- france-philippe-lemoine.html
  • 290. SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 289 56. Faire de l’accès à Internet et ses ressources essentielles un droit effectif Alors   que   l’étude   annuelle   sur   les   pratiques   des   Français   sur   Internet   publiée   par   Médiamétrie le 25 février dernier donne à voir une société « ultraconnectée », avec 82,6 % des foyers connectés à Internet et une tendance croissante pour le multi- écrans191,  la  question  de  l’accès  n’en  reste  pas  moins  prégnante.  Comme  l’ont  souligné   une majorité de contributeurs,  l’accès  à  un  réseau  et  à  un  équipement  de  bonne  qualité   (vitesse, robustesse, sécurité,…)  est  loin  d’être  un  acquis  pour  tous,  en  particulier  dans   les   territoires   en   zone   blanche.   Le   même   constat   s’impose   quant   aux   usages   et   à   l’accessibilité  des  ressources et des services. Compte   tenu   que   l’accès   à   Internet   a   été   considéré   comme   un   droit   fondamental   découlant   de   la   liberté   d’expression   et   de   communication192, le CNNum souhaite mettre  l’accent  sur  les  points  suivants  pour  assurer  l'effectivité  de  ce  droit : Assurer la couverture du territoire en THD par une politique volontariste : La couverture équitable du territoire en Très Haut Débit (THD)193 fait depuis longtemps   l’objet   de   travaux,   missions   et   programmes   ad hoc194, tant au niveau de l’État  qu’à  celui des collectivités territoriales. Le problème a été plusieurs fois soulevé par  les  contributeurs  lors  de  la  concertation.  Le  CNNum  souscrit  à  l’objectif  affiché  par   le Gouvernement (100 % des foyers accédant au très haut débit fixe en 2022 et 50 % en 2017, une couverture 3G complète du territoire) et insiste pour que les ressources mobilisées soient à la hauteur. La couverture THD du territoire est un enjeu d’inclusion   à   plusieurs   titres : économique :  il  est  difficile  de  “fixer”  une  entreprise  (et  un  travailleur) sur son territoire sans lui proposer une connectivité de bon niveau ; 191 Médiamétrie, 2014 http://www.mediametrie.fr/internet/communiques/l-annee- internet-2014-d-ecrans-de-contenus-d-interactivite-de-complementarite-entre- ecrans.php?id=1213 192 Conseil Constitutionnel, Décision n° 2009-­‐580 DC du 10 juin 2009 193 La notion de « très haut débit » est relative dans la mesure où les technologies évoluent. Néanmoins, conformément à la règlementation européenne, le très haut débit est défini par le Plan France Très Haut Débit comme celui supérieur à 30 mégabits par seconde. 194 La   mise   en   place   de   la   “Mission   Très   Haut   Débit”   par   le   Gouvernement   avait   conduit   à   l’instruction  et  l’analyse  de  différentes  options  ainsi  qu’une  vaste  concertation  avec  les  acteurs   intéressés.  Le  cahier  des  charges  du  Plan  France  Très  Haut  Débit  dispose  également  qu’un  “Co- mité de   concertation   France   Très   haut   débit”,   consulté   par   le   Commissariat   général   à   l’investissement,  puissent  auditionner  les  collectivités  territoriales.
  • 291. SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique290 social :  en  termes  d’égalité,   mais  aussi  de   qualité  des  services  essentiels   en   matière  de  santé,  d’éducation,  etc. Toutefois,  comme  l’a  indiqué  le  CNNum  dans  le  rapport  “Citoyens  d’une  société  numé- rique”,  la  fécondité  économique  et  sociale  du  déploiement  du  THD  fixe  et  mobile  ne  se   démontrera pleinement que si celui-ci  s’accompagne  d’un  effort  délibéré  en  matière  de   “littératie  numérique”,  d’inclusion  et  d’innovation  sociale appuyés sur le numérique. Engager un plan d’action ambitieux pour l’accessibilité des services en ligne, sur la base d’une démarche transparente : Faire  de  l’accessibilité  des  sites  et  des  APIs  une  obligation : -­‐ Rendre 100 % des sites publics accessibles comme cela est mentionné   par   l’article   47   de   la   loi   du   11   février   2005195 - et en faire une priorité196 ; -­‐ Étendre  le  référentiel  général  d’accessibilité  aux  services  mobiles   publics (applications mobiles et sites en version mobile) ; -­‐ Faire évoluer la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication pour étendre les obligations de sous- titrage pour les personnes sourdes ou/ malentendantes et d’audio-description aux éléments diffusés sur le web par le biais des plateformes de replay ou de vidéos à la demande, aux contenus diffusés en direct sur le web, aux productions spécifiques destinées à être diffusées uniquement sur le web. Le traitement des plaintes relatives à ces éléments pourrait être géré de  manière  conjointe  entre  le  CSA,  l’ARCEP et la future Agence du Numérique.   Le   CSA   et   l’ARCEP   pourraient   publier   de   manière   annuelle  l’état  de  la  prise  en  compte  de  ces  nouvelles  obligations   par les chaînes et diffuseurs de contenu vidéo sur le web et le mobile. Intégrer des objectifs chiffrés   concernant   l’accessibilité   des   ser- vices en ligne dans le cadre de la loi NOTRe (Nouvelle organisation ter- ritoriale de la République). Définir et publier des objectifs pluriannuels, et rendre  accessibles  et  commentables  les  résultats  de  l’évaluation ; Intégrer  les  questions  d’accessibilité  dans  les  cursus  de  formation   initiale des agents de la fonction publique en charge de la conception et du déploiement de services publics numériques ; 195 Article  47  de  la  loi  du  11  février  2005  pour  l’égalité  des  droits  et  des  chances,  la  participation   et la citoyenneté des personnes handicapées et la ratification par la France de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées 196 En  mai  2014,  l’association  Braille  Net  indiquait  que  moins  de  4  %  des  sites  publics  respec- taient le  référentiel  général  d’accessibilité  des  sites.
  • 292. SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE INCLUSIVE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 291 Créer un fonds de recherche et développement pour le développe- ment de solutions techniques adaptées à tous.  La  création  d’un  baro- mètre  de  l’accessibilité  numérique,  tel  qu’il  existe  déjà  pour  l’accessibilité,  an- nualisé et rythmé par des remises de trophées pourrait contribuer à donner de la visibilité à ces avancées ; Étendre  les  dispositifs  incitatifs  sous  la  forme  de  crédit  d’impôts  ou  de  prêts   aux  entreprises  privées  sur  l’accessibilité  des  bâtiments  à  l’accessibilité  numé- rique (services intranet, etc.). S’assurer de l’accès à l’équipement et aux services essentiels pour tous : Mettre en place une obligation de réemploi (dons, reventes, ...) du matériel amorti et déclassé des organisations - publiques ou pri- vées. ORDI 2.0 Ordi 2.0 est une filière de collecte et de rénovation de matériel informatique à coût réduit, destinée à des publics défavorisés. Elle associe une chaîne d’acteurs : entreprises donatrices, collectivités, structures de reconditionnement, et organismes de réinsertion sociale et professionnelle (la DUI estime à environ 100 000 le nombre d’ordinateurs redistribués chaque année dans cette filière). En savoir plus : http://ordi2-0.fr/ Développer  l’offre  sociale  pour  les  abonnements  Internet À KEROURIEN, INTERNET POUR TOUS EN HABITAT SOCIAL Le quartier de Kerourien (Brest) fait l’objet du programme “Internet de quartier” qui recouvre des actions de type accompagnement scolaire, services publics en ligne, recherche d’emploi, incitation à l’utilisation des outils multimédias ou de logiciels libres. Parmi les actions prioritaires de ce programme, la mise en œuvre d’une solution mutualisée d’accès triple Play à faible coût pour l’habitat social, qui se concrétise par la prise en charge en totalité par la collectivité durant la période d’expérimentation de neuf mois, puis facturation à l’habitant au prix de 1 € par mois à partir de 2011. Un projet de rénovation d’ordinateurs pour l’équipement des foyers est aussi à l’étude. Poursuivre  une  politique  ciblée   de  soutien   à  l’accès  à  l’internet et d’accompagnement  des  usages  (formation,  soutien…)  par  la  média- tion numérique (cf. supra). Créer un trousseau numérique mis à disposition de tous les ci- toyens, tel que prévu dans le deuxième volet du présent rapport.
  • 293. SYSTÈMES DE SOLIDARITÉS SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique292 Systèmes de solidarités Attention : Les questions relatives au lien entre numérique, travail et emploi faisant l’objet d’une saisine ad hoc du Ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social197 , le Conseil national du numérique ne proposera pas ici de recommandations sur ce sujet. Une partie du troisième chapitre du présent rapport, issue des consultations du thème « Croissance, innovation, disruption », formule néanmoins des recommandations sur une adaptation du dialogue social et de la gouvernance des entreprises aux enjeux numériques. La suite de ce document se concentrera par conséquent sur les transformations des systèmes de solidarités et du “modèle social français”. Compte tenu de l’ampleur du sujet et du faible nombre de contributions reçues sur ce sujet, les orientations qui suivent doivent être considérées comme un point de départ qui mériterait d’autres développements. Par ailleurs, les contributions des participants à la concertation portant sur le travail et l’emploi sont bien intégrées à la synthèse dédiée disponible en ligne ; elles contribueront également à nourrir la réflexion que le CNNum engagera à la suite de la saisine dont il est l’objet. Les effets de la transformation numérique toucheront toute la société, à commencer naturellement par le travail et nos systèmes sociaux. Du   point   de   vue   de   l’emploi,   le   numérique   outille   d’abord   une   nouvelle   vague   d’automatisation   qui   touche   désormais   les   emplois   de   service, de relation et de conception.  Il  est  à  la  source  d’une  transformation  rapide  et  probablement  continue   des  métiers.  Enfin,  il  contribue  à  un  raccourcissement  général  des  cycles  d’emploi  au   détriment des contrats de travail longs (voire à durée indéterminée) et au profit de statuts  temporaires,  “intermittents”,  “auto-entrepreneurs”  ou  plus  informels  encore,   comme  le  travail  “gratuit”  des  internautes  sur  les  grandes  plateformes  du  Net. Du point de vue du travail, le numérique produit au quotidien une tension de plus en  plus  forte  entre,  d’un  côté,  un  mouvement  de  rationalisation,  de  contrôle,  voire  de   “prolétarisation”   de   certains   postes   devenus   simples   terminaisons   du   système   d’information ;;   et   de   l’autre,   une   demande   managériale   d’engagement,   d’autonomie,   de réactivité et de disponibilité. Cette contradiction se renforce par le fait que les individus  apportent  également  dans  l’entreprise  leurs  pratiques  et  même  leurs  outils,   gagnant   ainsi   de   nouvelles   capacités   d’action,   d’organisation,   d’autodétermination. 197 Lien vers la saisine: http://www.cnnumerique.fr/wp-content/uploads/2012/02/saisine- travail.pdf
  • 294. SYSTÈMES DE SOLIDARITÉS SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 293 Dans leurs itinéraires professionnels, enfin, les individus sont de plus en plus en situation  d’être  seuls  responsables  d’entretenir  et  développer  leurs  compétences,  leur   capital  social  et  leur  “employabilité”  - une responsabilité que certains vivent comme une libération et beaucoup comme une précarité que les récents progrès en matière de “sécurisation des parcours professionnels”  n’atténuent  qu’à  peine. Le  travail  et  les  revenus  qu’il  procure  forment,  dans  une  large  mesure,  le  fondement  du   “modèle social français”.   Leurs transformations invitent par conséquent à repenser  tout  ou  partie  dudit  modèle,  que  d’autres  tendances  mettent  également  sous   tension : la situation économique et celle des finances publiques, la démographie, la montée des inégalités, la fragilité du lien social, la prévalence des maladies chroniques et le coût des nouvelles thérapies, etc. Mais le numérique a également des effets propres sur nos systèmes sociaux, qui sont au moins de trois ordres : Des  effets  “gestionnaires”,  liés  à  l’informatisation massive (et né- cessaire) de ces systèmes.  D’un  côté,  ces  systèmes  sont  devenus  plus  effi- caces, avec parfois des réussites spectaculaires comme la dématérialisation des échanges en matière de santé ou la reconstitution de carrière en vue du calcul de  la  retraite.  De  l’autre,  la  numérisation  des  canaux  a  accompagné  la  réduc- tion  des  points  de  contact  physiques,  créant  de  nouveaux  facteurs  d’inégalité   allant,  pour  certains  individus,  jusqu’à  aggraver  le  phénomène  déjà  préoccu- pant de non-recours aux droits sociaux. Un   début   d’évolution   vers   plus   de   personnalisation et la prise en compte de nouvelles réalités : allongement de la durée de la vie ; prévalence des maladies chroniques ; transformations des parcours professionnels ; mo- dification des structures familiales, etc. Mais cette évaluation peine naturelle- ment à suivre une demande sociale de plus en plus individualisée. Une critique de la pertinence des grands systèmes sociaux. Ceux-ci sont d'abord contestés au nom de la plus grande efficience des grandes entre- prises,  ou  de  l’agilité  et  la  capacité  innovatrice  des  startups.  Au  plan  local,  les   acteurs   locaux   et   communautaires   s’estiment   souvent   mieux   à   même   de   ré- pondre à la réalité des besoins sociaux. Trois principes En  l’état  actuel  de  sa  réflexion issue de la Concertation, le CNNum souhaite affirmer trois principes sur lesquels il fondera ses recommandations : 1. Le  CNNum  réaffirme  la  nécessité  d’une  solidarité  à  grande  échelle,  nationale,   interprofessionnelle et intergénérationnelle. 2. Le CNNum est attaché aux aspects redistributifs du système social, ne se satisfaisant pas de constater (sans y associer un quelconque lien de
  • 295. SYSTÈMES DE SOLIDARITÉS SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique294 causalité) que la période historique de la numérisation de nos sociétés est aussi   celle   d’une   explosion   sans   précédent   des   inégalités de revenu et de patrimoine. La modification continue du partage des revenus entre les salaires d’une  part  (sur  lesquels  notre  système  social  est  presque  exclusivement  bâti)   et  d’autre  part  les  autres  revenus,  y  compris  du  capital,  devrait  inviter à revoir les conditions de fonctionnement du modèle, mais non ses principes. 3. Le   CNNum   considère   qu’au-delà de leur informatisation, les systèmes sociaux   peuvent   et   doivent   s’appuyer   plus   profondément   sur   le   numérique pour mieux répondre aux contraintes auxquels ils sont soumis et aux   demandes   sociales   qui   s’adressent   à   eux.   Cinq   chemins   de   progrès   paraissent plus particulièrement féconds : -­‐ Vers une prise en compte de toutes les sources de revenu et de richesse ; -­‐ Vers plus de souplesse et de personnalisation ; -­‐ Vers  plus  d’évaluation  et  de  proactivité,  dans  le  respect  de  la  vie   privée des bénéficiaires, -­‐ Vers plus de transparence et de démocratie dans le fonctionnement des systèmes ; -­‐ Vers une meilleure prise en compte de la participation des individus et des collectifs dans la production de bénéfices sociaux, du care en amont des soins en passant par les systèmes d’échanges  locaux. Trois recommandations Au   sortir   de   la   concertation,   et   en   pleine   conscience   de   l’ampleur   du   travail   qu’il   resterait à effectuer sur ce seul sujet, le CNNum recommande trois orientations prioritaires  pour  l’action  publique : 57. S’appuyer sur le numérique pour faciliter l’accès et le recours aux droits sociaux Dans de nombreux cas, les personnes pouvant bénéficier de droits sociaux  l’ignorent,   ne  parviennent  pas  ou  renoncent  à  les  obtenir.  Il  s’agit  naturellement  en  priorité  des   personnes auxquelles ces droits sont les plus indispensables.
  • 296. SYSTÈMES DE SOLIDARITÉS SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 295 LES CHIFFRES DU NON-RECOURS AUX DROITS L’Observatoire du non-recours aux droits et services (Odenore) est une Equipe de Recherche Technologique basée à Grenoble dont l’objectif est de chiffrer le non- recours, d’en analyser les causes et de proposer des solutions pour y remédier. Leurs études évaluent à plusieurs milliards d’euros le montant des aides qui chaque année ne sont pas demandées par les bénéficiaires potentiels. Ainsi en 2012, le taux de non-recours pour les différentes formes du RSA atteignait 50 % en moyenne, et jusqu'à 68 % pour le RSA activité. Au-delà de la gestion administrative des droits, les organismes sociaux commencent à prendre conscience du potentiel d’exploitation des données qu’ils détiennent pour détecter les situations de non-recours et l’on observe déjà un certain nombre d’expérimentations territoriales dans ce sens. Pour autant, cela est encore loin d’être un réflexe malgré les bénéfices qui en résulteraient. Les études de l’Odenore montrent ainsi que la détection du non-recours permet de réduire d’autres dépenses par la suite (prévention des situations d’urgence sanitaires, sociales…). Une diminution du nombre de non-recours serait également un facteur d’inclusion sociale : bien souvent, les individus concernés n’ont pas conscience des effets que le non-recours peut avoir sur bien d’autres aspects de leur vie quotidienne (accès au travail, au logement…). Source : Odenore (observatoire du non-recours aux droits et services) Le   numérique   fait   parfois   partie   des   raisons   pour   lesquelles   l’accès   aux   droits   est   devenu plus difficile : réduction du nombre de points de contacts sur les territoires, rigidité  ou  côté  intimidant  des  procédures  informatisées…  Il  doit  aussi  faire  partie  des   solutions,  y  compris  pour  des  personnes  qui  n’y  ont  pas  personnellement  accès : Par   le   développement   d’approches   proactives   des droits   (comme   c’est   le   cas   dans la reconstitution des carrières et comme ce pourrait être le cas pour mes- droits.gouv.fr) ;
  • 297. SYSTÈMES DE SOLIDARITÉS SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique296 MES-DROITS.GOUV.FR “Ici l'État innove avec la société civile pour offrir aux usagers le service public de demain”, c’est ainsi que se présente le site mes-aides, un service public numérique pour le moment en version bêta qui permet aux citoyens de connaître leur éligibilité aux principales prestations sociales : Revenu de Solidarité Active (RSA) socle et activité, Allocation Spécifique de Solidarité (ASS), Couverture Médicale Universelle (CMU), Aide Complémentaire Santé (ACS), Allocation de Solidarité aux Personnes âgées (ASPA), Allocation Familiales (Allocation Soutien Familial, Complément Familial), et Allocations Logement (Allocation Logement Social, Allocation Logement Familial, Aide Personnalisée au Logement). Le dispositif se définit comme une « startup d’État », coproduit par une petite équipe autonome hébergée par le Secrétariat Général à la Modernisation de l'Action Publique (SGMAP) et aidée d'une communauté d'agents publics et de citoyens. Le code de l'outil est disponible en Open Source sur GitHub et chacun est invité à rejoindre la communauté des développeurs pour aider à améliorer l’outil. En savoir plus : https://mes-aides.gouv.fr/ Par une simplification des accès numériques aux droits et une attention quant à leur accessibilité ; En outillant les services sociaux et leurs agents, comme le recommandait déjà le  rapport  du  CNNum  “Citoyens  d’une  société  numérique” ; Par   la   constitution   d’une   filière   de   la   “médiation   numérique”   (voir   chapitre   dédié  à  l’inclusion). 58. Développer (et mettre en débat) des capacités préventives et anticipatrices, dans le respect de la vie privée des assurés On le sait, prévenir vaut mieux que guérir et détecter un problème (social ou sanitaire) au moment où il survient rend sa solution plus aisée et moins coûteuse. Par exemple, les nouvelles thérapies évoluent déjà dans ce sens. Les systèmes administratifs et sociaux détiennent des informations qui, souvent, pourraient permettre de repérer  les  “signaux faibles”  annonciateurs  de  problèmes  plus   graves : non-recours à des droits (cf. supra), non-respect de rendez-vous avec certains services sociaux, absences scolaires, etc. Le numérique peut améliorer le suivi des personnes dans la durée,  l’analyse  de  l’évolution  de  leur  situation,  la  détection  précoce   de  problèmes  de  santé,  d’emploi,  de  logement,  etc.  jusqu’à  repérer,  par  exemple,  un   risque   de   basculement   dans   la   précarité.   Toutefois,   l’utilisation   “proactive”   des  
  • 298. SYSTÈMES DE SOLIDARITÉS SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 297 informations que détiennent les systèmes sociaux suscite à juste titre une inquiétude : peut-on le faire dans le respect de la vie privée et de la dignité des personnes ? La réponse nous paraît positive si deux conditions indiscutables sont remplies : Les traitements proactifs et   préventifs   d’informations   portent   exclusivement   sur des données dont le service considéré dispose déjà, et ne reposent par con- séquent pas sur le croisement de données personnelles issues de plusieurs dispositifs administratifs ou sociaux. L’interprétation  et  la  décision  d’agir  n’émanent  pas  d’un  traitement  informa- tique,  mais  d’un  individu. Deux questions devront par ailleurs être traitées : D’une  part,  la  détection  à  elle  seule  ne  sert  à  rien  si  elle  n’est  pas  suivie  d’une   décision (humaine) puis, souvent,  d’une  action.  La  partie  complexe  est  bien  la   gestion  de  l’alerte  et  le  suivi  de  ses  résultats. D’autre  part,  il  existera  aussi  une  pression  sociale  en  faveur  d’un  usage  proac- tif de données croisées :  parce  qu’il  peut  sauver  des  vies,  parce  qu’il  faut  faire des  économies,  parce  qu’il  serait  absurde  de  nous  obliger  à  ignorer  ce  qu’on   pourrait savoir, parce que les grandes entreprises le font déjà… Il apparaît souhaitable   d’ouvrir   rapidement   un   débat   éthique   sur   l’usage   prédictif,   pré- ventif ou en réaction rapide  des  “big data”  sanitaires  et  sociales. 59. Explorer de nouvelles manières de mettre les solidarités en mouvement et d’en reconnaître les acteurs De nombreuses expériences de par le monde s'intéressent à l'usage du numérique pour remettre les gens en lien, pour outiller les échanges de pair à pair ou les communautés de proximité, pour fédérer ces communautés à des échelles plus larges, etc. Il y a là l'opportunité de mobiliser les personnes et leur entourage en les associant à la conception voire à la production du soin, du care et des prestations sociales qui les concernent : permettre aux bénéficiaires eux-mêmes de décider de ce dont ils ont besoin, combiner l'intervention de voisins et d'amis avec celle de professionnels auprès de personnes dépendantes, favoriser l'entraide (et reconnaître le travail des aidants), développer et valoriser la résilience et les micro-solidarités, etc.
  • 299. SYSTÈMES DE SOLIDARITÉS SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique298 CANCERCONTRIBUTION.FR La plateforme cancercontribution.fr est un réseau d’entraide alternatif créé par le pôle citoyen de Cancer Campus (Institut Gustave Roussy, Villejuif) et soutenu par les institutions. Ce dispositif met le collaboratif au cœur de la réflexion sur les parcours de soin. Tous les acteurs concernés d’une façon ou d’une autre par la maladie (patients, médecins, responsables politiques, monde associatif, citoyens) sont invités à échanger, témoigner, expertiser pour penser et co-construire un certain nombre de mesures concrètes pour la prise en charge des patients. Ces échanges sont ensuite conceptualisés par une équipe de chercheurs puis soumis au vote de la communauté pour finaliser une vision qui servira de base de propositions de politiques publiques. En savoir plus : http://www.cancercontribution.fr/ Le numérique peut fournir les outils à partir desquels des formes beaucoup plus diversifiées,   personnalisées   et   coopératives   d’aide   sociale   peuvent   se   produire,   se   piloter  et  s’évaluer.  Il  s’agit  cependant,  sauf  dans  un  petit  nombre  de  domaines,  d’un   changement  d’attitude  assez  profond  de  la  part  des  systèmes  sociaux. Il nécessite en particulier : De   donner   aux   bénéficiaires   un   vrai   pouvoir   de   décision   et   d’action   sur   les   prestations dont ils bénéficient, en préférant le dialogue et le contrôle a poste- riori à la sollicitude autoritaire et au contrôle a priori ; De considérer les associations, voire certaines entreprises, comme des acteurs à part entière des systèmes sociaux plutôt que comme des auxiliaires ou des acteurs périphériques ; De  reconsidérer,  reconnaître  et  soutenir  le  rôle  des  “aidants”  non  profession- nels,  y  compris  lorsqu’ils  font  partie  de la famille des bénéficiaires ; De   favoriser   la   diversité   des   formes   d’assistance   et   l’innovation (sociale ou non) dans les prestations sociales.
  • 300. SYSTÈMES DE SOLIDARITÉS SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 299 L’EXEMPLE STIMULANT D’INCONTROL (ROYAUME-UNI) Depuis plusieurs années, le programme inControl [www.in-control.org.uk], qui s'adresse aux personnes âgées dépendantes et aux grands handicapés, expérimente des "plans d'assistance auto-dirigé" (self-directed support plans) qui mettent le bénéficiaire en situation de contrôle presque total du dispositif social qui l’entoure. À partir d’un travail conjoint d’évaluation et de co- conception fondé sur des questionnaires précis, l’individu, sa famille et les services sociaux approuvent ensemble un plan d’assistance personnalisé. Sur cette base, le bénéficiaire reçoit directement l'aide financière des services sociaux et la dépense conformément au plan convenu, avec un contrôle a posteriori plutôt qu'a priori. Le plan est régulièrement évalué et révisé. Ainsi, une femme souffrant d'insuffisance respiratoire a pu équiper son domicile de l'air conditionné, économisant des mois d'hospitalisation chaque année. Un malade souffrant de la sclérose en plaques a même été autorisé à acheter, avec l'argent auquel il avait droit, deux abonnements au club de football de sa ville, pour continuer à profiter de sa passion avec ses amis plutôt que de rester seul chez lui…
  • 301. SANTÉ ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique300 Santé et numérique En  matière  de  santé,  le  potentiel  d’innovation  que  porte  le  mariage  du  numérique  avec   les avancées de la médecine, de la biologie, de la pharmacie, des nouveaux matériaux ainsi que de la robotique est considérable. Il nous projette dans un monde où les problèmes de santé seraient mieux anticipés voire prévenus, puis mieux soignés avec moins   d’effets   secondaires,   tandis   que   les enjeux de santé publique seraient plus facilement   maîtrisés,   à   défaut   d’être   résolus.   Ce   potentiel   cristallise   pourtant   autant   d’espoirs   que   de   nouvelles   inquiétudes   au   regard   des   questions   qu’il   pose   pour   le   respect des libertés individuelles, mais aussi pour la préservation de notre modèle social,   dans   la   perspective   d’une   société   où   le   citoyen   serait   “capté”   en   permanence,   rendu   “prédictible”   pour   des   tiers   publics ou privés, et laissé seul responsable de son état de santé. Notre modèle de santé solidaire est quant à lui questionné par une individualisation extrême du risque rendue possible par le numérique mais pas seulement, faisant naître la tentation de renoncer à la mutualisation des risques et des coûts de santé. Le numérique, un atout pour moderniser notre système de santé À plus court terme, le numérique constitue indéniablement une opportunité majeure pour  moderniser,  si  ce  n’est  repenser  le  modèle  de  santé  français,  en  soutenant  des   objectifs de santé publique ambitieux tout en amplifiant un nouveau paradigme de la santé  basé  sur  la  personnalisation,  l’accompagnement  et  les  démarches  préventives. Alors  que  les  inégalités  sociales  de  santé  s’accroissent,  la  télémédecine198 ap- paraît en élément de réponse aux déserts médicaux et les plateformes partici- patives se développent au service de la démocratie sanitaire. Alors que le vieillissement démographique et la croissance des maladies chro- niques constituent les prochains défis de santé publique, les dispositifs médi- caux connectés fournissent des éléments  de  solution  pour  l’autonomisation. Alors que la question du financement du système de santé français se pose avec  acuité,  le  numérique  laisse  entrevoir  des  gains  d’efficience  et  de  nouvelles   opportunités pour le financement de notre modèle de solidarité, à travers 198 Voir la définition  dans  le  livre  blanc  sur  la  télémédecine  du  Conseil  national  de  l’Ordre  des   médecins http://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/telemedecine2009.pdf
  • 302. SANTÉ ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 301 l’optimisation   du   parcours   de   soins,   des   retours   plus   rapides   quant   à   l’efficacité  des  traitements,  la  facilitation  du  maintien  à  domicile,  la  détection   de fraudes, etc. Une formidable opportunité économique Les   perspectives   d’innovation   autour de la santé connectée et du traitement de données de santé, le potentiel économique des filières avancées de la médecine, sont immenses. La  France  dispose  à  ce  titre  d’un  atout  majeur  dans  la  conquête  de  l’e-santé sur le plan international avec son historique et sa profondeur de données médico-administratives uniques au monde199. Le numérique invite en revanche à repenser la place de chacun dans la chaîne de soins autant que dans la chaîne de valeur, dans un contexte où des acteurs investissent la santé comme  un  nouveau  marché  de  l’économie  numérique  mondialisée. Une reconfiguration des rôles Au premier rang des acteurs dont la place est modifiée se trouvent les citoyens, car le fait  nouveau  numérique  se  traduit  d’abord  par  la  montée  en  puissance  des  patients à travers leurs usages et leurs connaissances (voire de leur connaissance médicale qui peut être parfois réelle, et parfois inexacte ou incomplète), bousculant au passage la relation patient-médecin. Le numérique nourrit en effet un rapport des individus à la santé  qui  dépasse  le  cadre  du  “colloque  singulier”  (la  relation  bilatérale,  exclusive  et   couverte par le secret médical, du médecin et de son patient). Cette extension se développe  au  cœur  des  sujets  de  santé  comme  en  leur  périphérie  (la  gestion  du bien être, le wellness),  se  matérialise  dans  l’utilisation  d’objets  connectés,  la  consultation  de   sites  d’informations  médicales,  ou  encore  la  contribution  aux  sites  de  communautés  de   patients. Les professionnels de santé ne peuvent pas ignorer ces nouvelles  pratiques,  d’ailleurs   la   prise   de   conscience   s’amorce   au   sein   du   corps   médical   français.   Il   s’agit   d’aller   encore   plus   loin,   de   généraliser   cette   prise   de   conscience   afin   d’accepter,   de   comprendre  et  s’adapter  à  ce  nouveau  rapport  à  la  santé  pour  apporter la meilleure réponse aux devoirs envers les patients tels   qu’ils   s’inscrivent   dans   le   Code   de   199 La   France,   pays   centralisé   de   65   millions   d’habitants   dispose   aujourd’hui   avec   l’ensemble   SNIIRAM-PMSI  d’une  des  plus  grandes,  voire  de  la  plus  grande  base  médico-administrative au monde : elle regroupe par an 1,2 milliard de « feuilles de soins  »,  500  millions  d’actes  médicaux   et 11 millions de séjours hospitaliers23 (en médecine, chirurgie et obstétrique), avec potentielle- ment  une  profondeur  historique  de  14  ans  (20  ans  pour  l’EGB  et  le  PMSI). Source  :  Rapport  sur  la  gouvernance  et  l’utilisation  des  données  de  santé,  Pierre-Louis BRAS (Igas)  avec  le  concours  d’André  LOTH  (Drees)  - http://www.social- sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_donnees_de_sante_2013.pdf
  • 303. SANTÉ ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique302 déontologie médicale200. Cela passe par une priorité : la formation des professionnels de   santé   aux   enjeux   et   usages   du   numérique   en   santé,   et   l’accompagnement des patients dans ce contexte. Le statut de référent des professionnels de santé doit bien sûr être préservé. Cette légitimité va de pair avec un haut niveau de qualification, qui pour   se   maintenir   à   l’heure   de   la   santé   numérique   connectée   ou   mobile,   nécessite l’acquisition  de  nouvelles  compétences. Le défi des données L’ensemble   du   système   de   santé   génère   des   volumes   de   données   de   plus   en   plus   considérables. Si la valeur de ces données est incommensurable, tant du point de vue économique que du point de vue  de  la  recherche  ou  pour  l’amélioration  des  politiques   de santé, leur partage et leur exploitation ne sont pas sans soulever des inquiétudes fortes pour les individus (au titre des libertés fondamentales) comme pour les professionnels de santé (automatisation des décisions médicales, médecine prédictive, etc.).  Cette  tendance  impose  donc  l’affirmation  et  l’outillage  des  droits  du  patient,  qui   s’exercent   différemment   à   l’ère   numérique,   ainsi   que   l’acquisition   de   nouvelles   compétences pour ce faire. Un cadre   éthique   puissant   et   adapté   aux   nouveaux   enjeux   de   la   santé   à   l’heure   du   numérique doit également garantir les libertés et la dignité du patient, comme son droit à garder le contrôle de sa vie et à être acteur de sa santé. Sur ces considérations, le CNNum recommande de : 60. Acter et outiller un droit à l’autodétermination informationnelle en santé L’accès   à   l’historique   personnel   des   données   de   santé   d’un   individu   relève   encore   d’une   approche   trop   disparate.   La   numérisation   de   l’ensemble   des   actes   et   leur   stockage sur une plateforme unique et individuelle constituent un vrai levier de simplification d’accès  aux  historiques  de  santé  et,  in fine, de meilleurs diagnostics et un échange plus performant pour les professionnels. En cela, les ressources du Dossier Médical Partagé (DMP) constituent une avancée significative. Cependant, même si le DMP était enfin généralisé, nous resterions loin de fournir au patient   les   moyens   d’une   autodétermination   informationnelle   sur   sa   propre   santé,   voire   même   d’un   dialogue   réellement   équilibré   avec   les   professionnels   de   santé.   Le   DMP   répond   assez   bien   à   l’objectif   qui   lui   avait   été   assigné,   à   savoir   d’améliorer   la   coordination   des   soins   (c’est   le   dossier   médical   “partagé”,   entre   professionnels   200 Notamment  articles  32  et  33  du  titre  II  “Devoirs  envers  les  patients” (Source : http://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/codedeont.pdf)
  • 304. SANTÉ ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 303 d’abord) ; mais il reste très peu informatif et encore moins capacitant pour les usagers. À ce titre, le fait que le projet de loi  de  santé  en  cours  abandonne  l’adjectif  “personnel”   au  bénéfice  de  “partagé”  peut  inquiéter. En effet, le DMP permet de partager des documents, utiles aux professionnels qui en connaissent le sens, mais pas des données : données de base telles que présentes dans le carnet de santé (vaccins, courbes de croissance, etc.), données relatives aux actes des professionnels médicaux (consultations, hospitalisations, prescriptions), aux résultats d’analyses,  aux  radios,  aux  allergies,  aux  remboursements,  etc.  L’accès à ces données pourrait  par  exemple  permettre  à  des  applications  dédiées  d’en  faciliter  la  lecture ; à des   patients,   de   solliciter   plus   aisément   d’autres   avis   professionnels   s’ils   le   jugent   nécessaire ;;  à  d’autres,  de  les  utiliser  au  moment  d’achats  alimentaires pour éviter des contre-indications ;;   à   d’autres   encore,   de   choisir   en   toute   connaissance   de   cause   de   contribuer  à  des  études  cliniques… À ces  données  produites  par  les  institutions  et  les  professionnels  de  santé,  s’ajouteront   celles  qui  proviendront  des  nouveaux  appareils  de  “mesure de soi”  - le quantified self, dont  la  qualité  et  la  précision  s’améliorent  de  mois  en  mois.  Ces  données  captées par les individus eux-mêmes vont voir leur volume et leur usage décuplés à très court terme : elles constitueront une sorte de pôle de ressources santé personnelles utiles à la  formulation  d’un  diagnostic  plus  ciblé  et  personnalisé,  à  la  meilleure  connaissance par  l’individu  de  ses  ressources  santé  et  - on  peut  l’espérer  - à  l’amélioration  du  bien- être et, in fine, à la réduction de la morbidité. Ces données deviendront donc très vite utiles   aux   professionnels   de   santé,   à   la   prévention,   au   suivi   de   l’observance, à la coordination des soins : mais peut-on imaginer de priver le patient de leur accès et même  de  leur  usage  alors  qu’il  en  sera  à  l’origine ? En  s’inspirant  de  l’exemple  américain  du  Blue Button tout  en  l’adaptant  au  contexte   européen, le Conseil national du numérique propose par conséquent de fixer comme objectif prioritaire de mettre à disposition des patients les données médicales qui les concernent.  Cette  mise  à  disposition  sécurisée  pourra  ou  non  s’appuyer  sur  le  DMP,   selon  que  cet  outil  s’avère adapté ou non à cet objectif. Ce  dossier  de  santé  personnel  pourrait  s’appuyer  sur  l’émergence  actuelle  des   PIMS,  “Personal Information Management Systems”,  aussi  nommés  “clouds personnels”,  qui  visent  à  reconstituer  pour  les  individus  des  espaces  de  gestion de leurs données personnelles, sécurisés et indépendants des plateformes dont le  modèle  économique  repose  sur  l’exploitation  de  ces  données. Un  tel  outil  de  gestion  de  la  “vie numérique”  en  santé  des  individus  permet- trait de relocaliser la maîtrise des données personnelles et de rééquilibrer l’asymétrie   entre   les   détenteurs   de   données   et   les   individus.   Il   aurait   égale- ment pour fonction centrale de faciliter les échanges (de données, mais aussi de messages, de documents, de rendez-vous…)  avec  les  professionnels de san-
  • 305. SANTÉ ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique304 té  et  l’administration.  En  s’appuyant  sur  les  propres  données  des  individus,  il   serait également propice à la sensibilisation et à la prévention en santé. Enfin,  un  tel  dispositif  permettrait  ainsi  aux  citoyens  d’avoir  une  vision  plus   globale sur leurs données de santé, administratives et financières, médicales et bien-être, tout en étant un levier essentiel pour la portabilité des données et leur interopérabilité. Des garanties techniques et protectrices du citoyen doivent bien sûr être assorties au développement  d’un  tel  outil,  par  exemple : Des  standards  d’interopérabilité  et  de  portabilité  des  données ; Le respect des exigences légales applicables pour ce qui concerne l’hébergement  des  données  sur  le  périmètre  des  données  de  santé  personnelles médicales et administratives ; Un  droit  à  l’effacement  se  matérialisant  par  des  fonctionnalités  de  type  “opt- out form”   (formulaire   de   désinscription),   de   suppression   cyclique   des   don- nées, etc. En  particulier,  en  ce  qui  concerne  les  modalités  d’accès et de traitement des données de  l’usager  par  des  tiers,  des  dispositions  pourraient  prévoir : Que  l’accès  aux  données  de  l’usager  et  l’exécution  de  traitement  sur  ces  don- nées  s’effectuent  dans  des  environnements  sécurisés,  empêchant  leur  circula- tion incontrôlée sur le Net ; Une labellisation des applications, sites, personnes, organismes habilités à demander  l’accès ; Que  l’autorisation  d’accès  à  un  tiers  par  l’usager  se  fasse  segment  par  segment   de données, ce qui éviterait le choix binaire entre bloquer l’accès  à  toutes  les   données  ou  en  livrer  l’intégralité ; L’assurance  d’un  consentement  éclairé  et  explicite  du  citoyen  passant  en  prio- rité  par  des  exigences  de  lisibilité  et  de  clarté  des  CGU  d’une  part,  par  un  ac- compagnement  à  l’usage  et  aux  enjeux  par  des acteurs de la médiation du nu- mérique en santé - dont les professionnels de santé eux-mêmes - d’autre  part. Enfin,   il   va   sans   dire   que   la   qualité   de   l’expérience   utilisateur   des   outils   - sur l’ensemble  des  terminaux  possibles,  mobile  compris  - par les professionnels de santé comme par les individus constitue une condition sine qua non pour leur appropriation. Il faut  dépasser  les  considérations  limitées  à  la  qualité  de  l’interface  ou  même   de  l’ergonomie  de  l’outil  et  penser  l’ensemble  outil-usager-processus. Pour ce- la, il faut adopter une vraie démarche de design de service. Cela signifie
  • 306. SANTÉ ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 305 s’appuyer  sur  des  designers qualifiés pour co-construire avec les usagers du service,  à  travers  des  cas  d’utilisation  concrets. L’EXPERIENCE “SELF DATA” MESINFOS Le think-do tank Fing (Fondation Internet Nouvelle Génération) conduit depuis 2012 le projet MesInfos, qui explore “la production, l'exploitation et le partage de données personnelles par les individus, sous leur contrôle et à leurs propres fins” - également désignée par l’expression “Self Data”. L’objectif est de réduire l’asymétrie de pouvoir et d’information entre les entreprises et organismes détenteurs de données et les individus, en mettant les individus en capacité, non seulement de contrôler l’usage par d’autres de leurs données, mais également de développer leurs propres usages des données personnelles qui les concernent : pour mieux se connaître, prendre de meilleures décisions, évaluer leurs décisions passées, se faciliter la vie, etc. De novembre 2013 à avril 2014, MesInfos a donné lieu à une expérimentation auprès de 300 volontaires, avec lesquels 7 grandes entreprises partenaires avaient choisi de partager les données qu’elles détenaient sur eux : banques, télécoms, grande distribution, assurance. Les données étaient reçues, stockées et rendues utilisables à l’utilisateur sur une plateforme sécurisée de “cloud personnel” créée par la startup française Cozy Cloud. Des applications, installées et activées par les utilisateurs exclusivement, pouvaient alors accéder à ces données pour en effectuer des traitements utiles aux individus. Voir : http://mesinfos.fing.org/ L’initiative américaine Blue Button Lancé en 2010 par l’administration américaine, le Blue Button devait d’abord constituer une plateforme de suivi, de contrôle et de téléchargement des données personnelles de santé des vétérans (anciens combattants et ex- soldats) américains. Il leur permet ainsi d’accéder à leurs comptes rendus de prise en charge, leurs données d’assurance maladie et leur historique de santé (allergies, analyses médicales, etc.), puis de les télécharger. Cette initiative a été rendue accessible à plus de 150 millions d’Américains en 2014 et a essaimé avec l’apparition d’autres “buttons” (pour l’énergie, l’éducation, etc.). Source : http://www.healthit.gov/patients-families/your-health-data 61. Inciter au cas par cas les acteurs économiques détenteurs de données de santé à les partager tout en tenant compte de leur caractère concurrentiel Il  s’agit  de  faire  en  sorte  que  les  acteurs  privés  comme  publics  s’engagent  dans  une   approche  de  la  santé  comme  un  enjeu  d’intérêt  général  et  de  mettre  en  valeur  le  rôle   sociétal des entreprises pour faire converger les objectifs de santé publique et les intérêts économiques. Cette incitation devra néanmoins prendre en compte le caractère concurrentiel que ces données peuvent avoir pour certains acteurs privés et d’autre  part  ne  pas  freiner  l’installation  d’acteurs  privés  qui  souhaiteraient  investir  sur  
  • 307. SANTÉ ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique306 notre territoire. Le coût des développements informatiques seront aussi à prendre en compte. Les  recommandations  du  CNNum  pour  encourager  l’ouverture  des  données  collectées   par les acteurs économiques sont développées dans le deuxième volet du présent rapport “Vers  une  nouvelle  conception  de  l’action  publique : ouverture, innovation, participation”.  Le  CNNum  préconise  pour  principe  d’adopter  une  approche  au  cas  par   cas. En particulier, il convient de faire une première distinction entre les données produites dans   le   cadre   d’une   mission   de   service   public   et   hors   mission   de   service   public. Dans ce dernier cas, un travail conjoint entre acteurs privés et publics doit être encouragé, pour répondre à des situations spécifiques comme la gestion de crises sanitaires ou   plus   largement,   dans   le   cadre   d’une   politique   de   RSE   (responsabilité   sociale des entreprises) ambitieuse. Les recommandations sont résumées ci-après : Prévoir  la  voie  contractuelle  pour  l’ouverture  de  certaines  données   collectées / produites par des organismes   dans   le   cadre   d’un   ser- vice dont la puissance publique participe à la mise en place, au fonctionnement ou au financement, plutôt   que   la   création   d’une   nou- velle   catégorie   juridique   de   “données   d’intérêt   général”.   Une   telle   catégorie   semble trop floue et large pour être applicable aisément, et contribuerait sans doute à créer une insécurité juridique chez les acteurs privés, fragilisant la construction  de  services  et  de  modèles  d’affaires  intégrant  la  donnée. Encourager la mise en commun, sur la base du volontariat, de cer- taines données collectées par les acteurs privés pour concourir à un programme de recherche ou une politique publique. Les données mises en commun seraient collectées par un organisme publics puis agrégées et  randomisées  avant  d’être  réutilisées ou redistribuées. Des expérimentations pourraient  également  être  menées  afin  d’initier  la  dynamique. Penser un cadre juridique adapté pour la mise à disposition de données  d’acteurs  privés  à  des  fins  d’intérêt  général,  sur  demande   des pouvoirs publics. Il  s’agit  de  définir  clairement  le  cadre  et  les  condi- tions  d’une  mise  à  disposition  imposée,  qui  constituent  des  prérequis  impéra- tifs. Le contexte de la mise à disposition doit être apprécié au regard de l’équilibre  entre  impératifs  d’intérêt  général et intérêts économiques des dé- tenteurs ; le dispositif doit inclure des garanties juridiques fortes pour l’organisme  détenteur  et  reposer  sur  une  phase  de  dialogue  systématique  entre   les parties prenantes. L’approche  circonstanciée,  basée  sur  la  finalité tout en tenant compte des intérêts de toutes les parties prenantes, doit a fortiori s’appliquer   au   domaine   des   données   de   santé.  Parce  qu’elles  touchent  à  l’intimité  et  à  l’identité  des  individus,  leur  ouverture   doit  en  outre  relever  d’une  décision  collective  de  l’ensemble  des  acteurs  de  santé,  ce  
  • 308. SANTÉ ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 307 qui inclut les pouvoirs publics, les professionnels de santé, les acteurs économiques, mais aussi et surtout les usagers, les associations, la société civile. 62. Utiliser le levier numérique pour permettre au grand public de comprendre les défis de santé publique et de devenir acteurs de leur résolution La   métamorphose   numérique   de   la   société   s’accompagne   d’un   changement   de   paradigme  en  matière  d’expression  citoyenne  et  de  mobilisation  collective,  y  compris   dans le champ des politiques de santé. Si on ne peut encore parler de véritable co- construction,   le   numérique   participe   à   la   transition   d’une   politique   descendante   en   santé vers une démarche plus inclusive et horizontale, en mettant à disposition de chacun de   nouveaux   espaces   d’expression   et   de   participation,   en   démultipliant   les   capacités  de  suivi  et  d’évaluation  en  temps  réel,  par  et  pour  les  citoyens  eux-mêmes. Il porte  aussi  l’espoir  d’une  plus  grande  transparence  et  efficience  de  l’action  publique  en   santé, dans un contexte où les récents scandales sanitaires ont contribué à un sentiment de défiance ;;  d’une  plus  grande  agilité  dans  la  mise  en  œuvre  des  politiques   de santé en créant un canal de retour des citoyens. Cette dynamique doit être renforcée : En  matière  de  démocratie  sanitaire,  l’outil  numérique  doit  être  ex- ploité  pour  mettre  en  place  une  boucle  d’amélioration  continue  des   politiques de santé publique : -­‐ Une phase de débat citoyen devrait être rendue systématique dans le processus de prise de décision en matière de politique de santé publique   (à   l’exclusion   de   certaines   situations   d’urgence   où   l’exigence   de   réactivité   l’emporte),   notamment   à   l’échelle   du   territoire.   Cette   étape   pourrait   s’appuyer   sur   les   outils   de   concertation innovants qui ouvrent des espaces de contribution et de débat en ligne entre les différentes parties prenantes (citoyens, autorités sanitaires, pouvoirs publics, professionnels de santé, etc.) ; -­‐ Tout   au   long   de   la   mise   en   œuvre   des   politiques   de   santé,   une   interface doit être déployée afin de permettre un retour d’expérience   de   la   part   des   parties   prenantes,   et   d’engager   ainsi   des  actions  d’ajustement. En matière de pharmacovigilance, de veille épidémiologique, de crise sani- taire, et plus globalement, pour tout projet portant une  dimension  de  “diffu-
  • 309. SANTÉ ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique308 sion parmi les citoyens”,  l’appel  à  la  mobilisation  collective  - en amont comme en aval - doit devenir un réflexe : -­‐ À l’instar   de   l’application   FixmyStreet   destinée   à   faciliter   le   reporting des dysfonctionnements ou incidents urbains auprès des autorités locales, les pouvoirs publics pourraient faire participer les citoyens à la pharmacovigilance et à la veille sanitaire en mettant à leur disposition une interface dédiée à la remontée   d’informations   sur   leur   propre   utilisation   de   médicaments,  ainsi  qu’à  l’observation  de  dangers  sanitaires  et/ou   environnementaux. Cette remontée en temps réel des signaux faibles et alertes - qui  doit  en  revanche  s’arrêter  en  amont  de  tout   ce qui ressemblerait à de la délation - démultiplierait les informations à la disposition des pouvoirs publics, permettrait une meilleure gestion des anomalies (priorisation, surveillance et suivi de leur développement, étude de scénarios, etc.), et un ajustement en continu des mesures prises. -­‐ Dans les opérations de cartographie par exemple, les pouvoirs publics  pourraient  lancer  des  sites  dédiés  à  l’inventaire  collectif  à   l’image  de www.defibrillateur.org/ ou se faire les partenaires des associations   et   organismes   qui   en   sont   à   l’initiative,   tels   que   Openstreetmap. L’INITIATIVE OPENSTREETMAP POUR EBOLA (sous l’impulsion de la Croix-Rouge US et de MSF Suisse, depuis mars 2014). L’initiative Openstreetmap pour Ebola a permis la cartographie des principaux foyers d’épidémie en Sierra Leone et au Liberia. 700 cartographes ont été mobilisés sur le terrain et dans le monde entier afin de répertorier en temps réel des cas potentiels, confirmés, des décès, centres de secours, en plus de fournir des informations détaillées sur le terrain, les bâtiments, etc. Des partenariats avec d’autres initiatives, comme Ewer sur Crisis.net, (Ushahidi, spécialiste de la cartographie de crise) ont également pu être noués. Pour plus d’informations : Voir : http://wiki.openstreetmap.org/wiki/2014_West_Africa_Ebola_Respo nse Voir : http://healthmap.org/ebola/#timeline Voir : http://crisis.net/
  • 310. SANTÉ ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 309 63. Former les professionnels de santé aux enjeux et aux usages du numérique en santé Alors   qu’ils   exercent   des   activités   demandant   une   haute   technicité   dans   les   équipements utilisés comme dans le niveau de connaissances acquis, quelques professionnels de santé semblent entretenir des relations contrariées avec le numérique. Or, le rôle et les pratiques des professionnels de santé sont appelés à évoluer en parallèle des nouveaux usages numériques des individus, en lien direct ou indirect  avec  leur  état  de  santé.  L’appétence  massive   des  usagers  pour  des  sites  tels   que  Doctissimo.fr  pour  s’informer,  l’existence  de  communautés  de  patients  en  ligne,  la   production  d’une  connaissance  scientifique  citoyenne  grâce  à  internet,  ou  le  quantified self ne  peuvent  pas  être  ignorés  des  professionnels  de  santé.  Il  s’agit  a minima de les comprendre pour en tenir compte dans les pratiques médicales et garder la faculté de tenir un dialogue de qualité avec des patients encapacités par le numérique et sa multitude  d’informations  de  santé  disponibles  en  dehors  du  cadre  médical,  y  compris   sur eux-mêmes.  Il  faudrait  même  apprendre  à  s’en  saisir  pour  apporter  la  meilleure   réponse globale possible au cas du patient. À titre  d’exemple,  certaines  applications   mobiles  et  certains  “jeux sérieux”  pourraient  véritablement  faire  partie  de  la  palette   d’outils   dont   disposent   les   professionnels   de   santé   pour   sensibiliser,   diagnostiquer,   traiter, suivre les patients. Enfin, dans un contexte où les communautés de patients en ligne sont des cibles privilégiées pour les porteurs de théories complotistes ou sectaires, les professionnels de santé ont un vrai rôle à jouer en tant que porteurs de contre-discours, et plus généralement, face à la désinformation en santé. Parce que leur haut niveau de qualification leur confère un rôle de référence en matière de santé pour la plupart des citoyens  et  parce  qu’ils  incarnent  parfois  le  dernier  lien  avec  la  société  pour  les  publics   les plus fragiles (personnes âgées, handicapés, etc.), cette légitimité doit persister, à plus forte raison dans un contexte où les rapports des citoyens à leur santé sont modifiés par le numérique. Pour se saisir du potentiel des outils numériques, pour contribuer à faire barrage à la malveillance de certains acteurs  s’adressant  aux  individus  par  le  biais  de  leur  santé  et   pour continuer à assurer leur rôle dans la cohésion sociale, les professionnels de santé doivent absolument acquérir de nouvelles compétences adaptées : à  l’instar  du  référentiel  de  compétences SI des métiers des établissements de santé, un référentiel de compétences numériques des professions de santé de- vrait être réalisé, inscrit et enseigné dans les formations initiales et continues ; ces compétences numériques couvriraient notamment : les usages en informa- tique de gestion, les usages numériques en santé et bien être en complément des traitements médicaux traditionnels. Ils comprendraient aussi des compé-
  • 311. SANTÉ ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique310 tences de médiation, notamment la capacité à orienter les individus vers des outils de référence et le dialogue en ligne avec des patients ou des communau- tés de patients… les modalités de formation des professionnels de santé pourraient elles- mêmes  s’appuyer  sur  le  numérique : MOOCs, outils de simulation, etc. CROWDMED AU SERVICE DU DIAGNOSTIC DE MALADIES RARES Il existe des milliers de maladies et de nouvelles formes évolutives de celles-ci apparaissent régulièrement. Il arrive que des patients soient face à une absence de diagnostic, ou à des diagnostics contradictoires. [...] CrowdMed permet à tout un chacun de soumettre sur la plateforme, le cas d’une maladie rare dont un médecin n’aurait pu livrer un diagnostic ou sur lequel le patient aurait un doute. La personne en question doit alors fournir des informations sur ses symptômes, son histoire médicale ou sur les maladies précédemment subies. Par la suite, la communauté des “détectives médicaux” enregistrée sur le site, suggère des diagnostics et tente de supposer quel remède serait le plus adapté. [...] CrowdMed propose donc un modèle où les utilisateurs doivent faire confiance à l’intelligence collective de la foule pour régler ce que des personnes auxquelles la société fait confiance, mais qui ne sont pas infaillibles, n’ont pas nécessairement été capables de solutionner. Source : http://www.atelier.net/trends/articles/crowdmed-utilise-crowdsourcing- resoudre-cas-medicaux-rares_418895
  • 312. ÉDUCATION ET FORMATION SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 311 Éducation et formation En tant que pilier de notre modèle social, il est impératif que le système éducatif, entendu au sens large et sous ses formes multiples, fasse corps et intègre les enjeux de la  métamorphose  numérique  pour  accomplir  sa  raison  d’être : préparer les individus à la société. La consultation porte en filigrane la question   centrale   de   la   capacité   de   l’école   à   accompagner   et   éclairer   une   métamorphose   sociale   chargée   d’incertitudes.   Notre   école, conçue pour une transmission de savoirs assurés, se retrouve à la peine dans une  période  d’instabilité  des  idées,  de  perte  de  sens,  d’ambiguïtés  dans  les  moindres   faits techniques et phénomènes sociaux. Il sera difficile de mettre la société numérique “au programme”.  Il  est  difficile  de  “faire cours”  sur  les  faits  structurants  de  la  société   numérique, les affiliations, le rôle des cooptations et des réputations, les coopérations. La   meilleure   façon   de   former   au   numérique   serait   que   l’expérience   scolaire soit une expérience qui reflète les métamorphoses sociales. Pour que   l’école   l’incarne   et   en   donne   l’expérience   aux   élèves,   il   faudra une métamorphose de la société scolaire elle-même, et des rôles de ses administrations, de ses décideurs, professeurs, parents et élèves. Mais   l’inquiétude   est   grande   de   changer   des   équilibres   historiques   pour   ce   qui   ne   serait, certains le croient encore,  qu’un  simple  phénomène  de  mode.  C’est  parce  que   l’école   a   une   promesse   républicaine   d’égalité   à   tenir   qu’elle   doit   se   saisir   du   risque   d’inégalités  accrues  entre  ceux  qui  s’approprient  la  culture  numérique  et  ceux  qui  en   demeurent   exclus.   C’est   parce que chaque citoyen est introduit dans la société par l’école  qu’il  doit  y  découvrir  les  ressorts  de  la  société  numérique.  Le  rôle  qu’y  tiennent   les   talents   humains,   le   pouvoir   d’agir,   la   résolution   de   problèmes,   le   pouvoir   de   l’intuition  et  l’expérimentation sont des thèmes familiers du monde scolaire. Il suffirait d’infléchir   les   exercices   stimulant   ces   qualités,   d’atténuer   la   vérification   des   connaissances  et  de  rendre  les  évaluations  moins  “solo”,  pour  initier  aux  mécanismes   ascendants et collectifs du monde numérique et apporter une formation à la littératie numérique. La   transformation   numérique   de   l’école   ne   peut   s’amorcer   que   sous   la   forme   d’une   expérience   vécue   par   les   élèves   et   les   professeurs.   Si   le   pouvoir   d’agir   de   chacun,   l’apprentissage  de  pair  à  pair,  l’économie  collaborative,  la  valeur  des  communs  et  la  
  • 313. ÉDUCATION ET FORMATION SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique312 compétence informatique pour tous sont des constituants de notre société, si comprendre  ces  dynamiques  est  une  condition  d’inclusion  pour  une  société  plus  juste,   il est normal que les futurs citoyens se familiarisent avec ces rapports sociaux, ces modes de création de valeurs et ces savoirs scientifiques et techniques dès leur formation initiale. Ce qui suppose des renversements culturels difficiles et peut susciter de fortes résistances et incompréhensions, quand le délitement des autorités, la dévalorisation des   processus   classiques   de   l’effort,   de   la   mémoire,   de   l’exercice   quotidien  sont  agités  comme  autant  de  risques  possibles.  Face  à  l’abondance  quelque   peu piégeuse de ressources éducatives disponibles, comment faire partager à tous les exigences du travail de  l’esprit,  les  hypothèses,  les  analyses,  la  recherche  de  preuves,   l’argumentation,   l’établissement   d’un   jugement ? Comment préparer au monde présent, quand précisément certaines caractéristiques de ce monde - par exemple la surinformation qui peut être le véhicule de la désinformation, les dangers de manipulation  de  la   pensée,  la  destruction  des  capacités  d’attention   - font partie des menaces  qui  pèsent  sur  le  concept  même  d’école ? On touche ainsi à un second niveau de la responsabilité des systèmes scolaires. Il incombe  à  l’Éducation,  comme  lieu  de  la  pensée  critique  et  de  la  recherche,  d’apporter   aux citoyens des voies pour que cette société soit décrite, analysée, interprétée de sorte que la nature des transformations soit progressivement ressentie et évaluée par tous. Cela  concerne  aussi  une  extension  du  domaine  de  l’éducation,  la  société  numérique  se   caractérisant  par  une  forme  continue  d’apprentissage,  un  travail  quotidien  de  chaque   individu,  qui  nécessite  en  prérequis  “d’apprendre  à  apprendre”. N’oublions  pas  que  l’éducation  promet  ses  bénéfices  dans  un  contexte  historique  où  la   majorité   des   emplois,   y   compris   les   emplois   les   plus   qualifiés,   sont   menacés   d’être   absorbés  par  une  automatisation  issue  de  l’intelligence  artificielle  et  de  la  robotique.   N’oublions  pas  que  les  savoirs  disciplinaires  purs  en  sortiront  dévalorisés  et  que  des   compétences,   aujourd’hui   reléguées   au   second   plan,   vont   gagner   en   valeur,   parce   qu’elles  ne  sont  pas  automatisables :  l’intuition,  la  curiosité,  la  capacité  à  donner  du   sens,  l’intelligence  face  à  des  informations  inédites,  la  capacité  à  poser  et  résoudre  des   problèmes jamais posés. Quand   on   parle   de   la   responsabilité   de   l’éducation   pour   éclairer   la   transformation   (numérique)  des  sociétés,  il  ne  s’agit  pas  d’adopter  une  approche qui voudrait que les sphères  défavorisées  de  la  société  seraient  celles  à  “éduquer”,  il  ne  s’agit  pas  de  dire   que  ceux  qui  ont  “moins”  sont  moins  capables  de  comprendre  ce  qui  se  joue.  Dans  les   quartiers   prioritaires,   au   sein   des   minorités,   l’intuition   de   l’étendue   de   ces   transformations  est  forte.  La  conscience  de  ce  que  peut  le  Web  ne  demande  qu’à  être   orientée   et   potentialisée,   en   particulier   par   une   éducation   à   l’informatique   et   à   la   littératie  numérique.  Le  besoin  d’éducation  à  la  société  numérique concerne aussi ceux qui  n’ont  ni  problèmes  d’accès,  ni  problèmes  d’usages  mais  demeurent  déconnectés  de   la métamorphose numérique. En particulier, les systèmes éducatifs et les grandes
  • 314. ÉDUCATION ET FORMATION SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 313 écoles   ont   la   responsabilité   essentielle   de   lever   les   œillères   de   tous les décideurs et futurs décideurs qui sous-estiment  encore  l’importance  de  la  transformation  à  l’œuvre. Jules Ferry 3.0 Le Conseil National du Numérique a publié en octobre 2013 le rapport Jules Ferry 3.0 : Bâtir une école créative et juste dans un monde numérique201, dont certaines recommandations ont été discutées au cours de la concertation et que nous rappellerons ici, à la lumière des contributions et des avancées en cours ou à venir. Enseignement l’informatique : maintenir le cap Un certain nombre de mesures concrètes sont en train de voir le jour (enseignement d’informatique   pour   les   élèves   des   classes   préparatoires   aux   grandes   écoles   scientifiques,  généralisation  de  l’option  ISN  - Informatique et Science du Numérique - en  terminale,  enseignement  d’exploration ISN en seconde, programmation au collège dans   le   cadre   des   cours   de   mathématiques,   mesures   pour   l’enseignement   de   l’informatique   en   primaire   notamment   par   le   biais   des   NAP   - Nouvelles activités périscolaires,   ...),   notamment   sous   l’impulsion   d’associations historiques (Enseignement   Public   de   l’Informatique)   et   du   succès   de   nouvelles   approches   de   formation   (Simplon.co,   Magic   Makers,   Web@cademy…).   Ces   premiers   pas   doivent   être encouragés par des mesures à la hauteur de nos ambitions. Pour cela un cap doit être  clairement  fixé  afin  que  chacun  comprenne  l’importance  de  l’enjeu  et  dépasse  les   idées  reçues.  La  généralisation  de  l’enseignement  de  l’informatique  de  l’école  jusqu’au   lycée   n’a   pas   pour   but   de   former   des   armées   de   développeurs   afin   de   répondre aux besoins   du   marché   du   travail,   mais   bien   de   former   des   citoyens   d’une   société   numérique. Une   maîtrise   des   bases   de   l’informatique   est   devenue   indispensable   pour   se   familiariser  avec  le   monde  numérique  dans  lequel  nous  vivons.  L’informatique  peut   également  être  un  formidable  vecteur  de  l’apprendre  à  apprendre.  Le  développement   n’est  qu’une   partie  d’un   processus  itératif  de  création  et  de  réflexion   qui  caractérise   l’informatique.  À ce  titre,  l’enseignement  de  l’informatique  doit  être  considéré  comme   une  opportunité  d’acter  l’importance  de  pratiquer  de  nouveaux  modes  d’apprentissage   plus agiles, expérimentaux, basés sur le projet, par essai-erreur. Dans   un   contexte   où   l’informatique   (les   langages,   les   domaines   d’application,   les   infrastructures, etc.) évolue très rapidement, il faut aussi insister sur le fait que la réussite de son enseignement dépend en grande partie de la formation du corps enseignant. À cet égard le CNNum réitère202 le  besoin  de  s’appuyer  sur  des  enseignants   201 “Jules  Ferry  3.0  :  bâtir  une  école  créative  et  juste  dans  un  monde  numérique”, oc- tobre 2014 202 Conseil national du numérique, Rapport Jules Ferry 3.0 : bâtir une école créative et juste dans   un   monde   numérique.   Chapitre   1,   Enseigner   l’informatique   :   une   exigence   - pp.20-33
  • 315. ÉDUCATION ET FORMATION SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique314 déjà  en  poste  tout  en  faisant  appel  à  d’autres  viviers  potentiels  (chercheurs,  ingénieurs,   etc.), et le besoin de développer la   formation   et   le   recrutement   d’enseignants   en   informatique de niveau master. Pour   les   contributeurs,   le   principal   risque   à   éviter   est   celui   d’un   enseignement   de   l’informatique  par  des  pédagogies  “classiques”,  descendant  et  individuel.  Ils  proposent   de   s’appuyer plutôt sur des approches ludiques de découverte de la logique informatique (serious games, Scratch, Robozzle, MinecraftEdu203,  “coding  goûters”…) et de favoriser un apprentissage contextualisé et problématisé de la programmation en lien   avec   d’autres matières (par exemple, créer ses propres cartes en ligne en géographie plutôt que de simplement les colorier). Enfin,  il  est  essentiel  d’ajouter  à  ce  constat  celui  de  la  sous-représentation des femmes dans  le  monde  “numérique”,  révélée  par  leur  part  dérisoire  dans  les  écoles  d’ingénieur,   notamment  celles  spécialisées  dans  l’informatique.  Une  étude  a  par  exemple  montré   qu’en  2013  on  ne  comptait  que  28 % de femmes dans le numérique, contre 48 % pour le reste de l'économie204.  L’éducation  - et  de  surcroît  l’école pour tous - est un levier majeur pour dépasser cette situation. Installer à l’école la littératie de l’âge numérique, une exigence La littératie désigne « l'aptitude à comprendre et à utiliser le numérique dans la vie courante, à la maison, au travail et  dans  la  collectivité  en  vue  d’atteindre  des  buts   personnels  et  d’étendre  ses  compétences  et  capacités »205. Elle englobe les méthodes, les connaissances et les savoir-faire  nécessaires  à  l’exercice  des  droits  et  devoirs  dans   la société numérique. Deux exemples de référentiel ont été portés dans la concertation : le référentiel sur la Webliteracy et les Makers206 de la Mozilla Foundation, et les travaux menés par le collectif SavoirsCom1 pour définir les contours d’une  littératie  des  communs207. Ce type de référentiels  doit  inspirer.  L’approche  “par   les   compétences”   doit   être   généralisée   dans   le   monde   scolaire   et   les   contenus   des   socles  de  compétences  de  l’école  doivent  s’inspirer  de  ce  type  de  référentiels. http://www.cnnumerique.fr/wp- content/uploads/2014/10/Rapport_CNNum_Education_oct14.pdf 203 http://lesclesdedemain.lemonde.fr/revue-de-web/minecraft-s-invite-dans-4000-ecoles-a- travers-le-monde_a-75-4752.html 204 MARKESS International pour Femmes du Numérique, Juin 2013. http://www.syntec- numerique.fr/sites/default/files/related_docs/2013_06_06_-_femmes_du_numerique_- _indicateurs_2012_-_etude_complete.pdf 205 OCDE, « La littératie à l'ère de l'information », 2000, http://www.oecd.org/fr/Éducation/etudespays/39438013.pdf 206 https://webmaker.org/fr/literacy 207 http://www.savoirscom1.info/2014/11/definir-litteratie-des-communs/
  • 316. ÉDUCATION ET FORMATION SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 315 Concevoir l’école ouverte sur son époque, en réseau sur son territoire L’urgence   est   de   décloisonner   l’école   afin   d’encourager   la   fertilisation   croisée   et   construire ainsi une nouvelle alliance éducative, rassemblant des acteurs dans et hors les  murs  de  l’école. Concrètement, les contributeurs ont insisté sur   l’importance   du   champ   périscolaire   pour   faire   bouger   les   lignes,   par   exemple   en   investissant   les   TAP   (Temps   d’activité   périscolaire). Dans ce contexte, une attention toute particulière doit être portée au rôle que peuvent jouer les systèmes éducatifs en lien avec les politiques de la ville et de cohésion   sociale.   On   pense   ici   à   cet   élève   de   Simplon.co,   qui   face   à   l’insatisfaction   engendrée   par   l’unique   ouverture   hebdomadaire   de   l’office   HLM   de   son   quartier, a créé une application mobile de recueil des doléances. Suite à une expérimentation   fructueuse,   l’office   HLM a décidé  de  racheter  l’application. Mettre en place un cadre de confiance pour l’innovation Face  à  l’arrivée  de  nouveaux  entrants  de  l’économie  numérique  mondialisée,  l’un  des   rôles de la puissance  publique  consiste  à  réorganiser  le  marché  de  l’éducation  français   et   francophone   tout   en   maintenant   l’ambition   de   transformation   pédagogique   et   culturelle  de  la  refondation  de  l’éducation  à  l’heure  du  numérique.  Pour  réaliser  cet   objectif, il nous faut   disposer   rapidement   d’un   cadre   de   confiance   permettant   de   garantir le respect des droits individuels des usagers sans pour autant brider l’innovation  et  dessiner  un  paysage  dans  lequel  l’édition  scolaire  trouve  sa  place  aux   côtés des opérateurs publics, des pure players et  d’autres  acteurs.  Cela  induit  aussi  de   trouver   de   nouveaux   modèles   économiques   soutenables   et   d’engager   plus   de   financements privés face au système de financement public à bout de souffle. Des contributeurs  ont  d’ailleurs  émis  des  propositions dans ce sens.
  • 317. ÉDUCATION ET FORMATION SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique316 ECHOS DANS LA CONCERTATION L’idée de la création d’un fond à l’innovation des pédagogies du numérique agrégeant capitaux publics et privés a été apportée au débat public à travers la concertation et semble faire écho à une tendance se dessinant mondialement, celle de l’EdTech, ce secteur qui en 2014 a atteint outre-Atlantique des levées de fonds de plus de 1 milliards de dollars208 . Donner la parole aux enseignants pour construire ensemble l’école de la société numérique Le fonctionnement normatif et les pédagogies descendantes ne correspondent plus à la demande de la communauté éducative - élèves comme enseignants - qui revendiquent davantage  de  marge  de  manœuvre.  La  France  dispose  globalement  de  professeurs  bien   formés, volontaires et innovants. Si certains ont su spontanément se saisir du potentiel du   numérique   au   service   de   leur   pédagogie,   d’autres   doivent   aujourd’hui   s’engager   dans une véritable mue culturelle et prendre conscience des multiples façons de tirer parti du numérique sans en avoir peur. Le numérique remet en question le rôle de l’enseignant   qui   n’est   plus   le   “maître”   de   la   connaissance   avec   pour   fonction   l’évaluation  sanction  d’une  restitution  de  savoirs  “par  cœur”,  il  devient  celui  dont  le   rôle est de questionner,  d’enrichir,  d’interagir  avec  ses  apprenants  et  d’accompagner  le   développement des savoirs et des savoir-faire de chacun. Expérimenter rapidement le bac HN Humanités numériques Faut-il ou non accorder une place spécifique au numérique dans le parcours de formation ?   Si   certains   contributeurs   estiment   qu’il   ne   faut   pas   créer   de   formation   dédiée   car   le   numérique   est   par   essence   transdisciplinaire,   d’autres   le   considèrent   comme un ensemble de sciences et techniques dont il faut faire une discipline à part entière, avec des dimensions techniques, historiques, économiques, politiques, juridiques, etc. Dans le rapport Jules Ferry 3.0, le CNNum avait émis la proposition d’un  “bac HN Humanités numériques”,  réconciliant  les  deux  visions : une filière et un diplôme bien identifiés, mais à travers lesquels seraient enseignées les disciplines des filières   dites   “généralistes”   à   l’aune   du   numérique.   Un   symbole   fort   serait   d’expérimenter  rapidement  un  tel  bac,  moderne,  en  phase  avec  son  temps,  au  niveau   d’un  établissement pilote avec des acteurs territoriaux motivés. NB : Au cours de nos échanges et rencontres lors des travaux sur le rapport Jules Ferry  3.0,  l’importance  de  lancer  un  vaste  plan  de  recherche  pour  comprendre  les   208 “EdTech : la France peut-elle  rattraper  son  retard  ?”,  ledudiant.fr,  27.02.2015 http://www.letudiant.fr/educpros/entretiens/edtech-la-france-peut-elle-rattraper- son-retard.htmlv
  • 318. ÉDUCATION ET FORMATION SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 317 mutations du savoir et éclairer les politiques   publiques   s’était   clairement   dégagée.   Cette  recommandation  ne  faisant  pas  partie  du  périmètre  de  la  consultation,  elle  n’a   pas  fait  l’objet  de  débats. Recommandations Au regard des sujets plébiscités par les contributeurs dans la concertation et des échanges  avec  le  Ministère  de  l’Éducation nationale depuis la publication du rapport Jules  Ferry  3.0,  le  CNNum  souhaite  ici  mettre  l’accent  sur  les  trois  axes  concentrant   une   partie   du   débat   et   sur   les   propositions   complétant   utilement   l’analyse   du   précédent rapport : 64. Faire évoluer et clarifier l’exception pédagogique pour une meilleure adéquation avec les usages numériques L’application  de  l’exception  pédagogique209 a été introduite dans le droit français en 2006 par la loi DADVSI210 et  s’organise autour  de  protocoles  d’accord  conclus  entre  les   établissements   et   les   organismes   représentants   les   titulaires   des   droits.   Dans   l’état   actuel,   l’exception   pédagogique   est   perçue   par   les   enseignants   comme   un   dispositif   trop complexe pour pouvoir être pleinement compris et exploité. Les enseignants s’inquiètent   d’une   insécurité   juridique   qui   freine   les   usages,   en   particulier   numériques ;;   les   éditeurs   estiment   que   l’action   du   Centre   Français   de   la   Copie   a   désormais   clarifié   le   paysage,   ce   que   démontrerait   l’usage massif du dispositif. À minima, un bilan serait à établir en commun, avant un travail de communication auprès de toutes les parties prenantes. Le numérique risque de rendre cette tâche encore plus compliquée pour les enseignants,  dans  le  cadre  de  l’utilisation du potentiel des TICE (blogs, wikis, réseaux sociaux, etc.) et de la production de MOOCs ou autres cours en ligne, qui ont vocation à être mise en ligne et donc en accès libre. Il  semble  donc  nécessaire  d’engager   une réflexion collective sur le recours   à   l’exception   pédagogique   dans   le   cadre de formations ouvertes à tous. Pour soutenir la production de ressources éducatives par les enseignants et asseoir leur sécurité juridique, le CNNum recommande de : 209http://eduscol.education.fr/internet-responsable/se-documenter-publier/visualiser-projeter- des-contenus/faire-jouer-lexception-pedagogique.html 210 Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.
  • 319. ÉDUCATION ET FORMATION SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique318 Donner les moyens aux enseignants de mettre en œuvre et de respecter l’exception pédagogique selon des critères simplifiés, lisibles, transparents et homogènes : Clarifier le périmètre des ressources librement utilisables par les enseignants ; Formaliser de façon compréhensible le périmètre des contenus couverts  par  l’exception  pédagogique,  et  expliciter  les  conditions  de   leur libre réutilisation. Rendre cette information facilement accessible aux enseignants, par exemple en la publiant sur les différents sites qui leur sont dédiés, notamment les sites  institutionnels  de  l’Éducation nationale ; Apporter aux enseignants une aide juridique émanant de leur établis- sement,   de   leur   tutelle   ou   d’une   médiation   à   inventer,   qui   les   accompagne- raient  dans  leur  pratique  de  l’exception  pédagogique  et  dans  la  recherche de solutions alternatives lorsque celle-ci  ne  s’applique  pas ; Favoriser et outiller les pratiques de création de contenus pédago- giques par les enseignants à partir de ressources existantes dans le respect  du  droit  d’auteur ; Améliorer la lisibilité des offres en termes de droits via la signalétique, labels, boutons, filtrage des moteurs de recherche, etc. pour faciliter la com- préhension  des  conditions  de  réutilisation  et  des  licences  s’appliquant  par  les   enseignants ; Former les enseignants, en formation initiale dans les ESPE comme en formation  continue,  à  la  compréhension  et  à  l’utilisation  des  licences,  notam- ment les licences Creative Commons, aux outils de gestion (agrégation, cura- tion, indexation, etc.) des ressources disponibles en ligne. Assouplir et inscrire dans la durée l’exception pédagogique : Assouplir  les  autorisations  d’usage  des  œuvres  dans  des  objets  pédago- giques non-marchands pour assurer la sécurité juridique des enseignants ; Rendre pratique la citation de source pour  les  œuvres  utilisées dans les produits  pédagogiques,  à  l’image  du  modèle  automatique  de  génération  des  ci- tations utilisé par Wikicommons ; Favoriser le dialogue entre les ayants droit et les usagers de façon à développer l'usage de licences Creative commons au service de la créativité pédagogique.
  • 320. ÉDUCATION ET FORMATION SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 319 LE CANADA En 2013 le Canada a introduit une exception pédagogique favorable aux usages numériques : le législateur canadien a considéré, à l’occasion de sa transposition du Traité de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle de 1996, qu’au nom de l’intérêt général les usages pédagogiques et de recherche des œuvres ne constituaient pas un préjudice infligé aux titulaires de droits et qu’il n’y avait pas de compensation financière à verser. Cette loi a donc permis aux établissements d’enseignement canadiens d’utiliser plus librement tous types d'œuvres, mais aussi d’alléger leurs dépenses, en ne renouvelant plus leurs accords auprès des sociétés de gestion collective. Cependant, les éditeurs de manuels scolaires au Canada affirment avoir subi des pertes importantes à la suite de l’introduction de cette réforme du droit d’auteur : les ventes dans le secteur scolaire ont décliné de 11 %, générant des pertes directes pour les éditeurs et les auteurs estimées à 15,5 millions d’euros. L’éditeur Oxford University Press a même choisi de quitter le marché canadien. Sources : http://scinfolex.com/2015/01/05/nouvel-accord-sur-lexception-pedagogique- quelques-avancees-mais-un-dispositif-toujours-inadapte/ IPA (International Publisher Association) 65. Anticiper les révolutions de la certification Le   numérique   est   au   centre   de   nouveaux   processus   d’acquisition   et   d’appropriation   des savoirs, plus agiles, plus partagés, moins descendants. Cette dynamique couplée à la  démultiplication  des  possibilités  d’accès  à  la  formation  via des dispositifs en ligne conduit à la tentation de parcours moins linéaires et plus personnalisés. Cette réalité, déjà  en  cours,  exhorte  le  système  éducatif  à  s’adapter  dès  aujourd’hui  pour  éviter  sa   désintermédiation,  si  ce  n’est  son  remplacement,  par  de  futurs  géants  internationaux en  ligne,  car  il  ne  s’agit  ni  plus  ni  moins  que  de  préserver  notre  souveraineté  en  termes   d’éducation.   Cette   urgence   est   par   ailleurs   prégnante   à   l’heure   où   la   réputation   des   universités sur la scène internationale dépend très largement de leur offre en ligne et soulève a fortiori des enjeux de soft power. À cet égard, la certification des savoirs et des savoir-faire par les instances de formation (Education nationale, Enseignement supérieur, instances de formation professionnelles…)   constitue   un   enjeu majeur.   Aujourd’hui,   l’offre   de   formation   à   distance explose en direction de tous les publics. Les plateformes de MOOCs, souvent d’origine  américaine,  proposent  de  plus  en  plus  des  solutions  de  certification  gratuites   ou payantes. Certains étudiants tendent à délaisser certains cours magistraux, ayant trouvé ces mêmes cours parfois mieux présentés ou tenus par un professeur davantage renommé en ligne grâce aux ressources éducatives libres (REL, ou OER pour Open Education Ressources en anglais). Dans ce contexte de mondialisation et de
  • 321. ÉDUCATION ET FORMATION SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique320 marchandisation de la certification, il est urgent de réaffirmer le rôle certificateur de l'École. Dans la lignée des éléments avancés par les contributeurs, le CNNum propose plusieurs chemins de progrès : Encourager les institutions de formation à s’engager dans la mise en ligne de leurs contenus : Prévoir  des  indicateurs  de  résultats  et  un  espace  d’échange  des  bonnes   pra- tiques ; Adresser le marché de la francophonie en proposant des contenus coproduits avec le soutien des  organisations  afférentes  (AUF,  OIF…);; Engager une réflexion collective sur la construction de modèles économiques pérennes et non-discriminants  sur  l’accès  à  la  formation  certifiante  en  ligne. S’appuyer sur le système ECTS (Système européen de transfert et d’accumulation de crédits) pour créer un vaste espace d’échange et d’apprentissage certifiant en ligne au niveau européen : Le système des crédits ECTS constitue un moyen efficace de reconnaissance académique  sous  la  forme  d’un  label  octroyé  aux  établissements qui ont mis en  place  le  système  et  l’utilisent  convenablement  et  avec  transparence.  Si  son   extension   aux   grandes   plateformes   de   MOOCs   d’origine   américaine   paraît   complexe,   le   système   ECTS   pourrait   être   la   pierre   angulaire   d’un   réseau   d’universités   et   de   grandes   écoles   européennes   partageant   l’accès   à   leurs   MOOCs et à leurs ressources pédagogiques en ligne ; Un   point   d’attention   sur   le   choix   des   contenus : il ne   s’agit   pas   d’assigner   de   façon   unilatérale   tel   MOOC   pour   “remplacer”   tel   cours,   au   risque d’engendrer   de   graves   risques   à   la   fois   pour   la   diversité   de   l’enseignement   et   l’inclusion   des   étudiants   déjà   en   difficulté,   qui   ont   besoin   d’un   suivi   particulier211.   Il   s’agit   davantage   d’inventer   des   processus   de   re- commandations de ressources plus souples, en peer-to-peer, sur la base de la participation. 211 Voir Anderson, Terry. Promise and/or Peril: MOOCs and Open and Distance Edu- cation. Athabasca University, 2013. http://www.col.org/SiteCollectionDocuments/MOOCsPromisePeril_Anderson.pdf http://www.tonybates.ca/wp-content/uploads/2008/07/castell4.pdf ou encore Bates, Tony. The Promise and the Myths of e-Learning in Post-Secondary Education. In Ma- nuel Castells (ed.), The Network Society - A Cross-cultural perspective. Cheltenham & Northampton: Edward Elgar Publishing, 2004.http://www.tonybates.ca/wp- content/uploads/2008/07/castell4.pdf
  • 322. ÉDUCATION ET FORMATION SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 321 LE SYSTEME ECTS OU SYSTEME EUROPEEN DE TRANSFERT ET D'ACCUMULATION DE CREDITS L'ECTS a été créé en 1988 par l'Union européenne. Depuis 1999, il est un des principaux outils du Processus de Bologne. La création de l'ECTS découle d'une volonté d'instaurer une Europe des connaissances. Dans ce cadre ont été créés les programmes Socrates et Erasmus - programmes d'échanges. L'ECTS a été mis en place en 1989 dans le cadre du programme Erasmus. Il facilitait alors la reconnaissance académique des périodes d'études réalisées à l'étranger. [...] Ce système permet d'attribuer des points à toutes les composantes d'un programme d'études en se fondant sur la charge de travail à réaliser par l'étudiant. Il offre ainsi une meilleure lisibilité européenne des programmes d'études nationaux, et constitue par ce moyen un outil, complémentaire au supplément au diplôme, facilitant la mobilité d'un pays à l'autre et d'un établissement à l'autre. [...] En France, un an d'études est représenté par 60 crédits, soit entre 1 500 et 1 800 heures de travail des étudiants. Un crédit correspond donc à un volume de travail étudiant d'environ 25 à 30 heures. Les crédits ne sont accordés qu'aux étudiants réussissant leurs examens. Source: : http://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A8me_europ%C3%A9en_de_transfert_et_d %27accumulation_de_cr%C3%A9dits Améliorer la flexibilité des dispositifs de formation et de certification tout au long de la vie pour valoriser les parcours atypiques et les changements de métier : Encourager les structures de formation initiale à développer leur offre de formation continue en   afin   de   faciliter   l’accès   à   leurs   cursus   à   tous les publics sortis du système scolaire ; Faciliter et valoriser la VAE (Validation des acquis de l’expérience) : simplifier le dispositif, notamment vis-à-vis du dossier de présentation et de la lisibilité des critères de certification, et lancer une cam- pagne  d’information  nationale  sur  la  VAE,  en  impliquant  les  partenaires  so- ciaux ; Favoriser le développement de modalités pédagogiques plus souples dans le cadre de la formation continue ou professionnelle, au sein des entreprises qui investissent dans des plateformes de formation dites « Learning Management Services » (LMS), ou au sein des organismes de formation (e-learning, classes virtuelles, blended learning, serious games…).
  • 323. ÉDUCATION ET FORMATION SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique322 66. Passer d’une logique de l’équipement à une logique de l’environnement Tous  les  instruments  qui  permettent  aux  élèves  de  créer,  de  fabriquer,  d’expérimenter constituent   de   potentiels   outils   au   service   de   l’innovation   pédagogique.   Si   les   équipements restent un prérequis, il faut penser leur usage dans un cadre complet, incluant   des   connexions   et   l’accès   aux   réseaux,   au   service   d’un   projet   pédagogique   s’intégrant  dans  une  stratégie  globale  d’éducation  des  citoyens  en  devenir.  L’injonction   de  “passer au numérique”  ne  doit  pas  être  comprise  dans  un  sens  réducteur,  limité  à   l’équipement  en  nouvelles  technologies,  ni  même  au  recours  au  numérique  pour  une   nouvelle   pédagogie.   Il   s’agit   au   fond   de   s’inscrire   dans   une   ambition   commune   de   former tous les élèves à vivre dans la société à venir, dans laquelle le numérique a reconfiguré tous les processus du savoir, de la recherche, de la production et des rapports sociaux.   Pour   cela,   il   est   nécessaire   d’adopter   une   logique   de   l’environnement,  c’est-à-dire  de  penser  cet  objectif  et  de  s’adapter  à  un  contexte  où  les   élèves  sont  en  grande  partie  déjà  équipés  et  connectés,  où  l’utilisation  de  ressources   numériques de sources multiples fait déjà partie des usages. Le CNNum propose ici plusieurs chemins de progrès : Modifier   l’article   L.515.5   du   code   de   l’éducation212 interdisant l’utilisation  du  téléphone  portable  pendant  les  heures  de  cours  pour  donner  la   possibilité  aux  élèves  d’utiliser  leurs  équipements  personnels  (on  parle  aussi   de BYOD – Bring Your Own Device) ; Systématiser la disponibilité de connexions Internet (avec ou sans fil) dans chaque salle de classe ; Rechercher des solutions nouvelles pour répondre aux enjeux de maintenance de proximité, en  s’appuyant  par  exemple  sur  la  mutualisa- tion  avec  d’autres  structures ; S’assurer   de   la   mobilité   et   de   la   modularité des espaces d’apprentissage ; Garantir   en   amont   l’usage   de   normes   ouvertes   et   interopérables   sur les supports, les logiciels et les contenus : -­‐ La   France   doit   devenir   un   pays   leader   dans   l’élaboration   et   la   diffusion de standards internationaux de contenus pédagogiques comme   EDUPUB   issu   des   travaux   d’IDPF   (International   Digital   Publishing Forum) ; 212 www.legifrance.gouv.fr%2FaffichCodeArticle.do%3FidArticle%3DLEGIARTI0000224 94861%26cidTexte%3DLEGITEXT000006071191&sa=D&sntz=1&usg=AFQjCNFIeU DD8b0VdwQA55QIdg3U8DAy3A
  • 324. ÉDUCATION ET FORMATION SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 323 -­‐ Approfondir   le   RGI   (référentiel   général   d’interopérabilité)   pour   prendre  en  compte  l’éducation  nationale  et  encourager  les  normes   ouvertes aussi bien en matière de supports que de logiciels dédiés ; -­‐ Promouvoir les ressources éducatives libres notamment leur diffusion sous licence Creative Commons ; -­‐ Privilégier   les   logiciels   libres   ou   open   source   chaque   fois   qu’il   existe  une  offre  de  qualité  équivalente  à  l’offre  propriétaire. INTEROPERABILITE DANS L’EDUCATION NATIONALE : UNE ACTION A POURSUIVRE L’État recommande déjà l’utilisation et le partage libres des ressources pédagogique : Septembre 2012 : circulaire concernant l'utilisation des logiciels libres et des formats ouverts ; Adoption de l’expression Ressources Educatives Libres (REL) en 2002 lors du Forum de l’UNESCO sur l’impact des logiciels de cours libres pour l’enseignement supérieur dans les pays en voie de développement ; 2012 : Déclaration de Paris sur les REL qui recommande aux États de “soutenir les institutions, former et motiver les enseignants, ainsi que tout autre personnel, à produire et partager des ressources éducatives (libres)”. Appel de l’APRIL pour l’interopérabilité dans l’Éducation nationale : http://formatsouverts.education/
  • 325. JUSTICE ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique324 Justice et numérique D’enquête  en  enquête,  les  Français  n’expriment  pas  une  défiance  de  principe vis-à-vis de leur justice, mais une insatisfaction croissante vis-à-vis de son mauvais fonctionnement :  lenteur,  coût,  complexité,  déficience  de  l’information. Ces enquêtes expriment un besoin quasiment unanime de modifier en profondeur les relations entre la justice et les citoyens :  vers  davantage  de  proximité,  d’intelligibilité  et   d’accessibilité.  Aujourd’hui,  de  fait,  ni  le  droit  ni  le  service  public  de  la  justice  ne  sont   réellement accessibles à tous les Français. Le numérique peut-il contribuer à améliorer la situation ? Selon les termes mêmes du ministère  de  la  Justice,  “les deux tiers des Français (66 %) considèrent que la justice n’a   pas   un   fonctionnement   moderne,   et   ils   sont   favorables   à   l'introduction   de   démarches numériques dans la gestion des tribunaux. Ainsi, plus de 80 % des Français pensent que des démarches pratiques telles que prendre ou confirmer un rendez-vous, télécharger des documents à remplir ou recevoir un rappel des pièces justificatives à fournir devraient pouvoir être faites par internet.” L’étonnant,  en  réalité,  est  que  ceci  ne  soit  pas  déjà  fait. Le numérique, ne serait-ce   qu’en   favorisant   l’accès   à   l’information   juridique   (brute   et/ou   vulgarisée   ou   mise   en   contexte),   en   permettant   l’échange   et   le   stockage   de   documents   de   façon   dématérialisée,   en   offrant   la   possibilité   d’automatiser   certaines   étapes   des   procédures,   en   facilitant   les   échanges   entre   les   acteurs   d’une   procédure,   constitue une opportunité inédite de renouveler la pratique du droit et de moderniser notre  système  judiciaire  au  bénéfice  des  citoyens.  En  cela,  il  porte  déjà  l’espoir  d’une   justice plus efficace, plus transparente, plus proche des justiciables et moins coûteuse pour eux. La  priorité  nous  semble  par  conséquent  aller  à  l’informatisation  “basique”   et   générale   d’un   service   public   de   la   justice   qui   fonctionne   encore   trop   souvent comme au XIXe siècle. Des projets tels que la preuve ou la signature électroniques, ou encore la dématérialisation de certaines procédures, sont positifs si et seulement s’ils  s’inscrivent  dans  la  perspective  de  ce  jalon  essentiel  au  déploiement   d’une  stratégie  numérique  globale  de  la  justice.  Il  s’agit  en  effet  d’établir  les  prérequis  
  • 326. JUSTICE ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 325 à  l’amélioration  de  la  qualité  de  services  aux  usagers,  avant  de  discuter  de  sujets  plus   “avancés”   tels   que   l’ouverture   vers   les   terminaux   mobiles,   la   virtualisation   des   tribunaux,  la  vidéoconférence  dans  les  salles  d’audience,  etc. Le développement du numérique dans la justice cristallise cependant de nouvelles inquiétudes :   comment   s’assurer   du respect des droits processuels fondamentaux (droit à un procès équitable, principe du contradictoire, etc.) ? Comment prévenir les effets collatéraux de la dématérialisation des procédures (risque de déshumanisation de la justice, danger d'exclusion des citoyens non équipés ou non rompus aux usages, etc.) ? Il est plus que temps de faire entrer notre système   judiciaire   dans   l’ère   numérique.   L’objectif  est  d’abord  et  avant  tout  de  rendre  le  service  public  de  la  justice  accessible   aux justiciables ordinaires, dans le respect des droits fondamentaux. Tous les autres objectifs en matière de lien entre justice et numérique, ou presque, nous semblent devoir être subordonnés à celui-ci. Les recommandations du CNNum portent donc sur trois axes prioritaires. 67. Renforcer l’accès des justiciables à l’information juridique avec le numérique Par sa nature technique,   sa   densité   et   sa   structuration   complexe,   l’information   juridique se trouve hors de portée de la compréhension de la majorité des citoyens. Le CNNum  est  donc  d’avis  de : Homogénéiser la mise à disposition de l'information juridique, en renforcer la visibilité et outiller la navigation : Les portails existants (notamment   Legifrance)   constituent   déjà   un   service   commun   d’information   juridique.  Il  s’agit  de  dépasser  la  simple  navigation  et  permettre  à  l’usager  de   véritablement exploiter la documentation à disposition à travers des fonction- nalités   d’indexation,   de   curation   et   d’agrégation.   La   mise   en   place   d’un   sys- tème-expert   faciliterait   également   l’orientation   des   usagers   dans   leur   re- cherche. Garantir  l’intelligibilité  et  la   cohérence   de  l’information juridique officielle : -­‐ À l’instar   des   praticiens   du   droit,   les   producteurs   d’information   juridique   officiels   pourraient   faire   appel   à   des   outils   d’analyse   sémantique et statistique afin de compiler et de résumer des textes de lois bruts, ces derniers restant facilement accessibles via des liens.
  • 327. JUSTICE ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique326 -­‐ Des groupes de travail réunissant linguistes, professionnels du droit, usagers, etc. pourraient également retravailler et valider non   seulement   l’intelligibilité,   mais   aussi   l’exactitude   de   ces   “versions simplifiées”  de  textes bruts avant leur publication. -­‐ Les   actions   indépendantes   d’associations,   professionnels,   etc.   visant à une meilleure intelligibilité des textes juridiques par les justiciables (vulgarisation,...) doivent être soutenues. Ce soutien pourrait notamment prendre la forme de liens directs entre les portails officiels et les sites proposant une version vulgarisée des textes bruts ou autres actions en faveur de leur compréhension, assurant à ces initiatives une meilleure visibilité. IMAGIDROIT Imagidroit accompagne les entreprises et les acteurs du secteur public pour améliorer la communication du Droit pour un public non-juriste grâce à des outils visuels créés sur mesure. L’initiative vise à transformer du jargon juridique en schémas synthétiques. En savoir plus : http://oz-imagidroit.tumblr.com/ http://oz-imagidroit.tumblr.com/ LA GRANDE BIBLIOTHEQUE DU DROIT Le Barreau de Paris a constitué une Grande bibliothèque du droit depuis un an - en partenariat avec Wikipedia et Legifrance. Librement accessibles et réutilisables, les contenus actuellement publiés sur la plateforme sont le fruit des contributions de nombreux acteurs du droit - juristes, Ordres des avocats, éditeurs spécialisés, universitaires, etc. - dans le monde. Inciter les structures offrant un service de consultation juridique gratuit (Mairies, Palais de justice, CCAS, etc.) à compléter leur offre par un dispositif en ligne. Une telle solution permettrait de démul- tiplier  les  capacités  de  service,  en  faisant  abstraction  des  plages  horaires  d’une   part, en ouvrant à  d’autres  volontaires  la  possibilité  de  contribuer  selon  leur   disponibilité  et  leur  niveau  d’expertise  d’autre  part. -­‐ Ce   service   s’adresserait   en   priorité   aux   publics   exclus : des conditions liées aux revenus, à la distance et à la possibilité ou non d’être  représenté  par  un  avocat,  pourraient  par  exemple  être   fixées dans un premier temps afin de réguler les demandes
  • 328. JUSTICE ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 327 -­‐ Le traitement des demandes effectuées en ligne pourrait s’appuyer  sur  le  volontariat  des  élèves  avocats,  et  des  professeurs   et étudiants en  droit  en  fonction  du  niveau  d’expertise  nécessaire Encourager  les  barreaux  d’avocats  à  organiser  et  proposer  des  ser- vices de consultation juridique en ligne. LE SERVICE WWW.MESDROITSMONAVOCAT.FR DU BARREAU DE NANTES Au travers du site www.mesdroitsmonavocat.fr, le barreau de Nantes permet à tout justiciable de faire appel en ligne au conseil juridique d’un avocat, avec des conditions définies à l’avance quant au délai de réponse (72H) et au tarif applicable. 68. Informatiser enfin le fonctionnement quotidien de la justice En matière d'informatisation des procédures et du fonctionnement quotidien de la justice, il faut désormais sortir de l'expérimentation permanente et passer à la généralisation. Les procédures juridiques, très formalisées, se prêtent particulièrement bien à l'informatisation : "workflow", échanges de documents, communications sécurisées, agendas, archives… Alors que tous les tribunaux et les professionnels se plaignent à la fois de leurs moyens et de leurs conditions de travail, il paraît incompréhensible que ce travail élémentaire ne soit pas plus poussé. Il  nous  faut  toutefois  insister  sur  le  fait  qu’une  vraie  stratégie  de  dématérialisation  des   processus et procédures judiciaires est absolument nécessaire, que cela ne peut être mené sans une vision holistique, un plan  d’action  pensé  de  bout  en  bout.  Il  s’agit  de  ne   surtout  pas  saupoudrer  la  dématérialisation  dans  les  procédures,  ce  qui  n’apporterait   que   peu   de   gain   d’efficience   voire   ajouterait   de   la   complexité.   C’est   dans   un   cadre   global que doivent être prises les pistes  d’action  suivantes. Organiser la transmission des justificatifs et documents entre les auxiliaires de justice, les juridictions, les autres acteurs de la jus- tice (ex : police et gendarmerie, pour les contraventions, convoca- tions notamment) et les justiciables de façon dématérialisée et sé- curisée : -­‐ À court terme, sécuriser davantage les échanges par voie numérique par le recours à des solutions de cryptographie. -­‐ À moyen terme :
  • 329. JUSTICE ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique328 -­‐ Tendre vers l'accès sécurisé et authentifié des justiciables aux décisions et éléments de procédure par voie numérique au moyen de comptes personnels sécurisés et interconnectés avec le système des tribunaux et professions du droit. Un tel espace permettrait à un justiciable de suivre le parcours de son dossier, de détenir un archivage de tous les documents administratifs   et   justificatifs   divers,   et   d’avoir   la   possibilité de les transmettre facilement. -­‐ Créer   des   guichets   d’accueil   et   d’accompagnement   personnalisé à la numérisation des documents papiers. Le déploiement de dispositifs territorialisés semble être une mesure nécessaire à la bonne réalisation de cet objectif et pour cela, des moyens légaux doivent être mobilisés afin que des guichets territorialisés soient créés.  L’accompagnement  et  la  formation  au  numérique   des professions du droit et plus largement, de ces futurs centres  d’accueil,  constituent  bien  sûr  des  prérequis. 69. Encourager les modes alternatifs de résolution des litiges En matière de droit de la consommation, une dynamique européenne autour de l’Alternative Dispute Resolution est  d’ores  et  déjà  lancée.  Sa  généralisation  à  d’autres   champs du droit en lien avec le quotidien des particuliers (droit du travail, etc.) contribuerait au désengorgement des tribunaux, à un gain de temps certain, et permettrait aux justiciables  d’aborder  les  litiges  de  façon  plus  sereine. Développer la médiation pour régler les litiges :  La  médiation  permet  d’offrir   des voies de recours simples, souples, rapides et efficaces. Par exemple, la Fé- dération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD) a mis en place un service de médiation du e-commerce, l'Association Médiation Communica- tions Électroniques (AMCE) a fait de même en matière de communications électroniques. -­‐ Pour   y   parvenir,   l’accompagnement   et   la   formation des professionnels du droit aux modes alternatifs de résolution des litiges doivent être encouragés.
  • 330. JUSTICE ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 329 LE PARTENARIAT DE LA COUR D'APPEL DE PARIS AVEC L'ANCIEN FORUM DES DROITS DE L'INTERNET “La Cour d'appel de Paris et le Forum des droits sur l'internet ont signé un protocole d'accord en vue du développement de la médiation en ligne. [...] Le protocole d’accord, qui a été signé le mardi 7 avril 2009 au Forum des droits sur l’internet, vise à améliorer le service aux Français en matière de règlement des litiges de la vie courante impliquant l’usage de l’internet. Il porte sur le développement de la médiation en ligne et un meilleur accès aux informations juridiques. [...] Dès mai 2009, les personnes ayant des questions liées à l’internet seront orientées par les greffes des tribunaux pilotes vers le service d’information du public du Forum des droits sur l’internet. Ils auront ainsi accès à une base d’informations juridiques et pratiques leur permettant de mieux maîtriser l’univers numérique. En outre, les greffes inviteront également les particuliers à recourir à la médiation du Forum des droits sur l’internet , soit avant toute action en justice, soit dans le cadre d’une instance en cours, l’accord prévoyant la possibilité pour le juge, avec l’agrément des parties, de désigner le service du Forum, Médiateur Du Net, comme médiateur.” Source : http://www.ca-paris.justice.fr/index.php?rubrique=11048&article=17107 -­‐ La médiation pourrait elle-même être effectuée en ligne (online dispute resolution) : -­‐ À ce titre, les maisons de justice et du droit (MJD) et des points  d’accès  aux  droits  (PAD)  pourraient  devenir  des   tiers lieux de la médiation numérique en matière de justice. -­‐ La médiation en ligne doit être proposée aux justiciables dès  lors  que  la  situation  s’y  prête  - en particulier dans les cas de litiges mineurs - et   s’accompagner   d’une   explication quant aux avantages comme aux inconvénients afin de permettre une décision éclairée.
  • 331. JUSTICE ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique330 LA SOCIETE NEGOSTICE213 “La société Negostice à fait le choix de mettre en avant la médiation pour une "résolution par le haut" des conflits rencontrés tant par des professionnels (entreprises, collectivités publiques) que des particuliers. Cette structure d’exercice de la médiation est assez innovante en France. La médiation est une solution efficace de résolution des conflits, car elle est généralement plus rapide, plus simple, moins chère que le procès. Partant de ce constat, il est intéressant de voir une telle structure se développer dans le secteur de l’IT. La société Negostice propose à ces clients deux façons d’accéder à la médiation afin de répondre de façon adaptée aux souhaits des clients. La médiation classique dite en présentiel : les parties en différent se rendent au sein des bureaux de Negostice pour échanger avec les médiateurs. La médiation en ligne : les parties concernées par la médiation échangent avec les médiateurs lors de vision conférences. Ce type de médiation permet plus de souplesse, de rapidité et est plus économique. La médiation en ligne peut-être couplée avec une médiation classique.” Source : http://www.lawinfrance.com/articles/Innovation-creation-d-une.html http://www.lawinfrance.com/articles/Innovation-creation-d-une.html Enfin, les modèles de collaboration en pair-à-pair autour de la production de “communs”  du  numérique,  qui  ne  s’appuient  plus  sur  des  organisations  verticales  pour   coopérer, peuvent servir de source d’inspiration   pour   la   résolution   de   litiges.   Plus   qu’une  approche  passive  face  au  droit,  une  posture  qui  attendrait  de  l’État  qu’il  trouve   une solution à toute situation, ces nouvelles cultures revendiquent les possibilités pour les   individus   d’inventer   des réponses juridiques, notamment contractuelles. Les licences Creative Commons,  qui  ont  été  cruciales  dans  l’adaptation  du  cadre  juridique   du  droit  d’auteur  aux  nouvelles  pratiques  de  partage  et  de  réutilisation  des  œuvres  sur   le Web, en sont un exemple probant. SHARELEX ShareLex est une association fédérant une communauté de personnes (utilisateurs du droit, experts du droit, développeurs, designers, entrepreneurs…) engagées pour faire de l’accès au droit une réalité. Par la collaboration en ligne mais aussi l’organisation de rencontres en présentiel, ShareLex permet de réunir différentes expertises pour expérimenter et développer des solutions juridiques innovantes. Les “LaboLex” sont organisés spontanément par des communautés autonomes, afin d’élaborer des solutions rencontrées ou soulevées localement. 213 Retrouvez   l’ensemble   des   pitchs,   dont   celui   de   Negostice,   sur   da- ta.contribuez.cnnumerique.fr.
  • 332. ETHIQUE ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 331 Ethique et numérique 70. Instruire la place des questions d’éthique dans la société numérique La  métamorphose   numérique  transforme  la  vie   quotidienne  de  millions  d’individus,   remet en question les modèles économiques traditionnels, renouvelle le rôle des États. Elle  impacte  de  nombreux  domaines  comme  la  santé,  le  travail,  l’économie,  l’individu   et sa   vie   privée,   la   citoyenneté,   les   interactions   de   l’individu   avec   les   artefacts   du   numérique,   l’éducation,   la   culture   et   la   communication,   les   transports,   la   ville   (en   particulier les villes intelligentes) et les territoires. Cette métamorphose est duale, à la fois   source   de   progrès   et   porteuse   d’inquiétudes.   Certains   qualifient   ces   progrès   d’exponentiels  et  prônent  l’amélioration  voire  le  dépassement  de  l’humain,  dans  des   considérations  mêlant  modèles  d’affaires,  utopies  et  idéaux.  Pour  d’autres,  la  situation où « tout devient possible » constitue une menace. Cette fracture ne pourra être comblée   qu’en   instaurant,   à   travers   l’action   politique,   des   espaces   de   débat   et   de   réflexion éthique sur la transformation de nos sociétés par les technologies et les innovations numériques. Dans son rapport sur « Le numérique et les droits fondamentaux » publié en septembre   2014,   le   Conseil   d’État   préconise   la   création   d’une   mission   permanente   d’animation   de   la   délibération   collective   sur   les   enjeux   éthiques   liés   au   numérique. Dans  les  domaines  de  la  vie  et  de  la  santé,  la  France  a  montré  l’exemple  en  créant  dès   1983 le CCNE, comité consultatif national sur les questions éthiques. Alors  que  l’influence  de  la  métamorphose  numérique  sur  la  condition  humaine  est  tout   aussi importante   que   celle   de   la   biologie   et   la   médecine,   il   se   pose   aujourd’hui   le   problème   de   l’instruction   des   questions   d’éthique   liées   au   numérique,   et   de   leur   rapport au droit et au politique. Ces questions sont nombreuses, comme : Quel modèle développer pour une société numérique inclusive et soutenable ? Quelle influence les technologies numériques ont-elles   sur   l’évolution   des   normes et des lois ?
  • 333. ETHIQUE ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique332 Quelles sont les conséquences   d’une   robotisation   de   la   société   (incluant   les   questions  de  l’autonomie,  du  pouvoir  décisionnel,  de  l’affectivité  des  robots) ? Quelle importance ont les algorithmes dans notre société ? Quels sont les im- pacts sur les prises de décisions ? Quelles sont les conséquences sur le carac- tère contestable de ces décisions ? Quels sont les risques  du  transhumanisme,  de  l’  « homme augmenté », de la longévité  infinie,  ces  disruptions  prônées  aujourd’hui  par  les  grands  acteurs  de   la Silicon Valley ? Quelle  articulation  entre  l’éthique  de  la  recherche  et  les  conséquences  sur  les   usages ? Comment peut-on  s’inspirer  de  la  pensée  morale  et  de  ses  grandes  traditions   dans  l’analyse  des  questions  éthiques  posées  par  la  nouveauté  technologique   et la métamorphose numérique ? Comment prendre en compte les différences culturelles dans la réflexion éthique sur le numérique ? Quelles sont les influences mutuelles entre le souci de compétitivité écono- mique et les positions éthiques dans le domaine du numérique ? Face  à  ces  grandes  questions  de  société  et  dans  la  ligne  suggérée  par  le  Conseil  d’État, nous proposons  qu’une  réflexion  soit  menée  courant  2015  afin  de  délibérer  de  la  place   des   questions   éthiques   dans   le   monde   numérique   et   de   leur   mode   d’instruction,   notamment  de  l’opportunité  d’un  dispositif  dédié. Trois raisons majeures justifient cette proposition. D’une  part,  les  recherches  et  l’innovation  dans  le  domaine  du  numérique  intégrant  des   considérations éthiques, des réflexions sur les usages potentiels de ces nouvelles technologies et sur leur impact sur la société constitueraient une source de forte création  de  valeur  et  nourriraient  la  construction  d’une  société  numérique  soutenable. D’autre  part,  dans  un  monde  numérique  où  les  questions  de  confiance,  de  protection   des  données  personnelles,  de  croissante  capacité  d’agir  des  internautes  mais  aussi  de   fragilisation de certaines populations à faible niveau de littératie numérique, la France pourrait   porter   un   modèle   de   société   numérique   fondée   sur   des   valeurs   d’éthique,   suscitant  d’une  part  une  plus  grande  confiance  chez  les  utilisateurs  et  d’autre  part  un   environnement  source  d’avantage  concurrentiel  pour  les  acteurs  économiques  face  à   des  modèles  aujourd’hui  dominants  qui  laissent  interrogatifs  sur  leurs  finalités. Enfin, la veille éthique doit être continue, et la France doit pouvoir capitaliser sur sa vision et ainsi la porter sur la scène européenne et internationale.
  • 334. ETHIQUE ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique 333 Les enjeux ci-dessus ne pouvant se réduire à des réponses juridiques, les questions éthiques pourraient être traitées par différents dispositifs possibles, comme par exemple un programme de recherche, un forum public permanent (en ligne et hors ligne), des conférences citoyennes, un "1 % éthique" (obligation de traiter le sujet en amont de programmes de recherche, de débats législatifs etc.), une commission temporaire, une collaboration entre le CCNE et le CNNum pour créer une section commune dédiée à l'éthique, ou encore la création d'un comité d'éthique indépendant sur la société numérique. L’un  ou  l’autre  de  ces  dispositifs  pourrait  contribuer  à  créer  un  environnement  propice   et différenciant pour les acteurs économiques français et européens, à nourrir la stratégie   numérique   de   l’État, et enfin à porter un modèle de société numérique inclusive et soutenable au niveau européen.
  • 335. ETHIQUE ET NUMÉRIQUE SOLIDARITÉ, EQUITÉ, ÉMANCIPATION : ENJEUX D'UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Ambition numérique334
  • 336. POSTFACE Ambition numérique 335 Postface Ce rapport du Conseil national du numérique est exceptionnel par sa vaste couverture des domaines impliqués dans la révolution numérique. Il propose des méthodes nouvelles et de nombreux exemples d'applications collectés en divers pays, preuve de la vitalité des initiatives locales partout dans le monde. Du fait de cette richesse de contenu, les points de vue et les options proposés ne feront sûrement pas l'unanimité des lecteurs. Ce sera donc une source précieuse pour susciter une suite de débats innovants entre citoyens du monde. Ces  débats  sont  d’autant  plus  nécessaires  que  la  gouvernance  d’Internet  instituée  au   niveau  mondial  n’offre  pas  une  place  effective  aux  citoyens.  De  plus  le  fonctionnement   des forums et institutions  de  la  gouvernance,  ne  permet  pas,  à  l’heure  actuelle,  l’étude   réelle des positions divergentes et des options alternatives. Les paradigmes techniques du futur paysage numérique dessinent la société dans laquelle nous allons vivre. Ces décisions ne peuvent   pas   être   préemptées   par   le   jeu   des   groupements   d’intérêts   industriels,  pas  plus  qu’elles  ne  doivent  être  un  levier  au  service  d’intérêts  nationaux   particuliers,   comme   c’est   le   cas   aujourd’hui   du   fait   de   la   stratégie   d’influence   américaine. Ainsi,   l’influence   importante   qu’exerce   le   gouvernement   américain   sur   l’organisme  qui  attribue  les  noms  de  domaine  de  premier  niveau  conduit  de facto à sa main  mise  sur  ces  ressources  rares  et  essentielles.  Ce  sont  les  fondements  d’une  forme   de colonisation numérique de   l’Europe   :   le   contrôle   de   ces   ressources   appuie   les   logiques de puissance des Etats-Unis, notamment en favorisant la surveillance, ainsi que les positions dominantes de ses grands acteurs économiques. C’est  pourquoi  recouvrer  une  souveraineté  numérique  est  une  exigence.  Contrairement à   ce   qui   est   souvent   affirmé,   elle   n’est   ni   absurde   ni   fantasmatique   mais   tout   à   fait   réalisable. En 2005, la Chine a démontré la possibilité de retrouver sa souveraineté dans  le  monde  numérique  en  mettant  en  place  un  système  alternatif  d’attribution  et  de   gestion  des  noms  de  domaine.  Bien  sûr,  cet  exemple  est  loin  d’être  un  modèle,  puisque   la Chine a constitué un réseau constamment surveillé, censuré et largement séparé du reste  de  l’Internet.  Mais  ce  scénario  ne  doit  pas  amener  à  conclure  que  toute  volonté   de souveraineté numérique aura pour conséquence de limiter les libertés individuelles et   de   “balkaniser”   l’Internet   !   La   décentralisation   de   la   gestion   des   ressources   numériques  critiques  peut  tout  à  fait  s’accompagner  du  maintien  de  l’interopérabilité   et  de  l’ouverture  du  réseau.  C’est  d’ailleurs  précisément  le  projet  initial  d’Internet  que   de fonctionner comme un réseau des réseaux !
  • 337. POSTFACE Ambition numérique336 Pour lutter contre la colonisation numérique   qu’elle   subit   et   retrouver   son   indépendance  politique,  juridique  et  économique,  l’Europe  a  l’opportunité  historique   d’être  à  l’origine  d’un  mouvement  global  de  redistribution  des  pouvoirs  dans  le  monde   numérique. La première étape de ce mouvement est   la   construction   d’un   Internet   européen, ni dominé par les États-Unis, ni fermé sur lui-même à la manière de l’Internet   chinois.   C’est   en   retrouvant   le   contrôle   sur   les   ressources   nécessaires   au   fonctionnement   d’Internet,   en   premier   lieu   les   noms   de   domaine, mais également d’autres   éléments   comme   l’énergie,   la   bande   passante,   les   infrastructures,   l'espace   juridique   et   la   diversité   culturelle   et   linguistique   que   l’Europe   pourra   dessiner   une   troisième   voie   pour   Internet.   Cette   voie   est   celle   d’une   souveraineté retrouvée sur Internet qui permette de redonner une effectivité aux règles de droit et de préserver la possibilité de décider collectivement de la forme que prendra la transition numérique. Elle   n’est   donc   ni   celle   d’une   fermeture   ni   celle   d’un   cloisonnement des réseaux locaux : au contraire elle permet, en soustrayant le réseau à la domination américaine, de redonner aux sociétés européennes les clefs de leur destin numérique. Par   conséquent   je   pense   que   le   rapport   “Ambition   numérique”   fait   œuvre   utile en proposant  une  vision  et   en  formulant  un   grand   nombre  d’idées  visant  à  redonner  à   chacun la possibilité de décider à quoi ressemblera notre société numérique. En ce sens, nous partageons la même ambition. Louis Pouzin Louis Pouzin (né en 1931 à Chantenay-Saint-Imbert, Nièvre, France) est un ingénieur français en informatique. Louis Pouzin a inventé le datagramme et a contribué au développement des réseaux à commutation de paquets, précurseurs d'Internet. Ses travaux ont été largement utilisés par Vint Cerf pour la mise au point de l'Internet et du protocole TCP/IP. Il a obtenu en 2013 le prix de  la  Reine  Elizabeth  pour  l’ingénierie.
  • 338. ANNEXES Ambition numérique 337 LA CONCERTATION Lettre de saisine du Premier Ministre 339 Le processus de concertation 345 Les sujets de consultation 349 Les temps forts de la concertation 353 Les ateliers et événements relais 361 Le kit contributif en libre réutilisation 365 Les pitcheurs contributifs 369 Les partenaires 373 Les membres du CNNum et le Secrétariat Général 377 Le glossaire 381
  • 340. ANNEXES Ambition numérique 339 Lettre de saisine du Premier Ministre
  • 342. M. Benoît THIEULIN Président du Conseil National Numérique 5, place des Vins-de-France 75573 Paris Cedex 12 Paris, le Monsieur le Président, J’ai décidé de mobiliser tout le Gouvernement autour du numérique, et d’en faire l’une des priorités de notre action dans l’année à venir. Le numérique fait désormais partie de la vie quotidienne d’une majorité de Français. Il est porteur de mutations profondes et d’opportunités décisives, dans l’émergence d’une économie nouvelle comme pour la modernisation de nos entreprises. Il renouvelle les modes d’accès et de production de la connaissance, de l’information et de la culture. Il est un formidable outil au service de l’inclusion sociale et territoriale. Le gouvernement doit accompagner ces mutations, et faire du numérique un outil de croissance, de compétitivité, d’éducation, de culture, de justice et d’égalité. Le numérique représente de surcroît une formidable opportunité de renouvellement de la démocratie, en établissant de nouveaux liens et interactions entre les pouvoirs publics et les citoyens. Depuis mai 2012, le gouvernement a privilégié une approche pragmatique, lucide et ambitieuse quant à sa politique en matière de numérique, comme outil de la reconquête industrielle et du redressement économique du pays ou en mobilisant ses possibilités pour la simplification et l’amélioration de l’action publique, tout en prenant la mesure des difficultés engendrées dans certains secteurs. Je souhaite aujourd’hui lancer une démarche qui mobilisera tout le gouvernement, pour placer la France à la tête des nations qui s’approprient les possibilités offertes par le numérique et qui portent des valeurs novatrices en termes de politique publique dans le respect de notre tradition républicaine. La secrétaire d’Etat en charge du numérique, Axelle Lemaire, et le secrétaire d’Etat en charge de la réforme de l’Etat et de la simplification, Thierry Mandon, auront la charge d’animer ce travail interministériel. Ces questions complexes appellent un large débat au sein de la société. Je souhaite donc que le Conseil national du numérique mène une concertation, jusqu’au début de l’année 2015, pour recueillir et analyser les avis et contributions des citoyens et des acteurs de la société civile, associatifs, économiques et institutionnels sur les besoins et les démarches à adopter en matière de numérique, notamment en ce qui concerne le développement économique, l’innovation, les droits et libertés fondamentaux.
  • 343. Ce travail devra aboutir à des propositions d’actions pour le gouvernement, mais aussi les entreprises et l’écosystème. Elles pourront trouver une traduction dans la loi nationale, dans des choix stratégiques ou dans des dispositifs opérationnels. Parce qu’internet déborde, par construction, les frontières de notre géographie et de notre législation, la concertation visera également à proposer les positions que la France pourra tenir auprès des instances européennes et internationales. Vous prendrez soin d’identifier clairement dans vos propositions celles qui relèvent de dispositions législatives, d’outils opérationnels, de réglementation européenne ou de stratégie internationale. Vous pourrez, dans votre démarche, vous appuyer sur les travaux déjà menés par les ministères, en particulier les secrétariats d’Etat en charge du numérique et de la réforme de l’Etat et de la simplification, sur la contribution de la France sur le numérique au Conseil européen d’octobre 2013 ainsi que sur l’étude annuelle du Conseil d’Etat sur « le numérique et les droits fondamentaux » à paraître, sur les pistes d’action proposées par la mission sur la transformation numérique de l’économie menée actuellement par Philippe Lemoine, et sur les propositions de la mission parlementaire sur l’adaptation du service universel des télécommunications confiée au député Fabrice Verdier et au sénateur Pierre Camani. Vous pourrez notamment concerter sur les problématiques suivantes : - la protection des données et des communications, droits et libertés publiques à l’heure numérique (renforcement des autorités de protection, simplification de l’accompagnement des entreprises, territorialité, tiers de confiance, confidentialité des communications privées) ; - les données comme moteur de la transformation de l’action publique et de l’économie, au-delà de la seule transposition de la directive européenne concernant la réutilisation des informations du secteur public (nouveaux services, pilotage des politiques publiques, données d’intérêt public comme le transport, l’énergie ou la santé) ; - le renforcement de notre économie (transformation numérique des entreprises, économie collaborative, adaptations réglementaires, promotion et encadrement des mégadonnées) ; - le statut des grandes plateformes numériques (droit de la consommation, droit du commerce et de la concurrence, cybersécurité et protection des données) ; - la promotion de standards et d’architectures ouverts et interopérables, la neutralité des réseaux ; - la gouvernance de l’internet et les coopérations internationales ; - les impacts sectoriels du numérique (éducation, santé, travail, tourisme, culture, transports, etc.).
  • 344. Vous conduirez ces travaux en lien avec les services des administrations concernées par ces différents volets, et notamment la Direction générale des entreprises, la Direction générale du Trésor et le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, et pour les volets européens et internationaux, le secrétariat général des affaires européennes et le ministère des affaires étrangères et du développement international. Vous associerez à vos travaux l’ensemble des administrations susceptibles d’y contribuer. J’ai toute confiance en la capacité du Conseil National du Numérique à organiser cette concertation de manière exemplaire, ouverte et participative, afin de permettre à tous les acteurs de notre pays de s’approprier les enjeux numériques. Je souhaite que les débats puissent s’engager dès le mois de septembre et s’achever au plus tard à la fin du mois de janvier 2015. Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de ma considération distinguée. Manuel VALLS
  • 346. ANNEXES Ambition numérique 345 Le processus de concertation
  • 350. ANNEXES Ambition numérique 349 Les sujets de consultation
  • 354. ANNEXES Ambition numérique 353 Les temps forts de la concertation
  • 362. ANNEXES Ambition numérique 361 Les ateliers et événements relais
  • 364. http://contribuez.cnnumerique.fr/agenda 4 journées contributives : +40 ateliers sur place ...et en simultané à : BPI France, La Boate Marseille, Brest Métropole, Saclay, TCRM Metz-Blida, Grenoble Minatec, Marseille, Perpignan, Institut Mines-Telecom +70 ateliers relais et stands contributifs : - Numa Paris - La Cantine numérique brestoise, Brest Métropole océane, la Ville de Brest et Mégalis Bretagne - Agora Nanterre - Minatec à Grenoble - SavoirsCom1 - au festival du domaine public - France Stratégie - Le Conseil de la culture, de l’ éducation et de l’environnement de La Réunion et Solidarnum - Télécom Paris Sud et Télécom Ecole de Management - ARTIC MRST, Saint Denis de la Réunion - à Bron, avec e-magine, la FING et les territoires Rhône-Alpes et Auvergne - Conférence des Présidents d’Universités - voeux de l’Internet à Angouleme, Nice et Paris - Club de la Presse - le Député Bertrand Pancher, en visio depuis Buxerolles - Atlanpole et Datalab - Les Petits Débrouillards - After Work Grand Est - Décider ensemble - HEC Paris - LIFT Marseille - Cap Digital - Groupement des professionnels du numérique Centraliens - PROTO 204, - SGMAP, semaine de l’ innovation publique - Open Law - le droit ouvert - Les Entretiens de Varsovie - Arignon et EGB Summit on Digital Innovation - Université de Perpignan Via Domitia - IEP Lille, Audencia Nantes et le SGMAP - Congrès des Maires de France - Le café du web de Thonon les Bains Lille Métropole, Euratechnologies Strasbourg Métropole, Conseil de l’Europe Nantes MétropoleBordeaux Métropole Retrouvez toutes les contenus de la concertation sur : data.contribuez.cnnumerique.fr
  • 366. ANNEXES Ambition numérique 365 Le kit contributif en libre réutilisation
  • 370. ANNEXES Ambition numérique 369 Les pitcheurs contributifs
  • 374. ANNEXES Ambition numérique 373 Les partenaires
  • 378. ANNEXES Ambition numérique 377 Les membres du CNNum et le Secrétariat Général
  • 380. Le Président Les Membres Les Vice-Présidents Christine Balagué Vice-présidente libertés et droits fondamentaux, titulaire de la Chaire « réseaux Télécom Godefroy Beauvallet Vice-président services publics et vie citoyenne, directeur du fonds AXA pour la recherche et maître de ParisTech Tariq Krim Vice-président écosystème et innovation, PDG-fondateur de Jolicloud Serge Abiteboul Directeur de recherche Cachan Nathalie Andrieux de surveillance et du comité Ludovic Blecher Directeur du Fonds Michel Briand de réseaux coopératifs Virginia Cruz Directrice adjointe Pascal Daloz et du développement Marylène Delbourg-Delphis PDG de Talent Circles Virginie FauvelStéphane Distinguin Fondateur et Président et Président du pôle Marie Ekeland Co-Présidente de France de Daphni Cyril Garcia Directeur Général de Audrey Harris Francis Jutand Laurence le NyDaniel Kaplan Valérie Peugeot Vice-présidente transition connaissance, chercheuse Vecam Benoît Thieulin Fondateur et Directeur Coordinateurgénéral Coord inatricethématique Coord inatricethématique Coord inateurthématique Coord inateurthématique
  • 381. Le Secrétariat Général Sophie Pène Descartes, co-responsable Nathalie Bloch-Pujo Tourisme Lara Rouyrès et co-fondatrice Jean-Baptiste Rudelle Fondateur et Président de Criteo Tristan Nitot Directeur produit Bernard Stiegler Philosophe, président de Pompidou Marc Tessier Administrateur de VidéoFutur, président Brigitte Vallée Directrice de recherche Cécile Russeil Camille Hartmann Judith HerzogCharly Berthet Mathilde Bras Rosemarie Césaire-GédéonYann Bonnet Somalina Pa Mike Fedida Jan Krewer Hugo MeunierFrançois Levin Coord inateurthématique Coord inatricegénérale Coor dinateurgénéral
  • 382. ANNEXES Ambition numérique 381 Le glossaire
  • 384. ANNEXES Ambition numérique 383 Algorithme En informatique, un algorithme se définit de manière générale par une séquence   d’instructions   et   d’étapes   qu’on   applique   à   un   ensemble   de   données  afin  d’en  produire  un  résultat. Architecture distribuée (mesh networking) Une architecture d'un environnement informatique ou d'un réseau est dite distribuée quand toutes les ressources ne se trouvent pas au même endroit ou   sur   la   même   machine.   Ce   mode   d’organisation   permet   une   résilience   plus  importante  du  réseau  que  l’architecture  centralisée  traditionnelle. Autodétermination informationnelle La Cour constitutionnelle allemande, qui a introduit le concept en 1983,  l’a   caractérisé  comme  étant  “le  pouvoir  de  l’individu  de  décider  lui-même [...] quand et dans quelle mesure une information relevant de sa vie privée peut être   communiquée   à   autrui”.   Dans   le   contexte   de   la   prolifération   d’une   économie de la donnée, notamment des données personnelles, ce droit à l’autodétermination   implique   que   les   individus   puissent   avoir   accès   à   ces   données,   qu’ils   puissent   les   lire,   les   modifier,   les   effacer,   choisir   ce   qu’ils   veulent  en  faire  ;;  mais  aussi  qu’ils  puissent  décider  des  services qui y ont accès. Bien Commun Le Bien Commun est ce qui est profitable à long terme pour l'ensemble des membres de la société. Il se rapproche de la notion d'intérêt général. Si l'intérêt général est l'enjeu de la politique, le Bien Commun est une notion transcendante dont chacun s'estime porteur. Bien public En  économie,  il  s’agit  de  ressources  - matérielles ou immatérielles - qui sont non   rivales   et   non   exclusives   :   cela   signifie   que   le   fait   qu’une   personne   utilise   cette   ressource   n’a   pas   pour   conséquence de priver une autre personne  de  cette  même  utilisation  et  qu’il  n’est  pas   possible  d’en  limiter   l’accès.   Certaines   de   ces   ressources   peuvent   être   gérées   par   la   puissance   publique (ex. : les phares, le réseau électrique), d'autres non (ex : la biodiversité). Big Data (mégadonnées) Les Big Data (terme  traduit  par  “mégadonnées”)  désignent  des  ensembles   de données numériques dont le volume augmente de manière exponentielle. Ces données peuvent par exemple être issues de recherches climatiques ou géologiques, de la surveillance routière ou encore de nos activités   en   ligne.   La   masse   des   données   générées   dans   l’environnement   numérique rend leurs traitements plus difficiles avec les outils classiques de gestion   de   base   de   données   ou   de   gestion   de   l’information.   Elles   peuvent  
  • 385. ANNEXES Ambition numérique384 néanmoins être fouillées, liées et analysées à l'aide de technologies modernes. Cette analyse permet la création de nouvelles connaissances, peut générer pour les entreprises des avantages concurrentiels, ou alors offrir de nouvelles possibilités de contrôle ou de surveillance aux Etats. Blocage de sites Le   blocage   de   sites   consiste   à   bloquer   l’accès   d’un   site   au   niveau   des   fournisseurs  d’accès  internet  (FAI),  sans  pour  autant  supprimer  le  contenu   incriminé - celui-ci étant techniquement stocké par un hébergeur, qui est le seul en mesure de supprimer le contenu. La décision du blocage peut émaner   d’une   autorité   judiciaire   ou   administrative   (en   matière   pédopornographique   ou   d’apologie   du   terrorisme,   par   exemple).   Dans   ce   dernier   cas,   l’internaute   qui   souhaite   accéder   à   un   site   bloqué est le plus souvent  redirigé  vers  une  page  web  d’avertissement. Blue Button Lancé   en   2010   par   l’administration   américaine,   le   Blue Button est une plateforme ouverte aux citoyens permettant le suivi, le contrôle et le téléchargement de ses données personnelles de santé. Brevet Un brevet est un titre de propriété industrielle qui confère à son titulaire un droit d'interdiction de l'exploitation par un tiers de l'invention ou le procédé brevetés, à partir d'une certaine date et pour une durée limitée (20 ans en général). (Source : Wikipédia). Capital- investissement Activité financière consistant à investir dans des sociétés (cotées ou non cotées) sélectionnées selon leur potentiel. Cette prise de participation permet de financer leur démarrage (capital-risque), leur croissance (capital- développement), la cession à une autre entreprise (capital-transmission ou LBO), et leur redressement (capital-retournement). Les opérations de capital-investissement sont constituées soit par un achat de titres soit par un apport de capital. Les acteurs du capital investissement sont : - des  sociétés  ou  fonds  d’investissements  publics  ou  privés  :  fonds  de   corporate-venture (voir définition), fonds de pension (capital- investissement institutionnel avec les assureurs), fonds constitués ad hoc ; - des   “business angels”   :   investisseurs   individuels   fortunés   ou   expérimentés.
  • 386. ANNEXES Ambition numérique 385 Cloud Le cloud computing (informatique en nuage) permet de stocker des données  et  d’exécuter  des  applications  à  partir  d’un  serveur  distant  et  d’y   avoir  accès  en  ligne.  Il  s’est  développé  de   manière   importante  auprès  des   entreprises et des particuliers. Cluster Regroupement,   sur   un   même   territoire,   d’entreprises,   d’établissements   d’enseignement   supérieurs,   d’organismes   de   recherche   publics   ou   privés,   qui  ont  vocation  à  travailler  en  synergie  pour  mettre  en  œuvre  des  projets   de   développement   économiques   pour   l’innovation. Les pôles de compétitivité constituent à ce titre des clusters en   ce   qu’ils   fédèrent   des   organisations dans le but de spécialiser un territoire sur un secteur d’innovation  identifié. Coffres forts numériques Les coffres forts numériques sont des espaces de stockage en ligne destinés à conserver des documents numériques de manière sécurisée. Communs (ou biens communs) Les   “communs”   (ou   biens   communs)   sont   des   ressources   gérées   par   une   communauté, qui en définit les droits d'usage, organise son propre mode de gouvernance, et défend les ressources contre les risques d'enclosure (voir définition). Il peut s'agir d'une communauté locale gérant une ressource matérielle (ex : un jardin partagé) ou d'une communauté globale gérant une ressource immatérielle (ex : Wikipédia). L'approche par les communs constitue une alternative à la gestion par l'État ou par des acteurs privés. Consommation collaborative “La   consommation   collaborative   est   un   modèle   économique   favorisant   l’usage  plutôt  que  la  possession  et  permettant  d’optimiser  les  ressources  via   le  partage,  le  troc,  la  revente,  le  prêt  ou  le  don  de  biens  et  services.”  (Source: Rachel Botsman, What's Mine Is Yours: The Rise of Collaborative Consumption, 2010) Copyfraud La   “copyfraud”   est   une   pratique   frauduleuse   consistant   à   effectuer   une   déclaration   de   droit   d’auteur   pour   acquérir   le   contrôle   d’un   contenu   normalement accessible librement. Corporate venture (ou capital- Le corporate-venture est une forme spécifique de capital-investissement, définie  comme  l’investissement  d’une  entreprise  dans  une  autre  entreprise,  
  • 387. ANNEXES Ambition numérique386 investissement d’entreprise) en   général   d’un   grand   groupe   dans   une   PME   ou   startup   innovante.   On   distingue   les   dispositifs   d’investissement   directs   dans   une   entreprise des dispositifs   indirects   par   l’intermédiaire   des   fonds   d’entreprises,   auxquels   elle délègue la gestion des investissements, et qui, le cas échéant, peuvent rassembler plusieurs grandes entreprises (réalisant ainsi des synergies). Démocratie sanitaire La démocratie sanitaire est une démarche qui vise à associer l'ensemble des acteurs   du   système   de   santé   dans   l'élaboration   et   la   mise   en   œuvre   de   la   politique de santé, dans un esprit de dialogue et de concertation (Source : ARS  d’Ile  de  France). Design des services publics Le design des services publics est entendu comme un mode de conception qui   part   de   l’expérience   (besoins,   émotions,   contextes   d’usages,   supports)   de   l’ensemble   des   utilisateurs   (citoyens,   agents   publics…),   intègre   différentes expériences et expertises dans le processus de génération des idées,   et   procède   par   tests   successifs   dans   l’optique   d’améliorer   en   permanence les services. Disruption La   disruption   renvoie   à   l’introduction   de   ruptures   dans   les   manières   de   penser, de construire, de présenter, de distribuer un produit ou un service (via  une  innovation  technologique,  un  changement  de  modèles  d’affaires,  de   procédés, etc.). Le produit ou service devient beaucoup plus accessible et moins   coûteux   et   bouleverse   le   marché   jusqu’alors stabilisé. Cette transformation de marché implique alors une adaptation des acteurs établis sur le marché. Documents administratifs Sont considérés comme des documents administratifs, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Les données publiques sont contenues dans les documents administratifs. Domain Name System (DNS) Le  Domain  Name  System  est  un  système  permettant  d’associer  des  noms  en   langage courant (par exemple www.contribuez.fr) à des adresses numériques (type une adresse  IP,  composée  d’une  suite  de  chiffres).   Domaine public Le  domaine  public  désigne  toutes  les  inventions,  les  œuvres  de  l’esprit,  les   données, les découvertes, les démonstrations scientifiques et les informations brutes, disponibles pour toute publication, réutilisation ou
  • 388. ANNEXES Ambition numérique 387 modification, sans la nécessité de négocier une autorisation. Par extension, on parle de domaine public consenti quand les auteurs ou inventeurs décident volontairement, par le biais de licences, de placer leurs travaux sous un régime autorisant les réutilisations, sans attendre l'expiration de l'exclusivité des droits patrimoniaux. Données de référence ou données pivots Les données pivots sont des données de référence servant à nommer ou à identifier des entités (notamment des produits, des entités économiques, des territoires ou des acteurs - personnes physiques et morales). Ces référentiels sont indispensables pour lier des bases de données de nature hétérogène et construire une architecture informationnelle unifiée. L’ouverture  en  open  data  de  ces  données  permettrait  de  donner  sa  pleine   efficacité au projet du web des données (Linked Open Data). DRM Le digital rights management (DRM), ou la gestion numérique des droits (GND) désignent des dispositifs techniques destinés à contrôler l'utilisation qui  est  faite  des  œuvres  numériques.  Ces  dispositifs peuvent s'appliquer à tous types de supports numériques physiques (disques, DVD, Blu-ray, logiciels, etc.) ou de transmission (télédiffusion, services Internet, etc.). Économie collaborative L’économie  collaborative  désigne  “les  pratiques  et  les  modèles économiques organisés   en   réseaux   ou   communautés   d’usagers.”   (Source:   OuiShare,   2012). Elle comprend la consommation collaborative, le crowdsourcing, le crowdfunding, les monnaies virtuelles, ou encore la production en commun. Le périmètre du phénomène et sa qualification même (économie pair   à   pair,   économie   collaborative,   économie   du   partage…)   sont   très   discutés, mais encore mal connus, difficiles à cerner et peu mesurés. Economie sociale et solidaire Le concept d'économie sociale et solidaire (ESS) désigne un ensemble d'entreprises organisées sous forme de coopératives, mutuelles, associations, ou fondations, dont le fonctionnement interne et les activités sont fondés sur un principe de solidarité et d'utilité sociale. Empreinte normative Elle consiste   à   “joindre   à   tout   texte   normatif   la   liste   des   personnes   entendues et des contributions reçues dans le cadre de son élaboration, sa rédaction  et  son  entrée  en  vigueur  à  l’échelle  législative  et  réglementaire“   (Source : étude de Transparency International  France  sur  “Transparence  et   intégrité   du   lobbying,   un   enjeu   de   démocratie”   et   rapport   Nadal   sur   “La   transparence  de  la  vie  publique”).
  • 389. ANNEXES Ambition numérique388 Enclosure L’enclosure désigne  à  l’origine  l’action  d’enclore  un  champ.  Le  mouvement   d’enclosure   fait   plus   généralement   référence   à   l'appropriation   par   des   propriétaires privés d'espaces préalablement dévolus à l'usage collectif. Equity En anglais, le terme equity correspond aux   actions   d’une   société.   Il   représente   donc   les   apports   des   actionnaires   de   l’entreprise   lors   de   sa   création,  ou  lors  d’augmentations  de  capital.  Les   private equity désignent les actions non cotées sur des marchés boursiers conventionnels (public equity : actions  qui  font  l’objet  de  cotations  sur  un  marché).  Le  terme  equity gap souvent employé dans le monde du capital-investissement correspond à   un   “trou   de   financement”   des   entreprises.   En   Europe,   il   correspond   principale   aux   phases   de   développement   et   d’expansion   de   l’entreprise   (tickets  autour  de  10  millions  d’euros). Espace public numérique (EPN) Destiné à l'accompagnement de tous les publics aux usages numériques, un espace public numérique (EPN) propose des activités d'initiation ou de perfectionnement  variées  et  encadrées,  par  le  biais  d’ateliers  collectifs,  mais   également dans le cadre de médiations individuelles et de plages réservées à la libre consultation. Exception pédagogique L'exception pédagogique, ou plus exactement « l'exception à des fins d'enseignement et de recherche » régie par l'article 122-5 3° de la loi DAVDSI   du   1er   août   2006   déroge   au   principe   du   droit   d’auteur   en   permettant à l'utilisateur d'effectuer des représentations ou des reproductions sans l'accord de l'auteur. Cette dérogation a pour objectif de légitimer   les   actes   de   reproductions   et   de   représentations   d'œuvres   protégées sans l'accord de leur auteur, à des fins d'enseignement et de recherche (source : Centre national de documentation pédagogique). Fab lab Un fab lab (contraction de l'anglais fabrication laboratory, « laboratoire de fabrication ») est un lieu ouvert au public où il est mis à sa disposition toutes sortes d'outils, notamment des machines-outils pilotées par ordinateur, pour la conception et la réalisation d'objets. Financement participatif (crowdfunding) Le financement participatif est un mode de financement de projets désintermédié, permettant de lever des fonds, le plus souvent via une plateforme en ligne. Il se présente sous plusieurs formes :
  • 390. ANNEXES Ambition numérique 389 - le mécénat participatif, ou crowd sponsoring (don sans contrepartie, don avec contrepartie non financière) ; - l’investissement   participatif   ou   crowd investing (modes de financement   participatif   avec   contrepartie   financière,   c’est-à-dire soit avec partage   de   bénéfices,   soit   par   l’émission   de   titres   financiers) ; - le prêt participatif ou crowd-lending (avec ou sans remise d’intérêts). Fournisseur d’accès à distance (FAI) Un fournisseur d'accès à Internet (FAI), est un organisme (généralement une entreprise mais parfois aussi une association) offrant une connexion à Internet. France Connect France Connect est un projet mené par la Direction interministérielle des systèmes  d’information  et  de  communication  (DISIC)  qui  a  pour  objectif  de   mettre en place un   système   d’authentification   et   d’identification   unique   pour les démarches administratives en ligne et de faciliter les échanges d’informations  entre  les  administrations. Gouvernement ouvert Le gouvernement ouvert est un mode de gouvernance qui promeut la transparence  et  la  participation  citoyenne.  Il  s’appuie  sur  l’open  data  et  les   méthodes de co-construction des politiques publiques. L’Open   Governement Partnership est une initiative multilatérale (que la France a rejoint en mai 2014) qui vise à obtenir des engagements concrets de la part des gouvernements pour promouvoir le gouvernement ouvert. Gouvernementalité algorithmique Mode   de   gestion   qui   repose   sur   le   traitement   par   des   algorithmes   d’un   grand nombre de données brutes et quantifiables. Trois caractéristiques principales de la gouvernementalité algorithmique peuvent être définies : - la détermination des décisions ne fait pas appel à une déduction humaine mais uniquement à une logique inductive et statistique assumée  par  l’algorithme  ;; - la gouvernementalité algorithmique fait appel davantage à la prévision  statistique  des  comportements   qu’à  l’analyse  des  causes   et des conséquences ; - la gouvernementalité algorithmique entraîne une personnalisation des décisions.
  • 391. ANNEXES Ambition numérique390 Hackathons Événements où des développeurs et des innovateurs se réunissent, autour d’un   objectif   défini,   pour   faire   de   la   programmation   informatique   collaborative, sur plusieurs jours. Hébergeurs L'hébergement internet est un service qui consiste à stocker des contenus dans ses serveurs et à les mettre à disposition via Internet. Incubateur Désigne une structure accompagnant la création et le développement d’entreprises  innovantes  (pour  passer  de l’idée  à  l’entreprise).  L’incubateur   apporte  à  l’entreprise  un  savoir-faire, un réseau et des moyens logistiques (locaux, salles de réunion, accès à Internet). Il existe plusieurs types d’incubateurs,   publics   ou   privés.   Depuis   le   milieu   des   années   2000,   sont apparus  les  “incubateurs  de  deuxième  génération”  ou  accélérateurs  (comme   le Y-Combinator aux Etats-Unis ou le SeedCamp au Royaume-Uni), qui proposent  des  aides  à  la  création  d’entreprise  en  échange  d’actions. Innovation ouverte L’innovation  ouverte  suppose  que  l’entreprise  aille  chercher  à  l’extérieur  ou   autrement, les idées et connaissances dont elle a besoin pour innover, et permette  à  d’autres  acteurs  de  créer  de  la  valeur  à  partir  de  ces  innovations. Deux types : Selon la modalité outside-in,   l’entreprise va chercher des ressources à l’extérieur  pour  améliorer  ses  capacités  d’innovation  ;; Selon la modalité inside-out, l’entreprise  développe   de  nouveaux  modèles   de valorisation de sa propriété intellectuelle (ouverture de ses brevets, open data, nouvelles licences, etc.). Différentes   manière   de   “faire”   de   l’innovation   ouverte   existent   :   la   résolution  de  problèmes,  le  concours  d’idées,  les  plateformes  participatives   et   les   réseaux   sociaux   d’entreprises,   les   communautés   de   bêta-testeurs, l’utilisation   de l’open   data   et   des   APIs,   les   partenariats   avec   les   entrepreneurs,  le  “corporate-venturing”. Innovation sociale Le   Conseil   supérieur   de   l’économie   sociale   et   solidaire   (CSESS)   définit   l’innovation  sociale  comme  “des  réponses  nouvelles  à  des  besoins  sociaux nouveaux ou mal satisfaits dans les conditions actuelles du marché et des politiques sociales, en impliquant la participation et la coopération des acteurs concernés, notamment des utilisateurs et usagers. Ces innovations
  • 392. ANNEXES Ambition numérique 391 concernent aussi bien le produit ou  le  service,  que  le  mode  d’organisation,   de distribution, dans des domaines comme le vieillissement, la petite enfance,   le   logement,   la   santé,   la   lutte   contre   la   pauvreté,   l’exclusion,   les   discriminations, etc. Elles passent par un processus en plusieurs démarches :   émergence,   expérimentation,   diffusion,   évaluation.”   (Source:   Rapport de synthèse du groupe de travail innovation sociale du CSESS) Interface de programmation (API) Interface  qui  permet  à  un  logiciel  d’offrir  des  services  à  d’autres  logiciels. Ce système  est  principalement  utilisé  pour  permettre  l’intégration  de  nouveaux   services  à  une  plateforme  et  l’interrogation,  par  un  programme,  d’une  base   de données externe. Interopérabilité Capacité que possède un produit ou un système à fonctionner avec d'autres produits ou systèmes existants ou futurs sans restriction d'accès ou de mise en  œuvre  (Source  :  Wikipédia). Lanceurs d’alertes Le  lanceur  d’alerte  est  «  tout  employé  qui  signale  un  fait  illégal,  illicite  ou   dangereux pour autrui, touchant   à   l’intérêt   général,   aux   instances   ou   aux   personnes   ayant   le   pouvoir   d’y   mettre   fin”   (Source   :   Transparency   international). Liberté de panorama La liberté de panorama est une exception au droit d'auteur par laquelle il est permis de reproduire et   de   diffuser   l’image   d’une   œuvre   protégée   se   trouvant   dans   l'espace   public,   notamment   les   œuvres   d’architecture   et   de   sculpture. Licences ouvertes Une licence de libre diffusion ou licence ouverte est une licence s'appliquant à  une  œuvre  de  l'esprit  par  laquelle l'auteur concède certains des droits que lui offre le droit d'auteur quant à l'utilisation, à la modification, à la rediffusion  et  à  la  réutilisation  de  l'œuvre  dans  des  œuvres  dérivées. Littératie La   littératie   désigne   “l'aptitude   à   comprendre   et à utiliser le numérique dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre  des  buts  personnels  et  d’étendre  ses  compétences  et  capacités”   (Source : OCDE). Logiciel libre Un logiciel libre est un logiciel dont l'utilisation, l'étude, la modification et la duplication en vue de sa diffusion sont permises, techniquement et légalement. Ceci afin de garantir certaines libertés induites, dont le contrôle du programme par l'utilisateur et la possibilité de partage entre individus.
  • 393. ANNEXES Ambition numérique392 Un   logiciel   libre   n’est   pas   nécessairement   gratuit.   L’open source, qui implique   également   que   le   code   source   d’un   logiciel   est   ouvert   et   réutilisable, est un concept similaire. Loyauté La loyauté est un principe  du  droit,  réinterprété  à  l’aune  des  plateformes  de   services   sur   Internet.   Pour   ces   grands   acteurs   d’Internet,   la   loyauté   se   décline  dans  des  obligations  générales  de  transparence,  d’information  et  de   non-discrimination : à la fois vis-à-vis de leurs clients et utilisateurs, particuliers comme professionnels. En tant que principe transverse, la loyauté   vise   à   pallier   certaines   difficultés   du   droit   à   s’appliquer   dans   un   environnement numérique extrêmement mouvant. Marché public Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre des pouvoirs adjudicateurs (Etat, établissements publics administratifs, collectivités territoriales, établissements publics locaux) et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services. Médiation La médiation humaine est un accompagnement des usagers dans le but de les  aider  à  s’approprier  les  services  numériques  publics  ou  privés,  dans  le   cadre de la dématérialisation croissante d’un   certain   nombre   de   ces   services. Métadonnées Une métadonnée est une donnée servant à décrire ou à définir une autre donnée. Pour les communications électroniques, cela désigne donc les traces   laissés   par   une   personne,   à   l’exception   du   contenu   des   échanges (coordonnées géographiques et temporelles relatives à une communication par exemple). Modes alternatifs de résolution des litiges Les modes alternatifs de règlement des litiges (MARL) constituent un ensemble de dispositifs et de pratiques qui, tout à la fois, se distinguent des procédures judiciaires classiques et les complètent. Plusieurs MARL existent  :  la  conciliation,  la  médiation,  la  transaction  et  l’arbitrage. MOOC / SPOC MOOC (massive open online course) : cours en ligne ouvert à tous et à distance car enseignants et élèves communiquent uniquement par Internet. SPOC (small private online course) : la différence réside dans le fait que les participants sont moins nombreux car seulement une trentaine sont sélectionnés en amont et que ces formations à distance sont diplômantes.
  • 394. ANNEXES Ambition numérique 393 Neutralité du net La   neutralité   d’Internet   est   le   principe   selon   lequel   l'ensemble   du   trafic   Internet est traité de façon égale, sans discrimination et indépendamment de l'expéditeur, du destinataire, du type de contenu, de l'appareil, du service ou de l'application. Open hardware L’open hardware (ou matériel libre) consiste à transposer les principes du logiciel  libre  aux  matériels  tangibles  (machines,  outils,  objets,  dispositifs…),   en rendant leurs plans publics, utilisables et modifiables. Open lab Les open labs sont des laboratoires ouverts qui facilitent les collaborations et la créativité afin de diffuser plus largement la culture de l’expérimentation  (prise  de  risque  mesurée,  observation  de  terrain,  droit  à   l’erreur,  etc.)  et  de  l’innovation  ouverte.  Dans  le  cadre  de  l’action  publique,   ils ont pour vocation de mettre en relation des agents publics et des acteurs externes   à   l’administration   (acteurs   privés,   chercheurs   en   sociologie,   en   sciences politiques, designers) pour la conduite de projets collaboratifs. Ces laboratoires   fonctionnent   sur   la   base   d’une   grande   souplesse   organisationnelle et permettent à chacun de contribuer de manière libre et autonome à un projet. (Ouverture) des données publiques Les données publiques sont toutes les données collectées ou produites par un État, une collectivité territoriale ou un organe parapublic, lors de leurs activités de service public et qui doivent être publiées ou mises à disposition du public. Plateformes Une plateforme  est  un  service  occupant  une  fonction  d’intermédiaire  dans   l’accès  aux  informations,  contenus,  services  ou  biens  édités  ou  fournis  par   des tiers. Au-delà de sa seule interface technique, elle organise et hiérarchise les contenus en vue de leur présentation et leur mise en relation aux   utilisateurs   finaux.   A   cette   caractéristique   commune   s’ajoute   parfois   une dimension écosystémique caractérisée par des interrelations entre services convergents. Portabilité La portabilité consiste en la possibilité, pour un individu, de se voir restituer  les  données  collectées  dans  le  cadre  de  son  utilisation  d’un  service   afin   de   d’en   faire   usage   personnellement   ou   de   le   partager   à   d’autres   services.
  • 395. ANNEXES Ambition numérique394 Pure players Désigne  les  entreprises  dont  l’activité  est  exercée uniquement sur Internet. Quantified self Le quantified self est un mouvement qui regroupe les outils, les principes et les méthodes permettant à chacun de mesurer ses données personnelles, de les analyser et de les partager. Les outils du quantified self peuvent être des objets connectés, des applications mobiles ou des applications Web. Rétroingénierie La rétro-ingénierie consiste à étudier un objet pour en déterminer le fonctionnement interne ou la méthode de fabrication. Service de contournement - Distribution Over the top (OTT) Le service de contournement est un service de livraison d'audio, de vidéo et d'autres médias sur Internet sans la participation d'un opérateur de réseau traditionnel (comme une compagnie de câble, de téléphone ou de satellite) dans le contrôle ou la distribution du contenu (Source : Wikipédia). Services spécialisés Ces   services,   offerts   par   les   opérateurs,   ne   font   pas   partie   d’Internet   :   ils   sont délivrés sur des canaux dédiés, fonctionnent en vases clos et ne pâtissent pas d’un   réseau   qui   peut   être   temporairement   surchargé   ou   inaccessible. Le recours à ces services se justifie pour le développement de services innovants, qui nécessitent une qualité garantie, que ce soit pour des raisons de sécurité, de confidentialité ou encore de temps de latence (télévision et téléphonie sur IP et à terme opérations chirurgicales à distance,  voitures  autonomes…) Spectre L’ensemble   des   fréquences   sur   lesquelles   peuvent   opérer   les   systèmes   de   radiocommunications constitue le "spectre hertzien". Il fait partie du domaine  public  immatériel  et  appartient  à  l’Etat. Startup Une startup désigne une jeune entreprise à fort potentiel de croissance. Pour la plupart, ces entreprises développent une idée, un produit, un modèle économique ou une technologie sur le marché et réalisent des prototypes sur du moyen ou du long terme. Leur potentiel de croissance s’éprouve  dans  la  capacité  de  l’entreprise  à  déployer  rapidement  leur  idée   sur   le   marché,   et   ce   à   l’échelle   internationale,   afin   de   s’imposer   comme   leader mondial dès le départ. Télémédecine La  télémédecine  est  une  des  formes  de  coopération  dans  l’exercice  médical,   mettant  en  rapport  à  distance,  grâce  aux  technologies  de  l’information  et  de   la communication, un patient (et / ou les données médicales nécessaires) et un ou plusieurs médecins et professionnels de santé, à des fins médicales de
  • 396. ANNEXES Ambition numérique 395 diagnostic, de décision, de prise en charge et de traitement dans le respect des règles de la déontologie médicale (Source : livre blanc sur la télémédecine du Conseil  national  de  l’Ordre  des  médecins). THD La notion de « très haut débit » est relative dans la mesure où les technologies évoluent. Néanmoins, conformément à la réglementation européenne, le très haut débit est défini par le Plan France Très Haut Débit comme celui supérieur à 30 mégabits par seconde. Tiers-lieux Lieu  ne  relevant  ni  de  l’espace  domestique  ni  de  l’espace  professionnel.  De   nombreux tiers lieux se sont développés dans le domaine du numérique et du travail collaboratif : fab labs, espaces de coworking, incubateurs de startups, etc. Par leur ouverture, ils favorisent la rencontre de profils divers et sont ainsi des lieux privilégiés de partage, de socialisation, mais aussi d’innovation  et  d’entrepreneuriat. Web sémantique Le Web sémantique, aussi   appelé   “Web   des   données”   (ou   Web   3.0),   est   décrit comme une des prochaines évolutions majeures du développement du World Wide Web. Son objectif est de mettre en place une nouvelle manière de relier les contenus sur le web : par exemple, alors qu’aujourd’hui  une  requête  sur  un  moteur  de  recherche  est  traitée  via  une   combinaison  syntaxique,  il  s’agirait,  avec  le  web  sémantique,  de  permettre   une recherche par le sens des mots. Cette architecture fonctionnerait par la mise   en   place   d’ontologies   (un   ensemble de mots, de relations entre les mots et de règles exprimant des contraintes) qui permettrait aux agents automatiques   d’avoir   une   approche   sémantique   et   non   simplement   syntaxique.  L’objectif  du  web  sémantique  est  de  favoriser  l’interconnexion   des contenus  et  donc  la  facilité  d’accès  à  ces  contenus  ainsi  que  l’émergence   de nouvelles connaissances.
  • 398. ANNEXES Ambition numérique 397 Conseil national du numérique Bâtiment Atrium 5 place des vins de France 75573 Paris Cedex 12 [email protected] - @CNNum 01 53 44 21 27 Contact presse: Yann Bonnet 0153442003 [email protected]